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Intervention de Pierre-Alain Muet

Réunion du 20 octobre 2008 à 16h00
Projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2009 à 2012 — Exception d'irrecevabilité

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPierre-Alain Muet :

Je voudrais revenir sur la situation internationale, avant de parler de la situation française.

La crise financière longuement évoquée par Mme Lagarde n'est pas un accident de parcours. Ce n'est pas non plus la crise d'un capitalisme qui aurait été perverti par quelques opérateurs financiers irresponsables qu'il suffirait de punir pour retrouver un capitalisme d'entrepreneurs. C'est la crise d'une mondialisation libérale qui plonge ses racines idéologiques dans la révolution conservatrice des années Reagan et Thatcher, il y a près d'une vingtaine d'années, et qui a consisté à déréguler et à déréglementer tous les marchés.

Cette crise financière n'est finalement que la partie la plus visible d'une crise plus profonde. Comment oublier la crise alimentaire que le monde a connu et qui est, elle aussi, la conséquence directe de cette dérégulation, de cet envahissement de la production agricole des pays en voie de développement par un marché mondialisé et incontrôlé ?

Les crises financières sont pratiquement aussi anciennes que le capitalisme : il y en a tous les dix ans. Leurs origines sont toujours différentes : la dernière est née du marché hypothécaire, la précédente de l'internet, la précédente encore du marché immobilier – déjà ! Mais pendant longtemps, ces crises financières ne se traduisaient pas par des crises bancaires : c'était au temps où prévalait le système de Bretton Woods. Pourquoi ?

Après la grave crise de 1929, le président Roosevelt a décidé, pour éviter que des crises bancaires ne se reproduisent, de séparer complètement les banques de dépôt et les banques d'investissement, ou d'affaires – jusque là, les banques étaient universelles. L'idée était simple : puisque les banques de dépôt gèrent les dépôts de particuliers, elles ont une mission de service public ; il est donc nécessaire de les réguler, et de surcroît l'État peut s'engager à les défendre en cas de risque de faillite. Les banques d'investissement n'ont pas, elles, de mission de service public : leur cas est donc différent.

La plupart des pays ont reproduit ce modèle. Pendant toute la période d'application du système de Bretton Woods, on a su réguler le secteur bancaire à l'échelle nationale et maîtriser les mouvements de capitaux : ce n'est pas l'univers que nous connaissons depuis la libéralisation financière ! Pendant cette période, des crises de changes, des crises financières se sont produites, mais il n'y a pas eu de crise bancaire.

Nous devrions nous pencher sur cette situation, car si nous voulons vraiment revenir à une situation de maîtrise de la finance internationale, ce sont non pas des petites réformes, mais de grandes réformes qu'il faut engager. Ce marché financier dérégulé a notamment vu apparaître une titrisation complètement irresponsable, consistant à mettre dans des paquets financiers des crédits accordés par des banques sans en connaître exactement la valeur, puisqu'on mélangeait des crédits solides avec d'autres, qui l'étaient beaucoup moins. Cette multiplication des instruments a fait disparaître, au cours des dix ou quinze dernières années, tout ce qui faisait la force de la régulation financière.

Face aux risques d'effondrement du système, tous les pays ont dû mettre en place des mesures rares – je pense notamment à l'intervention des États sur le marché interbancaire. En général, les crises de liquidités étaient résolues par les banques ; pour la première fois, les États sont intervenus. C'était nécessaire, car les banques n'arrivaient plus à résoudre la crise de confiance. Mais cela doit nous conduire à mettre en place une véritable régulation internationale.

Cette régulation devra d'abord élargir le périmètre des institutions soumises à la réglementation bancaire. Il est aisé de noter que ce sont toujours des institutions non régulées, souvent non bancaires, qui ont été à l'origine des dernières crises bancaires. Ce n'est pas le cas en France, où toute institution qui accorde des crédits est régulée comme une banque, mais c'est le cas dans la plupart des pays, y compris aux Etats-Unis – et je ne parle même pas des paradis fiscaux.

Il faudra aussi changer les normes – c'est en cours de discussion – et appliquer complètement les accords dits « Bâle II », afin d'éviter que les crédits titrisés n'échappent au bilan des banques. Il faudra encore agir sur les agences de notation. Mais la réforme la plus fondamentale, la plus difficile à mettre en oeuvre, celle à laquelle il faut vraiment réfléchir, et pour laquelle il faudra le courage qu'avait eu en son temps le président Roosevelt,…

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