Je vous en recommande la lecture.
Ce dispositif sur les heures supplémentaires, unique au monde, servira longtemps aux étudiants en économie d'exemple de ce qu'il ne faut pas faire, d'un mécanisme néfaste pour l'économie et pour l'emploi, tout à la fois injuste et ruineux pour les finances publiques, bref un condensé d'absurdité.
Il fallait y penser, tout de même : financer par la dette des surcroîts de salaires sur des rémunérations déjà majorées ! Si ce n'est pas là de la mauvaise gestion, qu'on m'explique !
Le coût de cette mesure pour les finances publiques équivaut à 0,23 % du PIB. Or, selon votre rapport au Parlement de 2009, monsieur le ministre, elle rapporte 0,15 % de PIB. Elle coûte donc plus aux finances publiques qu'elle ne rapporte à l'économie. Cela s'appelle de l'inefficience. En la supprimant, vous enrichirez le pays sur le champ.
On allait ainsi « travailler plus » selon vous. Voyons ce qu'il en est : 730 millions d'heures supplémentaires en 2007, 727 millions en 2008, 677 millions en 2009, 704 millions en 2010. L'effet d'aubaine est massif : l'argent public a servi à subventionner des heures supplémentaires qui auraient été faites de toute façon. Mais ce mécanisme, même s'il a bénéficié chaque année à neuf millions de salariés, n'a pas conduit – toutes les études le montrent – à une augmentation du nombre total d'heures travaillées. Au mieux, ce dispositif a mis au jour des heures supplémentaires déjà effectuées sans être déclarées comme telles. En 2007, en effet, une proportion importante de salariés continuait à travailler 39 heures par semaine. Votre mesure a eu pour conséquence paradoxale de cristalliser les 35 heures !
Ceux qui s'intéressent au fonctionnement des entreprises le savent bien : le nombre d'heures supplémentaires est déterminé par les variations de l'activité. Ce n'est pas la bonne volonté qui compte, c'est le carnet de commandes.
Quant à l'effet sur l'emploi, tous les directeurs de ressources humaines vous le diront : avant la crise, en rendant l'heure supplémentaire moins coûteuse pour l'entreprise qu'une heure de travail normal, elle a favorisé les salariés en place – tant mieux pour eux – mais freiné l'embauche ; pendant la crise, elle a poussé à se séparer d'abord des intérimaires puis des titulaires de contrats à durée déterminée, pour favoriser les titulaires de contrats à durée indéterminée, accélérant ainsi la montée du chômage ; en sortie de crise, elle favorise les mêmes, intérimaires et titulaires de contrats à durée déterminée étant embauchés plus tardivement.
Finalement, cette mesure n'a d'effet que sur le « gagner plus », mais dans des conditions très coûteuses pour les finances publiques.
D'abord à cause de la défiscalisation : exonérer la rémunération des heures supplémentaires de l'impôt sur le revenu coûte 1,4 milliard d'euros par an. En raison des modalités de l'imposition sur le revenu, l'effet de la défiscalisation sur le pouvoir d'achat est différé d'un an. Elle ne bénéficie qu'aux salariés imposables, les plus aisés : elle accentue donc les inégalités. En revanche, son financement est assuré par tous, y compris par les salariés non imposables, qui participent au remboursement de la dette notamment en payant de la TVA, le plus injuste des impôts. Le groupe socialiste propose donc de supprimer cette niche ou, à tout le moins, de ne défiscaliser que les 25 % de majoration des heures supplémentaires.
Ensuite en raison de l'exonération des cotisations patronales, qui coûte 700 millions d'euros aux finances publiques. Là, vraiment, c'est le comble : vous subventionnez l'heure supplémentaire, c'est-à-dire celle qui rapporte le plus à l'entreprise, puisque tout est déjà amorti : quel gaspillage, quel gâchis ! En réalité, c'est la première heure de travail qu'il faut subventionner. Cela aura un effet sur l'emploi. Jean-Pierre Gorges et moi sommes tout à fait d'accord, dans notre rapport, pour préconiser la suppression de cette exonération.
Il est vrai que vous modifiez le dispositif en réintégrant les heures supplémentaires dans le calcul des allégements généraux de cotisations patronales sur les bas salaires, inférieurs à 1,6 SMIC. Mais vous n'en tirez que 600 millions d'euros. C'est bien maigre ! Il ne fallait pas faire de peine au patronat…
Quant au coût des exonérations de cotisations sociales salariales sur les heures supplémentaires, on l'estime à 2,3 milliards d'euros. C'est énorme. On distribue donc plus de deux milliards, en sus de la majoration de 25 % sur la rémunération des heures supplémentaires, à ceux qui ont un emploi dans les entreprises les plus florissantes, puisqu'elles font des heures supplémentaires. Et cela, alors que notre pays compte quatre millions de chômeurs.
Si les entreprises veulent améliorer le pouvoir d'achat de leurs salariés, qu'elles augmentent donc les salaires. Elles n'ont pas besoin d'argent public pour cela. Et pour notre part, nous préférons utiliser ce même argent public en appliquant notre règle d'or, à savoir en en consacrant 50 % au désendettement et 50 % à créer des emplois d'avenir pour les jeunes.
Par ailleurs, le récent rapport de l'inspection générale des finances sur les niches fiscales et sociales parvient aux mêmes conclusions que celle que j'ai rédigées avec Jean-Pierre Gorges. Sur une échelle de 0 à 3, il attribue la note 1 au dispositif d'exonération fiscale et sociale des heures supplémentaires : il ne considère donc pas que la mesure est efficiente. Il précise ainsi qu'il « n'apparaît pas de hausse immédiate des heures supplémentaires à la suite de la loi TEPA » et que « la mesure tend à accroître les incitations à des pratiques d'optimisation fiscale et sociale associées à la déclaration d'heures supplémentaires fictives ». Et encore : « la défiscalisation des heures supplémentaires est moins ciblée sur les ménages modestes que d'autres dispositifs concourant à favoriser l'offre de travail, comme la prime pour l'emploi et, a fortiori, le RSA. » Enfin, toujours selon le rapport de l'IGF, « l'avantage socialo-fiscal est nettement croissant avec le niveau de vie, du fait de la proportionnalité des cotisations sociales et plus encore de la progressivité de l'impôt sur le revenu ». On ne peut mieux dire !
Pour conclure, et abréger vos souffrances, monsieur le ministre, (Sourires) pour toutes les raisons que je viens de développer, le groupe socialiste demande l'abrogation de l'article 1er de la loi TEPA et l'utilisation des 4,5 millions d'argent public qui y sont consacrés à une autre politique, pour l'emploi, pour la croissance et, donc, pour le désendettement. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)