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Intervention de Henri de Raincourt

Réunion du 12 janvier 2010 à 15h00
Éloge funèbre de jean-paul charié

Henri de Raincourt, ministre chargé des relations avec le Parlement :

Monsieur le président, mesdames, messieurs les députés, chère madame, de nouveaux défis se présentent, une nouvelle année de travaux législatifs s'annonce, et un ami manque à l'Assemblée pour les aborder.

Jean-Paul Charié, député de la cinquième circonscription du Loiret, nous a quittés le 3 novembre dernier. Sa mort a provoqué la plus vive émotion chez tous ceux qui, comme nous, ont eu le bonheur de faire une partie du chemin de vie avec lui, que ce soit sur les bancs de l'Assemblée nationale ou dans son cher département du Loiret.

Le jour de ses funérailles, à l'abbaye de Saint-Benoît-sur-Loire où nous étions un certain nombre à partager l'émotion d'une foule immense, j'entendais Éric Doligé, président du conseil général du Loiret, rendre hommage à « un homme au caractère entier, doublé d'un grand coeur ». Éric Doligé évoquait toutes les occasions dans lesquelles l'élu enraciné révèle son véritable tempérament : les cérémonies de toute nature – très nombreuses –, les réunions publiques, les séances de travail, la tenue des permanences.

Certains se prêtent aux manifestations de la vie locale par devoir ou par habitude, mais cela se sent et cela se voit. Jean-Paul Charié y mettait d'autant plus d'énergie et de naturel que son propre vécu l'associait à chaque projet du Gâtinais. Sa personnalité séduisait et rassemblait. Son rayonnement fixait pour beaucoup la poésie du quotidien. Son engagement politique a marqué d'une manière mémorable la vie parlementaire de notre pays ces trois dernières décennies. J'en veux pour preuve que, mieux que d'autres, il savait de quelle histoire les chantiers du département du Loiret procédaient ; il les avait lui-même désirés et portés parfois depuis trente années.

Ainsi, quand un musée de la Résistance et de la Déportation s'ouvrait à Lorris, il y déposait, comme un tribut de fidélité, quelques souvenirs ayant appartenu à son père. Par ailleurs, quand le chantier de l'autoroute A 19 s'achevait à Fontenay-sur-Loing, en juin dernier, il surmontait encore sa fatigue pour conclure par un discours retentissant, dont nous avons gardé le souvenir, plusieurs décennies d'études et de négociations. De même, de 1975 à 2003, cet excellent orateur avait placé le Courrier du Loiret qu'il dirigeait au service de l'animation et du débat local.

Jean-Paul Charié est né à Égry, petite commune rurale du canton de Beaune-la-Rolande, au sein d'une famille qui a su lui transmettre les valeurs de la République et de la démocratie : il y apprit le sens de l'engagement et du labeur.

C'est avec fierté et admiration qu'il portait son regard sur son père – le commandant Pierre Charié –, figure emblématique de la Résistance dans le Loiret, chef de réseau pendant cette période douloureuse.

L'engagement politique de son père, élu député du Loiret en 1958, alors que Jean-Paul était bien jeune encore, a très certainement marqué son enfance, bercée par les réunions publiques, les inaugurations, les contraintes et le travail d'un député. Il hérita de son père, qui siégea sur ces bancs jusqu'en 1973, le formidable sens de la proximité, qu'il a su développer avec ses administrés du Loiret, ainsi que ses qualités humaines si nombreuses et généreuses qui le rendaient tellement précieux à leurs yeux.

À pareille école, l'inclination de Jean-Paul Charié pour l'intérêt général et la chose publique ne pouvait que se développer. La personnalité du général de Gaulle et les valeurs attachées au gaullisme achevèrent d'ailleurs de forger ses convictions. Répondant à l'appel des habitants de la cinquième circonscription du Loiret, il décida de se présenter aux élections législatives de 1981, prenant le parti de continuer à cultiver le sillon creusé par son père. Brillamment élu à l'âge de vingt-neuf ans, il siégea pendant vingt-huit années au Palais Bourbon, empli du respect que lui a toujours inspiré cette institution, et animé d'un sens du devoir sans égal, dont il ne se départit jamais.

Nous n'avons, à l'évidence, pas tous suivi Jean-Paul Charié dans les rues de Fleury ou de Pithiviers, saluant, écoutant, encourageant, défendant ses convictions auprès de chacun, mais tous, au sein de l'Assemblée nationale, vous avez reconnu sa compétence, son autorité et sa gentillesse. Dès son premier mandat, il avait manifesté une connaissance exacte des problématiques de l'artisanat, du commerce et des petites et moyennes entreprises.

Six fois réélu, toujours fidèle à ce mandat de député dans lequel il s'investissait sans compter, il avait élevé cette connaissance au niveau d'une véritable expertise. Auteur de rapports majeurs sur la loyauté des pratiques commerciales, Jean-Paul Charié était devenu, au gré des missions que la représentation nationale avait su lui confier, le spécialiste de questions aussi actuelles que la compétitivité numérique des entreprises, l'urbanisme commercial, le développement des foires et salons français, la refonte des rapports entre fournisseurs et distributeurs.

Rapporteur de la loi de modernisation de l'économie, il avait occupé dans ce cadre la présidence de la commission d'examen des pratiques commerciales dont il avait inspiré la création. Vingt ans durant, les majorités successives, ici même, ont salué son pragmatisme et son sens du bien commun en le choisissant comme rapporteur spécial du budget des PME.

Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, au plus dur de ses dernières épreuves, Jean-Paul Charié travaillait encore à réformer le code de l'urbanisme commercial pour rendre l'initiative aux élus et pour restaurer la diversité commerciale au coeur de nos villes. Durant l'automne dernier, il réunissait encore fournisseurs, distributeurs, partenaires institutionnels, autour d'un pacte de bonnes relations dont il achevait la synthèse.

Au coeur de la crise économique et financière, il luttait toujours pour défendre la libre concurrence et ses vertus, mais aussi pour rapprocher intelligemment les entreprises du monde politique par le décloisonnement de leurs cultures.

Ces combats ne disparaissent pas avec lui. Je sais que l'Assemblée nationale aura à coeur de les poursuivre.

Lors de la cérémonie de ses funérailles, je rappelais les mots du général de Gaulle que Jean-Paul Charié affectionnait tant. Il disait en substance que le destin de la France évoquait en lui l'héritage du passé, les obligations du présent et l'espoir de l'avenir. Aujourd'hui, de nouveau, je tiens à rappeler au nom du Gouvernement que l'héritage du passé, Jean-Paul Charié a su l'assimiler et le faire fructifier en honorant de son engagement la représentation nationale ; qu'aux obligations du présent, Jean-Paul Charié ne s'est jamais soustrait, mais qu'il y a toujours fait face avec lucidité, courage et sens du devoir ; que l'espoir de l'avenir, enfin, s'est lu dans chacun des combats politiques qu'il a menés et qui nous inspireront. Puissions-nous, chacun à notre manière, les poursuivre sans relâche.

À vous, madame, à vos enfants, à votre famille, je veux redire au nom du Gouvernement la part que nous prenons à la peine légitime que vous éprouvez. Je veux aussi exprimer au groupe auquel il appartenait, à la commission dans laquelle il siégeait, tous les sentiments que les membres du Gouvernement ressentent en cet instant.

Au nom du Gouvernement de la République française, je veux, simplement, mais solennellement, rendre à Jean-Paul Charié l'hommage de la France reconnaissante.

(Mmes et MM. les députés, ainsi que Mmes et MM. les membres du Gouvernement, observent une minute de silence.)

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