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Séance en hémicycle du 20 octobre 2008 à 16h00

Résumé de la séance

Les mots clés de cette séance

  • hypothèse
  • logement
  • programmation
  • prévision

La séance

Source

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Vautrin

La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à seize heures.)

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Vautrin

Mesdames, messieurs, la commission des finances étant encore en réunion, je vais suspendre la séance pour quelques minutes.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Vautrin

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à seize heures une, est reprise à seize heures dix.)

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Vautrin

M. le président de l'Assemblée nationale a reçu de M. le Premier ministre une lettre l'informant de sa décision de charger Mme Claude Greff, députée d'Indre-et-Loire, d'une mission temporaire auprès de Mme la ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi et de M. le secrétaire d'État chargé de l'emploi.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Vautrin

L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2009 à 2012 (nos 1128, 1155), après déclaration d'urgence, et du projet de loi de finances pour 2009 (nos 1127, 1198).

La conférence des présidents a décidé que ces deux textes donneraient lieu à une discussion générale commune.

La parole est à M. Éric Woerth, ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique.

Debut de section - PermalienÉric Woerth, ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique

Madame la présidente, madame la ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi, monsieur le président de la commission des finances, monsieur le rapporteur général, mesdames et messieurs les députés, le Président de la République l'a clairement montré : face aux difficultés de l'économie mondiale, les seules voies possibles sont la vérité et l'action. La vérité, parce que pour affronter les difficultés, il ne faut pas chercher à les nier, il ne faut pas chercher à les minimiser, il faut les reconnaître ; l'action parce que, face aux difficultés de l'économie mondiale, l'impératif, c'est aussi que l'État incarne la responsabilité et la vigilance, qu'il protège l'économie française et les économies des Français.

Alors que l'incertitude est si forte, que les marchés cèdent au catastrophisme, que les actifs risqués sèment le doute sur toute la planète et que la liquidité n'irrigue plus le tissu économique, jamais, probablement, les Français n'ont autant attendu que l'État incarne le réalisme, la transparence, le sérieux, la sécurité, en un mot tout ce qui fonde la confiance. La vérité et l'action, mesdames et messieurs les députés, c'est ce qui nous guide aujourd'hui, dans la droite ligne des décisions fondamentales prises au cours de ces derniers jours. Pas sur le seul périmètre de l'État, aussi important soit-il, pas sur une seule année, mais pour toute la sphère publique et pour toute la législature.

Pour la première fois, je vous présente le projet de loi de finances conjointement avec le projet de loi de programmation des finances publiques. Ce sont bien ces valeurs de réalisme et de responsabilité qui nous ont guidés dans l'élaboration des deux textes.

Nous devons à la vérité de reconnaître que nos hypothèses sont aujourd'hui plus vulnérables qu'elles ne le sont d'ordinaire. Mais, en plein coeur de la tourmente financière, avec une telle instabilité des marchés, il n'est pas surprenant que les recettes budgétaires comportent une part d'aléas. Cela signifie-t-il pour autant, comme je l'ai entendu ces derniers jours, que ce budget serait caduque, qu'il n'aurait plus de sens, qu'il ne mériterait plus d'être débattu ? J'affirme au contraire avec force qu'il constitue un acte politique conservant tout son sens. Le budget n'est pas soluble dans la crise.

Car qu'est-ce qu'un budget ? C'est, d'abord et avant tout, une autorisation de dépenses. Tout notre travail d'arbitrage, de redéploiement au bénéfice de nos priorités, de gains de productivité, n'est en rien remis en cause par la conjoncture.

Un budget, c'est ensuite une prévision de recettes. La démarche du Gouvernement a été, est et sera toujours d'adopter des hypothèses prudentes pour prévoir la croissance et les recettes. C'est très précisément ce que nous avions fait en utilisant une croissance de 1 % pour bâtir le budget – Christine Lagarde le détaillera sans doute. Il y a encore trois semaines, cette hypothèse était d'ailleurs partagée par la plupart des économistes.

Au-delà du totem de la croissance, nous avons, en septembre, appliqué cette prudence à tous les postes de recettes. Avec 1,5 % de progression des recettes fiscales en 2009 par rapport à l'exécution 2008 – moins que l'inflation –, jamais un budget n'a été construit sur des bases aussi précautionneuses.

Depuis, l'économie mondiale a connu de nombreux bouleversements et ces hypothèses apparaissent désormais fragilisées. Mais nous avons de longs débats devant nous, qui nous apporteront des informations susceptibles de clarifier la situation. Je laisse à Christine Lagarde le soin de vous dire quand et dans quelles circonstances précises nous pourrions alors être amenés à réviser, le cas échéant, la prévision de croissance.

J'en tirerais pour ma part toutes les conséquences en matière de recettes. Si l'on regarde les prévisions qui circulent actuellement, ce sont quelques milliards de recettes qui sont en jeu. C'est l'épaisseur de l'incertitude qui pèse chaque année sur la prévision de recettes, en plus ou en moins. Cette année, s'ajoute à cette incertitude la difficulté de prévoir l'impôt sur les sociétés versé par les établissements financiers, qui, les dernières années, contribuaient à près de 25 % aux recettes d'impôt sur les sociétés.

Quoi qu'il en soit, il faut attendre que la situation soit éclaircie, les plans des différents pays mis en oeuvre et les marchés un minimum stabilisés. Car notre responsabilité n'est pas de réviser chaque jour les prévisions en fonction du dernier indice boursier ou du dernier prix du baril de pétrole. Cela, c'est le gagne-pain des économistes. Le budget ne doit pas être calculé en « mark to market ». Le budget n'est pas indexé sur les cours de la Bourse.

Perçons donc l'abcès : ma responsabilité, aujourd'hui, c'est de vous dire si nous bouleverserons l'enveloppe des dépenses dans les semaines à venir en fonction de la conjoncture pour tenir l'objectif de déficit. Ce n'est pas le cas. Je l'ai dit à plusieurs reprises, le Président de la République et le Premier ministre l'ont expliqué également : si le ralentissement économique devait être plus long ou plus prononcé que prévu, si les recettes devaient en conséquence être revues à la baisse, notre action, notre choix, serait de ne pas compenser, ni par des coupes dans les dépenses ni par des relèvements de taxes. Si nous révisons la croissance, le déficit sera plus élevé. Dans des circonstances exceptionnelles, la politique budgétaire doit aussi, à titre exceptionnel, conserver une certaine souplesse : le pacte de stabilité et de croissance ne dit pas autre chose.

Debut de section - PermalienÉric Woerth, ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique

Mais soyons très clairs : quelle que soit la conjoncture immédiate, la colonne vertébrale de ces trois budgets – 2009, 2010 et 2011 –, c'est de réaffirmer la nécessité de réduire le poids exorbitant de la dépense.

Debut de section - PermalienÉric Woerth, ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique

L'action, mesdames et messieurs les députés, c'est de réaliser un effort structurel colossal : un demi-point de PIB, soit quelque 10 milliards d'euros. Et je ne parle pas d'intentions pour 2009 : nous obtenons ce résultat dès 2008. C'est donc bien sur la maîtrise de la dépense qu'il faut se concentrer, car c'est elle qui nous mettra en position de profiter d'un retour à meilleure fortune de l'économie internationale. Tout regain de croissance – et, à l'horizon 2010, c'est le moins que l'on puisse espérer – aura alors des effets positifs, puissants et rapides sur nos finances publiques. C'est la maîtrise de la dépense qui garantit la solvabilité de l'État. Nous avons eu l'occasion de l'expliquer devant vous, le plan de financement de l'économie fonctionne essentiellement par le biais d'emprunts garantis par l'État. En situation de crise, l'État est le seul à qui les marchés acceptent encore de prêter, le seul en qui les marchés ont confiance. Or cette confiance se justifie par le rétablissement structurel de nos finances publiques, que seule une action déterminée sur la dépense peut garantir. Il n'y a donc aucune contradiction, bien au contraire, entre la lutte contre les dépenses inefficaces et le plan présenté lundi dernier. Pour que l'État soit solvable et puisse jouer tout son rôle, il faut accepter de le réformer et d'être économe de l'argent public.

Le plan n'est d'ailleurs en aucun cas un renflouement des banques à fonds perdus. Les 360 milliards d'euros du plan ne sont aucunement comparables aux dépenses du RSA, de l'éducation nationale ou à toute autre dépense budgétaire. Ceux qui laissent croire le contraire sont soit malhonnêtes, soit insuffisamment informés – et je préfère retenir la seconde hypothèse.

Je me permets donc d'insister à nouveau : ce plan ne pèse pas sur les finances publiques. Nous n'avons pas créé un fonds de 360 milliards d'euros dans lequel les banques pourraient venir puiser. Quant aux 40 milliards pouvant servir pour des prises de participations, ils seront financés par emprunts, ce qui augmente facialement la dette publique. Mais, en face de cette dette, il y aura des actifs, que nous espérons rentables à terme pour le contribuable.

En ce qui concerne l'autre volet du plan, la garantie accordée par l'État, elle n'est pas une dépense et sera même payante. Vous ne verrez jamais dans un budget les 320 milliards dont il est question. Il ne s'agit pas d'une prévision de dépenses ni même d'une prévision d'engagements : c'est uniquement le montant maximal des prêts qui pourront être garantis.

Pour maîtriser la dépense, il faut d'abord faire face aux contraintes du passé. Lorsqu'on est à ma place, au-delà des graves enjeux conjoncturels, on a la responsabilité d'oser dire que le passé nous rattrape et qu'il faut en tirer les conséquences. Le passé nous rattrape par la dette publique accumulée ces trente dernières années. Je vous l'ai dit l'an dernier, le temps est révolu où la baisse des taux d'intérêt servait d'anesthésiant à la progression de la dette. Depuis dix-huit mois, je vous ai prévenus que les bonnes surprises sur les intérêts appartenaient au passé. C'est arrivé encore plus brutalement que ce qui était prévu. Nous avons 4 milliards de plus cette année pour la charge de la dette et, dans l'avenir, plus de 2 milliards par an.

Ce passé nous rattrape aussi par la démographie. Les dépenses de pensions traduisent l'arrivée des générations du baby-boom à l'âge de la retraite : pour les finances publiques, c'est 13 milliards de plus par an. Nous avons confirmé la prolongation de la durée de cotisation décidée en 2003, et nous avons mis en place un ambitieux plan senior. Mais il faudra assurément nous donner rendez-vous en 2010 pour refaire l'état des lieux.

La progression de la charge de la dette et des pensions nous est imposée, au moins à moyen terme. Mais, pour le reste des dépenses, faisons-nous ce qu'il faut ? Je le dis haut et fort : la maîtrise de la dépense est sans précédent. J'ai construit pour trois ans trois budgets sincères où les dépenses de l'État ne vont pas plus vite que l'inflation ; où je poursuis la remise à niveau des dotations historiquement sous-dotées – remboursements à la sécurité sociale, opérations extérieures de la défense et bien d'autres exemples ; où je clarifie les financements de la protection sociale agricole – le FFIPSA – et des infrastructures de transport – l'AFITF. Or la crise actuelle montre toute l'importance des comptes justes.

C'est un exercice qui a requis énormément de volonté politique. C'est le fruit du travail de tout le Gouvernement, sous l'autorité et la vigilance du Premier ministre.

Concrètement, je vous avais dit que nous diviserions par deux le rythme de croissance de la dépense publique en euros constants : c'est ce que nous réussirons cette année. En 2008, nous serons à environ 1 % de croissance de la dépense publique, contre 2 % sur les dix dernières années. Grâce à la maîtrise des dépenses de l'État, hors charge de la dette, et grâce à la maîtrise des dépenses de santé, nous allons atteindre, cette année, cet objectif si souvent poursuivi dans le passé. Et nous continuerons. Chaque année, nous réalisons 10 milliards d'économies par rapport à la tendance historique.

Pour l'État, les dépenses d'intervention et de fonctionnement des ministères en euros courants sont stabilisées sur la législature et la croissance des dotations aux collectivités locales est limitée à l'inflation. Chacun doit en prendre conscience : si tous ces efforts avaient été réalisés sur les dix dernières années, le budget de l'État serait tout simplement en équilibre.

Debut de section - PermalienPhoto de Sandrine Mazetier

Ce n'est pas gentil de dénoncer vos camarades, monsieur le ministre !

Debut de section - PermalienÉric Woerth, ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique

Vous pouvez me demander pourquoi on n'a pas commencé il y a dix ans : ce qui compte, c'est que nous commencions. Ces dix années ont vu une poursuite constante de la maîtrise des dépenses publiques, et c'est à cela, rien qu'à cela, que je vous appelle. Cela nous mettrait dans une position tellement plus favorable pour affronter la crise actuelle et préparer l'avenir. L'équilibre des finances publiques, ce sont des marges politiques.

Ce budget, c'est une recherche d'efficacité dans tous les domaines. Toutes les économies, issues notamment de la révision générale des politiques publiques, ont été exploitées. Laissez-moi vous en donner quelques exemples : les subventions aux entreprises seront désormais concentrées sur les entreprises de moins de 5 000 salariés ; plus de 50 directions d'administration centrale ou structures équivalentes sont supprimées ; le fonctionnement du 1 % logement va être considérablement amélioré ; les surpensions versées aux fonctionnaires allant s'installer outre-mer pour leur retraite vont être réformées ; l'organisation des fonctions de soutien du ministère de la défense va être profondément modifiée ; même les politiques prioritaires sont concernées : ainsi, les modalités de financement de l'enseignement supérieur seront profondément réformées pour améliorer l'efficacité de la recherche.

C'est grâce à cette méthode de recherche systématique d'efficacité des dépenses que, pour la première fois, nous n'allons pas remplacer près d'un départ à la retraite sur deux dans la fonction publique, soit une baisse des effectifs de 30 600 emplois. Cela signifie que nous faisons en une année autant que tous les efforts consentis lors du quinquennat précédent. Et – vous y serez sensible, monsieur le rapporteur général – nous le faisons sans reporter la charge sur les opérateurs : pour la première fois, grâce aux directives que j'ai données aux représentants de l'État, leurs effectifs baisseront de plus de 1 000 en 2009.

C'est aussi grâce à cette méthode que tous mes collègues ont les moyens de leurs politiques, sans qu'il y ait eu besoin de leur attribuer les 14 ou 15 milliards supplémentaires qu'ils réclamaient au début des négociations budgétaires. C'est enfin grâce à cette méthode que nous avons pu saluer l'effort des fonctionnaires en matière de réforme de l'État, en leur rendant, conformément aux engagements du Président de la République, 50 % des économies réalisées grâce aux suppressions d'emplois. J'ajoute, au passage, que nous avons mis fin, avec André Santini, à la pratique assez incroyable qui consistait à négocier le point d'indice de la fonction publique une fois le budget voté, c'est-à-dire en fin d'année, voire en début d'année suivante. Nous l'avons discuté très en amont et pour les trois prochaines années.

Il n'était pas possible d'exempter les collectivités locales de cet effort sans précédent sur les dépenses. Je sais que les relations entre l'État et les collectivités locales sont complexes,…

Debut de section - PermalienÉric Woerth, ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique

…souvent avec quelques malentendus : les concours de l'État aux collectivités territoriales se verront appliquer strictement les mêmes normes d'évolution que celles des dépenses globales de l'État, c'est-à-dire l'inflation. L'effort sera identique. Ces concours augmenteront ainsi de 1,1 milliard d'euros en 2009 par rapport à 2008, soit plus qu'en 2008 par rapport à 2007. En considérant globalement les transferts de l'État, c'est-à-dire avec les dégrèvements, c'est même une progression de 2,3 milliards d'une année sur l'autre, soit 3,2 %. Ces 2,3 milliards représentent plus que la totalité du budget de l'outre-mer.

J'ajoute que l'État a également répondu présent pour assurer le sauvetage de Dexia et a garanti son refinancement, afin d'apporter le soutien nécessaire dans cette crise au financement des collectivités locales, qui nous avaient transmis leur inquiétude. Nous serons ouverts à des réallocations au sein de l'enveloppe prévue – je crois que Gilles Carrez fera des propositions en ce sens. Mais, soyons clairs, cela ne doit pas conduire à majorer l'enveloppe elle-même.

L'effort portera également sur la sécurité sociale. En 2009, nous parviendrons à stabiliser le déficit du régime général en deçà de neuf milliards, et ce en dépit de la mauvaise conjoncture. Quant à l'accroissement de l'ONDAM, il est fixé à 3,3 %, ce qui nous permettra d'éviter deux écueils : celui de l'optimisme de façade, si l'on sait l'objectif impossible à atteindre, et celui de la résignation, quand on laisse filer les dépenses plus vite que les ressources. La tenues des dépenses en 2008 prouve qu'il existe une voie médiane ; l'ambition peut être réaliste pour peu qu'on s'en donne les moyens.

Néanmoins, nous devrons tous ensemble consentir à un effort gigantesque pour parvenir en 2011 à l'équilibre de l'assurance maladie. En effet, la loi seule ne suffira pas à vaincre les déficits de l'assurance maladie : les comportements devront changer et les gestionnaires déployer une action forte et sans relâche. Je n'accepterai pas de faire passer l'efficacité par pertes et profits sous prétexte que seule la qualité compte. Cela, naturellement, ne dépend pas de la conjoncture.

Nous prendrons toutes nos responsabilités dans le cadre du PLFSS, que nous discuterons bientôt, puisque nous reprenons la dette du régime des salariés et des exploitants agricoles, nous apportons de nouvelles recettes aux assurances maladie et vieillesse et, de surcroît, nous fixons des objectifs de dépense réalistes.

L'État peut-il faire davantage ? Oui : mettre chacun des gestionnaires face à ses responsabilités, de sorte que tous aient le souci de respecter leurs objectifs. Cessons de considérer que le dépassement de l'ONDAM est de droit.

Ce vaste effort sur la dépense publique, inscrit dans la durée, est un apport essentiel de la loi de programmation. En avons-nous fait assez, ou même trop ? L'effort, en effet, doit être calibré, afin que notre atterrissage soit réussi. Une baisse trop brutale nous exposerait au risque de dépressurisation et d'accident. Au contraire, l'effort que nous faisons est régulier, adapté aux circonstances. Plus brutal, il deviendrait dangereux et, loin de favoriser la reprise, appellerait plutôt la « recrise ».

Avec cet effort et une hypothèse de croissance de 1 %, nous limitons le déficit de l'État à 49,4 milliards cette année et 52 milliards l'année prochaine. Nous stabilisons le déficit public à 2,7 points de PIB pour ces deux années et, pour peu que la croissance rebondisse en 2010, nous reviendrons à environ 0,5 point de déficit d'ici à 2012.

J'ai entendu, comme chaque fois, parler de budget de rigueur, de budget inadapté à la crise.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Sapin

La situation est très différente cette année !

Debut de section - PermalienÉric Woerth, ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique

Au sens politique, un budget de rigueur implique des coupes dans les dépenses et des hausses massives d'impôt. Or, ce budget ne comporte ni les unes ni les autres. La maîtrise des dépenses ne sacrifie en rien les dépenses prioritaires, celles que nous devons précisément renforcer pour traverser la crise.

Debut de section - PermalienÉric Woerth, ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique

La recherche et l'enseignement supérieur, le Grenelle de l'environnement que vous venez d'examiner, la valorisation du travail demeurent au coeur de notre action, car ils constituent les investissements qui portent la croissance.

Ainsi, les moyens consacrés à la recherche et à l'enseignement supérieur sont sans précédent – de l'ordre de 1,8 milliard supplémentaire par an – et permettront de financer les chantiers engagés par le Gouvernement tels que l'autonomie des universités, l'excellence de la recherche publique et la dynamisation de la recherche privée.

L'effort en matière d'investissement civil augmentera de près de 6 % en 2009. En matière d'infrastructures notamment, il devrait doubler entre 2007 et 2012, en tenant compte des partenariats public-privé.

Ensuite, le Grenelle de l'environnement est un engagement crucial du Président de la République et du Gouvernement, qui exige l'activation de tous les leviers financiers nécessaires à ce changement radical : les crédits budgétaires, bien sûr, mais aussi les moyens réglementaires et fiscaux. À cet égard, le projet de loi de finances propose un verdissement général de la fiscalité.

Enfin, la revalorisation du travail se poursuit avec la montée en charge des lois sur l'emploi et le pouvoir d'achat, la rationalisation, conformément à la révision générale des politiques publiques, des dispositifs d'exonération ciblés, et la généralisation du revenu de solidarité active.

En somme, ni coupes sombres ni hausses d'impôt : notre stratégie repose tout entière sur la baisse des dépenses publiques, et non sur la hausse des prélèvements obligatoires.

Faut-il pour autant geler toute évolution de la fiscalité et camper dans l'immobilisme ? Non, cela va de soi. Les mesures fiscales de ce projet de loi de finances sont globalement équilibrées – Mme la ministre y reviendra. Cependant, sauf à être immobiliste, il faut accepter que certains impôts augmentent – même modestement – pour que d'autres diminuent – parfois beaucoup.

J'ajoute que le bilan pour cette année n'est que le sommet de l'iceberg : les mesures décidées depuis le début de la législature représentent plus de dix milliards de baisses de prélèvements obligatoires. Toute polémique à ce sujet ne peut donc survivre à l'analyse objective des faits.

La sécurisation des recettes est cruciale – priorité dont sont également convaincus le président de votre commission des finances ainsi que le rapporteur général. Créer des niches fiscales pour remplacer la dépense budgétaire ne résout rien, en effet. Pour la première fois, nous présentons donc une évolution pluriannuelle des recettes et établissons des règles sur les niches fiscales et sociales.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Bapt

À quoi bon, dès lors, en créer de nouvelles ?

Debut de section - PermalienÉric Woerth, ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique

Cette loi de programmation prévoit désormais une évaluation des crédits d'impôt, un plafonnement des niches actuellement non plafonnées, un objectif annuel de dépenses fiscales et l'assurance de mettre un terme à la prolifération des niches fiscales et sociales – nous suivrons avec attention ce dernier indicateur au fil des ans.

Debut de section - PermalienÉric Woerth, ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique

Mme Lagarde reviendra sur le plafonnement envisagé des niches. Je me suis quant à moi engagé, lors du débat sur le RSA avec M. Hirsch, à travailler avec vous à instaurer un plafonnement global au sein du PLF. Ce travail se poursuit, et je confirme que nous tiendrons nos engagements. Nous corrigerons ainsi deux excès : d'une part, l'impôt ne doit plus dépasser 50 % du revenu…

Debut de section - PermalienPhoto de Jérôme Cahuzac

Merci pour ceux qui bénéficient de cette mesure !

Debut de section - PermalienÉric Woerth, ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique

… et, en contrepartie, nul ne doit pouvoir s'exonérer complètement de l'impôt sur le revenu grâce aux niches fiscales.

En somme, nous vous soumettons aujourd'hui un budget adapté à la situation difficile que nous connaissons, sans précédent depuis trente ans en matière de maîtrise des dépenses, mais réaliste quant à l'estimation des recettes dans la conjoncture actuelle, qui demeure incertaine. Il marque la fin des artifices budgétaires et une étape cruciale vers une plus grande transparence des comptes publics. Il permettra la réduction du déficit structurel d'un demi-point de PIB chaque année. Enfin, il constitue une véritable stratégie pluriannuelle en matière de finances publiques parce qu'il sort du cadre strictement annuel et du seul budget de l'État en sécurisant les recettes et en inscrivant la réforme de l'État dans la durée. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Vautrin

La parole est à Mme Christine Lagarde, ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi.

Debut de section - PermalienChristine Lagarde, ministre de l'économie, de l'industrie et l'emploi

Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission des finances, monsieur le rapporteur général, mesdames et messieurs les députés, nous ne vivons pas des temps ordinaires et, dès lors, ce projet de loi de finances pour 2009 n'est pas un projet de loi de finances ordinaire : c'est un projet de loi de finances de crise.

Cette crise financière, à n'en pas douter – même si chacun a son appréciation et que vous n'êtes pas tous d'accord avec moi – est une crise des excès.

Debut de section - PermalienChristine Lagarde, ministre de l'économie, de l'industrie et l'emploi

Excès de crédit, d'endettement, de complexité, mais aussi excès de cupidité et de volatilité : c'est cette spirale irrationnelle de la défiance que vient briser aujourd'hui le plan du Président de la République qui, avec l'ensemble des Gouvernements européens, a décidé de refonder les mécanismes du financement de l'économie pour restaurer la confiance. Si l'origine de la crise se situe aux Etats-Unis, c'est aujourd'hui en Europe que s'élaborent les réponses.

Hélas, cette crise est appelée à durer. Ne nous y trompons pas : rien ne sera plus comme avant. C'est pourquoi le Président de la République a appelé à Toulon à refonder le capitalisme. Ce ne sont pas des mots en l'air.

Debut de section - PermalienChristine Lagarde, ministre de l'économie, de l'industrie et l'emploi

Il y a plus de soixante ans, la conférence de Bretton Woods a établi les bases du système financier qui s'est maintenu jusqu'à nos jours. Les institutions créées à l'époque règlent aujourd'hui encore l'ensemble des mouvements financiers, alors même que le monde évolue sur un rythme différent et avec des techniques bien plus sophistiquées. Les deux inspirateurs de Bretton Woods étaient anglo-américains : Harry Dexter White et John Maynard Keynes. Nous ne savons pas encore qui seront les initiateurs du nouveau Bretton Woods que les uns et les autres appellent de leurs voeux, mais il y a fort à parier qu'ils ne viendront pas de la même aire culturelle.

Ce week-end, recevant le président Sarkozy à Camp David, le président des États-Unis…

Debut de section - PermalienChristine Lagarde, ministre de l'économie, de l'industrie et l'emploi

… en a accepté le principe. Une réunion mondiale des chefs d'État sur la crise internationale devrait avoir lieu dès le mois de novembre, après l'élection présidentielle américaine. C'est précisément aux États-Unis qu'elle se déroulera, puisque la crise y a commencé. Aujourd'hui, Bretton Woods II, comme on appelle déjà cette refondation, est clairement une initiative du vieux continent. Le leadership européen est devenu, sous la présidence française de l'Union européenne, une réalité : chacun peut s'en réjouir.

Nous sommes déjà sur la bonne voie : la semaine dernière, nous avons défini les grands principes de la réponse internationale avec nos partenaires du G7. En outre, nous avons élaboré en Eurogroupe un plan commun pour le continent, que nous avons déjà décliné au niveau national grâce au vote d'une loi en un temps record dans l'histoire de l'Assemblée et de la Ve République.

Je ne reviendrai pas sur les détails du plan auquel nous avons abouti, sinon pour réaffirmer qu'il est bien différent du plan Paulson initial.

Debut de section - PermalienChristine Lagarde, ministre de l'économie, de l'industrie et l'emploi

Alors que les Américains s'apprêtent à racheter les actifs toxiques et ainsi alléger les bilans des banques, l'État français a choisi d'offrir sa garantie aux banques afin qu'elles puissent emprunter pour se refinancer et financer l'économie, en contrepartie de quoi l'État percevra une rémunération et disposera de gages que la société de refinancement pourra utiliser en cas de défaillance d'une banque.

Si nous nous battons jour et nuit, ici et ailleurs, pour ramener l'ordre dans le système financier, si la France mobilise 360 milliards d'euros à travers la loi de finances rectificative que vous avez votée pour permettre aux banques françaises de continuer à faire leur métier, ce n'est pas par bonté d'âme. Sauver les banques, ce n'est pas sauver les banquiers, mais sauver les épargnants et les entrepreneurs, ceux qui économisent et ceux qui empruntent, les particuliers comme les PME ou les collectivités locales. J'ajoute que ces 360 milliards ne vont pas être débités dès demain sur le compte de l'État.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Louis Idiart

Voilà qui tombe plutôt bien, vu la situation…

Debut de section - PermalienChristine Lagarde, ministre de l'économie, de l'industrie et l'emploi

Ce montant est avant tout une signature – celle de l'État – qui va permettre d'emprunter sur les marchés et de prêter aux banques – avec intérêt et moyennent gage, je l'ai dit.

Ce projet de loi de finances est un projet de lucidité. Dans un contexte incertain quant à la croissance économique, il n'est pourtant pas simple de présenter un budget pluriannuel avec une loi de programmation des finances publiques qui nous amène jusqu'en 2012.

Début septembre, notre hypothèse de croissance du PIB de 1 % pour 2009 était la plus basse depuis vingt-quatre ans : c'est dire que nous n'étions pas particulièrement optimistes ! Depuis, la crise financière a complètement rebattu les cartes. Même si la réponse des pays européens a été prompte, pertinente et pionnière, et devrait permettre de ramener la confiance sur les marchés financiers, cette crise aura des séquelles importantes. En un mois, nous sommes rentrés dans une nouvelle ère économique : si, jusqu'ici, le prix du risque était toujours sous-estimé, dorénavant, c'est le prix de la confiance qui est surévalué. C'est à nous qu'il revient de restaurer cette confiance.

J'en viens aux prévisions pour 2009. La situation est très sérieuse : les turbulences qui perturbent les marchés financiers internationaux depuis un an sont la conséquence d'une purge profonde et durable du secteur financier américain, après des années pendant lesquelles les liquidités ont été surabondantes – compte tenu d'une politique débridée en matière de masse monétaire.

La zone euro ressent de plein fouet les effets de cette crise. La croissance économique a été négative au deuxième trimestre 2008 dans toute la zone euro, avec un taux de moins 0,2 %. Elle s'établit à moins 0,3 % en France, en raison notamment d'un repli de nos exportations, lié à un contexte international dégradé.

L'activité s'est également repliée en Allemagne avec moins 0,5 %, en Italie avec moins 0,3 % et au Japon avec moins 0,7 %. Si les États-Unis ont connu un deuxième trimestre plutôt favorable, ce n'est que de faible durée.

La situation économique et financière de l'Europe n'est pas assimilable à celle des États-Unis. Le dire n'est pas faire preuve d'optimisme, mais constater les faits. Les désordres interbancaires sont bien plus élevés aux États-Unis. En Europe, les agents restent solvables et sont essentiellement endettés à taux fixe. Le taux d'endettement des Européens est inférieur en moyenne à 100 % ; le taux d'endettement français est à 93,6 % ; le taux d'endettement dans le continent nord-américain excède 130 %.

L'ajustement immobilier est plus graduel en France et en Allemagne qu'outre-Atlantique. Les banques, quoique ayant dû enregistrer des pertes importantes, sont moins exposées aux activités de marché, leurs revenus provenant majoritairement d'activités de clientèle. Tout cela suggère une meilleure capacité à résister au choc financier majeur auquel sont soumises nos économies.

Depuis le mois de juillet, deux éléments favorables sont intervenus : le prix du baril de Brent a chuté pour s'établir actuellement aux alentours de 70 dollars, après être monté à 148 dollars en juillet, et l'euro est passé au-dessous de 1,40 dollar, après avoir atteint un pic de 1,60 dollar à la mi-juillet.

Le texte du projet de loi de finances, qui a été transmis début octobre au Parlement et dont le volet sur les recettes a été arrêté début septembre, a été bâti sur une hypothèse de croissance du produit intérieur brut de 1 % en 2009. C'est la plus basse hypothèse de croissance depuis vingt-quatre ans. Avec l'épisode de crise financière aiguë qui s'est déclenchée à la fin du mois de septembre – précisément depuis le 15 –, nous sommes dans une ère nouvelle, avec des enjeux économiques différents à résoudre. Il est très probable que la croissance en 2009 n'atteigne pas 1 % et que nous soyons amenés à réviser notre prévision.

Debut de section - PermalienChristine Lagarde, ministre de l'économie, de l'industrie et l'emploi

Nous le ferons sur la base d'informations complémentaires. En particulier, nous estimons prudent et respectueux de disposer du taux de croissance pour le troisième trimestre, qui sera connu le 14 novembre. De la même manière, nous souhaitons disposer de la prévision de la Commission européenne pour ajuster la prévision de croissance pour 2009.

Debut de section - PermalienChristine Lagarde, ministre de l'économie, de l'industrie et l'emploi

L'hypothèse de croissance pourrait ainsi être amendée. Ce changement exceptionnel est parfaitement justifié par une situation elle-même exceptionnelle.

Éric Woerth le disait tout à l'heure : faut-il pour autant renoncer aujourd'hui à examiner ce budget ? Absolument pas : le budget est d'abord une autorisation de dépenses. Et l'engagement du Gouvernement à ne pas augmenter les impôts ne dépend pas de la prévision de croissance.

Cet exercice de révision de la croissance, nous ne souhaitons pas le prendre à la légère. C'est une question de responsabilité. Nous souhaitons être le plus précis possible et, pour cela, prendre en compte toutes les informations disponibles. Sachons qu'aujourd'hui, la prévision de croissance pour la France par la Commission européenne est de 1,4 %, et de 0,2 % par le Fonds monétaire international ; le consensus des économistes est de 0,5 %. Il est de 0 % pour les États-Unis, de 0,3 % pour l'Allemagne, et de 0,5 % pour la zone euro. L'Allemagne elle-même vient de réviser sa croissance à 0,2 %.

Compte tenu de cet éventail massif de prévisions concernant notre pays, il est bien légitime d'attendre des chiffres tangibles, dont on sait qu'ils sont parfois révisés un peu plus tard, mais nous devons au moins disposer du chiffre de l'INSEE sur la croissance de la France au troisième trimestre 2008.

Pour autant, en l'état de ces prévisions, il ne saurait être question de remettre en cause les réformes. La crise, que nous gérons dans l'urgence, ne doit pas nous dissuader de maintenir le rythme des réformes, ni de poursuivre notre travail de fond pour moderniser l'économie française.

Au-delà de la loi sur le travail, l'emploi et le pouvoir d'achat, le développement et la poursuite de la réforme sur le marché de l'emploi contribuera, nous l'espérons, à lutter contre le risque du retour du chômage.

Debut de section - PermalienChristine Lagarde, ministre de l'économie, de l'industrie et l'emploi

La création du pôle emploi et l'ensemble des services qui seront fournis aux demandeurs d'emploi et aux entreprises, le plan pour l'emploi des seniors et le contrat d'autonomie proposé à 45 000 jeunes des quartiers sensibles sont autant d'exemples de la politique de l'emploi sur laquelle nous mettrons l'accent dans les semaines qui viennent.

La mise en oeuvre de la loi de modernisation de l'économie du 4 août 2008 sera, elle aussi, rapide, je m'y suis engagée vis-à-vis de vous. L'ensemble des textes d'application sera disponible avant la fin de l'année 2008.

Pour tous les salariés, une réforme en profondeur de la formation professionnelle est engagée, en concertation avec les partenaires sociaux. Je leur ai envoyé en juillet un document d'orientation détaillant les points sur lesquels doit porter la négociation, celle-ci ayant à cette heure commencé.

Le système doit aussi réduire les inégalités d'accès à la formation au profit des salariés des petites et moyennes entreprises, des salariés peu qualifiés, des jeunes sans qualification ou des seniors. Des outils individualisés comme le congé individuel de formation, le droit individuel à la formation ou la valorisation des acquis de l'expérience doivent impérativement être encouragés.

Par ailleurs, nous continuerons à mettre en oeuvre la réforme générale des prélèvements obligatoires. Un certain nombre des dispositions contenues dans ce projet de loi de finances exprime certains des principes que nous avons dégagés et sur lesquels nous continuerons à travailler dans les mois qui viennent. Il s'agit notamment, comme l'a mentionné Éric Woerth – et j'y reviendrai dans un instant –, du plafonnement des niches fiscales, de la modernisation des valeurs locatives utilisées pour le calcul des impôts locaux, de différentes mesures de fiscalité environnementale et d'une réforme en profondeur de la taxe professionnelle pour mettre fin aux effets les plus nuisibles de cet impôt sur la compétitivité des entreprises.

Jean-Pierre Gorges. Très bien !

Debut de section - PermalienChristine Lagarde, ministre de l'économie, de l'industrie et l'emploi

À l'évidence, les réformes structurelles vont se concentrer sur le secteur financier, et en particulier sur le secteur bancaire, pour mettre un terme aux excès du passé et faire en sorte que les circuits financiers redeviennent des instruments au service de la croissance et des entreprises.

Debut de section - PermalienChristine Lagarde, ministre de l'économie, de l'industrie et l'emploi

La création d'un tarif social du gaz et de l'électricité, la prime à la cuve et la contribution transport permettront d'amortir les effets défavorables sur les ménages modestes des hausses passées du prix du pétrole.

Enfin, la mise en oeuvre du revenu de solidarité active, la promotion de l'intéressement et de la participation des salariés et la conditionnalité des allégements de charges reflètent une politique soucieuse de favoriser le retour à l'emploi et une redistribution plus équilibrée, mieux partagée, des richesses.

J'évoquerai maintenant le redressement des finances publiques. Seul un rétablissement de nos finances publiques nous évitera de continuer à vivre à la charge de nos enfants et de nos petits-enfants et de leur transférer une charge budgétaire de plus en plus lourde.

Debut de section - PermalienChristine Lagarde, ministre de l'économie, de l'industrie et l'emploi

Le projet de loi de finances pour 2009 prévoit que les dépenses resteront fermement maîtrisées. Celles de l'État ne devraient pas augmenter plus vite que l'inflation en 2009, comme en 2008.

Afin de nous rapprocher le plus possible de l'équilibre budgétaire en 2012, nous nous engageons à mettre en oeuvre un ajustement structurel des finances publiques de 0,5 % de produit intérieur brut par an, et ce, dès 2008.

Conformément aux orientations prises à l'Ecofin informel de Nice, la France laissera jouer les stabilisateurs automatiques sur les recettes pour faire face à la pause de croissance de 2008-2009. De la même manière, les flexibilités seront utilisées, compte tenu des circonstances exceptionnelles constatées à l'évidence par le Conseil européen la semaine dernière.

Pour ce qui concerne la période 2010-2012, grâce, d'une part, aux réformes structurelles mises en oeuvre, et sous réserve, d'autre part, de la normalisation progressive de l'environnement économique mondial, notre taux de croissance pourra revenir à un niveau proche de son potentiel de moyen terme et combler une partie du retard de demande accumulé en 2008 et 2009. Ce n'est pas illusoire, car il arrive bien souvent, pendant des périodes de basse croissance, d'avoir un effet de rattrapage jusqu'au potentiel de moyen terme. Ce retour progressif de la croissance accompagnera et facilitera la réduction du déficit structurel à l'horizon de la législature.

En ce qui concerne les recettes, nous n'augmenterons pas le poids global des impôts. Dans un contexte où l'aléa sur la croissance est exceptionnellement important, le Gouvernement a donc choisi de poser comme cadre de travail la stabilité du taux de prélèvements obligatoires. Ce principe est inscrit dans le projet de loi de programmation des finances publiques qui vous est également soumis.

Debut de section - PermalienChristine Lagarde, ministre de l'économie, de l'industrie et l'emploi

Le rapport sur les prélèvements obligatoires, annexé au projet de loi de finances en application de la LOLF, vous fournit l'ensemble des données nécessaires en matière d'évolution des prélèvements obligatoires sur le passé récent et pour les prochaines années. Nous aurons l'occasion d'en débattre.

Sans les mesures déjà décidées de baisse des prélèvements, le taux de prélèvements obligatoires aurait été de 43,5 % du produit intérieur brut en 2009. Avec les mesures décidées, il atteindra 43,2 % du PIB en 2009 et nous le stabiliserons à ce niveau jusqu'en 2012. Cela se traduira par une baisse nette de plus de 10 milliards d'euros des prélèvements sur l'ensemble de la législature.

Ces baisses d'impôts sont ciblées sur nos priorités politiques : le travail, l'innovation, la participation des salariés aux résultats. Voici le détail des baisses d'impôts : la loi travail, emploi, pouvoir d'achat : 12 milliards en 2012 ; le crédit d'impôt recherche : 1,7 milliard en 2012 ; la suppression de l'IFA : 1,2 milliard en 2012 ; l'incitation à l'intéressement : 1,2 milliard en 2012.

Debut de section - PermalienChristine Lagarde, ministre de l'économie, de l'industrie et l'emploi

Mais ce n'est pas parce que la politique fiscale est orientée vers la baisse des prélèvements obligatoires que l'on doit s'interdire nécessairement de mener à bien certains projets par des financements spécifiques. C'est le cas pour le financement du RSA, avec plus 1,5 milliard d'euros, le financement de l'audiovisuel public, avec plus 0,5 milliard d'euros, la fiscalité environnementale, avec plus 1 milliard d'euros ou les mesures de redressement de la sécurité sociale – taxe sur les organismes complémentaires pour 1 milliard d'euros et forfait social pour 0,4 milliard d'euros.

Ce projet de loi de finances me semble obéir à des principes assez clairs. J'en dégagerai trois : c'est un budget d'aide à l'investissement, un budget vert et un budget plus juste.

Il s'agit d'abord d'un budget d'aide à l'investissement, car la politique fiscale ne se résume pas à financer les dépenses. C'est au moins autant un outil de politique économique.

En matière fiscale, nous avons déjà agi en loi de finances pour 2008 pour stimuler l'investissement, avec le triplement du crédit d'impôt recherche et sa simplification. Cette mesure très importante, dont les effets d'entraînement sur les dépenses de recherche et développement des entreprises sont sensibles, devrait générer chaque année 0,05 % de croissance du produit intérieur brut. Elle est bien évidemment maintenue dans le projet de loi de finances pour 2009.

Nous avons, dans la loi travail, emploi, pouvoir d'achat, ouvert la possibilité d'affecter l'ISF à l'investissement dans les PME. Résultat : près d'un milliard d'euros ont été investis dès le démarrage de la mesure. Naturellement, nous maintenons aussi cette mesure dans le projet de loi de finances pour 2009.

Aujourd'hui, nous vous proposons de supprimer une charge importante pour les entreprises, en particulier les petites entreprises, et notamment celles qui connaissent des difficultés passagères, avec la disparition organisée en trois ans de l'imposition forfaitaire annuelle.

Le Président de la République a annoncé sa volonté d'exonérer de taxe professionnelle les investissements nouveaux et de trouver une ressource de substitution pour les collectivités locales, cohérente avec une réflexion à mener – et dont il a fait l'annonce – sur les compétences des niveaux d'administration territoriale. Il ne s'agit pas de faire l'un sans l'autre, il faut commencer par réfléchir sur les niveaux de compétence territoriale pour, ensuite, examiner à quelles conditions et dans quelles circonstances la taxe professionnelle pourra être profondément remaniée, notamment en ce qui concerne l'exonération portant sur les nouveaux investissements. Nous nous y sommes préparés, grâce à une concertation que Michèle Alliot-Marie, Éric Woerth et moi-même menons.

Un budget pour l'investissement des entreprises, c'est aussi un budget pour l'environnement. Le budget pour 2009 est un budget vert, en faveur de la protection de l'environnement et de la nouvelle croissance.

Les effets du bonus-malus écologique sur les ventes de véhicules sont d'ores et déjà très sensibles sur les neuf premiers mois de l'année. Ce sont près de 700 000 véhicules éligibles qui ont été vendus grâce à cette mesure, sur les trois premiers trimestres de cette année. Certes, de nombreux véhicules auraient été vendus en l'absence de cette mesure, mais le nombre important de ces ventes atteste du succès du bonus-malus.

Le projet de loi de finances pour 2009 met en place d'autres mesures favorables à l'environnement et aux travaux de rénovation énergétiques avec la création de l'éco-prêt à taux zéro.

Ce volet de verdissement de la fiscalité résulte d'un travail approfondi, impulsé par Jean-Louis Borloo et mené ensemble depuis plusieurs mois. La recherche d'une croissance durable, ce n'est pas seulement la défense de l'environnement, c'est aussi une opportunité pour notre économie de créer de nouvelles activités et de nouveaux emplois dans ces secteurs. Il en est ainsi de la création du prêt à taux zéro pour les gros travaux ou bien encore du développement de la filière bois ou du recyclage des déchets ménagers.

S'agissant du prêt à taux zéro pour les travaux, l'aide est en réalité tout à fait substantielle et représente environ 8 500 euros pour un emprunt de 28 500 euros sur dix ans qui aurait été contracté au taux de 5,40 %. Le prêt peut être accordé dans la double limite de 30 000 euros et 300 euros au mètre carré, mais sans condition de ressources.

Le crédit d'impôt sur les intérêts d'emprunt et le prêt à taux zéro pour l'accession seront majorés pour les logements neufs répondant à la norme « bâtiment basse consommation ». Quant au crédit d'impôt développement durable, il est étendu aux propriétaires occupants et aux propriétaires bailleurs, ainsi qu'aux frais de main-d'oeuvre pour les travaux d'isolation des parois opaques, soit tout ce qui concerne l'isolation. En contrepartie, certains matériels, qui ne sont plus considérés comme écologiquement performants ou qui sont largement dépassés, sortiront du champ du crédit d'impôt.

Ces mesures présentent l'intérêt supplémentaire de soutenir au bon moment le secteur du bâtiment, des travaux publics et de l'immobilier, lesquels sont une source importante d'emplois et d'activité, cette dernière ayant sensiblement ralenti au printemps.

Le PLF 2009 comprend enfin des mesures d'orientation des comportements des entreprises et des collectivités. Il s'agit notamment des aides à l'agriculture biologique, qui sont accrues, avec le doublement du crédit d'impôt en sa faveur et la possibilité donnée aux collectivités locales d'exonérer de taxe foncière ces exploitations. Il s'agit également des dispositifs d'incitation aux restructurations forestières et de la mise en place de contrats de gestion durable des forêts.

Cela comporte également une aide en trésorerie au bénéfice des industries de transformation du bois.

Enfin, la taxe générale sur les activités polluante est alourdie pour les déchets ménagers non recyclés, ce qui doit conduire à financer des investissements permettant de limiter le stockage ou l'incinération.

En matière de transport, la défiscalisation sur les biocarburants sera progressivement réduite, comme en Allemagne, sans que nous ne revoyions à la baisse nos objectifs d'incorporation des biocarburants aux carburants fossiles. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienChristine Lagarde, ministre de l'économie, de l'industrie et l'emploi

La taxe générale sur les activités polluantes, qui doit être acquittée en cas de non-respect de l'obligation d'incorporation, est suffisante pour en assurer le respect.

Nous généralisons à tout le territoire la taxe kilométrique sur les poids lourds dont le principe a été voté pour la région Alsace. Cette taxe devra pouvoir être mise en place sur les principaux axes routiers en 2011. Par ailleurs, nous agissons dès 2009 pour nos entreprises de transport routier en ramenant la taxe à l'essieu aux minima communautaires.

Le projet de budget pour 2009 est enfin plus juste : nous plafonnerons les niches fiscales pour que chaque Français contribue, selon ses moyens, à la couverture des charges publiques. C'est une question d'équité fiscale. Nous nous attaquons dans le présent projet de budget aux niches fiscales qui permettent, malgré de très hauts revenus, de réduire son impôt sur le revenu sans limitation de montant. Je vise, à cet égard, les réductions d'impôts outre-mer, le régime dit «Malraux » et celui des loueurs en meublé professionnels.

Debut de section - PermalienChristine Lagarde, ministre de l'économie, de l'industrie et l'emploi

Ce sont des dispositions non pas de rendement budgétaire, mais d'évasion fiscale. Je souhaite que l'on trouve toutes les modalités pour que cela n'aboutisse pas, pour autant, à réduire l'investissement dans nos collectivités d'outre-mer, dont on sait très bien qu'elles en ont besoin.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Bapt

Il faut veiller à ne pas alimenter les paradis fiscaux !

Debut de section - PermalienChristine Lagarde, ministre de l'économie, de l'industrie et l'emploi

Pour chacun de ces régimes, le Gouvernement propose un plafonnement de l'avantage fiscal qui conduira à répartir l'investissement actuel sur davantage d'investisseurs. Nous devrons, à cet égard également, mettre en vigueur la réforme de la notion de l'appel public à l'épargne telle que vous l'avez votée dans la loi de modernisation de l'économie. Cette réforme sera mise en oeuvre dès le début de l'année 2009 et permettra ainsi de répartir cet investissement sur davantage d'investisseurs sans être bridée par l'ancienne notion de l'appel public à l'épargne.

Nous prévoyons également un plafonnement à 140 000 euros des dépenses annuelles déductibles – et j'insiste sur ce point – en secteur sauvegardé, pour l'avantage dit « Malraux ». Nous proposons un plafonnement de 40 000 euros, ou 15 % du revenu, pour les réductions d'impôt outre-mer, la plus haute limite étant retenue. Enfin, nos prévoyons la fermeture du régime des loueurs en meublé professionnels aux « faux » professionnels, lesquels basculeraient dans le régime de droit commun des revenus fonciers qui bénéficient de 10 700 euros de déficit imputable sur le revenu global.

Nous aborderons bientôt, à l'initiative de votre commission des finances, monsieur le président, monsieur le rapporteur général, le dossier de l'évaluation systématique et préalable au renouvellement de chacune des multiples niches fiscales dont abonde notre fiscalité.

Debut de section - PermalienChristine Lagarde, ministre de l'économie, de l'industrie et l'emploi

Nous aborderons également le principe et le concept du plafonnement global des niches fiscales, ce que notre majorité avait proposé, et qui malheureusement n'a pas pu trouver son chemin dans le droit fiscal français.

Mesdames, messieurs les députés, avec l'épisode de crise financière aiguë du mois de septembre, nous sommes entrés dans une nouvelle ère, qui nécessite une nouvelle approche, probablement un peu exceptionnelle, du traitement d'un projet de loi de finances. À court terme, nous le savons, la croissance s'en ressentira. Il est probable qu'elle n'atteigne pas 1 % en 2009 et que nous soyons amenés à réviser notre prévision à la lumière d'éléments précis d'appréciation et à la lumière de la révision émanant de la Commission européenne, sur la base des chiffres INSEE.

Comme je vous l'ai indiqué, cette révision de la croissance se fera sur la base d'informations tangibles, précises, complémentaires et disponibles d'ici à la mi-novembre. Nous ne souhaitons pas faire en effet une prévision à la légère : nous voulons mener cet exercice de manière responsable. Il s'agit de la responsabilité du Gouvernement vis-à-vis du Parlement dans le cadre d'un exercice dont nous savons qu'il présente actuellement un caractère très exceptionnel. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Vautrin

La parole est à M. Gilles Carrez, rapporteur général de la commission des finances, de l'économie générale et du plan.

Debut de section - PermalienPhoto de Gilles Carrez

Vous venez de le souligner, madame, monsieur le ministre, ce débat budgétaire s'ouvre dans un contexte très particulier qui est celui d'une crise financière sans précédent. Elle a conduit à la détérioration brutale des marchés financiers,…

Debut de section - PermalienPhoto de Gilles Carrez

…à une crise de confiance des investisseurs, à l'augmentation du coût du crédit et, surtout, à l'assèchement des liquidités dont les banques ont besoin pour irriguer l'économie. Je veux d'emblée saluer la rapidité avec laquelle le Gouvernement a réagi puisque, face à cette crise de liquidités, ont été mises en place, la semaine dernière, à travers une loi de finances rectificative, plusieurs mesures d'ores et déjà opérationnelles. Ainsi, la société de refinancement a été créée. Elle va pouvoir commencer à émettre des emprunts obligataires pour une durée d'un à cinq ans, afin de permettre aux banques de trouver les liquidités nécessaires, non pas pour résoudre leurs propres problèmes – et vous avez eu raison, madame la ministre, d'insister à nouveau sur ce point – mais, d'abord et avant tout, pour assurer le financement de l'économie, et consentir les prêts dont ont besoin les entreprises et les ménages. Ces dispositions d'urgence tendront à améliorer le fonctionnement de notre économie.

La deuxième société mise en place a vocation à prendre des participations dans un certain nombre d'établissements financiers. Le cas s'est produit avec Dexia, et la réponse a été immédiate. Il est toutefois possible, non que d'autres banques rencontrent les mêmes problèmes que Dexia, mais que l'État français soit conduit à prendre ici ou là des participations. D'autres États – je pense, en particulier, au Royaume-Uni, aux États-Unis, à l'Allemagne, voire à la Suisse – seront peut-être amenés en effet à prendre des participations dans des établissements financiers en difficulté, et donc à augmenter très fortement les fonds propres desdits établissements. Dès lors, il nous faudra procéder à des réajustements.

Ces différents soutiens qu'apportera l'État grâce à ces deux sociétés feront l'objet – et c'est fondamental – d'une rémunération, puisque les services ainsi pratiqués ne seront pas des cadeaux sans contrepartie. En outre – et je suis prêt à en prendre le pari –, lorsqu'on réalise un investissement en prenant, par exemple, une participation dans une banque telle que Dexia, il est évident qu'une fois la crise financière terminée, cette participation sera valorisée. Je n'ai pas besoin de citer ici l'exemple récent d'Alstom.

Puisque nous allons aborder, à travers la loi de programmation pluriannuelle, un certain nombre de règles de bonne gouvernance, je voudrais vous faire une proposition, madame, monsieur le ministre. Prévoyons que toutes les cessions d'actifs que fera l'État, à la suite de ses éventuelles prises de participation dans les prochains mois, soient affectées au désendettement, le jour venu. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Bapt

Comment cela s'est-il passé ces dernières années ? Et à quoi cela a-t-il servi ?

Debut de section - PermalienPhoto de Gilles Carrez

En effet, si ces participations n'ont pas de conséquences sur le déficit budgétaire, elles pèseront directement ou indirectement sur la dette. Mais, dès que l'on se sera donné comme principe de bonne gouvernance, qu'en cas de cession, la recette ira prioritairement au remboursement de la dette, nous tiendrons le bon cap…

Debut de section - PermalienPhoto de Gilles Carrez

Ces différentes interventions, je tiens à le préciser avant d'en venir au projet de budget, ont pour caractéristique d'être extrabudgétaires, donc de ne pas peser en augmentation de dépenses. Il n'est pas envisagé en effet d'ouvrir les vannes de la dépense publique dans un pays où elle représente presque 53 % de la richesse nationale. Ainsi, toutes les mesures prises ces derniers jours passent par des canaux extrabudgétaires. Je citerai, par exemple, l'acquisition de 30 000 logements pour soutenir le marché immobilier grâce à l'appel aux bailleurs sociaux et au mode de financement habituel à partir de la Caisse des dépôts. De même, les différents financements mis en place au bénéfice des petites et moyennes entreprises se feront par des canaux traditionnels : celui du livret de développement durable et celui d'un établissement financier tel OSEO.

Cela étant, même si tous ces dispositifs ne pèsent pas sur le budget, il est évident que la crise financière ne peut qu'avoir des conséquences budgétaires, en particulier sur l'équilibre. D'ores et déjà, cependant, nous avons pris en compte ces conséquences dans des proportions non négligeables. En effet, entre le déficit budgétaire atteint en 2007 – 38 milliards d'euros – et le déficit budgétaire prévisionnel de 2009 – 52 milliards d'euros – l'écart est de 14 milliards d'euros. Bien entendu, on ne peut pas non plus exclure une dégradation plus importante encore. Avec un taux de croissance limité à un demi-point en 2009 et une croissance très molle, entre 1 et 2 % au maximum, en 2010 et 2011, nous ne pourrons pas atteindre l'équilibre budgétaire, objectif de la loi de programmation, même si nous faisons tout pour nous en rapprocher. Nous ne parviendrons pas à notre objectif en 2012 dans une hypothèse tout à fait défavorable, mais qui vaudrait pour l'ensemble des pays européens, en particulier.

À partir de ce constat, certains qualifieront ce budget d'obsolète parce que les recettes ne seront pas au rendez-vous.

Debut de section - PermalienPhoto de Gilles Carrez

Mais je vous mets en garde, chers collègues. J'entends encore vos interventions systématiques et notamment celles du président de la commission des finances en 2004, 2005, 2006 et 2007 ! Vous affirmiez alors, depuis cette tribune, que la prévision de croissance était surestimée et que les recettes ne seraient pas au rendez-vous. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Bapt

Cette année, c'est plus que jamais justifié !

Debut de section - PermalienPhoto de Gilles Carrez

Or je rappelle qu'en 2004, 2005, 2006 et 2007, les recettes ont été plus qu'au rendez-vous, puisque nous avons systématiquement dépassé la prévision en exécution et en réalisation. L'exercice consistant à remettre en cause la prévision de croissance et les prévisions de recette est une sorte de figure imposée des débats parlementaires. Je me souviens l'avoir d'ailleurs moi-même pratiquée entre 1997 et 2002. J'ai fait partie des très nombreux députés qui n'avaient pas prévu la cagnotte.

Debut de section - PermalienPhoto de Gilles Carrez

Or une cagnotte est parfois encore plus difficile à gérer qu'un déficit un peu supérieur aux prévisions. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Il est essentiel d'être pratique. Mme Lagarde vient précisément de nous proposer un protocole profondément pragmatique. Ce qui compte dans les prévisions de recettes – nous rencontrons d'ailleurs le même problème, lorsque nous établissons nos budgets locaux – ce n'est pas la prévision pour l'année à venir, mais la base dont on part. Nous devons donc être le plus clairs possible sur la base 2008 que nous connaissons pour partie seulement. Mais d'ici au 14 novembre, nous serons en possession d'éléments beaucoup plus précis.

Je pense en particulier aux recettes liées à la consommation, et donc à la TVA, qui, avec 120 milliards d'euros en net, représente de loin la principale recette. Nous avons déjà des éléments sur l'impôt sur le revenu. Et nous avons même une bonne nouvelle que personne n'aurait imaginée, l'ensemble de la fiscalité pétrolière, TVA et TIPP, dégagerait une plus-value de plus de 400 millions à la fin de l'été. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Gilles Carrez

Toutes les nouvelles ne sont donc pas mauvaises !

Le Gouvernement a prévu un excellent article, que vous avez voté en commission des finances, monsieur Bapt, qui consiste à prolonger la taxe sur la provision pour hausse des prix des sociétés pétrolières pour pouvoir porter l'aide à la cuve de 150 à 200 euros.

Debut de section - PermalienPhoto de Gilles Carrez

Vous voyez donc que la fiscalité pétrolière va servir précisément à mettre en place des aides pour les plus démunis.

La grande incertitude, c'est l'impôt sur les sociétés.

Aujourd'hui, notre démarche consiste à enregistrer le maximum de données pour avoir une assiette 2008 aussi proche que possible de la réalité. À partir de là, je ne vois que des avantages, madame la ministre, à ce que, si c'était nécessaire, nous procédions à une rectification de quelques milliards avant la fin de la première lecture à l'Assemblée, au milieu du mois de novembre.

Ce serait une démarche assez innovante, qui respecte l'article 32 de la LOLF, selon lequel la sincérité doit s'apprécier compte tenu des informations disponibles, et je vous remercie de nous avoir fait cette proposition.

Notre stratégie, à la fois pour la loi de programmation pluriannuelle et pour le projet de loi de finances pour 2009, tient en deux idées simples : continuer à maîtriser la dépense publique, mais d'une façon régulière, sans à-coups, comme nous le faisons depuis maintenant plusieurs années, et, pour aller progressivement vers l'équilibre, protéger nos recettes.

Premier pilier, tenir les dépenses.

La loi de programmation propose une reconduction de la dépense au niveau de l'inflation chaque année jusqu'en 2012, mais elle affine cet objectif en nous proposant, élément très novateur, une programmation triennale. Il est prévu pour 2009, 2010 et 2011 les crédits qui seront affectés à chacune des missions. C'est une idée que nous proposions depuis quelques années et qui figurait dans le rapport présenté il y a deux ans par Didier Migaud et Alain Lambert.

Un tel dispositif a de nombreux avantages. Tout d'abord, cela permet de sécuriser la maîtrise de la dépense publique sur plusieurs années et donc sans à-coups. Ensuite, cela va responsabiliser les ministres, parce qu'il est beaucoup plus difficile d'engager des réformes tendant à dépenser mieux en dépensant moins si l'on a le nez sur le guidon d'une seule année que si l'on a une visibilité sur trois ans. Enfin, cela donne une plus grande visibilité au gestionnaire. Il lui est ainsi plus facile de rechercher des économies ou de redéployer des crédits.

Ce progrès significatif dans la gestion budgétaire, dû à la LOLF, est indispensable dans le cadre de la maîtrise de la dépense publique engagée par l'État.

Avec une inflation à 2 %, les dépenses peuvent augmenter de 7 milliards d'euros. Cela peut paraître beaucoup, mais c'est très peu par rapport aux dépenses liées au passé. Avec un nombre de retraités de la fonction publique qui augmente fortement d'année en année, l'accroissement des charges de pensions représente 2,4 milliards d'euros. La charge de la dette, qui, malheureusement, s'est accumulée au bout de trente années de déficit consécutif, augmente, quant à elle, près de 3 milliards d'euros.

Par ailleurs, le prélèvement sur recettes en faveur de l'Union européenne va augmenter de 500 millions et, comme l'État tient absolument à honorer ses engagements vis-à-vis des collectivités locales, les concours de l'État vont progresser exactement au même rythme que l'ensemble du budget, c'est-à-dire 2 %.

Debut de section - PermalienPhoto de Gilles Carrez

Sur 55 milliards, cela fait 1,1 milliard de plus.

Si vous ajoutez 300 millions pour l'augmentation des dépenses de personnel, même si seulement un fonctionnaire sur deux partant en retraite est remplacé,…

Debut de section - PermalienPhoto de Gilles Carrez

…cela consomme la totalité de cette marge de manoeuvre de 7 milliards d'euros.

Cela veut dire en clair que, pour les autres crédits du budget général, qui représentent environ 110 milliards d'euros, la croissance est nulle.

Nous devons donc bien nous appuyer sur le travail de révision générale des politiques publiques, et il est impératif de continuer à ne pas remplacer environ un fonctionnaire sur deux partant à la retraite.

Au-delà des dépenses de l'État, il nous faut maîtriser l'ensemble des dépenses publiques. Les dépenses de l'État représentent 300 milliards, mais les dépenses de protection sociale atteignent 450 milliards et les dépenses des collectivités locales plus de 200 milliards, d'où un certain nombre d'évolutions proposées dans le projet de loi de programmation. Ainsi, l'ONDAM progresserait de 3,3 % pour la période 2009 à 2012, et les dotations aux collectivités locales évolueraient au même rythme que l'inflation, c'est-à-dire 2 %.

En clair, par rapport à ce qui s'est passé au cours des six ou sept dernières années, sur l'ensemble de la dépense publique, donc presque 1 000 milliards d'euros, il faut que, chaque année d'ici à 2012, nous dépensions, selon les hypothèses d'inflation, entre 5 et 10 milliards de moins. Par rapport à 950 milliards, ce n'est absolument pas hors de portée. En Suède, les dépenses publiques représentaient 70 % du PIB en 1993, elles n'en représentent plus que 56 % aujourd'hui et elles risquent demain d'être à un niveau inférieur au nôtre si nous ne faisons rien.

Ce qui est important en matière de dépenses, je le répète, c'est de garder le cap.

Debut de section - PermalienPhoto de Gilles Carrez

Dans un monde totalement incertain, où, chaque jour, chaque semaine apporte son lot d'éléments nouveaux, le point fixe, le repère, l'amer qui nous permet de voir le cap, ce doit être le budget de l'État. L'enjeu est clair, le cap est maintenu pour la dépense. Si les recettes ne sont pas au rendez-vous, il y aura une progression du déficit mais il est hors de question de compenser des moins-values de recettes par une augmentation d'impôts ou par des économies supplémentaires.

Debut de section - PermalienPhoto de Gilles Carrez

Second pilier de notre stratégie budgétaire, protéger les recettes.

Le but est de mettre notre système fiscal au service de la croissance. Avec une certaine anticipation, il faut le reconnaître, nous avons, dès juillet 2007, mis en place un certain nombre de dispositifs grâce auxquels nous pouvons mieux faire face à la crise d'aujourd'hui. Je pense par exemple au dispositif permettant aux PME de se doter de fonds propres grâce à l'investissement par le biais de l'ISF, au crédit d'impôt sur les intérêts pour l'acquisition de logements, ce qui permet d'aider le secteur immobilier, aux mesures tendant à encourager les donations, ce qui permet de favoriser le pouvoir d'achat, à l'exonération des heures supplémentaires, qui permet également d'améliorer le pouvoir d'achat, et, surtout, au crédit d'impôt recherche, extrêmement utile aux entreprises par les temps qui courent. Avec de telles dispositions, nous avons pu prendre un peu d'avance par rapport à d'autres pays qui s'en inspirent aujourd'hui.

Le mot-clé, dans ce budget, c'est la protection des recettes. La mesure centrale en termes de baisse d'impôts, c'est la suppression de l'imposition forfaitaire annuelle sur trois ans, mais le manque à gagner, de 336 millions d'euros, est compensé par la diminution de la défiscalisation accordée aux biocarburants. Nous sommes dans une logique de compensation des baisses non par des hausses d'impôt mais, plutôt, par la remise en cause d'un certain nombre de dépenses fiscales, ce qui me semble extrêmement vertueux.

La loi de programmation pluriannuelle apporte des novations profondes. S'il y a des baisses d'impôts, elles doivent être compensées pour le même montant pour rester dans la trajectoire des recettes prévues pour revenir à l'équilibre. Il ne pourra pas y avoir un euro de plus de dépenses fiscales sans qu'il y en ait un en moins ailleurs. Cet encadrement de la dépense fiscale est particulièrement important. Avec plus de 400 dispositifs dérogatoires, nous atteignons un montant de 66 milliards d'euros. Il y a donc de nombreuses marges de manoeuvre sur l'ensemble des dépenses fiscales.

C'est un grand motif de satisfaction pour la commission des finances puisque, dans un rapport que nous avons remis il y a six mois, nous avons proposé exactement ces dispositions de maîtrise de la dépense fiscale et de protection de nos recettes.

Pour l'avenir proche, nous devons réfléchir à des dispositifs qui améliorent la compétitivité de nos entreprises.

À cet égard, je voudrais vous faire une suggestion concernant la taxe professionnelle. Nous sommes tous conscients qu'un impôt grevant les comptes d'exploitation et dont l'assiette porte à 80 % sur les investissements n'est pas raisonnable. Il existe certes un dispositif de dégrèvement pour investissements nouveaux, mais qui ne s'applique que pendant trois ans. Il y a donc lieu de réfléchir à la manière d'encourager l'investissement des entreprises, en particulier en jouant sur la taxe professionnelle.

L'autre principe qui, en matière de recettes, guide notre budget pour 2009 ainsi que la loi de programmation pluriannuelle, c'est celui de l'équité fiscale. Dans le présent projet de loi de finances, nous traitons pour la première fois un sujet qui est à l'ordre du jour depuis 25 ans. Depuis tant d'années, en effet, à coups de multiplications de niches fiscales, notamment de niches déplafonnées, nous permettons à des contribuables qui ont pourtant des revenus très importants de ne pas acquitter le moindre impôt.

Ainsi, sur les 10 000 contribuables français les plus aisés en termes de revenus, 150 n'ont acquitté aucun impôt, voire ont obtenu une restitution du Trésor public.

Debut de section - PermalienPhoto de Gilles Carrez

En outre, les cent contribuables réduisant le plus leur impôt en valeur absolue, le font pour un montant moyen de 1,132 million d'euros.

Debut de section - PermalienPhoto de Gilles Carrez

Aussi, après avoir établi un principe essentiel, devenu l'article 1er du code général des impôts, selon lequel, dans une démocratie éprise de justice, l'impôt ne doit pas être confiscatoire ou spoliateur – tel est l'objet du bouclier fiscal (Exclamations sur les bancs du groupe SRC)...

Debut de section - PermalienPhoto de Gilles Carrez

…, à savoir que nul ne peut payer plus de la moitié de son revenu sous forme d'impôt –, nous allons créer un dispositif symétrique. Après avoir fixer le plafond, nous allons déterminer le plancher (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC) : un contribuable bénéficiant de revenus confortables ne peut en aucun cas s'exonérer totalement de l'impôt.

Debut de section - PermalienPhoto de Gilles Carrez

Nous le faisons de deux manières : d'une part, madame et monsieur les ministres, en retenant votre proposition de plafonnement des niches fiscales qui ne le sont pas encore – secteurs sauvegardés, outre-mer, meublés professionnels – et, d'autre part, par le biais d'une initiative de la commission des finances, en introduisant, avec votre accord, un plafonnement global de l'ensemble des dépenses fiscales. Nous aurons dès lors un système juste, avec un plafond – l'impôt confiscatoire est proscrit – et un plancher – nul ne peut s'exonérer de l'impôt dès lors qu'il perçoit des revenus. Nous aurons ainsi accompli un travail très utile. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Gilles Carrez

Ce projet de budget s'engage dans la bonne direction. Il est cohérent avec la stratégie que nous menons depuis plusieurs années en matière de dépenses, et cohérent également avec une stratégie pour les recettes qui, malgré la crise, nous permettra de nous rapprocher autant que faire se peut de l'équilibre à l'horizon de 2012.

Dans la tempête que nous traversons, pouvoir compter sur un gouvernement qui tient la barre et garde le cap est un atout absolument essentiel, et c'est pourquoi la commission des finances a adopté cette première partie de la loi de finances.

Debut de section - PermalienPhoto de Gilles Carrez

Mes chers collègues, je vous engagerai dans quelques jours à en faire de même. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Vautrin

La parole est à M. Didier Migaud, président de la commission des finances, de l'économie générale et du plan.

Debut de section - PermalienPhoto de Didier Migaud

Madame la présidente, madame, monsieur les ministres, monsieur le rapporteur général, mes chers collègues, le débat budgétaire apparaît, cette année, marqué par deux paradoxes. Tout d'abord, il s'inscrit dans un cadre pluriannuel formalisé par une loi de programmation, laquelle ne semble toutefois pas tenir compte de la situation réelle de l'économie et des comptes publics. Ensuite, alors que le contexte est celui d'une crise financière inédite, doublée d'une crise économique qui commence, le budget semble proposer peu de moyens permettant d'y répondre.

En ce qui concerne, tout d'abord, la programmation, il s'agit du premier exercice du genre, et je m'en réjouis. La loi de programmation se situe dans le droit fil de la logique de la LOLF. Elle donne une visibilité à la politique budgétaire à moyen terme et permet d'appréhender, au-delà de la politique budgétaire du Gouvernement, la situation d'ensemble des finances publiques, qui concerne aussi bien les administrations de sécurité sociale que les collectivités territoriales. En outre, le Parlement prendra enfin directement connaissance des éléments de la trajectoire des finances publiques que se fixe le Gouvernement sur plusieurs années, alors que, jusqu'à présent, il n'en était destinataire qu'en second, après la Commission européenne.

L'existence même d'une loi de programmation des finances publiques est donc un motif de satisfaction, et je veux, madame et monsieur les ministres, vous en féliciter, ainsi que vos services.

Debut de section - PermalienPhoto de Didier Migaud

Néanmoins, sa construction, pour être intéressante, me paraît pouvoir être améliorée. Le projet comporte douze articles et un rapport annexé. Selon la lecture proposée par le rapporteur général, le corps du projet serait essentiellement consacré aux règles de gouvernance, et le plus « neutre » possible. Au rapport seraient réservés les chiffres, les hypothèses d'évolution et les orientations politiques.

En réalité, le projet comporte à la fois des règles de gouvernance et des hypothèses d'évolution pour certains indicateurs. Pour certains seulement : le solde des administrations publiques et la dette publique y figurent bien, l'ONDAM et les plafonds des dépenses budgétaires y sont mentionnés, mais il faut se reporter à l'annexe pour trouver des informations sur le niveau des dépenses publiques et des prélèvements obligatoires. Ces deux dernières informations figurent pourtant en bonne place dans le Programme de stabilité transmis à la Commission européenne et, en toute logique, elles devraient figurer dans le texte même du projet. Je proposerai donc, par voie d'amendements, que ces deux éléments soient « remontés » au niveau des articles, car ils me semblent contribuer de manière essentielle à la vision d'ensemble de la trajectoire qui nous est proposée.

En second lieu, le projet prévoit pour les dépenses fiscales et les exonérations sociales des règles de comportement pour ce qui est de leur création ou de leur extension. Ces règles sont bienvenues. Mais, par définition, elles ne valent pas pour le stock existant des dépenses de cette nature. Nous savons pourtant – les conclusions des deux missions d'information conduites par la commission des finances sont sans équivoque – que leur croissance incontrôlée entraîne un « mitage » des recettes et pose un problème aussi bien d'équité que d'efficacité.

Nous avons eu à plusieurs reprises, monsieur le ministre, des discussions sur la manière d'encadrer ces dépenses fiscales. Nous sommes tous d'accord pour dire qu'il n'est pas possible de fixer une norme d'évolution annuelle contraignante, parce que ces dépenses sont d'une certaine manière servies « à guichet ouvert ». Mais il paraît possible – dans un cadre pluriannuel – d'inscrire un objectif d'évolution sur la période considérée, et l'on ne voit pas pourquoi un tel objectif ne serait pas fixé à un niveau identique à celui des dépenses budgétaires. Or, en 2009, ces dépenses progresseraient deux fois plus vite que les dépenses budgétaires. De cette façon, avec cet objectif affiché, on ne se contenterait pas d'encadrer les dépenses à venir, comme le propose l'article 10 du projet, mais on pourrait prendre en considération le stock existant en adoptant, au vu de l'écart constaté telle année par rapport à l'objectif, les mesures d'ajustement nécessaires l'année suivante. C'est ce que je proposerai par amendement. Le même principe sera proposé concernant les « niches sociales ».

Comparons maintenant les principaux indicateurs de la programmation qui nous est soumise avec ceux contenus dans le Programme de stabilité, transmis à la Commission européenne en novembre dernier et prévoyant un retour à l'équilibre des finances publiques à l'échéance 2012. Cette programmation reposait sur la double hypothèse d'une stabilisation des prélèvements obligatoires sur la base du taux observé en 2008 et d'une norme de dépense en progression de 1,1 % sur la période – cette norme étant de 0 % en volume pour l'État. Dans ces conditions, le retour à l'équilibre était repoussé de 2010 à 2012.

Quelques mois plus tard, la programmation qui nous est présentée est la même que précédemment, mais décalée. Le point de départ est fortement dégradé : le taux de croissance annuel pour 2008 ne dépassera pas 1 % et celui retenu pour 2009 se situe entre 1 et 1,5 %. La prévision d'un taux de croissance de 2,5 % réapparaît néanmoins à compter de 2010, comme Mme la ministre vient de l'indiquer. C'est donc un retour aux hypothèses antérieures, et l'on peut se poser la question de savoir où se trouve le point de croissance supplémentaire annoncé.

Pour ne pas trop reporter l'échéance, la trajectoire de réduction du déficit est durcie, avec des rythmes de réduction de 0,7 à 0,8 point par an, contre 0,5 à 0,6 dans la programmation précédente. Malgré cet optimisme et ce volontarisme, que rien ne permet d'étayer, ce n'est pas à l'équilibre que nous parviendrions en 2012, mais à un solde négatif des administrations publiques de 0,5 % du PIB et à une dette qui continuerait de dépasser 60 %, comme c'est le cas chaque année depuis 2003. Ainsi, 2009 ne sera pas la première année où nous ne respecterons pas les critères de Maastricht ; s'agissant de l'endettement, nous le dépassons depuis un certain temps déjà !

Mais qu'en est-il réellement, à présent que l'estimation de la croissance pour 2008 est révisée à la baisse – elle n'atteindra pas 1 % – et que celle prévue en 2009 sera elle-même extrêmement faible – de l'ordre de 0,2 %, selon la dernière estimation du FMI –, ce dont le Premier ministre ne semble pas disconvenir ?

Je sais que les prix de l'énergie et des matières premières ont joué un rôle dans les difficultés économiques de 2008, mais ils sont en train de baisser fortement. Je sais également que la crise financière est passée par là, mais elle n'explique pas tout.

En 2007, la situation de nos finances publiques s'était déjà sérieusement dégradée, alors que le taux de croissance était supérieur à 2 %. C'était avant que les conséquences de la crise financière ne se fassent sentir, et la Cour des comptes indique même que notre pays a été à contre-courant de ses partenaires européens. La France avait vu augmenter sa dette cette année-là, et son déficit public était passé de 2,4 à 2,7 % du PIB. Comme le rappelle le rapporteur général, à propos de la loi de programmation, « la situation de tous les États de l'Union européenne qui avaient enregistré un déficit en 2006 a connu une amélioration en 2007, à l'exception du Royaume-Uni et de la Grèce. L'écart des résultats français avec la moyenne des autres pays européens s'est établi à 2,1 points par rapport à l'Union à 27, contre 1,2 en 2006, et à 2,7 points par rapport à la moyenne de la zone euro, contre 1,4 point en 2006. » On ne peut mieux dire que les performances de la France sont aujourd'hui moins bonnes qu'auparavant, comparées à celles des autres pays, soit de la zone euro, soit de l'Union européenne.

À mon sens, tout s'est joué là : un très mauvais tournant a été pris en 2007, et la France ne parvient pas à sortir d'une situation que vous avez créée.

En 2008, le ratio de la dette sur le PIB se dégradera encore pour s'établir à 65,3 %. S'il y a la crise financière, qui peut justifier un assouplissement des critères de Maastricht, il y a surtout les politiques budgétaire et économique qui sont menées et ne sont manifestement pas les bonnes, si j'en juge tant par leurs résultats que par le constat du rapporteur général dans son rapport sur le projet de loi de programmation.

Cela m'amène au projet de loi de finances pour 2009.

Compte tenu du point de départ que j'ai décrit – une situation dégradée en 2007 et qui ne se rétablit pas en 2008 –, les hypothèses retenues pour 2009 doivent être appréciées avec une certaine circonspection – je reconnais, madame la ministre, monsieur le ministre, que vous l'avez vous-mêmes admis – car le contexte est maintenant celui d'une crise économique. Au passage, je voudrais revenir sur ce que vous avez dit, madame Lagarde, concernant les origines de cette crise. Elles sont effectivement à trouver dans l'excès d'opacité et de cupidité, et dans d'autres excès encore, mais il faut aussi reconnaître que la crise a une origine sociale, liée au capitalisme lui-même, à travers la déconnection des salaires par rapport à la productivité…

Debut de section - PermalienPhoto de Didier Migaud

…et la stagnation salariale, qui ont poussé les ménages américains à s'endetter tout à fait imprudemment.

Debut de section - PermalienPhoto de Didier Migaud

Certes, mon cher collègue, mais comme tout est parti de là-bas, il faut en parler pour en tirer toutes les conséquences. En ce qui concerne l'analyse de la crise, il ne faut pas se contenter d'un constat sur la folie financière à laquelle nous avons assisté.

La crise est aussi économique, disais-je : les dernières prévisions de croissance et les récents chiffres du chômage nous le démontrent. Dans ces conditions, si l'on retient un chiffre de croissance plus proche de 0 % que de 1 % en 2009, les prévisions de recettes sont-elles réalistes ? Certes, je suis d'accord avec le rapporteur général lorsqu'il dit qu'il ne faut pas se focaliser sur les hypothèses de croissance, mais leur variation représente tout de même plusieurs milliards. Le taux d'élasticité retenu pour 2008, soit 1,5 %, apparaît optimiste. Je rappelle que si l'élasticité est en moyenne de 1 en longue période, elle a tendance à être inférieure à 1 en période de ralentissement et de croissance en deçà du potentiel.

Dès lors, nous risquons d'enregistrer des pertes de recettes supérieures, monsieur le ministre, aux 5 milliards de recettes déjà reprises dans le premier collectif. Je pense que nous serons malheureusement au-delà d'ici à la fin de l'année, peut-être même dépasserons-nous les 7 milliards d'euros. La dégradation observée en 2008 devrait se traduire par une base 2008 modifiée, ce qui aura nécessairement des répercussions sur les recettes en 2009. Par ailleurs, le taux d'élasticité de 0,8 retenu pour 2009 n'est-il pas encore trop optimiste ? Souvenons-nous qu'en 2003, avec 1,1 % de croissance, l'élasticité avait été de 0 –je me réfère au rapport économique et financier que vous nous avez remis.

Comme l'année dernière, nous nous posons des questions sur les chiffres de la croissance et de l'inflation ; comme l'année dernière, au moment où nous discutons du projet de loi de finances, les hypothèses auxquelles il s'adosse n'ont déjà plus cours. Au total, nous sommes dans le flou puisque le Gouvernement sera bientôt amené à constater qu'il lui faut s'adapter à une nouvelle donne – vous l'avez dit vous-mêmes tout à l'heure, madame la ministre, monsieur le ministre –, et le Parlement se sera prononcé à partir d'un ensemble de données devenues quelque peu obsolètes. La sincérité des lois de finances, nous précise la LOLF – et le Conseil constitutionnel l'a confirmé –, s'apprécie compte tenu des informations disponibles et des prévisions qui peuvent raisonnablement en découler. Le projet qui nous est soumis respecte-t-il le principe de sincérité ? Avec un rebasage par rapport à 2008, une croissance de 0,2 % et un taux d'élasticité de 0 – hypothèses malheureusement vraisemblables –, les moins-values de recettes par rapport à l'estimation du PLF pour 2009 pourraient représenter jusqu'à 8,5 milliards d'euros.

Il me semble que, dans un contexte particulièrement mouvant comme celui que nous allons continuer à connaître dans les temps qui viennent, il conviendrait que le Parlement dispose de plusieurs scénarios qui lui permettent de savoir de quelle manière le Gouvernement entend s'adapter à une situation évolutive. Pour cela, le Gouvernement devrait indiquer, dans le rapport économique, social et financier, comme il le fait dans le programme de stabilité, non seulement les hypothèses qu'il retient pour bâtir son projet, mais aussi deux autres scénarios, en fonction de la variation des grandes données – croissance, inflation –, et les conséquences qu'il en tirerait au niveau budgétaire.

Le rapporteur général a d'ailleurs initié cette démarche dans son rapport, avec des résultats inquiétants : une croissance de 0,5 % en volume en 2009, suivie d'une période de croissance molle en 2010-2011 conduirait à une aggravation du déficit public, qui atteindrait 3 % du PIB dès 2009, et resterait supérieur à 2 % en 2012 ; la dette publique serait bloquée autour de 68 % de PIB. Disposer de plusieurs scénarios me paraît donc nécessaire : je proposerai un amendement tendant à compléter en ce sens le rapport économique, social et financier.

La crise économique est là. La question est donc : la politique du Gouvernement répond-elle à cette crise ? Vous répondez oui, mais il est possible de ne pas partager votre point de vue.

Concernant les aspects financiers de la crise, nous avons, il y a quelques jours, examiné le plan des garanties au secteur financier, plan que vous avez proposé, madame la ministre. J'ai eu l'occasion de dire que la rapidité de la réaction de la France, après quelques atermoiements,…

Debut de section - PermalienPhoto de Frédéric Lefebvre

Quels atermoiements ? N'exagérons rien, monsieur Migaud !

Debut de section - PermalienPhoto de Didier Migaud

…sa capacité à coordonner les plans des États de l'Union européenne, dont le message était pendant longtemps apparu peu clair et peu harmonisé, et les modalités de sauvetage retenues dans notre pays étaient bonnes et utiles, mais qu'il convenait d'être extrêmement attentif à la mise en oeuvre des garanties qui accompagnent ce plan.

Un aspect de la crise n'a pas été toutefois bien éclairci : ses conséquences sur les collectivités territoriales. Pouvez-vous faire le point, madame la ministre, monsieur le ministre, sur leur situation, recenser les cas d'exposition aux risques, le cas échéant aux produits toxiques – on en entend parler, du fait de remontées de la part des collectivités territoriales ? En cas de difficultés financières rencontrées par certaines d'entre elles, quelles propositions pourriez-vous faire ? Entendez-vous donner des consignes à Dexia, dont l'État est maintenant actionnaire ? Ferez-vous des propositions pour améliorer leur mode de gestion active de la dette, compte tenu de l'expérience que nous pouvons en tirer aujourd'hui ?

En ce qui concerne les réformes à moyen terme qu'il faut apporter à la régulation de la sphère financière, la commission des finances apportera sa contribution. Il y a un aspect du problème qui tient à l'existence des paradis fiscaux. Je sais, monsieur le ministre, que, depuis l'affaire du Liechtenstein, vous travaillez sur ce dossier de manière approfondie. Vous avez pris l'initiative, avec le ministre des finances allemand, de relancer les travaux de l'OCDE dans ce domaine. Je crois à votre détermination, et sachez que la commission des finances examinera avec le plus grand intérêt les propositions que vous comptez faire prochainement – j'espère que vous les ferez à l'occasion de l'examen de la loi de finances rectificative – pour nous doter d'un outil performant de lutte contre la fraude fiscale. Ce serait un progrès.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Bapt

Il ne faut pas seulement lutter contre la fraude des RMIstes !

Debut de section - PermalienPhoto de Didier Migaud

S'agissant de la politique économique et budgétaire que vous conduisez, et qui trouve sa traduction dans le projet de loi de finances pour 2009, permettez-nous de ne pas partager votre satisfaction. Nous aurions besoin de mesures à court terme, contracycliques, propres à soutenir la croissance. Mais tout le problème pour la France, dont la faiblesse préexistait à la crise financière et à ses conséquences, est de parvenir à prendre de telles mesures. Depuis un an, il n'a pas été remédié à cette faiblesse, bien au contraire. Vous nous dites, madame la ministre, monsieur le rapporteur général, que notre pays aurait, grâce à une forme de prescience, anticipé le vote de son plan de relance avec la loi TEPA. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Si c'était le cas, cela voudrait dire que, malgré un plan de relance massif, notre pays continuerait à faire moins bien que l'ensemble de la zone euro en 2008,…

Debut de section - PermalienPhoto de Didier Migaud

…alors que d'autres pays, qui n'ont pas voté de tels plans, disposent, eux, des marges de manoeuvre nécessaires.

Debut de section - PermalienPhoto de Didier Migaud

En réalité, les mesures TEPA sont coûteuses, et leurs effets sur la croissance extrêmement réduits.

Debut de section - PermalienPhoto de Didier Migaud

Nous avons un débat depuis plusieurs mois, madame la ministre, sur la pertinence du dispositif d'exonération des heures supplémentaires. Leur nombre a légèrement progressé au deuxième trimestre de 2008 par rapport au premier, et le total sur l'année devrait atteindre 710 millions d'heures, bien proche de l'estimation donnée par la DARES pour 2006 : 700 millions. Il est vraisemblable que, dans les heures supplémentaires actuelles, il y ait une part d'heures jusque-là non déclarées et un effet de substitution aux heures d'intérim. À quelle hauteur, nous ne le savons pas. Mais, en tout état de cause, il n'apparaît pas que le volume d'heures travaillées augmente dans notre pays. Je pense même que c'est le contraire.

Debut de section - PermalienPhoto de Didier Migaud

Au lieu de travailler plus, la France travaille moins, et au lieu de gagner plus, les Français gagnent moins. (« Très juste ! » sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Didier Migaud

Quant au chômage, il augmente. Au total, nous avons une mesure coûteuse, 4 milliards d'euros en 2008, une concentration des gains de pouvoir d'achat sur une petite partie des salariés et un effet d'aubaine pour les entreprises, qui, de toute façon, réagissent en fonction de leurs commandes.

Le même raisonnement s'applique s'agissant de l'élargissement du bouclier fiscal.

Debut de section - PermalienPhoto de Didier Migaud

Nous aurons l'occasion de débattre d'un amendement tendant à préciser sur quels revenus le bouclier fiscal doit s'appliquer. Nous avons en effet constaté qu'il portait sur des revenus déjà minorés du fait d'un certain nombre de déductions fiscales.

Jean-Pierre Gorges. On va la corriger.

Debut de section - PermalienPhoto de Didier Migaud

…et ce le plus rapidement possible. Tout le discours consistant à dire que l'on ne doit pas payer plus de 50 % de ce que l'on gagne suppose que l'on se mette d'accord sur la définition de ce que l'on gagne. Il doit s'agir d'un revenu réel, c'est-à-dire de tout ce qu'un contribuable gagne dans l'année. Dès lors, il ne faut pas appliquer au revenu imposable des minorations sur ce même revenu.

En outre, les diverses réductions d'ISF et les mesures d'exonération de droits de succession, qui coûtent 3 milliards d'euros en 2008, et encore 200 millions d'euros supplémentaires en 2009, ne sont en rien des mesures d'équité puisque, auparavant, 85 % des successions en ligne directe étaient déjà exonérées.

Bref, le paquet fiscal a été financé par le creusement du déficit : le Gouvernement a dépensé de l'argent qu'il n'avait pas.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Bapt

Et ils l'ont placé dans les paradis fiscaux !

Debut de section - PermalienPhoto de Didier Migaud

Le paquet fiscal représente une dizaine de milliards pour l'année 2009. Petit à petit, il prend son rythme de croisière mais n'atteindra pas les fameux 15 milliards…

Debut de section - PermalienPhoto de Didier Migaud

…car certaines mesures ne marchent pas aussi bien que prévu. En outre, le Conseil constitutionnel avait d'une certaine façon minoré la dépense.

Debut de section - PermalienPhoto de Didier Migaud

Ne vous inquiétez pas, monsieur Bouvard, de notre côté, on sait aussi faire des additions et des soustractions.

Le coût du paquet fiscal pose la question des niches fiscales et sociales. Nous aurons ce débat – madame la ministre, monsieur le ministre, vous l'avez confirmé. Le plafonnement global des niches fiscales peut être une réponse à la question de la justice fiscale. Mais tout dépendra du niveau et des modalités du plafond retenu. Je suis prêt à y travailler avec le rapporteur général, dans l'esprit de ce que nous avons réalisé en commun en commission des finances. En revanche, pour le moment, tout reste à faire pour l'évaluation de ces dispositifs et pour savoir les conséquences qu'il conviendrait d'en tirer au regard de l'efficacité de la dépense.

Le blizzard est venu, et voici le Gouvernement fort dépourvu. Nous n'avons pas les marges de manoeuvre dont disposent certains de nos voisins, pourtant eux aussi affectés par la crise. Avec de moindres recettes et une augmentation de la charge de la dette, dans le prolongement de ce qui est constaté en 2008 – moins 5 milliards de recettes et plus 4 milliards de charge de la dette –, un déficit prévisionnel de 52 milliards d'euros, une dette qui atteindrait 66 % du PIB, et une réserve de précaution de 6,3 milliards d'euros en 2009, moins élevée qu'en 2008, une question se pose : comment allez-vous faire ?

Le projet de loi de finances sonne l'heure des renoncements à certains engagements. Vous avez ainsi renoncé, dès 2007, à un engagement présidentiel : la baisse des prélèvements obligatoires de quatre points de PIB. Vous fixez maintenant un objectif de prélèvements constamment maintenu à 43,2 % du PIB jusqu'en 2012. Nous en prenons acte.

Vous avez évoqué, madame la ministre, la revue générale des prélèvements obligatoires. Je l'appelle de mes voeux et je souhaite que nous puissions en débattre. Au-delà des rangs de la gauche, beaucoup considèrent que notre fiscalité est devenue de moins en moins transparente, de plus en plus injuste et de moins en moins efficace. Donc, oui à une remise à plat de notre fiscalité. Peut-être aurons-nous des approches différentes, mais il serait très intéressant de débattre sans tabous de la réforme nécessaire de certains impôts.

Vous semblez renoncer maintenant au redressement de nos comptes publics, et notamment de notre endettement. L'objectif de 2,7 % du PIB pour le déficit public n'est retenu par aucun institut de conjoncture, ni pour 2008 ni pour 2009. En tout état de cause, nous ne reviendrons pas, à l'horizon 2012, en dessous des 60 % d'endettement public retenus dans le cadre de nos engagements européens. D'ailleurs, les comptes de Bercy semblent être bloqués sur le taux de 2,7 % pour le déficit.

Debut de section - PermalienPhoto de Didier Migaud

Peut-être est-ce dû à un petit problème informatique ? Quel que soit le niveau de croissance, nous arrivons toujours à 2,7 %. En 2007, le taux de croissance se situait à 2,2 % et le déficit public à 2,7 %. En 2008, la croissance sera probablement en forte baisse, mais le taux de déficit ne bouge pas : juste 2,7 %, pile poil !

Jean-Pierre Gorges. Quelle est la question ?

Debut de section - PermalienPhoto de Didier Migaud

Pour l'heure, je n'ai pas de réponse, même si je peux comprendre une partie de votre raisonnement. Il semble que les ordinateurs ne permettent pas de dépasser ce cap.

Debut de section - PermalienPhoto de Didier Migaud

Si l'on garde le même niveau de recettes, avec des charges obligatoires qui augmentent et une norme de dépense inchangée, il faudra bien diminuer d'autres postes. La question sera posée. Quelles sont donc les variables d'ajustement d'un budget qui repose sur des hypothèses quelque peu chancelantes – vulnérables, avez-vous dit, monsieur le ministre ? On imagine une baisse des dépenses d'intervention et un tour de vis demandé aux collectivités territoriales.

Debut de section - PermalienPhoto de Didier Migaud

Autre renoncement : vous ne relancerez pas notre appareil de production. Je suis de ceux qui pensent que l'investissement des entreprises pourrait être davantage encouragé et qu'une meilleure politique de l'offre pourrait être conduite.

Jean-Pierre Gorges. Comment ?

Debut de section - PermalienPhoto de Didier Migaud

Je suis de ceux qui n'opposent pas la politique de l'offre à la politique de la demande. Il me semble tout à fait nécessaire de tenir compte des faiblesses de notre appareil de production. Des mesures de soutien à l'investissement privé sont nécessaires.

Debut de section - PermalienPhoto de Didier Migaud

Encore faut-il aider ceux qui en ont besoin et pas ceux dont le pouvoir d'achat est plutôt préservé. Le recul de l'État et surtout de l'investissement public tel qu'il est prévu dans le projet de budget pour 2009 provoquera inévitablement une dégradation de notre compétitivité, alors qu'il est désormais acquis que celle-ci repose sur la capacité d'impulsion et de régulation des pouvoirs publics plutôt que sur l'autorégulation ou la dérégulation.

Ce n'est pas le moment de désengager l'État, de réduire les budgets publics. S'il doit y avoir des mesures contracycliques, c'est aussi à ce niveau qu'elles devraient se situer. Pourquoi ne reconsidérez-vous pas les mesures TEPA ? Pourquoi ne pas utiliser ces sommes autrement ? Comment justifier, par exemple, la non-indexation de la prime pour l'emploi, qui diminuera de 400 millions d'euros les sommes venant soutenir le pouvoir d'achat de l'ensemble des salariés modestes, alors même que l'on consacre beaucoup plus à l'exonération de droits des successions importantes ? On nous annonce un plan emploi.

Debut de section - PermalienPhoto de Didier Migaud

À quoi correspond-il ? Est-il intégré dans ce projet ? Comment est-il ou sera-t-il financé ? Faute de mesures appropriées, comment pouvez-vous évaluer l'évolution du pouvoir d'achat des Français en 2009 à 2 %, alors que tous les conjoncturistes l'établissent à 1 % ? Cela est encore un sujet d'interrogation.

Debut de section - PermalienPhoto de Didier Migaud

Il est à craindre que le résultat ne soit en réalité l'abandon de certains de vos engagements concernant la progression du pouvoir d'achat et de l'emploi, au détriment des conditions de vie de l'ensemble de nos concitoyens.

Au début de votre intervention, monsieur le ministre, vous avez dit que notre politique devait reposer sur la vérité et l'action. Je ne suis pas sûr que les propositions que vous formulez se fondent sur une entière vérité, ni que l'action soit appropriée à la situation de crise que traverse notre pays et bien d'autres.

Pour conclure, vous nous présentez une programmation utile, intéressante, mais dont le contenu laisse sceptiques beaucoup d'observateurs, et un projet de loi de finances préparé avant que la crise actuelle ne lui donne un caractère un peu irréel.

Je souhaite que les débats vous conduisent à répondre aux nombreuses questions que ces deux textes suscitent, et qu'ils conduisent le Parlement à y apporter les corrections souhaitables. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienÉric Woerth, ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique

Je voudrais remercier M. le rapporteur général d'avoir noté la rapidité de la réponse du Gouvernement à la situation de crise dans laquelle nous évoluons, et d'avoir aussi souligné qu'il n'y avait pas de cadeaux dans cette affaire. Il s'agit de savoir non pas si nous faisons des cadeaux à telle ou telle catégorie, mais si nous réagissons avec efficacité, dans le cadre d'une unité européenne et mondiale, en fixant des règles de déontologie de plus en plus fortes, ce qui constituera probablement l'un des grands acquis de cette crise.

Le budget est-il obsolète ? Comme Didier Migaud et tous les journalistes, vous avez posé cette question à plusieurs reprises. Évidemment non, ce budget n'est pas obsolète, caduc ! L'examen du budget ne se résume pas à un débat infini sur le taux de croissance des années 2009 et 2010. Il s'agit plutôt de se demander : les dépenses sont-elles parfaitement calibrées ou pas ? Quelle est la trajectoire des dépenses publiques ? Comment les réduisons-nous ? Quelles preuves apportons-nous de la réduction de ces dépenses publiques ? Quelles réponses fiscales apportons-nous et avec quelle réactivité, si la recette n'atteint pas les montants escomptés ? Voilà finalement les seules questions que nous devons nous poser.

Nous y apportons des réponses très claires dans le projet de budget pour 2009. Comme Gilles Carrez l'a très bien traduit, nous n'hésitons pas à dire que dans un monde aussi mouvant, les certitudes du Gouvernement ne sont pas plus fortes que celles des autres gouvernements de la planète. Là n'est pas la question.

Celle qui se pose est la suivante : à partir du moment où nous élaborons des prévisions de dépenses et de recettes à un an et à trois ans, comment traitons-nous cette incertitude ? En ce qui concerne les dépenses, nous y apportons une réponse très claire. S'agissant des prévisions de recettes, nous indiquons que nous nous adapterons. Christine Lagarde l'a expliqué : si les prévisions de recettes ne correspondent pas à celles attendues, le Gouvernement révisera ses prévisions de croissance en fonction des nouvelles données dont nous disposerons dans quelques semaines, en plein débat budgétaire.

Nous prendrons alors les mesures nécessaires pour adapter les recettes de ce projet de loi de finances pour 2009, de manière précise. Si nous devons les revoir à la baisse – nous disposons de scénarios comparables à ceux qu'a élaborés Gilles Carrez dans son rapport général –, nous le ferons. Il ne s'agit pas d'un sujet tabou, mais nous n'allons pas faire des révisions à la petite semaine, en nous fondant uniquement sur l'avis de tel ou tel économiste. Le budget n'est pas en mark to market : on ne change pas d'avis tous les jours, en fonction de l'évolution des marchés. Nous le ferons au vu de certitudes supplémentaires, mais nous n'hésiterons pas à le faire. Les choses doivent être dites. Nous répondons à la crise de manière très pragmatique, et ce budget ne peut en aucun cas être considéré comme caduc.

Monsieur le rapporteur général, j'ai aussi été sensible à vos propos sur la programmation pluriannuelle des dépenses publiques et des finances publiques au sens large. Ce travail important a été réalisé de la façon la plus sincère possible, et le Parlement peut s'y référer pour exercer son pouvoir de prévision, de contrôle et d'accompagnement du Gouvernement dans cette recherche d'équilibre des finances publiques, objectif que personne ne songe un instant à remettre en cause. Nous nous adoptons aux circonstances. Quand la mer est très forte, le bateau ne peut pas toujours aller droit au port.

Debut de section - PermalienÉric Woerth, ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique

Nous devons faire avec les paquets de mer…

Debut de section - PermalienÉric Woerth, ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique

… tout en gardant le même objectif. Nous voulons parvenir à l'équilibre des finances publiques, et nous y arriverons ! Les circonstances mondiales peuvent nous conduire à modifier tel ou tel paramètre, mais rien n'est changé en ce qui concerne les objectifs ou les délais pour les atteindre.

Nul ne peut connaître les taux de croissance en 2010 et en 2011. Très souvent, des rebonds permettent d'accélérer. Je pense que nous pourrons utiliser un possible rebond, à partir du moment où nous restons très fermes sur la dépense. Si nous étions laxistes sur ce point, alors l'incertitude serait beaucoup plus importante, mais ce n'est pas le cas : nous continuerons à maîtriser la dépense publique.

M. Carrez, j'ai apprécié aussi votre très bonne description de l'utilisation de nos marges de manoeuvre en temps de faible croissance et de reprise de l'inflation. Ces facteurs essentiellement externes nous obligent à maîtriser totalement la dépense publique pour la maintenir au même niveau en euros courants sur l'ensemble de la période.

Enfin, ce budget traduit un souci d'équité fiscale. Nous évoquerons largement le plafonnement global lorsqu'il viendra en discussion, ainsi que d'autres sujets. Dans le registre fiscal, il ne peut y avoir d'efficacité sans équité. Ce que propose le Gouvernement va dans ce sens.

Monsieur le président de la commission des finances, il est frappant de constater que vous ne dites pas grand-chose sur le budget que vous connaissez sans aucun doute sur le bout des doigts ! Vous avez surtout tenté de démontrer que nos hypothèses étaient fausses. On peut en débattre à l'infini de ces hypothèses, surtout dans une période comme celle que nous traversons. Christine Lagarde et moi avons essayé de faire preuve de beaucoup de pragmatisme, chacun dans son domaine. À l'époque où le parti socialiste était au pouvoir, j'aurais aimé qu'il fasse preuve du même pragmatisme. Il me semble me souvenir que le budget 1993 a été voté dans des circonstances très étonnantes.

Debut de section - PermalienÉric Woerth, ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique

L'hypothèse de croissance retenue lors du vote du budget était de 2,6 %, pour une croissance constatée de moins 0,8 % !

Debut de section - PermalienÉric Woerth, ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique

À l'époque, vous aviez plus de pudeur à attaquer les hypothèses ! Dans le PLF pour 2002, l'hypothèse de croissance était de 2,1 % et la croissance réelle de 1 %. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Je ne dis pas que vous aviez tort…

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Sapin

À chaque fois que vous arrivez au pouvoir, vous faites tomber la croissance !

Debut de section - PermalienÉric Woerth, ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique

Vous nous avez légué un projet de loi de finances que nous avons essayé d'améliorer,…

Debut de section - PermalienÉric Woerth, ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique

…mais la situation était un peu différente. Vous ne vous êtes pas posé ces questions lorsque vous avez voté ces différents PLF en prenant en compte ces différentes hypothèses. L'écart est très important ! Je ne vous jette pas la pierre, car la prévision est un art très difficile. Cependant, pendant ces années marquées aussi par une incertitude économique importante, vous n'avez franchement pas brillé par la justesse de vos prévisions !

Vous n'avez pas non plus eu notre prudence, puisque nous n'avons pas hésité à dire que nous adapterions avec pragmatisme le projet de loi de finances pour 2009 en cours de discussion, dès que les prévisions pourront être mieux construites et mieux scénarisées.

Je voudrais également dire au président de la commission des finances que nous votons un budget, et non des scénarios. Nous ne sommes pas dans un débat d'orientation budgétaire. Je vous appelle à voter sur un budget qui s'articule autour de dépenses, de missions et de recettes précisément définies. Reste que, pour établir le niveau définitif de ces dernières, nous ferons preuve, je le répète, de pragmatisme.

Vous nous avez fait part de votre satisfaction sur la programmation. En effet, vous la souhaitiez et nous l'avons établie de la manière la plus sérieuse possible.

Les prévisions de recettes fiscales pour 2008 doivent, elles aussi, être envisagées avec pragmatisme. Nous avions annoncé dès le mois de juin cinq milliards en moins. Je n'ai pas encore d'éléments aujourd'hui pour affirmer que la moins-value sera plus importante et j'ignore encore à combien s'élèveront les recettes de l'impôt sur les sociétés pour le mois de décembre, pas plus que je ne sais ce que nous pouvons attendre de la TVA dans les derniers mois de l'année. Je reste donc prudent. Quoi qu'il en soit, l'exécution budgétaire ne sera pas rectifiée et, si nous perdons plus de cinq milliards de recettes, cela se soldera par un déficit plus important. Nous vivons dans un monde extraordinairement changeant et sommes obligés d'en tenir compte. J'espère toutefois que nous pourrons limiter à cinq milliards le niveau de déficit en termes de recettes fiscales.

Quant à la sincérité, elle est au coeur de ce budget bâti en fonction des informations et des prévisions disponibles.

Vous m'avez également interpellé sur le niveau du déficit public. Les ordinateurs de Bercy ne sont pas bloqués à 2,7 %, pas plus que nous ne sommes fascinés par ce chiffre !

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Bouvard

Attendez le rapport sur les systèmes d'information !

Debut de section - PermalienÉric Woerth, ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique

Il me semble que nous avons justifié ce chiffre. Il est vrai qu'une perte de recettes fiscales supérieure à cinq milliards d'euros pourrait nous mettre en difficulté, mais si ce n'est pas le cas, si les dépenses de la sécurité sociale sont stables, comme c'est le cas aujourd'hui, et si enfin, contrairement à l'année dernière, les collectivités locales nous réservent de bonnes surprises, nous devons pouvoir maintenir le déficit public aux alentours de 2,7 %. C'est en tout cas à ce chiffre que nous conduisent nos hypothèses pour 2009, avec 1 % de croissance de la dépense publique en volume et 1 % de croissance du PIB. Les choses sont claires.

Debut de section - PermalienÉric Woerth, ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique

Ces 2,7 % ne constituent nullement un objectif, monsieur le président de la commission des finances ; ils représentent un constat qui nous pousse, dans une période aussi difficile que celle que nous vivons, à stabiliser l'état des finances publiques et à ne pas les dégrader.

Pour ce qui concerne notre politique, elle n'est ni cyclique ni contracyclique. Nous laissons à la dépense publique la possibilité de jouer son rôle, dans des limites justifiées par le très haut niveau qu'elle atteint déjà dans notre pays. La dépense publique doit donc continuer de croître, mais dans une moindre mesure qu'auparavant, et ce n'est pas cette crise qui nous enseigne le contraire.

Je ne suis pas d'accord avec vous quand vous parlez de recul de l'investissement public : c'est exactement le contraire. Les dépenses militaires, réparties différemment, sont en augmentation, comme les dépenses d'infrastructures. L'AFIFT est aujourd'hui dotée et va continuer à développer ses investissements en infrastructures. En aucun cas la dépense d'investissement ne chute dans le projet de budget pour 2009.

Je dirai, pour conclure, que la croissance n'est pas la seule variable intervenant dans la construction d'un budget. La masse salariale et la dépense entrent aussi en ligne de compte, mais vous savez cela parfaitement. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienChristine Lagarde, ministre de l'économie, de l'industrie et l'emploi

Je compléterai par quelques éléments les excellentes réponses que vous a données Éric Woerth.

Monsieur le rapporteur général, vous avez suggéré que l'ensemble des produits résultant de la cession des prises de participation par l'État via la SPPE dans les établissements bancaires puisse être affecté au désendettement. C'est en effet possible et cela correspondrait à l'engagement qu'a pris l'État depuis 2007. Dès lors que des participations de l'État sont cédées, elles sont naturellement et automatiquement affectées au remboursement de la dette, à l'exception de la prise de participation cédée dans EDF, qui a été affectée au programme Campus pour nos universités, ce qui est une autres façon d'investir dans l'avenir de nos enfants.

Debut de section - PermalienChristine Lagarde, ministre de l'économie, de l'industrie et l'emploi

C'est donc une bonne proposition. Elle peut être mise en oeuvre par le biais de la cession par la SPPE des titres participatifs qu'elle détiendra et qui, après remboursement de la somme qu'elle a empruntée pour acquérir ces titres participatifs, fera remonter, par le paiement de dividendes au bénéfice de l'État, les sommes ainsi obtenues. Le mécanisme pourra s'appliquer au produit de la cession des actifs – les titres participatifs – et au produit de tous les revenus de ces actifs.

Merci, monsieur le rapporteur général, de vos appréciations sur les prévisions de croissance et sur la faculté que nous nous réservons, dès lors que des informations complémentaires seront disponibles, de les réviser pour être responsables. Merci également d'avoir noté le souci d'équité fiscale qui nous anime lorsque nous proposons le plafonnement des niches fiscales. Ce principe a reçu le soutien de l'ensemble de la majorité.

Debut de section - PermalienChristine Lagarde, ministre de l'économie, de l'industrie et l'emploi

Il a été évoqué à de nombreuses reprises, et ce PLF nous offre une bonne occasion de le mettre en pratique.

Monsieur le président de la commission des finances, vous m'avez demandé s'il serait possible de vous fournir des éléments d'appréciation sur l'exposition au risque des collectivités locales. Vous avez raison car, à l'occasion de sa prise de participation dans Dexia, l'État a pris connaissance d'éléments nous permettant de penser que les collectivités locales ont parfois utilisé leur capacité de financement pour investir dans des produits structurés. Dès lors que nous serons en possession d'informations fiables, nous ne manquerons pas de les communiquer à la représentation nationale.

Je reviens sur une vieille querelle que nous avons, vous et moi, sur les heures supplémentaires. Je vous avez indiqué, lors de l'examen par l'Assemblée de la loi du 21 août 2007, que nous avions retenu le chiffre de 900 millions d'heures supplémentaires en nous fondant sur le nombre d'heures effectuées dans les entreprises de plus de dix salariés et en extrapolant aux entreprises de moins de dix salariés. J'admets aujourd'hui qu'il aurait mieux valu tabler sur 700 millions d'heures mais, cette erreur reconnue, je reste en profond désaccord avec vous sur l'appréciation de la réussite de cette mesure. La détaxation des heures supplémentaires, dont je rappelle qu'elle ne coûte que 4,3 milliards d'euros pour l'année 2008, est un véritable succès. Je ne crois donc pas qu'on puisse la vouer aux gémonies et considérer qu'elle est finalement peu utile pour l'économie française.

Je citerai simplement deux chiffres. Le rapport entre le deuxième trimestre 2008 et le deuxième trimestre 2007 montre une progression de 34 % des heures supplémentaires ; la progression d'un trimestre sur l'autre – soit T2 sur T1 – s'élève à 6 %. Cette progression importante est due aux exonérations sociales et fiscales que nous avons mises en oeuvre avec succès, alors même que notre économie subissait déjà les premiers effets d'une crise qui a débuté en août 2007, mais qui a connu une apogée tragique le 15 septembre 2008, date à laquelle la banque Lehman Brothers a fait faillite.

Aussi ne puis-je être qu'en désaccord avec vous, d'autant que cette mesure, qui fonctionne et continuera de fonctionner, reflète la reconnaissance et la réhabilitation du travail, qui sont au coeur de notre programme économique.

Debut de section - PermalienChristine Lagarde, ministre de l'économie, de l'industrie et l'emploi

Vous appelez de vos voeux la poursuite de la RGPO. Outre les débats que nous aurons dans le cadre du PLF, j'espère, moi aussi, que nous nous retrouverons pendant l'année 2009 pour évoquer l'ensemble de ces réformes, notamment celle de la taxe professionnelle, et réfléchir aux mouvements de déconcentration et de reconcentration des compétences au niveau territorial.

Vous me dites que notre prévision d'une croissance du PIB de 2,5 % en 2010 est douteuse. Là encore, je demande le bénéfice du doute. Pour ma part, je ne la juge pas déraisonnable dans la mesure où la théorie des cycles économiques nous enseigne qu'après une période de croissance très faible il n'est pas totalement inhabituel qu'une économie atteigne le maximum de son potentiel de croissance. J'espère voir la croissance redémarrer dans le courant de l'année 2009 et ne juge donc pas cette prévision incohérente.

Vous soupçonnez les compteurs de Bercy de s'être bloqués sur 2,7 % de déficit public. Nous étions à 2,4 % en 2006 et prévoyons 2 % pour 2010, preuve que rien n'est bloqué, ce qui est assez rassurant pour nos systèmes d'information !

Vous nous interrogez enfin sur une éventuelle relance. Qu'il nous soit donné acte de ce que, même si nous n'avons pas été de parfaits augures, les mesures que nous avons mises en place en août 2007 avec la loi sur le travail, l'emploi et le pouvoir d'achat, en injectant un peu plus de sept milliards d'euros dans l'économie en 2008, ont eu un effet de relance en augmentant le pouvoir d'achat de nos concitoyens.

Debut de section - PermalienChristine Lagarde, ministre de l'économie, de l'industrie et l'emploi

Vous pouvez ne pas être d'accord avec les mesures que nous avons prises en faveur du travail, pour réduire les droits de succession et instaurer un crédit d'impôt sur les intérêts d'emprunt, il n'empêche qu'elles alimentent l'économie en pouvoir d'achat supplémentaire.

J'ajoute que 22 milliards d'euros ont été affectés au financement des petites et moyennes entreprises. C'est là l'un des grands axes de notre politique de soutien à l'économie, avec le rachat des 30 000 logements en état futur d'achèvement, dont il est impératif qu'ils viennent alimenter le marché pour relancer le secteur du bâtiment et du logement en général.

Enfin, vous appelez de vos voeux un certain nombre changements. Nous partageons ce souci de changement, notamment pour ce qui est de la refonte du capitalisme. Il nous faudra réfléchir ensemble à la rémunération des opérateurs, dans le secteur financier comme dans d'autres secteurs, pour faire coïncider la performance, le mérite, et le résultat, c'est-à-dire la rémunération. En revanche, les mécanismes qui consistent, par des effets de cliquet, à assurer des rémunérations maximales à des gens qui prennent un minimum de risques ou les repassent à d'autres comme on repasse un mistigri, devront être réexaminés. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Vautrin

J'ai reçu de M. Jean-Marc Ayrault et des membres du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche une exception d'irrecevabilité déposée en application de l'article 91, alinéa 4, du règlement, sur le projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2009 à 2012.

La parole est à M. Pierre-Alain Muet, pour une durée ne pouvant excéder trente minutes.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre-Alain Muet

Madame la ministre, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission des finances, monsieur le rapporteur général, mes chers collègues, cette exception d'irrecevabilité porte sur la loi de programmation des finances publiques. Depuis que la France a laissé se creuser ses déficits, c'est-à-dire depuis 2002, l'exercice rituel de programmation pluriannuelle des finances publiques consiste en gros à programmer, pour les quatre années à venir, une réduction d'un demi-point par an du déficit et, en réalité, à le laisser dériver. Je me suis d'ailleurs demandé pourquoi vous aviez pris comme hypothèse, depuis 2002, ce demi-point annuel de réduction du déficit, avant de me souvenir que, de 1997 à 2001, le déficit des finances publiques s'était réduit d'un demi-point par an. Mais c'était sous une autre majorité.

Au mois de décembre 2002, vous présentiez une programmation pluriannuelle selon laquelle, partant de 3 %, le déficit devait passer à 1 % en 2006. En 2003, il avait dérivé : partant de 4 %, il devait revenir à 1,5 % en 2007 ; en 2004, il était encore excessif : partant de 3,5 %, il devait être ramené à 1 % en 2008. La réalité, c'est que le déficit est toujours resté au voisinage du déficit excessif.

En regardant ces chiffres, un observateur attentif pourrait s'imaginer que la France a connu, dans cette période-là, une situation très particulière, due à une conjoncture mondiale particulièrement mauvaise. Il est vrai que la conjoncture mondiale n'était bonne ni en 2001 ni en 2002 ; il est vrai qu'elle est mauvaise en 2008 et le sera aussi en 2009. Mais il faut rappeler qu'en 2003, 2004, 2005, 2006 et 2007, la croissance mondiale a été exceptionnelle, sans précédent au cours des vingt-cinq dernières années, et pendant cette période, non seulement la France est restée à l'écart de cette croissance, mais elle est restée au voisinage du déficit excessif.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre-Alain Muet

Et non seulement la croissance mondiale était forte, mais la croissance européenne l'était aussi : elle atteignait presque 3 % en 2006 et en 2007. Pourtant, la France est restée à l'écart ; et alors que tous les pays européens ont réduit leur déficit au cours de ces deux années de croissance, la France a laissé le sien se dégrader : M. le rapporteur général l'a si bien dit, à sa façon bien sûr, qu'il n'est pas nécessaire d'y insister.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre-Alain Muet

Effectivement !

Si la récession se prolonge – car notre pays est malheureusement déjà en récession – nous risquons de connaître à nouveau, pendant plusieurs années, une situation de déficit excessif et d'augmentation de la dette. Ce serait un scénario bien différent de celui présenté ici, dans cet exercice rituel.

Vous prévoyez une réduction du déficit en faisant l'hypothèse d'une croissance de 2,5 % par an de 2010 à 2012. Or, j'observe que cette croissance, aucun gouvernement de droite depuis vingt-cinq ans n'a réussi à l'atteindre. Peut-être réussirez-vous enfin ! Mais pour l'instant, il faut remonter vingt ans en arrière pour retrouver une telle croissance sous un gouvernement de droite.

Nous avons dit lors du débat constitutionnel qu'inscrire la nécessité d'un exercice de programmation budgétaire dans la Constitution ne garantissait pas sa réalisation. Si l'on se tourne vers le passé, cela me paraît malheureusement assez vrai. Une vraie stratégie de finances publiques exige en effet non seulement une volonté politique de réduction des déficits, mais aussi une stratégie macroéconomique sur laquelle s'appuyer. Or, si j'en juge par les six années et demie que j'ai mentionnées, où votre majorité était au pouvoir, ou bien par les dix-huit premiers mois de ce Gouvernement, il me semble que l'une et l'autre vous font défaut.

Cet exercice glissant tous les ans, fondé sur une stratégie macroéconomique elle-même glissante tous les ans – glissante à tous les sens du terme ! – ne me paraît guère efficace. Pour avoir un sens, cet exercice de programmation pluriannuel devrait se faire à un moment précis : au moment où un Gouvernement arrive au pouvoir. On suivrait ainsi l'exemple des collectivités locales, qui élaborent un plan de mandat et décrivent une situation des finances publiques pour les cinq années suivantes. Si les gouvernements s'astreignaient à une telle discipline au moment où un Premier ministre présente les grandes orientations de sa politique économique, c'est-à-dire lors de son discours de politique générale, si les gouvernements présentaient à ce moment-là une loi de programmation des finances publiques, alors on connaîtrait la stratégie du Gouvernement.

Les exercices des années suivantes ne consisteraient plus alors à décaler dans le temps des promesses de réduction des déficits – des promesses jamais tenues, comme cela apparaît très bien dans les graphique du rapport de M. le rapporteur général. Ils consisteraient au contraire à expliquer pourquoi la conjoncture a conduit le Gouvernement, le cas échéant, à changer ses choix à court terme, et ce qu'il entend faire pour revenir à la trajectoire initialement prévue – exactement comme les collectivités locales sérieuses, c'est-à-dire la plupart, le font lors d'un plan de mandat.

Je pense donc que cet exercice de stratégie à moyen terme, auquel la France se livrait autrefois lors des plans indicatifs et qu'un rapport du député de Gaulle avait préconisé de remettre au goût du jour, serait un exercice utile s'il se faisait au début d'un mandat. Les exercices successifs de programmation budgétaire à moyen terme prendraient alors tout leur sens : il s'agirait de réfléchir à la meilleure façon de revenir à la stratégie dessinée dans un plan de mandat, et non de décaler toujours dans le futur des réductions de déficit que vous n'avez jamais réussi à réaliser.

Mais il est vrai qu'il eût fallu commencer par vous donner une stratégie cohérente et adaptée à la conjoncture. Je ne reviens pas, encore une fois, sur ce mois de juillet 2007, où nous avons expédié en deux heures un débat sur la situation économique, et où nous avons, sans aucune analyse macroéconomique, vu voter un paquet fiscal qui se montait à 15 milliards : ce n'était pas une peccadille ! Cela aurait mérité un débat plus approfondi.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre-Alain Muet

Je voudrais revenir sur la situation internationale, avant de parler de la situation française.

La crise financière longuement évoquée par Mme Lagarde n'est pas un accident de parcours. Ce n'est pas non plus la crise d'un capitalisme qui aurait été perverti par quelques opérateurs financiers irresponsables qu'il suffirait de punir pour retrouver un capitalisme d'entrepreneurs. C'est la crise d'une mondialisation libérale qui plonge ses racines idéologiques dans la révolution conservatrice des années Reagan et Thatcher, il y a près d'une vingtaine d'années, et qui a consisté à déréguler et à déréglementer tous les marchés.

Cette crise financière n'est finalement que la partie la plus visible d'une crise plus profonde. Comment oublier la crise alimentaire que le monde a connu et qui est, elle aussi, la conséquence directe de cette dérégulation, de cet envahissement de la production agricole des pays en voie de développement par un marché mondialisé et incontrôlé ?

Les crises financières sont pratiquement aussi anciennes que le capitalisme : il y en a tous les dix ans. Leurs origines sont toujours différentes : la dernière est née du marché hypothécaire, la précédente de l'internet, la précédente encore du marché immobilier – déjà ! Mais pendant longtemps, ces crises financières ne se traduisaient pas par des crises bancaires : c'était au temps où prévalait le système de Bretton Woods. Pourquoi ?

Après la grave crise de 1929, le président Roosevelt a décidé, pour éviter que des crises bancaires ne se reproduisent, de séparer complètement les banques de dépôt et les banques d'investissement, ou d'affaires – jusque là, les banques étaient universelles. L'idée était simple : puisque les banques de dépôt gèrent les dépôts de particuliers, elles ont une mission de service public ; il est donc nécessaire de les réguler, et de surcroît l'État peut s'engager à les défendre en cas de risque de faillite. Les banques d'investissement n'ont pas, elles, de mission de service public : leur cas est donc différent.

La plupart des pays ont reproduit ce modèle. Pendant toute la période d'application du système de Bretton Woods, on a su réguler le secteur bancaire à l'échelle nationale et maîtriser les mouvements de capitaux : ce n'est pas l'univers que nous connaissons depuis la libéralisation financière ! Pendant cette période, des crises de changes, des crises financières se sont produites, mais il n'y a pas eu de crise bancaire.

Nous devrions nous pencher sur cette situation, car si nous voulons vraiment revenir à une situation de maîtrise de la finance internationale, ce sont non pas des petites réformes, mais de grandes réformes qu'il faut engager. Ce marché financier dérégulé a notamment vu apparaître une titrisation complètement irresponsable, consistant à mettre dans des paquets financiers des crédits accordés par des banques sans en connaître exactement la valeur, puisqu'on mélangeait des crédits solides avec d'autres, qui l'étaient beaucoup moins. Cette multiplication des instruments a fait disparaître, au cours des dix ou quinze dernières années, tout ce qui faisait la force de la régulation financière.

Face aux risques d'effondrement du système, tous les pays ont dû mettre en place des mesures rares – je pense notamment à l'intervention des États sur le marché interbancaire. En général, les crises de liquidités étaient résolues par les banques ; pour la première fois, les États sont intervenus. C'était nécessaire, car les banques n'arrivaient plus à résoudre la crise de confiance. Mais cela doit nous conduire à mettre en place une véritable régulation internationale.

Cette régulation devra d'abord élargir le périmètre des institutions soumises à la réglementation bancaire. Il est aisé de noter que ce sont toujours des institutions non régulées, souvent non bancaires, qui ont été à l'origine des dernières crises bancaires. Ce n'est pas le cas en France, où toute institution qui accorde des crédits est régulée comme une banque, mais c'est le cas dans la plupart des pays, y compris aux Etats-Unis – et je ne parle même pas des paradis fiscaux.

Il faudra aussi changer les normes – c'est en cours de discussion – et appliquer complètement les accords dits « Bâle II », afin d'éviter que les crédits titrisés n'échappent au bilan des banques. Il faudra encore agir sur les agences de notation. Mais la réforme la plus fondamentale, la plus difficile à mettre en oeuvre, celle à laquelle il faut vraiment réfléchir, et pour laquelle il faudra le courage qu'avait eu en son temps le président Roosevelt,…

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre-Alain Muet

…c'est de faire en sorte que l'institution qui accorde un crédit le supporte. Le jeu de domino que l'on a observé au cours de cette crise financière vient du fait que celui qui accorde un crédit s'en défausse ensuite par la titrisation : plus personne ne sait alors où se situe le risque.

Une réflexion profonde doit être menée sur le rôle des banques de dépôt. Leur rôle n'est pas de spéculer sur les marchés en se retournant vers l'État, c'est-à-dire vers le contribuable, quand tout va mal. C'est au contraire de gérer des dépôts et de financer sur le long terme l'investissement des entreprises et des ménages ; il s'agit d'une vraie mission de service public, qui doit être garantie par l'État.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre-Alain Muet

Cela suppose que l'État soit présent, notamment lorsqu'il a recapitalisé ces banques, et donc qu'il y conserve des participations.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre-Alain Muet

Cela suppose enfin que l'on réfléchisse à la façon dont, aujourd'hui, on pourrait séparer des banques dont le rôle est de spéculer et d'autres banques, qui doivent à la fois garantir les dépôts et financer l'économie. Et si je fais référence à Roosevelt, c'est que les réflexions que j'entends ne me semblent en rien à la hauteur des enjeux de cette crise financière.

Quant aux conséquences sur l'économie réelle, disons d'abord que M. le Premier ministre, François Fillon, souvent prompt à donner des leçons,…

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre-Alain Muet

…peut se féliciter de ce que des responsables politiques clairvoyants, comme François Mitterrand et Jacques Delors, aient porté en leur temps l'Union monétaire. Car sans l'Union monétaire, il y a longtemps que la France, dont le déficit extérieur se monte à près de 50 milliards, aurait connu une crise de change majeure, avant même la crise financière.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre-Alain Muet

Mais pour qu'une économie résiste aux conséquences d'une crise financière, encore faut-il que les moteurs internes de la croissance soient allumés. Or, ils ne le sont pas.

La crise de confiance et de croissance que connaît notre économie est bien antérieure aux effets de la crise financière. La récession est là depuis le début de l'année, à peu de chose près : le produit intérieur brut baisse depuis le mois de mars, mais quand on regarde le détail de la croissance française, on voit que la consommation des ménages baisse, elle, depuis le début de l'année. Et si la France a échappé, au premier trimestre, à une croissance négative du PIB, c'est parce que la croissance allemande a été suffisamment forte pour tirer, l'espace d'un trimestre, la croissance européenne.

Mais les conditions internes de la croissance ne sont pas réunies en France. Le pouvoir d'achat baisse depuis le début de l'année, de même que la consommation. Et sans pouvoir d'achat, sans augmentation de l'emploi, il n'y a pas de moteur de croissance interne.

Nous ne sommes pourtant pas impuissants face à une crise financière. Nous en avons déjà connu une, moins grave il est vrai, en 1998. Partie d'Asie, elle s'est transmise à la plupart des pays, y compris les pays européens qui ont alors connu un ralentissement de leur croissance. Eh bien, si vous regardez les chiffres de l'année 1998, la France a conservé 3,4 % de croissance – et pas une croissance négative, ou voisine de zéro. Pourquoi ? Tout simplement parce qu'elle créait à l'époque 400 000 emplois par an, grâce à une politique active de l'emploi, parce que le pouvoir d'achat augmentait de plus de 3 % par an – c'était le pouvoir d'achat du revenu des ménages – et parce que l'investissement augmentait de 4 % par an. Autrement dit, les moteurs internes de croissance, tant du côté de l'offre que du côté de la demande, étaient allumés.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicolas Perruchot

Vous avez aussi bénéficié de la croissance américaine !

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre-Alain Muet

Ce qui vous manque aujourd'hui, monsieur le ministre, c'est une politique qui permette à la demande interne et à l'investissement d'augmenter.

Il y a urgence à changer de politique et cela m'amène à dire un mot du projet de budget pour 2009.

Le président de la commission des finances l'a rappelé, ce projet de budget a été élaboré bien avant que la crise financière ne prenne de l'ampleur, à une époque où Mme la ministre disait encore que la France serait épargnée. Mais nous savions déjà, sans même connaître les chiffres du deuxième trimestre qui révélaient une baisse de la croissance, que la croissance interne française était faible.

Ce qui est grave, c'est que nous sommes déjà dans une situation de récession alors que la crise financière va provoquer un fort ralentissement de la croissance économique. Dans un tel contexte, présenter un budget récessif, un budget d'austérité, est totalement inadapté. J'entends bien que, selon vous, monsieur le ministre, ce budget n'est pas un budget récessif parce que vous n'augmentez pas les prélèvements obligatoires. Mais vous savez fort bien que, même si on laisse jouer les stabilisateurs économiques, comme le disait Mme la ministre, quand on réalise des coupes sombres dans les dépenses…

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre-Alain Muet

Vous savez bien que le fait de réaliser des coupes aussi fortes dans les dépenses a un impact récessif. Tous les modèles utilisés par votre ministère le montrent, et les étudiants en sciences économiques le savent : une réduction des dépenses a un effet récessif beaucoup plus rapide qu'une augmentation des prélèvements. Vous ne pouvez pas prétendre qu'il n'y aura pas d'effet récessif parce que vous n'augmentez pas les prélèvements.

Votre budget est clairement inadapté à la situation économique. En période de récession, il est par exemple déraisonnable de couper les crédits au logement et à la rénovation urbaine. Ces dépenses non seulement sont nécessaires pour nos collectivités locales, mais elles contribuent à l'activité du secteur du bâtiment. De même, je crois me souvenir que, pendant la campagne de l'élection présidentielle, les trois principaux candidats avaient fait de l'éducation et de la recherche une priorité. Or, ce budget sacrifie l'éducation, sous prétexte de réduire les déficits des finances publiques. D'ailleurs, toutes les études portant sur les périodes d'austérité budgétaire dans le passé en France montrent que les effectifs qui supportent les périodes d'austérité budgétaire concernent toujours l'éducation. C'est absurde parce que cette évolution est compensée dans les périodes de vaches grasses et que si un secteur devrait bénéficier d'une véritable programmation en matière de finances publiques et d'effectifs, c'est bien l'éducation. Or tous les cycles économiques se retrouvent dans les effectifs de l'éducation nationale. Je trouve cela dramatique. Alors que l'on dit qu'il faudrait muscler notre économie, aller vers une économie du savoir, faire de l'éducation la priorité des politiques économiques, vous faites clairement un autre choix.

Le coup de frein aux politiques de l'emploi que nous constatons dans ce projet de budget pour 2009 est également un contresens au moment où l'emploi recule. Il est vrai que vous êtes des experts du contresens, on l'a vu avec le paquet fiscal. L'usine à gaz des heures supplémentaires n'aura eu pour seul effet que de substituer des heures supplémentaires à l'emploi. C'est une belle performance que d'arriver à faire croître les heures supplémentaires quand l'emploi baisse ! C'est une belle performance que de dépenser des milliards pour un effet nul sur le pouvoir d'achat global de la masse salariale !

Debut de section - PermalienPhoto de Pascal Clément

Les trente-cinq heures, ce n'était pas mal non plus !

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Carayon

De toute façon, vous avez déjà payé devant les électeurs !

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre-Alain Muet

Les 400 000 emplois que vous pensez avoir créés chaque année sont à comparer aux 2 millions créés de 1997 à 2002. Tous n'étaient peut-être pas dus aux trente-cinq heures, mais il ne faut pas avoir une vision trop caricaturale de la réalité économique.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Brard

Vous ne vous rappelez plus ? Vous êtes atteint par la maladie d'Alzheimer.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre-Alain Muet

Dépenser des milliards pour finalement obtenir un effet nul sur le pouvoir d'achat de la masse salariale, c'est faire preuve d'une totale inefficacité. Pourtant, vous ne pouviez pas ignorer ce résultat. Je me souviens en effet que lorsque Nicolas Sarkozy, alors ministre des finances, avait demandé à ses services de Bercy d'étudier cette mesure, ceux-ci lui avaient dit qu'elle aurait un coût exorbitant pour un effet nul sur le pouvoir d'achat – mais pas nul malheureusement sur les finances publiques.

L'exonération des droits de succession et le bouclier fiscal n'ont pas plus prouvé leur efficacité économique, Didier Migaud l'a montré. Dans le même temps, la prime pour l'emploi et le SMIC n'ont connu aucune augmentation et le pouvoir d'achat du revenu des ménages diminue. Il ne faut pas s'étonner dans ces conditions que, depuis un an, la confiance de nos concitoyens se soit effondrée.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre-Alain Muet

Et ce mouvement est bien antérieur à la crise financière.

Monsieur le ministre, monsieur le rapporteur général, faites preuve de courage, remettez en cause votre politique, revenez sur le paquet fiscal et redéfinissez une politique économique qui soit adaptée à notre situation et qui joue à la fois sur l'offre et sur la demande !

Vous parlez beaucoup de réforme, mais quand vous prenez des mesures comme le revenu de solidarité active ou des baisses d'impôt pour les revenus les plus élevés, vous ne vous posez jamais la question de savoir quelle réforme devrait être faite en France en matière d'imposition sur le revenu. La France met en oeuvre deux impôts sur le revenu : la CSG, qui est proportionnelle, et l'impôt sur le revenu, qui est progressif. Certes, la somme de ces deux impôts correspond à peu près à l'impôt sur le revenu que recueillent tous les autres pays européens, mais la différence, c'est que la progressivité ne joue, en France, que pour la moitié, pour l'impôt sur le revenu.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre-Alain Muet

Nous avions voulu rendre la CSG progressive, mais nous n'avons pas pu le faire. Nous avons alors inventé la prime pour l'emploi.

Une des conséquences de cette situation s'observe quand on passe de l'inactivité à l'activité : les dispositifs de prélèvements et de subventions font qu'on n'y gagne pas beaucoup, parfois on y perdait même. Ce constat nous avait conduits à mettre en place la prime pour l'emploi et est à l'origine du projet de RSA.

Si vous voulez conduire une politique cohérente, il faut prendre en compte ces trois objectifs : retrouver une fiscalité progressive et cohérente sur l'ensemble de l'imposition des revenus, résoudre le problème des niches fiscales qui « mitent » – je reprends votre expression, monsieur le ministre – l'impôt sur le revenu, et intégrer le RSA dans une fiscalité cohérente. Pour cela, il faut réunir l'ensemble de ces prélèvements dans ce que Didier Migaud et les socialistes appellent un grand impôt citoyen sur le revenu qui pourrait être ou familialisé ou individualisé, ma préférence allant à un impôt individualisé.

Debut de section - PermalienPhoto de Pascal Clément

C'est bien d'utiliser le mot « citoyen » pour faire passer la pilule !

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre-Alain Muet

Cet impôt pourrait par ailleurs être prélevé à la source, cela permettrait de résoudre un grand nombre des difficultés qui se posent encore avec la prime pour l'emploi ou que vous allez rencontrer avec le RSA. Cette réforme que nous proposons depuis toujours serait une grande réforme.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre-Alain Muet

Nous n'avions pas tous les éléments ! Nous avons mis en place la prime pour l'emploi, c'était un premier pas.

Notre économie souffre également d'un investissement trop faible alors même que nous disposons d'une épargne considérable. Pour résoudre ce problème, il faut, comme nous le demandons, moduler le taux de l'impôt sur les sociétés en abaissant l'impôt pour les bénéfices qui sont réinvestis et en augmentant le taux pour ceux qui sont distribués. Cela permettrait également de rééquilibrer les revenus du capital et les revenus du travail – on connaît le déséquilibre qui s'est creusé dans ce domaine depuis une dizaine d'années.

Bref, c'est une autre réforme fiscale que nous vous proposons, qui permettrait, la première mesure jouant sur la demande, le seconde sur l'offre, de mener une politique économique cohérente.

Je voudrais, pour terminer, évoquer le budget des collectivités locales. Désindexer les dotations aux collectivités locales me paraît proprement scandaleux, pour la simple raison que, contrairement à l'État, les collectivités locales n'utilisent jamais la dette pour financer des dépenses courantes.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre-Alain Muet

Or, depuis des années, le budget de l'État finance non seulement des dépenses d'investissement, mais également des dépenses courantes par le déficit. Les collectivités locales ne l'ont jamais fait puisqu'elles n'ont pas le droit de le faire.

Je trouve profondément choquant qu'à un moment où la France est malheureusement proche du déficit excessif, et l'a été pendant presque cinq ans, vous fassiez porter l'effort de rigueur que devrait faire l'État sur les collectivités locales, alors que celles-ci n'ont rien à se reprocher du point de vue de la bonne gestion des finances publiques.

Bref, si vous arrêtiez le démantèlement de la politique de l'emploi, si vous redonniez du pouvoir d'achat à nos concitoyens en augmentant le SMIC, les petites retraites, la prime pour l'emploi et en conditionnant les exonérations de cotisations sociales à la tenue de négociations sur les hausses de salaires…

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre-Alain Muet

…vous répondriez efficacement à la situation de ralentissement que connaît notre pays et qui, malheureusement, va s'aggraver avec les conséquences de la crise financière.

Si vous favorisiez l'investissement productif plutôt que la rente en modulant l'impôt en fonction des bénéfices investis ou distribués, vous auriez une réponse macroéconomique à la situation que connaît notre pays. Vous apporteriez également une réponse positive à l'inquiétude de nos concitoyens.

En conclusion, je pense, monsieur le ministre, qu'il n'y a qu'une façon de redonner un sens à la programmation des finances publiques, c'est de changer radicalement de politique pour retrouver la croissance. Votre programmation n'a de sens, en effet, que si la croissance atteint les 2,5%, seuil que vous n'avez jamais atteint. Pour cela, il faut changer de politique. Non seulement vous répondriez aux difficultés de notre pays, mais vous apaiseriez également l'inquiétude légitime de nos concitoyens. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienÉric Woerth, ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique

Bien évidemment, j'appelle l'Assemblée nationale à ne pas adopter cette exception d'irrecevabilité.

Debut de section - PermalienÉric Woerth, ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique

Oui, mais je dirai également cela a posteriori.

Debut de section - PermalienÉric Woerth, ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique

Je ne reconnais pas la politique du Gouvernement dans votre description, monsieur Muet. Celle-ci n'est sans doute pas la meilleure.

Vous nous reprochez un manque d'engagement en termes d'investissements, notre politique sur le travail, sur la recherche, une insuffisance de crédits consacrés au logement. Mais il suffit de regarder le budget du logement. Il apparaît peut-être en diminution mais, en réalité, il est bien compensé par le 1 % logement.

Debut de section - PermalienÉric Woerth, ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique

La somme des crédits consacrés au logement n'est pas du tout en diminution, il faut regarder les choses dans leur ensemble. La réforme du 1 % logement permet au budget de l'État de dépenser un petit peu moins, et c'est tant mieux, et en même temps de ne pas faire supporter au logement une dépense inférieure. Le budget du logement est au moins aussi important que l'année dernière, et si on ajoute l'annonce du Président de la République sur les 30 000 logements en voie d'achèvement, c'est un budget du logement très solide qui vous est proposé.

Je ne me reconnais pas, je le répète, dans cette description probablement un peu hâtive, peu objective, de la politique du Gouvernement.

Debut de section - PermalienÉric Woerth, ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique

Je n'osais pas le dire.

En revanche, je reconnais votre politique puisque vous êtes remonté un certain nombre d'années en arrière, entre 1997 et 2001. On ne va pas passer tout le débat à faire de l'archéologie budgétaire,…

Debut de section - PermalienÉric Woerth, ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique

… mais reconnaissez que sur la période 1997-2001, vous avez bénéficié d'une croissance exceptionnelle.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Sapin

Nous l'avons créée, nous l'avons stimulée !

Debut de section - PermalienÉric Woerth, ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique

Vous me direz que vous en êtes responsables, mais vous avez bénéficié, l'histoire le dira, d'une croissance exceptionnelle de 3,1 %, 3,2 %, jusqu'à 3,9 %.

Debut de section - PermalienÉric Woerth, ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique

Dans le même temps, vous avez réussi le tour de force de dégrader le solde structurel de la France.

Debut de section - PermalienÉric Woerth, ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique

Avec une croissance comme celle-là, vous avez réussi à dégrader le solde structurel de la France de 1,1 point de PIB puisque, selon l'OCDE, il est passé à de 2,5 à 3,6 points de PIB en 2002. C'est un véritable exploit !

Debut de section - PermalienÉric Woerth, ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique

Avec une telle croissance, vous auriez dû changer en profondeur les conditions de l'équilibre financier, revoir l'ensemble des politiques publiques, repenser la dépense publique.

Debut de section - PermalienÉric Woerth, ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique

J'ai envie de vous demander ce que vous avez fait de cette croissance.

Debut de section - PermalienÉric Woerth, ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique

Vous n'en avez rien fait. C'est particulièrement inquiétant. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienÉric Woerth, ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique

Sur la crise internationale, Christine Lagarde s'est longuement exprimée, je n'y reviens pas.

Monsieur Muet, je respecte vos qualités d'économiste, mais j'ai eu le sentiment en vous écoutant que vous vous prêtiez surtout à un exercice de prévision sur le passé.

Debut de section - PermalienÉric Woerth, ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique

Là, on est beaucoup plus sûr de ce que l'on fait. Se projeter avec force vers l'avenir est plus difficile pour tout le monde, pour vous, comme pour nous.

Debut de section - PermalienÉric Woerth, ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique

L'analyse du passé est extrêmement intéressante, et nous la faisons, mais nous n'avons pas à rougir de la façon dont nous entrevoyons l'avenir.

Nous sommes suffisamment prudents dans le budget, comme dans la programmation pluriannuelle que nous essayons, notamment en matière de dépenses, d'asseoir sur des prévisions solides.

Je ne pense pas qu'il s'agisse d'un budget d'austérité ou de récession. C'est un budget sérieux. Peu importe, d'ailleurs, la manière dont le qualifie. Ne nous lançons pas dans la sémantique et contentons-nous de regarder la situation telle qu'elle est : il faut diminuer le rythme d'évolution de la dépense publique.

Debut de section - PermalienÉric Woerth, ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique

Réduire la dépense publique, qui est trop importante, ne relève ni du libéralisme ni du socialisme ni du gaullisme ; c'est une évidence. Nous supportons un poids considérable, qui empêche l'investissement privé de se faire à bonne hauteur.

C'est pourquoi nous avons entrepris de diminuer la dépense publique non de manière contracyclique, mais de façon régulière. Je ne vois rien de récessif dans une politique qui, refusant de réduire davantage la dépense, préfère infléchir pendant plusieurs années le rythme de son évolution. C'est la seule manière de parvenir à l'équilibre de nos finances, qui est un objectif majeur du Gouvernement et de la majorité.

Votre réponse à la crise est toujours la même : vous demandez plus d'impôts, considérant que les prélèvements obligatoires ne sont pas suffisants, et plus de dépense publique. Vous avez tort. À mon sens, il vaudrait mieux moins d'impôt...

Debut de section - PermalienÉric Woerth, ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique

…et nous y parviendrons avec le temps. Nous avons d'ailleurs déjà commencé à aller dans ce sens en stabilisant les prélèvements obligatoires. Mais vous savez que, dans ce domaine, les indicateurs doivent être analysés en profondeur avant qu'on puisse en tirer la moindre conclusion. Quoi qu'il en soit, notre but est de n'augmenter ni les impôts ni les cotisations sociales, mais d'entreprendre une réforme de fond.

Debut de section - PermalienÉric Woerth, ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique

Nous avons commencé à le faire, notamment pour la sécurité sociale. Nous aurons l'occasion d'en discuter. Nous souhaitons réduire la dépense publique tout en respectant certaines priorités clairement affichées. Le revenu de solidarité active en est une. Nous avons décidé d'y consacrer 1,5 milliard.

Debut de section - PermalienÉric Woerth, ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique

Non, monsieur Brard, c'est beaucoup d'argent !

Debut de section - PermalienÉric Woerth, ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique

Pour l'éducation et la recherche, nous avons décidé d'aller plus loin en prévoyant, deux années de suite, un budget en augmentation de 1,8 milliard. Vous ne pouvez donc pas prétendre que nous pratiquons des coupes claires dans l'ensemble de la dépense : nous la réduisons globalement, tout en finançant certaines priorités.

Comment pouvez-vous affirmer que l'éducation nationale n'est pas une priorité du Gouvernement ? C'est pour nous une priorité de la réformer. D'ailleurs, quand vous étiez vous-mêmes au pouvoir, n'avez-vous pas tenté de le faire à plusieurs reprises ? Nous voulons plus de service public et une mission mieux remplie par moins de fonctionnaires, mesure dont l'impact sera d'autant plus fort que la moitié des fonctionnaires dépendent de ce ministère. D'autres réformes, dont celle du lycée, ont été entreprises par Xavier Darcos, pour le bien de l'éducation nationale et des élèves, qui bénéficieront ainsi d'un bien meilleur service.

En ce qui concerne les collectivités locales, il y a un vrai débat, mais les transferts qui s'effectuent vers elles doivent être mieux encadrés et mieux maîtrisés. Aligner leur augmentation sur le taux de l'inflation, ce n'est pas les mettre à la diète, mais proposer une hausse de 2%, soit 1,1 milliard d'euros de plus que l'an dernier, ce qui est considérable. Chacun sait qu'il doit participer à cet effort. Nous aurions pu aller bien au-delà des mesures que nous avons retenues.

Vous prétendez que les collectivités ne peuvent pas emprunter à moins d'investir. Mais, sachant que je vous donne raison sur le plan des finances publiques, je vous invite à vous interroger : pour l'intérêt général, est-il plus important de construire une salle des fêtes supplémentaire, ce qui constitue un investissement, ou d'investir dans la recherche, ce qui relève d'une dépense de fonctionnement ? Cet exemple ne vous invite-t-il pas à considérer les dépenses de manière plus large, avec plus de créativité qu'au regard des seuls critères comptables ? Évitons d'adopter une vision caricaturale ! (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Louis Idiart

Mais vous, vous caricaturez les collectivités locales !

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Vautrin

Dans les explications de vote sur l'exception d'irrecevabilité, la parole est à M. Jérôme Chartier, pour le groupe UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Jérôme Chartier

Il est bien difficile d'ajouter quoi que ce soit à l'intervention si complète du ministre.

Debut de section - PermalienPhoto de Jérôme Chartier

Je rappelle à M. Woerth qu'il a déjà effectué de la création budgétaire, l'an dernier, en créant une nouvelle dénomination : les « dépenses d'avenir », dont relève manifestement la recherche.

M. Muet a souligné à juste titre la séparation stricte qui oppose, dans le budget des collectivités, le fonctionnement et l'investissement. Cependant dans quelle catégorie placer la recherche, qui n'est pas financée par les collectivités ? Il s'agit manifestement d'une dépense constituée par une masse salariale, mais sans laquelle il n'y aurait ni créativité ni avenir.

Debut de section - PermalienPhoto de Jérôme Chartier

Il s'agit donc typiquement d'une « dépense d'avenir », ce qui montre la nécessité d'introduire davantage de souplesse dans le budget de l'État entre l'investissement et le fonctionnement.

Permettez-moi encore deux observations, monsieur Muet. En matière d'analyse, je reconnais votre talent d'économiste, mais tout le monde a fait le même diagnostic que vous.

Debut de section - PermalienPhoto de Jérôme Chartier

Pour les solutions, en revanche, je reconnais que nos avis divergent. Vous prétendez, par exemple, que nous n'avons rien tenté pour stimuler l'investissement, et vous nous suggérez de retrouver une modularité pour l'impôt sur les sociétés.

Mais quand, l'an dernier, nous avons proposé, à propos de l'impôt de solidarité sur la fortune, une modularité pour les réinvestissements dans l'entreprise, vous n'avez pas voté cette mesure. Or, nous avons pu mesurer cette année que, pour environ 1 milliard d'euros, elle avait produit des effets réels sur la capacité d'autofinancement. Elle aurait donc pu être votée par une majorité qui s'étende au-delà de l'UMP et du Nouveau Centre.

En ce qui concerne certains aspects de la loi sur le travail, l'emploi et le pouvoir d'achat, je comprends que vous vous en teniez à une logique cohérente avec l'idéologie socialiste. Mais quand, en décembre, nous avons réduit la caution de deux à un mois de loyer, ce qui revient à donner un mois de loyer de pouvoir d'achat de plus aux familles, les socialistes auraient pu, là encore, voter cette mesure. (« Nous l'avons fait ! » sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Sapin

Heureusement que vous avez de temps en temps une bonne idée ! (Sourires.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jérôme Chartier

Vous appelez de vos voeux, surtout ces derniers jours, un grand plan en faveur du pouvoir d'achat, mais que ne votez-vous les mesures que nous proposons en sa faveur ? Quand le texte sur le pouvoir d'achat vous a été présenté, pourquoi ne vous êtes-vous pas ralliés à la majorité ?

J'en viens à ma seconde remarque. Je veux bien admettre que présenter un projet de loi de programmation pluriannuelle, quand on est dans une conjoncture exceptionnelle, constitue un exercice difficile. Si les circonstances l'exigent, nous devrons en effet faire appel davantage au déficit, puisqu'il n'est pas question d'augmenter la pression fiscale qui pèse sur les foyers, pas plus que de revenir sur des dépenses actuellement extrêmement contraintes, ce qui prouve notre gestion rigoureuse de la dépense publique, qui n'a pas vocation à croître.

Mais, si difficile que soit l'exercice qu'il entreprend, reconnaissons du moins au ministre sa volonté de réduire à terme le déficit, position sur laquelle nous nous rejoignons tous, puisque le déficit obère les marges de manoeuvre. À circonstances exceptionnelles, moyens exceptionnels, tout le monde reconnaît la valeur de cet adage. Je ne vois donc pas pourquoi vous ne voteriez pas le projet de loi de programmation pluriannuelle. D'ailleurs, monsieur Muet, je ne comprends même pas que vous ayez présenté cette exception d'irrecevabilité, car, que ce soit en tant qu'économiste ou en tant que politique, vous êtes parfaitement d'accord avec l'exercice auquel se livre le Gouvernement.

Debut de section - PermalienPhoto de Jérôme Chartier

C'est la raison pour laquelle – que M. le ministre se rassure si par hasard il ressentait la moindre inquiétude ! – le groupe UMP votera contre l'exception d'irrecevabilité, et appelle les députés du groupe socialiste à se désolidariser du point de vue de M. Muet. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Vautrin

La parole est à M. Jean-Pierre Brard, pour le groupe GDR.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Brard

Quelle brillante exception d'irrecevabilité nous avons entendue ! M. Muet n'est pas seulement un député ; c'est un expert : non pas un de ces experts autoproclamés comme certains saltimbanques que l'on voit sur les plateaux de télévision ;…

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Brard

…mais un véritable expert, dont on apprécie la sérénité, et qui dissèque la réalité au scalpel.

Mme Lagarde fait état de ses espoirs, prétend qu'elle observe les cycles économiques et invoque la crise internationale. Cependant, la majorité n'a rien vu venir ! En septembre 1997, à Hong Kong, le FMI avait lancé une mise en garde. Dès 2005, du fait des crédits hypothécaires, l'épargne devenait négative aux États-Unis. En France, en 2007, la courbe des logements autorisés s'est inversée, mais le Gouvernement n'en a tenu aucun compte. La France est effectivement restée à l'écart de la croissance.

Monsieur le ministre, vous envisagez comme une hypothèse que la récession puisse se prolonger. Mais elle va se prolonger, par votre faute, car vous refusez de prendre des mesures de rupture radicales.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Brard

Ce qui est en cause, dans le capitalisme tel que vous le décrivez, ce ne sont au fond ni les rémunérations ni les parachutes dorés – ils ne relèvent que d'une apparence devenue ingérable parce qu'elle fait réagir l'opinion. Cela dit, puisque vous vous intéressez aux rémunérations, peut-être nous direz-vous un mot de celle du Napoléon de l'automobile, Carlos Ghosn, qui, s'inspirant de l'exemple de Poutine, vient de se trouver un clone pour diriger Renault, qui a désormais son Medvedev. (Sourires.)

Vous n'admettez pas qu'il faille changer de logique. Vous vous esbaudissez de la démission des dirigeants de la Caisse d'Épargne, qui ont perdu 600 millions d'euros,.mais vous ne condamnez pas la logique qui a conduit à ce résultat lorsque vous vous contentez de pénaliser ceux qui ont été pris les doigts dans le pot de confiture. De même, avant que Jérôme Kerviel se « plante », si je puis dire, personne, à la Société générale, ne trouvait rien à redire à ses agissements. Or, là encore, vous saviez tout, puisque vous aviez été prévenu par l'AMF. Quand M. Milhaud, profitant de ce que M. Mayer, directeur général de la Caisse des dépôts et consignations, était sur son lit de mort, a porté le coup qu'on sait, vous le saviez et vous avez sanctifié ce coup pervers. Vous n'avez même pas tenté de moraliser. C'est pourquoi le Gouvernement est évidemment coupable.

Vous refusez de poser la grande question de la répartition des richesses créées par la production. En 1960, 25% des richesses créées allaient aux actionnaires, contre 65% aujourd'hui. Ne pensez-vous pas qu'il y ait là une anomalie ? M. Muet a prononcé un gros mot, dont je m'étonne que vous ne l'ayez pas relevé : celui de « planification », auquel il a adjoint prudemment l'adjectif « indicative ». De fait, personne ne pense qu'il faille en revenir au Gosplan ! (Sourires.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Brard

Mais, entre le Gosplan et le désordre que vous érigez en principe, il y a certainement un moyen terme à trouver. Vous préférez la politique de Gribouille, dans le cadre de la mondialisation libérale, puisque vous ne songez qu'à réduire les dépenses quand il faudrait augmenter les recettes.

Debut de section - PermalienPhoto de Richard Mallié

Toujours plus d'impôts ! Vous n'avez que ce mot à la bouche !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Brard

Je suis contraint de me répéter, puisque vous êtes autistes. Philippe Séguin a indiqué que les exonérations de cotisations sociales et fiscales étaient inefficaces !

Vous avez fait des cadeaux, par choix idéologique, à ceux dont vous êtes les représentants et auxquels vous ne savez rien refuser. Ce sont ces 65 milliards d'euros, qui plombent les comptes sociaux et le budget, qu'il faut supprimer.

En fait, vous êtes tétanisés par la crise et prisonniers de vos dogmes. Comme certains croient à l'infaillibilité pontificale ou à l'Immaculée Conception, le marché est sacré pour vous : dès lors, vous ne pouvez toucher au capital.

Ce qui vous manque, monsieur le ministre, ce sont les concepts théoriques pour analyser la crise. Je vous renvoie donc à Ricardo, à Smith et à « l'ancêtre rouge » dont vous feriez mieux de relire la théorie de la plus-value si vous voulez comprendre quelque chose à ce qui nous arrive. Vous saisirez alors que la valeur se crée non pas dans les manipulations financières, mais dans l'économie réelle. (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Carayon

L'économie réelle, vous ne la connaissez pas ! Vous avez toujours été fonctionnaire !

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Bapt

Monsieur le ministre, vous avez répondu à la brillante démonstration de M. Muet en demandant : « Et vous, qu'avez-vous fait de la croissance ? » Rappelons quand même que, sous le gouvernement Jospin, la croissance mondiale était certes élevée, mais moins qu'elle ne l'a été ces dernières années, tirée par celle de quelques pays émergents ; et qu'à cette époque, la croissance française était supérieure à la moyenne de l'Union européenne, alors que sous les dernières années de gouvernement de la droite, elle a été inférieure à cette moyenne. Nous sommes donc en droit de vous retourner la question : « Qu'avez-vous fait de la croissance ? »

J'en viens à l'exception d'irrecevabilité. Elle est motivée par le fait que le projet de loi de finances et la programmation pour les trois prochaines années ont été élaborés avant la crise financière – plus exactement la crise du capitalisme financier. Auparavant déjà, ce projet ne répondait pas aux évolutions déjà perceptibles : la croissance fléchissait, le nombre de demandeurs d'emploi avait augmenté avant l'été, et la masse salariale dans le secteur privé n'avait progressé que de 0,4 % au deuxième trimestre selon le bulletin Ecostat, même si cela correspondait à 4,2 % en glissement pour un an – ce qui signifie d'ailleurs que, cette année, les chiffres seront bien inférieurs à ceux que vous aviez prévus, et que ceux prévus pour l'an prochain sont tout à fait inaccessibles.

Que vos projets de budget et de programmation soient irrecevables, nous ne sommes pas les seuls à le dire. Bien des experts et des commentateur le disent aussi, et même dans les rangs de l'UMP. Ainsi, selon une dépêche AFP de dix-huit heures quarante-deux – c'était il y a moins d'une heure ! –, le député UMP François Goulard déclarait que le Gouvernement devait cesser d'être dans la fable en ce qui concerne les prévisions inscrites au projet de budget pour 2009, et il prédisait des gels de crédits.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Bapt

Nous avons été moins sévères en défendant cette motion de procédure que ne l'est M. Goulard, député UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Bapt

Certes, il fallait prendre des mesures d'urgence pour sauver un système bancaire à la dérive, mais nous ne nous associons pas à votre choix d'ensemble. En effet, ce projet de loi de finances ne crée pas les conditions d'un consensus social minimum pour répartir l'effort sur l'ensemble des catégories, sans lequel le redressement ne peut réussir. Les inégalités de revenus ne cessent de s'accentuer. Selon les chiffres transmis par le ministère de l'économie et des finances à la commission des finances, pour 2007, 83 % des restitutions d'impôt au titre du bouclier fiscal vont à des ménages qui font partie des 10 % les plus riches. Et que dire des inégalités de patrimoine, avec votre exonération sur les grosses successions, des inégalités de santé, avec vos franchises ? En quelques jours, les traders de la Caisse d'Épargne ont perdu ce que coûtent aux patients les franchises médicales que vous avez instituées ! Alors oui, votre programmation des finances publiques et votre projet de loi de finances sont bien irrecevables ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Nicolas Perruchot

Une exception d'irrecevabilité a pour objet de faire reconnaître qu'un texte, par une ou plusieurs de ses dispositions, est contraire à la Constitution.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicolas Perruchot

Force est de constater que M. Muet, dont nous savons tous les compétences, en a très peu parlé.

Dès lors, pourquoi devons-nous expliquer notre vote sur une exception d'irrecevabilité ? C'est que le groupe socialiste a préféré être représenté dans la discussion générale par M. Cahuzac. M. Muet a donc récupéré un temps de parole assez long grâce à cette motion. (Protestations sur les bancs du groupe SRC.) Sur ses trente minutes, il en a consacré vingt à un constat et environ dix à des propositions. Mais d'exception d'irrecevabilité, il n'y en avait pas vraiment, et nous constaterons la même chose pour notre collègue Sapin, qui prendra la parole sur une deuxième exception d'irrecevabilité et disposera ainsi d'un temps de parole assez long.

De ce fait, bien entendu, le groupe du Nouveau Centre ne votera pas cette motion. Pour ma part, je souhaiterais qu'un jour on réfléchisse à ce que doit être véritablement une motion de procédure et ce qui doit être laissé à la discussion générale. Pour l'heure, nous allons avoir droit à une heure trente de discours d'orateurs de l'opposition qui vont se succéder à la tribune, et ensuite à la discussion générale. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

(L'exception d'irrecevabilité, mise aux voix, n'est pas adoptée.)

Exception d'irrecevabilité

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Vautrin

J'ai reçu de M. Jean-Marc Ayrault et des membres du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche une exception d'irrecevabilité déposée en application de l'article 91, alinéa 4, du règlement, sur le projet de loi de finances pour 2009.

La parole est à M. Michel Sapin.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Sapin

Monsieur Perruchot, vous auriez pu subir pire : il fut une époque où le temps de parole n'était pas limité pour les motions de procédure.

Mais en en défendant une, que cherchons-nous à dire à l'Assemblée et au Gouvernement ? Qu'il convient de prendre un peu de temps pour essayer d'adapter ce texte fondamental – même si vous avez toujours eu tendance à le banaliser un peu, monsieur le ministre – dans la vie démocratique et la vie économique, qu'est le budget de la nation.

Ce budget n'est pas discuté dans n'importe quelles circonstances. Nous sommes dans la crise financière qui a commencé il y a plus d'un an, mais s'est aggravée il y a quelques semaines. Nous sommes dans la crise économique – avec ses conséquences sociales déjà sensibles – qui n'a pas commencé il y a quelques semaines, mais que l'on percevait déjà avant dans le ralentissement de l'activité et l'augmentation du nombre de chômeurs, et qui va s'aggraver dans les mois à venir.

Dans ces conditions, la question qui s'impose à tout responsable public est : comment pouvons-nous agir sur cette situation pour ne pas nous contenter de constater les dégâts, mais essayer de les limiter ou de les éviter ?

Le Premier ministre a, d'après « un journal du soir » selon l'expression convenue, fait une belle déclaration à laquelle je rends hommage. « Il fallait arrêter la crise financière », a-t-il dit, avec raison. Et il a ajouté : « Il faut désormais relancer l'économie ». Dès lors, la question est : ce projet de budget est-il sincère, comme la Constitution en fait obligation,…

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Sapin

… non pour relancer l'économie, mais simplement pour soutenir l'activité, comme il est indispensable de le faire au cours des mois qui viennent ?

Ce qui est grave, c'est que ce budget est celui des occasions manquées. Or en ces domaines, toute perte de temps laissera des traces profondes. Dans le domaine financier, on compte en jours, dans le domaine économique, en semaines. Et en présentant un tel projet, vous retardez le moment de prendre les bonnes décisions économiques pour faire face à une crise qui, pour l'essentiel, est encore devant nous. C'est là le principal reproche que l'on peut faire à ce budget, non seulement du point de vue technique, mais si l'on prend en compte les grands enjeux du moment.

Ce constat, beaucoup d'observateurs l'ont fait, certains utilisant à bon escient leur liberté de parole. Ce budget n'est ni adapté aux enjeux du moment ni à même d'atténuer la crise qui nous attend.

C'est donc le budget des occasions manquées. Ne parlons même pas de sincérité – après tout, faisons en crédit à chacun ! Mais le budget est l'occasion de regarder les vérités en face. Mme la ministre de l'économie et des finances a dit, dans sa présentation, des vérités à propos des deux hypothèses principales qui sous-tendent ce budget, celle qui porte sur la croissance et celle qui porte sur le déficit. Elle a dit, d'abord, que la croissance n'atteindra pas 1 %. Pourtant, c'est sur cette hypothèse de 1 % que se fonde le projet de budget. Il faut donc le revoir. Cela n'a rien de technique, il ne s'agit pas de quelques milliards en plus ou en moins ; c'est une question de sincérité, et d'abord par rapport à soi-même. Puisque la croissance ne sera pas de 1 %, corrigez le budget ! Elle a dit ensuite, et vous avez repris la formule : « La France laissera jouer les stabilisateurs économiques. » En clair, cela signifie que le déficit augmentera.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Sapin

Puisque c'est une vérité, une évidence même, tenez en compte dans le budget.

Or, celui-ci ne prévoit qu'un déficit de 2,7 % ! Pourtant, alors que le Gouvernement considère l'aggravation du déficit public comme une évidence – on peut en déduire que les déficits publics se situeront entre 3 et 4 % –, il refuse d'inscrire cette réalité dans le budget. Or cette évolution ne sera pas sans conséquences, et pas seulement pour le respect des critères de Maastricht. Nous sommes dans une situation exceptionnelle, et dans le cadre européen, on peut comprendre qu'il soit possible d'agir de façon exceptionnelle, le traité de Maastricht prévoit d'ailleurs cette éventualité. Monsieur le ministre, faites-le, mais dites-le ! En fait, par rapport à ses propres annonces, le Gouvernement a manqué une occasion de dire la vérité.

Le projet de loi de finances pour 2009 est également une occasion manquée en termes de dépenses. Monsieur le ministre, vous avez une manière très étrange de présenter le plan de soutien, pourtant nécessaire, aux banques et au système de crédit. Vous prétendez qu'il ne coûtera rien et ajoutez même parfois : « Il va rapporter. » Que l'État se substitue aux établissements bancaires dans la prise de risque serait donc neutre pour le contribuable et ne pourra qu'être bénéfique pour le budget. Mais, monsieur le ministre, s'il n'y avait, aujourd'hui, aucun risque de perdre de l'argent, le système financier ne connaîtrait aucune difficulté. Si il n'y avait que des possibilités de gains et aucun risque, pourquoi une banque se tournerait-elle vers l'État pour lui demander son soutien ? Monsieur Woerth, vous devriez plutôt avouer que vous ne connaissez pas le coût des risques pris – ils dépendent de la nature du risque même, de la capacité à valoriser telle ou telle participation. Le Gouvernement prend un risque – il a raison –, mais il ne peut pas prétendre que cela ne va rien coûter ou que cela rapportera. En disant cela, il manque à une forme de sincérité budgétaire : cela coûtera quelque chose au budget de l'État.

Monsieur le ministre, vous nous dites que ce budget n'est pas un budget de rigueur. Pourtant tel est bien le cas, et il fait peser les efforts, de façon totalement inadaptée, sur des enjeux comme le chômage ou le logement. Ces deux exemples sont à ce point caricaturaux que je ne doute pas que de nombreux orateurs s'en saisiront et que le Gouvernement fera évoluer son texte au cours de nos débats.

Ainsi, alors que le chômage progresse à nouveau – même les analystes les plus prudents constatent que cette tendance est inéluctable pour 2008 et 2009 – les crédits de la mission « Travail et emploi » diminuent. Comment le Gouvernement explique-t-il cette étrange contradiction ? Il en est incapable et sera sans doute amené à augmenter ces crédits dans le courant de la discussion, en particulier pour la création de nouveaux contrats aidés.

La mission « Ville et logement » voit ses crédits diminuer considérablement alors que tous les secteurs du bâtiment – et pas seulement celui du logement –, qui sont considérablement porteurs d'activités et d'emplois, anticipent déjà d'immenses difficultés pour les mois à venir. En termes de capacité à définir les priorités et le montant de la dépense publique, ce budget est, à nouveau, celui des occasions manquées.

Monsieur le ministre, puisque nous parlons de dépense, je constate que dans votre esprit, le budget n'est qu'une autorisation de dépense et vous vous préoccupez uniquement du respect du niveau de la dépense. Je suis en total désaccord avec cette définition de l'enjeu du débat budgétaire. En effet, aujourd'hui, le budget est l'arme économique principale dont dispose la puissance publique dans notre pays. Avec la création de la monnaie unique, l'arme monétaire n'est plus entre les mains de la puissance publique nationale – elle relève, dans les conditions que l'on sait, de la puissance publique européenne –, ne restent donc que les armes fiscales et budgétaires qui s'inscrivent dans le cadre du projet de loi de finances. Celui-ci n'est donc pas un acte anodin. Vous le banalisez pourtant et considérez qu'il sera possible de constater le déficit au fur et à mesure. Vous acceptez un déficit au fil de l'eau qui s'aggravera avec la progression de la récession. Le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche ne partage pas cette approche de la dépense publique : nous considérons qu'elle doit être un élément actif, avoir une capacité d'influence sur la situation économique et les divers secteurs économiques comme l'industrie ou le bâtiment. La dépense publique doit permettre de soutenir l'activité et de générer des recettes supérieures à celles que vous vous contenteriez de constater « au fil de l'eau ».

Avec ce budget, le Gouvernement a enfin manqué l'occasion de réfléchir à quelques-unes des mesures adoptées l'année dernière dans le fameux paquet fiscal. Quelles que soient les explications fournies par le Gouvernement sur les effets négatifs du bouclier fiscal et les éventuelles corrections que nous pourrions leur apporter, les Français ne peuvent pas comprendre que, dans cette période durant laquelle ils auront tous à souffrir, seuls les plus riches d'entre eux seront exemptés de l'effort collectif. La majorité a été confrontée à cette réalité lors des discussions sur le revenu de solidarité active ; elle le sera à chaque fois qu'elle agira sur les dépenses ou les recettes. Une « calotte glaciaire » ne peut pas systématiquement protéger une catégorie de Français des efforts demandés à tous les autres. La justice, les données techniques, la morale politique, tout, aujourd'hui, justifie, que la majorité remette en cause le bouclier fiscal qui n'a que des effets négatifs, y compris sur le moral des Français.

Lors du vote du paquet fiscal, Pierre-Alain Muet avait estimé que, en période de forte croissance et de fortes tensions sur le marché de l'emploi, le dispositif concernant les heures supplémentaires, s'il posait un problème en termes de justice, pouvait toutefois être avantageux en termes économiques. Mais, aujourd'hui, en période de récession, alors que le nombre des chômeurs et des licenciements progresse, ce dispositif ne fait qu'encourager cette évolution. Votre création s'est transformée en machine à provoquer du licenciement et du chômage. Techniquement, économiquement et politiquement, c'est une évidence. Il est donc temps que ceux qui croient encore à ce dispositif reviennent sur leurs certitudes.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Sapin

Contrairement à ce qu'a dit Mme la ministre, ce budget n'est pas un budget de crise. C'est un budget dans la crise, mais il ne répond pas aux enjeux de la crise. Il manque de sincérité sur la croissance et les déficits et ne répond pas aux enjeux de la crise, qu'ils soient économiques ou politiques. C'est pourquoi je vous demande d'adopter cette exception d'irrecevabilité. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

Debut de section - PermalienÉric Woerth, ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique

Monsieur Sapin, je conteste la plupart de vos affirmations. Le problème du Gouvernement est d'affronter la crise telle qu'elle est. Vous prétendez qu'il ne réagit pas à la crise : j'ai franchement du mal à vous suivre ! Le plan présenté en moins d'une semaine est exceptionnel et sans précédent. Effectivement, il y a bien une prise de risques ; mais la crise elle-même est un risque, et notre objectif est de le minimiser pour les Français, comme pour les Européens. En effet, si la crise est américaine, les solutions sont européennes et, grâce au Président de la République, on peut attendre beaucoup de l'avenir – en particulier une meilleure coordination de nos politiques économiques. Le plan que nous avons présenté est largement à la hauteur des enjeux.

Le projet de loi de finances utilise l'arme budgétaire pour tenter de réduire progressivement le rythme d'augmentation de la dépense publique qui, ces dernières années, a été trop rapide. Cet effort est indispensable, car la progression du déficit public équivaut à plus de pauvreté, plus de chômage, moins de pouvoir d'achat. Il faut combattre le déficit public, car moins de déficit public c'est plus de marges de manoeuvre politique, plus de liberté d'expression de politique, plus de créations de politiques publiques,…

Debut de section - PermalienÉric Woerth, ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique

…plus de qualité du service public. La question de l'efficience de la dépense publique est donc posée clairement dans un budget très offensif en la matière.

Monsieur Sapin, il ne s'agit pas d'un budget contracyclique. Vous voudriez, comme M. Muet, que l'on profite de cette période étonnante de bouleversements économiques pour augmenter la dépense publique. Selon vous, elle serait devenue vertueuse et permettrait de contrer le ralentissement de l'économie. Or la réponse à la crise réside non pas dans une augmentation de la dépense publique, mais dans une meilleure coordination des politiques européennes et dans le soutien de certains secteurs d'activités. Nous avons ainsi décidé d'aider l'automobile, parce que les Américains le font et que nous devrons certainement prendre des mesures de plus en plus concertées s'agissant d'une industrie aussi importante. Nous avons également décidé de concentrer nos efforts sur la recherche, l'éducation, le Grenelle de l'environnement, car ce sont de véritables investissements. Les dépenses en faveur de la qualité environnementale, notamment, sont une importante source de croissance.

Il s'agit donc d'un budget très offensif, mais il permet également de réduire le rythme d'évolution de la dépense publique, afin que nous puissions disposer, à terme, de marges de manoeuvre plus importantes. Il est aussi très social (Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR)…

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Brard

Pour les personnes âgées comme Liliane Bettencourt !

Debut de section - PermalienÉric Woerth, ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique

…puisqu'il comprend le revenu de solidarité active, ainsi que des mesures de justice fiscale.

Ce n'est pas en ouvrant les vannes, en brisant les digues, et en inondant la France de dépenses publiques non maîtrisées que l'on répondra à la crise. Si nous devons utiliser ponctuellement la dépense publique, nous le ferons. Si la crise s'amplifie, si le ralentissement économique s'aggrave, nous aviserons. Mais il n'y a aucune raison de faire une telle prédiction aujourd'hui.

Quant au budget du logement, il est très solide. Vous avez tout de même la mémoire courte, monsieur Sapin ! Dois-je rappeler que, lorsque vous étiez dans la majorité, vous avez opéré des coupes profondes dans le budget du logement ? Vous construisiez entre 200 000 et 250 000 logements par an, alors que nous en construisons entre 450 000 et 500 000.

Debut de section - PermalienÉric Woerth, ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique

Cet effort est considérable, et nous n'avons pas l'intention de le réduire. Nous avons procédé, dans le budget du logement, à des redéploiements et à des réaffectations. Nous faisons notamment en sorte de réformer le 1 % logement. Ne me dites pas que celui-ci est bien géré : il est évident que ce dispositif comprend des gisements d'économie. Eh bien, nous les utilisons pour diminuer le poids budgétaire du logement.

Debut de section - PermalienÉric Woerth, ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique

Lorsqu'on additionne l'ensemble des crédits destinés au logement, on s'aperçoit qu'ils ne diminuent pas ; ils sont au contraire vifs et très puissants. Nous souhaitons, par ailleurs, privilégier l'aide à la personne plutôt que l'aide à la pierre. Nous prenons donc beaucoup de mesures différentes, que nous examinerons le moment venu.

Les crédits du logement diminuent d'autant moins que, je le rappelle, nous avons pris une mesure de relance, qui ne relève pas du budget, concernant 30 000 logements, en mobilisant la Caisse des dépôts, le 1 % logement et la trésorerie dormante des organismes de HLM.

S'agissant du budget de l'emploi, il était naturel de prévoir une diminution du nombre des contrats aidés, dès lors que, depuis un an, le chômage a diminué comme rarement il a diminué. Aujourd'hui, c'est vrai, à cause de la crise, il repart à la hausse – et le moins que l'on puisse dire est que c'est un sujet de préoccupation. En 2008, le Premier ministre a décidé d'ajouter 60 000 contrats aidés supplémentaires par rapport au nombre prévu ; nous avons donc rectifié celui-ci lors de la préparation du budget pour 2009. Nous n'avons pas de tabou : si, au cours de la discussion budgétaire, il apparaît comme nécessaire d'augmenter le nombre des contrats aidés, nous l'augmenterons et nous gagerons cette dépense.

Nous ne voulons pas être figés, rigides, alors que le monde entier est en plein bouleversement. Néanmoins, je ne sous-estime pas ce qu'est un budget. Il s'agit d'un des textes clés de la nation.

Debut de section - PermalienÉric Woerth, ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique

Or, dans un budget, on prévoit des dépenses,…

Debut de section - PermalienÉric Woerth, ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique

…qui sont la traduction d'une politique – et j'essaie de faire en sorte qu'elle soit la plus sincère possible –, et des recettes. Mais les prévisions de recettes restent des prévisions : elles l'étaient à votre époque, elles le demeurent aujourd'hui, et elles réservent évidemment des surprises. Parfois, celles-ci sont très bonnes, notamment quand l'impôt sur les sociétés rentre mieux – ce fut le cas en 2006 –, parfois on peut considérer que les prévisions seront difficiles à tenir. Si, en 2009, la croissance n'atteint pas 1 %, il y aura un peu moins de recettes fiscales – je l'ai indiqué à plusieurs reprises.

Debut de section - PermalienÉric Woerth, ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique

Si tel est le cas, nous rectifierons cette prévision dans le texte budgétaire quand nous disposerons de chiffres de l'INSEE plus éloquents – Christine Lagarde, le Premier ministre et moi-même l'avons indiqué. Cela démontre à quel point le budget est un texte fondamental, un texte clé.

Debut de section - PermalienÉric Woerth, ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique

Quoi qu'il en soit, le déficit ne suit pas le fil de l'eau. Le budget est l'expression d'un déficit, et nous serons fixés lorsque nous connaîtrons le niveau des recettes. Il est évident que, si la croissance est inférieure à 1 %, le déficit sera plus important. Je ne cherche pas à le cacher : je le dis depuis le mois de juin. Je n'ai pas l'intention de rectifier le budget, que ce soit en diminuant la dépense pour essayer d'absorber le manque de recettes ou en augmentant les impôts pour tenter de compenser ce manque de recettes.

Debut de section - PermalienÉric Woerth, ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique

Cela s'appelle, dans le langage barbare des techniciens, faire jouer les stabilisateurs économiques. Il s'agit d'éviter de prendre des mesures qui, en tentant de contrer la diminution des recettes, ajouteraient de la crise à la crise. Nous avons été très clairs sur ce point.

Debut de section - PermalienÉric Woerth, ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique

J'espère, monsieur Sapin, que mes arguments auront convaincu vos collègues de la nécessité de ne pas voter cette exception d'irrecevabilité. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Vautrin

Dans les explications de vote sur l'exception d'irrecevabilité, la parole est à M. Nicolas Perruchot, pour le groupe NC.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicolas Perruchot

En écoutant attentivement l'intervention intéressante, et assez habile, de Michel Sapin, je me disais que mes explications de vote sur l'exception d'irrecevabilité défendue par M. Muet étaient justifiées. En effet, que nous a dit M. Sapin ? Premièrement, ce budget serait celui des occasions manquées – nous verrons – ; deuxièmement, il manquerait de sincérité.

Sur ce dernier point, je reconnais que ses arguments correspondaient davantage à ceux d'une exception d'irrecevabilité. Mais l'on peut faire dire ce que l'on veut aux chiffres, et M. le ministre vient de rappeler combien la prévision était compliquée. Au reste, M. Sapin a commencé son propos en indiquant que chacun cherche à être sincère lorsqu'il travaille sur un budget. Il reconnaît donc – et il est bien placé pour le savoir – que chaque ministre fait ce qu'il peut en matière de sincérité budgétaire. Dès lors, pourquoi faire un tel procès ? Tous ses arguments destinés à étayer la thèse de l'insincérité tombent ! L'exercice budgétaire est parfois difficile, mais de là à dire qu'il est insincère, il y a un pas que l'on ne peut pas franchir.

Lorsqu'il a évoqué les dépenses en matière d'emploi et de logement, ses thèses m'ont paru mieux argumentées, mais elles ne m'ont guère convaincu, notamment en ce qui concerne le plan de sauvetage des banques. Je rappelle en effet que les membres du groupe socialiste avaient voté ce plan en commission, avant de se rétracter en séance publique. Il faudrait donc qu'ils fassent preuve d'un peu plus de cohérence. Le propos de M. Sapin n'en manquait pas, mais nous ne voterons pas l'exception d'irrecevabilité.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Launay

Je souhaite souligner la force de la démonstration de M. Sapin, qui s'articule autour de trois axes principaux. Il a tout d'abord évoqué la puissance publique, puis il a exposé notre conception différente de la dépense publique, avant de revenir sur les recettes budgétaires, et plus particulièrement sur celles dont le Gouvernement s'est privé l'an dernier.

S'agissant de la puissance publique, Michel Sapin a déploré l'insincérité du projet de budget pour 2009 et son inadaptation à la situation, qui ne lui permettrait pas de relancer l'économie. Il a par ailleurs indiqué que ce budget était celui des occasions manquées et il a rappelé combien le Gouvernement a tardé à prendre des décisions. La crise financière, qui va déboucher sur une crise économique et probablement, hélas ! sociale, va s'aggraver. En démontrant que le plan de sauvetage aura un coût budgétaire, Michel Sapin a rappelé que cette mesure pèsera sur l'année budgétaire 2009.

Par ailleurs, nous avons de la dépense publique une vision différente de celle de la majorité ; nous le savions, mais ce budget nous offre l'occasion de le rappeler. Présenté comme un budget de rigueur, le projet de loi de finances pour 2009 obéit à des choix fondamentalement erronés : alors que le chômage remonte, les aides à l'emploi vont baisser ; alors que le secteur du bâtiment est fragile, les crédits de la mission « Ville et logement » vont diminuer, alors que chacun sait que, « quand le bâtiment va, tout va ».

Non seulement le Gouvernement se prive de l'arme qu'est, pour la puissance publique, le budget, mais la situation est aggravée par les mesures « originelles » de la loi TEPA, votée l'été dernier. Ainsi, vous ne voulez pas revenir sur le bouclier fiscal, bien que ses effets négatifs aient été soulignés, ni sur les heures supplémentaires, bien qu'elles accroissent le chômage. Vous refusez de reconnaître vos erreurs passées et de modifier un budget largement entaché par des prévisions erronées, qu'il s'agisse de la croissance ou du déficit à venir. C'est la raison pour laquelle nous voterons cette exception d'irrecevabilité. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Vautrin

La parole est à M. François de Rugy, pour le groupe GDR.

Debut de section - PermalienPhoto de François de Rugy

Monsieur le ministre, mes chers collègues, nous voterons cette exception d'irrecevabilité, dans laquelle Michel Sapin a bien expliqué les problèmes politiques et économiques que posait ce projet de budget. Nos collègues du Nouveau Centre, eux, ont déjà annoncé qu'ils voteraient contre cette motion de censure. Pourtant, ils devraient l'adopter. Souvenons-nous en effet que, lors de la dernière réforme constitutionnelle, ils avaient tenté de faire adopter un amendement visant à ce qu'il soit constitutionnellement impossible de présenter un budget en déséquilibre. Que dire de celui qui nous est présenté, dont les prévisions sont aussi irréalistes ?

Nous voterons l'exception d'irrecevabilité pour au moins deux raisons. Tout d'abord, les analyses qui sous-tendent le projet de budget nous paraissent erronées – et j'y reviendrai lorsque je défendrai la question préalable tout à l'heure. Ensuite, on peut s'interroger sur l'attitude du Gouvernement s'agissant des prévisions de croissance du PIB. Il pratique en effet la politique de l'autruche, en persistant à ne pas regarder en face des réalités dont, pourtant, tout le monde parle. Il fait comme si rien ne s'était passé !

Vous avez vous-même dit à M. Sapin, monsieur le ministre, qu'il était normal de prévoir une baisse des emplois aidés, donc du budget de l'emploi, dans ce projet de loi de finances, dans la mesure où le chômage avait baissé jusqu'à présent, avant d'affirmer qu'au cas où le chômage repartirait à la hausse, il n'y aurait pas de tabou sur la question. Dans ce cas, pourquoi ne pas réviser dès maintenant le projet de budget ? Est-ce par désir d'enjoliver les choses ou par aveuglement idéologique ? J'ai tendance à pencher pour la seconde hypothèse : vous n'avez malheureusement jamais réussi à sortir de l'idéologie qui vous a portés lors de la campagne électorale pour l'élection présidentielle.

La seconde raison, c'est que nous ne partageons pas les choix politiques que vous affirmez dans ce budget. Ainsi, pour les raisons idéologiques que j'évoquais à l'instant, vous exonérez d'ores et déjà les revenus les plus élevés et les plus gros patrimoines des efforts que vous allez demander à l'ensemble des Français, car il est évident qu'en augmentant le déficit, donc la dette, vous allez imposer des efforts à nos compatriotes. Vous soulignez que vous baissez les impôts, ou qu'en tout cas vous ne les augmentez pas. Mais c'est faux ! En même temps que vous exonérez les plus hauts revenus, vous taxez le plus grand nombre de nos concitoyens par le biais des franchises médicales et de la taxe sur les cotisations de mutuelle. Surtout, vous taillez dans les budgets de solidarité au moment même où nous allons en avoir le plus besoin en raison de la crise économique et sociale.

Vous avez parlé tout à l'heure de l'arme budgétaire, monsieur le ministre. Quelle image ! Car s'il s'agit bien d'une arme, en effet, il apparaît que vous pointez cette arme budgétaire et fiscale en direction de la majorité des Français, tout en protégeant les plus fortunés au moyen du bouclier fiscal ! Et vous refusez obstinément de sortir de cette logique, alors que, comme M. Sapin l'a expliqué avant moi, il est plus que jamais nécessaire de le faire. Nous voterons donc cette exception d'irrecevabilité, car nous pensons, à l'instar de notre collègue, que d'autres priorités sont non seulement possibles, mais souhaitables pour l'ensemble des Français.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Vautrin

La parole est à M. Frédéric Lefebvre, pour le groupe UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Frédéric Lefebvre

J'ai eu peine à croire que le groupe socialiste avait osé demander à Michel Sapin de venir défendre cette exception d'irrecevabilité et, ce faisant, de reprocher au budget présenté par le Gouvernement une prétendue insincérité. Je me souviens en effet – et certains de nos collègues, tels Charles de Courson et Michel Bouvard, s'en souviennent également – que le départ de M. Sapin en 1993 avait constitué pour la nouvelle majorité l'occasion de mesurer à quel point le dernier budget du précédent ministre de l'économie et des finances avait été mensonger : celui-ci nous avait en effet annoncé une croissance de 2,6 %, alors que le PIB avait, cette année, finalement chuté de 0,9 % ! C'est tout le contraire du budget qui nous est soumis aujourd'hui, un budget vérité que Christine Lagarde et Éric Woerth ont évoqué sans se défiler, en expliquant très clairement à quoi il fallait s'attendre.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Sapin

C'est normal, vous étiez au pouvoir ! Tout s'est écroulé quand vous êtes arrivés !

Debut de section - PermalienPhoto de Frédéric Lefebvre

La nouvelle majorité succédait à un gouvernement qui comptait en ses rangs Martin Malvy, ministre du budget, et Michel Sapin, ministre de l'économie et des finances, chargé d'établir la prévision. On constate, à la lecture du compte rendu des débats de l'époque, qu'ils expliquaient alors tous deux que les conjoncturistes avaient tort de contester les prévisions de croissance du Gouvernement et d'annoncer une année difficile, marquée par une absence de croissance. Selon M. Malvy, qui s'était exprimé le 20 octobre, les conjoncturistes considéraient à tort que les ajustements budgétaires récemment intervenus au sein du système monétaire européen allaient freiner la dynamique des exportations françaises. Le 21 octobre, M. Sapin cherchait lui aussi à masquer la vérité, en tenant cependant des propos contraires à ce qu'avait affirmé son collègue la veille : « Y a-t-il désaccord, s'agissant de la situation extérieure de nos exportations ? Non. L'ensemble de ceux qui font des projections sur 1993 considèrent que nous maintiendrons nos positions à quelque chose près. »

Nous, nous avons décidé de dire la vérité aux Français, parce que la vérité, c'est le ciment de la confiance. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Dire la vérité, en l'occurrence, c'est ne pas avoir peur de dire que ce budget est marqué par une importante crise financière. Au moment de la construction du budget, il a été pris en compte, dans un souci de prudence, une perspective de croissance de 1 % pour 2009, alors que la plupart des analystes tablaient sur une prévision de 1,5 %. Avec l'arrivée de la crise financière, les prévisions de croissance s'établissent plutôt en dessous de 1 %. Ainsi le FMI ne prévoit-il plus que 0,2 % de croissance, et les analystes une moyenne de 0,5 %.

Face à ces changements de données, le Gouvernement a choisi de dire la vérité aux Français et d'exécuter la dépense telle qu'elle a été prévue, sans augmenter les impôts. Si la situation exceptionnelle que nous rencontrons doit se traduire par un creusement des déficits, il faut accepter cette idée. Les deux ministres qui se sont exprimés à l'ouverture de notre débat sont d'accord – cela devrait vous faire réfléchir – pour dire qu'il n'est pas question de contester les prévisions des conjoncturistes et que nous devons plutôt nous adapter à la situation exceptionnelle que nous vivons – exactement ce que préconise Charles de Courson lorsqu'il nous exhorte à la modestie.

Par ailleurs, vous attaquez le bouclier fiscal. Or, je reviens du FMI, où j'ai rencontré à plusieurs reprises votre ami Dominique Strauss-Kahn et plusieurs de ses collègues, notamment M. Leipold, le directeur italien chargé du suivi de l'Europe. Ce sont eux, les cadres du FMI, qui établissent les pires perspectives de croissance avec 0,2 % pour la France, mais zéro pour l'Allemagne, et moins 0,2 % pour l'Italie et l'Espagne. Plus intéressant encore, ils attribuent le fait que la France puisse espérer de meilleurs résultats que ses voisins européens aux réformes qui ont été entreprises, à savoir la loi TEPA – que vous appelez « paquet fiscal » – et la LME, deux lois structurelles qui devraient entraîner un effet croissance de 0,3 point. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Sapin

Ah ! C'est le bouclier fiscal qui va nous sauver !

Debut de section - PermalienPhoto de Frédéric Lefebvre

Cela signifie que si ces deux textes n'avaient pas été adoptés par notre majorité, c'est en réalité à moins 0,4 % que s'établirait la prévision de croissance pour la France, derrière l'Italie, l'Espagne et l'Allemagne que nous devançons actuellement d'une courte tête.

Debut de section - PermalienPhoto de Frédéric Lefebvre

Vous ne voulez pas admettre que le bouclier fiscal va jouer en faveur des plus modestes, et que nous savons faire preuve de réactivité. Vous avez laissé entendre, monsieur Sapin, que l'on ne s'adapterait pas à la situation. Mais c'est tout l'inverse !

Debut de section - PermalienPhoto de Frédéric Lefebvre

En tant que rapporteur spécial du budget de l'emploi, je peux vous dire que le dispositif qui avait été annoncé par le Gouvernement sur les emplois à domicile, comportant notamment la réduction de 15 % à 10 % des charges sociales, qui pénalisent les personnes employées à domicile, fera l'objet d'un amendement de ma part visant à revenir sur ce dispositif. De même, je vais proposer une augmentation du plafond pour les emplois à domicile, pour une raison simple…

Debut de section - PermalienPhoto de Frédéric Lefebvre

…c'est qu'au moment où la situation est difficile, il faut soutenir ce qui marche. Or, les services à la personne connaissent depuis 2005 une augmentation de 28 % des créations d'emplois. Voilà ce qu'est un budget vérité, un budget réactif !

(L'exception d'irrecevabilité, mise aux voix, n'est pas adoptée.)

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Vautrin

La suite de la discussion budgétaire est renvoyée à la prochaine séance.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Vautrin

Prochaine séance, ce soir, à vingt et une heures trente :

Suite de la discussion générale commune sur le projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2009 à 2012 (1128) et sur le projet de loi de finances pour 2009 (n° 1127).

La séance est levée.

(La séance est levée à vingt heures dix.)

Le Directeur du service du compte rendu de la séance de l'Assemblée nationale,

Claude Azéma