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Intervention de Christophe Caresche

Réunion du 6 septembre 2011 à 15h00
Projet de loi de finances rectificative pour 2011 — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaChristophe Caresche :

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le projet de loi de finances rectificatives que nous examinons aujourd'hui était initialement destiné à traduire sur le plan législatif l'accord intervenu le 21 juillet dernier entre les pays de la zone euro. Au dernier moment, le Gouvernement a décidé d'inclure dans ce texte des dispositions budgétaires sans lien direct avec cet accord. Comme beaucoup d'entre nous, je regrette une telle confusion alors qu'il était possible de séparer les deux débats.

Je le regrette tout d'abord parce que le Gouvernement se prive de l'occasion de voir se manifester une adhésion large des formations politiques que nous représentons à la nécessaire solidarité européenne qui s'exprime à travers cet accord. En incluant dans ce texte des dispositions que nous ne pouvons pas voter, le Gouvernement nous met dans l'impossibilité de manifester à nouveau notre adhésion de principe à une aide européenne à la Grèce. La position de la France au niveau européen et international est-elle donc si forte que cette dernière puisse se dispenser d'afficher ce qui rassemble largement ses représentants ? C'est une faute de ne pas permettre à la majorité et à l'opposition de se retrouver sur un tel sujet.

Il est ensuite regrettable que cette méthode prive, dans les faits, notre assemblée d'un véritable débat sur les décisions prises lors du Conseil européen du 21 juillet. À l'évidence, nous allons davantage parler des dispositions fiscales proposées par le Gouvernement que de sa politique européenne. Pourtant il y a beaucoup à dire.

D'ores et déjà, nous savons que l'accord du 21 juillet n'a pas permis de stopper les interrogations sur la solvabilité de certains pays de la zone euro, ni leur propagation à de nouveaux pays.

Cet été, ce n'est qu'au prix d'une intervention massive de la BCE, qu'il faut d'ailleurs saluer, que la tension sur les marchés a pu retomber – au moins de manière momentanée si l'on considère le regain de tension enregistré hier sur les marchés. Selon les explications officielles, diffusées y compris par le Gouvernement français, il faut du temps pour mettre en oeuvre ces mesures et, pour reprendre une expression qui a fait florès, on nous répond que « le temps politique n'est pas le temps des marchés ». De ce point de vue, on ne peut que s'inquiéter de la lenteur du processus de ratification, et de l'annonce de la Slovénie, qui vient d'indiquer qu'elle ne se prononcera pas avant le mois de décembre. Qu'adviendrait-il si la Grèce faisait défaut avant l'entrée en vigueur du Fonds de stabilité ? Il faudra répondre à cette question car, à ce jour, la BCE est responsable sur ses fonds propres de la dette grecque.

Cependant, les difficultés ne sont pas seulement liées à la lenteur du processus de ratification. L'accord du 21 juillet contient en lui-même un certain nombre de faiblesses qui ont évidemment été repérées par les opérateurs de marché et qui laissent peser beaucoup d'incertitudes sur l'avenir.

Premier point : le montant du Fonds de stabilité financière est resté inchangé en dépit des demandes répétées de la Commission européenne et du FMI visant à l'augmenter et à « rendre plus souple » la dotation du Fonds limitée à 440 milliards d'euros. L'accord du 21 juillet s'est borné à corriger le problème de disponibilité du fonds qui avait surgi lors de sa création – les agences de notation refusant de lui accorder une note globale triple A. Or nous savons que ce montant est insuffisant pour couvrir des difficultés de pays comme l'Espagne ou l'Italie. Malgré tout, il a été décidé de ne pas augmenter le fonds car, selon certains, « cela aurait été un signal contre-productif en direction des marchés ». En fait, la logique inverse risque de s'imposer et, tant qu'il n'y aura pas une garantie suffisante permettant de faire face à l'éventuel défaut d'un pays européen, quelle que soit sa taille, l'incertitude persistera sur les marchés.

Deuxième point : si le fond s'est vu doté de nouvelles capacités d'intervention – ce qui, en soi, est positif –, le déclenchement de celles-ci paraît très hypothétique. Ces interventions devront en effet être validées au cas par cas, et certains pays ont même obtenu que ces validations soient parlementaires. Autant dire que ces nouvelles possibilités d'intervention pourraient rester à l'état de virtualités. L'une des difficultés majeures de la démarche adoptée est qu'elle reste d'abord intergouvernementale, un pays, quel qu'il soit, pouvant bloquer des décisions cruciales pour la zone euro. On le constate, d'ailleurs, avec les contreparties supplémentaires demandées par la Finlande à la Grèce, qui risquent d'encourager une logique de surenchère dans laquelle chaque pays peut exiger toujours plus de garanties. Nous savons d'ailleurs que d'autres pays se sont associés à la démarche finlandaise.

Enfin, troisième point : la participation du secteur privé, qui avait été sollicitée dans la résolution de la crise grecque, suscite des interrogations. On se souvient que cette participation avait été âprement négociée le 21 juillet, menaçant même de faire capoter l'accord, le président de la BCE exprimant de très fortes réserves, car il redoutait une contagion de la crise au secteur bancaire. Cette perspective n'est plus à écarter après les attaques qu'ont subies cet été les banques européennes, en particulier les banques françaises. En tout cas, le doute s'est installé sur leur capacité à honorer leurs engagements.

Après l'accord du 21 juillet, la zone euro ne dispose toujours pas d'un mécanisme de crise global capable de répondre à la défaillance d'un État, quel qu'il soit. La rencontre franco-allemande du mois d'août n'a rien apporté de nouveau, sinon la confirmation du refus d'ouvrir la perspective, qui partout commence à s'imposer, d'une mutualisation des dettes. De ce point de vue, le couple franco-allemand ne constitue plus un moteur, mais un blocage. L'opposition aux euro-obligations, qu'on avait perçue comme étant d'abord une réticence allemande, est en en fait amplement partagée par la France, comme l'a confirmé le Premier ministre dans une tribune hostile à leur création. La France et l'Allemagne semblent avoir fait le choix d'une réponse européenne a minima, espérant préserver ainsi leurs intérêts nationaux.

Cette stratégie, loin de nous protéger, risque au contraire de précipiter la crise chez nos voisins comme chez nous. L'endettement de la plupart des États européens, dont la France, les condamne à réduire drastiquement leurs déficits, et donc à mener des politiques d'austérité qui vont peser lourdement sur leur croissance. Ce n'est donc que par une politique concertée au niveau européen que ces États peuvent espérer retrouver les marges de manoeuvre nécessaires à la relance de leurs économies. C'est pourquoi il faut envisager une mutualisation des dettes, avec l'émission d'euro-obligations et une relance de l'économie européenne, notamment à travers le budget européen, qui pourrait être en partie alimenté par le produit d'une taxe sur les transactions financières. Cela signifie évidemment – M. de Courson a raison sur ce point – une intégration politique plus forte. La contrepartie pour les États qui seraient les premiers bénéficiaires de cette politique serait le respect d'une discipline économique et budgétaire scrupuleuse.

Ce schéma est sur la table depuis plusieurs mois. Il progresse, partout en Europe, et pas seulement dans les pays les plus fragilisés. En Allemagne, beaucoup ont compris que l'intérêt de leur pays était que l'Europe soit forte, et non que ses partenaires soient affaiblis. Le SPD et les Verts soutiennent une telle orientation, ainsi que certains membres de la CSU. Contrairement, à ce qui est parfois dit, il existe, en Allemagne, une disponibilité pour progresser dans la voie d'une intégration économique et politique plus importante.

Dans ce contexte, la France a naturellement un rôle particulier à jouer. Elle doit porter une véritable perspective européenne de sortie de crise, laquelle passe, à l'évidence, par une relance de l'intégration politique. C'est peu de dire que les positions frileuses qui ont été les siennes ces derniers temps ne vont pas dans cette direction. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

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