La nouvelle majorité succédait à un gouvernement qui comptait en ses rangs Martin Malvy, ministre du budget, et Michel Sapin, ministre de l'économie et des finances, chargé d'établir la prévision. On constate, à la lecture du compte rendu des débats de l'époque, qu'ils expliquaient alors tous deux que les conjoncturistes avaient tort de contester les prévisions de croissance du Gouvernement et d'annoncer une année difficile, marquée par une absence de croissance. Selon M. Malvy, qui s'était exprimé le 20 octobre, les conjoncturistes considéraient à tort que les ajustements budgétaires récemment intervenus au sein du système monétaire européen allaient freiner la dynamique des exportations françaises. Le 21 octobre, M. Sapin cherchait lui aussi à masquer la vérité, en tenant cependant des propos contraires à ce qu'avait affirmé son collègue la veille : « Y a-t-il désaccord, s'agissant de la situation extérieure de nos exportations ? Non. L'ensemble de ceux qui font des projections sur 1993 considèrent que nous maintiendrons nos positions à quelque chose près. »
Nous, nous avons décidé de dire la vérité aux Français, parce que la vérité, c'est le ciment de la confiance. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Dire la vérité, en l'occurrence, c'est ne pas avoir peur de dire que ce budget est marqué par une importante crise financière. Au moment de la construction du budget, il a été pris en compte, dans un souci de prudence, une perspective de croissance de 1 % pour 2009, alors que la plupart des analystes tablaient sur une prévision de 1,5 %. Avec l'arrivée de la crise financière, les prévisions de croissance s'établissent plutôt en dessous de 1 %. Ainsi le FMI ne prévoit-il plus que 0,2 % de croissance, et les analystes une moyenne de 0,5 %.
Face à ces changements de données, le Gouvernement a choisi de dire la vérité aux Français et d'exécuter la dépense telle qu'elle a été prévue, sans augmenter les impôts. Si la situation exceptionnelle que nous rencontrons doit se traduire par un creusement des déficits, il faut accepter cette idée. Les deux ministres qui se sont exprimés à l'ouverture de notre débat sont d'accord – cela devrait vous faire réfléchir – pour dire qu'il n'est pas question de contester les prévisions des conjoncturistes et que nous devons plutôt nous adapter à la situation exceptionnelle que nous vivons – exactement ce que préconise Charles de Courson lorsqu'il nous exhorte à la modestie.
Par ailleurs, vous attaquez le bouclier fiscal. Or, je reviens du FMI, où j'ai rencontré à plusieurs reprises votre ami Dominique Strauss-Kahn et plusieurs de ses collègues, notamment M. Leipold, le directeur italien chargé du suivi de l'Europe. Ce sont eux, les cadres du FMI, qui établissent les pires perspectives de croissance avec 0,2 % pour la France, mais zéro pour l'Allemagne, et moins 0,2 % pour l'Italie et l'Espagne. Plus intéressant encore, ils attribuent le fait que la France puisse espérer de meilleurs résultats que ses voisins européens aux réformes qui ont été entreprises, à savoir la loi TEPA – que vous appelez « paquet fiscal » – et la LME, deux lois structurelles qui devraient entraîner un effet croissance de 0,3 point. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)