Ce délai excessif ne peut être que préjudiciable à la Grèce, à la zone euro, et donc à notre pays. Que fait la France, dans le cadre des institutions européennes, non pas pour obliger – nous n'en avons pas les moyens – mais pour convaincre, par la négociation, ceux de nos partenaires qui ne perçoivent pas l'urgence de la situation ? C'est là, madame la ministre, notre premier sujet d'inquiétude. Cet accord était probablement le meilleur accord possible lorsqu'il fut conclu, mais il risque de ne plus être satisfaisant au moment de son application, si tant est d'ailleurs que l'on puisse attendre jusque là.
Notre seconde inquiétude tient au fait que certains pays semblent revenir sur l'accord conclu à Bruxelles le 21 juillet dernier. Cinq d'entre eux ont déjà indiqué qu'ils pourraient ne pas se satisfaire de la simple signature de la Grèce et exiger des garanties plus solides, des « collatéraux », pour lui consentir des prêts. Cinq pays, c'est cinq de trop. La Slovaquie, la Slovénie, l'Autriche, la Finlande et les Pays-Bas ont décidé de se singulariser et pourraient s'affranchir de cet accord du 21 juillet. Tous les autres se contentent pour l'instant de la seule signature de la Grèce, mais jusqu'à quand ? Combien de temps la France et l'Allemagne s'en contenteront-elles ?
La vraie question, qui n'est toujours pas tranchée et ne peut l'être qu'au plan politique, est évidemment celle du défaut. Le 21 juillet, les pays de la zone euro décident qu'il n'y aura pas de défaut de la Grèce. À cet effet, des outils de mutualisation sont soit confortés, soit créés : le Fonds européen de stabilité financière est autorisé à acheter des titres de dette souveraine, ce qui lui était interdit jusqu'alors ; la Banque centrale européenne est encouragée à reprendre un programme de rachat de dette souveraine sur le marché secondaire ; il est décidé d'utiliser les fonds structurels européens pour relancer la croissance dans les pays qui souffrent le plus. Bref, la solidarité joue à plein, et le sens de l'Histoire est préservé, si l'on considère, comme moi, qu'il correspond à celui de la construction européenne.
Mais, entre le 21 juillet et notre débat d'aujourd'hui, s'est tenu le sommet de l'Élysée, le 17 ou le 18 août. Or ce jour-là, les euro-obligations, outil indispensable à la mutualisation, sont récusées par la France et par l'Allemagne, ce qui revient, de fait, à renoncer à leur création. Il ne sera pas possible, mes chers collègues, d'empêcher le défaut d'un pays de la zone euro, la Grèce en l'occurrence, sans cet outil. Il faut donc impérativement choisir entre le refus du défaut, le 21 juillet, et son acceptation, le 17 août, car cet entre-deux dans lequel nous nous trouvons est la situation la plus périlleuse et la plus préjudiciable pour tous. Il faut donc faire un choix et l'assumer ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
Nous cumulons les inconvénients de ces deux solutions. Nous avons les inconvénients du défaut, avec la perte de confiance des investisseurs, qui réclament des taux d'intérêt de plus en plus élevés – la Grèce a vu aujourd'hui les taux de sa dette à deux ans atteindre 50 % ! –, sans en avoir les avantages, puisque la Grèce garde son taux de dette nominal et que cette dernière n'est pas réduite. À cela s'ajoutent également les inconvénients de l'absence de défaut : la dette reste considérable, sans pour autant que les taux d'intérêt soient maintenus à un niveau raisonnable qui permettrait à tous les pays de se refinancer sur le marché.
Cet entre-deux est la pire des solutions, et le sommet franco-allemand qui a eu lieu à l'Élysée à la mi-août constitue un recul qui nous maintient dans l'incertitude, laquelle porte en germe la menace d'une crise qui, si elle éclatait, laisserait les États sans beaucoup de moyens pour y répondre comme ils le firent en 2008 et en 2009.
Ce projet de loi de finances rectificative sur l'accord du 21 juillet, s'il doit naturellement être ratifié par le Parlement, ne réglera pas la question essentielle. Elle ne pourra l'être que par des décisions politiques difficiles, qu'il appartient aux hommes d'État désignés par le suffrage universel de prendre. Après tout, ce qualificatif d'homme d'État sera largement revendiqué par certains dans les semaines et les mois qui viennent. S'ils veulent s'en prévaloir, qu'ils montrent donc, face à la crise grecque et européenne, qu'ils en ont l'étoffe ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC. – Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)