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Intervention de Christian Eckert

Réunion du 6 septembre 2011 à 15h00
Projet de loi de finances rectificative pour 2011 — Motion de renvoi en commission

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaChristian Eckert :

Monsieur le président, madame la ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'État, monsieur le rapporteur général, mes chers collègues, une motion de renvoi en commission est parfois plus l'occasion d'exposer nos propositions que de justifier un renvoi lié à l'insuffisance du travail en commission. Aujourd'hui, vous facilitez la tâche de l'orateur du groupe SRC, tant il est évident que ce texte, ou plutôt ces textes – j'y reviendrai, car il y en a en fait deux – ont été examinés à la hussarde.

Jugez-en : mercredi dernier, le texte de la lettre rectificative – environ 114 pages – nous est parvenu, par courrier électronique, à onze heures vingt-deux. Notre commission se réunissait à onze heures quarante-cinq pour entendre les ministres. Vingt-trois minutes pour analyser le texte et préparer nos questions ! La commission se réunissait à seize heures pour examiner les amendements. Et aujourd'hui, nous avons examiné, depuis treize heures trente, les amendements déposés au titre de l'article 88 de notre règlement, et ce jusqu'à quinze heures passées, la séance publique débutant, elle, à quinze heures.

À lui seul, ce timing indécent et méprisant pour le Parlement justifie amplement, mes chers collègues, que vous votiez le renvoi. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Oh, j'entends déjà vos arguments et votre indignation, sur le thème de l'urgence à légiférer, de la nécessité de donner des signes aux agences de notation pour éviter des catastrophes en cascades.

Cela fait plus de deux ans que vous « donnez des signes ». Mais reconnaissez avec moi que ce sont plutôt des signes de faiblesse et d'allégeance que des actes forts, solidaires et volontaristes. Un aller-retour raté entre le cap Nègre et l'Élysée a débouché sur un nouveau plan dont on ne sait si c'est une compilation de demi-mesures ou un bricolage scabreux.

Urgence il y avait, et urgence il y a toujours, nous vous l'accordons. Mais alors, madame la ministre, pourquoi ne pas avoir, comme vous l'a suggéré le président Jérôme Cahuzac, réuni la commission des finances durant l'été, pour préparer un vrai redressement, juste et équilibré, des finances publiques ?

Pourquoi ne pas avoir écouté les propositions du groupe SRC, qui, fin juin, vous suggérait, comme il l'a fait depuis 2008 à l'occasion de toutes les lois de finances, initiales ou rectificatives, d'abroger les gaspillages fiscaux de 2007, de remettre d'aplomb une fiscalité que tous, vous compris – et le rapporteur général ne l'a pas nié –, reconnaissent comme injuste ? Vous êtes sourds à nos amendements et persistez, à quelques mesurettes près, à encourager une fiscalité sur mesure pour les gros patrimoines, pour les gros revenus, pour les grosses entreprises et les sociétés financières.

L'impôt est la contribution que chacun, en fonction de ses facultés, doit payer à l'État. L'État et ses dépenses permettent la redistribution à tous, sous forme de prestations et de services publics. C'est le fondement de cette république que vous fragilisez par votre politique de classe.

Mais il y a plus pervers dans votre gestion du temps et des affaires. Vous adoptez, et cela devient coutumier, la politique du rideau de fumée, de l'amalgame et du saucissonnage.

Le rideau de fumée, c'est par exemple le cas de la TVA sur les parcs à thème, qui a occupé le terrain durant des jours. Pour un apport fiscal de 90 millions d'euros : plus d'une heure de débats en commission, dans un agenda contraint ; la grosse colère de M. Raffarin ; un thème fort du campus de Marseille ; une rébellion et une victoire des parlementaires UMP, triomphant, pour une fois, de leur président.

Pendant ce temps, en moins de deux minutes, la commission a adopté dans une indifférence scandaleuse une ponction de 1,2 milliard sur les mutuelles de santé, qui conduira à l'augmentation des cotisations de millions de retraités et de salariés dont certains ne peuvent plus payer leurs mutuelles. Ce seul point, mes chers collègues, mérite autre chose que de vagues promesses de mesurettes pour peut-être revoir lors la prochaine loi de finance les aides aux plus fragiles des cotisants.

Amalgame ensuite : pourquoi soumettre à un même vote une loi de finances rectificative sur l'aide au Fonds européen de stabilité financière, en particulier pour la Grèce, et une lettre rectificative contenant des mesures fiscales bricolées durant le week-end ?

Nous soutenons la mutualisation au niveau européen des capacités de couvertures des États. Nos réserves sur ce point sont importantes mais les accords européens, encore incomplets, constituent des avancées indispensables. Jumeler cette question avec vos mesures fiscales chaotiques constitue un amalgame qui n'éclaire pas et qui ne réhabilite pas le débat politique.

Saucissonnage enfin, car votre lettre rectificative ne reprend pour l'heure que quelques-unes des mesures du plan d'austérité dit Fillon, bâti fin août entre le cap Nègre et l'Élysée. La taxe sur les hauts revenus n'est pas urgente, elle attendra encore, et son ampleur – c'est un euphémisme – fera encore l'objet d'un rideau de fumée. Mais les mutuelles, c'était urgent ! C'est tout de suite, et pour tous : 1,2 milliard, ça ne se discute pas ; 200 millions pour les riches, ça peut attendre.

Rideau de fumée, amalgame et saucissonnage, il s'agit de la forme. Le fond aussi justifie un renvoi en commission.

Trois points pourraient nourrir un débat au fond, entre tous les parlementaires : le FESF, les banques et le plan de rigueur. Le groupe SRC est ouvert au travail collectif, tandis que vous privilégiez les conciliabules entre vous au cours du week-end.

S'agissant du FESF, le groupe SRC n'est pas opposé à sa ratification. Nous l'aurions certes souhaité plus important, mais il faut le faire. Nous avons déclaré notre préférence pour le principe des eurobonds, qui assureraient, jusqu'à un certain niveau, de meilleurs taux et la soutenabilité pour la Grèce des plans en cours.

Nous avons dit que les prêteurs privés doivent être mis à contribution. C'est – paraît-il – un peu fait, sans le dire, tout en le faisant. Nous ne savons ni quand, ni combien, ni comment. Il est injuste que les marges soient garanties aux banques privées et que les défauts soient évités grâce au concours des États, donc des contribuables. Sur ce point, les Allemands ont raison et nous devrions les suivre, en échange de leur accord sur les eurobonds.

Mais la question du FESF est inséparable d'une autre approche du système bancaire et financier. En 2008, la première crise n'a pas servi de leçon. Discours de Toulon, présidence du G8 et du G20, tout cela reste aujourd'hui lettre morte et les mêmes maux produisent les mêmes effets, faute des remèdes que nous vous avions pourtant suggérés.

En 2008, vous auriez dû, avec l'argent public que vous avez mobilisé, entrer au capital des banques. Faute de l'avoir fait, vous avez privé l'État d'argent et de pouvoir, ainsi que la Cour des comptes l'a relevé. L'air américain semble inspirer Mme Lagarde : subitement, elle juge les banques européennes sous-capitalisées, tandis que, lorsqu'elle était ministre, elle refusait d'entrer dans leur capital.

Pour sécuriser le système, vous devriez imposer la séparation des banques de dépôt et des banques d'affaires.

Que les banques de dépôt se rémunèrent pour le service rendu aux déposants et assurent les prêts aux entreprises et aux particuliers en toute sécurité, c'est leur métier.

Que les banques d'affaires prennent tous les risques en spéculant avec les fonds de ceux qui le souhaitent, c'est leur problème. Quand elles perdront, elles perdront leurs sous, pas ceux des clients captifs d'un système devenu fou.

Que les transactions financières soient taxées, ce n'est que justice. Nous défendrons une fois encore un amendement dans ce sens. Les profits spéculatifs sont, in fine, toujours issus des plus-values qu'apporte le travail des salariés. Ceux-ci sont privés du produit de leurs efforts, détourné sur les dividendes, sur les plus-values spéculatives et, quand ça va mal, ils paient encore la casse par l'impôt.

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