Nous demeurons donc dubitatifs quant à la possibilité de préserver le caractère public du capital de l'entreprise en cas d'abandon du statut d'établissement public, car les grandes entreprises publiques qui ont été soumises au même processus de transformation en société anonyme ont fini par connaître une privatisation. Celle de GDF et sa fusion avec Suez l'illustrent parfaitement. Ce que nous dénonçons, monsieur le ministre, c'est le non-respect de la parole donnée et cela par le plus haut personnage de l'État.
Par ailleurs, et nous n'avons eu de cesse de le rappeler tout au long du débat sur ce texte, la décision du Conseil constitutionnel, suite à sa saisine sur l'ouverture du capital de GDF, nous a révélé qu'il suffisait que GDF ne soit pas un monopole public pour qu'il puisse être privatisé. C'est précisément ce que vous faites avec La Poste.
La meilleure garantie pour assurer un service public de qualité est d'en confier l'exercice à un organisme de droit public, totalement contrôlé par la puissance publique et géré par ses soins. L'intérêt de l'État, c'est l'intérêt général. L'intérêt des entreprises, porté par la Commission européenne, relayé par les lobbies et par vous-même, monsieur le ministre, c'est le profit.
Le changement de statut de La Poste est une option idéologique. Sinon, nous nous demanderions pourquoi, à en croire le régime des aides publiques minutieusement défini par le droit communautaire de la concurrence, injecter de l'argent frais dans une entreprise publique est devenu illégal. En revanche, subventionner les entreprises privées, via le Fonds stratégique d'investissement, exclusivement alimenté par des fonds publics à hauteur de 21 milliards d'euros, ne fait l'objet d'aucun suivi de l'utilisation de ces aides – ce qu'a dénoncé la Cour des comptes. Or ceci, étrangement, est légal car vous avez créé, de concert avec la Commission européenne dont vous prétendez subir les décisions, les conditions juridiques pour qu'il en soit ainsi.
Alors même qu'aujourd'hui la soumission des services publics aux critères de rentabilité du secteur privé détruit les solidarités sociales et territoriales nationales, vous espérez nous faire croire que la présence postale va se trouver renforcée. Or la transformation de La Poste en société anonyme va la contraindre à une plus grande. rentabilité, aux dépens de ses objectifs sociaux, et la conduire à réduire sa présence dans les zones faiblement peuplées.
Depuis 2005, chaque fois que La Poste noue un partenariat, que ce soit pour une agence postale communale ou pour un relais poste commerçant, elle ferme un bureau de plein exercice. Il est louable d'affirmer que les 17 000 points de contact seront maintenus. Il n'en demeure pas moins qu'il ne reste que 3 600 bureaux de Poste de plein exercice – les bureaux centre. À côté de ces bureaux rescapés, il y a 7 000 bureaux de proximité, généralement pourvus d'un agent et dont la moitié sont ouverts une demi-journée ou quelques heures par semaine.
Contrairement aux agences postales communales et aux « points poste », les bureaux de plein exercice fonctionnent avec un personnel de La Poste. C'est sans doute pourquoi les usagers de ce service public peuvent bénéficier d'une activité de conseil de qualité, dans tous les domaines couverts par La Poste.
Désormais, la grande majorité des opérations financières ne pourra être effectuée dans ces fameux « points poste », qui sont censés, selon vous, offrir le même niveau de service que les bureaux de poste. Il est impossible, par exemple, d'y effectuer des versements sur des comptes, des retraits par chèque à l'ordre d'un tiers, des opérations de gestion de compte comme le changement d'adresse, ou encore d'y envoyer des mandats internationaux. J'ai mentionné lors de notre débat le document fourni par La Poste indiquant l'évolution par département et par région des bureaux de poste, des agences postales communales, du réseau postal chez les commerçants, par rapport à l'évolution du nombre total de points poste. Je citerai quelques exemples portant sur les années 2006 à 2008 qui montrent les effets de la politique que vous voulez à présent accélérer.
Dans le Maine-et-Loire, on comptait 169 bureaux de poste en 2006 ; 145 en 2007 et 143 en 2008. Dans la Marne, on en comptait 129 en 2006, 106 en 2007 et 101 en 2008. Dans la Meuse : 98 en 2006, 86 en 2007 et 77 en 2008. Dans la Nièvre : 97 en 2006, 83 en 2007 et 73 en 2008.