La séance est ouverte.
(La séance est ouverte à quinze heures.)
En application des articles 29 et 30 de la Constitution, je déclare ouverte la deuxième session extraordinaire de 2010-2011, convoquée par décret du Président de la République en date du 1er août 2011.
J'informe l'Assemblée que j'ai pris acte de la cessation le 29 juillet 2011, à minuit, du mandat de député de MM. François Sauvadet, Jean Leonetti, Marc Laffineur, David Douillet et de Mme Claude Greff, nommés membres du Gouvernement par décret du 29 juin 2011.
Par une communication en date du 29 juillet 2011 de M. le ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration, faite en application des articles L.O. 176 et L.O. 179 du code électoral, j'ai été informé du remplacement de MM. Jean Leonetti, Marc Laffineur, David Douillet et de Mme Claude Greff par MM. Michel Rossi, Joseph Bossé, Joël Regnault et Raymond Lancelin, élus en même temps qu'eux à cet effet.
J'ai reçu de M. le Premier ministre des lettres m'informant de ses décisions de charger deux députés de missions temporaires :
– M. Yvan Lachaud, député du Gard, auprès de M. le garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés et de M. le ministre de l'intérieur, de l'outre mer, des collectivités territoriales et de l'immigration ;
– M. Jean-Michel Fourgous, député des Yvelines, auprès de M. le ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche.
Le président de la commission des finances vient de me faire savoir que celle-ci n'a pas achevé ses travaux sur le projet de loi de finances rectificative pour 2011. (Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
En conséquence, la séance est suspendue pour dix minutes.
(La séance, suspendue à quinze heures cinq, est reprise à quinze heures vingt.)
Monsieur le président, monsieur le président de la commission des finances, monsieur le rapporteur général, mesdames et messieurs les députés,…
ce projet de loi de finances rectificative, que nous vous présentons avec Valérie Pécresse, est sans conteste un rendez-vous d'importance.
Il met en oeuvre les avancées décidées lors du sommet des chefs d'État et de gouvernement du 21 juillet 2011, organisé sous l'impulsion du Président de la République française et de la chancelière allemande. Il intègre également les mesures annoncées par le Premier ministre le 24 août 2011.
L'examen de ce texte en session extraordinaire permet à la France d'être le premier pays de la zone euro à s'engager dans la procédure d'adoption des décisions essentielles prises le 21 juillet : nous pouvons tous nous en féliciter.
Notre programme de stabilité prévoit la réduction de notre déficit public à 5,7 % du PIB en 2011, à 4,6 % en 2012 et à 3 % en 2013.
Notre objectif est de revenir au niveau de déficit que nous connaissions en 2013, avant la crise.
Cette trajectoire, qui a été validée par la Commission européenne, est jugée pertinente par l'OCDE et le FMI. Elle nous engage vis-à-vis de ces institutions internationales, mais aussi vis-à-vis de nos concitoyens, qui se déclarent majoritairement en faveur d'une réduction rapide de notre endettement. Tous donnent raison au Premier ministre, qui a rappelé récemment que « le seuil de tolérance à l'endettement est désormais dépassé ».
Mi-août, les premières estimations de l'INSEE ont confirmé le ralentissement de la croissance au deuxième trimestre. Nous avions anticipé ce ralentissement, qui s'est toutefois révélé plus important que prévu. Nous avons en conséquence décidé d'ajouter à ce projet de loi de finances rectificative un ensemble de nouvelles mesures rendues nécessaires par la situation.
L'objectif est de consolider nos recettes afin de respecter nos engagements internationaux, de maintenir le cap que nous nous sommes fixé dans la réduction de notre endettement et de garantir l'objectif intangible de déficit public, fixé à 5,7 % du PIB pour cette année.
Mesdames, messieurs, sur les marchés financiers, la journée d'hier a été une nouvelle fois difficile. Confronté à cette situation, je veux délivrer deux messages.
Mon premier message est le suivant : nous devons avoir un discours de vérité. Nous ne devons pas vivre dans le déni de la réalité.
Bien sûr, il y a des difficultés.
Il est important de les nommer.
Première difficulté : les marchés digèrent actuellement les chiffres de l'activité aux États-Unis et pensent que la croissance mondiale peut en être affectée, dans un contexte où les États-Unis vont devoir à terme se serrer la ceinture. (Exclamations sur les bancs du groupe GDR.) Il est incontestable que la puissance symbolique de la dégradation de la note des États-Unis provoque des interrogations. Nous regarderons de façon extrêmement précise l'évolution des indicateurs.
Seconde difficulté : les investisseurs doutent de la capacité de certains États de la zone euro à rembourser leur dette.
La semaine dernière, le départ d'Athènes des experts de la Commission, de la BCE et du FMI a été interprété comme un signe de manque d'implication de la Grèce. Certaines prises de position en Finlande ou en Slovaquie peuvent également créer l'impression que la gouvernance européenne est bloquée. Cela pèse sur la volonté des grands investisseurs internationaux de refinancer la dette des États de la zone et également sur les cours des banques, notamment européennes, qui inscrivent à leur bilan une partie de la dette de ces États.
Face à ce constat, qui est la réalité nue, je veux délivrer un second message, qui est un message de confiance.
S'agissant de la croissance : nous sommes en discussion avec tous nos partenaires pour nous concerter sur la bonne politique économique : celle qui permettra à la croissance de se maintenir et qui permettra aussi de créer des emplois et de rembourser nos dettes.
Le président Obama doit dire cette semaine quels sont ses projets en la matière : cela nous intéresse tous. Nous ne sommes pas sur une île. Je verrai ensuite, à Marseille, mes homologues et les gouverneurs des banques centrales des pays du G7 pour discuter d'une réponse à la fois coordonnée et adaptée à la situation économique et budgétaire de chacun.
S'agissant de la dette de la zone euro, rappelons une nouvelle fois quelques vérités. Tout d'abord, les fondamentaux de la zone euro sont bons : la zone euro est d'ailleurs moins endettée au total, dettes publique et privée confondues, que les États-Unis ou, a fortiori, que le Japon.
Aux États-Unis, à une dette publique importante s'ajoute une dette privée élevée. Les conditions particulières de ce cumul auxquelles s'ajoute l'incertitude politique, les difficultés de négociation entre l'administration Obama et le Congrès républicain ont créé des interrogations. La zone euro, quant à elle, a des fondamentaux solides. Nous devons certes régler une question de dette publique, mais le taux d'épargne et l'endettement privé n'ont rien à voir avec ceux des États-Unis. J'ajoute que les déficits en zone euro sont plus faibles qu'outre-Atlantique.
Je veux soumettre à votre réflexion un second élément : les banques de la zone ont subi en juillet des tests de résistance qui sont les plus durs jamais réalisés. Entre les deux séquences des stress tests, est intervenue une augmentation des fonds propres d'un certain nombre de banques. La direction empruntée est la bonne : ces évolutions sont positives et significatives. Les stress tests ne prennent pas en compte le défaut d'un État souverain ; nous sommes en train de mettre en place tous les outils qui permettent d'éviter un tel défaut. C'est bien la raison pour laquelle la réussite aux stress tests nous permet d'avoir confiance dans la solidité du modèle bancaire européen, et singulièrement dans celle des banques françaises qui ont passé ces tests. S'agissant des banques européennes, seules neuf petites banques sur quatre-vingt-onze ont échoué et aucune d'entre elles n'est française.
Enfin, les chefs d'État et de gouvernement ont décidé le 21 juillet dernier ce plan d'action complet en faveur de la Grèce et de la zone euro. Ce qu'il nous faut, c'est montrer aux marchés que nous sommes crédibles dans la mise en oeuvre de ce plan. Les discussions sur le programme grec continuent. Nous nous mettons par ailleurs tous en situation d'adopter le plus tôt possible les modifications du Fonds européen de stabilité financière – il s'agit, en quelque sorte, des prémices du « Fonds monétaire européen ».
Dans ce contexte, mesdames et messieurs les députés, monsieur le président, nous aurons l'honneur de vous présenter dans un premier temps les nouvelles modalités de notre soutien à la Grèce, pour ensuite revenir sur cet ensemble de mesures que nous estimons cohérentes, réalistes et équilibrées.
Avant de traiter de la mise en oeuvre du plan de soutien à la Grèce décidée lors du sommet du 21 juillet 2011, je veux au préalable souligner la grande réactivité du Président de la République. (Exclamations et sourires sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
Aux côtés d'Angela Merkel, il a su faire preuve de l'efficacité et du pragmatisme qu'exigeait l'aggravation de la crise de la dette souveraine en Europe. Avec l'ensemble des pays de la zone euro, ils ont décidé de nouvelles mesures innovantes, visant à définir une réponse à la crise de la dette grecque et à mettre un terme aux risques de contagion.
Le 21 juillet 2011, les chefs d'État et de gouvernement ont décidé d'un ensemble de mesures, poursuivant plusieurs objectifs que je veux énumérer.
Il s'agit tout d'abord d'accroître la soutenabilité de la dette grecque. Ils ont ainsi élaboré un nouveau programme d'assistance et une stratégie globale en faveur de la croissance et de l'investissement en Grèce. S'y ajoutent ensuite les objectifs suivants : aligner les conditions des prêts accordés à l'Irlande et au Portugal sur les nouvelles conditions du prêt à la Grèce ; conforter les stratégies de redressement des finances publiques dans la zone euro ; renforcer la gouvernance économique européenne d'ici à l'automne prochain. Enfin, ces mesures doivent permettre d'élargir les modalités d'intervention du Fonds européen de stabilité financière.
Ce projet de loi de finances rectificative pour 2011 vise à étendre la garantie de l'État aux nouvelles modalités d'intervention du Fonds européen de stabilité financière. Jusqu'à présent, la garantie de l'État était réservée aux seuls prêts directs à des États membres de la zone euro.
Les chefs d'État et de gouvernement ont aussi décidé de porter à 440 milliards d'euros la capacité effective de prêt du Fonds européen de stabilité financière. Le plafond de garantie que la France apporte est de 159 milliards. Il s'agit d'une garantie, et non pas d'un prêt ou de versements effectués à la Grèce. Cet élément d'information vise à prendre le contre-pied des idées reçues propagées ici ou là pour miner ces perspectives.
De plus, le Fonds européen de stabilité financière aura désormais la capacité, tout d'abord, d'intervenir de manière préventive pour fournir une aide à un État en cas de difficulté transitoire, ensuite, d'aider un État à recapitaliser son secteur bancaire en cas de nécessité et, enfin, d'intervenir sur le marché secondaire lorsque la Banque centrale européenne indiquera que ce marché est défaillant. Ce dernier point est un élément très important des décisions prises par les chefs d'État et de gouvernement le 21 juillet dernier car, jusqu'à présent, le Fonds n'avait pas la possibilité d'intervenir sur le marché d'occasion des dettes.
Le sommet européen du 21 juillet est donc historique puisque, outre la définition d'un deuxième plan de soutien à la Grèce, le rallongement de la maturité des prêts et la baisse des taux, il a permis d'offrir au FESF une nouvelle possibilité, dont l'absence faisait naître des incertitudes et des interrogations chez les investisseurs et sur les marchés. Il s'agit d'une avancée significative. J'ajoute que, dans ce domaine, le Fonds agira naturellement en lien avec la BCE.
Monsieur Emmanuelli, autant dire : « La démocratie, ça ne marche pas. » (Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.) Au fond, la grande difficulté, après le 21 juillet, réside dans le fait qu'après le temps des décisions des chefs d'État et de gouvernement vient celui de la démocratie. Votre présence est précieuse et importante pour la qualité de nos débats. Faut-il rappeler que ces décisions ont été prises, non pas au nom de la droite, de la majorité ou même du Gouvernement, mais au nom de la France. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.) Il s'agit d'aider la Grèce – qui est du reste dirigée par un gouvernement dont vous partagez les idées –, mais aussi nos amis italiens et espagnols, qui sont également en difficulté. Tout cela doit vous intéresser, monsieur Emmanuelli. En disant que cela ne marche pas, vous vous faites le modeste porte-parole des marchés et des spéculateurs, ceux-là mêmes que vous pourfendez et dénoncez, sans jamais apporter de réponse ! (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC. – Protestations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
Par ailleurs, je veux souligner que les prêts accordés par le FESF aux États en difficulté constituent une opération financière sans effet sur le niveau de déficit public – là encore, il faut arrêter les mensonges : une addition de mensonges ne fera jamais une vérité. En revanche, il est vrai que la dette publique de la France sera augmentée au fur et à mesure des emprunts contractés par le FESF, à due proportion de la participation de la France au fonds. Cette dette est strictement comptable et n'a aucun impact sur la charge d'intérêt de la dette.
Aux côtés de la France, l'Allemagne entamera très prochainement sa procédure d'adoption des décisions du sommet du 21 juillet. L'engagement résolu des deux principaux contributeurs du Fonds européen de stabilité financière sera un signal fort pour l'ensemble de nos partenaires et pour les investisseurs. Il est donc souhaitable que l'adoption de ce texte se fasse sans délai.
Second point du projet de loi de finances rectificatives que je vous présente avec Valérie Pécresse : le respect de nos engagements en matière de réduction des déficits publics rend nécessaire un ensemble de mesures complémentaires. Le Gouvernement suit ainsi son chemin de responsabilité, de crédibilité, de sincérité et d'exigence. (Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.) Je sais que ni la responsabilité, ni la crédibilité, ni la sincérité ni, donc, l'exigence, ne font partie du dictionnaire de la rue de Solferino ; c'est indiscutable. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC. – Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
Il me semble important de rappeler que les effets de la crise sur l'activité ont été beaucoup plus limités en France que chez la plupart de nos principaux partenaires. La France a fait partie des tout premiers pays à être sortis de croissance est redevenue positive. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Plusieurs indicateurs macroéconomiques importants demeurent bien orientés. L'investissement est robuste – plus 0,9 % au deuxième trimestre 2011 – et celui des ménages connaît une forte accélération.
On dénombre 126 000 créations nettes d'emplois durant le premier semestre de cette année, ce qui confirme le dynamisme retrouvé de nos entreprises. (Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.) Je rappelle qu'en 2010 seules 141 000 créations nettes d'emplois avaient été comptabilisées sur l'ensemble de l'année.
Mesdames, messieurs les députés socialistes, vous devez vous féliciter de cette reprise de l'emploi. Ce n'est pas perce que vous organisez des primaires pour sélectionner votre candidat qu'il ne faut pas saluer la réalité des efforts des investisseurs, des chefs d'entreprise, des ménages, bref : des Français ! (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC. – Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Ces deux sujets sont complètement différents, l'état de l'activité économique étant d'ailleurs plus important que le processus de sélection de celui qui portera les couleurs du parti de la rose.
Dans des circonstances aussi particulières – une crise qui, je le rappelle, n'a pas d'équivalent depuis celle de 1929 –, de tels résultats attestent que les réformes structurelles engagées par le Gouvernement ont utilement accompagné cette sortie de crise et consolident les fondamentaux de notre économie. Je veux, bien entendu, parler de la réforme des retraites, de celle des universités, portée avec talent et responsabilité par Valérie Pécresse, des investissements d'avenir ou encore du triplement du crédit impôt recherche. Cette stratégie a payé : nous sommes sortis plus rapidement de la crise (Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR), nous avons connu une récession deux fois moins forte que l'Allemagne et nous avons protégé notre modèle social, auquel nous sommes tous attachés. En faisant jouer les amortisseurs sociaux, en adoptant un plan de relance – que nous avons supprimé lorsque l'économie nous l'a permis –, nous avons pris, dans un calendrier relativement serré, les bonnes mesures.
Ces réformes responsables ont démontré leur efficacité. Pourtant, certains, à gauche, annoncent qu'ils veulent rétablir à soixante ans l'âge de départ à la retraite. Eh bien, je leur souhaite bonne chance, non seulement parce qu'il leur faudra préalablement s'entendre entre eux, mais aussi parce que ceux qui investissent en France ont besoin de crédibilité et de cohérence. (Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.) Or, qui, aujourd'hui, dans le monde, propose la création d'emplois publics et un choc fiscal de 50 milliards ?
Plusieurs députés du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche. Nous !
Que pensez-vous de l'initiative du gouvernement socialiste de M. Zapatero, qui a décidé de réviser la Constitution – c'est la deuxième fois en trente ans – pour y inscrire la règle d'or ? (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC. – Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.) Les cornes de brume de la primaire socialiste vous ont-elles rendus sourds au point de ne pouvoir entendre ce que proposent les socialistes espagnols ? Les fumigènes de la rue de Solferino vous ont-ils aveuglés au point de ne pouvoir voir ce qui se passe dans le monde ? (Mêmes mouvements.)
Votre projet, mesdames, messieurs les socialistes, était caduc avant même les secousses qu'a connues la zone euro de cet été. Il est périmé, dans son inspiration et dans ses propositions.
À quoi bon se distinguer en prenant des accents mitterrandiens à la tribune, si c'est pour proposer les mêmes mesures qu'en 1981, et donc connaître le même échec ! (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Comme l'a très bien dit l'un des nôtres ce week-end, en 1981, il vous a fallu deux ans pour que vos velléités de changer la vie vous amènent à changer plutôt d'avis et à mettre en oeuvre un plan de rigueur. Sur la base de votre projet actuel, quinze jours, voire quinze heures, suffiront. (Mêmes mouvements.) Changez et accompagnez-nous : vous vous hisserez ainsi au niveau de vos responsabilités, dont vous avez oublié, parce que vous ne les avez pas exercées depuis longtemps, l'exigence ! (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC. – Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
Les mesures qui vous sont proposées répartissent l'effort supplémentaire demandé de manière équitable. Les décisions prises par le Premier ministre le 24 août sont en effet guidées par deux grands principes.
Premier principe : ces mesures s'inscrivent dans le prolongement de l'action gouvernementale et de l'effort historique de réduction des niches fiscales et sociales engagé l'année dernière. Elles ont les mêmes objectifs et tiennent compte des mêmes contraintes.
Comme en 2010, nous ne toucherons pas aux mesures qui favorisent l'emploi, qui soutiennent les publics les plus fragiles ou qui renforcent notre compétitivité. (Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.) Nous souhaitons en particulier préserver les dispositifs destinés à soutenir le pouvoir d'achat des plus modestes, la création d'emplois à domicile ainsi que le crédit d'impôt recherche. Ces dispositifs enregistrent d'ores et déjà de bons résultats et nous ne voyons aucune raison de les faire disparaître.
J'en ai entendu certains parler de rustines ; ceux-là ne manquent pas d'air, si vous me permettez cette expression. (Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.) Ceux qui usent de ces formules sont souvent ceux qui ont refusé l'obstacle, comme lors de la réforme des retraites. Mesdames, messieurs de l'opposition, ne nous donnez pas de leçons de morale en dénonçant l'imagination fertile du Gouvernement en matière de législation fiscale, quand vous proposez un choc fiscal de 50 milliards ! Douze milliards, ce ne sont pas des rustines. C'est le prolongement de l'effort sans précédent que nous avons inscrit dans la loi de programmation des finances publiques votée par la représentation nationale, loi par laquelle il a été décidé de réaliser un effort de 100 milliards d'euros jusqu'en 2014, afin de ramener le déficit à 2 %. Cet effort est cohérent, soutenu et adapté à la réalité économique de notre pays.
Deuxième grand principe qui guide cette réforme : l'approche que nous avons retenue est fondée sur l'équité fiscale entre les contribuables.
Aux critiques qui ont pu s'élever çà et là, je rappellerai, comme l'a fait le Premier ministre, que l'effort supplémentaire demandé aux Français reposera davantage sur les hauts salaires et sur les détenteurs de patrimoine que sur les ménages modestes (« C'est faux ! » sur les bancs des groupes SRC et GDR), sur les grandes entreprises que sur les PME. Voulez-vous que j'illustre mon propos ? Lorsque le Parlement aura voté la taxe sur les hauts revenus, laquelle s'ajoutera à la suppression du bouclier fiscal, que vous avez votée, au maintien de l'ISF, que vous n'avez pas voté, à l'augmentation des prélèvements sociaux et de l'imposition des plus-values immobilières, vous ne pourrez plus nier que le plan gouvernemental repose sur le principe de l'équité.
Ce sont en effet celles et ceux qui ont le plus de moyens qui participeront à due concurrence à l'effort de solidarité nationale.
Je ne détaille pas l'ensemble des mesures fiscales retenues dans ce projet de loi, car je laisse le soin à Valérie (« Valérie qui ? » sur plusieurs bancs des groupes SRC et GDR) de vous les présenter de manière exhaustive dans quelques instants. Je rappellerai simplement que cet effort supplémentaire sera également supporté par l'État lui-même, puisqu'une diminution d'un milliard d'euros de ses dépenses a été décidée pour l'année 2012. Nous avons souhaité préserver les piliers de notre modèle social.
Telles sont, pour l'essentiel, les mesures qui vous sont proposées aujourd'hui et dont je ne doute pas qu'elles susciteront un débat de qualité. Ce texte repose sur l'idée de responsabilité : responsabilité en ce qui concerne nos engagements en faveur de la réduction des déficits publics, que nous tiendrons quoi qu'il arrive, vis-à-vis des Français, qui attendent légitimement que les efforts supplémentaires demandés soient équitablement répartis – nous en ferons la démonstration – et vis-à-vis de nos partenaires européens, puisqu'il s'agit de leur apporter notre soutien et d'accélérer la convergence économique.
J'appelle donc de mes voeux un débat vertueux (Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR),…
…nonobstant nos différences et nos divergences. Outre le secrétaire général de l'UMP et le président du groupe, je remercie les députés de la majorité, en particulier le rapporteur général Gilles Carrez, pour sa contribution et celle des membres de la commission des finances. Avec Valérie (Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR), nous avons beaucoup travaillé sur les modalités d'un accord. Certains s'étonnent qu'il puisse y avoir un débat entre le Gouvernement et la majorité ; les mêmes oublient qu'ils ont, pour certains d'entre eux au moins, voté la révision constitutionnelle, qui a donné au Parlement un rôle, une place et un devenir dans ce que l'on appelle la coproduction. Il n'y a donc là rien que de très classique. Au reste, vous constaterez que l'accord auquel nous sommes parvenus respecte l'équilibre,…
..les objectifs et le plafond qui ont été proposés.
Permettez-moi, pour conclure, de revenir sur l'initiative du gouvernement socialiste espagnol, que j'ai évoquée tout à l'heure. Certes, la majorité et l'opposition ont des divergences. Mais comment allez-vous expliquer aux Français, qui sont à près de 80 % favorables à l'inscription de la règle d'or dans notre loi fondamentale, que celle-ci serait bonne après la présidentielle et mauvaise avant ? Le temps est important. J'en appelle donc à votre esprit de responsabilité, à la philosophie qui est encore celle d'un certain nombre de responsables qui, je le sais, ont le sens de l'intérêt général.
Les consultations menées par le Gouvernement vont se poursuivre ; il est encore temps. Vous ne pouvez pas être favorables à la règle d'or, à condition qu'elle soit adoptée après l'élection présidentielle : c'est aujourd'hui qu'il faut la voter. (Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
Cette règle est souhaitée par toutes les formations politiques, dans tous les pays de la zone euro. N'esquivez pas vos responsabilités : on vous observe, on vous attend et le Gouvernement vous écoutera. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC. – Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
La parole est à Mme la ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'État, porte-parole du Gouvernement.
Monsieur le président, monsieur le président de la commission des finances, monsieur le rapporteur général, monsieur le ministre, cher François (Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR), mesdames et messieurs les députés, ce collectif budgétaire est celui des engagements – je parle bien des engagements tenus. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)
Car depuis quatre ans, sous l'impulsion du Président de la République (« Olé ! » sur les bancs du groupe SRC), le Gouvernement applique une stratégie de réduction des déficits publics et conduit une politique résolue de maîtrise des dépenses, avec une constance qui est tout simplement sans précédent.
C'est essentiel car, en matière de réduction des déficits, rien, absolument rien, ne peut se faire si l'on ne commence pas par maîtriser les dépenses publiques. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)
C'est ce que nous avons fait : en quatre ans, nous avons divisé par trois le rythme de progression des dépenses.
Cela représente, en 2011 comme en 2010, une économie annuelle de 16 milliards d'euros par rapport à la tendance des trente dernières années.
Ces résultats, je tiens à le dire, sont le fruit des réformes courageuses et responsables que le Gouvernement a engagées avec le soutien de la majorité.
Je pense, bien sûr, à la réforme de l'État, à travers la révision générale des politiques publiques (« Et le paquet fiscal ? » sur les bancs du groupe SRC), qui nous a permis d'améliorer la qualité du service rendu à nos concitoyens, tout en simplifiant et en modernisant le fonctionnement de nos administrations avec, à la clef, 15 milliards d'euros d'économies sur cinq ans. (« Et le paquet fiscal ? » sur les bancs du groupe SRC)
Avec votre soutien, mesdames et messieurs les députés de la majorité, le Gouvernement a gelé les dépenses de l'État, qui sont désormais stabilisées en valeur. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) L'État a continué d'investir, mais nous avons réduit ses dépenses de fonctionnement en poursuivant un objectif de diminution de 10 % sur trois ans sur la période 2011-2013.
Depuis 2007, nous appliquons strictement, au sein de la fonction publique d'État, le principe du non-remplacement d'un fonctionnaire sur deux partant à la retraite. En cinq ans, nous aurons ainsi supprimé 150 000 postes de fonctionnaires d'État. (Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.) Pour la première fois depuis 1945, les dépenses de personnel de l'État vont baisser. C'est tout simplement historique. (Mêmes mouvements.)
Nous sommes également le premier Gouvernement à avoir respecté l'objectif national de progression des dépenses d'assurance maladie, créé en 1997 par Alain Juppé, alors même que nous l'avions fixé à un niveau particulièrement bas.
C'est un fait, monsieur Emmanuelli, l'ONDAM n'a jamais été respecté entre 1997 et 2002 !
Nos efforts portent leurs fruits et j'ai la satisfaction de vous annoncer que, dans quelques semaines, je vous présenterai, avec Xavier Bertrand et Roselyne Bachelot, un projet de loi de financement de la sécurité sociale qui mettra en évidence une division par deux du déficit de l'assurance maladie entre 2010 et 2012. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)
Et, pour l'avenir, je pense évidemment à la réforme des retraites, qui se traduira par 5,6 milliards d'euros d'économies dès 2012 et 20 milliards d'euros en 2018. Nous avons ainsi à la fois préservé notre système de retraite par répartition et conforté la solidité économique et financière de la France – et je le dis devant vous : personne ici ne reviendra sur cette réforme des retraites !
Bien sûr, au plus fort de la crise, nous avons dû agir pour protéger les Français et soutenir l'activité. Grâce au plan de relance et à l'augmentation des dépenses sociales, nous avons limité l'ampleur du choc économique et social pour les Français : en 2009, la récession a deux fois moins marqué la France que la plupart de ses voisins européens.
Mais j'y insiste : malgré la crise, nous avons poursuivi nos efforts de réduction des dépenses quotidiennes de l'État, avec une persévérance et une constance qui font toute la crédibilité de la trajectoire de désendettement de la France.
Notre détermination n'a jamais fléchi. Nos engagements de réduction des déficits sont intangibles, quelles que soient les évolutions de la situation économique.
François Baroin l'a rappelé, l'économie mondiale connaît aujourd'hui un ralentissement. Eh bien, loin de faire le choix, comme tant d'autres avant nous, de refuser la réalité à quelques mois d'échéances électorales cruciales pour notre pays, nous avons immédiatement pris en compte cette situation nouvelle et ses conséquences sur nos finances publiques.
Allons, cela fait cinq ans que nous attendons, et les déficits ne font qu'augmenter !
« On ne change pas un budget à la dernière minute », disait Lionel Jospin en septembre 2001, au lendemain d'un événement qui allait bouleverser l'économie mondiale. Notre conviction, dix ans plus tard, est strictement inverse : nous estimons que la réactivité, le réalisme et la sincérité sont la clef de notre crédibilité.
C'est pourquoi nous vous soumettons aujourd'hui un projet de loi de finances rectificative qui tire les conséquences, pour le budget de l'État, de la révision de notre hypothèse de croissance à 1,75 % pour 2011 et 2012.
Le ralentissement de l'activité et les premiers encaissements de l'impôt sur les sociétés nous amènent ainsi à réviser son produit à la baisse de trois milliards d'euros. L'inflation étant supérieure aux prévisions, la charge de la dette liée aux obligations indexées sera, par ailleurs, accrue de 1,4 milliard d'euros.
Si ces deux facteurs liés à la conjoncture pèsent sur le solde budgétaire de l'État à hauteur de 4,4 milliards d'euros, nous anticipons, dans le même temps, une amélioration de la situation des autres administrations publiques. Bien entendu, nous aurons l'occasion de détailler l'ensemble de ces prévisions lors de la présentation du projet de loi de finances pour 2012 et du projet de loi de financement de la sécurité sociale. Cependant, je peux d'ores et déjà vous dire que nous estimons que les recettes des administrations de sécurité sociale seront supérieures de 2 à 2,5 milliards d'euros à ce que nous attendions.
Pour l'essentiel, cette révision à la hausse est due au dynamisme de la masse salariale, car nous avons créé 126 000 emplois au premier semestre.
Cette performance remarquable se traduira par une augmentation inattendue du produit des cotisations sociales.
Nous prévoyons également une évolution positive de la situation des opérateurs publics et, dans une moindre mesure, des collectivités locales, pour un total qui devrait être, au minimum, de l'ordre de 1,5 milliard d'euros. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)
Ces éléments ne suffisent pas à sécuriser totalement notre objectif de réduction du déficit public à 5,7 % en 2011 et à 4,5 % en 2012 – conformément à l'objectif fixé par le Premier ministre. C'est la raison pour laquelle, comme François Fillon l'a dit en toute clarté aux Français, un effort supplémentaire d'un milliard d'euros en 2011 et de 11 milliards d'euros en 2012 est aujourd'hui nécessaire.
Nous vous proposons donc de prendre dès maintenant toute une série de décisions indispensables pour garantir le respect de nos objectifs de réduction du déficit public.
Je vous rappelle que les dispositions qui vous sont soumises aujourd'hui représentent un milliard d'euros en 2011, mais également 6,2 milliards d'euros de recettes supplémentaires en 2012, soit plus de la moitié de l'effort supplémentaire annoncé par le Premier Ministre. Comme vous le savez, ces mesures seront complétées à l'occasion du projet de loi de finances pour 2012 et du projet de loi de financement de la sécurité sociale.
J'ajoute que cette première série de décisions aura un impact immédiat sur nos finances publiques, notamment sur le solde budgétaire de l'État, en redressant ses recettes, en particulier celles de l'impôt sur les sociétés. Quant aux dépenses, elles respecteront strictement la norme du « zéro valeur » grâce à l'annulation de 460 millions d'euros supplémentaires.
Cet effort supplémentaire demandé aux Français pour rétablir notre équilibre budgétaire, nous avons veillé à ce qu'il soit adapté et proportionné.
Certains, ces derniers jours, ont prétendu qu'il fallait à tout prix choisir entre réduction des déficits et préservation de la croissance. Je veux leur dire qu'ils ont tort : engager notre pays dans une cure d'austérité sans précédent, en supprimant des dispositifs qui soutiennent l'emploi et la consommation, en augmentant brutalement les impôts, en cassant l'investissement des entreprises, ce serait porter un mauvais coup à la croissance et aux Français, ce serait entraîner la France dans la spirale infernale d'une récession programmée. Ce n'est pas le choix que nous avons fait.
Par ailleurs, il est parfaitement faux de croire que nous pourrions, en ouvrant largement les vannes de la dépense publique, créer de la croissance et de l'emploi. S'il est une chose qu'ont montrée les trente-cinq années qui viennent de s'écouler, c'est que le déficit permanent ne permet ni de lutter contre chômage, ni de stimuler la croissance ! En vérité, le renoncement à la réduction des déficits n'aurait qu'un seul effet : accroître une nouvelle fois le fardeau de notre dette.
Le Gouvernement a donc choisi, en toute lucidité et en toute responsabilité, de vous proposer des mesures qui nous permettront de réduire nos déficits et de soutenir la croissance, l'emploi et la compétitivité. J'ajoute immédiatement que nous avons scrupuleusement veillé à ce que chacun prenne une part équitable de cet effort d'intérêt national. C'est une question de justice !
Les Français sont tous prêts à participer à cet effort, parce qu'ils ont conscience – sans doute plus que vous, mesdames et messieurs les députés socialistes – du fait qu'il est absolument indispensable pour préserver leur avenir et celui de leurs enfants. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.) Toutefois, ils souhaitent que cet effort soit équitablement réparti. (Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
Nous proposons que ceux qui ont plus contribuent davantage. Ainsi, 45 % de l'effort du programme de réduction sera supporté par les entreprises, et 37 % par les ménages les plus aisés.
L'équité est donc au coeur des décisions prises par le Premier ministre. Équité entre les entreprises, tout d'abord, avec une mesure qui s'appliquera essentiellement aux grands groupes : il s'agit de la limitation de la possibilité offerte aux entreprises bénéficiaires de reporter indéfiniment leurs déficits. Cette évolution fiscale constitue la première étape de la convergence fiscale entre la France et l'Allemagne, voulue par le Président de la République et la chancelière Angela Merkel.
Elle permettra de réduire l'écart de niveau d'imposition entre grands groupes et PME, dont votre rapporteur général a souligné l'existence il y a quelques mois, en créant une imposition minimale pour les grandes entreprises. Cette mesure, qui produira une recette supplémentaire d'un demi-milliard d'euros dès 2011 et de 1,5 milliard d'euros en 2012 (Exclamations sur les bancs du groupe SRC), accélérera le redressement des recettes de l'impôt sur les sociétés et rendra celles-ci moins volatiles. Le produit de cette imposition est en effet encore inférieur de 10 milliards à son niveau d'avant-crise. En limitant le report des déficits, nous éviterons qu'une chute brutale de l'activité économique ne se répercute pendant plusieurs années sur les recettes de l'impôt sur les sociétés.
Par ailleurs, suivant également en cela les préconisations de l'excellent rapport du rapporteur général Gilles Carrez, nous vous proposons par voie d'amendement de mettre fin au régime fiscal du bénéfice mondial consolidé pour les grands groupes.
Ce régime a, en effet, largement perdu aujourd'hui sa raison d'être et pouvait aboutir à une sous-taxation des grands groupes par rapport aux PME.
Voilà deux mesures, mesdames et messieurs les députés, qui renforcent de manière extrêmement nette l'équité fiscale entre les entreprises.
L'exigence d'équité fiscale vaut aussi pour l'effort demandé aux ménages.
Nous vous proposons ainsi de taxer plus fortement les revenus du patrimoine, en augmentant de 1,2 % le taux des prélèvements sociaux qui leur sont applicables. Nous franchirons ainsi un nouveau pas en direction du rapprochement de la fiscalité du capital et de celle du travail.
Cette mesure se traduira, dès 2011, par 190 millions d'euros supplémentaires, soit 1,3 milliard en année pleine. Nos évaluations montrent que plus de la moitié de cette taxe sera supportée par les 5 % de ménages les plus aisés.
Taxer plus fortement le patrimoine pour réduire nos déficits, cela veut aussi dire poser la question des abattements sur les plus-values immobilières dont bénéficient les propriétaires à raison de la durée de détention. Pour l'heure, vous le savez, ce dispositif extrêmement favorable prévoit qu'à partir de la cinquième année les détenteurs d'un bien immobilier bénéficient chaque année d'un abattement de 10 % supplémentaires sur leurs plus-values en cas de cession. Dans les faits, il soutient l'investissement immobilier, mais il semble aussi conduire de très nombreux propriétaires à attendre avant de vendre ; or, de tels comportements de rétention entretiennent la pénurie de logements, donc la hausse des prix.
C'est pourquoi le Gouvernement vous avait proposé sa suppression – sauf, bien évidemment, pour les résidences principales, et en maintenant certaines exonérations particulières. Mais nous avons travaillé avec les parlementaires afin de ne pas pénaliser les ménages qui avaient prévu de vendre dans un délai très rapproché ou qui avaient acquis des droits importants à défiscalisation sous le régime actuel.
À l'issue de nos discussions, nous vous proposons donc de reporter l'entrée en vigueur du dispositif au 1er février 2012. Nous compenserons le manque à gagner, estimé à 180 millions d'euros, par l'entrée en vigueur anticipée d'une des mesures que le plan anti-déficit prévoyait pour 2012. Il s'agit du doublement de la quote-part pour frais et charges appliquée aux plus-values sur les titres de participation détenues depuis plus de deux ans par les entreprises.
Avec cette augmentation de 100 % de la quote-part, nous aurons atteint le maximum de taxation supportable par les entreprises sur ces cessions. Je rappelle que ces plus-values sont exonérées de toute imposition dans dix-sept pays de l'Union européenne, à tel point que, dans les années 2000, leur délocalisation était devenue la règle, comme l'avait souligné le rapport de Michel Charzat.
Le travail que nous avons mené ensemble sur l'abattement sur les plus-values immobilières nous a également conduits à repousser à trente ans la date de la fiscalisation totale des plus-values, avec un abattement progressif à compter de la cinquième année de détention. Notre souci commun était en effet de ne pas faire peser une charge excessive sur les Français qui, loin de toute logique spéculative, ont inscrit l'achat d'un bien dans un projet de long terme.
La mesure ainsi amendée rapportera 2,05 milliards d'euros au lieu des 2,2 milliards escomptés. À l'initiative de votre rapporteur général, nous vous proposons de compenser la différence par l'instauration de droits d'enregistrement sur les cessions de parts de sociétés civiles immobilières réalisées à l'étranger sur des biens situés en France, pour un montant de 100 millions d'euros, ainsi que par la suppression du bénéfice mondial consolidé, que je viens d'évoquer.
Nous avons pris l'engagement, en 2011 comme en 2012, de réduire les niches, ces avantages fiscaux et sociaux qui ont, pour certains d'entre eux, perdu leur justification initiale.
Mais je veux être très claire, et je suis convaincue que la majorité partage ce point de vue : dans les circonstances présentes, ce serait commettre un véritable contresens que de remettre en cause des niches fiscales qui soutiennent l'emploi et la croissance ou renforcent notre cohésion sociale et territoriale. (Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
L'Inspection générale des finances et la Cour des comptes disent le contraire !
C'est pourquoi j'invite l'opposition, qui se dit prête à rayer d'un trait de plume 50 milliards d'euros de niches fiscales, à nous indiquer clairement les dispositifs qu'elle supprimerait pour atteindre un montant aussi faramineux. Il y a fort à parier que les ménages et les territoires en paieraient le prix fort !
Le Gouvernement, lui, a agi dès l'année dernière, sous l'impulsion courageuse de François Baroin, en réduisant pour la première fois les niches fiscales de 11 milliards d'euros, soit un montant très important. Nous continuerons dans cette voie, en remettant en cause les avantages fiscaux qui ont largement perdu leur justification d'origine.
Ainsi, nous vous proposons de supprimer l'exonération partielle de taxe spéciale sur les conventions d'assurance dont bénéficiaient les contrats dits solidaires et responsables. L'objectif de cette exonération partielle était, je le rappelle, de favoriser l'émergence de contrats d'assurance complémentaire santé, qui contribuent à la maîtrise des dépenses d'assurance maladie. Ce dispositif a atteint son but, puisque les contrats solidaires et responsables représentent désormais 90 % du total. Dès lors, cette exonération a-t-elle encore lieu d'être ? Quel sens y a-t-il à maintenir indéfiniment une niche qui a fini de produire l'effet voulu ?
Le Gouvernement vous propose donc de supprimer l'exonération partielle de taxe sur les conventions d'assurance dont bénéficiaient les contrats responsables et solidaires, mais aussi, pour éviter que les assurés se reportent sur d'autres types de contrats, de pénaliser les contrats qui ne répondent pas à ces critères en les taxant au taux majoré de 9 %, qui jouera ainsi le rôle de malus.
Cette mesure générera une recette de 100 millions d'euros en 2011 et de 1,1 milliard en année pleine. Elle ne concernera en aucun cas, bien entendu, les Français les plus fragiles, notamment les 4,3 millions qui bénéficient de la CMU, pour lesquels il existe une complémentaire gratuite. Je rappelle également que nous avons mis en place pour 680 000 Français à faibles revenus une aide à l'acquisition d'une complémentaire santé et que nous avons augmenté de 70 % le nombre de ces bénéficiaires entre 2005 et 2010.
J'en viens maintenant à la mesure qui a suscité depuis quelques jours un débat nourri. Il s'agit du rétablissement du taux normal de TVA sur les entrées des parcs à thème.
Permettez-moi, en quelques mots, de rappeler les raisons qui ont conduit le Gouvernement à vous proposer cette mesure. Pour cela, il faut revenir à l'origine même de l'application du taux réduit de TVA aux parcs à thème. C'était en 1986. Cet avantage fiscal devait alors permettre d'encourager l'émergence d'un secteur qui était encore embryonnaire et dont le modèle économique était lui-même incertain.
Les choses ont bien changé depuis lors. Les parcs à thème ont trouvé leur place, leur succès ne se dément pas et ils ont su dégager d'autres recettes particulièrement dynamiques. Je pense par exemple à la restauration, qui bénéficie elle-même d'un taux de TVA de 5,5 % (Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR), à l'hôtellerie, ou encore aux produits dérivés.
Dans ces conditions, il y a lieu de s'interroger sur le maintien d'un régime dérogatoire qui, au surplus, crée une distorsion de concurrence au détriment des parcs aquatiques ou des activités de plein air. Néanmoins, le Gouvernement a entendu les réserves des uns et des autres.
Sur cette question, comme sur celle des plus-values immobilières, il a donc travaillé avec les parlementaires de la majorité pour aplanir les difficultés et lever les doutes, mais avec une exigence de responsabilité partagée : toutes les modifications apportées à telle ou telle mesure du plan anti-déficit ont dû être intégralement compensées, dans le respect de l'esprit du plan.
En l'espèce, le Gouvernement a pris connaissance de l'amendement du rapporteur général, qui vise à compenser le maintien de la TVA réduite sur les parcs à thème par une taxe de 14 % sur le prix des nuitées dans les hôtels de quatre étoiles et plus.
Cette proposition, dont le rendement serait de 700 millions d'euros, nous a paru excessive. Elle aboutirait en effet à pénaliser un secteur qui est soumis à une très forte concurrence internationale. Le Gouvernement, pour sa part, proposera donc de ramener à 2 % le taux de la taxe sur les nuitées d'hôtel suggérée par votre rapporteur général.
Mesdames, messieurs les députés, nous sommes, je le sais, animés par la même détermination et résolus à poursuivre ensemble le redressement de nos finances publiques. (Vives exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
Nous ne fléchirons pas. La France a trop souffert, depuis trente-cinq ans, de voir sa politique budgétaire varier au gré des circonstances. Les uns après les autres, les gouvernements successifs, qu'ils soient de droite ou de gauche, n'ont jamais cessé de trouver de bonnes raisons de différer des efforts pourtant indispensables.
Aujourd'hui, comme l'a dit François Baroin, il en va de la crédibilité de la parole de la France. C'est pourquoi, depuis quatre ans, nous agissons pour redresser nos finances publiques avec persévérance, réalisme et réactivité. (Protestations sur les bancs des groupes SRC et GDR.) C'est aussi la raison pour laquelle nous vous avons proposé d'inscrire la règle d'or du retour à l'équilibre budgétaire dans la Constitution, afin de protéger les Français contre les aléas politiques et la tentation des fausses promesses. (Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
Car la règle d'or, c'est la garantie que les majorités à venir poursuivront l'effort de redressement dans lequel nous nous sommes engagés.
Plusieurs députés du groupe SRC. Qu'attendez-vous pour vous l'appliquer à vous-mêmes ?
À nos yeux, le retour à l'équilibre est un objectif qui dépasse les clivages partisans et qui devrait, en France, comme c'est le cas en Allemagne ou en Espagne, être placé bien au-dessus des contingences politiques.
Je tiens donc à le dire aujourd'hui aux membres de l'opposition qui siègent sur ces bancs : il est temps de saisir la main tendue par le Président de la République et le Premier ministre et d'accepter de voter la règle d'or. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et NC. – Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.) C'est l'intérêt de la France et de l'Europe. C'est maintenant qu'il faut le faire. (Vives exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
Mais je le dis aussi solennellement devant la représentation nationale : quelle que soit la décision prise ici par les parlementaires de l'opposition, nous ne dévierons pas de notre cap ; nous continuerons à nous appliquer à nous-mêmes la règle d'or ; nous poursuivrons notre trajectoire de réduction des déficits (Vives exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR) et de désendettement jusqu'en 2014. Ce collectif des engagements tenus en est une nouvelle preuve. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et sur plusieurs bancs du groupe NC.)
La parole est à M. Gilles Carrez, rapporteur général de la commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Monsieur le président, monsieur le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, madame la ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'État, monsieur le ministre chargé des relations avec le Parlement, mes chers collègues, je voudrais d'abord rendre hommage à la réactivité du Gouvernement. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)
En d'autres temps, certains gouvernements auraient attendu tranquillement en courbant le dos le collectif de fin d'année !
Beaucoup ici s'en souviennent, qui étaient à l'époque dans l'opposition : nous avions subi avec peine le collectif de la fin de l'année 2001, alors que la conjoncture avait commencé à changer dès le milieu de l'année.
Le Gouvernement a donc raison de prendre des dispositions immédiates sur deux grands sujets. Il y a d'abord un sujet européen, voire international, en l'occurrence le plan de soutien à la Grèce. Là aussi, je veux rendre hommage au rôle qu'a joué la France, et en particulier le Président de la République, dans l'accord du 21 juillet dernier,…
…que nous allons être, chers collègues, les premiers à mettre en oeuvre au niveau des parlements nationaux de la zone euro.
Ensuite, le Gouvernement prend en compte, après un excellent premier trimestre 2011 qui a vu la croissance augmenter de 0,9 %, un deuxième trimestre qui, dans tous les pays, y compris chez nos voisins allemands, est marqué par une croissance nulle. Le Gouvernement prend immédiatement les mesures permettant de corriger la trajectoire pour l'exécution du budget.
Il est absolument vital que nous respections notre engagement de réduction du déficit à 5,7 points de PIB en 2011. En effet, chers collègues, la crédibilité de notre objectif de 4,5 points de PIB en 2012 sera jugée vers la fin du mois de février ou au début du mois de mars prochains, quand nous aurons les chiffres définitifs de l'exécution pour 2011. Par ailleurs, ayons toujours en tête que notre dette publique avoisine aujourd'hui les 1 700 milliards d'euros.
Avec une dette publique à ce niveau et un déficit public annuel de l'ordre de 100 milliards d'euros, il nous faut chaque année mobiliser entre 200 et 230 milliards pour couvrir notre besoin de financement. En effet, non seulement nous devons financer ces 100 milliards de déficit, mais en plus nous devons trouver le financement de la partie de la dette en capital qui vient à échéance chaque année et qui elle-même se situe aux alentours de 120 milliards.
Comment garder la confiance de nos créanciers et de nos prêteurs, dont les deux tiers sont des non-résidents, si ce n'est en respectant nos engagements ?
Aujourd'hui nous avons la chance, comme nos voisins allemands, de nous financer, s'agissant d'emprunts à dix ans, à 3,5 ou 4 %.
Eh bien, on ne rappellera jamais assez que, s'il fallait ajouter ne serait-ce qu'un point de plus à ce taux, la conséquence immédiate, dès la première année, serait un surcroît de 2,5 milliards d'euros d'intérêts à payer. Autrement dit, ce serait l'équivalent du budget de la culture qui partirait en fumée sous la forme d'intérêts supplémentaires !
Le Gouvernement est donc responsable et il a raison de tenir ses engagements. Je souhaite marquer, comme l'ont fait avant moi les deux ministres, un regret profond. Dans le cadre du groupe Camdessus – en compagnie, d'ailleurs, des présidents de la commission des finances et de la commission des lois –, nous avons accompli un excellent travail. J'y ai milité en faveur de l'inscription de la règle d'or dans la Constitution. Cette règle a été votée à l'Assemblée nationale comme au Sénat et, sur un plan strictement technique, je peux vous dire qu'elle est tout à fait parfaite. C'est exactement ce qui convient.
J'ai été profondément meurtri d'apprendre, la semaine dernière, qu'au parlement espagnol aucune voix de l'opposition n'avait manqué à la majorité socialiste pour adopter la règle d'or. (Huées sur les bancs du groupe UMP.)
Il en avait été de même voici à peine deux ans en Allemagne.
Je dirai deux mots du plan de soutien à la Grèce.
L'accord du 21 juillet constitue un progrès très important. En effet, le Fonds européen de stabilité financière va enfin pouvoir intervenir de façon préventive en rachetant de la dette publique sur le marché secondaire. Par ailleurs, la recapitalisation des établissements financiers en difficulté dans tel ou tel pays sera dorénavant possible, comme l'a indiqué François Baroin. La France s'honore d'avoir été aux avant-postes pour apporter ces moyens supplémentaires à la Grèce.
Il n'en demeure pas moins que nous devons rester lucides, et je voudrais faire trois remarques.
Premièrement, les créanciers privés, qui pourront enfin apporter leur contribution, ce que nous demandions à la commission des finances depuis déjà deux ans, seront-ils bien au rendez-vous ?
Aujourd'hui, sur les 50 milliards d'euros demandés aux créanciers privés, seuls 70 % ont été apportés, il manque encore 30 %.
Deuxièmement, il faut être très vigilant sur le fait que c'est l'endettement public, celui porté par les États, soit directement soit par le biais de garanties, qui est en train, petit à petit, de façon insidieuse, de se substituer à l'endettement privé dont bénéficiait la Grèce. Nous devons donc être intransigeants sur ce point, et le Président de la République a eu raison de demander une participation des créanciers privés.
Troisième interrogation, plus personnelle, le rythme de baisse des dépenses publiques est extrêmement rapide, tout comme le rythme d'augmentation des impôts et des prélèvements. Tout cela a un impact sur la croissance. La croissance de la Grèce est extrêmement préoccupante : moins 5 % cette année, moins 4 % l'an prochain.
Si je considère que ce plan est nécessaire, je me pose quand même légitimement la question : sera-t-il suffisant ?
Plusieurs députés du groupe Nouveau Centre. Eh oui !
Le second aspect du texte concerne nos propres comptes publics.
Nos comptes publics étaient parfaitement bien partis.
Cela est dû, on ne l'a pas assez souligné, au fait que le gouvernement français a remarquablement géré la traversée de la crise. Toutes les mesures qui ont été mises en place, que ce soit au titre du soutien des banques…
… que ce soit au titre du soutien des entreprises, des investissements, ou que ce soit au titre du soutien à la consommation, ont parfaitement fonctionné. (Exclamations sur les bancs du groupe GDR.)
Quand, avec le président de la commission des finances, nous avons reçu nos collègues allemands du Bundestag, avec lesquels nous avons beaucoup d'échanges pour comparer ce qui se passe chez nous avec ce qui se passe en Allemagne, nos amis allemands nous ont dit que nous avions, le Gouvernement et la majorité, remarquablement géré la crise.
Après le rebond de croissance du premier trimestre, lié aux mesures que nous avions prises, le deuxième trimestre est moins bon, comme partout en Europe, de sorte qu'aujourd'hui il faut absolument ajuster les comptes. Le Gouvernement nous propose donc une série de mesures qui vont permettre, sur la seule année 2011, de majorer nos recettes de l'ordre d'un milliard d'euros, dont 600 millions pour le budget de l'État.
Le Gouvernement est également conduit à nous proposer de gager un lointain héritage du passé, 500 millions d'euros de pénalités au titre des frégates de Taïwan. Par les temps qui courent, nous nous serions bien passés, chers amis, de devoir gager une telle dépense !
Le Gouvernement a cherché avant tout des mesures qui n'altèrent pas la compétitivité des entreprises, qui ne dégradent pas la consommation ou l'investissement.
Sur l'ensemble de ces mesures, je veux le dire à cette tribune, la majorité est profondément d'accord.
Les orientations sont bonnes et les ajustements que nous souhaitons proposer au Gouvernement, et sur lesquels nous avons ensemble beaucoup travaillé ces derniers jours, ne remettent pas en cause le bien-fondé, la philosophie, la structure même de ces mesures. Je voudrais en évoquer quelques-uns.
Le ministre de l'économie a parlé de la TVA sur les parcs d'attractions. Cette initiative a eu au moins un intérêt, celui de provoquer beaucoup de discussions et de faire couler beaucoup d'encre. Le vote de suppression de la mesure a été acquis à la quasi-unanimité.
Merci, monsieur Brard, de me rappeler que l'opposition l'avait votée, dont vous-même bien que vous n'ayez pas de parc d'attractions à Montreuil.
Et la Foire du trône n'est pas loin…
Cette mesure relative aux parcs d'attraction étant abandonnée, nous sommes obligés de trouver les 90 millions d'euros qui manquent. Avec des collègues de la commission des finances, j'ai regardé quels étaient les biens ou services qui ne sont pas de première nécessité et qui se trouvent être au taux réduit de TVA à 5,5 %. C'est ainsi que nous sommes tombés sur les hôtels de luxe et les palaces. Nous nous sommes dit que, après tout, une suite à 1 000 euros pouvait peut-être supporter quelques dizaines d'euros de plus sans que la compétitivité touristique française n'en soit mise à bas. J'ai rédigé un amendement, que j'ai retiré parce que, comme vous l'avez dit, madame la ministre – mais j'en étais le premier conscient –, il était un peu violent. (« Oh ! » sur les bancs des groupes SRC et GDR.) Je voulais adresser un signal : on n'a pas le droit, par les temps qui courent, de baisser une recette sans apporter une compensation. À la place, vous nous proposez, dans la ligne de la taxe « poissons, crustacés et mollusques »,…
…une sorte de taxe de séjour nationale de 2 %, qui s'appliquerait aux nuitées. J'espère que mes collègues, y compris ceux qui ont des hôtels quatre ou cinq étoiles dans leur circonscription,…
…comprendront que ce ne sont pas 2 ou 3 % supplémentaires qui risquent de compromettre l'excellent travail qui a été porté par notre collègue Hervé Novelli, ancien ministre en charge du tourisme (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP. – Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR), qui a conduit, à coup d'investissements, à tirer notre hôtellerie vers le haut.
J'en viens à la question des plus-values immobilières. Le texte du Gouvernement va tout à fait dans la bonne direction. Il serait aberrant de conserver une fiscalité outrageusement avantageuse qui conduirait l'épargne à se concentrer sur l'immobilier alors que nous en avons terriblement besoin pour financer, par exemple, nos entreprises. Il est normal de revoir ce régime.
Pourquoi alors l'avez-vous appliqué jusqu'à maintenant ? C'est « outrageusement » incroyable !
Cependant, il nous a semblé que la proposition d'une application immédiate au 24 août était un peu brutale. Nous avons réfléchi aux mesures évoquées à l'instant par Valérie Pécresse, avec un double souci : d'une part, ménager une période de transition en prévoyant que le régime actuel s'appliquera jusqu'au 1er février prochain s'agissant des actes authentiques ; d'autre part, ne pas désespérer tous ces Français, souvent modestes, qui se trouvent posséder un bien immobilier que je me refuse à appeler à résidence secondaire, et qui est souvent un bien familial situé dans la France rurale. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.) La fiscalisation perpétuelle des plus-values me paraît devoir être proscrite et je remercie le Gouvernement d'accepter que les abattements continuent d'exister, tout en étant portés de quinze à trente ans.
Je voudrais maintenant développer une considération importante sur l'impôt sur les sociétés.
Mes chers collègues, le collectif que nous examinons comporte – et c'est la difficulté essentielle – une moins-value de 3 milliards au titre de l'impôt sur les sociétés. J'ai réalisé début juillet une étude, confirmée par les dernières statistiques parues en début de semaine, qui montre que, malheureusement, plus les bénéfices comptables de certains grands groupes augmentent, plus leur assiette fiscale diminue.
Nous devons nous interroger sur les dispositions fiscales qui expliquent cette différence entre un bénéfice qui croît et un impôt sur les sociétés qui diminue.
Je fais dans mon rapport plusieurs propositions. Le Gouvernement en reprend deux, à savoir la limitation des reports déficitaires, comme en Allemagne, et le relèvement de la quote-part au titre des cessions et des plus-values sur titres de participation.
Je pense, madame, monsieur les ministres, que nous devrons, en loi de finances pour 2012, aller plus loin dans la protection de la ressource que constitue l'impôt sur les sociétés, car nos concitoyens ne comprendraient pas que les petites et moyennes entreprises paient plein pot l'impôt sur les sociétés et que les grands groupes qui voient leurs bénéfices augmenter voient leur fardeau diminuer. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et sur plusieurs bancs du groupe NC.)
Je voudrais terminer par une considération plus générale. Il ne faudrait pas que la croisade contre les niches fiscales nous fasse oublier la nécessité absolue de diminuer nos dépenses publiques. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Pourquoi avons-nous autant de niches fiscales ? La gauche et la droite se partagent d'ailleurs la créativité, l'inventivité en la matière. Qui a été le premier à créer une niche fiscale sur l'investissement locatif sur le logement ? Paul Quilès, ministre de l'équipement et du logement en 1984. Nous partageons donc tous la responsabilité des niches fiscales.
Mais si les niches fiscales servent à soutenir l'investissement, la consommation, l'emploi, elles servent également, ne craignons pas de le dire, de soupape face à une pression fiscale excessive. Comment limiter durablement les prélèvements obligatoires dans un pays qui est vraiment au maximum ?
D'abord et avant tout en réduisant les dépenses. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe UMP.)
Madame la ministre, vous avez eu raison de rappeler tout à l'heure tous les efforts que nous avions réalisés : le non-remplacement d'un fonctionnaire sur deux, la stabilisation des dépenses de personnel de l'État, le gel des concours aux collectivités locales et la réforme des retraites.
Je crois, chers collègues, qu'il faudra aller plus loin. Nous devrons nous inspirer des réformes de Schröder en Allemagne il y a dix ans. Nous devrons nous inspirer de ce qu'ont fait la Suède et l'ensemble des pays scandinaves
En effet, nous n'arriverons à rééquilibrer durablement nos comptes que si nous sommes capables de maîtriser ces 1 000 milliards de dépenses publiques qui, inexorablement, augmentent de 40 ou de 50 milliards par an.
Il ne s'agit pas de diminuer la dépense publique, de démanteler les services publics : il s'agit avant tout de maîtriser cette dépense et de la gérer de façon plus respectueuse. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)
La parole est à M. Jérôme Cahuzac, président de la commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire.
Mes chers collègues, je voudrais remercier, probablement au nom de tous, le rapporteur général pour son intervention, car il a fallu attendre qu'il s'exprime pour que nous entrions dans le texte que nous nous apprêtons à examiner. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.) Enfin, la présentation de ce projet de loi de finances rectificative nous a été faite, d'ailleurs avec énergie et enthousiasme, mais aussi avec une inquiétude sourde dans chacune des phrases, tandis que le ministre de l'économie et des finances a fait un discours de politique générale, remarquablement construit et enthousiaste au demeurant, et la ministre du budget une sorte de plaidoyer pro domo, énergique, que je devinais sincère à défaut d'être toujours convainquant, au moins pour certains.
La galanterie fait vraiment dire n'importe quoi !
Mais l'on peut s'étonner qu'aucun de ces deux discours n'ait évoqué le niveau historiquement élevé qu'ont atteint hier les certificats d'assurance attachés aux titres de notre dette souveraine. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.) Peut-être aurait-il fallu en dire quelques mots, nous donner les raisons de cette hausse, nous dire ce que vous comptez faire et nous rassurer. Car hier – et c'est une première historique – deux pays ont vu leurs titres attaqués : l'Italie et la France.
C'est la première fois que nous sommes ainsi liés à l'Italie et non à l'Allemagne, et cet événement, sans être directement lié au projet de loi de finances rectificative, aurait mérité d'être évoqué devant la représentation nationale. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
Je suis également étonné que rien n'ait été dit des tempêtes boursières qui ont eu lieu en août ou beaucoup plus récemment. Là encore, il me semble qu'il appartenait aux ministres d'éclairer la représentation nationale sur les raisons de ces tempêtes boursières, le calendrier qui en découle – même s'il est difficile de prévoir la fin de la bourrasque – et les mesures que le Gouvernement compte prendre en la matière.
Pas un mot non plus sur l'incontestable fragilité de nos banques, fragilité que, pour ma part, je constate sans pouvoir me l'expliquer. J'ai été étonné des propos de la directrice générale du FMI, appelant à la recapitalisation des banques européennes, et je ne suis pas sûr qu'elle leur ait rendu service en s'exprimant de la sorte.
Les investisseurs semblent fuir les titres boursiers attachés à ces établissements bancaires. Je sais comme vous l'exposition des quatre grandes banques françaises à la dette grecque, mais surtout aux dettes espagnole et italienne. Peut-être cette exposition explique-t-elle les attaques boursières dont nos banques sont l'objet.
Que comptent faire les pouvoirs publics pour recapitaliser les banques et, surtout, pour assurer la liquidité interbancaire ?
En effet, si le niveau des fonds propres est un sujet de préoccupation, le gel des liquidités interbancaires est en train de menacer l'économie de notre pays et, plus généralement, l'économie européenne. Nous le savons, les investisseurs nord-américains se sont, pour une partie d'entre eux au moins, retirés de notre pays ; les banques hésitent de nouveau à se prêter entre elles. Bref, les conditions ayant déjà présidé au déclenchement de la formidable crise économique de 2008 sont aujourd'hui réunies.
Or que rien n'ait été dit sur aucun de ces trois sujets me paraît un peu court, alors que la représentation nationale se réunit pour examiner ce projet de loi de finances rectificative. Cela peut sembler hors sujet mais, dès lors que les ministres ont abordé tous les sujets, y compris ceux qui ne touchent pas directement ce projet de loi, il aurait été compréhensible qu'ils en disent quelques mots.
Car la crise est là, et c'est elle qui justifie ce projet de loi comportant deux parties, l'une sur la Grèce, l'autre sur des matières plus strictement nationales.
Pour ce qui est de la Grèce, l'accord du 21 juillet a satisfait tous ceux qui sont attachés au sauvetage de la zone euro et qui ont compris que défendre un pays de la zone périphérique, c'est aussi défendre ceux de la zone centrale, dont nous faisons partie. Mais cet accord du 21 juillet mettra, je le crains, trop de temps à entrer en vigueur. Nous sommes le premier parlement à nous engager dans sa ratification, et nous avons appris ce matin que la Slovaquie ne prévoyait pas d'examiner le texte avant la fin de l'année. Dans le meilleur des cas, c'est donc en janvier que cet accord du 21 juillet pourra s'appliquer !
Ce délai excessif ne peut être que préjudiciable à la Grèce, à la zone euro, et donc à notre pays. Que fait la France, dans le cadre des institutions européennes, non pas pour obliger – nous n'en avons pas les moyens – mais pour convaincre, par la négociation, ceux de nos partenaires qui ne perçoivent pas l'urgence de la situation ? C'est là, madame la ministre, notre premier sujet d'inquiétude. Cet accord était probablement le meilleur accord possible lorsqu'il fut conclu, mais il risque de ne plus être satisfaisant au moment de son application, si tant est d'ailleurs que l'on puisse attendre jusque là.
Notre seconde inquiétude tient au fait que certains pays semblent revenir sur l'accord conclu à Bruxelles le 21 juillet dernier. Cinq d'entre eux ont déjà indiqué qu'ils pourraient ne pas se satisfaire de la simple signature de la Grèce et exiger des garanties plus solides, des « collatéraux », pour lui consentir des prêts. Cinq pays, c'est cinq de trop. La Slovaquie, la Slovénie, l'Autriche, la Finlande et les Pays-Bas ont décidé de se singulariser et pourraient s'affranchir de cet accord du 21 juillet. Tous les autres se contentent pour l'instant de la seule signature de la Grèce, mais jusqu'à quand ? Combien de temps la France et l'Allemagne s'en contenteront-elles ?
La vraie question, qui n'est toujours pas tranchée et ne peut l'être qu'au plan politique, est évidemment celle du défaut. Le 21 juillet, les pays de la zone euro décident qu'il n'y aura pas de défaut de la Grèce. À cet effet, des outils de mutualisation sont soit confortés, soit créés : le Fonds européen de stabilité financière est autorisé à acheter des titres de dette souveraine, ce qui lui était interdit jusqu'alors ; la Banque centrale européenne est encouragée à reprendre un programme de rachat de dette souveraine sur le marché secondaire ; il est décidé d'utiliser les fonds structurels européens pour relancer la croissance dans les pays qui souffrent le plus. Bref, la solidarité joue à plein, et le sens de l'Histoire est préservé, si l'on considère, comme moi, qu'il correspond à celui de la construction européenne.
Mais, entre le 21 juillet et notre débat d'aujourd'hui, s'est tenu le sommet de l'Élysée, le 17 ou le 18 août. Or ce jour-là, les euro-obligations, outil indispensable à la mutualisation, sont récusées par la France et par l'Allemagne, ce qui revient, de fait, à renoncer à leur création. Il ne sera pas possible, mes chers collègues, d'empêcher le défaut d'un pays de la zone euro, la Grèce en l'occurrence, sans cet outil. Il faut donc impérativement choisir entre le refus du défaut, le 21 juillet, et son acceptation, le 17 août, car cet entre-deux dans lequel nous nous trouvons est la situation la plus périlleuse et la plus préjudiciable pour tous. Il faut donc faire un choix et l'assumer ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
Nous cumulons les inconvénients de ces deux solutions. Nous avons les inconvénients du défaut, avec la perte de confiance des investisseurs, qui réclament des taux d'intérêt de plus en plus élevés – la Grèce a vu aujourd'hui les taux de sa dette à deux ans atteindre 50 % ! –, sans en avoir les avantages, puisque la Grèce garde son taux de dette nominal et que cette dernière n'est pas réduite. À cela s'ajoutent également les inconvénients de l'absence de défaut : la dette reste considérable, sans pour autant que les taux d'intérêt soient maintenus à un niveau raisonnable qui permettrait à tous les pays de se refinancer sur le marché.
Cet entre-deux est la pire des solutions, et le sommet franco-allemand qui a eu lieu à l'Élysée à la mi-août constitue un recul qui nous maintient dans l'incertitude, laquelle porte en germe la menace d'une crise qui, si elle éclatait, laisserait les États sans beaucoup de moyens pour y répondre comme ils le firent en 2008 et en 2009.
Ce projet de loi de finances rectificative sur l'accord du 21 juillet, s'il doit naturellement être ratifié par le Parlement, ne réglera pas la question essentielle. Elle ne pourra l'être que par des décisions politiques difficiles, qu'il appartient aux hommes d'État désignés par le suffrage universel de prendre. Après tout, ce qualificatif d'homme d'État sera largement revendiqué par certains dans les semaines et les mois qui viennent. S'ils veulent s'en prévaloir, qu'ils montrent donc, face à la crise grecque et européenne, qu'ils en ont l'étoffe ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC. – Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
La seconde partie de ce projet de loi de finances rectificative est intéressante à étudier. Je vous ai entendue, madame la ministre, dénoncer le choc fiscal de 50 milliards d'euros que voudraient provoquer, selon vous, certains parlementaires siégeant sur ces bancs. Mais que proposez-vous d'autre qu'un choc fiscal de 50 milliards d'euros ?
Au cas où cela aurait échappé à certains, le projet de loi de finances pour 2011 prévoit une augmentation des prélèvements obligatoires d'une vingtaine de milliards d'euros ; de même, la trajectoire des finances publiques adressée par les autorités françaises à Bruxelles prévoit une augmentation des prélèvements obligatoires de 10 milliards d'euros en 2012, puis de nouveau en 2013. Vingt plus dix plus dix font quarante, à quoi s'ajoute une augmentation des recettes de 10 à 12 milliards d'euros. Le compte y est, madame la ministre ! Il ne faut pas dénoncer un prétendu choc fiscal de 50 milliards d'euros, quand c'est précisément ce qui est en train de se produire ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
Il n'y a d'ailleurs pas de vraie divergence entre nous sur le montant, car seuls ceux qui aiment mentir peuvent continuer à prétendre que les impôts n'augmenteront pas. Ils augmentent déjà et ils augmenteront encore. Le débat qui nous oppose est plutôt de savoir à qui demander cet effort supplémentaire et dans quelles conditions. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.) Il n'y aura pas en effet de rétablissement de nos finances publiques sans effort supplémentaire. Prétendre le contraire n'est pas crédible !
Au-delà de cette ponction supplémentaire sur notre économie, le plan que vous nous proposez suscite quelques interrogations et quelques inquiétudes. Il soulève d'abord une question sur sa cohérence : quelle cohérence économique relie en effet la taxation des sodas, celle du tabac, celle des complémentaires santé et celle des salaires ?
Augmenter l'assiette de la CSG, mes chers collègues, c'est augmenter la CSG elle-même et donc les impôts. Cela représente un prélèvement supplémentaire sur le pouvoir d'achat de tous les salariés, du plus modeste au plus fortuné. Le dogme du refus de l'augmentation générale des impôts, déjà sérieusement écorné au cours de l'année 2011, vole aujourd'hui en éclats !
Quoi qu'il en soit, j'aimerais que l'on m'indique la cohérence économique qui préside à ces quatre taxations, examinées pour les unes aujourd'hui et, pour les autres, dans quelques semaines, dans le cadre du projet de loi de finances.
Ma seconde interrogation porte sur le fait que ce plan de rigueur ou d'austérité, qui prend la forme d'un collectif budgétaire, ne comporte aucune mesure de soutien à l'économie. L'ajustement budgétaire est une matière particulièrement délicate. Certains pays s'y sont essayés avec plus ou moins de succès, selon que ces plans comportaient ou non des mesures de soutien à l'économie.
L'absence de mesures de ce type est un second point commun du plan que propose ce collectif budgétaire avec les plans mis en oeuvre en Grèce ou au Portugal, le premier résidant dans l'absence de cohérence entre les différentes mesures de taxation.
Sans croissance, il n'y aura pas d'ajustement budgétaire durable. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.) La seule augmentation des recettes ne suffira pas. Si les propos vigoureux et enflammés du rapporteur général sur la nécessité de maîtriser la dépense publique ont convaincu nos collègues de la majorité, ils n'auront pas manqué d'observer que ce plan d'austérité ne comporte aucune mesure d'économie mais uniquement des prélèvements supplémentaires.
Dès lors qu'un plan censé redresser les finances du pays ne comporte aucune mesure de soutien à l'économie ni aucune mesure d'économie budgétaire, mais uniquement des mesures de taxation qui n'ont aucune cohérence entre elles et vont générer de surcroît des recettes pour le moins incertaines, nous n'avons pas fini, mes chers collègues, de nous retrouver pour débattre de collectifs budgétaires. J'en reviens à mon propos initial : la hausse historique des CDS attachés aux titres de dette souveraine française doit inquiéter chaque parlementaire, sur quelque banc qu'il siège.
Pour terminer, madame la ministre, vous avez indiqué qu'il n'était pas possible de laisser notre pays s'enfoncer dans la dette. On ne peut qu'être d'accord, à ceci près que nous continuerons, en 2011, à nous enfoncer dans la dette, puis l'année prochaine et celle d'après.
Le déficit stabilisant – je parle devant des spécialistes, l'ancien ministre du budget, l'actuel, les membres de son cabinet – est calculé en multipliant le stock de dette rapporté au PIB par la croissance en valeur. Si l'on retient vos hypothèses de croissance en valeur, que l'on peut au demeurant juger incertaines, le déficit stabilisant est à 2,2 %. Même en 2013, nous n'y serons pas. Madame la ministre, vous ne souhaitez pas que notre pays s'enfonce dans la dette mais ce que vous nous avez dit ne peut que nous convaincre qu'il continuera à le faire, cette année, l'année prochaine, et encore celle d'après puisqu'en 2013, nous serons toujours à 3 %, c'est-à-dire largement au-dessus du déficit stabilisant.
Ma deuxième remarque porte sur la règle d'or. Le débat serait intéressant si nous savions précisément de quoi nous parlons. Assimiler les mesures que vous nous proposez aux dispositions que les Allemands ont prises et à celles que les Espagnols s'apprêtent à mettre en oeuvre n'est pas honnête. En Allemagne comme en Espagne, la règle d'or est une règle de solde budgétaire avec un chiffre et une année : 0,35 % du PIB en 2016 pour l'Allemagne.
Si, mon cher collègue. Je suis d'ailleurs prêt à parier une menthe à l'eau à la buvette et ce serait avec plaisir que je vous l'offrirais si vous aviez raison.
Je le répète : 0,35 % du PIB en 2016. Or, nulle trace de la moindre règle de solde budgétaire dans vos propositions. Rien. Il n'est même pas prévu de retour à l'équilibre budgétaire. Je vous mets au défi de trouver, dans le projet de loi constitutionnelle lui-même, les mots « retour à l'équilibre budgétaire ». Ils n'y sont pas.
Cette réforme pourrait être intéressante dans la mesure où elle obligerait le pouvoir exécutif à une meilleure transparence à l'égard du Parlement en matière de finances publiques. De ce point de vue, ce serait certainement une bonne chose qui permettrait d'éviter certains malentendus, lesquels peuvent convenir à l'occasion à l'exécutif – je dirais même : aux exécutifs, toutes périodes confondues. Comment voulez-vous cependant convaincre ceux qui ont travaillé sur ce sujet de réformer l'article 34 de la Constitution aux fins d'élaborer une loi organique dont on ignore tout – sa nature, ses termes, son calendrier –, loi organique qui prévoirait une nouvelle catégorie de loi qui serait un peu moins qu'une loi organique mais un peu plus qu'une loi ordinaire, une loi de finances pluriannuelle, laquelle existe d'ailleurs déjà, et pourrait être, qui plus est, révisée tous les ans, mais à laquelle seraient subordonnées les lois de finances et les lois de financement de la sécurité sociale annuelles ? Mes chers collègues, appeler cela une règle d'or quand on sait ce que sont la règle allemande et la future règle espagnole, c'est se moquer du monde. À vous voir psalmodier, en sautillant comme des cabris, « règle d'or, règle d'or ! » dans l'espoir d'en tirer, sur un plan strictement politique, je ne sais quel bénéfice alors même que nous nous enfonçons dans la dette, je me demande qui, des uns ou des autres, sont les plus irresponsables, et j'ai tendance à penser que votre accusation est un peu légère. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
Ce n'est donc pas une règle d'or, mais simplement une réforme intéressante, quoique mineure, de la procédure parlementaire. Y voir la panacée en matière d'assainissement des finances publiques, c'est s'exonérer des efforts nécessaires – ce que vous faites, d'ailleurs, puisque vous ne prévoyez aucune mesure de soutien à l'économie et pas davantage d'économie tout court.
Tenter de responsabiliser les uns et les autres avec des propos dont la sincérité est parfois douteuse pour qui sait de quelle façon et selon quelle procédure ces textes furent élaborés n'est pas le meilleur moyen de nous convaincre. Un consensus ne se décrète pas mais se construit, dans le temps, en respectant l'opposition. Les parlementaires respectent ceux avec qui ils travaillent. Je ne suis pas sûr que le pouvoir exécutif ait toujours fait preuve du même respect à l'égard de ces parlementaires-là. Ce fut une erreur. (Protestations sur les bancs du groupe UMP.)
On n'obtient pas un consensus par la menace. Vous voulez un débat, madame la ministre, sur les finances publiques, l'équilibre, les efforts à fournir et les politiques à mener : ce débat, je vous l'assure, vous l'aurez. (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
J'ai reçu de M. Jean-Marc Ayrault et des membres du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche une motion de rejet préalable déposée en application de l'article 91, alinéa 5, du règlement.
La parole est à M. Pierre-Alain Muet.
Nous examinons un projet de loi de finances rectificative qui, en mélangeant un nécessaire plan d'aide à la Grèce et un plan de rigueur, se trouve être un bric-à-brac de mesures dont votre majorité elle-même a du mal à percevoir la cohérence. J'ai entendu les débats de notre commission des finances, j'ai vu les troubles qui émergeaient dans votre majorité. C'est évidemment ce plan de rigueur qui motive la motion de rejet préalable du groupe socialiste, radical et citoyen.
Nous avions demandé en commission que ces deux textes soient dissociés, pour deux raisons. Tout d'abord, il est inhabituel et peu respectueux pour les parlementaires de faire examiner en commission un texte – la lettre rectificative – quelques heures seulement après son adoption en conseil des ministres.
Ensuite, nous souhaitons que l'Europe mette en oeuvre rapidement les décisions prises au sommet du 21 juillet, même si elles sont insuffisantes, car tout ce qui peut entretenir des doutes sur la solidarité financière des pays de la zone euro nourrit la spéculation et aggrave la crise de la dette.
Les événements de cet été montrent bien que, sans réforme de fond, le risque est grand que l'Europe s'enfonce un peu plus chaque jour dans la crise, voire traverse une nouvelle période de récession.
Le Fonds européen de stabilité financière doit pouvoir intervenir rapidement en prêtant directement aux pays en crise aux taux les plus bas. Or, ses moyens sont clairement insuffisants. Pour faire face aux prochaines crises qui risquent de concerner de grands pays européens, il est temps de mutualiser une partie des dettes des États européens.
Les eurobonds ne sont pas l'aboutissement d'un processus, comme le répète à tort Nicolas Sarkozy pour s'aligner sur l'intransigeance d'Angela Merkel : ils sont le complément naturel d'une union monétaire.
Il ne s'agit nullement, à travers les eurobonds, de payer la dette des Grecs à leur place, mais simplement de leur permettre d'accéder à des crédits à des taux acceptables alors qu'aujourd'hui les marchés leur imposent des taux exorbitants.
En matière de taxation des transactions financières, il est également temps de passer des discours aux actes. La résolution adoptée à la quasi-unanimité de notre assemblée, tout comme les travaux du Parlement européen, montre qu'une taxe de 0,05 % touchant toutes les transactions financières pourrait être rapidement mise en place au sein d'un groupe de pays, dans le cadre d'une coopération renforcée. Contrairement au discours souvent entendu, les fuites de capitaux ne concerneraient pour l'essentiel que des mouvements hautement spéculatifs, plus souvent nuisibles qu'utiles à l'économie des pays concernés.
Enfin, l'Europe doit avancer vers une véritable régulation financière et vers une coordination des politiques économiques afin de ne pas s'enfoncer dans le cercle vicieux des politiques d'austérité. Il faut pour cela retrouver un peu de l'esprit des réformes qu'inspira Roosevelt lors de la crise des années 1930, lorsqu'il réintroduisit une forte imposition sur les hauts revenus, lança le New Deal et sépara, par le Glass-Steagall Act, les banques de dépôt des banques d'affaires – réformes qui se sont généralisées à tous les pays européens après la seconde guerre mondiale, qui ont conduit pendant trente ans à des périodes de stabilité financière et de croissance et que la mondialisation financière qui s'est développée depuis un quart de siècle a démantelées.
La séparation des activités de dépôt et d'investissement, voire la taxation renforcée des activités spéculatives des banques, est nécessaire pour que celles-ci fassent leur métier, qui n'est pas de spéculer sur les marchés, mais de gérer des dépôts, de prêter aux entreprises et aux ménages et d'être attentives à la gestion de ces crédits. C'est une sorte de mission de service public qu'il est temps qu'elles retrouvent.
Il faut aussi substituer au gouvernement des marchés et des agences de notations un gouvernement de la zone euro, capable de réagir à la spéculation mais aussi de coordonner les politiques économiques, afin de trouver un équilibre entre croissance et réduction des déficits, car la spirale déflationniste de la généralisation des politiques d'austérité ne fera qu'enfoncer l'Europe dans la crise.
J'en viens maintenant à la situation économique de notre pays et au plan de rigueur.
Ce plan est d'abord l'aveu d'échec d'une politique qui a creusé les déficits dans la période de croissance où il fallait les réduire, et qui veut aujourd'hui en faire payer la facture à tous les citoyens.
Ce plan de rigueur n'est pas la facture de la crise, mais la facture de votre politique.
De votre politique, il ne reste pas grand-chose en termes de mesures, puisque, après avoir adopté, dans la précipitation, un paquet fiscal en juillet 2007, vous avez mis à peu près quatre ans à le démanteler. Il reste aujourd'hui une triple facture pour nos concitoyens : une dette colossale, un chômage massif, un déficit extérieur abyssal.
Une dette colossale tout d'abord.
Vous allez nous dire : il y a la crise. Oui, la crise est là, mais, comme le rappellent la Cour des comptes ou les instituts de conjoncture, voire vos propres services de Bercy, elle ne pèse pas lourd dans les déficits de notre pays : un tiers du déficit tout au plus. Sur les 140 milliards d'euros de déficit de l'année 2010, 40 milliards seulement résultent directement de la crise, nous dit la Cour des comptes. Le reste, soit 100 milliards d'euros, est le résultat de votre politique.
Cent milliards d'euros, cinq points de PIB, c'est ce que notre pays aurait connu sans la crise mais avec votre politique, soit un déficit jamais vu depuis la Seconde Guerre mondiale.
La crise n'est pour rien, ou pour peu de chose, dans la situation des finances publiques. C'est votre politique qui en porte la responsabilité. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
La dette aura doublé en dix ans de majorité de droite, passant de moins de 900 milliards d'euros à l'été 2002 à 1 800 milliards à l'été 2012, selon les prévisions de vos propres services à Bercy : 350 milliards d'augmentation sous Chirac, 550 sous Sarkozy ! Vous allez encore me parler de la crise, mais, même en soustrayant les 150 milliards de déficit dus à la crise, il reste une dette historique. Les années Sarkozy, même sans la crise, resteront marquées par une augmentation sans précédent de la dette.
Ce que je viens de dire du déficit vaut également pour le chômage. Vous écornez aujourd'hui dans ce collectif le dispositif, absurde dans la conjoncture actuelle, de subvention aux heures supplémentaires, mais vous ne faites que l'écorner.
Comment persister à maintenir, contre tous les avis d'experts, cette arme de destruction massive de l'emploi qu'est la subvention aux heures supplémentaires ? Quand, au plus fort de la crise, l'Allemagne affectait 5 milliards d'euros à la réduction du temps de travail et au chômage partiel, la France dépensait chaque année 4,5 milliards pour subventionner les heures supplémentaires et détruire des emplois. Résultat, l'Allemagne qui comptait, comme la France, 7,5 % de chômeurs à l'été 2008, juste avant la crise, n'en compte plus aujourd'hui que 6 % quand nous atteignons presque les 10 %.
Quant au déficit extérieur, je rappelle que, jusqu'en 2002, la France avait un excédent compris entre 20 et 30 milliards d'euros. Depuis 2004, le déficit extérieur ne cesse de battre des records car vous avez abandonné tout volontarisme industriel.
J'en viens au plan de rigueur Fillon, deuxième du nom. C'est d'abord un plan injuste. Au lieu de supprimer, comme vous y invite le rapport de l'Inspection générale des finances – rapport que vous avez commandé puis gardé tout l'été au frais –, des dispositifs inefficaces, vous inventez de nouveaux impôts : taxes sur la consommation, hausse de la CSG sur certains revenus de remplacements… Et, une fois de plus, vous augmentez le coût des assurances complémentaires santé. Autant de mesures qui pèseront sur tous les Français, surtout les plus modestes.
Une famille où l'un des deux parents est en congé parental et perçoit le complément du libre choix d'activité acquittera 417 euros par an d'impôt supplémentaire au seul titre de l'application de la CSG à ces revenus. Si l'on y ajoute les différentes mesures prévues par votre plan, cette somme peut presque atteindre 1 000 euros par an.
En ce qui concerne le prétendu impôt sur les hauts revenus, non seulement il ne concerne que les revenus supérieurs à 500 000 euros, mais il s'agit de 500 000 euros par part fiscale ! Autrement dit, un couple avec trois enfants ne paiera pas le moindre euro supplémentaire d'impôt jusqu'à 2 millions d'euros de revenus annuels.
Que pèsent enfin ces 3 % de prélèvements supplémentaires quand on sait que la combinaison des niches fiscales et du prélèvement libératoire sur les revenus du capital aboutit à ce que l'imposition effective des plus hauts revenus reste très éloignée du taux marginal de 41 % ? Les titulaires des dix revenus les plus élevés payent en effet moins de 20 % de leur revenu en impôts.
Mme Bettencourt peut signer en toute quiétude la pétition des riches pour être davantage imposée : elle qui paye moins de 15 % de son revenu en impôt, en payera peut-être, avec votre taxe, 18 % pendant deux ans. Ainsi, elle reste loin de ce qu'acquitte un cadre qui vit de son seul travail et qui paye 30 % de son revenu en impôt. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
La vraie réponse est, comme nous le proposons, une réforme d'ensemble de la fiscalité, supprimant à terme les niches fiscales injustes et inefficaces et alignant la fiscalité du capital sur celle du travail,…
…à laquelle elle est inférieure de moitié.
Il y avait une façon très simple d'introduire un peu de justice fiscale dans votre plan : au lieu de cette taxe cosmétique qui rapportera au mieux 200 millions d'euros, vous pouviez, constatant la situation économique et budgétaire, annuler le collectif scandaleux adopté par votre majorité en juillet, et qui a consisté à diviser par deux l'impôt de solidarité sur la fortune et donc à faire un cadeau de 1,8 milliard d'euros aux 500 000 Français les plus fortunés. Il était possible d'annuler immédiatement ce cadeau, puisque la plupart des mesures que prévoit le texte ne s'appliqueront qu'en 2012.
Il s'agit en outre d'un plan incohérent, d'une sorte de bric-à-brac de diverses mesures. Quel lien y a-t-il entre la taxation des assurances complémentaires, la taxation des parcs à thème ou celle des produits sucrés ? Il est tellement difficile de trouver la cohérence de ce plan que votre majorité s'est lancée pendant tout le week-end dernier dans un concours Lépine pour inventer de nouvelles taxes.
Surtout, c'est un plan qui laisse se creuser un peu plus les déficits de cette année, ce que vous avez passé sous silence. Sur les 12 milliards d'euros qu'il prévoit, le plan ne permettra de dégager qu'un seul milliard d'euros de recettes en 2011, si bien que le déficit de l'État augmentera de 3,4 milliards cette année par rapport au collectif budgétaire de juillet.
Vous démontrez une fois de plus que la prétendue règle d'or est une vaste mystification : à quoi servirait-il d'encadrer la loi de finances initiale par une loi de programmation pluriannuelle, quand l'essentiel des dérives vient, comme c'est encore le cas pour celles qui motivent le présent plan, du non-respect de la loi de finances initiale ? Le déficit s'est creusé de 4 milliards d'euros par rapport à la loi de finances initiale.
Cette politique qui, pour tenter de réduire le déficit, détériore aujourd'hui l'emploi, le pouvoir d'achat et la croissance est une impasse.
De plan d'austérité en plan d'austérité, vous cassez un peu plus la croissance, ce qui réduit les recettes et vous amène à courir après la réduction des déficits sans jamais y parvenir.
Il faut au contraire un plan complet. On ne réduit pas le déficit des finances publiques, dans un grand pays, sans s'attaquer à tous les déficits : au déficit public, certes, mais aussi au déficit d'emploi et au déficit de compétitivité – à savoir au déficit commercial. Il s'agit donc d'agir simultanément sur ces trois déficits et, pour cela, de prendre des mesures immédiates.
Il convient tout d'abord de supprimer le dispositif absurde de défiscalisation des heures supplémentaires…
…– 4,5 milliards d'euros – pour financer, à terme, 300 000 emplois, soit 3 milliards d'euros. Grâce au 1,5 milliard d'euros restants, il est tout à fait possible – je réponds à Mme Pécresse, hélas partie – de compenser l'effet sur le revenu par l'augmentation de la prime pour l'emploi et par l'augmentation du taux de rémunération des heures supplémentaires, afin que l'ensemble des salariés y gagne. C'est la seule façon, dans la situation économique actuelle, de relancer les revenus et la croissance.
Ensuite, il s'agit d'engager la réduction des niches fiscales pour diminuer le déficit sans peser sur la croissance. Le groupe socialiste, au cours de tous les débats budgétaires, a proposé, à l'instar du Conseil des prélèvements obligatoires, la suppression de 10 milliards d'euros de niches fiscales inefficaces et injustes, suppression refusée par le Gouvernement.
Enfin, il faut stimuler l'investissement et, à cette fin, baisser l'impôt pour les entreprises qui réinvestissent leurs profits et l'augmenter pour celles qui privilégient les dividendes. Il est par ailleurs temps de renouer avec une véritable politique industrielle, un véritable volontarisme industriel appuyé sur les régions – seule façon de rétablir notre équilibre extérieur et de développer notre industrie.
C'est seulement grâce à ces trois politiques que l'on peut réduire les déficits. Si vous vous contentez des mesures que vous prônez, vous ne ferez que casser la croissance sans réduire les déficits.
C'est en agissant rapidement sur l'emploi que nous rétablirons la croissance et la confiance et en agissant durablement sur l'investissement et l'innovation que nous la rendrons pérenne et réduirons notre déficit de compétitivité. Or il n'y a rien de cela dans cette énième version d'une politique d'austérité.
La taxe sur les hauts revenus, comme la « règle d'or » que vous évoquez à longueur de débats, ne servent qu'à masquer l'injustice de votre politique et votre responsabilité écrasante dans la dérive de la dette et des déficits.
Qui peut croire qu'il suffit d'inscrire une règle de papier dans la Constitution pour, demain, réduire les déficits, quand cette majorité aura, en dix ans, doublé la dette de la France, n'aura respecté aucun des critères de Maastricht ? Quand la gauche est arrivée au pouvoir en 1997, à la fin du gouvernement Juppé, elle a trouvé pour la première fois non seulement un déficit supérieur à 3 % du PIB mais aussi une dette qui, pour la première fois, avait dépassé le seuil de 60 % fixé par le traité de Maastricht.
Le gouvernement de Lionel Jospin a ramené la dette à 58 % et le déficit à 1,5 % en 2011. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
En dehors de cette exception, on n'a jamais, depuis vingt-cinq ans, réduit la dette ni les déficits.
Qui peut croire qu'une majorité qui n'a respecté aucun des critères fixés par le traité de Maastricht, qui, dès 2002, a fait repasser la dette au-dessus de 60 % du PIB, qui, sept années sur dix, aura été responsable d'un déficit excessif, qui aura violé toutes les lois qu'elle aura elle-même fait adopter – nous avons tous en tête le fameux texte censé empêcher le transfert des déficits à la CADES –, qui peut croire que cette majorité peut réduire les déficits en constitutionnalisant une règle de papier ?
Il est temps de tourner la page d'une politique marquée du sceau du « triple I » : injustice, inefficacité, incohérence. Et, si l'on tient compte de la règle d'or, on peut ajouter un quatrième « I », celui de l'incantation.
C'est pourquoi je vous invite, mes chers collègues, à voter la motion de rejet préalable. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC et sur plusieurs bancs du groupe GDR.)
Au titre des explications de vote, la parole est à M. Michel Vergnier, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.
Monsieur le ministre, je m'indigne à nouveau avec véhémence au sujet des conditions d'examen de ce texte. Si vous nous avez déjà habitués à l'approximation, l'improvisation, la précipitation, vous atteignez ici un niveau supplémentaire. Il nous a été impossible, en commission, d'examiner plusieurs amendements importants du Gouvernement à cause d'un bourrage des photocopieuses de l'Assemblée – à croire que les services n'en disposent que d'une seule. Cette explication ne nous a pas du tout satisfaits et vous comprenez que nous ne pouvons aborder dans de bonnes conditions l'examen d'un texte aussi important en séance publique, un texte qui de surcroît mêle deux sujets : la dette de la Grèce et le projet de loi de finances rectificative proprement dit. Voilà qui n'est pas très sérieux, et il conviendrait d'en tenir compte à l'avenir.
« Bric-à-brac », « colmatage », ce texte paraît néanmoins répondre à une idée fixe, à une ligne de conduite qui ne change pas – je vous en reconnais le mérite. Vous avez un public, des électeurs que vous continuez à soigner tranquillement en essayant de faire croire que vous faites autre chose – on l'a vu à propos de l'ISF, du bouclier fiscal, on verra ce qui se passera en 2014. Eh bien, nous nous trouvons avec le présent texte dans le même cas de figure : ceux qui n'ont besoin de rien ont tout et ceux qui n'ont rien sont encore laissés de côté.
Pire, vous en êtes au point où vous voulez faire croire aux Français les plus modestes qu'ils sont responsables de la crise et qu'il leur reviendra par conséquent de se serrer la ceinture et de payer. Comprenez que nous ne soyons pas du tout d'accord avec un tel principe car, les deux intervenants précédents y sont revenus, ce ne sont pas les Français qui ont creusé le déficit : ils en sont au contraire les victimes. Nous souhaitons par conséquent que vous n'en fassiez pas des coupables.
À chacun ses responsabilités. Prenez les vôtres. Soyez certains que, comme l'a annoncé le président de la commission, nous mènerons sereinement le débat sur le rétablissement de l'équilibre des finances publiques dans les semaines et les mois qui viennent. Nous ne nous gênerons pas pour nous adresser nous aussi aux Français et, au bout du compte, ce sont eux qui choisiront.
Nous voterons la motion de rejet préalable, et je conclus en constatant qu'avec vous nous n'en sommes plus aux ficelles, mais à de véritables cordons ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
La parole est à M. François de Rugy, pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine.
Nous voterons cette motion de rejet préalable, pour au moins trois raisons. Notre collègue Pierre-Alain Muet a développé de nombreux arguments, et il l'a fait, comme toujours, avec beaucoup de précision, mais je voudrais en retenir trois.
Le premier, qu'il me paraît très important, dans la période actuelle, de répéter et de marteler, c'est que si les déficits se sont creusés et si la dette a explosé depuis que votre majorité est au pouvoir, c'est-à-dire depuis 2002, c'est de votre responsabilité. Je devrais plutôt dire que c'est dû à votre irresponsabilité budgétaire et fiscale. Évidemment, vous tentez, en fin de mandat, de vous racheter avec une hypothétique réforme constitutionnelle. Mais étant donné votre bilan catastrophique en matière de déficit et de dette, vous n'avez plus aucune crédibilité. Et vous aurez beau appeler cela « règle d'or », ou la désigner de quelque autre façon que ce soit, cela ne changera rien à l'affaire.
Le deuxième argument, c'est que malgré les dénégations de Nicolas Sarkozy, la réalité est là, vous ne pouvez plus y échapper : depuis quatre ans, la majorité continue, de loi de finances en loi de finances rectificative, à augmenter les impôts. Et la mesure la plus choquante, que nous dénoncerons au cours de ce débat, c'est le doublement de la taxe sur les mutuelles. (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et SRC.) Une hausse de plus ! Car vous aviez déjà, Pierre-Alain Muet a bien fait de le rappeler, procédé à une telle hausse au début de votre mandat. Et ce sont tous les Français qui devront supporter ce doublement, alors même que vous aviez déjà instauré les franchises médicales au début du quinquennat, ce dont les Français se souviennent.
Le troisième argument que je voudrais souligner, c'est que les injustices continuent à s'aggraver, loi de finances après loi de finances. Vous réussissez ce tour de force qui consiste à augmenter les impôts pour la grande majorité des Français, pour les classes moyennes, pour les petits revenus, les petits salaires – tout le monde, ou du moins tous les salariés, les retraités et les chômeurs paiera la taxe sur les mutuelles, ainsi que les autres taxes que vous avez imaginées –, tout en continuant à faire des cadeaux fiscaux pour quelques catégories privilégiées. Il vous était possible de proposer dans ce projet de loi de finances rectificative une disposition que nous aurions votée sans aucun problème, et qui aurait fait entrer près de 2 milliards d'euros dans les caisses de l'État : je veux parler de l'annulation de la réforme de l'impôt de solidarité sur la fortune. Certes, cela vous était un peu difficile, puisque vous avez adopté cette réforme il y a à peine plus de deux mois. Il reste qu'elle s'est traduite, d'un seul coup, par une perte de recettes de 2 milliards. Et vous aurez beau expliquer que tout cela est dû à la crise, cette perte de recettes est bien due à vos décisions et non pas à la crise, comme ce sont vos décisions qui aggravent les injustices entre les Français, entre ceux qui ont un gros patrimoine et ceux qui n'en ont pas, entre ceux qui ont des gros revenus et ceux qui ont des revenus moyens ou modestes.
Pour toutes ces raisons, et pour bien d'autres encore, que nous développerons dans la suite du débat, nous voterons pour cette motion de rejet préalable et contre vos mesures. (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et SRC.)
Je voudrais faire trois observations à nos collègues socialistes.
Première observation, vous essayez de faire croire à vos électeurs – même si, sur le fond, vous n'en croyez pas un mot – que les graves difficultés qui marquent la situation budgétaire de notre pays ne sont pas dues à la crise, mais entièrement à la politique menée par l'actuel président et par son gouvernement.
Vous vous trompez fondamentalement, car vous essayez de nier la situation internationale. Que je sache, la crise ne vient pas de la France. Elle vient des États-Unis. Arrêtez d'être repliés sur vous-mêmes et de croire que nous sommes sur une île déserte.
Deuxième observation, M. Muet nous dit en substance : « Si nous étions au pouvoir, nous ferions 50 milliards d'économies sur les niches fiscales. » Je cite le chiffre qui est avancé dans le programme du parti socialiste. Je rappelle que le montant des niches fiscales, c'est 73 milliards. Cela veut dire que vous comptez supprimer 70 % des niches fiscales.
Je suppose que vous voulez fiscaliser les allocations familiales, puisque c'est votre thèse traditionnelle. Quand nous étions dans l'opposition, nous nous y sommes opposés, avec d'ailleurs le groupe communiste.
Voulez-vous, monsieur Muet, supprimer les 5,5 milliards de dépenses fiscales correspondant à la défiscalisation des heures supplémentaires ? Je vous rappelle que cette mesure toucherait les salariés les plus modestes. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Ce ne sont pas les cadres, ni les cadres supérieurs, qui font des heures supplémentaires. Que vous soyez pour ou que vous soyez contre, il faut être un peu sérieux.
Voulez-vous supprimer toutes les niches qui visent à soutenir l'investissement locatif ? Il y a déjà une crise du logement. Si l'on supprimait ces mesures d'incitation, nous serions dans une « sur-crise » du logement.
Par conséquent, il n'est pas responsable, mes chers collègues, de dire que vous allez faire des économies de cette manière-là.
Ma troisième observation porte sur la règle d'or. Comme toujours, vous serez, parmi les socialistes européens, les derniers. Je note cependant avec intérêt que deux de vos candidats, François Hollande et Ségolène Royal, viennent de se rallier à la règle d'or. Et si j'en crois les sondages, ils sont légèrement majoritaires, à eux deux, au sein de l'électorat socialiste. Ce qui montre que votre électorat est quand même très en avance sur ses élus.
Par conséquent, ne désespérons pas qu'un jour vous vous ralliiez à votre tour à la règle d'or ! (Applaudissements sur les bancs des groupes NC et UMP.)
La parole est à M. Yves Censi, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.
En écoutant Pierre-Alain Muet, on constate que le parti socialiste et la gauche continuent obstinément à essayer de faire croire aux Français que la situation actuelle n'a rien à voir avec la situation internationale. À les entendre, la faillite de Lehman Brothers n'aurait jamais eu lieu, pas plus que la crise des dettes souveraines. Nous serions donc dans une situation franco-française, qu'il serait simple de rétablir.
S'agissant de la règle d'or, puisque notre collègue de Courson l'a évoquée, il est évident que la gauche française continue sa balkanisation en Europe. Je rappelle à M. Muet que cette règle se répand progressivement dans tous les pays européens. Elle vient d'être adoptée en Espagne, sous un gouvernement socialiste, et non pas à la majorité, mais à une quasi-unanimité. Dans le discours de Pierre-Alain Muet, on est très, très loin, de ce principe de réalité.
Quand on vous écoute, on mesure le fossé, je devrais dire l'abîme, qui sépare vos postures et vos incantations de la réactivité et de la sincérité du Gouvernement. Car celui-ci entend bien se rapprocher de ce principe de la sincérité budgétaire que nous défendons également. En d'autres temps, monsieur le ministre, bien d'autres gouvernements s'en seraient affranchis, à la veille d'échéances électorales primordiales.
Bien sûr qu'il y a urgence à ratifier l'accord du 21 juillet, qui, je le rappelle, a été impulsé par le Président de la République et la chancelière allemande pour mettre en oeuvre un plan inédit de stabilisation de la zone euro.
Alors, qu'y a-t-il dans ce texte qui vous dérange au point de vouloir suspendre purement et simplement son examen par notre assemblée ? Est-ce l'esprit de responsabilité vis-à-vis de nos partenaires européens ?
Monsieur Censi, je vous interromps une seconde pour indiquer à nos collègues que, sur le vote de la motion de rejet préalable, je suis saisi par le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche d'une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
Je vous prie de m'excuser, monsieur Censi.
Je vous en prie, monsieur le président.
Est-ce l'accélération de la convergence économique européenne ? Est-ce le respect de notre objectif en matière de réduction des déficits publics qui pose un problème au regard des prochaines échéances électorales au sein du parti socialiste ?
Vous avez cité, monsieur Muet, le New Deal de Roosevelt. Pourquoi pas ? Mais les mesures du collectif – et je pense que c'est le problème qu'elles posent à vos yeux – répartissent équitablement l'effort demandé sans peser sur la croissance, ni sur l'emploi. Et contrairement à ce que vous affirmez, l'effort supplémentaire a été ciblé sur ce qu'on appelle les catégories sociales les plus aisées – notamment via la taxation des plus-values immobilières et l'augmentation de la fiscalité des revenus du patrimoine –, ainsi que sur les grands groupes du CAC 40, notamment à travers une mesure de convergence fiscale entre la France et l'Allemagne, relative à l'impôt sur les sociétés.
Je conclurai en citant deux chiffres. D'une part, ces contribuables contribueront à hauteur de 82 % à cet effort supplémentaire. D'autre part, au total, les 5 % de ménages les plus aisés acquitteront à eux seuls 700 millions d'euros de prélèvements sociaux supplémentaires.
Vous le savez, tout le monde le sait, et le Premier ministre l'a rappelé le 24 août dernier : le seuil de tolérance en matière d'endettement est aujourd'hui dépassé. C'est pourquoi le groupe UMP, vous l'aurez bien sûr compris, ne votera pas cette motion de rejet préalable, afin que les débats puissent commencer le plus tôt possible. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Nous allons maintenant procéder au scrutin public sur la motion de rejet préalable.
(Il est procédé au scrutin.)
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 378
Nombre de suffrages exprimés 378
Majorité absolue 190
Pour l'adoption 153
Contre 225
(La motion de rejet préalable n'est pas adoptée.)
J'ai reçu de M. Jean-Marc Ayrault et des membres du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche une motion de renvoi en commission déposée en application de l'article 91, alinéa 6, du règlement.
La parole est à M. Christian Eckert.
Monsieur le président, madame la ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'État, monsieur le rapporteur général, mes chers collègues, une motion de renvoi en commission est parfois plus l'occasion d'exposer nos propositions que de justifier un renvoi lié à l'insuffisance du travail en commission. Aujourd'hui, vous facilitez la tâche de l'orateur du groupe SRC, tant il est évident que ce texte, ou plutôt ces textes – j'y reviendrai, car il y en a en fait deux – ont été examinés à la hussarde.
Jugez-en : mercredi dernier, le texte de la lettre rectificative – environ 114 pages – nous est parvenu, par courrier électronique, à onze heures vingt-deux. Notre commission se réunissait à onze heures quarante-cinq pour entendre les ministres. Vingt-trois minutes pour analyser le texte et préparer nos questions ! La commission se réunissait à seize heures pour examiner les amendements. Et aujourd'hui, nous avons examiné, depuis treize heures trente, les amendements déposés au titre de l'article 88 de notre règlement, et ce jusqu'à quinze heures passées, la séance publique débutant, elle, à quinze heures.
À lui seul, ce timing indécent et méprisant pour le Parlement justifie amplement, mes chers collègues, que vous votiez le renvoi. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
Oh, j'entends déjà vos arguments et votre indignation, sur le thème de l'urgence à légiférer, de la nécessité de donner des signes aux agences de notation pour éviter des catastrophes en cascades.
Cela fait plus de deux ans que vous « donnez des signes ». Mais reconnaissez avec moi que ce sont plutôt des signes de faiblesse et d'allégeance que des actes forts, solidaires et volontaristes. Un aller-retour raté entre le cap Nègre et l'Élysée a débouché sur un nouveau plan dont on ne sait si c'est une compilation de demi-mesures ou un bricolage scabreux.
Urgence il y avait, et urgence il y a toujours, nous vous l'accordons. Mais alors, madame la ministre, pourquoi ne pas avoir, comme vous l'a suggéré le président Jérôme Cahuzac, réuni la commission des finances durant l'été, pour préparer un vrai redressement, juste et équilibré, des finances publiques ?
Pourquoi ne pas avoir écouté les propositions du groupe SRC, qui, fin juin, vous suggérait, comme il l'a fait depuis 2008 à l'occasion de toutes les lois de finances, initiales ou rectificatives, d'abroger les gaspillages fiscaux de 2007, de remettre d'aplomb une fiscalité que tous, vous compris – et le rapporteur général ne l'a pas nié –, reconnaissent comme injuste ? Vous êtes sourds à nos amendements et persistez, à quelques mesurettes près, à encourager une fiscalité sur mesure pour les gros patrimoines, pour les gros revenus, pour les grosses entreprises et les sociétés financières.
L'impôt est la contribution que chacun, en fonction de ses facultés, doit payer à l'État. L'État et ses dépenses permettent la redistribution à tous, sous forme de prestations et de services publics. C'est le fondement de cette république que vous fragilisez par votre politique de classe.
Mais il y a plus pervers dans votre gestion du temps et des affaires. Vous adoptez, et cela devient coutumier, la politique du rideau de fumée, de l'amalgame et du saucissonnage.
Le rideau de fumée, c'est par exemple le cas de la TVA sur les parcs à thème, qui a occupé le terrain durant des jours. Pour un apport fiscal de 90 millions d'euros : plus d'une heure de débats en commission, dans un agenda contraint ; la grosse colère de M. Raffarin ; un thème fort du campus de Marseille ; une rébellion et une victoire des parlementaires UMP, triomphant, pour une fois, de leur président.
Pendant ce temps, en moins de deux minutes, la commission a adopté dans une indifférence scandaleuse une ponction de 1,2 milliard sur les mutuelles de santé, qui conduira à l'augmentation des cotisations de millions de retraités et de salariés dont certains ne peuvent plus payer leurs mutuelles. Ce seul point, mes chers collègues, mérite autre chose que de vagues promesses de mesurettes pour peut-être revoir lors la prochaine loi de finance les aides aux plus fragiles des cotisants.
Amalgame ensuite : pourquoi soumettre à un même vote une loi de finances rectificative sur l'aide au Fonds européen de stabilité financière, en particulier pour la Grèce, et une lettre rectificative contenant des mesures fiscales bricolées durant le week-end ?
Nous soutenons la mutualisation au niveau européen des capacités de couvertures des États. Nos réserves sur ce point sont importantes mais les accords européens, encore incomplets, constituent des avancées indispensables. Jumeler cette question avec vos mesures fiscales chaotiques constitue un amalgame qui n'éclaire pas et qui ne réhabilite pas le débat politique.
Saucissonnage enfin, car votre lettre rectificative ne reprend pour l'heure que quelques-unes des mesures du plan d'austérité dit Fillon, bâti fin août entre le cap Nègre et l'Élysée. La taxe sur les hauts revenus n'est pas urgente, elle attendra encore, et son ampleur – c'est un euphémisme – fera encore l'objet d'un rideau de fumée. Mais les mutuelles, c'était urgent ! C'est tout de suite, et pour tous : 1,2 milliard, ça ne se discute pas ; 200 millions pour les riches, ça peut attendre.
Rideau de fumée, amalgame et saucissonnage, il s'agit de la forme. Le fond aussi justifie un renvoi en commission.
Trois points pourraient nourrir un débat au fond, entre tous les parlementaires : le FESF, les banques et le plan de rigueur. Le groupe SRC est ouvert au travail collectif, tandis que vous privilégiez les conciliabules entre vous au cours du week-end.
S'agissant du FESF, le groupe SRC n'est pas opposé à sa ratification. Nous l'aurions certes souhaité plus important, mais il faut le faire. Nous avons déclaré notre préférence pour le principe des eurobonds, qui assureraient, jusqu'à un certain niveau, de meilleurs taux et la soutenabilité pour la Grèce des plans en cours.
Nous avons dit que les prêteurs privés doivent être mis à contribution. C'est – paraît-il – un peu fait, sans le dire, tout en le faisant. Nous ne savons ni quand, ni combien, ni comment. Il est injuste que les marges soient garanties aux banques privées et que les défauts soient évités grâce au concours des États, donc des contribuables. Sur ce point, les Allemands ont raison et nous devrions les suivre, en échange de leur accord sur les eurobonds.
Mais la question du FESF est inséparable d'une autre approche du système bancaire et financier. En 2008, la première crise n'a pas servi de leçon. Discours de Toulon, présidence du G8 et du G20, tout cela reste aujourd'hui lettre morte et les mêmes maux produisent les mêmes effets, faute des remèdes que nous vous avions pourtant suggérés.
En 2008, vous auriez dû, avec l'argent public que vous avez mobilisé, entrer au capital des banques. Faute de l'avoir fait, vous avez privé l'État d'argent et de pouvoir, ainsi que la Cour des comptes l'a relevé. L'air américain semble inspirer Mme Lagarde : subitement, elle juge les banques européennes sous-capitalisées, tandis que, lorsqu'elle était ministre, elle refusait d'entrer dans leur capital.
Pour sécuriser le système, vous devriez imposer la séparation des banques de dépôt et des banques d'affaires.
Que les banques de dépôt se rémunèrent pour le service rendu aux déposants et assurent les prêts aux entreprises et aux particuliers en toute sécurité, c'est leur métier.
Que les banques d'affaires prennent tous les risques en spéculant avec les fonds de ceux qui le souhaitent, c'est leur problème. Quand elles perdront, elles perdront leurs sous, pas ceux des clients captifs d'un système devenu fou.
Que les transactions financières soient taxées, ce n'est que justice. Nous défendrons une fois encore un amendement dans ce sens. Les profits spéculatifs sont, in fine, toujours issus des plus-values qu'apporte le travail des salariés. Ceux-ci sont privés du produit de leurs efforts, détourné sur les dividendes, sur les plus-values spéculatives et, quand ça va mal, ils paient encore la casse par l'impôt.
Nous défendrons aussi un amendement majorant l'impôt sur les sociétés des banques et des sociétés de crédit, dont les profits, comme les revenus de leurs dirigeants, continuent à choquer nos concitoyens.
Vous n'avez pris aucune mesure significative sur les CDS – Jérôme Cahuzac en a parlé – et les ventes à découvert à nu, qui, allez comprendre, font que, même quand les marchés baissent, certains se goinfrent tandis que l'impôt couvre les pertes.
Vous n'avez pris aucune mesure contre la spéculation haute fréquence, dont on connaît l'ampleur et l'indécence. En quoi cela sert-il l'économie que le PIB mondial circule en quelques heures au-dessus de nos têtes sans régulation sérieuse ?
Vous ignorez, ainsi que l'Autorité de contrôle prudentiel et l'Autorité des marchés financiers, le contenu de nombreux hedge funds et même parfois leur existence.
Les agences privées de notation se substituent aux évaluations que devraient conduire, sur des critères clairs, les banques centrales ou une agence européenne indépendante.
Bref, 2008 n'a pas servi de leçon et tout continue comme avant, notamment le transfert des dettes privées en dettes publiques, couvertes par les contribuables avec votre complicité.
La responsabilité du président Sarkozy et des dirigeants de notre pays, comme ceux de l'Union européenne, dans l'absence de vraies décisions est énorme et justifie la sanction du Parlement au nom du peuple.
J'en viens donc à la lettre rectificative, qui a agité vos rangs et dont notre commission a débattu en vitesse, malgré notre main tendue pour organiser des travaux collectifs durant l'été.
Observons et répétons qu'elle n'est qu'un échantillon des mesures annoncées il y a une quinzaine de jours et que le reste viendra dans la loi de finance, à l'automne. La principale ponction affecte, répétons-le, les mutuelles et donc leurs cotisants. C'est chez vous une constante, puisque les prélèvements sur les mutuelles ont été multipliés par vingt en quelques années de gouvernement Sarkozy-Fillon. On dit ne plus pouvoir rembourser les soins, les affections de longue durée, les médicaments, mais on ponctionne scandaleusement les mutuelles qui ont pourtant souscrit aux objectifs de contrats responsables et solidaires.
Quant au reste, vous êtes bien empêtrés sur la question des plus-values immobilières, dont les abattements supprimés un temps, réétalés plus tard, n'ont pas fait l'objet d'études précises ni de quantification permettant d'en apprécier les effets. Vous nous dites – en tout cas la presse nous dit – que les recettes de la dernière version de ce matin ou de ce début d'après-midi sont les mêmes que celles la version d'hier, ou d'avant-hier. Qui croire après ces allers-retours, ces volte-face, qui prouvent l'absence de politique cohérente ?
Le groupe SRC vous a fait, je le répète, des suggestions que vous feriez bien de prendre en compte. Concernant les plus-values immobilières, nous avons suggéré de les intégrer à l'assiette de l'impôt sur le revenu afin de permettre une vraie progressivité de cet impôt.
La quarantaine d'amendements que nous vous soumettons permettraient, en épargnant les mutuelles de santé, en préservant voire en augmentant le pouvoir d'achat des ménages, par exemple en augmentant la prime pour l'emploi, de diminuer en net le déficit de près de 15 milliards d'euros. Ces amendements auraient pu, auraient dû être sérieusement examinés en commission. En voici quelques-uns : taxation des compagnies pétrolières dont les bénéfices augmenteraient de plus de 20 % ; majoration de l'impôt sur les sociétés des banques et des sociétés de crédit de 10 % ; relèvement à 35 % du prélèvement libératoire pour aligner l'imposition des revenus du capital sur l'imposition des revenus du travail ; taxe à 0,05 % sur les transactions financières ; suppression ou réduction de la niche Copé ; baisse du plafond des niches fiscales à 10 000 euros ; restauration de l'ISF, comme l'a proposé Pierre-Alain Muet.
Parallèlement, nous pourrions supprimer la défiscalisation des heures supplémentaires tout en supprimant votre surtaxation des mutuelles de santé et en majorant de 40 % la prime pour l'emploi.
Oui mes chers collègues, un renvoi en commission est nécessaire, et votre calendrier ubuesque ne traite ni le moyen, ni le court terme.
Madame la ministre, vous portez une responsabilité forte dans la non-gestion de la crise, que votre majorité, au pouvoir depuis dix ans, a sinon déclenchée, au moins aggravée, et en tout cas pas enrayée.
Dans l'euphorie de 2007, vous avez adopté des mesures injustes. Le premier choc de la fin 2008 aurait dû immédiatement vous conduire à les annuler, et à changer de politique. Certes, petit à petit, un peu gênés, vous en reniez quelques-unes. Mais votre idéologie servile vous empêche de vous attaquer aux racines du mal.
Le premier enseignement à tirer de votre embarras et de vos bricolages est la confirmation de vos erreurs, et de votre responsabilité. Le second enseignement pour les Français est qu'une autre voie existe.
En votant nos amendements, sérieux, responsables et travaillés, vous pourriez initier un rassemblement de tous les Français autour de l'idée que les efforts partagés permettraient un retour à de meilleurs comptes publics.
Avant de faire payer la crise à tous, osez donc la faire payer à ceux qui se sont enrichis sur le dos des Français. Toutes les études, et encore celles publiées cet été, montrent une augmentation de la pauvreté et un accroissement des inégalités.
Votre collectif budgétaire, vous ne le dites pas assez, aggrave le déficit public de 3,4 milliards.
Jamais nous n'aurions osé pareille politique de Gribouille : prôner la vertu dans la Constitution et voter plus de déficit dans les textes. Les députés socialistes, républicains et citoyens ont une règle ; je ne sais si elle est d'argent ou d'or, mais elle est juste et de bon sens. Réhabiliter l'idée que l'impôt doit être payé par chacun en fonction de ses facultés et que l'État doit être – par les infrastructures et services publics, le droit à la santé au logement à l'éducation – au service de nos concitoyens et non au service d'une économie financiarisée dont on voit aujourd'hui qui elle sert. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
Au titre des explications de vote, la parole est à M. Alain Rodet, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.
Madame la ministre, comme cela a été indiqué dans la motion de renvoi en commission, en étant prétendument réactif, vous avez fait passer par-dessus bord les dispositions de la loi de finances initiale. Or, on le sait, le budget primitif de l'État doit rester, malgré tout, en dépit des lois de finances rectificative, l'axe de référence.
De plus, au lieu de supprimer les niches fiscales inutiles, vous aggravez des impôts qui pèsent sur l'ensemble des Français, ce qui va un peu plus anémier la croissance, d'où une nouvelle diminution des recettes et un nouveau creusement du déficit. Vous enclenchez ainsi un peu plus le cercle vicieux de l'austérité et, à terme, de la déflation.
Comment ne pas évoquer, parmi les mesures annoncées, la taxe sur les complémentaires santé ? Le dispositif proposé par le Gouvernement est choquant. En trois ans, le produit de la taxation de ces contrats est passé de 180 millions d'euros à plus de trois milliards et demi. C'est d'autant plus injuste qu'il y avait d'autres possibilités, d'autres gisements d'économies. Le Conseil des prélèvements obligatoires, dont vous avez souvent loué les rapports, a encore fait récemment des propositions allant dans un sens différent. Nos collègues Muet et Eckert se sont interrogés : comment parler d'intangibilité de l'objectif de réduction des dépenses publiques quand on persiste à subventionner les heures supplémentaires ? Vous citez souvent l'exemple allemand, mais, dans le domaine du temps de travail, les Allemands ont fait exactement le contraire de ce que vous faites et cela n'a en rien amoindri leurs excédents commerciaux au moment où notre déficit commercial continue de se creuser dangereusement.
Et puis, moins de deux mois après l'allégement de l'ISF que vous avez fait voter au début de l'été, comment faire crédit à votre plan, perçu dès avant son adoption comme inefficace et même incohérent ?
La motion de renvoi en commission défendue par notre collègue Eckert se justifie pleinement. Votre plan condamne la croissance et il faut remonter très loin dans notre histoire contemporaine, à 1934, pour trouver des dispositions aussi dangereusement déflationnistes. C'est pourquoi le groupe SRC la votera. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
La parole est à M. Jean-Pierre Brard, pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine.
Monsieur le président, notre collègue Eckert a fait une intervention factuelle, précise, méticuleuse, et je vous propose, madame la ministre, d'en prendre de la graine, tant vous sembliez, tout à l'heure, être encore à Marseille. Or vous n'êtes plus en meeting (Exclamations sur les bancs du groupe UMP), mais à l'Assemblée nationale, où il faut convaincre, expliquer, démontrer, et non pas asséner et assommer, comme vous l'avez fait à Marseille. Il est vrai que vous n'aviez même pas besoin d'assommer votre auditoire, car il y avait une telle chicaya que vous en étiez à vous chercher les uns les autres, pour être sûrs de rentrer ensemble ! (Même mouvement.)
Un député du groupe UMP. Et le PS ?
Notre collègue a prononcé des paroles fort justes, notamment sur les signes de faiblesse et d'allégeance aux agences de notation, dont le Président de la République avait pourtant dit : « Ce sont des irresponsables », avant d'écrire, dans l'accord du Conseil européen de mars, au dernier alinéa : « Il faudra veiller à obtenir les meilleures notes des agences de notation. »
Votre politique est celle de Janus : il y a celle pour les jobards, les anesthésiés, et puis celle pour les copains et les coquins, à qui vous dites : « Ne vous en faites pas, on va continuer. »
Par ailleurs, l'urgence n'en est pas une, pour les raisons que rappelait tout à l'heure Jérôme Cahuzac, puisque tous les parlements n'auront pas délibéré. Prendre une semaine ou quinze jours de plus aurait permis de mieux apprécier la situation.
Je ne vais pas reprendre les propos de notre collègue, mais vous n'étiez pas là, madame la ministre, au mois de juin, en tout cas pas dans ces fonctions-là. Rappelez-vous quand vous avez décidé de supprimer le bouclier fiscal : j'ai demandé à vingt-deux reprises à M. Baroin s'il était vrai qu'avec les nouvelles dispositions Mme Bettencourt, qui payait, cette année, 40 millions d'euros d'impôts, ne paierait plus que 10 millions l'année prochaine. M. Baroin n'a pas voulu répondre, mais je sais que vous êtes pour la transparence, pour la glasnost comme on ditdans cette langue russe que vous aimez. (Sourires.) Est-il vrai que vous beurrez les deux côtés de la tartine de Mme Bettencourt et qu'en même temps vous demandez les boutons de culotte que l'on met dans la corbeille à la fin de la messe pour faire semblant qu'il y ait solidarité ? (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Il faut que vous nous expliquiez, madame la ministre, pourquoi le Président de la République, après des mouvements de menton, finit toujours par s'aligner sur Mme Merkel.
La parole est à M. Yves Censi, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.
Je ne pense pas que M. Brard vienne de nous faire la démonstration de ce qu'est un raisonnement logique.
Je ne crois pas que son utilisation des qualificatifs de « copains » et de « coquins », qu'il connaît très bien, puisse faire office d'arguments.
C'est vous, monsieur Brard, qui êtes assommant de parler ainsi de vos collègues qui se comportent de façon responsable eu égard à la situation que nous vivons !
Depuis quatre ans, nous nous efforçons, avec le Gouvernement de mener un effort constant de réduction de la dépense publique, qui a abouti à une économie de 16 milliards d'euros. La crise a coûté à la France huit points d'activité, que nous essayons de récupérer, et qui nous ont obligés à nous fixer l'objectif intangible du rééquilibrage de nos finances publiques. Nous ne dérogerons pas à cet objectif. Nous devons voter, certes, dans l'urgence, un collectif budgétaire, et nous considérons que c'est l'honneur de notre Gouvernement et de notre majorité de soutenir ce contrat visant à parvenir à la fin de l'année à un budget sincère, ce qui n'est visiblement pas une qualité à laquelle vous êtes attaché.
Nous devons faire face aujourd'hui à deux réalités. Premièrement, une forte augmentation des intérêts de la dette en raison de la poussée de l'inflation – et que vous continuez à vouloir ignorer. Deuxièmement, une forte érosion du produit de l'impôt sur les sociétés. Près de 4,5 milliards d'euros, au total, manqueront à la fin de l'année si aucune mesure n'est prise dès maintenant.
La France n'est pas le seul pays à être confronté à cette situation. L'ensemble des pays de l'OCDE, des pays développés, sont confrontés à ce défi et doivent répondre à cet enjeu.
Oui, nous légiférons dans l'urgence, mais c'est parce que l'urgence de la situation l'impose, et il n'est pas question de renvoyer le texte en commission. Comme pour la précédente motion, notre vote sera négatif, afin d'entamer dès que possible le débat et de démontrer que nous soutenons l'initiative du Gouvernement et le projet de loi de finances rectificative. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Monsieur le président, je souhaite présenter trois observations sur la motion de renvoi en commission de nos collègues socialistes.
Tout d'abord, quelques critiques de forme. « Saucissonnage » est un terme inadapté : on ne peut examiner simultanément le projet de loi de finances pour 2012 et un projet de loi de finances rectificative pour 2011. Quant à l'« amalgame », je ne vois pas où il est, et en ce qui concerne le « rideau de fumée », tout est transparent et nous avons eu suffisamment de débat en commission pour que tout le monde soit au courant.
Venons-en, monsieur Eckert, à l'aspect positif de votre intervention : celui qui consiste à dire que vous allez voter la mesure concernant l'accord intergouvernemental du 21 juillet. Mais vous nous proposez un certain nombre de mesures qui n'y sont pas, et qui ne sont pas près d'y être. Vous voulez faire croire que la création d'euro-obligations va régler nos problèmes, mais il ne peut y avoir d'euro-obligations tant qu'il n'y a pas de véritable gouvernance économique de la zone euro. (Applaudissements sur les bancs des groupes NC et UMP.) On ne va pas distribuer les euro-obligations sans un véritable contrôle. Imaginez des euro-obligations grecques qui auraient permis à l'État grec de continuer sa dérive budgétaire ! Ce n'est pas raisonnable.
Quant à vos vieilles idées de nationalisation, au moins partielle des banques – puisque l'intervention de l'État dans les banques consiste à prendre une participation –, pensez-vous que l'expérience passée vous donne raison ? Pas un peuple ne le fait.
Quand un État prend des participations dans des banques pour les sauver, il les revend le plus vite possible.
Pourquoi n'avez-vous pas fait la séparation entre banques de dépôt et banques d'affaires lorsque vous avez été au pouvoir ? (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Pourquoi avez-vous abandonné cette idée ?
Quant à la taxe Tobin, vous savez parfaitement qu'il faut un accord général pour qu'elle puisse être opérationnelle. M. Muet peut bien dire le contraire, mais la spéculation se fera en Grande-Bretagne, en Allemagne, aux États-Unis ! Pourquoi, lorsque vous étiez au pouvoir, l'avez-vous votée sans jamais en fixer le taux ? Trêve d'hypocrisie !
Pensez-vous que la majoration de l'impôt sur les sociétés des banques soit une idée géniale, alors qu'elles sont en extrême difficulté ?
J'en viens à ce que vous qualifiez d'autre voie possible. De quoi s'agit-il ? De l'augmentation massive des impôts, que vous préconisez sans jamais proposer un sou d'économies. Mes chers collègues, si le peuple français vous confie, un jour, les rênes du pouvoir, vous serez contraints à des économies massives. Commencez donc à habituer votre électorat à cette idée, sans quoi vous vous effondrerez, au bout de six mois, dans l'opinion publique ! (Applaudissements sur les bancs des groupes NC et UMP.)
(La motion de renvoi en commission, mise aux voix, n'est pas adoptée.)
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, partons d'abord de nos points d'accord, une fois n'est pas coutume, pour arriver à ce qui nous sépare, comme il est légitime dans toute démocratie.
Le premier point d'accord que nous pouvons trouver ce soir, c'est la situation extrêmement préoccupante que traverse la zone euro. La Grèce, qui s'était fixé des objectifs et à qui s'était imposé un plan d'austérité, avoue qu'elle ne pourra pas respecter ses objectifs, et il y a tout lieu de penser qu'elle va connaître ce que l'on appelle un défaut. C'est déjà grave pour le pays lui-même, auquel l'accord du 21 juillet avait vocation à porter secours, mais c'est préoccupant aussi pour d'autres : l'Italie, l'Espagne, qui se trouvent attaquées. Les taux à court terme pour le financement de la dette souveraine sont de 50 % pour la Grèce, de plus de 5 % pour l'Italie et l'Espagne.
Nous sommes confrontés à une crise qui n'est pas celle d'avant le mois de juillet, mais celle d'après. Et, pour nécessaire qu'il soit, l'accord du 21 juillet apparaît aux yeux de tous comme insuffisant et limité.
Insuffisant, parce que le temps qui va être consacré à la ratification de l'accord est tellement long que d'autres événements se sont déjà produits – je viens de les décrire.
Insuffisant, parce que les créanciers privés qui avaient, sur une base volontaire, admis de participer au redressement commencent à se dérober.
Insuffisant, parce que plusieurs pays d'Europe – au moins cinq – posent des conditions qui n'avaient pas été prévues dans l'accord et qui peuvent même conduire le FMI à retirer sa participation.
Insuffisant enfin parce que le mot d'ordre qui était prévu est déjà limité.
Nous sommes convaincus, au-delà des rangs de l'opposition, que la seule technique qui permettra à l'Europe de combattre efficacement la spéculation, c'est l'emprunt européen et l'euro-obligation.
C'est la seule technique qui permettra à l'Union d'emprunter à la place des pays vulnérables, mais surtout de pays qui, si rien n'est fait, auront dans les années qui viennent les plus grandes difficultés à trouver des financements – ou à des taux d'intérêt très élevés.
Il est donc regrettable que lors de la rencontre entre la chancelière et le Président de la République, il ait été fait mention des euro-obligations. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Il aurait mieux valu ne pas en parler du tout ! Car le pire, c'est d'en avoir parlé et d'avoir condamné l'instrument.
Que cela ne vous fasse pas plaisir que le Président de la République ait renoncé à un instrument, je peux le comprendre,…
…mais que vous puissiez critiquer la seule procédure à même de permettre de mutualiser les dettes, cela commence à m'inquiéter pour la suite. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC. – Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
La relation franco-allemande est indispensable. Je comprends qu'il y ait nécessité de convaincre, mais ne croyez pas que chez nos voisins outre-Rhin le débat sur les euro-obligations n'existe pas, aussi bien à la CDU qu'au sein du SPD. Des voix comme celles de Schröder dont vous avez salué le rôle pour redresser les finances publiques allemandes…
…et d'autres se sont prononcées en faveur des euro-obligations. Si vous niez ce débat, vous vous privez pour la France d'une protection qui sera indispensable.
J'en arrive à la deuxième situation, …
…aussi préoccupante que celle de la zone euro : l'état de nos finances publiques.
Prenons quelques exemples de leur dégradation. Premièrement, le Trésor public – autrement dit l'État – emprunte désormais non seulement pour rembourser la dette, mais pour payer les charges d'intérêt : c'est ce que l'on appelle le déficit primaire.
Deuxièmement, notre sécurité sociale emprunte pour financer les dépenses de l'assurance maladie et les dépenses liées aux prestations familiales.
Troisièmement, la dette publique, qui représentait 62 % du PIB il y a cinq ans, est passée à plus de 85 %. Qui peut imaginer qu'une telle situation peut durer ? Qui peut croire que si nous restons à de tels niveaux de déficit, les générations futures pourront non seulement participer… (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Comment pouvez-vous imaginer que vous allez laisser aux générations futures le solde de votre incurie et de votre irresponsabilité d'aujourd'hui ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC. – Vives exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Qui a dégradé les comptes publics ? Et vous pensez nous faire la leçon ce soir, en fin de mandat, après ce que vous avez fait – et défait ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC. – Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
Pensez-vous que vous avez l'autorité suffisante pour prononcer des jugements sur ce qu'il faudrait faire demain quand on sait ce que vous avez fait hier et avant-hier ? (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
Prenez patience et soyez conscients de vos propres responsabilités. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
Vous présentez un plan parce que la situation appelle en effet un redressement. Chacun attendait, même en fin de mandat, une vision, une stratégie,…
…une cohérence, une justice. Où est la cohérence quand vous remettez en cause des dispositions que vous avez vous-mêmes fait voter en début de mandat ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
Où est la cohérence quand vous abrogez des dispositions, y compris sur la fiscalité des entreprises, que vous aviez présentées comme favorisant l'investissement ?
… prétendant que vous allez maîtriser les prélèvements obligatoires ? En cinq ans, vous avez créé pas moins de vingt taxes pesant sur l'ensemble de la vie quotidienne des Français. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.) Et au moment où vous renoncez à en créer sur les parcs d'attraction, voilà que vous vous en prenez à l'hôtellerie de luxe, et c'est tant mieux. Mais jusqu'où va votre imagination ?
Pour redresser un pays, pour aller dans le sens d'un effort collectif, pour tracer une stratégie, pensez-vous qu'il faille inventer des taxes ?
Il faut simplement faire une réforme, et c'est déjà beaucoup, de l'ensemble de nos prélèvements. Mais vous ne pouvez pas le faire, car il est trop tard. Nous attendions, et d'autres l'ont dit avant moi, un redressement sur la compétitivité, car nous allons avoir à la fin de l'année 2011 un déficit de notre commerce extérieur historique – 75 milliards d'euros quand les Allemands font 150 milliards d'excédents !
On attendait aussi un plan de soutien à l'investissement privé. Où est-il ?
Il fallait des mesures structurelles, mais vous ne pouvez pas les prendre : il est trop tard. Au moins, pouviez-vous faire un plan juste, c'est-à-dire équitable.
Au lieu de cela, qu'avez-vous fait ? Une succession de taxes. Et la seule contribution – rendez-vous compte, chers collègues – dont la durée de vie a été limitée à 2013 en cas de redressement des finances publiques, c'est celle sur les revenus supérieurs à 500 000 euros par part. Voilà votre conception de la justice fiscale !
Chers collègues, je veux terminer sur…
Sur la règle d'or, effectivement.
Vous évoquez la règle d'or comme un solde de tout compte. Vous pensez qu'il suffirait de changer la Constitution pour que les déficits s'effacent ou disparaissent comme par enchantement. (« Non ! » sur les bancs du groupe UMP.)
Mais avez-vous déjà lu notre Constitution ? L'article 34 indique que les orientations pluriannuelles des finances publiques sont définies par des lois de programmation qui doivent respecter le principe d'équilibre des finances publiques. Or qu'avez-vous fait depuis cinq ans, sinon enfreindre ce que vous aviez vous-mêmes voté lors d'une révision constitutionnelle ? Et vous voudriez maintenant d'autres protections ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC. – Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
Vous aviez même fait voter une loi obligeant tout gouvernement qui constaterait un déficit de l'assurance-maladie et notamment de la sécurité sociale à procéder à une augmentation de la CRDS.
À chaque augmentation du déficit de l'assurance maladie et de la sécurité sociale, il devait y avoir une augmentation de la CRDS. Qu'avez-vous fait ? Vous avez poursuivi dans l'aggravation du déficit de la sécurité sociale sans jamais relever la CRDS. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.) Vous avez même reporté sur les générations futures – hélas ! – les emprunts que vous avez contractés pour financer vos déficits !
Vous aviez également édicté une autre règle : chaque exonération fiscale, chaque exonération de cotisation sociale devait être, à l'euro près, selon votre formule, compensée par une augmentation d'impôt ou une diminution de dépenses. Qu'avez-vous fait ? Vous avez créé des niches fiscales, des niches sociales supplémentaires sans jamais augmenter une recette ou baisser une dépense.
Et aujourd'hui, j'ai entendu un d'entre vous nous faire la leçon et nous dire que nous aurions pu, lorsque nous étions aux responsabilités – il y a trop longtemps –…
…baisser la dépense publique. Mais vous, que faites-vous sur ce plan ? Onze milliards : 10 milliards d'augmentation de taxes, 1 milliard seulement de baisse de la dépense. Est-ce cela votre exemple ?
Mais revenons à la règle d'or puisque vous l'évoquez comme si c'était la seule protection possible.
Le seul engagement que nous devons prendre ici, c'est de redresser les finances publiques sans qu'il soit besoin de changer en quoi que ce soit la Constitution ; il faut seulement changer les politiques économiques et financières de notre pays. C'est cela, l'enjeu. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
Vous nous posez la question de savoir quand il faudra le faire. Y a-t-il urgence ? Sommes-nous obligés de voter une telle disposition aujourd'hui ? L'Espagne y est contrainte…
Lorsque la chancelière a rencontré le Président de la République, la date limite d'une éventuelle règle d'or avait été fixée au mois d'août 2012. Je l'en remercie : elle a eu la précaution de penser qu'il pouvait y avoir un autre Président de la République en mai 2012 (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC) et qu'alors certaines dispositions pourraient être prises. (Rires et exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
Mais puisque je suis à cette tribune, je peux affirmer que nous prenons l'engagement, nous, de revenir à un déficit de 3 % du PIB avant la fin de 2013. Nous prenons l'engagement de revenir à l'équilibre de nos finances publiques avant la fin du prochain mandat. Ma responsabilité consiste à aller devant les Français et à dire quelle est la voie, le moyen à utiliser pour atteindre cet objectif. La responsabilité, ce n'est pas d'attendre la fin d'un mandat pour demander à l'opposition de donner quitus à une majorité qui a échoué. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC. – Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
Mesdames et messieurs, le rendez-vous est devant les Français, le rendez-vous est pour mai 2012 : ce rendez-vous, c'est celui de la responsabilité. (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe SRC. – Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le ministre, vous vous êtes donné tout à l'heure du « cher François », « chère Valérie », j'ai envie de dire à mon tour « cher François » – ne vais tout même pas dire « cher Président » (Sourires) –à l'orateur qui m'a précédé. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
Nous avons de nombreuses convergences…
…et nous nous réjouissons que, contrairement à ce que soutient la majorité depuis quatre ans, l'opposition ait des propositions. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
Mes chers collègues, je vous en prie ! Si vous avez choisi de quitter l'hémicycle, faites-le dans le silence !
Nous venons d'entendre un et nous en entendrons d'autres. Pour leur part, les écologistes développeront d'autres sujets, mais nos convergences sont porteuses d'avenir pour le changement que nous proposerons ensemble en 2012.
Je ne reviendrai pas très longuement sur la méthode et le calendrier qui nous ont été imposés pour travailler sur ce projet de loi. Au bricolage sur la forme s'ajoute, hélas, le bricolage sur le fond.
Le Gouvernement comme la majorité font tout pour escamoter le débat sur la situation européenne que l'on aurait pu aborder correctement et longuement avec les mesures destinées à soutenir la Grèce. Le comble a été atteint avec ce débat incroyable sur l'augmentation du taux de TVA sur les tickets d'entrée des parcs de loisirs. Incroyable qu'une pareille idée ait pu être présentée comme un pilier d'un plan de retour à l'équilibre des finances publiques ! Incroyable aussi que cela ait pu être un sujet de discorde au sommet de l'État entre un ancien Premier ministre et le Président de la République sans que l'actuel Premier ministre ne soit en mesure de dire ce qui a finalement été arbitré ! J'espère que nous aboutirons à la même conclusion que celle de la commission. J'y reviendrai, mais j'insisterai surtout sur les mesures les plus lourdes, les plus graves aussi, à commencer par l'augmentation des taxes sur les complémentaires santé, à laquelle nous sommes fermement et totalement opposés.
Pour l'heure, je m'étonne que ce plan d'austérité qui ne dit pas vraiment son nom, ce projet de loi de finances rectificative ne comporte que quatre mesures assez minimes, bien qu'injustes pour la plupart d'entre elles.
Une fois de plus, vous vous inscrivez dans une logique d'affichage plutôt que dans l'action, alors que le Gouvernement reconnaît lui-même dans l'exposé des motifs que le déficit en 2011sera plus important que prévu, de plusieurs milliards d'euros.
Il reconnaît également qu'il y aura des dépenses exceptionnelles, discrètement présentées à la page 52 de la lettre rectificative : plus de 450 millions prévus pour solder l'affaire des frégates de Taïwan.
Il n'y a rien d'étonnant à cette politique d'affichage qui constitue l'une des caractéristiques premières de l'action de la majorité depuis quatre ans. Le fil conducteur des mesures fiscales du Gouvernement depuis l'arrivée de Nicolas Sarkozy au pouvoir, c'est l'injustice.
Si le Gouvernement avait voulu lutter efficacement contre l'accroissement du déficit public, il aurait surtout dû éviter tous ces cadeaux fiscaux aux plus aisés qu'il a accordés jusqu'en juillet de cette année avec la suppression d'une part très importante – près de 2 milliards d'euros – de recettes de l'impôt de solidarité sur la fortune.
Le Gouvernement se trouve désormais dans le rôle du pompier pyromane, obligé d'éteindre un incendie qu'il a lui-même causé – quoi que vous en disiez – avant la crise.
Vous avez vous-mêmes créé de nombreuses niches fiscales auxquelles vous ne vous êtes jamais attaqués. Vous avez dû reconnaître votre erreur pour ce qui est du bouclier fiscal, qui était une sorte de super-niche fiscale, mais vous n'avez jamais rien fait pour lutter contre les niches fiscales anti-écologiques. La seule que vous ayez divisée par deux est le crédit d'impôt développement durable… Comme par hasard !
Attardons-nous sur le coût des mesures décidées depuis 2007 en termes de baisse de recettes. La suppression de la taxe professionnelle en 2010 s'est soldée par 9 milliards d'euros de manque à gagner, qui n'ont pas été compensés puisque vous avez abandonné en rase campagne la taxe carbone sur laquelle vous comptiez initialement. Pour les années suivantes, vos services ont évalué à 5 milliards d'euros par an le coût de cette mesure pour le budget de l'État. Surtout, il y a eu cette scandaleuse mesure scandaleuse de la loi TEPA en 2007 : l'exonération de cotisations sur les heures supplémentaires. Elle n'a pas profité aux salariés, contrairement à ce qui a été dit.
La défiscalisation représente à peine plus de 100 millions d'euros de gains alors que les exonérations de cotisation ont coûté plusieurs milliards d'euros.
Si le Gouvernement voulait réellement combattre le déficit et cesser d'aggraver la dette comme il l'a fait depuis quatre ans, il devrait revenir sur ces mesures. Mais pendant quatre ans, ce n'est pas la règle d'or dont vous vous réclamez aujourd'hui que vous avez appliquée, mais bien une politique de plomb. Une politique de plomb pour les services publics, pour l'emploi public, pour tous ces emplois au service de la population.
Disons-le en ces jours de rentrée scolaire, mes chers collègues !
Mme Pécresse a indiqué dans son intervention tout à l'heure que cette politique avait eu des effets bénéfiques sur le budget de l'État. Eh bien non ! Le déficit n'a cessé de s'aggraver. Et s'il y a eu des effets, c'est en termes de dégradation des services rendus à la population française. C'est cela que les Français ressentent aujourd'hui. Réduire la qualité des services publics tout en plombant durablement nos finances publiques, il fallait le faire !
Avant de faire les poches des Français, il faut bien dire les choses comme elles sont, à travers toute une série d'impôts et de taxes – nous y reviendrons lors de la discussion des articles –, commencez donc par supprimer les cadeaux fiscaux que vous avez accordés aux plus fortunés et vous retrouverez un début de crédibilité. (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et SRC.)
Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le ministre, mes chers collègues, le projet de loi de finances rectificative déposé le 1er août sur le bureau de l'Assemblée nationale et la lettre rectificative adoptée le mercredi 31 août en conseil des ministres tentent de répondre à un double objectif : face à un ralentissement économique mondial qui fait chuter les recettes fiscales, prendre des mesures d'urgence pour éviter un dérapage significatif des déficits publics ; face au retour de la crise des dettes souveraines de plusieurs pays – pas seulement européens –, autoriser le Gouvernement à augmenter le soutien de l'État français à l'État grec.
Les mesures proposées dans ce collectif ainsi que celles déjà annoncées pour le projet de loi de finances pour 2012 sont-elles à la hauteur des problèmes posés par le ralentissement économique et par la nouvelle crise de la dette souveraine ? Telle est la question qui nous est aujourd'hui posée.
Le groupe Nouveau Centre estime que ces mesures devraient être amplifiées pour éviter un dérapage des déficits en 2011 et en 2012, mais également adaptées pour les rendre socialement plus justes, compte tenu de la gravité de la situation.
Pour l'exercice de 2011, le Gouvernement constate une dégradation du déficit spontané du budget de l'État de 4, 5 milliards : 3 milliards de pertes de recettes – relevant pour l'essentiel de l'impôt sur les sociétés – et 1,5 milliard lié aux intérêts de la dette. Il propose 500 millions d'économies sur les dépenses et 600 millions de majoration des recettes du budget de l'État afin de réduire le dérapage à 3,4 milliards et de porter le déficit à 95,7 milliards.
Remarquons tout d'abord que, mis à part le dérapage de 1,5 milliard sur les intérêts de la dette, le Gouvernement ne tient pas compte de certaines sous-budgétisations qui nécessiteront des redéploiements budgétaires importants. Ainsi, le coût des OPEX dépassera le milliard d'euros alors que seuls 630 millions d'euros avaient été budgétés. Il en est de même pour l'aide médicale d'État et certaines dépenses sociales dont le coût est plus élevé que prévu du fait du ralentissement économique.
Il est fort probable que, intérêts de la dette et pensions compris, les dépenses de l'État vont croître de 2 % environ et que la double règle consistant en une croissance zéro en valeur des dépenses, hors intérêts de la dette et pensions, et en une croissance zéro en volume, intérêts de la dette et pensions compris, aura bien du mal à être respectée dans sa seconde composante.
La thèse du Gouvernement selon laquelle le dérapage de 3,4 milliards d'euros du budget de l'État sera compensé par une amélioration du solde des comptes sociaux et du budget des collectivités territoriales est, nous semble-t-il, imprudente.
En effet, les plus-values de recettes constatées dans les organismes de sécurité sociale au premier semestre risquent d'être annulées au second semestre du fait du ralentissement économique. Quant aux collectivités locales, leurs besoins de financement, estimés à moins de 2 milliards d'euros en 2011, pourraient se détériorer très vite pour ce qui est des départements et des communes si le Gouvernement maintenait sa position sur la nouvelle taxation des plus-values immobilières à compter du 24 août. En effet, les notaires nous avertissent tous que ces mesures risquent de geler une partie du marché immobilier pendant plusieurs mois.
L'inadaptation aux règles de justice sociale et d'efficacité économique de trois des cinq mesures fiscales qui nous sont proposées mérite d'être corrigée.
En premier lieu, la mesure relative au passage de 5,5 % à 19, 6 % de la TVA sur les entrées des parcs à thème, à laquelle le Gouvernement vient de renoncer, aurait coûté plus cher à l'État qu'elle ne lui aurait rapporté. Pourquoi ? Parce que les accords signés entre l'État et le groupe Disney auraient entraîné un contentieux relevant d'un arbitrage à Genève, qui aurait probablement coûté cinq fois plus que le produit escompté, soit 400 millions à 500 millions d'euros. Qui plus est, l'État aurait subi une forte dévalorisation de son patrimoine puisqu'il est actionnaire d'une partie de ces parcs, via la Caisse des dépôts. Enfin, d'un point de vue social, il faut souligner que cette mesure aurait frappé les familles, ce qui n'est pas souhaitable.
Le Gouvernement propose comme recette de substitution une taxe de 2 % sur les hôtels dits de confort. Le groupe Nouveau Centre a fait d'autres propositions.
En deuxième lieu, la mesure fiscale visant à supprimer les abattements qui aboutissent à une exonération au bout de quinze ans des plus-values immobilières et à les remplacer par un calcul des plus-values fondé sur la différence entre le prix de vente et le prix d'achat indexé est dangereuse économiquement et socialement. Elle aboutirait en effet à une forte contraction des transactions et à une forte chute de la construction pour deux raisons : les propriétaires fonciers céderaient moins facilement leur foncier, et plus le prix augmenterait, plus ils renonceraient à vendre ; les épargnants, quant à eux, réduiraient leurs investissements dans le logement locatif estimant qu'une nouvelle fois, ils ont été trompés, ce qui aboutirait à aggraver le déficit en logements, particulièrement marqué dans les zones tendues.
Le groupe Nouveau Centre, dès la semaine dernière en commission, a proposé une solution plus raisonnable : la réduction de 10 % à 5 % de l'abattement sur les plus-values, ce qui revient à une exonération au bout de vingt-cinq ans au lieu de quinze ans. À cet égard, il convient de rappeler que le délai d'exonération était de vingt-deux ans jusqu'en 2006 et qu'il dépassait, à la fin des années quatre-vingt-dix, plus de trente ans. Notre solution a pour avantage de rester dans la logique du système existant. Cependant, elle ne rapporterait que 1,3 milliard au lieu des 2,2 milliards prévus par la mesure gouvernementale.
Rappelons, en outre, que l'estimation du Gouvernement était surévaluée car elle ne tenait pas compte de la modification du comportement des propriétaires de logements locatifs qu'aurait immédiatement entraînée sa mesure s'il l'avait maintenue en l'état.
Constant dans son comportement responsable, le groupe Nouveau Centre avait proposé d'autoriser le Gouvernement à négocier avec l'État suisse une convention lui permettant d'obtenir un prélèvement forfaitaire de 15 % à 30 % sur les revenus des comptes localisés en Suisse des résidents français, que ces derniers n'auraient pas déclarés au fisc français. D'après les indications fournies par l'État suisse, le montant de ces comptes est de l'ordre de 86 milliards d'euros contre, par parenthèse, 186 milliards pour nos voisins allemands et près de 90 milliards pour nos voisins italiens. L'Allemagne et le Royaume-Uni ayant signé le mois dernier une telle convention, on voit mal la France faire bande à part, d'autant qu'elle rapporterait de l'ordre de 1 milliard d'euros par an à l'État et qu'elle contribuerait à réduire fortement l'intérêt de ne pas déclarer au fisc français le revenu de ses placements en Suisse, ce qui renforcerait la lutte contre la fraude.
Le Gouvernement propose de porter de quinze ans à trente ans la période au-delà de laquelle l'exonération est totale. Ce délai est acceptable. Cependant, nous pensons que les taux de 2 %, 3 % et 10 % sont trop progressifs. Le groupe Nouveau Centre déposera un sous-amendement à l'amendement gouvernemental proposant 2 %, 4 % et 8 %, ce qui devrait être à peu près équivalent en termes de recettes. En revanche, nous sommes d'accord pour ce qui est du report : le choix du 1er février 2012 paraît tout à fait raisonnable.
En troisième lieu, les dispositions proposées par le Gouvernement en matière de plafonnement du mécanisme de report en avant et en arrière des déficits des entreprises soumises à l'impôt sur les sociétés vont dans la bonne direction puisqu'elles vont dans le sens de l'harmonisation fiscale franco-allemande. Cependant, il convient de bien rappeler que les PME sont exclues de ce dispositif dans la mesure où ce sont les grandes entreprises qui en bénéficient massivement – à hauteur de 95 %.
En quatrième lieu, le doublement de 3,5 % à 7 % de la taxe sur les conventions d'assurance des mutuelles de santé n'est pas acceptable en l'état. Il conviendrait d'exonérer de l'augmentation de cette taxe les catégories les plus modestes – étudiants, travailleurs pauvres – et d'améliorer le dispositif du crédit d'impôt pour soutenir les Français les plus modestes. Le groupe Nouveau Centre a d'ailleurs proposé plusieurs amendements allant dans ce sens. Il rappelle qu'il importe de soutenir les contrats solidaires favorisant les parcours de soins et les bonnes pratiques médicales ainsi que la prise en charge des dépassements dans le secteur optionnel, ce qui avait été négocié avec le monde mutualiste.
Enfin, l'augmentation de 2,2 % à 3,4 % du taux de l'imposition sur les revenus du capital va dans le sens, souhaité par le groupe centriste, d'un rapprochement entre la fiscalité des revenus du capital et des revenus du travail. Nous soutenons cette disposition.
Je voudrais, dans une deuxième partie de mon intervention, évoquer les mesures concernant la dette souveraine grecque. Pour nous, elles ne sont pas suffisamment adaptées à la gravité de la situation de l'État grec.
Il y a dix-huit mois, lorsque nous avons voté le premier plan d'aide à la Grèce, j'avais indiqué au ministre de l'économie de l'époque, Mme Lagarde, que ce plan était inadapté pour trois raisons.
Premièrement, les banques privées ne participaient pas à l'effort de redressement en annulant une partie de la dette, en réduisant les taux d'intérêt et en allongeant la durée des prêts, en un mot, en contribuant à restructurer la dette grecque. La moitié des 1l0 milliards de ce premier plan de prêts des États, encore solvables, de la zone euro était utilisée pour rembourser les créanciers privés de la Grèce. Ainsi, on substituait un endettement public à un endettement privé, sans contrepartie du côté des banques. Or, nous autres, au groupe Nouveau Centre, avons toujours plaidé la responsabilité : on ne peut pas prêter à une structure qui est en train de s'enfoncer, fût-ce un État, sans engager sa responsabilité ; en droit des affaires, cela s'appelle du soutien abusif. Nous avions donc demandé à ce qu'une participation des banques figure dans ce premier plan.
Deuxièmement, la Grèce ne peut rembourser une dette qui, par rapport à la richesse créée, ne cesse de s'aggraver : elle atteindra près de 170 % du PIB à la fin de 2011 avec un taux d'intérêt, je vous le rappelle, mes chers collègues, très faible puisqu'il s'élève à 4 % alors que sur les marchés, il s'élève à 15 % – il devrait cependant augmenter et passer en 2013 à 5 %. La Grèce ne peut rembourser qu'une partie de sa dette. En effet, il faudrait que l'État grec ait un budget primaire en excédent d'un montant égal à près de 9 % de son PIB pour pouvoir payer ses seuls intérêts, et même de 19 % pour rembourser sa dette en seize ans. Du reste, le président de la commission de contrôle du budget grec a récemment écrit dans son rapport : « la dynamique de la dette est maintenant hors de contrôle ». Il a même dû démissionner pour avoir dit la vérité, à savoir que la Grèce ne peut consacrer 170 % de la richesse au remboursement de sa dette publique. C'est impossible !
Troisièmement, la société grecque n'est pas capable de supporter les efforts nécessaires sur dix à quinze ans pour redresser ses finances publiques. Le déficit budgétaire se réduit beaucoup plus lentement que prévu : il a représenté 15,5 % en 2009 et 10,5 % en 2010 et devrait être proche de 9 % en 2011. L'objectif d'un déficit ramené à 7,4 % ne sera pas tenu. Le dérapage porte surtout sur les recettes car la fraude fiscale, massive en Grèce, ne recule pas significativement et ce, pour une raison simple : pour lutter contre la fraude, il faut une administration fiscale intègre et efficace, ce qui n'est pas le cas en Grèce.
Qui plus est, la croissance est négative : moins 4,5 % en 2010, moins 4 % en 2011 – alors que l'on espérait une baisse de seulement, si j'ose dire, 3,5 % ; et on s'attend pour 2012 à une quasi-stagnation. Or plus le PIB baisse, plus la dette calculée par rapport à la richesse augmente.
Le poids de la dette ne cesse donc de s'aggraver et il faut dire la vérité : il sera nécessaire d'annuler une partie de la dette grecque, et la question qui se pose, c'est seulement celle de savoir qui supportera cette annulation. Si nous ne le faisons pas, le risque est élevé d'un effondrement de la démocratie en Grèce.
Au regard de ces observations, l'accord signé le 21 juillet par les chefs d'État et de gouvernement de la zone euro va dans la bonne direction : ils ont en effet demandé aux banques de participer, volontairement hélas, à cet effort. Cependant, au jour d'aujourd'hui, seuls 70 % des prêts bancaires sont concernés, et près de 30 % de l'encours ne l'est pas. Je vous le dis tout net, madame la ministre : ce n'est pas acceptable, notamment vis-à-vis des contribuables ! Les banques ayant volontairement participé à l'effort ont accepté une décote de 21 %. Cependant, en dessous de 40 %, ce qui permettrait de ramener la dette grecque aux alentours de 100 % du PIB, on voit mal comment la Grèce pourrait revenir avant longtemps sur les marchés. Un nouveau plan sera donc probablement nécessaire dans un ou deux ans.
Le groupe Nouveau Centre demande donc que la totalité des banques participe à l'effort, et que la troïka maintienne une pression très forte sur le gouvernement grec pour que celui-ci revienne à un déficit supportable. Les chefs d'État et de gouvernement de la zone euro doivent aussi demander à la BCE d'agir pour améliorer la parité euro-dollar et de mettre en place une politique de taux d'intérêt plus favorable à la croissance. Enfin, il faut aller vers une vraie gouvernance économique de la zone euro, et celle-ci, nous le savons bien, mettra des années à se mettre en place. C'est ce que les centristes ont toujours demandé : un véritable fédéralisme européen.
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, notre pays ne connaîtra une croissance durable que si des efforts considérables sont réalisés pour réduire les déficits publics et renforcer la cohésion sociale. C'est pourquoi nous défendrons à nouveau, dès ce collectif budgétaire, un amendement visant à créer une nouvelle tranche d'impôt sur le revenu, correspondant à 150 000 euros par part fiscale, au taux allemand de 45 %.
Nous demandons aussi au Gouvernement de persuader le Président de la République de réunir le Congrès afin de mettre l'ensemble de la classe politique devant ses responsabilités et d'adopter la règle d'or.
Que nos collègues socialistes cessent donc de constituer une anomalie en Europe, qu'ils adoptent les mêmes positions que leurs collègues britanniques, allemands et espagnols !
Je voudrais dire à François Hollande – qui, hélas, n'est plus là pour m'entendre – que nous, au Nouveau Centre, nous nous battons sur ce point depuis quinze ans. Nous avons au moins été constants : c'est tellement rare dans la vie politique !
Je note d'ailleurs que, comme François Hollande l'a rappelé tout à l'heure, deux des cinq candidats à l'investiture socialiste – lui-même et Mme Royal – sont désormais favorables à la règle d'or. Je les en félicite, et c'est d'autant plus remarquable qu'ils sont majoritaires au sein de l'électorat de gauche.
Cependant, ils ne veulent voter cette réforme qu'après les échéances électorales de l'année prochaine. Ce serait une grave erreur ! Je dis donc : encore un effort, mesdames et messieurs les socialistes, et nous serons tous d'accord pour que la règle d'or soit inscrite, comme en Allemagne et en Espagne, dans notre Constitution ! (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe NC. — Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le rapporteur général, mes chers collègues, vous avez entendu comme moi tout à l'heure les inquiétudes, les craintes, les frayeurs que le projet de loi de finances rectificative, mais aussi la situation de la zone euro suscitent chez M. le président de la commission des finances. Je voudrais, en quelques minutes, sinon le rassurer, du moins l'assurer de la détermination de la majorité parlementaire et bien entendu du Gouvernement, à faire face à la crise la plus grave qu'ait connue la zone euro depuis sa création.
Le président de la commission des finances, constatant que la France et l'Italie étaient hier attaquées sur les marchés, en demandait la raison au Gouvernement. Puisque le Gouvernement n'a pas pu, pour des raisons liées au règlement de l'Assemblée, lui répondre, je m'empresse de le faire.
Oui, l'Italie a été attaquée hier sur les marchés, comme la Belgique l'est aujourd'hui. En effet, les marchés doutent de la détermination du gouvernement italien à sortir ce pays de sa situation budgétaire actuelle ; quant à la Belgique, il n'aura échappé à personne qu'elle connaît depuis quatre ans une grande instabilité gouvernementale, et même une absence de gouvernement depuis plus d'un an.
On l'a observé ces dernières semaines, ces derniers jours : les marchés sont très réactifs ; et ils parient ni plus ni moins que sur la fin de la zone euro, ou plutôt sur son éclatement entre une zone du Nord et une zone du Sud. Bref, ils parient purement et simplement sur la disparition de l'un des fondements de la politique européenne actuelle, de l'un des éléments prometteurs de l'Union européenne.
J'ai bien entendu ce qu'a dit Charles de Courson, avec beaucoup de justesse. Certes, faire preuve de vérité est une exigence. Mais je voudrais lui dire qu'il y a deux façons de regarder la situation d'aujourd'hui – avec optimisme ou avec pessimisme.
Regarder la situation avec pessimisme, ce serait renoncer dès aujourd'hui à l'engagement des Grecs de sortir de la situation économique et financière dans laquelle ils se trouvent. Il faut dire que réduire en deux ans un déficit de six points de PIB, c'est une performance que peu d'États occidentaux ont accomplie jusqu'à présent.
Charles de Courson a rappelé les propos du président de la commission grecque de contrôle du budget. Mais, des parlementaires très impliqués, et je dirais même garants d'un système, comme le sont aujourd'hui la plupart des parlementaires grecs, sont-ils les mieux à même d'estimer la capacité de leur pays à sortir de l'ornière ? La semaine prochaine, la troïka formée du FMI, de la Banque mondiale et de l'Union européenne se rendra en Grèce pour s'assurer de la capacité de ce pays à sortir de sa situation et à respecter le plan fixé.
J'ai confiance : ce plan, même s'il doit être amendé à la marge, sera respecté. Ne pas croire à la capacité de la Grèce à sortir de sa situation financière, ce serait ne pas croire que la zone euro pourra affronter les difficultés qu'elle rencontrera, aujourd'hui avec la Grèce, ou demain avec d'autres États.
La Grèce, mes chers collègues, c'est le premier domino : il reste debout ou il tombe, mais croire qu'en tombant, il ne fera pas tomber les autres, serait une erreur fatale. Or, parmi ces dominos, il y a des pays plus fragilisés que le nôtre, mais la France aussi serait indirectement concernée. Jérôme Cahuzac le disait tout à l'heure : la France a été attaquée sur les marchés financiers.
Mais pourquoi ? Parce que c e que se demandent aujourd'hui ces marchés, c'est ce qui arrivera en cas d'explosion de la zone euro en deux groupes : la France fera-t-elle partie du groupe des pays du Sud, les plus fragilisés, ou bien du groupe des pays du Nord, les plus solides ?
J'en viens à la décision prise par le Gouvernement de lancer un projet de loi de finances rectificative afin de maintenir coûte que coûte l'objectif de réduction du déficit, à terme, du budget français. Pourquoi veiller à tout prix au respect de cet objectif ?
C'est simple : nous devons garder notre crédibilité sur les marchés ; nous devons rester crédibles aux yeux des investisseurs, qui doivent avoir confiance dans notre capacité à faire face à nos échéances. Nous resterons ainsi dans le groupe de tête des économies de la zone euro.
Ce matin, le spread – c'est-à-dire la différence de risque entre l'Allemagne et la France – était de 85 points de base, ce qui est très faible. Nous empruntons, Gilles Carrez l'a rappelé, à des taux absolument exceptionnels, historiquement bas. Voilà la réalité de la France d'aujourd'hui : les investisseurs lui font confiance, mais certains doutent de la stabilité de la zone euro.
Je ne donnerai qu'un autre chiffre : le price, c'est-à-dire le prix, la confiance que l'on a d'être remboursé lorsqu'on investit en obligations d'État. On estime qu'avec la dette grecque, on a 100 % de risque de recevoir au bout de dix ans 50 % de la somme investie. Autrement dit, la Grèce ne suscite pour l'heure aucune confiance sur les marchés. Mais nous sommes solidaires de ce pays parce que, demain, ce pourrait être le tour de la France, de l'Italie, de l'Espagne, de la Belgique – bref, de tous les pays de la zone euro, si l'on n'y prête pas garde.
Voilà quel doit être l'objectif de la France, du Gouvernement, de la majorité et même, je l'espère, de l'opposition : veiller à ce que ce projet de loi de finances rectificative soit conduit à son terme dans cette épure, afin de respecter l'objectif de 5,7 % de déficit en 2011.
Le président Cahuzac a parlé tout à l'heure d'un plan sans cohérence et sans mesure de soutien à l'économie, ce qu'il regrettait.
À l'entendre, le Gouvernement et la majorité seraient passés à côté de l'essentiel.
Là aussi, je voudrais rassurer le président de la commission des finances. Certes, un seul milliard de dépenses disparaît pour l'année 2011, et il sera en réalité constaté dans le projet de loi de finances initiale pour 2012. Mais, mes chers collègues, nous sommes au mois de septembre, c'est-à-dire que nous arrivons déjà à la fin de l'année, et je vous laisse imaginer les effets qu'aurait une réduction massive des dépenses publiques, surtout si l'on prend en compte l'objectif, revu par le Gouvernement, d'une croissance de 1,75 %.
Imaginez que, d'un seul coup, on fasse disparaître 4 milliards d'euros de crédits budgétaires, simplement pour marquer l'effort de réduction de la dépense publique ! Vous pourriez toujours chercher la croissance en fin d'année : vous ne la trouveriez pas. En effet, la dépense publique contribue aussi à la croissance…
…et lorsque vous arrivez en fin d'année et que vous supprimez massivement des crédits, aucun partenaire de l'État n'est préparé : d'autres dépenses subissent alors des annulations en chaîne et la croissance en est mécaniquement amoindrie.
Voilà la raison pour laquelle il ne convenait pas cette année, dans le projet de loi de finances rectificative, de réduire fortement la dépense publique. Mais, parce que nous devons tenir l'objectif d'un déficit de 5,7 % du PIB en 2011, le Gouvernement et la majorité parlementaire sollicitent l'ensemble des Français, l'ensemble des entreprises, afin de montrer la fiabilité de la France et de la dette française, ainsi que la solidité de sa politique économique.
La majorité parlementaire soutiendra donc pleinement cet ensemble de mesures présentées par François Baroin et par Valérie Pécresse, et fort bien analysées tout à l'heure par Gilles Carrez.
Un mot rapide, enfin, sur la règle d'or : elle serait, nous dit-on, inutile ; elle ne serait pas urgente. Pourquoi, alors, l'Italie a-t-elle décidé de l'inscrire à son programme pour jeudi matin, et de la voter rapidement ? Parce que ce n'est pas une mesure cosmétique, comme je l'ai entendu dire tout à l'heure par l'opposition, mais bien un engagement fort et clair, un engagement de politique économique : c'est la mise en place d'une stratégie de désendettement et de réduction des déficits publics ; cela revient, enfin, aussi, à montrer patte blanche aux investisseurs mondiaux.
La France a un engagement : voter la règle d'or au Congrès. Si certains souhaitent que celui-ci soit réuni, pour ma part, je ne souhaite pas cette réunion si la majorité et l'opposition ne sont pas en mesure de faire en sorte que le vote soit massif. Certes, emmener l'opposition au Congrès et constater qu'elle ne vote pas la règle d'or constituerait certainement une victoire politique ; mais croyez-vous, chers collègues, qu'un investisseur américain se soucie des subtilités de la politique française ? À l'évidence non.
Pour notre malheur, nous avons une opposition qui, au lieu de faire montre de responsabilité politique, s'enferme dans une attitude politicienne, refusant de faire fi des postures partisanes et de soutenir, avec la majorité, la règle d'or au Congrès. C'est pour nous un regret.
Au sein de la zone euro, la France ne pourra pas s'affirmer comme un partenaire solide du couple franco-allemand si nous ne veillons pas à cette stratégie de retour à l'équilibre des finances publiques. C'est une responsabilité que nous faisons nôtre et que nous sommes fiers de porter. Le jour où nous relèverons ce défi marquera la victoire de l'Europe et la défaite des spéculateurs. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe UMP.)
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, dans la situation de crise gravissime où nous sommes, alors que les places financières subissent les coups toujours plus rudes de la spéculation et que les marchés anticipent une récession économique aux États-Unis et en Europe, voilà qu'on nous présente un collectif budgétaire qui ne comporte aucune mesure pour soutenir la croissance et qui, de surcroît, ajoute au déficit 3,4 milliards d'euros supplémentaires par rapport à juillet dernier.
J'ai le regret de constater que, face à des déficits et à une dette publique sans précédent, le Gouvernement et le Président ne proposent rien d'autre qu'une prétendue règle d'or, qui ne règle rien et qui n'a pour objectif que de blanchir les déficits que votre gouvernement a lui-même créés. Je le rappelle, la Cour des comptes a récemment souligné que les deux tiers des déficits actuels résultent de la politique que vous avez menée.
Monsieur le ministre, la situation appelle des actes et non des rideaux de fumée. La règle d'or existe déjà, et depuis vingt ans, dans le traité de l'Union européenne que la France a signé, que notre Parlement a ratifié, et qui a une valeur juridique supérieure à la Constitution. Point n'est besoin de la réécrire dans la Constitution ; il suffit de l'appliquer, ce que vous n'avez pas fait depuis 2003, c'est-à-dire bien avant le début de la crise financière !
Sur le volet de votre projet de loi qui concerne les mesures du plan de rigueur gouvernemental présenté par le Premier ministre le 24 août denier, je me bornerai à quelques remarques.
L'heure n'est plus aux gadgets. La taxation des plus hauts revenus n'a d'exceptionnel que sa faible durée, jusqu'en 2013, et non ce qu'elle rapportera : à peine 200 millions d'euros, c'est-à-dire rien comparé à l'allégement de près de 2 milliards d'euros de l'ISF consenti avant l'été, alors même que la taxation des mutuelles de santé, pour plus de 1,1 milliard d'euros en 2012, touchera, elle, tous les ménages. Taxer la santé, c'est taxer tous les Français, surtout les plus fragiles d'entre eux. Or votre gouvernement a déjà usé et abusé de ce levier : depuis 2008, les taxes frappant les organismes d'assurance maladie complémentaire ont été multipliées par vingt !
Non seulement votre plan aggrave les injustices, mais il est de surcroît inefficace. Votre gouvernement passe à côté des véritables enjeux en ne mettant sur la table que des mesures gadgets dont aucune ne soutient la croissance, après un deuxième trimestre où l'activité a été nulle et alors que la situation de l'emploi ne cesse de se dégrader, avec 3 millions de chômeurs et plus de 5 millions de personnes en emploi intermittent ou précaire.
Vous auriez pu, pour réduire les déficits et la dette, retenir les propositions que les socialistes ont mises sur la table depuis plus de deux ans. Je les rappelle, au cas où vous auriez quelques remords : la suppression de niches fiscales, telles que la niche Copé qui a coûté près de 20 milliards en trois ans : la suppression de l'allégement de l'ISF – près de 2 milliards ; la suppression des avantages fiscaux liés aux heures supplémentaires, qui ont déjà coûté 18 milliards d'euros depuis leur instauration en 2007 et qui découragent l'embauche ; l'alignement de la taxation des revenus du capital sur celle des revenus du travail. Pourquoi refuser ces mesures de bon sens, monsieur le ministre ?
Pourquoi votre plan ne comprend-il aucune mesure de soutien à la croissance et à l'emploi, alors même que l'été meurtrier que nous venons de vivre résulte directement des anticipations récessionnistes des marchés, et alors même que seule la relance de la croissance peut rendre crédible le désendettement, non seulement chez nous, en France, mais aussi dans les pays surendettés de la zone euro ? Vous devriez nous écouter, supprimer les dizaines de milliards de niches fiscales improductives et affecter les économies ainsi réalisées pour moitié à la réduction des déficits et de la dette et pour moitié au soutien de l'activité et de l'emploi.
S'agissant du plan d'aide à la Grèce, la solidarité européenne doit se manifester, nous le disons depuis le début de la crise. Nous avons salué la création du Fonds européen de stabilité financière. Nous sommes favorables à l'augmentation de sa capacité effective de prêt et à la diversification des opérations que ce fonds est autorisé à réaliser pour soulager les États en difficulté de la zone euro. Mais je déplore que, une fois de plus, ces mesures ne soient pas à la hauteur de la crise qu'affronte la zone euro – la zone euro et non l'euro lui-même.
Malheureusement, une fois de plus, ces mesures arrivent bien tard. La crise frappe la Grèce depuis plus de deux ans. La superposition de différents plans de sauvetage n'a pas réussi à briser la spéculation. Au contraire, après l'Irlande, après le Portugal, la spéculation s'attaque à l'Italie, à l'Espagne et menace même notre pays. Comment rendre crédibles les promesses du sommet du 21 juillet alors que celles-ci ne seront applicables que dans plusieurs mois et que plusieurs États, après la Finlande, réclament des garanties supplémentaires ?
Face à la dégradation des finances publiques, vous n'avez cessé, et je le déplore, de tergiverser et de remettre à plus tard. Pourquoi, à partir de 2003, les ministres des finances de la zone euro n'ont-ils pas demandé des comptes aux autorités grecques ou exigé des audits renforcés sur l'état réel des finances du pays avant que la situation n'arrive au point de non-retour ? Parce que, dès 2003, vos gouvernements ne respectaient déjà plus la règle d'or du traité et dépassaient les 3 % de déficit, règle d'or que nous avions respectée, et au-delà, sous le gouvernement Jospin, comme l'a rappelé tout à l'heure Pierre-Alain Muet.
Pourquoi a-t-on laissé l'Espagne augmenter à ce point son endettement privé ? Peut-être pour que les autorités européennes ne regardent pas de trop près l'état de nos propres finances publiques.
Pourquoi avoir aidé l'Irlande à renflouer ses banques sans lui demander en échange d'augmenter son imposition sur les sociétés au niveau de la moyenne européenne, au lieu de fermer les yeux sur la concurrence déloyale que ce pays pratique pour attirer chez lui les sièges sociaux des entreprises ?
Vos responsabilités sont lourdes et ce que vous proposez, qui aurait peut-être été efficace il y a deux ans, est aujourd'hui très insuffisant. Vous ne cessez de courir après la crise sans jamais l'anticiper ni la juguler avec des mesures fortes, au niveau national comme européen. Vous savez bien que les moyens du Fonds européen de stabilité, même augmentés, sont notoirement insuffisants pour décourager la spéculation contre l'Italie et l'Espagne et que l'absence de mutualisation de la dette est le plus cruel révélateur de l'absence de gouvernance de la zone euro.
Face à cette crise qui menace l'euro et l'Union européenne elle-même, des réformes plus profondes du système économique et financier européen et mondial sont indispensables et urgentes.
Les chefs d'État européens ont annoncé la mise en place d'une gouvernance économique. Sur le principe, très bien ! Mais après, de quoi parle-t-on ? D'un engagement général ? D'un nouveau dispositif intergouvernemental de pur affichage et qui refuse tout contrôle communautaire sur les politiques fiscales et économiques des États membres de l'Union Européenne, alors qu'il faudrait harmoniser les fiscalités, coordonner les budgets, mutualiser les dettes, créer une agence de notation européenne publique et élaborer un plan de relance européen ? Personne n'apporte de réponse précise, aucune initiative d'envergure n'est proposée à l'heure où l'Europe est au bord du gouffre.
Les tergiversations de cet été autour de l'émission d'Eurobonds sont symptomatiques du chacun pour soi et de cette absence de volonté commune. Le Président de la République avait, dans un premier temps, affirmé sa volonté de parvenir à l'émission d'Euro-obligations qui permettraient aux pays européens en difficulté de retrouver des marges de manoeuvre. Or, lors de sa dernière rencontre avec Mme Merkel, M. Sarkozy a soudainement abandonné cette proposition. Pourquoi ? Parce que Mme Merkel lui a apporté un soutien public sur la prétendue règle d'or ?
Aucune décision n'est non plus annoncée pour durcir la réglementation des banques, alors que celles-ci ont bénéficié du soutien des finances publiques. Rien ne justifie que les contribuables paient pour des banques qui ont réalisé des opérations hasardeuses au moyen de produits toxiques.
Certes, le dernier sommet franco-allemand a permis d'aboutir à un accord sur une taxe relative aux transactions financières, mais aucune précision sur son montant et ses modalités n'a été donnée depuis. Monsieur le ministre, l'heure n'est plus aux annonces générales, mais à des actes forts et ciblés. Cette taxe, selon les modalités proposées par les socialistes européens depuis maintenant plus d'un an, aurait non seulement l'avantage de dégager des ressources pour des investissements utiles, mais aussi d'assurer la traçabilité de toutes les opérations financières.
Enfin, que comptez-vous proposer, monsieur le ministre, pour encadrer et contrôler les quelque 700 000 milliards d'euros de liquidités en circulation dans le monde, qui représentent plus de douze fois le produit intérieur brut mondial ! Et cette bulle continue de croire irrémédiablement de plus de 15 % chaque année depuis 2004. La commission d'enquête sur les pratiques spéculatives, présidée par Henri Emmanuelli, a formulé plusieurs propositions à ce sujet. Pourquoi, par exemple, la France ne propose-t-elle pas l'interdiction définitive des ventes à découvert ? Pourquoi ne fait-elle pas en sorte, avec l'Allemagne, que l'Union européenne adopte cette règle ?
J'espère, monsieur le ministre, que vous répondrez à ces questions. Les gouvernements auxquels vous avez participé portent la lourde responsabilité d'avoir aggravé les déficits et la dette par une politique fiscale irréfléchie et scandaleusement injuste. Nous avons, depuis septembre 2008, pris nos responsabilités en proposant des mesures correctives. Vous les avez refusées, et la crise s'est aggravée. Alors, aujourd'hui, écoutez et adoptez nos propositions pour la France et pour l'Europe ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
Monsieur le ministre, après vous avoir écouté avec attention tout à l'heure, j'en viens à penser que Le petit Robert devra éditer un nouveau dictionnaire. Vous avez parlé avec aplomb d'un débat vertueux. Peut-être faut-il y voir un hommage du vice à la vertu ; car la vertu, je ne vois pas vraiment où elle est compte tenu du sujet et des principaux acteurs, qui sont les responsables de la situation actuelle !
Ce texte vous permet de faire adopter des modifications du Fonds européen de stabilité financière non pas du tout pour aider la Grèce – il faut arrêter de dire des sottises ! –, mais les créanciers de la Grèce, comme vous le faites depuis le début. C'est une façon de dire aux spéculateurs, aux marchés, aux banquiers, aux financiers : « Vous pouvez puisque les États vont continuer ». Ainsi, comme le disait M. Pisani-Ferry, vous donnez directement accès à la poche des contribuables. Voilà la réalité !
Selon vous, monsieur le ministre, la dette publique ne sera pas augmentée et le tour de passe-passe auquel vous vous livrez n'est qu'un petit arrangement comptable. Je vous recommande d'écouter la radio et de regarder la télévision. Vous auriez entendu aujourd'hui un responsable grec exprimer ce que tout le monde disait ici : les Grecs ne pourront pas payer.
Ce n'est pas parce que vous leur avez passé la corde au cou qu'ils vont monter sur le tabouret pour vous faire plaisir ! Alors, quand vous dites que tout cela ne coûtera rien à la France, ce n'est pas vrai !
Vous pourriez être fakir dans une vie future, monsieur le ministre : vous avez un réel talent pour endormir les gens qui vous écoutent…
M. Raoult sourit à mes propos qu'il apprécie en connaisseur : il est vrai qu'il est le fakir de la Seine-Saint-Denis et qu'il marche sur les clous, voire parfois sur des braises ardentes – rouges bien sûr !
Votre rôle et de faire prendre des vessies pour des lanternes au peuple français : vous voulez lui faire croire que nous sommes solidaires du peuple grec alors qu'en réalité vous venez à la rescousse des banquiers.
Comme je n'ai pas beaucoup de temps et que j'entends déjà par anticipation le président Accoyer m'interrompre, je reviendrai plus largement sur ces sujets lors de l'examen des articles.
Je souhaite maintenant appeler votre attention sur ceux qui vont bien et ceux qui vont mal. Pour ce faire, je vais vous montrer les profits de Total, de BNP et d'Axa – le président Accoyer ne pourra rien me dire puisqu'il ne s'agit pas d'un graphique sur un panneau mais d'un article de presse, laquelle est réputée libre.
Monsieur Brard, vous savez que les pratiques de ce genre sont interdites ici !
C'est un article de presse, monsieur le président. N'oubliez pas que la liberté de la presse est sacrée. Je vous l'ai déjà dit : si vous ne vous prenez pas pour celui que vous n'êtes pas, je vous épargnerai des références désagréables…
Regardez, monsieur le ministre, ces grands groupes qui s'en mettent plein les poches ! Et vous, que leur prenez-vous en contrepartie ? Rien du tout, parce que leurs poches sont cousues et que vous ne voulez pas leur faire d'indélicatesse. Pourtant, ils ont de l'argent. Pourquoi ne les mettriez-vous pas à contribution plutôt que de mettre les Français à la diète ? Parce que vous ne voulez pas fâcher vos amis, et notamment le propriétaire de l'agence de notation Fitch ratings, M. Marc Ladreit de Lacharrière : il vous aime, et vous lui rendez bien.
Souvenez-vous pourtant de cette bonne parole du Président de la République qui déclarait sur France 2, en avril 2008, que les agences de notation devaient être sanctionnées lorsqu'elles ne faisaient pas leur travail. Nicolas Sarkozy a tenu parole : il a lourdement sanctionné Marc Ladreit de Lacharrière en lui décernant, le 1er janvier 2011 le titre de Grand-croix de la légion d'honneur pour l'ensemble de son oeuvre ! Si vous ne me croyez pas, demandez à François Fillon, Premier ministre : lui aussi l'a décoré le 10 février 2011…
Vous menez donc une politique à double entrée : d'un côté, vous beurrez la tartine des privilégiés, et de l'autre, vous tirez sur le bout de la ceinture des Français pour la serrer de plus en plus. Notre rôle est d'expliquer la vérité pour que nos concitoyens comprennent bien que de l'argent, il y en a, et que vous servez en quelque sorte de gilet pare-balles aux privilégiés de la naissance et de la fortune. Vous êtes donc des petites mains habiles – sauf en ce qui concerne les parcs d'attraction – au service des privilégiés. Voilà ce que nous dénonçons et que nous combattons.
Quant à vous, monsieur Carrez, n'allez pas chercher d'exemples outre-Rhin : l'histoire nous a appris à nous en méfier un peu… Vous devriez consulter un ORL car vous n'entendez pas des deux oreilles en même temps. Je n'ai pas entendu les mêmes choses que vous. Les Allemands étaient moins laudateurs que vous avez bien voulu le dire, et nos amis de Die Linke notamment pas du tout ! (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR.)
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collèges, s'agissant du renforcement et de l'extension des modalités d'intervention du Fonds européen de stabilité financière, il était impératif de réagir rapidement pour mettre en oeuvre les décisions du 21 juillet dernier de la zone euro. À cet égard, je salue la diligence dont fait preuve le Gouvernement pour organiser très rapidement ce débat, qui est le premier en Europe.
Le contexte mérite d'être rappelé. Après un premier plan d'aide à la Grèce, adopté en mars 2010, les attaques contre l'euro, notre monnaie, se sont à nouveau multipliées depuis le début de l'été.
Face à l'aggravation de la crise des dettes souveraines, notamment celle de la Grèce, la détermination sans faille du Président de la République a été déterminante pour parvenir à un nouvel accord européen.
Il fallait, en effet, montrer haut et clair que l'Union européenne prenait les mesures nécessaires pour défendre l'un des membres de la zone euro, mais aussi bien sûr, l'euro lui-même, devenu aujourd'hui, onze ans seulement après sa création, deuxième monnaie mondiale. Nous n'avons pas connu une situation aussi grave et complexe depuis 1929. Au-delà de la Grèce, ce qui est en jeu c'est un conflit sans merci entre les spéculateurs et l'Europe.
En aidant la Grèce, nous ne répondons pas à un simple devoir moral d'assistance, nous nous aidons nous-mêmes. Et nous lui apportons les moyens de mettre en oeuvre les très difficiles mais indispensables réformes.
Au-delà du seul cas grec, les décisions du 21 juillet, par l'extension des modalités d'intervention du Fonds européen de stabilité financière – possibilité d'intervention à titre préventif, de recapitalisation des établissements financiers, d'intervention sur les marchés secondaires – l'instituent comme un véritable fonds monétaire européen.
Que de chemin déjà parcouru sur la voie du gouvernement économique, idée française partagée depuis toujours par les gouvernements de droite comme de gauche, mot tabou en Allemagne il y a encore deux ans, et aujourd'hui concrètement mise en place !
Depuis la crise bancaire de 2008 et celle de Lehman Brothers, sous présidence française de l'Union, la capacité d'entraînement du couple franco-allemand pour protéger l'Europe et l'euro des agressions des spéculateurs, et approfondir ainsi l'intégration européenne, a été décisive. En un an, les compromis trouvés ont fait ainsi sauter la clause du Traité de Lisbonne qui interdisait le renflouement d'un État défaillant, permis à la zone euro d'intervenir en Grèce, au Portugal, en Irlande et obtenu la création d'un Fonds européen de stabilité financière.
Il faut souligner, dans ce contexte de crise, l'esprit de responsabilité dont a su faire preuve, dans des conditions politiques difficiles, la chancelière Merkel, pour conserver le cap européen, et saluer le rôle majeur qu'a joué la Banque centrale européenne.
Au-delà des décisions prises le 21 juillet, Angela Merkel et Nicolas Sarkozy sont convaincus que, pour sortir de la crise, il faut, non pas moins mais plus d'Europe. Dans cet esprit, ils ont présenté conjointement, le 17 août, un ensemble de propositions phares pour aller encore plus loin sur la voie du gouvernement économique : le renforcement de la gouvernance de la zone euro, sous la responsabilité d'Herman Van Rompuy, la taxe sur les transactions financières dont on parlait tout à l'heure, l'harmonisation de l'impôt sur les sociétés en France et en Allemagne.
Le Président de la République et la chancelière ont également proposé que les dix-sept pays de la zone euro adoptent avant l'été 2012 la règle d'or sur l'équilibre budgétaire.
La responsabilité financière de chacun est, en effet, le complément indispensable de la solidarité financière européenne. On le voit à travers les sondages, les Français sont aujourd'hui très conscients de la gravité de la situation et de la nécessité que constitue la règle d'or. Lorsque l'intérêt de l'Europe et celui de la France sont en jeu, lorsque la crise est aussi aiguë, il faut savoir surmonter les différends de politique intérieure.
Le parlement portugais a su le faire sur son plan de réformes et le parlement espagnol vient de le faire sur la règle d'or. L'exemple espagnol mérite d'ailleurs d'être souligné : en pleine campagne législative, le président du gouvernement espagnol José Luis Zapatero a finalement repris la proposition de règle d'or faite en juin 2010 par son adversaire du Partido Popular, Mariano Rajoy.
L'Europe a besoin qu'après l'Allemagne, l'Espagne, l'Italie, la France montre l'exemple de l'union autour de cette idée qui n'est pas franco-française mais à vocation européenne.
Sans doute influencés par les sondages, Manuel Valls, Ségolène Royal et François Hollande ont indiqué être favorables au principe de la règle d'or, mais après 2012.
Mais si le principe est bon, pourquoi attendre ? Tout à l'heure, François Hollande a commis une erreur : le problème n'est pas de donner quitus mais de montrer l'exemple en Europe afin que la France soit au rendez-vous de ses responsabilités qu'elle montre la voie à l'ensemble des pays européens, à ses citoyens et aux générations futures.
Monsieur le ministre, c'est dans cet esprit que j'apporte, avec l'UMP, tout mon soutien à ce projet de loi qui répond pleinement aux exigences complémentaires de solidarité et de responsabilité. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Monsieur le ministre, nous vivons un moment unique dans cet hémicycle : au moment où l'Europe s'enfonce dans la crise, où l'agonie de l'euro se poursuit et s'aggrave, où les peuples qui souffrent grondent, vous nous présentez un projet de loi de finances rectificative absolument surréaliste : d'un côté, 12 milliards de rigueur supplémentaire qui vont peser principalement sur les classes moyennes ; de l'autre, 15 milliards d'euros jetés par la fenêtre ! C'est tout à la fois injuste et inefficace. Vous serrez la ceinture des Français pour donner de l'argent, non aux Grecs, mais aux banques en Grèce.
Ce projet qu'il critique en apparence, le parti socialiste l'approuve sur le fond, car il continue à croire qu'il faut aider la Grèce, alors que, bien au contraire, on ne l'aide pas.
Vous nous parlez sans cesse de règle d'or. Si j'ai bien compris, l'objet de la règle d'or est de limiter l'endettement de la France. Alors, comme beaucoup de Français, je voudrais comprendre pourquoi vous avez l'audace, l'inconscience d'augmenter aujourd'hui la dette de la France de 15 milliards d'euros qui s'ajoutent aux 45 milliards déjà accordés pour les précédents plans de sauvetage, sans parler de la garantie pouvant aller à 159 milliards.
Vous avez expliqué dans votre propos introductif que cette inscription n'était que comptable et que nous pouvions dormir tranquilles. Mais avez-vous connaissance de la situation en Grèce ? Je ne peux pas croire que tel ne soit pas le cas.
La Grèce ne maîtrise plus sa situation budgétaire. En mai 2010, j'avais clairement prévenu ici même Mme Lagarde qui, avec suffisance, m'avait expliqué que le plan réussirait. Un ballon d'oxygène financier va certes être apporté à Athènes, avais-je répondu, mais au prix d'un supplice inouï pour le peuple et l'économie grecs qui ne s'en relèveront pas. Cette thérapie de choc va tuer la Grèce, qui sera bien incapable de redresser sa compétitivité et sa croissance définitivement martyrisées par l'impossibilité de dévaluer. C'est là un point central, mes chers collègues : on n'a jamais vu dans l'histoire économique des pays rebondir sans dévaluation. La rigueur peut être efficace quand parallèlement on stimule le moteur économique par la dévaluation.
On a vu le résultat : un euro cher, une faible compétitivité, la réduction brutale des dépenses en Grèce ne pouvaient mener qu'à un fiasco total. La Grèce, vous le savez très bien, sera prochainement dans l'obligation de restructurer totalement sa dette et de sortir de l'euro. Ce sera pour elle la seule solution. Mais voilà le tabou, voilà le dogme : une monnaie unique qui ne marche pas, car elle s'applique à des économies différentes, une monnaie unique qui fait perdre la raison aux dirigeants européens. La Grèce, l'Espagne, l'Italie et dans une moindre mesure la France n'ont pas seulement un problème de liquidité, mais un problème de solvabilité, de compétitivité.
Vous allez donc ruiner un peu plus les Français pour sauver la mise d'un euro responsable de ses propres malheurs, d'un euro cher dans un contexte de libre-échange déloyal qui asphyxie notre Banque centrale européenne qui, au mépris du respect des traités, est en train de racheter des dizaines de milliards d'obligations d'État.
D'un côté, les pays du Sud s'enfoncent dans des récessions cumulatives ; de l'autre les pays du Nord ouvrent les yeux et commencent à s'inquiéter de la facture. Si la facture de la Grèce sera difficile à digérer, celle des pays suivants, l'Espagne et l'Italie, n'est pas digérable. Les Allemands, qui savent mieux compter que vous, l'ont déjà compris.
Et ce n'est pas ce mythique fédéralisme européen qu'invoquait tout à l'heure M. Hollande, avec un ministre des finances de plus et un énième Président, qui pourra rétablir l'égalité entre les différents pays de la zone euro en ce qui concerne la compétitivité, la démographie, les structures sociales.
Vous êtes fiers de réduire les dépenses. Mais c'est moins de policiers dans les commissariats, alors qu'ils manquent tant, comme les Français commencent à s'en apercevoir ; moins d'enseignants dans les écoles, d'où une rentrée catastrophique ; moins d'infirmières dans les hôpitaux.
Vous vous chamaillez d'ailleurs sur le contenu des plans de rigueur – un peu plus de taxe ici, un peu plus là – au gré des actions des groupes de pression.
Vous débattez sans fin de la fameuse règle d'or censée empêcher le pays de vivre au-dessus de ses moyens. Quelle escroquerie ! Cette espèce de super-Maastricht ne réussira pas plus que le pacte de stabilité. Il n'y a pas besoin de règle d'or pour bien gérer les finances de l'État. Ce n'est là qu'un guet-apens politicien, quitte à se payer la tête des Français.
Mais même si leur tête est endolorie à force de tourner dans tous les sens, les Français la gardent sur les épaules. Vous feriez mieux de ne pas l'oublier. Ils constatent ainsi que la France et l'Europe s'enfoncent dans le chômage de masse, car notre compétitivité est atteinte. Un million d'emplois industriels ont quitté la France en dix ans. La moitié de la production automobile française a été délocalisée en cinq ans. Notre déficit commercial atteindra probablement 70 milliards d'euros en 2011.
Bien sûr, il faut bien gérer les dépenses. Mais ne faudrait-il pas surtout se préoccuper des recettes, que génère une économie productive ?
C'est là qu'est l'enjeu. Y répondre suppose de favoriser les PME, les créateurs, les chercheurs, d'inciter aux relocalisations. Mais pour cela, il faut changer radicalement de politique, il faut sortir de l'euro. D'ailleurs la vraie question désormais, ce n'est plus de savoir si l'on en sortira, mais quand et comment. Ce sera le cas de la Grèce d'abord, puis de l'Espagne, et de l'ensemble des pays européens.
En effet, nos amis allemands n'accepteront pas de payer éternellement pour remplir un puits sans fond. Ils ne vont quand même pas faire pour tout le reste de l'Europe ce qu'ils ont fait pour l'Allemagne de l'est !
Y répondre, c'est aussi rétablir la loyauté de l'échange par des mesures protectionnistes adaptées face au dumping social et environnemental de la Chine.
C'est contrôler les banques, auxquelles on fait tant de cadeaux, en séparant banques d'investissement et banques de détail et en les mettant au service de l'économie productive.
C'est baisser les charges sur les PME qui investissent en France, qui relocalisent, car ce sont elles qui feront l'emploi de demain.
Voilà l'enjeu auquel nous sommes confrontés.
Vous prétendez sauver l'Europe. En vérité, vous ne sauvez pas l'Europe en voulant sauver l'euro ; par une politique à courte vue, vous désespérez les peuples, vous les appauvrissez. Vous nourrissez les révoltes sociales et les extrémismes politiques qui obligatoirement en découleront.
Vous divisez les peuples. L'Europe s'est construite sans l'euro. Ariane et Airbus n'ont pas eu besoin de la Commission de Bruxelles.
La paix et le progrès ont été reconstruits dans l'après-guerre par des nations libres coopérant entre elles sur un pied d'égalité, soit tout le contraire de ce qui se passe aujourd'hui.
Oui, nous nous en sortirons. Nous nous en sortirons quand nous retrouverons cet esprit de l'après-guerre, quand nous cesserons d'être soumis aux puissances financières, à l'euro trop cher qui asphyxie nos entreprises. Alors, vous le verrez, les Français, les Italiens, les Grecs, les Espagnols, seront prêts à faire des efforts car ils en verront enfin les résultats.
Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission, chers collègues, le Gouvernement nous présente une série de mesures fiscales et sociales destinées, paraît-il, à réduire les déficits publics en 2011.
Mais ces mesures pèseront essentiellement sur les ménages et accentueront les inégalités sociales. Les quelques mesurettes touchant les gros revenus, que l'on met en avant comme alibi, ne cacheront pas la forêt des injustices sociales dont ce projet est porteur.
Ces mesures pour 2011 s'inscrivent dans un plan d'austérité d'envergure – 11 milliards d'euros d'économies en 2012 – qui constitue une collection hétéroclite de mesures sans cohérence, une sorte de patchwork que, de surcroît, votre majorité s'amuse à défaire et ravauder… Monsieur le ministre, vous n'êtes pas au bout de vos peines ! Sa seule logique est de poursuivre la politique menée depuis 2007, à savoir protéger toujours plus les riches et demander toujours plus d'effort aux moins favorisés, certes les plus nombreux.
Ce plan Fillon va donc, réduire les déficits, nous dites-vous. S'il en est ainsi, ce sera la preuve qu'il n'est pas nécessaire, pour y parvenir, de réviser la Constitution. Ou alors, deuxième hypothèse, vous nous racontez des histoires !
Au passage, chers collègues de l'UMP, je vous suggère d'examiner de plus près votre fameuse règle d'or, cette règle qui propose de transformer le Conseil constitutionnel en agence de notation. Elle prévoit « des lois-cadres d'équilibre des finances publiques pour assurer l'équilibre des comptes ». Mais celles-ci « peuvent être modifiées en cours d'exécution dans des conditions prévues par une loi organique » ! Tout est dit.
Bref, votre cadre, c'est du bluff. M. Bur pourrait le confirmer, car il sait bien que ce vous avez fait des règles de gestion de la caisse d'amortissement de la dette sociale, la CADES : Vous les avez foulées au pied, monsieur le ministre, par une loi organique !
Oui, aussi le sait-il mieux que quiconque. Je pourrais de même prendre M. Warsmann à témoin.
Pour réduire les déficits, le Gouvernement cherche des niches à fermer. Je vais donc lui en signaler une, fiscale et sociale, et une belle – elle pèse 4,5 à 5 milliards d'euros.
Je veux parler de la défiscalisation et de l'exonération de cotisations sociales, salariales et patronales, des heures supplémentaires. C'est le fameux article 1er de la loi TEPA, le « travailler plus pour gagner plus ».
Pour le comité d'évaluation et de contrôle des politiques publiques de notre assemblée, Jean-Pierre Gorges, de l'UMP, et moi-même, avons réalisé un rapport à ce sujet. Il porte le numéro 3615. Cela ne s'invente pas !
Je vous en recommande la lecture.
Ce dispositif sur les heures supplémentaires, unique au monde, servira longtemps aux étudiants en économie d'exemple de ce qu'il ne faut pas faire, d'un mécanisme néfaste pour l'économie et pour l'emploi, tout à la fois injuste et ruineux pour les finances publiques, bref un condensé d'absurdité.
Il fallait y penser, tout de même : financer par la dette des surcroîts de salaires sur des rémunérations déjà majorées ! Si ce n'est pas là de la mauvaise gestion, qu'on m'explique !
Le coût de cette mesure pour les finances publiques équivaut à 0,23 % du PIB. Or, selon votre rapport au Parlement de 2009, monsieur le ministre, elle rapporte 0,15 % de PIB. Elle coûte donc plus aux finances publiques qu'elle ne rapporte à l'économie. Cela s'appelle de l'inefficience. En la supprimant, vous enrichirez le pays sur le champ.
On allait ainsi « travailler plus » selon vous. Voyons ce qu'il en est : 730 millions d'heures supplémentaires en 2007, 727 millions en 2008, 677 millions en 2009, 704 millions en 2010. L'effet d'aubaine est massif : l'argent public a servi à subventionner des heures supplémentaires qui auraient été faites de toute façon. Mais ce mécanisme, même s'il a bénéficié chaque année à neuf millions de salariés, n'a pas conduit – toutes les études le montrent – à une augmentation du nombre total d'heures travaillées. Au mieux, ce dispositif a mis au jour des heures supplémentaires déjà effectuées sans être déclarées comme telles. En 2007, en effet, une proportion importante de salariés continuait à travailler 39 heures par semaine. Votre mesure a eu pour conséquence paradoxale de cristalliser les 35 heures !
Ceux qui s'intéressent au fonctionnement des entreprises le savent bien : le nombre d'heures supplémentaires est déterminé par les variations de l'activité. Ce n'est pas la bonne volonté qui compte, c'est le carnet de commandes.
Quant à l'effet sur l'emploi, tous les directeurs de ressources humaines vous le diront : avant la crise, en rendant l'heure supplémentaire moins coûteuse pour l'entreprise qu'une heure de travail normal, elle a favorisé les salariés en place – tant mieux pour eux – mais freiné l'embauche ; pendant la crise, elle a poussé à se séparer d'abord des intérimaires puis des titulaires de contrats à durée déterminée, pour favoriser les titulaires de contrats à durée indéterminée, accélérant ainsi la montée du chômage ; en sortie de crise, elle favorise les mêmes, intérimaires et titulaires de contrats à durée déterminée étant embauchés plus tardivement.
Finalement, cette mesure n'a d'effet que sur le « gagner plus », mais dans des conditions très coûteuses pour les finances publiques.
D'abord à cause de la défiscalisation : exonérer la rémunération des heures supplémentaires de l'impôt sur le revenu coûte 1,4 milliard d'euros par an. En raison des modalités de l'imposition sur le revenu, l'effet de la défiscalisation sur le pouvoir d'achat est différé d'un an. Elle ne bénéficie qu'aux salariés imposables, les plus aisés : elle accentue donc les inégalités. En revanche, son financement est assuré par tous, y compris par les salariés non imposables, qui participent au remboursement de la dette notamment en payant de la TVA, le plus injuste des impôts. Le groupe socialiste propose donc de supprimer cette niche ou, à tout le moins, de ne défiscaliser que les 25 % de majoration des heures supplémentaires.
Ensuite en raison de l'exonération des cotisations patronales, qui coûte 700 millions d'euros aux finances publiques. Là, vraiment, c'est le comble : vous subventionnez l'heure supplémentaire, c'est-à-dire celle qui rapporte le plus à l'entreprise, puisque tout est déjà amorti : quel gaspillage, quel gâchis ! En réalité, c'est la première heure de travail qu'il faut subventionner. Cela aura un effet sur l'emploi. Jean-Pierre Gorges et moi sommes tout à fait d'accord, dans notre rapport, pour préconiser la suppression de cette exonération.
Il est vrai que vous modifiez le dispositif en réintégrant les heures supplémentaires dans le calcul des allégements généraux de cotisations patronales sur les bas salaires, inférieurs à 1,6 SMIC. Mais vous n'en tirez que 600 millions d'euros. C'est bien maigre ! Il ne fallait pas faire de peine au patronat…
Quant au coût des exonérations de cotisations sociales salariales sur les heures supplémentaires, on l'estime à 2,3 milliards d'euros. C'est énorme. On distribue donc plus de deux milliards, en sus de la majoration de 25 % sur la rémunération des heures supplémentaires, à ceux qui ont un emploi dans les entreprises les plus florissantes, puisqu'elles font des heures supplémentaires. Et cela, alors que notre pays compte quatre millions de chômeurs.
Si les entreprises veulent améliorer le pouvoir d'achat de leurs salariés, qu'elles augmentent donc les salaires. Elles n'ont pas besoin d'argent public pour cela. Et pour notre part, nous préférons utiliser ce même argent public en appliquant notre règle d'or, à savoir en en consacrant 50 % au désendettement et 50 % à créer des emplois d'avenir pour les jeunes.
Par ailleurs, le récent rapport de l'inspection générale des finances sur les niches fiscales et sociales parvient aux mêmes conclusions que celle que j'ai rédigées avec Jean-Pierre Gorges. Sur une échelle de 0 à 3, il attribue la note 1 au dispositif d'exonération fiscale et sociale des heures supplémentaires : il ne considère donc pas que la mesure est efficiente. Il précise ainsi qu'il « n'apparaît pas de hausse immédiate des heures supplémentaires à la suite de la loi TEPA » et que « la mesure tend à accroître les incitations à des pratiques d'optimisation fiscale et sociale associées à la déclaration d'heures supplémentaires fictives ». Et encore : « la défiscalisation des heures supplémentaires est moins ciblée sur les ménages modestes que d'autres dispositifs concourant à favoriser l'offre de travail, comme la prime pour l'emploi et, a fortiori, le RSA. » Enfin, toujours selon le rapport de l'IGF, « l'avantage socialo-fiscal est nettement croissant avec le niveau de vie, du fait de la proportionnalité des cotisations sociales et plus encore de la progressivité de l'impôt sur le revenu ». On ne peut mieux dire !
Pour conclure, et abréger vos souffrances, monsieur le ministre, (Sourires) pour toutes les raisons que je viens de développer, le groupe socialiste demande l'abrogation de l'article 1er de la loi TEPA et l'utilisation des 4,5 millions d'argent public qui y sont consacrés à une autre politique, pour l'emploi, pour la croissance et, donc, pour le désendettement. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
En soumettant ces deux textes en urgence à l'Assemblée nationale, vous avouez l'ampleur de vos échecs. Sous couvert d'une lutte vertueuse contre les déficits publics – que vous avez vous-même creusés – vous tentez de masquer que votre politique a abouti à ce qu'en France, pays riche, le nombre de personnes vivant en dessous du seuil de pauvreté ne cesse d'augmenter alors que la fortune du 1 % des Français les plus riches ne cesse de progresser.
Ce projet de loi de finances rectificative est l'aveu d'au moins quatre échecs.
C'est d'abord l'échec de vos prévisions. À vous entendre, en 2009, nous étions déjà en sortie de crise et, à la fin de 2010, la crise était quasiment finie. Or, aujourd'hui, se vérifie ce que de très nombreux économistes avaient alors déclaré. Non seulement, disaient-ils, nous ne sommes pas en sortie de crise, mais nous n'avons pas vu le pire.
C'est ensuite un échec sur la Grèce. S'il faut un deuxième plan d'aide, c'est que le premier a échoué. Et le second risque de ressembler au premier car vous ne proposez pas tant d'aider la Grèce que d'aider les banques, ce qui est pour le moins une confusion dangereuse.
Il y a aussi échec de la relance économique. Les résultats parlent d'eux-mêmes : repli de la croissance, augmentation du chômage, baisse du pouvoir d'achat du plus grand nombre, poursuite de la désindustrialisation.
Enfin, il y a échec à maîtriser les marchés financiers. Alors que le Président lui-même avait prévenu : on allait voir ce qu'on allait voir… C'est aujourd'hui pire qu'avant. Les marchés financiers font la loi. Leur bras armé, les agences de notation, distribue les médailles, et nous sommes à genoux devant elles. Ce projet de loi de finances rectificative en est un exemple, alors même que vous osez enfin avouer que vous avez sacrifié la retraite à soixante ans pour obtenir une bonne note des maîtres du monde. Quelle déchéance !
Oui, vous êtes en échec parce que vous êtes dans l'erreur. Et l'excellent rapport de l'ONU sur la crise, dit « rapport Stiglitz », signé par vingt et un des plus grands économistes au monde l'énonce clairement : « C'est une habitude du discours contemporain que d'appeler l'économie mondiale que nous avons aujourd'hui l'économie et, plus insidieusement, de la présenter comme un phénomène naturel dont les lois supposées doivent être respectées au même titre que celles de la physique. Mais dans la situation d'aujourd'hui, cette conception n'est rien d'autre qu'un artifice rhétorique, une insidieuse stratégie politique pour détourner l'attention et les responsabilités loin de ceux qui ont pris les mesures et conçu les institutions qui ont échoué lamentablement. »
Le problème est que vous persévérez dans l'erreur. Les mesures de ce projet de loi de finances rectificative sont totalement inadaptées car elles compromettent toute relance économique en comprimant le pouvoir d'achat. Quant à celles qui pourraient être positives, elles sont administrées de façon si cosmétique qu'elles s'apparentent plus à un faux-semblant qu'à une véritable orientation politique nouvelle et efficace pour sortir de la crise.
Or tout combat pour sortir de la crise et réduire les déficits publics passe par une seule voie : il faut s'attaquer à ce qui est parasitaire dans la société à savoir le secteur financier au lieu de s'en prendre aux crédits pour l'école, à la santé, aux collectivités locales, à la sécurité ou à la justice.
Il est inconcevable de laisser entre les mains d'intérêts privés le destin de nations entières. Il convient donc en urgence, et il n'y a pas besoin de règle d'or pour cela, d'interdire aux banques de spéculer sur les marchés financiers, d'affranchir les État de la tutelle de ces mêmes marchés en utilisant la BCE, de réduire unilatéralement les taux d'intérêt exorbitants des titres émis par les pays en difficulté, de supprimer les agences de notation, de s'attaquer aux causes réelles des déficits publics, c'est-à-dire aux cadeaux fiscaux aux plus riches qui coûtent plusieurs dizaines de milliards d'euros au budget de la nation.
Il faut encore faire une réforme juste de l'impôt sur le revenu que les riches ne paient qu'à 17 % au lieu de 41 %, rétablir le taux marginal de 54 %, mener une réforme juste de l'impôt sur les sociétés que les entreprises du CAC 40 ne paient qu'à 3 % au lieu de 33 %, et rétablir l'ISF.
Il faut taxer le capital comme le travail et les salaires, faire de la lutte contre l'évasion fiscale et les paradis fiscaux, qui coûtent à la France 2 à 3 % de son PIB, un enjeu européen. La taxe sur les transactions financières doit cesser d'être l'Arlésienne qui fait rire tout le monde. Un pôle financier et bancaire public doit être créé en France et en Europe pour impulser le développement économique, le crédit au PME et un plan de relance européen.
Oui, la soumission à la dictature des marchés doit prendre fin ; les hommes et les femmes, citoyens, doivent prendre la main sur l'économie afin qu'elle serve l'humanité et non quelques nantis et leurs serviteurs.
Votre projet de loi de finances rectificative n'a absolument pas cet objectif. Les députés communistes et du parti de gauche voteront contre. (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR.)
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, alors que notre assemblée s'apprête à approuver la mise en place du Fonds européen de stabilité financière qui est l'expression d'un laborieux consensus européen, je me demande si cette réponse à la crise de la dette grecque ne vient pas trop tard ou si nous ne nous voilons pas la face devant l'incapacité de la Grèce à assumer ses responsabilités – elle devait pourtant le faire en contrepartie des efforts de solidarité consentis par les pays de la zone euro.
Certes, la Grèce a adopté à la fin du mois de juin un second plan d'assainissement budgétaire, mais tout semble indiquer que rien de significatif n'a été engagé pour dégonfler des dépenses publiques dont le déficit, qui étouffe les initiatives de ce pays, continue de se creuser au-delà de toute prévision. Aucune privatisation significative n'a été engagée malgré les promesses faites aux partenaires européens. Tout semble indiquer que la Grèce ne sera pas en mesure d'être à la hauteur des exigences européennes ce qui inquiète certes les marchés, mais exaspère surtout de plus en plus les citoyens des pays créanciers, en particulier chez notre voisin allemand, même si, en France, nos concitoyens suivent les épisodes de cette crise financière à répétition avec une relative mansuétude non dénuée toutefois d'inquiétude.
Au lieu de réagir aux événements, n'est-il pas temps, tout simplement, de considérer que la Grèce sera incapable d'honorer sa dette avec une économie et un tourisme qui ne sont plus compétitifs et qui sont impuissants à créer de la croissance ?
N'est-il pas temps de préparer la zone euro à cette réalité et à ses conséquences, en en assumant le coût à travers nos finances publiques – nous sommes déjà engagés et nous le serons encore – ou à travers des « eurobonds » qui permettraient de mutualiser le coût à payer pour un pays en faillite comme la Grèce ?
Nous allons soutenir le plan européen et je le voterai comme vous, mais ce sera sans enthousiasme, car nous devons aussi être conscients que nous alourdirons un peu plus notre propre charge de dettes. Nous devons donc renforcer les efforts pour sortir la France de ce climat d'incertitude alimenté par notre niveau d'endettement.
En tant qu'européen convaincu, cette situation m'attriste d'autant plus que l'Union européenne souffre d'un vrai déficit de gouvernance pour affronter les vents rugissants de la crise. Ce n'est pas l'euro qui est en cause ; c'est une gouvernance européenne indécise et impuissante, ballottée par les marchés qui est sanctionnée par la crise.
Avec le partage d'une monnaie commune, il est impératif de définir les règles communes qui devront être à la fois les garde-fous d'une gestion enfin plus rigoureuse des finances publiques et les vecteurs d'une croissance plus dynamique pour tous les membres de cette union monétaire. Espérons que les leçons de cette crise permettront à l'Union d'agir pour se doter d'une véritable gouvernance et pour aller vers une plus grande intégration économique et financière !
Après avoir exprimé mes inquiétudes sur la crise financière, je voudrais faire quelques remarques pour saluer le plan de réduction de nos déficits. Je considère qu'il est indispensable et courageux. Je veux souligner le choix du Gouvernement de privilégier les hausses d'impôts sur les revenus du patrimoine en épargnant les revenus du travail – une taxation supplémentaire de ces derniers nuirait à notre compétitivité en Europe.
Face au risque de surendettement, les Français savent bien qu'il faut se serrer la ceinture. Ils savent aussi qu'il faut alors passer en revue l'ensemble des dépenses. Or, comme cela a déjà été souligné par notre rapporteur général, ce plan ne se focalise que sur les recettes sans agir de manière suffisamment explicite et volontaire sur la dépense publique structurelle dont le niveau excessif par rapport à nos voisins plombe notre compétitivité.
Comme le rappelait récemment l'économiste Patrick Artus, les consolidations fiscales importantes et réussies dans les années 1990, au Canada, en Suède, en Finlande, au Danemark, et même en Italie, se sont toutes appuyées sur la baisse des dépenses publiques et non sur la hausse des impôts. Il faudra nous en souvenir lors du débat budgétaire.
Je terminerai en évoquant la taxe sur les conventions d'assurance qui va alourdir le coût des assurances complémentaires santé pour l'ensemble de nos concitoyens. Si je me réjouis de voir le budget de la sécurité sociale abondé par ce plan de plus de 6,5 milliards d'euros, ce qui permettra de mieux soutenir une trajectoire de réduction des déficits sociaux, je m'interroge sur les missions des assureurs complémentaires santé en général, et celles des mutuelles en particulier. Si le doublement de la taxe était prévisible dès l'an dernier – j'en avais moi-même parlé –, pouvons-nous considérer qu'il s'agit là de la dernière tranche du rétablissement de cette taxe sur les conventions d'assurance ou les mutuelles devront-elles à l'avenir assumer une double mission en étant un assureur santé complémentaire pour leurs adhérents, mais aussi un financeur complémentaire de l'assurance maladie tant que celle-ci sera dans le rouge ?
Je reste pour ma part convaincu que tôt ou tard, quoi que nous fassions, il faudra que les Français assument dans la clarté et la transparence le coût d'une protection sociale solidaire à travers une augmentation de la CSG qui reste, selon moi, la meilleure expression d'un financement solidaire et partagé. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le projet de loi de finances rectificatives que nous examinons aujourd'hui était initialement destiné à traduire sur le plan législatif l'accord intervenu le 21 juillet dernier entre les pays de la zone euro. Au dernier moment, le Gouvernement a décidé d'inclure dans ce texte des dispositions budgétaires sans lien direct avec cet accord. Comme beaucoup d'entre nous, je regrette une telle confusion alors qu'il était possible de séparer les deux débats.
Je le regrette tout d'abord parce que le Gouvernement se prive de l'occasion de voir se manifester une adhésion large des formations politiques que nous représentons à la nécessaire solidarité européenne qui s'exprime à travers cet accord. En incluant dans ce texte des dispositions que nous ne pouvons pas voter, le Gouvernement nous met dans l'impossibilité de manifester à nouveau notre adhésion de principe à une aide européenne à la Grèce. La position de la France au niveau européen et international est-elle donc si forte que cette dernière puisse se dispenser d'afficher ce qui rassemble largement ses représentants ? C'est une faute de ne pas permettre à la majorité et à l'opposition de se retrouver sur un tel sujet.
Il est ensuite regrettable que cette méthode prive, dans les faits, notre assemblée d'un véritable débat sur les décisions prises lors du Conseil européen du 21 juillet. À l'évidence, nous allons davantage parler des dispositions fiscales proposées par le Gouvernement que de sa politique européenne. Pourtant il y a beaucoup à dire.
D'ores et déjà, nous savons que l'accord du 21 juillet n'a pas permis de stopper les interrogations sur la solvabilité de certains pays de la zone euro, ni leur propagation à de nouveaux pays.
Cet été, ce n'est qu'au prix d'une intervention massive de la BCE, qu'il faut d'ailleurs saluer, que la tension sur les marchés a pu retomber – au moins de manière momentanée si l'on considère le regain de tension enregistré hier sur les marchés. Selon les explications officielles, diffusées y compris par le Gouvernement français, il faut du temps pour mettre en oeuvre ces mesures et, pour reprendre une expression qui a fait florès, on nous répond que « le temps politique n'est pas le temps des marchés ». De ce point de vue, on ne peut que s'inquiéter de la lenteur du processus de ratification, et de l'annonce de la Slovénie, qui vient d'indiquer qu'elle ne se prononcera pas avant le mois de décembre. Qu'adviendrait-il si la Grèce faisait défaut avant l'entrée en vigueur du Fonds de stabilité ? Il faudra répondre à cette question car, à ce jour, la BCE est responsable sur ses fonds propres de la dette grecque.
Cependant, les difficultés ne sont pas seulement liées à la lenteur du processus de ratification. L'accord du 21 juillet contient en lui-même un certain nombre de faiblesses qui ont évidemment été repérées par les opérateurs de marché et qui laissent peser beaucoup d'incertitudes sur l'avenir.
Premier point : le montant du Fonds de stabilité financière est resté inchangé en dépit des demandes répétées de la Commission européenne et du FMI visant à l'augmenter et à « rendre plus souple » la dotation du Fonds limitée à 440 milliards d'euros. L'accord du 21 juillet s'est borné à corriger le problème de disponibilité du fonds qui avait surgi lors de sa création – les agences de notation refusant de lui accorder une note globale triple A. Or nous savons que ce montant est insuffisant pour couvrir des difficultés de pays comme l'Espagne ou l'Italie. Malgré tout, il a été décidé de ne pas augmenter le fonds car, selon certains, « cela aurait été un signal contre-productif en direction des marchés ». En fait, la logique inverse risque de s'imposer et, tant qu'il n'y aura pas une garantie suffisante permettant de faire face à l'éventuel défaut d'un pays européen, quelle que soit sa taille, l'incertitude persistera sur les marchés.
Deuxième point : si le fond s'est vu doté de nouvelles capacités d'intervention – ce qui, en soi, est positif –, le déclenchement de celles-ci paraît très hypothétique. Ces interventions devront en effet être validées au cas par cas, et certains pays ont même obtenu que ces validations soient parlementaires. Autant dire que ces nouvelles possibilités d'intervention pourraient rester à l'état de virtualités. L'une des difficultés majeures de la démarche adoptée est qu'elle reste d'abord intergouvernementale, un pays, quel qu'il soit, pouvant bloquer des décisions cruciales pour la zone euro. On le constate, d'ailleurs, avec les contreparties supplémentaires demandées par la Finlande à la Grèce, qui risquent d'encourager une logique de surenchère dans laquelle chaque pays peut exiger toujours plus de garanties. Nous savons d'ailleurs que d'autres pays se sont associés à la démarche finlandaise.
Enfin, troisième point : la participation du secteur privé, qui avait été sollicitée dans la résolution de la crise grecque, suscite des interrogations. On se souvient que cette participation avait été âprement négociée le 21 juillet, menaçant même de faire capoter l'accord, le président de la BCE exprimant de très fortes réserves, car il redoutait une contagion de la crise au secteur bancaire. Cette perspective n'est plus à écarter après les attaques qu'ont subies cet été les banques européennes, en particulier les banques françaises. En tout cas, le doute s'est installé sur leur capacité à honorer leurs engagements.
Après l'accord du 21 juillet, la zone euro ne dispose toujours pas d'un mécanisme de crise global capable de répondre à la défaillance d'un État, quel qu'il soit. La rencontre franco-allemande du mois d'août n'a rien apporté de nouveau, sinon la confirmation du refus d'ouvrir la perspective, qui partout commence à s'imposer, d'une mutualisation des dettes. De ce point de vue, le couple franco-allemand ne constitue plus un moteur, mais un blocage. L'opposition aux euro-obligations, qu'on avait perçue comme étant d'abord une réticence allemande, est en en fait amplement partagée par la France, comme l'a confirmé le Premier ministre dans une tribune hostile à leur création. La France et l'Allemagne semblent avoir fait le choix d'une réponse européenne a minima, espérant préserver ainsi leurs intérêts nationaux.
Cette stratégie, loin de nous protéger, risque au contraire de précipiter la crise chez nos voisins comme chez nous. L'endettement de la plupart des États européens, dont la France, les condamne à réduire drastiquement leurs déficits, et donc à mener des politiques d'austérité qui vont peser lourdement sur leur croissance. Ce n'est donc que par une politique concertée au niveau européen que ces États peuvent espérer retrouver les marges de manoeuvre nécessaires à la relance de leurs économies. C'est pourquoi il faut envisager une mutualisation des dettes, avec l'émission d'euro-obligations et une relance de l'économie européenne, notamment à travers le budget européen, qui pourrait être en partie alimenté par le produit d'une taxe sur les transactions financières. Cela signifie évidemment – M. de Courson a raison sur ce point – une intégration politique plus forte. La contrepartie pour les États qui seraient les premiers bénéficiaires de cette politique serait le respect d'une discipline économique et budgétaire scrupuleuse.
Ce schéma est sur la table depuis plusieurs mois. Il progresse, partout en Europe, et pas seulement dans les pays les plus fragilisés. En Allemagne, beaucoup ont compris que l'intérêt de leur pays était que l'Europe soit forte, et non que ses partenaires soient affaiblis. Le SPD et les Verts soutiennent une telle orientation, ainsi que certains membres de la CSU. Contrairement, à ce qui est parfois dit, il existe, en Allemagne, une disponibilité pour progresser dans la voie d'une intégration économique et politique plus importante.
Dans ce contexte, la France a naturellement un rôle particulier à jouer. Elle doit porter une véritable perspective européenne de sortie de crise, laquelle passe, à l'évidence, par une relance de l'intégration politique. C'est peu de dire que les positions frileuses qui ont été les siennes ces derniers temps ne vont pas dans cette direction. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, beaucoup se sont déjà exprimés à cette tribune sur les mesures contenues dans ce nouveau collectif que nous examinons en session extraordinaire. Certains ont voulu identifier les responsabilités des uns et des autres dans l'accumulation de dettes de la France, qui contraint nos finances publiques, et dans les déséquilibres qui perdurent dans la construction de nos budgets. Si ce débat est légitime, il n'est pas celui pour lequel nous sommes rassemblés aujourd'hui et il n'est pas à la hauteur des enjeux du moment.
Les prêteurs comme les investisseurs, dont la confiance dans la signature de la France détermine notre capacité à refinancer notre dette et, plus encore, les taux d'intérêt qui nous sont appliqués, ne sont pas intéressés par l'archéologie des lois de finances, non plus que par l'origine de chacune des couches sédimentaires de notre dette.
La vérité est simple : la France est, comme tous les États industriels, impactée par la crise de la dette souveraine, née de trente ans d'accroissement constant de la dette, brutalement accéléré par les mesures d'amortissement de la crise financière qu'il a fallu engager à l'automne 2008, de surcroît dans un contexte où la croissance future ne permet pas de prendre en charge à la fois le surplus de dette, le haut niveau de nos prestations publiques et celui de notre protection sociale.
Nos voisins et partenaires de la zone euro attendent de savoir, non pas qui est à l'origine de telle ou telle de nos niches fiscales, mais si la France aura ou non la capacité de respecter ses engagements européens permettant d'assurer le devenir de la monnaie commune.
La gravité de la crise, que je peux mesurer chaque jour dans les responsabilités qui m'ont été confiées, nous oblige. Elle doit nous conduire à avoir pour préoccupation première les réponses à apporter afin d'éviter son aggravation par le relèvement de nos taux d'intérêt et l'effondrement de la croissance.
Monsieur le ministre, je veux saluer l'action du Gouvernement et sa volonté de mettre en oeuvre des solutions. Celle-ci s'est traduite au niveau européen, en premier lieu, en sortant tout d'abord du piège de la prise en charge par chaque budget national de l'apport aux États les plus fragiles, à commencer par la Grèce. Certes, on peut considérer que nous n'avons pas été assez loin. Mais la mise en place du Fonds européen de stabilité financière, qui la possibilité de lever 440 milliards d'euros, d'engager – ce qui est nouveau – des actions préventives, de procéder à des recapitalisations et à des interventions secondaires, constitue un véritable progrès, de même que la perspective du mécanisme de stabilité financière. Il s'agit d'une étape décisive, même si l'on peut regretter qu'il ait fallu une crise d'une telle ampleur pour que se pose la question d'une gouvernance de l'euro, que chacun voulait ignorer dans le passé et dans laquelle les États doivent retrouver toute leur place. Il faut également saluer l'engagement personnel du chef de l'État, notamment en faveur du traité simplifié, qui traduit sa volonté de construire une Europe plus forte.
La situation doit nous inciter à poser à nos partenaires la question du budget de l'Union européenne et de sa contribution aux programmes d'investissement dans les infrastructures et la recherche, qui reste insuffisant pour prendre le relais du soutien à la croissance que chacun des États nation n'est plus capable d'assumer seul. Il convient également de saluer l'action du Gouvernement au niveau national, puisqu'il a tiré sans tarder les conséquences de la diminution prévisible du taux de croissance en ajustant celui-ci à 1,75 % et en procédant au rééquilibrage des recettes et des dépenses. Le rapporteur général a raison de dire qu'en d'autres temps, on aurait attendu le collectif de fin d'année.
Les mesures proposées pour assurer, en 2011 comme en 2012, le respect de nos engagements à terme et le retour à l'équilibre des finances publiques sont indispensables. À cet égard, je veux saluer la qualité du dialogue entre le Parlement, notamment la majorité, et le Gouvernement et indiquer aux observateurs extérieurs que ceux-là mêmes qui critiquent ce dialogue auraient crié à la caporalisation de la représentation nationale s'il n'avait pas eu lieu.
Merci !
La vérité, c'est qu'à l'arrivée, l'équilibre proposé par le Gouvernement n'est pas modifié : il y a un apport de recettes en matière immobilière, de financement des dépenses sociales, et la sphère touristique est mise à contribution. Ces apports sont différents, car chacun aura fait valoir sa propre expertise, ses propres arbitrages, afin d'opérer les meilleurs choix, de manière à minimiser les inconvénients et à éviter que ces mesures ne pénalisent trop une croissance dont il faut protéger les capacités.
S'agissant des plus-values immobilières, les dispositions prises vont dans le bon sens, en donnant une perspective de sortie et en maintenant un niveau de recettes suffisant. L'abandon de la taxation supplémentaire sur les parcs à thème, dont l'équilibre était fragile, est une mesure rationnelle qui n'a rien à voir avec des préoccupations d'équité sociale. Il s'agit simplement de prendre en compte une réalité technique – la fragilité de beaucoup de ces parcs – et la nécessité pour ces derniers de continuer à investir et de jouer leur rôle d'outil en matière d'aménagement du territoire.
Monsieur le ministre, je me réjouis également des décisions prises en ce qui concerne le bénéfice mondial consolidé. Voilà, en effet, plusieurs années que je dépose des amendements à ce sujet. La Cour des comptes a elle-même constaté que, pour l'État, le coût budgétaire de cette disposition représentait une somme significative sans qu'elle joue un rôle déterminant dans la présence de tel ou tel grand groupe industriel dans notre pays.
Au-delà, le Premier ministre a indiqué qu'il nous fallait trouver un milliard d'économies dans le cadre du projet de loi de finances pour 2012. Outre le travail réalisé sur les niches fiscales, il nous faut réaliser des économies sur le fonctionnement de l'État. Nous devons tirer toutes les conséquences des lois de décentralisation de 1982 : il n'est pas nécessaire que l'État reste présent dans des secteurs où il a transféré ses compétences aux collectivités territoriales. Il faut donc supprimer un certain nombre de services qui n'ont plus de raison d'être, si ce n'est de produire des normes qui génèrent des coûts supplémentaires pour les collectivités. Il nous faut également aller plus loin dans la réduction des effectifs publics, notamment dans les administrations centrales, et faire preuve de plus de rigueur vis-à-vis des opérateurs publics, qui prolifèrent.
Tels sont les enseignements que je voulais tirer de ce collectif budgétaire, en assurant le Gouvernement de mon soutien dans la démarche courageuse qu'il a entreprise. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la pédagogie est, paraît-il, l'art de la répétition…
Nous sommes réunis aujourd'hui afin d'examiner un texte en toute urgence. C'est devenu une fâcheuse habitude. Qui plus est, vous profitez de cette session extraordinaire, prévue à l'origine pour entériner les décisions des chefs d'État et de gouvernement des États membres de l'Union européenne sur la dette grecque, pour y adjoindre et glisser dans le collectif budgétaire des mesures d'austérité par le biais d'une lettre rectificative.
Sur la forme, il est regrettable de constater que la représentation nationale soit contrainte d'examiner un collectif budgétaire dans de telles conditions. L'audition des ministres à peine achevée, il nous fallait examiner le texte et ses multiples amendements dans l'après-midi même. De plus, à notre demande de disjoindre les deux parties du texte, vous avez opposé une fin de non-recevoir, car vous tentez de réaliser une manoeuvre politique. Votre précipitation actuelle est à la mesure de votre manque d'anticipation.
Sur le fond, nous avons eu l'occasion de vous mettre en garde à de nombreuses reprises, au cours de ces derniers mois, sur les éventuelles conséquences de votre gestion hasardeuse des comptes publics. S'agissant du Fonds européen de stabilité financière, les atermoiements actuels ne sont que le fruit du manque de leadership, de volonté politique, de réactivité, de l'Union européenne. À cet égard, monsieur le ministre, votre responsabilité et celle du Président de la République sont immenses. La France est à la remorque de l'Allemagne.
Nous sommes passés, au cours de l'été, tout près de la catastrophe. C'est au prix d'une intervention massive de la BCE que la contagion de la crise grecque à d'autres pays européens a pu être temporairement jugulée. Ce constat prouve non seulement l'inertie de notre système communautaire, mais aussi l'insuffisance des mesures prises depuis le début de la crise grecque, due à l'absence de pilote dans l'avion. L'Europe ne dispose toujours pas d'un mécanisme global de résolution des crises, capable de faire face à la défaillance de n'importe quel pays de la zone euro. Le FESF a été calibré pour répondre aux éventuelles défaillances de pays comme la Grèce, l'Irlande ou le Portugal. Mais, aujourd'hui, l'Italie, l'Espagne et la France sont concernées et le FESF n'est pas capable de faire face à une accentuation de la crise et à des difficultés nouvelles. Or, le temps presse ; les soubresauts actuels en sont malheureusement la traduction.
Le Fonds monétaire international insiste depuis des mois pour que l'Union européenne se dote d'un outil, afin de rassurer les marchés et d'éviter la spéculation sur les dettes souveraines.
L'élargissement des possibilités d'intervention du Fonds est une nécessité. Souhaitons que les décisions n'arrivent pas trop tard et qu'elles ne soient pas de simples réactions à une énième crise, comme d'habitude.
De nombreuses solutions ont été écartées. Je pense évidemment au système des eurobonds ou euro-obligations : l'opposition de Berlin et de Paris sur cette question relève davantage de l'opportunité politique que de la volonté de sauver la zone euro. Or, sans cette solution, le Fonds ne sera jamais qu'un outil transitoire et incomplet.
La mutualisation de la dette en Europe s'impose. Ce système devra, à terme, être mis en place, car il est le seul capable de préserver la zone euro des aléas des marchés, et surtout de son éventuel éclatement.
La position allemande, reprise par la France, ne fait que retarder ce processus, et continue de mettre en danger la monnaie européenne.
La mise en place de ce système pourrait permettre de dégager des économies grâce aux taux d'intérêt faibles et de favoriser la relance.
M. Leonetti, pour justifier le refus français sur cette question, argue qu'« en mutualisant les dettes de pays qui n'ont pas les mêmes politiques économiques et budgétaires, les eurobonds sanctionneraient les États vertueux en renchérissant le coût de leurs emprunts et favoriseraient ceux qui n'ont pas encore mené à terme les efforts de redressement de leurs comptes publics ». Il oublie de préciser que les pays les plus vertueux, notamment l'Allemagne, paieraient un tribut beaucoup plus important en cas d'explosion de la zone euro.
J'en viens à la deuxième partie du texte, introduite par la lettre rectificative. Vous tentez de nous faire croire que la crise est la seule raison du dérapage de nos comptes publics. Or, chaque année, la Cour des comptes éclaire la situation et remet en perspective le poids de vos responsabilités.
Depuis de nombreux mois, nous vous mettons en garde sur l'optimisme de vos prévisions de croissance, sur lesquelles était basé votre projet de loi de finances 2011. Tous les analystes sérieux jugeaient votre hypothèse fantaisiste, et ils n'avaient pas tort : vous êtes partis de 2,25 % pour descendre à 2 %, et la réalité se situera sans doute en deçà de 1,75 %. La crise des dettes souveraines ne concerne plus seulement la Grèce et l'Irlande, mais bien l'ensemble de la zone euro.
Vous soulignez l'importance de conserver notre notation AAA et nous partageons cette préoccupation. Mais si cette notation est en péril aujourd'hui, vous en êtes grandement responsables ! Vos marges de manoeuvre sont devenues inexistantes en raison des nombreuses niches fiscales que vous avez créées au fil du temps sans cohérence globale, sans pilotage sérieux, en somme sans vision !
Année après année, débat après débat, niche après niche, nos déficits se creusent et notre dette s'amplifie. Sur ce point, les rapports de la cour des Comptes et de l'IGF se suffisent à eux-mêmes. Votre manque d'anticipation et votre imprudence sont confrontés à la réalité, et la crise des dettes souveraines de cet été, comme la crise actuelle, vous contraignent à présenter dans la précipitation un catalogue de recettes picorées çà et là.
L'improvisation est telle que votre majorité se cabre et qu'une à une, les mesures annoncées sont abandonnées ou différées : TVA sur les parcs à thème, modification des cotisations sur l'aide à domicile, et peut-être d'autres en cours de débat – je pense notamment à la TVA sur les plus-values. De plus, à la veille d'une échéance électorale, vous tentez de vous refaire une virginité en prétendant faire payer « les riches » grâce à la création d'une taxe exceptionnelle sur les hauts revenus, une hausse de 1,20 % sur les prélèvements sociaux des revenus du capital, une hausse des taxes sur les plus-values immobilières, ainsi qu'un plafonnement du report du déficit des entreprises.
Nous sommes dans la caricature : les recettes prévues par ce prélèvement exceptionnel n'excèdent pas 200 millions d'euros, alors que les cadeaux consentis en juillet aux contribuables les plus aisés assujettis à l'ISF représentaient 1,8 milliard d'euros !
M. le ministre a indiqué en commission des finances qu'il nous proposait « une réponse adaptée et cohérente tant au niveau de l'Europe, à travers la création d'une véritable force de frappe financière, qu'au niveau de notre pays pour respecter nos engagements », ajoutant : « nos propositions représentent une répartition équitable des efforts nécessaires et ce que nous proposons privilégie l'emploi ».
Si ces déclarations ne manquent pas de souffle, elles sont en totale contradiction avec vos propositions, et je vais vous en donner quelques exemples. Vous envisagez une hausse des prix du tabac, de l'alcool et des sodas. Ces produits ne sont pas bons pour la santé, personne ne le nie. Mais le symbole est fort : vous faites les fonds de tiroir et, une fois de plus, ce sont les consommateurs qui payeront l'addition au final. Votre projet – avorté – de hausse du montant de la TVA pour les parcs à thème est tout aussi révélateur.
Il est sans doute plus difficile pour vous de revenir sur la baisse de la TVA dans la restauration, qui aurait pourtant dégagé des marges budgétaires plus conséquentes et dont l'effet sur la consommation, sur les prix et sur les conditions de travail des salariés n'est pas évident.
Parallèlement, vous vous attaquez de façon violente aux contrats solidaires et responsables des complémentaires santé en doublant la taxe qui leur est appliquée, la portant de 3,5 % à 7 %. Or cette hausse, qui sera immédiatement et irrémédiablement répercutée, représente un treizième mois de cotisation. Au moment où nombre de nos concitoyens, notamment les jeunes, ne souscrivent plus à des complémentaires santé car ils n'en ont plus les moyens – ce qui a pour effet de lézarder toute la solidarité intergénérationnelle – d'autres pistes étaient envisageables.
Par exemple, en s'appuyant sur nos propositions confirmées par le travail réalisé par l'IGF, il est temps de remettre en cause la défiscalisation des heures supplémentaires, véritable non-sens en termes de politique de l'emploi en période de chômage massif. Nous n'avons cessé de vous demander la suppression de ce dispositif inefficace, destructeur d'emplois, et représentant un coût pour l'État de l'ordre de 4,5 milliards d'euros pour 2011.
Évidemment, nous sommes en complet désaccord avec les mesures que vous nous proposez pour tenter de redresser la situation, car elles ne correspondent pas à notre vision de la solidarité et de l'équité et, de plus, seront inefficaces et dangereuses pour la croissance.
Nous considérons qu'il y a des marges de manoeuvre, mais que les mesures à prendre doivent s'inscrire dans un plan cohérent de réduction des déficits et de relance de la croissance. Car, sans mesures qui permettraient cette relance, le redressement des finances publiques ne peut se réaliser – on le voit bien en Grèce – et l'austérité et le tour de vis que vous nous proposez au détriment des plus faibles et des classes moyennes en appelleront de nouveaux très prochainement. Ce sera l'ajustement revolving, avec des plans d'austérité qui se succéderont au fil des mois !
Nous vous avons fait, au cours des derniers mois, des propositions qui permettraient à la fois de nouvelles recettes à hauteur de 10 milliards d'euros et une relance sélective de l'économie. Nous regrettons de ne pas avoir été entendus. Évidemment, nous nous opposerons fermement à votre plan d'austérité. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le rapporteur général, mes chers collègues, je veux commencer par saluer très sincèrement le courage et la lucidité de ce gouvernement, en particulier de son Premier ministre, qui nous a alertés depuis longtemps sur l'aggravation de nos déficits et la nécessité d'y remédier. En cet instant empreint de gravité, je tiens à saluer ce courage et cette détermination.
Mon intervention se fera sous un angle un peu différent de celui adopté par les orateurs qui m'ont précédé. Pour ma part, je veux m'interroger sur les racines profondes de cette crise de la dette – qui n'est d'ailleurs pas seulement une crise de la dette –, dans une logique de temps long chère au grand historien Fernand Braudel.
Il est, à mes yeux, deux facteurs à prendre en compte, parce qu'ils peuvent constituer, au-delà du court terme, des solutions pour les années qui viennent. Le premier facteur est ce que je désignerai par le basculement de la puissance économique de nos pays occidentaux, notamment européens, vers l'Asie extrême-orientale.
Les différentiels de croissance l'attestent, les déséquilibres structurels de notre balance commerciale le démontrent année après année ainsi que, malheureusement, la désindustrialisation de l'Europe, notamment de la France.
En conséquence, nous avons une croissance inférieure de moitié à la moyenne de la croissance mondiale, en dépit d'un modèle de dépense publique hérité de la période de croissance forte des Trente Glorieuses, ce qui génère des déficits structurels.
La conséquence de la conséquence, c'est que nous finançons ce modèle, non plus sur la richesse générée par la croissance, mais sur la dette, année après année. Cela a pratiquement commencé avec les chocs pétroliers, à la fin des années 1970 et au début des années 1980. Depuis, la dette de notre pays a été multipliée par douze !
Le deuxième facteur structurel réside – même si je sais que certains ne seront pas d'accord avec moi – dans la fin d'un modèle économique et social hérité de la révolution industrielle des XVIIIe et XIXe siècle. Ce modèle reposait, premièrement, sur une main-d'oeuvre bon marché – en fait largement exploitée, disons-le et félicitons-nous que ce soit terminé. Deuxièmement, sur une énergie peu chère et abondante, à tel point qu'on la croyait illimitée ; c'est terminé aussi, et tant mieux, car un tel modèle est explosif sur le plan environnemental. Troisièmement, enfin, sur un saut technologique et scientifique qui a permis l'émergence d'une nouvelle économie, source du développement de nos pays jusqu'à maintenant, mais arrivant à son terme.
Il nous faut donc trouver des réponses à cette double problématique : d'une part le basculement de la puissance économique, d'autre part la fin d'un modèle économique et social qui a fait notre richesse. Ces réponses sont de différentes natures.
Premièrement, à très court terme, il convient de prendre des mesures d'urgence, comme le Gouvernement l'a fait avec courage. En ce qui concerne le basculement de la puissance économique, la seule réponse équilibrée réside dans l'union de l'Europe : si elle s'unit, l'Europe sera demain la première puissance économique mondiale !
Deuxièmement, il faut améliorer la gouvernance du navire France : nous devons gagner en compétitivité au moyen de réformes en profondeur de notre gouvernance publique, au niveau de l'État et des collectivités – sur ce point, je salue ce qu'a dit notre collègue Bouvard.
Troisièmement, faire en sorte de rétablir l'équilibre des comptes publics, ce qui implique d'avoir le courage de réduire drastiquement les dépenses de fonctionnement au profit des dépenses d'investissement du futur.
Pour ce qui est de la fin de notre modèle de développement économique, prenons conscience qu'un autre émerge sous nos yeux : je veux parler du modèle du développement durable. L'énergie que nous utilisons actuellement étant limitée et chère, nous devons nous intéresser aux économies d'énergie et effectuer une transition énergétique tenant compte des implications de nos choix en matière d'écologie, notamment de réchauffement climatique – un sujet dont nous ne parlons plus, ce qui me paraît dramatique. Tel un bon joueur d'échecs, la France doit jouer chaque coup en pensant à ceux qui suivront, afin de créer les fondamentaux d'une nouvelle croissance économique. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, notre débat s'ouvre au début du mois de septembre, après un accord intervenu le 21 juillet et un été de crise. Je fais partie de ceux qui regrettent que le Parlement français ne soit pas en mesure de répondre plus rapidement à une telle situation – même si, de ce point de vue, nos voisins européens ne font pas forcément mieux. La rapidité est une des conditions de la crédibilité, et la crédibilité un des éléments importants de solution de la crise financière.
Fin juillet, il était question que ce débat, destiné à mettre en oeuvre l'accord qui venait d'intervenir, se tienne fin septembre. Notre commission devait se réunir le 14, en préalable à la séance publique. La crise du mois d'août nous a obligés à accélérer les choses mais je pense, madame la ministre, que face à des situations aussi graves, les parlements, en France comme dans les autres pays européens, devraient être capables de se réunir et de délibérer plus rapidement ; c'est une question de choix politique, mais aussi affaire d'organisation technique.
Il est important que le Parlement débatte de cette question ; les institutions le commandent, de même que l'efficacité de la démocratie et le résultat que nous visons, à savoir résoudre les crises. Aider la Grèce et garantir les moyens d'action supplémentaires du Fonds de stabilité, cela engage politiquement les pays européens, ce qui passe par une délibération de notre assemblée. Il n'est pas anormal que nous posions des questions au Gouvernement et que nous lui demandions d'être toujours plus exigeant. En effet, même s'il ne s'agit que de garanties, cela peut, à un moment, avoir un coût.
Certes, on peut regretter que tel ou tel État de l'Union européenne ne respecte pas tout à fait ce qu'il a dit le 21 juillet. On a raison de le critiquer ; mais, madame la ministre, n'allons pas trop dauber sur les exigences de différents États au sein de l'Union lorsqu'il s'agit d'engager des garanties et de mettre en oeuvre un plan d'aide – bref, d'élaborer une stratégie européenne.
Quant au plan de rigueur, tel que le Premier ministre nous l'a proposé, il exige aussi, dès lors qu'il s'agit de fiscalité, le consentement du Parlement. De plus, la force principale de la stratégie de notre pays réside, non pas telle ou telle mesure considérée isolément et que pour l'essentiel nous voterons, mais dans la cohérence et la volonté que l'on manifeste. Certes, il est important que le Gouvernement garantisse l'une et l'autre, mais c'est ici, au Parlement, qu'une stratégie de finances publiques trouve sa première garantie.
D'ailleurs, ce plan de rigueur est tout simplement indispensable si nous voulons, par la maîtrise des déficits et de la dette, garder des capacités d'action. Notre crédibilité en Europe et dans le monde en dépend, mais aussi notre capacité à faire en sorte que l'action politique ait un sens. Le jour où le service de la dette aura dépassé le le produit de notre impôt sur le revenu – et cela peut arriver très vite –, le jour où la plus grande part des moyens publics sera consacrée à servir la dette, il n'y aura plus véritablement de marge de liberté politique et de liberté dans nos délibérations. Bref, il n'y aura plus d'action politique. Il est donc nécessaire que le plan de rigueur soit débattu ici.
En ce qui concerne son contenu, je fais partie de ceux, pour dire les choses de façon directe, qui apprécient que le Gouvernement ait été ambitieux, mais qui pensent que, entre réduction des dépenses et recettes supplémentaires – sachant que, dans ce domaine, le tout ou rien n'existe pas –, le curseur n'a pas été correctement placé.
Sans doute s'agit-il, pour 2011, de mesures d'urgence. Or il est plus facile, hélas ! d'imaginer des recettes nouvelles que de décider de vraies économies. Vous pouviez vous contenter d'effets d'annonce ; fort heureusement, vous n'avez pas agi ainsi. Pour 2012 en revanche, nous vous attendons, madame la ministre : nous sommes nombreux, au sein du groupe UMP – le rapporteur général l'a dit très clairement cet après-midi – à souhaiter que le Gouvernement établisse une stratégie où la priorité soit clairement accordée à la réduction des dépenses.
La commodité de langage qui consiste à dire qu'une augmentation ciblée d'impôts, alias réduction de niches fiscales, est une réduction de dépenses fiscales et pas une augmentation d'impôt, finit par s'user. En bon français, une réduction de niche, cela s'appelle une augmentation d'impôt !
Cela est justifié quand la niche n'est pas efficace ; ce ne l'est pas lorsque cela revient à additionner des augmentations d'impôts.
Sur la dette, il nous faut aussi mobiliser les ressources de l'État. En matière de patrimoine immobilier, les actifs publics sont trop peu valorisés. Il en va de même des parts d'actions que l'État possède dans certaines entreprises, qui doivent pouvoir être utilisées dans le cadre d'une stratégie inscrite dans la durée. Je peux comprendre que ce ne soit pas aujourd'hui le moment idéal, compte tenu de la situation de la bourse. Toutefois, dans la mesure où vous devez afficher, comme vous le faites, une stratégie ambitieuse de réduction des déficits et de la dette, la valorisation des actifs publics fait partie des mesures que nous souhaitons.
Sur la Grèce enfin, madame la ministre, vous devrez, parce que vous en portez la responsabilité pour l'exécutif et que nous vous confions cette responsabilité, être toujours exigeant sur le chemin suivi. En clair, vous devrez nous répondre sur les mesures de surveillance de la Grèce. Il y a quelques mois, nous lui faisions confiance ; aujourd'hui, nous devons être plus exigeants. Le Gouvernement doit nous dire comment il compte s'y prendre pour que notre garantie ne devienne pas une dépense supplémentaire pour notre budget.
Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le rapporteur général, chers collègues, un cadre, des mesures circonscrites et une perspective : tels sont les trois points qui peuvent retenir notre attention ce soir.
Dans quel cadre discutons-nous ? Dans celui d'une crise dont la dimension est mondiale et non nationale, ni même seulement européenne. Une crise mondiale appellerait bien sûr une réponse politique mondiale. Loin s'en faut aujourd'hui ! La mondialisation de l'économie, notamment et surtout celle de la finance, ne s'est malheureusement pas accompagnée de la mondialisation correspondante de la politique.
Dans ce cadre très incertain et très déstabilisé, nous affichons une dette de près de 1 700 milliards, qui dépend pour les deux tiers de prêteurs extérieurs. C'est dire notre fragilité, mais aussi les limites des mesures que nous pouvons prendre. C'est aussi dans ce cadre que nous devons nous interroger sur la nature profonde du déficit, et reconnaître qu'il n'est pas seulement financier et économique ; il est peut-être d'abord politique. On le voit avec l'impuissance que le Congrès américain semble manifester à dégager une majorité capable de prendre des décisions qui s'imposent, ou devraient s'imposer. On le voit aussi à travers le jeu des États-continents que l'on a tant de mal à coordonner. La tentation pourrait dès lors être grande de se demander, comme le font parfois nos concitoyens, si, après tout, la politique sert encore à quelque chose dans le grand désordre du monde qui se présente à nous.
C'est tout le problème ! Nous étions empereurs, nous voici aux galères…
C'est peut-être là un changement, non pas du monde, mais de monde, auquel nous assistons.
Dans ce cadre, une loi volontairement circonscrite et très limitée nous est proposée, avec quelques mesures dont je ne récuserai certainement ni l'esprit, ni la lettre depuis que certaines ont été amendées, notamment à la suite des travaux de notre rapporteur en collaboration avec Mme la ministre. Je veux à ce propos saluer le travail accompli. Un certain nombre de dispositions ont donc été prises, disons-le clairement, pour maintenir la crédibilité de la France au regard du monde, et plus particulièrement de nos créanciers.
Oui, les mesures qui sont prises touchent plutôt les revenus du capital que ceux du travail. C'est une bonne chose. Oui, les mesures qui nous sont proposées vont dans un sens qui nous convient et que nous approuvons. Pour autant, seront-elles suffisantes ? Elles n'y prétendent pas et je me garderai donc de faire ce procès au Gouvernement. De toute évidence, le vrai débat qui s'impose est beaucoup plus large ; il est devant nous, dans les semaines qui viennent, lors de la loi de finances pour 2012.
Ces mesures sont donc circonscrites, mais elles se situent dans une perspective que tracera la loi de finances pour 2012. À cette occasion, je le dis clairement, nous soulèverons de nouveau – comme nous nous étions engagés à le faire en juin ou juillet de l'année dernière, en loi de finances rectificative, mais aussi lors de la précédente loi de finances – la question de la maîtrise et de la réduction de nos dépenses publiques. Ce sont des priorités absolues, c'est ce qui conditionnera la résorption de nos déficits et la possibilité de réduire notre endettement.
Cela peut-il suffire ? Nous sommes nombreux, y compris dans la majorité, à croire que si la priorité est bien de réduire les dépenses publiques, cela ne suffira pas à rétablir notre situation exagérément dégradée. Il faudra pour cela un second levier : celui de l'augmentation de nos recettes. Nous aurons besoin des deux.
Et là se posera la question de savoir où trouver des recettes, comme celle des dépenses auxquelles il faudra toucher. La justice fiscale devra donc être au rendez-vous de la loi de finances pour 2012. La question de l'impôt sur le revenu des personnes physiques n'est pas taboue, non plus que celle de l'instauration d'une éventuelle tranche complémentaire, et du seuil à partir duquel on considère que les contribuables aux revenus très élevés doivent participer davantage à l'effort commun, sans oublier le rapprochement de l'imposition des revenus du capital de celle des revenus du travail. En un mot comme en cent, ce débat est devant nous ; il est essentiel, parce que l'effort auquel tous les Français savent qu'ils seront appelés,…
…ne sera accepté que s'il est plus justement partagé.
En conclusion, monsieur le président, un défi aussi considérable exige la rigueur. C'est le laxisme, non la rigueur, qui est l'ennemi de la justice.
Pour notre part, nous choisirons la rigueur dans la loi de finances pour 2012, parce que nous aimons la justice. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, nous allons examiner, dans ce projet de loi de finances rectificative, une question essentielle, qui est celle de la stabilité de la zone euro.
Il s'agit donc d'augmenter les capacités et les modalités d'intervention du Fonds européen de stabilité financière et de rendre ses interventions plus flexibles. Mais, en raison de la structure même du FESF, il ne peut bénéficier du triple A qu'à la condition que ses emprunts sur le marché soient garantis par les seuls États triple A. La France, qui ne devait garantir à l'origine que 20,35 des 444 milliards d'euros, va porter sa garantie à 159 milliards ; autant d'engagements qui vont s'ajouter à la dette nationale française.
Il faut surtout préciser aussi qu'en dépit de cette montée impressionnante des garanties françaises, nos créances ne seront plus prioritaires. Si un État fait défaut – et qui peut dire qu'il n'y en aura pas ? –, les créances françaises viendront au même rang que les détenteurs ordinaires des obligations de cet État. Je vous le dis comme je le pense : je trouve que c'est un peu fort de café !
Mais ce n'est pas tout. En ce qui concerne la nature juridique du FESF, vous dites que ce n'est qu'un contrat international. Excusez du peu : un accord international qui crée un organisme de droit luxembourgeois ! Je regrette à cet égard que l'on n'ait pas suivi devant le Parlement le processus qui s'impose pour les accords internationaux. Une simple loi de finances ne suffit pas : il aurait dû y avoir un vote d'approbation d'un traité, ou de l'accord.
Mais revenons-en aux questions de fond. Pourquoi en sommes-nous là ? Pourquoi la Grèce, le Portugal, l'Irlande et l'Espagne sont-ils arrivés dans cette situation ? Comme on le sait, la crise est double. Il s'agit d'abord de la crise des dettes publiques et des dettes privées, qui résulte directement des événements de 2008, lorsque les États ont dû intervenir. Mais il y a aussi une crise structurelle de l'euro, qui est une crise de compétitivité économique en l'absence de zone économique optimale. La Grèce subit de plein fouet ces crises, et avec elle l'Irlande, le Portugal, l'Espagne et maintenant l'Italie.
Il faut savoir que les dettes grecques atteignent, tout confondu, 780 milliards d'euros, dont 340 milliards pour la dette publique, soit environ 143 %, et bientôt 150 % du PIB grec, 120 milliards pour les entreprises, 169 milliards pour les entreprises non financières et 123 milliards pour les ménages, soit trois fois le total du PIB grec.
Les fameux CDS sur la Grèce ont atteint 20,5 % en juin. Il y a quelques mois, les experts estimaient que, pour stabiliser sa dette, la Grèce devait dégager un excédent primaire de 4 % du PIB. Or, aujourd'hui, on constate qu'elle est à 8,8 % de déficit du PIB. En mai 2010, la Grèce a bénéficié d'un prêt de 110 milliards. À l'époque, on visait le retour de la Grèce sur les marchés en 2012. Aujourd'hui, on nous demande de lui reprêter 109 milliards en nous disant qu'elle pourra revenir sur les marchés en 2014 ou 2015… Est-ce crédible ?
Selon des calculs précis effectués par les économistes, la Grèce devrait bénéficier, d'ici à 2019, pour rester dans le système de la zone, de 350 milliards à 390 milliards d'euros. Cela signifie que, chaque année, nous devrions lui transférer 35, 40 ou 60 milliards de crédits nouveaux selon la dette qui tombe. Dans ces conditions, toutes choses étant égales par ailleurs, comme disent les économistes, la Grèce ne pourra pas revenir sur les marchés avant 2019.
Mais la Grèce n'est pas le seul pays à subir ces dysfonctionnements de la zone euro. On estime que les besoins pour la même période se situent entre 150 et 180 milliards d'euros pour le Portugal, entre 130 et 150 pour l'Irlande et à 750 milliards pour l'Espagne – le total des dettes espagnoles représente cinq fois le PIB espagnol.
Dans ces conditions, nous devons nous demander si ce nouvel effort de solidarité est crédible. Je suis pour la solidarité et le problème ne se poserait pas s'il n'y avait que le cas grec, mais ce n'est pas le cas. La France a déjà accordé à la Grèce et aux autres États en difficulté la bagatelle de 40 milliards d'euros, soit directement soit par des crédits garantis, 40 milliards que nous ne reverrons pas.
Les choses sont simples : aucune solution à la crise n'est possible dans le cadre de la politique monétaire actuelle. Il nous faut impérativement changer de politique monétaire. L'économie, vous le savez, c'est la combinaison permanente de tous les facteurs, le capital, le travail, les taux internes et externes. En l'occurrence, plus encore que la question de la dette des États, qui n'est qu'une conséquence cumulative – et non la cause comme je l'ai entendu dire par tout à l'heure dans des grandes envolées de professeurs –, c'est le problème de la compétitivité qui est en jeu. Je vous rappelle que l'Espagne était en surplus budgétaire, comme l'Irlande. C'est la compétitivité de ces États qui est en cause. Ces pays sont étranglés par la monnaie. L'euro a fait passer les exportations françaises de 5,5 % des exportations mondiales à 3,4 % alors que, dans le même temps, la part de l'Allemagne ne diminuait pas du tout.
Dans ces conditions, il faut impérativement, d'une part, faire baisser l'euro sur les marchés, ce qui relève du Conseil européen et de l'article 119 du Traité – c'est aux États d'imposer cela à la Banque centrale – ; d'autre part, créer des avances directes par la monétisation de la dette afin de permettre la survie de la zone euro.
Il ne s'agit pas de s'en tenir au rachat sur les marchés secondaires. C'est insuffisant. Si vous ne changez pas de politique monétaire, je ne donne pas cher de la zone euro, qui est à bout de souffle.
Monsieur le président, mes chers collègues, ce débat intervient au moment où commence la seconde phase de la crise, celle qui touche de plein fouet l'ensemble des finances publiques occidentales alors même que nous n'avons pas réglé, loin s'en faut, le problème de la masse hallucinante des liquidités financières qui sont traitées over the counter, c'est-à-dire hors toute réglementation bancaire. Cette masse représente près de 1 000 000 milliards de dollars et elle a généré dans le système bancaire mondial une bulle de créances irrécouvrables au moins égale à 10 000 milliards de dollars.
Depuis l'automne 2007, à cette tribune et dans le cadre de plusieurs groupes de travail ou commissions ad hoc, je n'ai cessé de répéter, modestement, que la crise allait durer de longues années, dix ans, et qu'elle ne commencerait réellement que lorsque les finances publiques elles-mêmes seraient atteintes, une fois qu'elles se seraient ruinées pour sauver les banques.
Vous semblez vivre dans la crainte ou l'obsession des réactions des marchés financiers. Vous avez tout à fait raison de les redouter. Mais il est très difficile d'essayer de se conformer à leurs attentes car les marchés ne sont pas rationnels ; ou plus exactement, leur rationalité s'exprime dans une telle complexité et une telle volatilité qu'ils en deviennent totalement imprévisibles.
À titre d'exemple, le Japon a une dette publique deux fois et demie plus élevée que la nôtre par rapport au PIB, sa notation vient d'être dégradée et pourtant ses bons du Trésor s'émettent ou se négocient à un taux inférieur à 1 %, 0,99 % aujourd'hui, pour une maturité de dix ans. Un mois après la dégradation de la note des États-Unis d'Amérique, ceux-ci bénéficient d'un taux d'émission de leurs obligations publiques réduit de plus de 1,5 point, à 2 % environ alors qu'il était à 3,5 % – à croire qu'il faut être dégradé !
L'inquiétude sur l'évolution économique et financière du monde, ou plus exactement du monde occidental, a fait baisser spectaculairement les marchés d'actions, entraînant paradoxalement un report massif des liquidités sur les obligations publiques, à l'exception évidemment de celles de petits pays suscitant une inquiétude particulière – ce qui est bien sûr le cas de la Grèce –, ce qui explique que la dégradation de grands pays comme le Japon ou les États-Unis aboutit paradoxalement à la diminution du coût de leurs emprunts.
Vous avez aussi évoqué pour nous rassurer ou vous rassurer les fameux stress tests bancaires qui ont été organisés, en omettant simplement les deux causes essentielles de risque en Europe : les créances irrécouvrables des banques et la défaillance possible de certaines obligations publiques. Je relève d'ailleurs que le FMI, même s'il confond parfois, à tort, les fonds propres des banques et les questions de liquidités, considère que les besoins de recapitalisation des banques européennes sont infiniment plus importants que le chiffre, tout à fait ridicule et irréaliste, de 2,5 milliards d'euros que l'on a osé publier à la suite des stress tests et auquel personne, et évidemment pas le marché, ne croit.
La réalité, c'est qu'il existe dans notre monde économique et financier une masse spéculative dont les oscillations quasi instantanées affectent toute la planète financière, entraînant une instabilité et une volatilité effroyable de nos économies.
Dans un tel contexte, la réponse du Fonds européen de stabilité financière n'est évidemment pas à la hauteur.
D'abord, je ferai remarquer que, pour le moment, la constitution de ce fameux fonds destiné à sauver la Grèce, et peut-être d'autres pays, se heurte désormais à la demande de la Finlande, suivie maintenant par deux ou trois autres pays de la zone euro, de subordonner leur intervention à la production par la Grèce de contreparties solides et réelles pouvant garantir les prêts consentis. C'est un réel problème, dans la mesure où il faut l'unanimité.
Aujourd'hui, la défaillance d'un certain nombre de pays de la zone euro, notamment de la Grèce, est provisoirement écartée, non pas par l'intervention financière des États solidaires mais par la souscription massive, en centaines de milliards d'euros, par la BCE d'obligations d'État émises par ces pays. C'est ainsi que cela se passe en pratique.
Je voudrais évoquer la prévision de déficit de l'État pour 2011. J'avoue humblement, sans doute par déficience intellectuelle, ne pas bien comprendre comment on peut espérer un solde de l'ordre de 96 milliards d'euros.
Selon la loi de règlement des comptes pour l'année 2010, le solde d'exécution de la loi de finances s'est monté à 148 milliards d'euros, alors que la loi de finances initiale prévoyait 117 milliards. Pour 2009, l'écart entre loi de finances initiale et loi de règlement était un peu plus important, de 70 milliards.
Selon l'Agence France Trésor, le solde d'exécution du budget de l'État à fin juin 2011 s'établit à 61,35 milliards d'euros, soit à peu près exactement le même résultat qu'en 2010 à la même échéance. Jusqu'au 30 juin, les courbes, mois après mois, du solde d'exécution du budget de l'État pour 2010 et pour 2011 sont parfaitement identiques. Il faudrait, pour que vous arriviez à respecter votre prévision de 95 milliards d'euros, une divergence des courbes tout à fait stupéfiante de 60 milliards d'euros sur les six derniers mois. Permettez-moi d'émettre quelques doutes !
Un autre point me paraît essentiel pour l'avenir. Les pays occidentaux ont pris l'habitude, depuis un certain nombre d'années, de ne pas inclure dans leur déficit annuel le montant des emprunts qu'ils réalisent dans l'année pour rembourser des emprunts précédents venant à échéance. La maturité moyenne de nos émissions de bons du Trésor est de l'ordre de sept ans, comme dans beaucoup de pays occidentaux. Aujourd'hui, au-delà de ce que nous avons emprunté en 2010 pour solder le déficit, nous avons dû emprunter 33 milliards d'euros de plus pour rembourser les bons du Trésor précédents venant à échéance, probablement parce que, il y a sept ans, nous avions un déficit de 30 ou 35 milliards d'euros. Ceci signifie que, quand bien même nous parviendrions à rétablir l'équilibre de nos finances publiques dans un délai de quelques années – on peut toujours rêver –, nous devrons émettre, en 2018, environ 180 milliards d'euros de bons du Trésor uniquement pour couvrir les émissions de l'année 2010 !
En octobre 2002, cela fait bientôt dix ans, j'avais publié dans le journal Le Monde un petit article intitulé « Chronique comptable d'une faillite nationale annoncée » où je m'inquiétais en prédisant une évolution que la crise n'a fait que précipiter. Je n'ai aujourd'hui, plus de quatre ans après le début de cette crise, aucune raison d'être plus optimiste.
Je voudrais d'abord rassurer Mme la ministre et M. le rapporteur général : je n'ai ni l'ambition ni le talent de Jacques Myard pour redéfinir une politique économique de la France en cinq minutes, et pas davantage de niche ou d'amendement à défendre… Mon ambition est beaucoup plus modeste. Je précise que je soutiens sans réserve le plan que nous propose le Gouvernement parce que, dans les circonstances actuelles, un effort de crédibilité financière est indispensable pour assurer la crédibilité de la France.
Je voudrais attirer l'attention sur la situation particulière de la défense, qui a le point commun avec la finance de ne pas être un secteur parmi d'autres. C'est en effet un secteur majeur pour la crédibilité globale de notre pays, comme nous l'avons vu récemment en Libye et il y a quelque temps en Côte-d'Ivoire.
Les quatre années qui viennent de s'écouler ont vu un effort dans ce domaine de la crédibilité de la France tout à fait remarquable, notamment à travers le travail qui a été fait dans le Livre blanc. Le dernier Livre blanc avait pour but de définir non la défense de nos rêves mais la défense qui correspond à la situation actuelle et à nos moyens financiers. Surtout, à cet effort de réflexion s'est ajouté un effort sur la traçabilité et le travail dans la durée. La crédibilité n'a de sens que dans la durée, la crédibilité ce n'est pas de dire un jour des choses sympathiques ou intéressantes, c'est les tenir dans le temps. Et on a consenti des efforts considérables pour tenir réellement, c'est une première, la loi de programmation militaire : nous avons beaucoup travaillé en budgétisant les OPEX et en trouvant des mesures palliatives lorsque les recettes exceptionnelles n'étaient pas présentes.
Dans ce contexte général, le texte qui nous est proposé demande à la défense un effort de 211 millions d'euros, notamment pour permettre de payer l'amende due par l'État au titre des frégates de Taïwan – la défense couvre à peu près 45 % de cette amende. Je ne vois rien d'anormal à cela. La défense est un secteur certes important mais qui doit participer à l'effort collectif. Je n'ai donc aucune remarque particulière à formuler sur cette sollicitation, même si cette somme n'est pas simple à trouver, car le contexte la justifie pleinement.
En revanche, je voudrais attirer l'attention de Mme la ministre sur la fin de l'année et sur la période budgétaire qui va jusqu'à la loi de finances rectificative finale : notre défense est exposée à un risque sérieux de décrochage qui viendrait en quelque sorte ternir les quatre années d'efforts exceptionnels que nous avons fournis jusqu'à présent.
Deux points sont particulièrement à surveiller.
Premier souci, le financement des OPEX. Certes, la loi de finances initiale prévoit à peu près 630 millions ; mais avec la Libye et d'autres opérations, le surcoût devrait être de l'ordre de 500 millions d'euros, non financés au budget. Il faut souhaiter que cette somme puisse être trouvée comme dans le passé, dans le cadre d'une mutualisation du budget global.
Deuxième souci, les recettes exceptionnelles. Là encore, ce sont des sommes qui sont loin d'être négligeables, bien au-delà des 210 millions, puisque nous sommes autour du milliard, dont environ 200 millions de recettes immobilières – d'après mes informations il n'y pas trop d'inquiétude à avoir sur ce point – et 800 millions sur les ventes de fréquences : là, nous ne sommes pas certains de pouvoir boucler. L'effort demandé à la défense n'est pas factuel, et ne pas parvenir à réunir la somme nous exposerait à un risque de perte de crédibilité.
En conclusion, je formulerai trois demandes ou suggestions. Premièrement, que nous anticipions la fin d'année sans attendre décembre pour voir si cela se passe bien, en essayant de trouver dès à présent des solutions afin de ne pas être pris par surprise ; deuxièmement, sachant que des efforts supplémentaires seront sans doute demandés tôt ou tard au ministère de la défense, et c'est normal, que nous fassions preuve de méthode et que la perspective de l'élection présidentielle ne bloque pas les débats – il est indispensable que le ministère de la défense et le ministère des finances approfondissent leur dialogue, devant le Parlement, afin d'opérer des coupes intelligentes, productive et non destructrices ; troisièmement enfin, que l'effort financier sera demandé à tous les ministères. Le ministère de la défense est en pointe sur la réforme de l'État. La qualité de ses discussions avec Bercy, traditionnellement compliquées, s'est considérablement améliorée, et les méthodes qu'il a mises en oeuvre pourraient, me semble-t-il, être appliquées avec succès à d'autres ministères dépensiers. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
La parole est à M. Robert Lecou, dernier orateur inscrit dans la discussion générale.
Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le rapporteur général, mes chers collègues, je mesure l'honneur qui m'est fait de terminer cette discussion générale. Je souhaite mettre mon propos en perspective par rapport à la crise, à la situation internationale et au futur débat sur le projet de loi de finances pour 2012.
En 2008, la réactivité de la présidence européenne, assurée par la France, a permis d'éviter l'effondrement du système financier mondial. Aujourd'hui, les dettes souveraines et les déficits budgétaires que certains, depuis longtemps, dénonçaient comme de vrais dangers, se révèlent comme des situations inacceptables, car insupportables. Nous voilà de nouveau au bord du gouffre !
Après l'Islande, l'Irlande, le Portugal, la Grèce, alors que des économies conséquentes comme celles de l'Espagne et de l'Italie montrent des signes inquiétants, après même que la première économie mondiale, celle des États-Unis, a dû subir le déclassement des agences de notation, la France, elle, a su préserver son AAA.
Certes, il y a de quoi s'interroger sur le pouvoir de ces agences de notation et sur celui des marchés, mais on est bien obligé de se rendre à l'évidence et d'admettre le principe de réalité : si la France voyait sa note dégradée, cela entraînerait des taux et des intérêts d'emprunt plus lourds, une aggravation de la situation et des conséquences directes pour les ménages français.
Dans ce contexte de crise financière, monétaire, économique et sociale, la France, jusqu'à ce jour, a donc su réagir comme il le fallait, et la réactivité du Président de la République et du Gouvernement, ainsi que les décisions nouvelles que nous avons pu prendre ici ont permis d'avancer dans la bonne direction.
Mais la France ne peut pas toute seule infléchir la marche mondiale ; elle doit – et elle le fait bien – s'inscrire dans une démarche internationale certes complexe, plus lourde à mettre en oeuvre, mais incontournable et donc nécessaire. Dans cette perspective, son action internationale, dans le cadre des relations bilatérales avec l'Allemagne par exemple, dans celui des instances européennes ou des groupements comme le G8 ou le G20, va dans le bon sens. La France ne s'isole pas, elle donne même les bonnes impulsions pour atteindre les bons objectifs.
Au chapitre des bonnes décisions, je voudrais rappeler ici que, le 14 juin dernier, dans cet hémicycle, nous avons adopté la proposition de résolution européenne relative à l'introduction d'une taxe sur les transactions financières. Le Président de la République est toujours à l'ouvrage pour que, dans le cadre d'une nécessaire homogénéité, cette taxation prenne une dimension internationale. À quoi servirait-il de taxer en France des transactions financières si cette démarche n'existait pas dans la zone euro, à la City de Londres, à New York ou à Shanghai ?
Réunis à Bruxelles, le 21 juillet dernier, les chefs d'État et de gouvernement de la zone euro ont décidé un ensemble de mesures pour notamment traiter la situation spécifique de la Grèce en améliorant la soutenabilité de la dette grecque, grâce à un nouveau programme d'assistance et à une stratégie globale en faveur de la croissance et de l'investissement.
D'autres décisions cohérentes sont allées dans ce sens. Pour autant, chaque jour apporte son lot de mauvaises nouvelles. Il est donc nécessaire d'être toujours réactif, et il est appréciable aujourd'hui de constater que la France est le premier pays européen à entamer le processus de mise en oeuvre des accords du 21 juillet. C'est dans ce contexte que s'inscrit donc notre débat d'aujourd'hui sur le projet de loi de finances rectificative pour 2011, qui marque la détermination du Gouvernement à rétablir la confiance des marchés dans les meilleurs délais. Agir est en effet une nécessité évidente. C'est une urgence.
Face à l'incertitude et à l'instabilité du contexte financier international actuel, le projet de loi de finances rectificative pour 2011 a pour double but d'avaliser le dernier plan d'aide à la Grèce et de résorber une part du déficit public par plusieurs mesures d'urgence à effet immédiat. Un autre texte viendra très prochainement en discussion au sein de notre assemblée ; il s'agira d'un autre débat, beaucoup plus large et plus complet que celui qui nous attend aujourd'hui : ce sera le projet de loi de finances pour 2012. Pour l'heure, notre discussion est circonscrite dans un cadre précis, celui d'un ajustement pour 2011, et il ne serait donc pas pertinent d'en sortir.
Concernant les mesures dont nous avons à débattre, je souhaite faire deux remarques. La première concerne la suppression du régime d'abattement pour la durée de détention sur les plus-values immobilières qui doit être modifiée. Cette mesure peut en effet se révéler injuste, notamment envers de petits propriétaires qui ne sont pas d'affreux capitalistes fortunés mais bien souvent des Français moyens qui, il y a dix, quinze ou vingt ans, ont acquis des appartements souvent vétustes, ont investi pour les réhabiliter, ont ainsi amélioré l'habitat et ont aujourd'hui la sensation d'être brutalement, à la fin de leur vie, considérés comme des spéculateurs. Cette mesure doit donc être aménagée.
Ma deuxième remarque a trait au taux de TVA applicable aux droits d'entrée dans les parcs à thème. Je tenais à relayer au sein de cet hémicycle les inquiétudes des professionnels du tourisme souterrain, culturel ou naturel, qui ne se sentaient pas directement concernés par cette mesure mais qui, dans la mesure où ils relèvent de la même convention collective que les parcs à thème, se sont inquiétés. J'ai noté avec satisfaction que le Gouvernement nous proposerait le retrait de cette mesure.
Pour conclure, je veux resituer mon intervention dans le cadre précis de cette loi de finances rectificative. Il est bien entendu que nous ne sommes pas aujourd'hui au coeur du vrai débat, celui de la loi de finances 2012, qui sera l'occasion, je le souhaite, de mettre en oeuvre des mesures équitables allant dans le sens du nécessaire effort collectif pour aboutir à la réduction de nos déficits, qu'il serait dramatique de continuer à laisser filer.
Mesures équitables, cela veut dire mesures sollicitant tout le monde, mais surtout ceux qui ont le plus de moyens. Je pense à la contribution exceptionnelle sur les très hauts revenus, à la création d'une tranche supplémentaire de l'impôt sur le revenu, à l'effort des grands groupes, qui ont souvent l'art et les moyens de contourner la fiscalité. Autant de directions justes dont nous devrons débattre en privilégiant des mesures qui ne mettent pas à mal la croissance, soulagent la fiscalité du travail plutôt que de l'alourdir et s'inscrivent dans le nécessaire esprit de justice fiscale. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Prochaine séance, ce soir, à vingt-deux heures :
Suite de la discussion du projet de loi de finances rectificative pour 2011.
La séance est levée.
(La séance est levée à vingt heures cinquante.)
Le Directeur du service du compte rendu de la séance de l'Assemblée nationale,
Nicolas Véron