Madame la présidente, madame la ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi, monsieur le président de la commission des finances, monsieur le rapporteur général, mesdames et messieurs les députés, le Président de la République l'a clairement montré : face aux difficultés de l'économie mondiale, les seules voies possibles sont la vérité et l'action. La vérité, parce que pour affronter les difficultés, il ne faut pas chercher à les nier, il ne faut pas chercher à les minimiser, il faut les reconnaître ; l'action parce que, face aux difficultés de l'économie mondiale, l'impératif, c'est aussi que l'État incarne la responsabilité et la vigilance, qu'il protège l'économie française et les économies des Français.
Alors que l'incertitude est si forte, que les marchés cèdent au catastrophisme, que les actifs risqués sèment le doute sur toute la planète et que la liquidité n'irrigue plus le tissu économique, jamais, probablement, les Français n'ont autant attendu que l'État incarne le réalisme, la transparence, le sérieux, la sécurité, en un mot tout ce qui fonde la confiance. La vérité et l'action, mesdames et messieurs les députés, c'est ce qui nous guide aujourd'hui, dans la droite ligne des décisions fondamentales prises au cours de ces derniers jours. Pas sur le seul périmètre de l'État, aussi important soit-il, pas sur une seule année, mais pour toute la sphère publique et pour toute la législature.
Pour la première fois, je vous présente le projet de loi de finances conjointement avec le projet de loi de programmation des finances publiques. Ce sont bien ces valeurs de réalisme et de responsabilité qui nous ont guidés dans l'élaboration des deux textes.
Nous devons à la vérité de reconnaître que nos hypothèses sont aujourd'hui plus vulnérables qu'elles ne le sont d'ordinaire. Mais, en plein coeur de la tourmente financière, avec une telle instabilité des marchés, il n'est pas surprenant que les recettes budgétaires comportent une part d'aléas. Cela signifie-t-il pour autant, comme je l'ai entendu ces derniers jours, que ce budget serait caduque, qu'il n'aurait plus de sens, qu'il ne mériterait plus d'être débattu ? J'affirme au contraire avec force qu'il constitue un acte politique conservant tout son sens. Le budget n'est pas soluble dans la crise.
Car qu'est-ce qu'un budget ? C'est, d'abord et avant tout, une autorisation de dépenses. Tout notre travail d'arbitrage, de redéploiement au bénéfice de nos priorités, de gains de productivité, n'est en rien remis en cause par la conjoncture.
Un budget, c'est ensuite une prévision de recettes. La démarche du Gouvernement a été, est et sera toujours d'adopter des hypothèses prudentes pour prévoir la croissance et les recettes. C'est très précisément ce que nous avions fait en utilisant une croissance de 1 % pour bâtir le budget – Christine Lagarde le détaillera sans doute. Il y a encore trois semaines, cette hypothèse était d'ailleurs partagée par la plupart des économistes.
Au-delà du totem de la croissance, nous avons, en septembre, appliqué cette prudence à tous les postes de recettes. Avec 1,5 % de progression des recettes fiscales en 2009 par rapport à l'exécution 2008 – moins que l'inflation –, jamais un budget n'a été construit sur des bases aussi précautionneuses.
Depuis, l'économie mondiale a connu de nombreux bouleversements et ces hypothèses apparaissent désormais fragilisées. Mais nous avons de longs débats devant nous, qui nous apporteront des informations susceptibles de clarifier la situation. Je laisse à Christine Lagarde le soin de vous dire quand et dans quelles circonstances précises nous pourrions alors être amenés à réviser, le cas échéant, la prévision de croissance.
J'en tirerais pour ma part toutes les conséquences en matière de recettes. Si l'on regarde les prévisions qui circulent actuellement, ce sont quelques milliards de recettes qui sont en jeu. C'est l'épaisseur de l'incertitude qui pèse chaque année sur la prévision de recettes, en plus ou en moins. Cette année, s'ajoute à cette incertitude la difficulté de prévoir l'impôt sur les sociétés versé par les établissements financiers, qui, les dernières années, contribuaient à près de 25 % aux recettes d'impôt sur les sociétés.
Quoi qu'il en soit, il faut attendre que la situation soit éclaircie, les plans des différents pays mis en oeuvre et les marchés un minimum stabilisés. Car notre responsabilité n'est pas de réviser chaque jour les prévisions en fonction du dernier indice boursier ou du dernier prix du baril de pétrole. Cela, c'est le gagne-pain des économistes. Le budget ne doit pas être calculé en « mark to market ». Le budget n'est pas indexé sur les cours de la Bourse.
Perçons donc l'abcès : ma responsabilité, aujourd'hui, c'est de vous dire si nous bouleverserons l'enveloppe des dépenses dans les semaines à venir en fonction de la conjoncture pour tenir l'objectif de déficit. Ce n'est pas le cas. Je l'ai dit à plusieurs reprises, le Président de la République et le Premier ministre l'ont expliqué également : si le ralentissement économique devait être plus long ou plus prononcé que prévu, si les recettes devaient en conséquence être revues à la baisse, notre action, notre choix, serait de ne pas compenser, ni par des coupes dans les dépenses ni par des relèvements de taxes. Si nous révisons la croissance, le déficit sera plus élevé. Dans des circonstances exceptionnelles, la politique budgétaire doit aussi, à titre exceptionnel, conserver une certaine souplesse : le pacte de stabilité et de croissance ne dit pas autre chose.