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Intervention de Nicolas Dupont-Aignan

Réunion du 6 septembre 2011 à 15h00
Projet de loi de finances rectificative pour 2011 — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaNicolas Dupont-Aignan :

Monsieur le ministre, nous vivons un moment unique dans cet hémicycle : au moment où l'Europe s'enfonce dans la crise, où l'agonie de l'euro se poursuit et s'aggrave, où les peuples qui souffrent grondent, vous nous présentez un projet de loi de finances rectificative absolument surréaliste : d'un côté, 12 milliards de rigueur supplémentaire qui vont peser principalement sur les classes moyennes ; de l'autre, 15 milliards d'euros jetés par la fenêtre ! C'est tout à la fois injuste et inefficace. Vous serrez la ceinture des Français pour donner de l'argent, non aux Grecs, mais aux banques en Grèce.

Ce projet qu'il critique en apparence, le parti socialiste l'approuve sur le fond, car il continue à croire qu'il faut aider la Grèce, alors que, bien au contraire, on ne l'aide pas.

Vous nous parlez sans cesse de règle d'or. Si j'ai bien compris, l'objet de la règle d'or est de limiter l'endettement de la France. Alors, comme beaucoup de Français, je voudrais comprendre pourquoi vous avez l'audace, l'inconscience d'augmenter aujourd'hui la dette de la France de 15 milliards d'euros qui s'ajoutent aux 45 milliards déjà accordés pour les précédents plans de sauvetage, sans parler de la garantie pouvant aller à 159 milliards.

Vous avez expliqué dans votre propos introductif que cette inscription n'était que comptable et que nous pouvions dormir tranquilles. Mais avez-vous connaissance de la situation en Grèce ? Je ne peux pas croire que tel ne soit pas le cas.

La Grèce ne maîtrise plus sa situation budgétaire. En mai 2010, j'avais clairement prévenu ici même Mme Lagarde qui, avec suffisance, m'avait expliqué que le plan réussirait. Un ballon d'oxygène financier va certes être apporté à Athènes, avais-je répondu, mais au prix d'un supplice inouï pour le peuple et l'économie grecs qui ne s'en relèveront pas. Cette thérapie de choc va tuer la Grèce, qui sera bien incapable de redresser sa compétitivité et sa croissance définitivement martyrisées par l'impossibilité de dévaluer. C'est là un point central, mes chers collègues : on n'a jamais vu dans l'histoire économique des pays rebondir sans dévaluation. La rigueur peut être efficace quand parallèlement on stimule le moteur économique par la dévaluation.

On a vu le résultat : un euro cher, une faible compétitivité, la réduction brutale des dépenses en Grèce ne pouvaient mener qu'à un fiasco total. La Grèce, vous le savez très bien, sera prochainement dans l'obligation de restructurer totalement sa dette et de sortir de l'euro. Ce sera pour elle la seule solution. Mais voilà le tabou, voilà le dogme : une monnaie unique qui ne marche pas, car elle s'applique à des économies différentes, une monnaie unique qui fait perdre la raison aux dirigeants européens. La Grèce, l'Espagne, l'Italie et dans une moindre mesure la France n'ont pas seulement un problème de liquidité, mais un problème de solvabilité, de compétitivité.

Vous allez donc ruiner un peu plus les Français pour sauver la mise d'un euro responsable de ses propres malheurs, d'un euro cher dans un contexte de libre-échange déloyal qui asphyxie notre Banque centrale européenne qui, au mépris du respect des traités, est en train de racheter des dizaines de milliards d'obligations d'État.

D'un côté, les pays du Sud s'enfoncent dans des récessions cumulatives ; de l'autre les pays du Nord ouvrent les yeux et commencent à s'inquiéter de la facture. Si la facture de la Grèce sera difficile à digérer, celle des pays suivants, l'Espagne et l'Italie, n'est pas digérable. Les Allemands, qui savent mieux compter que vous, l'ont déjà compris.

Et ce n'est pas ce mythique fédéralisme européen qu'invoquait tout à l'heure M. Hollande, avec un ministre des finances de plus et un énième Président, qui pourra rétablir l'égalité entre les différents pays de la zone euro en ce qui concerne la compétitivité, la démographie, les structures sociales.

Vous êtes fiers de réduire les dépenses. Mais c'est moins de policiers dans les commissariats, alors qu'ils manquent tant, comme les Français commencent à s'en apercevoir ; moins d'enseignants dans les écoles, d'où une rentrée catastrophique ; moins d'infirmières dans les hôpitaux.

Vous vous chamaillez d'ailleurs sur le contenu des plans de rigueur – un peu plus de taxe ici, un peu plus là – au gré des actions des groupes de pression.

Vous débattez sans fin de la fameuse règle d'or censée empêcher le pays de vivre au-dessus de ses moyens. Quelle escroquerie ! Cette espèce de super-Maastricht ne réussira pas plus que le pacte de stabilité. Il n'y a pas besoin de règle d'or pour bien gérer les finances de l'État. Ce n'est là qu'un guet-apens politicien, quitte à se payer la tête des Français.

Mais même si leur tête est endolorie à force de tourner dans tous les sens, les Français la gardent sur les épaules. Vous feriez mieux de ne pas l'oublier. Ils constatent ainsi que la France et l'Europe s'enfoncent dans le chômage de masse, car notre compétitivité est atteinte. Un million d'emplois industriels ont quitté la France en dix ans. La moitié de la production automobile française a été délocalisée en cinq ans. Notre déficit commercial atteindra probablement 70 milliards d'euros en 2011.

Bien sûr, il faut bien gérer les dépenses. Mais ne faudrait-il pas surtout se préoccuper des recettes, que génère une économie productive ?

C'est là qu'est l'enjeu. Y répondre suppose de favoriser les PME, les créateurs, les chercheurs, d'inciter aux relocalisations. Mais pour cela, il faut changer radicalement de politique, il faut sortir de l'euro. D'ailleurs la vraie question désormais, ce n'est plus de savoir si l'on en sortira, mais quand et comment. Ce sera le cas de la Grèce d'abord, puis de l'Espagne, et de l'ensemble des pays européens.

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