Néanmoins, sa construction, pour être intéressante, me paraît pouvoir être améliorée. Le projet comporte douze articles et un rapport annexé. Selon la lecture proposée par le rapporteur général, le corps du projet serait essentiellement consacré aux règles de gouvernance, et le plus « neutre » possible. Au rapport seraient réservés les chiffres, les hypothèses d'évolution et les orientations politiques.
En réalité, le projet comporte à la fois des règles de gouvernance et des hypothèses d'évolution pour certains indicateurs. Pour certains seulement : le solde des administrations publiques et la dette publique y figurent bien, l'ONDAM et les plafonds des dépenses budgétaires y sont mentionnés, mais il faut se reporter à l'annexe pour trouver des informations sur le niveau des dépenses publiques et des prélèvements obligatoires. Ces deux dernières informations figurent pourtant en bonne place dans le Programme de stabilité transmis à la Commission européenne et, en toute logique, elles devraient figurer dans le texte même du projet. Je proposerai donc, par voie d'amendements, que ces deux éléments soient « remontés » au niveau des articles, car ils me semblent contribuer de manière essentielle à la vision d'ensemble de la trajectoire qui nous est proposée.
En second lieu, le projet prévoit pour les dépenses fiscales et les exonérations sociales des règles de comportement pour ce qui est de leur création ou de leur extension. Ces règles sont bienvenues. Mais, par définition, elles ne valent pas pour le stock existant des dépenses de cette nature. Nous savons pourtant – les conclusions des deux missions d'information conduites par la commission des finances sont sans équivoque – que leur croissance incontrôlée entraîne un « mitage » des recettes et pose un problème aussi bien d'équité que d'efficacité.
Nous avons eu à plusieurs reprises, monsieur le ministre, des discussions sur la manière d'encadrer ces dépenses fiscales. Nous sommes tous d'accord pour dire qu'il n'est pas possible de fixer une norme d'évolution annuelle contraignante, parce que ces dépenses sont d'une certaine manière servies « à guichet ouvert ». Mais il paraît possible – dans un cadre pluriannuel – d'inscrire un objectif d'évolution sur la période considérée, et l'on ne voit pas pourquoi un tel objectif ne serait pas fixé à un niveau identique à celui des dépenses budgétaires. Or, en 2009, ces dépenses progresseraient deux fois plus vite que les dépenses budgétaires. De cette façon, avec cet objectif affiché, on ne se contenterait pas d'encadrer les dépenses à venir, comme le propose l'article 10 du projet, mais on pourrait prendre en considération le stock existant en adoptant, au vu de l'écart constaté telle année par rapport à l'objectif, les mesures d'ajustement nécessaires l'année suivante. C'est ce que je proposerai par amendement. Le même principe sera proposé concernant les « niches sociales ».
Comparons maintenant les principaux indicateurs de la programmation qui nous est soumise avec ceux contenus dans le Programme de stabilité, transmis à la Commission européenne en novembre dernier et prévoyant un retour à l'équilibre des finances publiques à l'échéance 2012. Cette programmation reposait sur la double hypothèse d'une stabilisation des prélèvements obligatoires sur la base du taux observé en 2008 et d'une norme de dépense en progression de 1,1 % sur la période – cette norme étant de 0 % en volume pour l'État. Dans ces conditions, le retour à l'équilibre était repoussé de 2010 à 2012.
Quelques mois plus tard, la programmation qui nous est présentée est la même que précédemment, mais décalée. Le point de départ est fortement dégradé : le taux de croissance annuel pour 2008 ne dépassera pas 1 % et celui retenu pour 2009 se situe entre 1 et 1,5 %. La prévision d'un taux de croissance de 2,5 % réapparaît néanmoins à compter de 2010, comme Mme la ministre vient de l'indiquer. C'est donc un retour aux hypothèses antérieures, et l'on peut se poser la question de savoir où se trouve le point de croissance supplémentaire annoncé.
Pour ne pas trop reporter l'échéance, la trajectoire de réduction du déficit est durcie, avec des rythmes de réduction de 0,7 à 0,8 point par an, contre 0,5 à 0,6 dans la programmation précédente. Malgré cet optimisme et ce volontarisme, que rien ne permet d'étayer, ce n'est pas à l'équilibre que nous parviendrions en 2012, mais à un solde négatif des administrations publiques de 0,5 % du PIB et à une dette qui continuerait de dépasser 60 %, comme c'est le cas chaque année depuis 2003. Ainsi, 2009 ne sera pas la première année où nous ne respecterons pas les critères de Maastricht ; s'agissant de l'endettement, nous le dépassons depuis un certain temps déjà !
Mais qu'en est-il réellement, à présent que l'estimation de la croissance pour 2008 est révisée à la baisse – elle n'atteindra pas 1 % – et que celle prévue en 2009 sera elle-même extrêmement faible – de l'ordre de 0,2 %, selon la dernière estimation du FMI –, ce dont le Premier ministre ne semble pas disconvenir ?
Je sais que les prix de l'énergie et des matières premières ont joué un rôle dans les difficultés économiques de 2008, mais ils sont en train de baisser fortement. Je sais également que la crise financière est passée par là, mais elle n'explique pas tout.
En 2007, la situation de nos finances publiques s'était déjà sérieusement dégradée, alors que le taux de croissance était supérieur à 2 %. C'était avant que les conséquences de la crise financière ne se fassent sentir, et la Cour des comptes indique même que notre pays a été à contre-courant de ses partenaires européens. La France avait vu augmenter sa dette cette année-là, et son déficit public était passé de 2,4 à 2,7 % du PIB. Comme le rappelle le rapporteur général, à propos de la loi de programmation, « la situation de tous les États de l'Union européenne qui avaient enregistré un déficit en 2006 a connu une amélioration en 2007, à l'exception du Royaume-Uni et de la Grèce. L'écart des résultats français avec la moyenne des autres pays européens s'est établi à 2,1 points par rapport à l'Union à 27, contre 1,2 en 2006, et à 2,7 points par rapport à la moyenne de la zone euro, contre 1,4 point en 2006. » On ne peut mieux dire que les performances de la France sont aujourd'hui moins bonnes qu'auparavant, comparées à celles des autres pays, soit de la zone euro, soit de l'Union européenne.
À mon sens, tout s'est joué là : un très mauvais tournant a été pris en 2007, et la France ne parvient pas à sortir d'une situation que vous avez créée.
En 2008, le ratio de la dette sur le PIB se dégradera encore pour s'établir à 65,3 %. S'il y a la crise financière, qui peut justifier un assouplissement des critères de Maastricht, il y a surtout les politiques budgétaire et économique qui sont menées et ne sont manifestement pas les bonnes, si j'en juge tant par leurs résultats que par le constat du rapporteur général dans son rapport sur le projet de loi de programmation.
Cela m'amène au projet de loi de finances pour 2009.
Compte tenu du point de départ que j'ai décrit – une situation dégradée en 2007 et qui ne se rétablit pas en 2008 –, les hypothèses retenues pour 2009 doivent être appréciées avec une certaine circonspection – je reconnais, madame la ministre, monsieur le ministre, que vous l'avez vous-mêmes admis – car le contexte est maintenant celui d'une crise économique. Au passage, je voudrais revenir sur ce que vous avez dit, madame Lagarde, concernant les origines de cette crise. Elles sont effectivement à trouver dans l'excès d'opacité et de cupidité, et dans d'autres excès encore, mais il faut aussi reconnaître que la crise a une origine sociale, liée au capitalisme lui-même, à travers la déconnection des salaires par rapport à la productivité…