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Intervention de Pierre-Alain Muet

Réunion du 6 septembre 2011 à 15h00
Projet de loi de finances rectificative pour 2011 — Motion de rejet préalable

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPierre-Alain Muet :

Nous examinons un projet de loi de finances rectificative qui, en mélangeant un nécessaire plan d'aide à la Grèce et un plan de rigueur, se trouve être un bric-à-brac de mesures dont votre majorité elle-même a du mal à percevoir la cohérence. J'ai entendu les débats de notre commission des finances, j'ai vu les troubles qui émergeaient dans votre majorité. C'est évidemment ce plan de rigueur qui motive la motion de rejet préalable du groupe socialiste, radical et citoyen.

Nous avions demandé en commission que ces deux textes soient dissociés, pour deux raisons. Tout d'abord, il est inhabituel et peu respectueux pour les parlementaires de faire examiner en commission un texte – la lettre rectificative – quelques heures seulement après son adoption en conseil des ministres.

Ensuite, nous souhaitons que l'Europe mette en oeuvre rapidement les décisions prises au sommet du 21 juillet, même si elles sont insuffisantes, car tout ce qui peut entretenir des doutes sur la solidarité financière des pays de la zone euro nourrit la spéculation et aggrave la crise de la dette.

Les événements de cet été montrent bien que, sans réforme de fond, le risque est grand que l'Europe s'enfonce un peu plus chaque jour dans la crise, voire traverse une nouvelle période de récession.

Le Fonds européen de stabilité financière doit pouvoir intervenir rapidement en prêtant directement aux pays en crise aux taux les plus bas. Or, ses moyens sont clairement insuffisants. Pour faire face aux prochaines crises qui risquent de concerner de grands pays européens, il est temps de mutualiser une partie des dettes des États européens.

Les eurobonds ne sont pas l'aboutissement d'un processus, comme le répète à tort Nicolas Sarkozy pour s'aligner sur l'intransigeance d'Angela Merkel : ils sont le complément naturel d'une union monétaire.

Il ne s'agit nullement, à travers les eurobonds, de payer la dette des Grecs à leur place, mais simplement de leur permettre d'accéder à des crédits à des taux acceptables alors qu'aujourd'hui les marchés leur imposent des taux exorbitants.

En matière de taxation des transactions financières, il est également temps de passer des discours aux actes. La résolution adoptée à la quasi-unanimité de notre assemblée, tout comme les travaux du Parlement européen, montre qu'une taxe de 0,05 % touchant toutes les transactions financières pourrait être rapidement mise en place au sein d'un groupe de pays, dans le cadre d'une coopération renforcée. Contrairement au discours souvent entendu, les fuites de capitaux ne concerneraient pour l'essentiel que des mouvements hautement spéculatifs, plus souvent nuisibles qu'utiles à l'économie des pays concernés.

Enfin, l'Europe doit avancer vers une véritable régulation financière et vers une coordination des politiques économiques afin de ne pas s'enfoncer dans le cercle vicieux des politiques d'austérité. Il faut pour cela retrouver un peu de l'esprit des réformes qu'inspira Roosevelt lors de la crise des années 1930, lorsqu'il réintroduisit une forte imposition sur les hauts revenus, lança le New Deal et sépara, par le Glass-Steagall Act, les banques de dépôt des banques d'affaires – réformes qui se sont généralisées à tous les pays européens après la seconde guerre mondiale, qui ont conduit pendant trente ans à des périodes de stabilité financière et de croissance et que la mondialisation financière qui s'est développée depuis un quart de siècle a démantelées.

La séparation des activités de dépôt et d'investissement, voire la taxation renforcée des activités spéculatives des banques, est nécessaire pour que celles-ci fassent leur métier, qui n'est pas de spéculer sur les marchés, mais de gérer des dépôts, de prêter aux entreprises et aux ménages et d'être attentives à la gestion de ces crédits. C'est une sorte de mission de service public qu'il est temps qu'elles retrouvent.

Il faut aussi substituer au gouvernement des marchés et des agences de notations un gouvernement de la zone euro, capable de réagir à la spéculation mais aussi de coordonner les politiques économiques, afin de trouver un équilibre entre croissance et réduction des déficits, car la spirale déflationniste de la généralisation des politiques d'austérité ne fera qu'enfoncer l'Europe dans la crise.

J'en viens maintenant à la situation économique de notre pays et au plan de rigueur.

Ce plan est d'abord l'aveu d'échec d'une politique qui a creusé les déficits dans la période de croissance où il fallait les réduire, et qui veut aujourd'hui en faire payer la facture à tous les citoyens.

Ce plan de rigueur n'est pas la facture de la crise, mais la facture de votre politique.

De votre politique, il ne reste pas grand-chose en termes de mesures, puisque, après avoir adopté, dans la précipitation, un paquet fiscal en juillet 2007, vous avez mis à peu près quatre ans à le démanteler. Il reste aujourd'hui une triple facture pour nos concitoyens : une dette colossale, un chômage massif, un déficit extérieur abyssal.

Une dette colossale tout d'abord.

Vous allez nous dire : il y a la crise. Oui, la crise est là, mais, comme le rappellent la Cour des comptes ou les instituts de conjoncture, voire vos propres services de Bercy, elle ne pèse pas lourd dans les déficits de notre pays : un tiers du déficit tout au plus. Sur les 140 milliards d'euros de déficit de l'année 2010, 40 milliards seulement résultent directement de la crise, nous dit la Cour des comptes. Le reste, soit 100 milliards d'euros, est le résultat de votre politique.

Cent milliards d'euros, cinq points de PIB, c'est ce que notre pays aurait connu sans la crise mais avec votre politique, soit un déficit jamais vu depuis la Seconde Guerre mondiale.

La crise n'est pour rien, ou pour peu de chose, dans la situation des finances publiques. C'est votre politique qui en porte la responsabilité. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

La dette aura doublé en dix ans de majorité de droite, passant de moins de 900 milliards d'euros à l'été 2002 à 1 800 milliards à l'été 2012, selon les prévisions de vos propres services à Bercy : 350 milliards d'augmentation sous Chirac, 550 sous Sarkozy ! Vous allez encore me parler de la crise, mais, même en soustrayant les 150 milliards de déficit dus à la crise, il reste une dette historique. Les années Sarkozy, même sans la crise, resteront marquées par une augmentation sans précédent de la dette.

Ce que je viens de dire du déficit vaut également pour le chômage. Vous écornez aujourd'hui dans ce collectif le dispositif, absurde dans la conjoncture actuelle, de subvention aux heures supplémentaires, mais vous ne faites que l'écorner.

Comment persister à maintenir, contre tous les avis d'experts, cette arme de destruction massive de l'emploi qu'est la subvention aux heures supplémentaires ? Quand, au plus fort de la crise, l'Allemagne affectait 5 milliards d'euros à la réduction du temps de travail et au chômage partiel, la France dépensait chaque année 4,5 milliards pour subventionner les heures supplémentaires et détruire des emplois. Résultat, l'Allemagne qui comptait, comme la France, 7,5 % de chômeurs à l'été 2008, juste avant la crise, n'en compte plus aujourd'hui que 6 % quand nous atteignons presque les 10 %.

Quant au déficit extérieur, je rappelle que, jusqu'en 2002, la France avait un excédent compris entre 20 et 30 milliards d'euros. Depuis 2004, le déficit extérieur ne cesse de battre des records car vous avez abandonné tout volontarisme industriel.

J'en viens au plan de rigueur Fillon, deuxième du nom. C'est d'abord un plan injuste. Au lieu de supprimer, comme vous y invite le rapport de l'Inspection générale des finances – rapport que vous avez commandé puis gardé tout l'été au frais –, des dispositifs inefficaces, vous inventez de nouveaux impôts : taxes sur la consommation, hausse de la CSG sur certains revenus de remplacements… Et, une fois de plus, vous augmentez le coût des assurances complémentaires santé. Autant de mesures qui pèseront sur tous les Français, surtout les plus modestes.

Une famille où l'un des deux parents est en congé parental et perçoit le complément du libre choix d'activité acquittera 417 euros par an d'impôt supplémentaire au seul titre de l'application de la CSG à ces revenus. Si l'on y ajoute les différentes mesures prévues par votre plan, cette somme peut presque atteindre 1 000 euros par an.

En ce qui concerne le prétendu impôt sur les hauts revenus, non seulement il ne concerne que les revenus supérieurs à 500 000 euros, mais il s'agit de 500 000 euros par part fiscale ! Autrement dit, un couple avec trois enfants ne paiera pas le moindre euro supplémentaire d'impôt jusqu'à 2 millions d'euros de revenus annuels.

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