La séance est ouverte.
(La séance est ouverte à quinze heures.)
En application des articles 29 et 30 de la Constitution, je déclare ouverte la deuxième session extraordinaire de 2006-2007, convoquée par décret du Président de la République du 7 septembre 2007.
J'ai reçu de M. le Premier ministre une lettre m'informant de sa décision de charger M. Guy Geoffroy, député de Seine-et-Marne, d'une mission temporaire auprès de Mme la ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche et de M. le ministre de l'éducation nationale. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Monsieur le président, ce rappel au règlement concerne l'ordre du jour de l'Assemblée nationale.
Nous demandons au Gouvernement, seul à avoir la maîtrise de l'ordre du jour – avant peut-être que cela change –, une modification de cet ordre du jour afin de faire une place à une question extrêmement importante qui a trait à la situation en Iran.
En effet, les déclarations du ministre des affaires étrangères ces derniers jours ne peuvent que nous inquiéter et préoccupent non seulement l'opinion publique française, mais également la communauté internationale : M. Kouchner n'a pas exclu une intervention militaire en Iran.
Alors que les travaux de l'Assemblée nationale ont été interrompus le 20 février en raison des élections, la session extraordinaire du mois de juillet ne nous a pas donné la possibilité, puisque notre règlement ne nous le permet pas – mais nous souhaitons que cela change (« Eh oui ! » sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche) –, d'interroger le Gouvernement sur un certain nombre de questions d'actualité qui concernent les Français ; la présente session extraordinaire ne nous le permettra pas non plus. Monsieur le président, vous le comprendrez : il faudra bien changer ce mode de fonctionnement.
Cela étant dit, nous nous situons au-delà d'une simple question au Gouvernement. Car les déclarations du ministre des affaires étrangères sur la situation préoccupante en Iran face au risque de voir ce pays se doter de l'arme nucléaire et aux menaces que son président a proférées à plusieurs reprises ne doivent pas être abordées à la légère. Envisager une intervention militaire, comme l'a fait le ministre des affaires étrangères – lequel avait, lorsqu'il n'était pas ministre, soutenu l'intervention militaire américaine en Irak – a de quoi nous inquiéter ! S'agit-il d'une position personnelle ou est-ce la position des autorités françaises, c'est-à-dire du Président de la République et, bien sûr, du Gouvernement ?
Notre demande est simple, claire : nous souhaitons la tenue dans les plus brefs délais d'un débat à partir d'une déclaration du Gouvernement : le Premier ministre doit venir s'expliquer devant l'Assemblée nationale. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)
Mon rappel au règlement se fonde sur l'article 58, alinéa 1, de notre règlement, et concerne également l'ordre du jour de notre assemblée.
Nous considérons comme extrêmement graves les déclarations faites à la presse par le ministre des affaires étrangères, M. Bernard Kouchner, sur l'éventualité d'une guerre avec l'Iran. Il a textuellement déclaré, dimanche 15 septembre : « Il faut se préparer au pire » au sujet de l'Iran. Interrogé au Grand Jury RTL-Le Figaro-LCI pour savoir ce que cela signifiait, le chef de la diplomatie a répondu : « c'est la guerre ».
Avec cette déclaration va-t-en-guerre, le ministre des affaires étrangères ne fait qu'approfondir la crise iranienne et le dossier nucléaire iranien qui est traité par l'Agence internationale de l'énergie atomique, laquelle mène des négociations, qui ne sont pas terminées, avec le gouvernement iranien.
Cette menace de l'emploi de la force armée contre l'Iran, outre qu'elle constitue vraisemblablement une infraction à l'article 2, paragraphe 4, de la charte des Nations unies, peut déstabiliser encore plus la paix, la sécurité et la stabilité régionales au Proche-Orient, avec les risques d'une extension du conflit qui secoue cette région.
De plus, les propos du ministre ont suscité des réactions très négatives de la part des pays européens, notamment l'Allemagne, mais aussi du directeur de l'Agence internationale de l'énergie atomique.
Devant la gravité de ces propos, lourds de conséquences, je demande, au nom du groupe de la Gauche démocrate et républicaine, la tenue en urgence d'un débat sur ce problème crucial des conditions de la paix dans l'ensemble du Proche et du Moyen-Orient et sur la question du désarmement nucléaire. La transparence, l'information de nos concitoyens et la démocratie le commandent. (Applaudissements sur les bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine et sur de nombreux bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)
Messieurs les présidents Ayrault et Sandrier, vous le savez comme nous tous – M. Ayrault l'a rappelé –, la maîtrise de l'ordre du jour appartient au Gouvernement. (Exclamations et « C'est dommage ! » sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.) C'est donc à lui de choisir le moment où se tiendra, ici, un débat sur telle ou telle question.
C'est au Président de la République que la maîtrise de l'ordre du jour appartient désormais !
Cependant, je ne manquerai pas de saisir la conférence des présidents et M. le secrétaire d'État chargé des relations avec le Parlement de votre demande dès que la session ordinaire d'octobre me le permettra. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)
Monsieur le président, monsieur le président de la commission des lois, monsieur le président de la commission des affaires étrangères, monsieur le rapporteur, monsieur le rapporteur pour avis, mesdames et messieurs les députés, c'est la première fois dans l'histoire de la Ve République qu'un ministre chargé spécifiquement de conduire la politique d'immigration de notre pays s'exprime devant la représentation nationale. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.) Nicolas Sarkozy, comme ministre d'État, avait appelé cette innovation de ses voeux ; c'est comme Président de la République qu'il l'a rendue possible grâce à la création du ministère de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du codéveloppement.
Ce ministère est à la fois novateur et ambitieux.
Novateur, car son champ de compétences couvre l'ensemble du parcours d'un étranger candidat à l'immigration en France, depuis l'accueil au consulat jusqu'à l'intégration dans notre pays et l'accès à la nationalité française, ou le retour dans le pays d'origine. Pour créer ce ministère régalien, il a fallu bousculer des habitudes administratives. Nous y sommes parvenus.
Ambitieux, car il s'agit de mettre en oeuvre une politique qui respecte l'équilibre attendu par les Français. Nous serons fermes à l'égard des immigrés qui ne respectent pas les lois de la République, comme nous protégerons ceux qui respectent nos règles et nos valeurs.
Le projet de loi relatif à la maîtrise de l'immigration, à l'intégration et à l'asile est, ainsi, la traduction concrète d'engagements pris par le Président de la République devant les Français.
Tous nos compatriotes le savent bien : le problème des trente dernières années, ce n'est pas l'immigration en soi, mais plutôt l'absence d'une politique d'immigration réfléchie, cohérente, déterminée. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)
Je suis venu devant vous…
…avec la ferme décision de rompre : rompre avec les errements du passé, rompre avec la fatalité, rompre avec la facilité, rompre avec l'irresponsabilité qui consiste à accueillir sans limite des migrants…
…sans se soucier, monsieur Gremetz, de leur intégration à la communauté nationale. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Cette rupture a été amorcée depuis 2002 : nous sommes sortis du chaos migratoire. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)
À son arrivée au ministère de l'intérieur, en mai 2002, Nicolas Sarkozy a trouvé une situation incohérente.
La politique de régularisation massive mise en oeuvre par le gouvernement précédent – et après tout, on pouvait se poser la question de cette nécessité de régularisation massive – avait échoué parce qu'elle avait provoqué un vigoureux appel d'air. Les demandes d'asile avaient quadruplé en cinq ans, passant de 20 000 en 1997 à 82 000 en 2002.
La zone d'attente de Roissy débordait de tous les côtés. Le hangar de Sangatte…
…symbolisait dans toute l'Europe l'incurie de notre système migratoire. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine. – « Eh oui ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Nicolas Sarkozy a mis fin à ce laisser-aller. Sous son impulsion, le législateur a engagé de grandes réformes. La loi du 26 novembre 2003 a créé de nouveaux outils de lutte contre l'immigration clandestine. La loi du 10 décembre 2003 a commencé à réformer la procédure d'asile. La loi du 24 juillet 2006 a défini les premiers instruments d'une immigration choisie et concertée.
Ce profond travail de réforme législative s'est accompagné, c'est vrai, d'une forte mobilisation de l'administration. Des résultats ont été obtenus.
Depuis 2002, ce sont au total près de 100 000 étrangers en situation irrégulière qui ont été raccompagnés, à partir de la métropole, dans leurs pays d'origine. Outre-mer, un effort considérable a également été accompli, puisque 24 000 étrangers en ont également été éloignés en 2006.
Dans le même temps, nous protégeons plus efficacement nos frontières. Ainsi, le renforcement des contrôles dans les aéroports et les ports a permis de refouler l'année dernière 35 000 migrants illégaux avant leur entrée sur le territoire national.
Rien de plus normal à cela : un étranger en situation irrégulière n'a pas, par principe, vocation à séjourner en France, dans l'espoir d'une hypothétique régularisation. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Il a vocation à retourner dans son pays d'origine, de manière volontaire si possible, ou de manière contrainte. Il s'agit là d'une règle de bon sens que chacun comprend et que nous appliquons au quotidien.
J'ajoute que l'aide au retour volontaire connaît des résultats encourageants. Son niveau, qui était tout à fait dérisoire, a été fortement accru. Cet effort a permis, en un an, de doubler le nombre des bénéficiaires : 1 000 personnes en 2005, 2 000 personnes en 2006. L'objectif pour 2007 est de 2 500.
La lutte contre l'immigration illégale est aussi, bien sûr, un combat contre les filières exploitant la misère des clandestins.
Car les premières victimes de l'immigration clandestine, ce sont souvent, hélas, les immigrés eux-mêmes.
J'ai accueilli à Toulon, le 3 juin dernier, les corps de dix-huit malheureux noyés au large de Malte, recueillis par une frégate de la marine française. Si le parcours de ces migrants venus d'Afrique s'est achevé dans la tragédie, c'est parce qu'ils avaient croisé le chemin d'un passeur qui leur avait proposé une embarcation vers la mort. Je n'accepte pas que des passeurs, des marchands de sommeil, des patrons voyous exploitent la misère des sans-papiers. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Contre les esclavagistes des temps modernes, notre combat est plus que jamais déterminé. C'est une exigence morale que nous devons, ensemble, respecter. En 2006, des opérations coups-de-poing ont permis de démanteler 112 réseaux et d'interpeller 3 500 passeurs ou organisateurs de filières : ils n'étaient que 1 400 l'année précédente. Nos efforts se sont encore accentués depuis le début de l'année 2007, puisque, sur le seul premier semestre, 1 821 passeurs ont été interpellés.
Mais il faut maintenant aller plus loin et agir. Depuis un siècle et demi, la France est une terre d'immigration aux mille visages : Belges, Italiens, Espagnols, Polonais, Hongrois, Portugais, Maghrébins, Africains, Asiatiques, Turcs.
Plusieurs députés du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche. Hongrois surtout ! (Sourires.)
Si cette immigration a contribué à forger et à enrichir notre identité nationale, plusieurs raisons plaident aujourd'hui en faveur d'une politique de maîtrise des flux migratoires. J'en évoquerai rapidement cinq ou six. Il faut d'abord regarder la vérité en face. Qui peut contester que le système d'intégration français a échoué ?
J'en veux pour preuve − et je suis certain que des élus de tous bords ne peuvent qu'être d'accord avec ce que je vais dire − la concentration beaucoup trop forte de la population d'origine étrangère…
… dans seulement trois régions sur vingt-deux. Je vous rappelle en effet que 60 % de la population étrangère est concentrée dans trois régions, l'Île-de-France, Rhône-Alpes et Provence-Alpes-Côte d'Azur, vivant parfois dans de véritables ghettos urbains.
J'en veux aussi pour preuve le taux de chômage moyen des étrangers : il est supérieur à 20 % − autour de 22 % −, c'est-à-dire largement plus du double de la moyenne nationale. On sait même que, dans certaines banlieues, les chiffres avoisinent les 40 %.
Il faut dire la vérité aux Français. Notre système d'intégration n'est plus un modèle. Pour réussir l'intégration, il faut d'abord maîtriser l'immigration.
On ne peut pas réussir l'intégration des immigrés légaux présents en France si, dans le même temps, on ne maîtrise pas les flux migratoires entrant dans notre pays.
La deuxième raison qui impose de maîtriser ces flux migratoires est notre situation démographique. Vous le savez, la France a la démographie la plus dynamique d'Europe, avec un taux de fécondité supérieur à 2, alors que, en Espagne ou en Italie, il se situe entre 1 et 1,35. Cela signifie que la France n'a pas besoin d'une immigration massive pour soutenir une démographie défaillante.
La troisième raison, c'est que la capacité d'accueil de notre pays est limitée. Qui peut le nier ? Je ne vais pas refaire le total des constructions sous les différents gouvernements − nous avons eu ce débat sous la précédente législature −, mais la réalité est très simple. Pendant toute une période, on a moins construit, notamment de logements sociaux : c'était entre 1997 et 2002. (« Absolument ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. − Protestations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)
Ce retard a été rattrapé depuis, un vigoureux effort ayant été engagé. Au-delà des chiffres, nous devons garder en mémoire cette réalité : notre pays souffre d'un déficit de près de 1 million de logements, et nous rencontrons donc des difficultés à loger décemment les immigrés que nous accueillons. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)
La vérité, c'est que des familles entières sont hébergées dans des squats, dans des taudis, et que leurs enfants, qui ne peuvent pas faire leurs devoirs scolaires dans des logements trop exigus, sont souvent laissés à eux-mêmes dans la rue. Il serait irresponsable de prétendre, au nom d'une générosité totalement illusoire, accueillir des familles étrangères sans ressources, sans travail et sans logement. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
La quatrième raison, c'est que, l'expérience nous l'a appris, en matière de gestion de l'immigration, tout laxisme se paie lourdement. Vous vous en souvenez, lorsque, en 1997, il a été décidé de régulariser 90 000 immigrés clandestins, très logiquement le nombre des demandes d'asile a quadruplé. En rappelant cela, je ne jette la pierre à personne. Les délais d'instruction des demandes se sont alors allongés, atteignant parfois jusqu'à trois ans − trois ans d'incertitude, de doute, pour les immigrés concernés. Face à cet afflux, l'administration, complètement débordée, s'est trouvée dans l'incapacité d'organiser la reconduite à la frontière des personnes déboutées. C'est la démonstration de l'échec de toute régularisation générale.
Ce laxisme, nous le payons encore. Depuis 2002, nous avons quadruplé le nombre des places de centres d'accueil des demandeurs d'asile. Malgré cet effort sans précédent, nous devons encore payer, chaque année à Paris, 45 millions d'euros en frais d'hôtel et d'hébergement. Cela ne peut pas continuer.
La cinquième raison − et j'espère que vous y avez pris garde −, tient au dialogue que nous avons engagé avec les pays d'émigration. Nous savons que nos intérêts convergent : il n'est pas dans notre intérêt d'« accueillir toute la misère du monde » − et je ne rappellerai pas qui est l'auteur de cette formule − …
Plusieurs députés du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche. Citez la fin de la phrase !
…il n'est pas dans leur intérêt de laisser se développer sans contrôle l'immigration en France.
Deux immigrés sur trois sont originaires des pays d'Afrique subsaharienne et du Maghreb. Les gouvernements de ces pays amis ont parfaitement compris le risque du pillage de leurs forces vives, qu'ils forment avec difficulté. Nous refusons, comme eux, tout pillage des cerveaux. Je pense notamment aux professions médicales et paramédicales. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)
Enfin, dernière raison, nous voulons maîtriser ces flux migratoires, car notre pays est, en Europe, celui qui a accueilli le plus grand nombre d'étrangers au cours des dernières décennies : jusqu'à 400 000 par an dans les années soixante et soixante-dix.
Là encore, la France est dans une situation singulière par rapport à ses partenaires européens méditerranéens, comme l'Espagne, l'Italie ou le Portugal qui étaient, il y a peu de temps encore, des terres d'émigration. Nous avons été, au contraire, une terre d'immigration massive, et nous en percevons aujourd'hui les conséquences potentielles sur la cohésion de la communauté nationale.
La vérité est toute simple : nous n'avons pas fini d'intégrer à la communauté nationale les fils et petits-fils des immigrés venus en France dans les années soixante et soixante-dix.
Ainsi, à l'évidence, une maîtrise responsable des flux migratoires apparaît comme la seule politique possible.
Bien sûr, nous savons tous − et il n'est pas question de le nier − qu'une immigration maîtrisée est un enrichissement pour la vie de la cité. Dans l'échange avec le migrant, il y a l'apprentissage de la diversité, l'attrait de la différence, le sens de la tolérance. Il y a donc le meilleur. Mais il peut aussi y avoir le pire, produit en grande partie par trente années d'une immigration non gérée : les cités ghettos, les squats, les phénomènes de bandes, les violences urbaines (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine,)…
…autant d'exemples que l'on doit méditer pour éviter ces situations à l'avenir. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.) Voudriez-vous le nier ?
Pour beaucoup de nos compatriotes, l'immigration est une source d'inquiétude. Ils y voient une menace pour leur sécurité, leur emploi, leur mode de vie. Les Français qui pensent de la sorte sont aussi respectables que les autres.
Plusieurs députés du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche. Vous voulez dire les électeurs de Le Pen !
Il faut comprendre les attentes, les espoirs de cette majorité silencieuse, pour qui l'immigration est d'abord une réalité quotidienne. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Notre devoir est donc aussi simple qu'exigeant : nous devons répondre à l'attente des Français, qui nous demandent de maîtriser ces flux migratoires pour préserver l'équilibre de notre communauté nationale.
C'est l'engagement qu'a pris le Président de la République devant nos compatriotes. C'est le mandat qu'il tient du peuple. C'est la mission qu'il m'a demandé de mettre en oeuvre, au sein du Gouvernement.
Il n'est pas compétent pour cela ! Voyez l'article 5 de la Constitution !
Concrètement, comment avons-nous commencé et comment allons-nous continuer à mettre en oeuvre la nécessaire rupture qu'attendent les Français ?
La perspective qu'a définie le Président de la République pour le quinquennat est claire : nous devons affirmer le droit de la France à choisir elle-même qui peut s'installer, ou non, sur le territoire national. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Cela signifie en premier lieu que nous devons continuer à lutter fermement contre l'immigration clandestine, en démantelant les filières, en luttant contre le travail illégal et les marchands de sommeil.
Cela signifie, parallèlement, que nous devons réorganiser la manière dont est gérée l'immigration légale : il faut rééquilibrer les composantes de l'immigration vers notre pays. Il n'est pas acceptable que l'immigration soit aujourd'hui très majoritairement familiale et très minoritairement économique. Songeons que, en 2005, 92 000 cartes de séjour ont été délivrées au titre de l'immigration familiale et seulement 11 000 au titre de l'immigration pour motifs professionnels.
Nous souhaitons donc, dans les cinq ans qui viennent, parvenir à ce que l'immigration économique représente 50 % du flux total des entrées à fin d'installation durable en France.
Cette transformation doit se faire dans le cadre d'un dialogue approfondi avec les pays d'origine de l'immigration, en donnant tout son sens à la logique du codéveloppement.
À l'évidence, la pression de l'immigration clandestine, qui s'exerce sur le Nord, se nourrit des déséquilibres du Sud. Aujourd'hui, plus d'un tiers des 900 millions d'Africains vit avec moins de 1 euro par jour.
La moitié de la population de ce continent a moins de dix-sept ans. Il faut impérativement tendre la main à l'Afrique, pour que sa jeunesse puisse trouver un avenir en Afrique, au lieu de le chercher vainement en Europe. La clef de cet avenir, c'est l'effort de développement.
Le moment est venu de nouer des partenariats avec les pays les moins développés pour réguler ensemble, dans l'intérêt des deux parties, les flux migratoires.
Les pays d'origine nous feront part de leurs besoins et s'engageront à nous aider à lutter contre l'immigration illégale, en échange de quoi nous accueillerons un certain nombre de ressortissants et formerons leurs élites dans des domaines où celles-ci pourraient mettre ensuite utilement leur formation au service du développement de leur pays. C'est tout l'enjeu de la négociation, avec les pays d'origine de l'immigration, des accords de gestion concertée des flux migratoires, qui comprennent tous un volet relatif au codéveloppement.
Je ne donnerai pas la liste de ces accords. Un premier avait été signé avec le Sénégal, et nous avons bon espoir de signer l'accord d'application avant la fin de l'année. J'en ai signé un autre avec le Gabon, le 5 juillet dernier. Des discussions très précises sont engagées avec le Bénin et aboutiront, j'en suis convaincu, avant la fin 2007. Parallèlement, un accord identique peut être signé avec le Congo Brazzaville. J'engagerai ce dialogue avec d'autres pays au cours des prochains mois, notamment avec le Mali, qui, vous le savez, est une terre d'immigration importante, mais aussi avec le Cameroun, le Togo, Madagascar ou Haïti.
C'est la première fois que la France signe de tels accords avec les pays d'origine de l'immigration. Cela signifie tout simplement que notre pays est − nous pouvons en être fiers − dans la droite ligne de la conférence euro-africaine sur les migrations et le développement qui s'est tenue à Rabat en juillet 2006. C'est d'ailleurs notre pays qui l'an prochain, lors de la présidence française de l'Union européenne, accueillera la deuxième conférence.
La dynamique de ces accords démontre que la politique d'immigration choisie et concertée conduite par la France est approuvée par les pays d'origine, qui sont nos partenaires.
Monsieur Brard, il ne faut pas avoir une oreille trop sélective : vous n'avez pas entendu un seul responsable des pays concernés qui ait émis la moindre réserve sur la politique qui est menée aujourd'hui.
C'est un peu gênant pour vous, mais, quand on affirme quelque chose, il faut être capable de le démontrer. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Parallèlement à l'effort de codéveloppement, nous favorisons la mobilité des compétences grâce au nouveau dispositif d'accueil d'étudiants et de travailleurs étrangers qui souhaitent séjourner temporairement en France. Je vous l'ai dit, il n'est pas question de piller les cerveaux des pays qui en ont le plus besoin.
Toutefois, notre pays doit s'ouvrir à l'immigration professionnelle et nous disposons pour cela de lois qui ont été votées par la précédente législature.
Nous le savons, une ouverture maîtrisée de notre marché du travail à des salariés étrangers peut être source de gains de croissance et donc d'une prospérité accrue pour notre pays. Certains secteurs, vous le savez, souffrent de pénuries de main-d'oeuvre, qu'une immigration économique peut partiellement combler. Il est donc à la fois essentiel et urgent d'attirer et de former les meilleurs chez nous.
J'ai donc engagé une concertation au mois de juillet avec les partenaires sociaux pour nous permettre d'accueillir en France des travailleurs étrangers, munis de cartes de séjour « salarié » dans les secteurs professionnels et les zones géographiques caractérisées par une pénurie de main-d'oeuvre.
Ces dispositifs économiques seront bientôt opérationnels, notamment la carte « compétences et talents » qui permet à un étranger de travailler sur notre territoire pendant une durée de trois ans renouvelable une fois et de retourner ensuite dans son pays d'origine pour aider au développement de son pays.
Les premières cartes seront délivrées avant la fin de cette année.
C'est-à-dire moins de six mois après la création du ministère dont j'ai la responsabilité.
La circulation des compétences ne concerne évidemment pas que les actifs, elle doit se préparer en amont par une politique volontariste d'accueil des étudiants étrangers. Avec le ministre de l'enseignement supérieur, Valérie Pécresse, nous devons diversifier l'origine des étudiants étrangers accueillis en France, recruter davantage d'étudiants dans des disciplines scientifiques, et renforcer l'accueil dans les deuxième et troisième cycles.
J'ajoute que la transformation de notre politique d'immigration passe nécessairement par une coopération européenne plus concrète et donc plus efficace. Ainsi, en 2008, la France, qui aura alors la chance de présider l'Union européenne et ce faisant d'afficher ses priorités, proposera l'adoption d'un pacte européen de l'immigration car il est essentiel de fonder la politique européenne de l'immigration sur une démarche volontaire des États et sur quelques grands principes communs. Je me réjouis par exemple que des gouvernements comme ceux au pouvoir en Italie ou en Espagne affirment clairement, sans aucune ambiguïté, qu'ils se refusent désormais à toute régulation massive, permettant d'espérer une politique européenne de l'immigration. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Le projet de loi d'aujourd'hui nous donne de nouveaux instruments. Encore une fois, il ne s'agit pas, vous l'avez observé, d'une cathédrale législative.
C'est un texte simple, lisible, court et concret. Il s'agit de réduire la part prépondérante de l'immigration familiale et de renforcer le parcours d'intégration en France des candidats au regroupement familial.
Première mesure, les personnes souhaitant rejoindre la France dans le cadre du regroupement familial, tout comme les conjoints étrangers de Français, seront désormais soumis, dans leur pays de résidence, à une évaluation de leur degré de connaissance de la langue française et des valeurs de la République.
Cette réforme est le fruit d'une conviction affichée : la langue est le meilleur vecteur d'intégration. (Exclamations sur quelques bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.) C'est la clef de l'accès à l'emploi, c'est la clef de l'accès au logement, c'est la clef de l'accès aux services publics, c'est tout simplement la clef de l'accès à une vie normale au sein du pays d'accueil. Il ne faut pas attendre l'arrivée en France pour s'initier à la langue française. Si nous voulons éviter que des migrants arrivent en France sans repères, si nous voulons éviter qu'ils restent enfermés dans leur communauté et leur langue d'origine, nous devons leur offrir la possibilité d'apprendre le français au moment où ils forment le projet d'immigrer en France.
Plusieurs députés du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. Très bien !
Et nous devons leur demander de faire cet effort.
Imposer au candidat à l'immigration familiale de passer un test de langue de français et d'apprendre notre langue, c'est à la fois combattre le communautarisme et récompenser les efforts des étrangers qui souhaitent véritablement s'intégrer.
Ceux qui refuseront de passer le test ou de suivre la formation ne pourront pas rester en France. Cette mesure est attendue par nos compatriotes. M. Sandrier évoquait tout à l'heure une enquête d'opinion diffusée sur LCI, je crois. Eh bien, si j'en crois une enquête d'opinion parue ce matin, 74 % des Français approuvent cette démarche.
J'observe d'ailleurs, en passant, que selon cette même enquête, 64 % des électeurs de Mme Royal seraient également favorables à cette réforme : voilà de quoi nourrir la réflexion de certains. (« Ah ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
J'aurai l'occasion de préciser pendant le débat l'organisation pratique de cette réforme. Je tiens cependant à préciser dès à présent, pour répondre à la préoccupation de certains, que le test et la formation ne seront pas directement financés par l'étranger qui en bénéficiera, pas plus que par les contribuables. Nous privilégions une troisième option : nous comptons, par la voie réglementaire, augmenter les droits de timbres perçus sur les titres de séjour et les visas.
J'ajoute qu'en créant cette formation, la France n'est pas isolée. Au contraire, elle rejoint ainsi d'autres grands pays européens, comme les Pays-Bas ou l'Allemagne.
La Cour de justice des communautés européennes a quant à elle reconnu, dans un arrêt du 27 juin 2006, que le droit au respect de la vie privée et familiale n'interdisait pas que l'on incorpore un texte d'intégration dans la procédure de regroupement familial.
Deuxième mesure, l'étranger devra démontrer qu'il dispose de revenus adaptés à la taille de sa famille.
Le texte définit un plancher de ressources qui pourra varier entre le montant du SMIC brut et 1,2 fois ce montant en fonction de la taille de sa famille. Là aussi, c'est une question de bon sens : comment une famille étrangère de six enfants arrivant en France et devant financer des dépenses liées à son installation…
Six enfants ? Ils n'en font pas moins, c'est vrai !
M. le ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du codéveloppement. …peut-elle espérer se loger et vivre décemment dans notre pays avec des revenus inférieurs ?
Troisième mesure : il est proposé de créer un contrat d'accueil et d'intégration pour la famille.
En signant ce contrat avec l'État, les parents des enfants ayant bénéficié du regroupement familial s'engageront à réussir l'intégration de leurs enfants. À cette fin, ils recevront une formation sur les droits et devoirs des parents en France, les obligations attachées à l'autorité parentale partagée par les parents, les relations avec l'école et avec les institutions liées à l'enfance, la protection de l'enfance, les comportements réprimés – mariage forcé, excision, polygamie.
Notre ambition ne doit pas être dévoyée. Notre ambition est d'augmenter les chances qu'ont les enfants entrés en France dans le cadre du regroupement familial de réussir leur vie dans notre pays.
Bien sûr, le caractère obligatoire du contrat a une conséquence : le contrat doit être respecté. S'il ne l'est pas, cela entraîne un accompagnement social. Et le cas échéant, oui, des sanctions pourront être prises, de manière progressive, jusqu'à la saisine du juge des enfants et la mise sous tutelle des allocations familiales.
J'en viens, plus brièvement, au second objet du projet de loi, qui consiste à conforter la procédure d'examen des demandes d'asile.
J'entends être pleinement le ministre de l'asile, en respectant la tradition d'accueil des réfugiés politiques qui fait l'honneur à notre pays. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
En 2006, la France a étudié 31 000 demandes d'asile, ce qui la place au premier rang des pays de l'Union européenne.
À titre de comparaison, l'Allemagne a étudié cette année-là 21 000 demandes d'asile, le Royaume-Uni 28 000. Seuls les États-Unis dépassaient la France en nombre de demandes traitées. Et aujourd'hui, je vous le rappelle, 124 000 personnes bénéficient, en France, du statut de réfugié.
Je souhaite dire de la manière la plus solennelle et la plus forte, comme je l'ai fait à Lyon la semaine dernière, la question de l'asile et la question de l'immigration sont distinctes, et doivent le rester. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
L'asile n'est pas et ne sera pas la variable d'ajustement de la politique d'immigration que nous mènerons. Au contraire, l'asile a sa finalité propre, qui doit être de protéger les personnes qui précisément ne sont plus protégées par leur propre État. Par conséquent, naturellement, la France n'entend pas fixer de quota d'accueil de réfugiés politiques.
En me confiant la tutelle de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, le projet de loi ne fait en réalité que tirer la conséquence de la création du ministère dont j'ai la charge.
Il est naturel que la tutelle de OFPRA passe du ministère chargé des relations internationales à celui chargé de l'entrée et du séjour des étrangers en France.
Il suffit de suivre, monsieur Glavany, pour comprendre la cohérence.
Vous venez de dire l'inverse : vous avez dit qu'il fallait séparer les deux questions !
Il va de soi que l'indépendance fonctionnelle de l'OFPRA restera entière, sous le contrôle juridictionnel de la Commission de recours des réfugiés. Ce n'est donc pas moi qui, demain, déciderai si tel ou tel étranger doit être reconnu comme réfugié. L'OFPRA restera souverain dans ses décisions sur les cas individuels. Et je vais même plus loin, j'entends conforter l'indépendance de cette juridiction, qui doit devenir une véritable Cour nationale du droit d'asile, dotée d'une pleine autonomie budgétaire.
J'ajoute que ce projet de loi fait aussi oeuvre utile en adaptant à la dernière jurisprudence européenne le régime du droit de recours contre les décisions de refus d'asile à la frontière, répondant ainsi à une demande, justifiée d'ailleurs, des associations. Très concrètement, cela signifie que les étrangers qui demandent l'asile à Roissy à leur descente d'avion pourront, lorsqu'ils estiment que la France leur refuse à tort le statut de réfugié, rester dans la zone d'attente jusqu'à ce que la décision soit prise par le juge en urgence.
Je me réjouis qu'un travail parlementaire de très grande qualité permette d'enrichir le projet de loi.
Plusieurs députés du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. Très bien !
Je tiens à l'équilibre du texte que je vous présente, car il met en oeuvre les engagements pris par le Président de la République devant les Français.
Mais je ne me sens pas propriétaire de chaque alinéa et suis donc bien évidemment ouvert au débat et désireux que ce texte soit amélioré par le Parlement, au service de nos compatriotes.
C'est dans cet esprit d'écoute et d'ouverture que j'ai engagé, dès ma prise de fonctions, un dialogue approfondi, parfois difficile à l'évidence, avec les principales associations reconnues pour leur engagement en faveur des droits des étrangers. J'ai également sollicité un certain nombre d'experts et suis sensible à leurs suggestions.
C'est dans ce même état d'esprit que j'aborde la discussion parlementaire, prêt à examiner tous les amendements avec la même attention, sans préjuger leur origine partisane.
Je me réjouis que, sur plusieurs bancs, des amendements très utiles aient été présentés.
D'abord, je veux bien évidemment remercier les commissions des lois et des affaires étrangères et leurs présidents, Jean-Luc Warsmann et Axel Poniatowski. D'emblée, je tiens à souligner d'ailleurs l'accord du Gouvernement avec la plupart des amendements présentés par les commissions : sur l'essentiel, nous sommes en parfait accord.
Je tiens aussi à remercier le rapporteur, Thierry Mariani, dont chacun connaît et mesure la remarquable connaissance des questions migratoires. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Je veux également féliciter le rapporteur pour avis, Philippe Cochet, dont je connais l'investissement sur les questions d'asile. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Je souhaite surtout exprimer dès maintenant la position du Gouvernement sur les amendements susceptibles de susciter les débats les plus riches.
Faut-il, comme le font non pas onze mais douze États européens, donner aux étrangers qui souhaitent obtenir un visa la possibilité de prouver leur filiation en ayant recours à un « test ADN » ?
Plusieurs députés du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. Oui !
Plusieurs députés du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine. Non !
Ce n'est pas une question taboue, et je remercie Thierry Mariani de l'avoir posée et d'avoir proposé un amendement intéressant.
Il appartiendra à l'Assemblée d'en discuter et de prendre une position. En tout état de cause, il me paraît nécessaire d'avoir précisément à l'esprit la proposition.
De quoi s'agit-il ? Il ne s'agit évidemment pas, contrairement à ce que j'ai pu lire ici ou là, sous la plume de personnes de bonne foi certainement mais mal informées, de pratiquer on ne sait quel « fichage génétique » des candidats à l'immigration familiale ! (Protestations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)
Je vois que vous êtes d'accord.
Il s'agit simplement de recourir à une technologie moderne permettant à une personne volontaire de prouver sa filiation lorsque les documents d'état-civil ne le permettent pas.
Doit-on ignorer que douze pays européens, parfaitement démocratiques, y ont déjà recours : L'Allemagne, le Royaume-Uni, l'Espagne, l'Italie, l'Autriche, la Belgique, le Danemark, la Finlande, la Lituanie, la Norvège, les Pays-Bas et la Suède ? (« Et alors ! » sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine. – Vifs applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Au moment où nous souhaitons harmoniser au plan européen les systèmes d'entrée et de séjour des étrangers, je pose une question simple : la France doit-elle rester à l'écart en refusant d'adopter une technique qui, semble-t-il, a été éprouvée par ses partenaires européens ?
Je n'ai jamais vu un membre du Gouvernement défendre un amendement parlementaire !
Parallèlement, comment veiller scrupuleusement à ce que la procédure de recueil des empreintes génétiques soit parfaitement encadrée ? Comment garantir, particulièrement, le consentement individuel de chaque personne faisant l'objet du test ? Ne serait-il pas utile de prévoir une mise en oeuvre progressive du dispositif, en commençant par les pays d'émigration dans lesquels nos partenaires européens pratiquent déjà ces tests ? En tout état de cause, pour assurer la parfaite transparence de ce nouveau dispositif, une évaluation conduite par une commission indépendante, composée de parlementaires, de hauts magistrats et d'un représentant du Conseil national consultatif d'éthique, serait utile. De même, sans doute serait-il sage de prévoir une application provisoire du dispositif, grâce à une « clause de rendez-vous » permettant au Parlement d'en débattre à nouveau, à partir de l'évaluation qui aurait pu être ainsi faite du dispositif. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)
J'ajoute que cette réflexion doit à l'évidence aller de pair avec un vigoureux effort de coopération en faveur des pays d'origine pour améliorer la fiabilité de leur état civil. Nous le faisons déjà avec le Mali, le Cameroun, la Mauritanie et le Sénégal. Il faut aller plus loin.
Je tiens ensuite à marquer l'accord du Gouvernement, dans un domaine très différent, avec l'amendement présenté par Frédéric Lefebvre visant à créer un « livret épargne codéveloppement ».
Chaque année, les transferts de fonds des migrants résidant en France vers leurs pays d'origine représentent 8 milliards d'euros. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.) Je rappelle que l'aide publique au développement est dotée de 9 milliards d'euros – cela donne une échelle. Et vous feriez mieux de ne pas m'obliger à rappeler quand elle a diminué et quand elle a augmenté ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Ces sommes considérables sont orientées, à plus de 80 % malheureusement, vers la consommation courante. Si nous réussissons à orienter une partie significative de cette épargne vers l'investissement, nous donnerons à ces pays un important levier supplémentaire de développement. Nous avons créé, en 2006, un premier produit d'épargne, bénéficiant d'une réduction d'impôt sur le revenu – les caisses d'épargne ont signé il y a quelques jours. Je crois utile d'aller plus loin. C'est tout le sens de l'amendement de Frédéric Lefebvre,…
…qui propose un nouveau produit ouvert, cette fois, à l'ensemble des étrangers résidant régulièrement en France, qu'ils paient ou non l'impôt sur le revenu.
J'ai également pris connaissance avec intérêt de l'amendement présenté par Michèle Tabarot et Sébastien Huyghe, reprenant une proposition faite par la Commission nationale de l'informatique et des libertés afin de faciliter la mesure statistique de la diversité. Chacun connaît la sagesse, pour ne pas dire la prudence, en tout cas la vigilance de la CNIL sur ces questions sensibles. Qui, mieux que la CNIL, peut légitimement proposer un amendement portant sur les fichiers informatiques ? Le Gouvernement sera donc très ouvert à cet amendement qui permettrait, sous le contrôle de la CNIL, la conduite d'études sur la mesure de la diversité des origines des personnes, de la discrimination et de l'intégration.
Si l'on veut lutter contre les discriminations liées à l'origine, il faut pouvoir les mesurer ! C'est le bon sens !
Plusieurs amendements, relatifs au séjour ou à l'éloignement des étrangers, doivent également être soulignés.
Je remercie Eric Ciotti, nouveau député des Alpes-Maritimes, d'avoir présenté un amendement utile pour contrôler le retour effectif des bénéficiaires de l'aide au retour dans leur pays :…
…le recours à la biométrie, c'est-à-dire au recueil d'une photographie numérisée et des empreintes génétiques, est nécessaire pour éviter des abus.
Etienne Pinte, Alain Joyandet, Chantal Brunel et Françoise Hostalier ont très utilement présenté des amendements qui permettront de répondre à la situation difficile de femmes qui, après être entrées légalement en France, sont abandonnées par leurs conjoints et risquent alors de se trouver dans une situation juridique très précaire.
Je souhaite, enfin, appeler votre attention sur deux amendements présentés par le Gouvernement afin de conforter l'intégration des immigrés en situation légale sur notre territoire.
D'une part, nous proposons de créer une « carte de résident permanent », d'une durée illimitée, pour faciliter la vie des étrangers qui séjournent depuis très longtemps chez nous et qui respectent nos valeurs. J'ai d'ailleurs relevé que le groupe Nouveau Centre, à l'initiative de Nicolas Perruchot, et Yves Jego avaient déposé des amendements similaires, ce dont je le remercie.
D'autre part, le moment est venu de proposer à tous les étrangers signataires d'un « contrat d'accueil et d'intégration » un véritable bilan de compétences professionnelles. Si l'on veut réduire significativement le taux de chômage des étrangers en France, il faut d'abord veiller à ce que les étrangers qui résident dans notre pays bénéficient d'un accompagnement personnalisé vers l'emploi.
C'est scandaleux ! Je n'ai jamais vu un ministre défendre des amendements parlementaires !
En conclusion, je voudrais souligner que le projet de loi qui vous est soumis a été naturellement rédigé en respectant, comme c'est le devoir du Gouvernement, les exigences posées par la Constitution et la jurisprudence du Conseil constitutionnel. J'aurai d'ailleurs l'occasion, lors de la discussion des articles et des amendements, de rappeler cette stricte exigence.
Je souhaite, toutefois, indiquer à la représentation nationale que le Gouvernement envisage, dans les mois à venir, d'engager une réflexion sur l'éventualité de modifications constitutionnelles destinées à mener à bien la transformation de la politique française de l'immigration.
Cette réflexion s'inscrira, naturellement, dans le respect des engagements internationaux de la France et des principes fondamentaux de la République. Elle pourra porter sur deux questions,
Il s'agira, d'abord, d'envisager la possibilité de définir des plafonds chiffrés d'immigration, à caractère normatif. Je l'ai entendu sur tous les bancs de cette assemblée, ou presque.
La mise en place de tels plafonds aurait deux objectifs.
D'abord, elle permettrait une maîtrise globale de l'immigration en France, en fixant un objectif quantitatif d'entrées de migrants conforme aux capacités d'accueil de la Nation. Ensuite, elle est destinée à obtenir un équilibre entre les différentes composantes de l'immigration en France – économique ou familiale – et, de même, entre les grandes régions de provenance des flux migratoires dans notre pays.
La possibilité de définir des plafonds chiffrés serait notamment envisagée au regard de la protection actuellement accordée à la vie familiale des étrangers par la jurisprudence du Conseil constitutionnel, à la lumière de l'article 8 de la Convention européenne des droits de l'homme.
J'observe, au demeurant, que, selon l'enquête d'opinion Le Figaro–LCI publiée ce matin, 74 % des Français seraient favorables à la mise en place de quotas en matière d'immigration.
Je souhaite que l'on se pose une deuxième question : peut-on faire l'économie d'une réflexion sur le contrôle juridictionnel de l'entrée, du séjour et de l'éloignement des étrangers ? J'ai entendu des réflexions à ce sujet sur tous les bancs de l'Assemblée.
Chacun peut légitimement s'interroger sur la complexité et la cohérence du système actuel, qui confie aux deux ordres de juridiction, administratif et judiciaire, le soin de contrôler différentes décisions administratives en ces matières.
A l'évidence, la complexité de l'organisation actuelle constitue un obstacle à la mise en oeuvre des mesures d'éloignement des étrangers en situation illégale, mesures qui doivent être exécutées dans des conditions à la fois conformes aux nécessités de la maîtrise de l'immigration et respectueuses de la dignité et des droits des étrangers.
Le moment est sans doute venu de réfléchir à une unification de l'ensemble du contentieux des étrangers.
Faut-il le confier au juge judiciaire ? Faut-il le confier au juge administratif ? En tout état de cause, confier à un seul ordre de juridiction le contentieux de l'ensemble du processus administratif d'admission au séjour ou d'éloignement des étrangers exigerait une réforme de la Constitution. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Je l'ai déjà dit et je le redis volontiers : dans le débat sur l'immigration, il n'y a pas de question taboue ! Mais quand il s'agit de modifier la Constitution, il faut être prudent et n'agir que si la modification envisagée est strictement nécessaire.
Je créerai donc, dans les prochaines semaines, une commission de réflexion…
…à laquelle je souhaite que puissent participer non seulement les représentants des deux grands ordres de juridiction de notre pays, mais aussi des spécialistes du droit constitutionnel et des experts des questions d'immigration.
Eh oui, nous aimons la concertation, le dialogue, et nous le démontrons ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Le Gouvernement aime tellement le dialogue qu'il le pratique tout seul !
Notre futur droit de l'immigration doit prendre en compte les perspectives de renforcement des liens entre les pays de l'Union européenne tous confrontés, même si c'est à des degrés divers, au double défi de la migration et de l'intégration.
Monsieur le président, mesdames, messieurs les députés, de la réponse que nous apporterons à la question migratoire dépend, pour une large part, l'avenir de notre communauté nationale. Nous avons une chance extraordinaire ; c'est celle de pouvoir agir dans la durée. Ce que je vous propose est dans la continuité de ce qu'a entrepris Nicolas Sarkozy avec le soutien de la précédente Assemblée nationale. Nous avons cinq ans ou presque devant nous,…
…ce qui doit nous permettre non seulement de légiférer, mais aussi – et je dirai même surtout – d'agir sur le terrain, avec une nouvelle administration centrale, avec les préfets, avec les ambassadeurs et avec les migrants eux-mêmes pour qu'immigration rime enfin avec intégration, pour que le respect de nos lois aille de pair avec l'ouverture de notre marché du travail, pour que notre identité nationale soit confortée par une politique responsable. Voilà le défi qui nous est lancé ! Voilà, mesdames, messieurs les députés, le défi que je vous propose de relever ensemble à compter d'aujourd'hui ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Nouveau Centre.)
La parole est à M. le rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République.
Monsieur le président, je demande la parole pour un rappel au règlement !
Monsieur Brard, j'ai déjà donné la parole à M. le rapporteur. Vous l'aurez ensuite ! (Protestations sur les bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine et du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)
C'est scandaleux, monsieur le président ! Vous faites preuve d'autoritarisme !
Monsieur le président, monsieur le ministre, mesdames, messieurs les députés, notre assemblée est aujourd'hui appelée à examiner le projet de loi relatif à la maîtrise de l'immigration, à l'intégration et à l'asile. Quatre mois après l'élection présidentielle, trois mois après les élections législatives, notre majorité tient ses engagements.
A lire les journaux ou à écouter les commentaires radio-télévisés des uns et des autres, on pourrait croire que « tout a été dit » et que la discussion qui s'ouvre aujourd'hui avec la session parlementaire extraordinaire ne fera que « valider » ou « enregistrer » les petites phrases des uns et les caricatures des autres.
Permettez-moi, en préambule, de dire à quel point je suis attaché à ce qui va se dérouler dans cet hémicycle ces prochaines heures. Nous en avons peut être perdu l'habitude, mais le vrai débat démocratique, le seul qui compte en vérité, doit se tenir dans cette enceinte, au Parlement.
J'espère donc que ceux qui se sont « jetés » sur ce projet de loi à coups de déclarations dans la presse et de petites phrases seront présents tout au long de la discussion pour étayer leurs arguments et mener un débat de fond au sein de la représentation nationale.
Le projet de loi qui nous intéresse aujourd'hui présente deux objectifs parfaitement identifiés.
Le premier objectif est tout simplement de commencer la mise en oeuvre du programme présidentiel dans le domaine de l'immigration.
Le second répond également à un besoin essentiel : offrir aux demandeurs d'asile à la frontière un recours juridictionnel suspensif, comme l'a demandé la Cour européenne des droits de l'homme il y a moins de cinq mois.
Ainsi, la discussion de ce projet de loi en début de législature va nous permettre de faire le point sur la nouvelle politique d'immigration souhaitée par le Président de la République et plébiscitée par les Français à l'occasion des dernières élections présidentielle et législatives. Pour la mettre en oeuvre, le chef de l'État a d'abord décidé la création d'un ministère unique…
Une députée du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche. À l'intitulé scandaleux !
…placé à la tête de toutes les administrations responsables des différents volets de la politique d'entrée et de séjour des étrangers en France.
Monsieur le ministre, il s'agit d'une réforme fondamentale de structure, puisqu'elle place au sein de votre ministère l'ensemble des administrations concernées par la question des flux migratoires. Le parcours d'un étranger candidat à l'immigration en France est désormais suivi dans sa totalité par un seul ministère regroupant des administrations jusqu'alors dispersées.
La mise en place de cette nouvelle organisation était un préalable à la mise en oeuvre d'une véritable politique d'immigration, c'est-à-dire fondée sur la réalisation d'objectifs parfaitement identifiés. Dans cette optique, le Président de la République a adressé, le 7 juillet dernier, une lettre de mission au ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du codéveloppement. Les chantiers ouverts par cette lettre sont si nombreux qu'ils exigeront une mise en oeuvre progressive. Mais, d'ores et déjà, le projet de loi que vous nous proposez aujourd'hui permet d'avancer de manière claire sur deux fronts : améliorer les dispositifs d'intégration et mieux encadrer le regroupement familial.
Si vous me le permettez, je reviendrai successivement sur ces deux aspects du projet de loi.
Concernant l'intégration, les articles 1 et 4 du projet de loi instituent une nouvelle procédure destinée aux personnes entrant en France par la voie du regroupement familial ou pour rejoindre un conjoint de nationalité française. Avec la création du contrat d'accueil et d'intégration, rendu obligatoire par la loi du 24 juillet 2006, les personnes qui s'installent en France disposent désormais d'un outil leur permettant d'apprendre notre langue et de recevoir une formation civique sur les valeurs de la République, après leur installation sur notre territoire. En effet, maîtriser le français et connaître les valeurs de la République sont des préalables évidents, essentiels à une bonne intégration dans notre pays. Ce constat est peu discuté, encore faut-il savoir comment le mettre en oeuvre concrètement de la façon la plus efficace.
Le projet de loi vise donc à compléter cet indispensable parcours d'intégration en le commençant avant même l'arrivée en France, ce qui permettra d'améliorer globalement l'efficacité du parcours d'intégration. En effet, il est préférable que les primo-arrivants disposent d'une connaissance minimale de la langue et des valeurs de la République dès leur arrivée en France, c'est-à-dire au moment où ils découvrent une société différente et entreprennent un certain nombre de démarches.
Par ailleurs, dans le cadre de la formation linguistique à l'étranger, l'autorité administrative disposera d'un outil très efficace pour s'assurer du suivi effectif des cours de français, puisque, en l'absence de présentation du justificatif d'assiduité, le visa long séjour nécessaire à l'entrée en France ne sera pas délivré.
Mes chers collègues, ce qui vous est proposé dans cette loi n'est rien d'autre que ce qui a été adopté aux Pays-Bas en 2006 et en Allemagne en août dernier – à une différence près : nous ne prévoyons qu'une obligation de moyens, en l'occurrence le suivi des cours –, alors que les deux pays que je viens de citer ont imposé une obligation de réussite. J'ajoute que, dans ces deux pays, les députés se réclamant du socialisme ont voté cette réforme. (« Très juste ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) C'est à croire que, peut-être, aux Pays-Bas ou en Allemagne, on est moins à la remorque de certains groupuscules, et on est moins doctrinaire !
Là-bas, les députés socialistes sont responsables et aiment leur pays !
Pour mettre en oeuvre ce dispositif, il est donc prévu que toutes les personnes pour lesquelles le regroupement familial est demandé, ainsi que les conjoints de Français, feront l'objet d'une évaluation de leur niveau de langue et de connaissance des valeurs de la République.
Concernant ce dernier point, la commission des lois a souhaité que l'évaluation soit la plus objective possible et ne relève pas d'une estimation arbitraire au cas par cas. C'est pourquoi elle a adopté un amendement confiant à une commission ad hoc le soin d'énumérer les connaissances attendues de la part de l'étranger, ainsi que la liste des questions, appelant des réponses simples, qui pourront lui être posées.
Si ce test de langue fait valoir que les étrangers concernés ne disposent pas au moins d'une connaissance rudimentaire de notre langue et de ses valeurs, il leur sera alors prescrit une formation de quatre-vingts à cent quatre-vingt heures organisée sur deux mois, qui ne sera pas payante.
Le suivi effectif de cette formation sera vérifié et il conditionnera l'entrée en France. En revanche, le projet de loi ne propose pas de conditionner cette entrée à la réussite d'un examen qui serait organisé postérieurement à la formation.
Autrement dit, je le répète, la France exige de l'étranger une obligation de moyens – se rendre à la formation et suivre les cours de français –, et non pas une obligation de résultats, contrairement à l'Allemagne ou aux Pays-Bas.
Au plan pratique, l'organisation de l'évaluation et de la formation reposera principalement sur l'ANAEM, l'Agence nationale de l'accueil des étrangers et des migrations, qui coordonnera l'ensemble du dispositif. Compte tenu de l'importance du réseau culturel français, notamment de la complémentarité entre la carte des implantations de l'ANAEM, de celles des organismes culturels du Quai d'Orsay – établissements et centres culturels – et de celles des alliances françaises, une couverture très satisfaisante de l'ensemble des régions du monde pourra être assurée.
Toujours dans le domaine de l'intégration, l'article 3 crée un nouvel outil, le contrat d'accueil et d'intégration pour la famille, qui s'ajoute au contrat d'accueil et d'intégration individuel. Il devra être obligatoirement signé par les parents d'enfants entrés en France par la voie du regroupement familial. En effet, les règles de fonctionnement de la cellule familiale en France ne relèvent pas de l'évidence, mais sont le résultat d'évolutions juridiques et historiques progressives assez récentes. Pour autant, la méconnaissance de ces règles fait obstacle à une bonne insertion dans notre société, tant pour les parents que pour leurs enfants. Il est donc parfaitement légitime d'imposer à ces parents un outil spécifique pour répondre à des difficultés spécifiques d'adaptation auxquelles ne sont pas confrontées les familles déjà installées sur le territoire, qu'elles soient françaises ou étrangères.
Le contrat d'accueil et d'intégration pour la famille, n'est donc nullement un dispositif de stigmatisation, ce qui explique d'ailleurs que l'UNAF, l'Union nationale des associations familiales, ait accepté de participer à l'élaboration de la formation sur les droits et devoirs des parents en France. En effet, le contrat d'accueil et d'intégration pour la famille se traduira concrètement par l'obligation de suivre une journée de formation sur les droits et les devoirs des parents, organisée autour de modules sur l'égalité entre les hommes et les femmes, l'exercice de l'autorité parentale, les droits des enfants, ainsi que l'école gratuite, laïque et obligatoire. Suivre cette formation est d'ailleurs la seule obligation liée à la signature du contrat d'accueil et d'intégration pour la famille, qui pèsera sur les parents.
Poursuivre l'encadrement de l'immigration familiale constitue le second volet de l'application du programme présidentiel. Le Gouvernement a ainsi proposé une modification de la condition de ressources pour obtenir le regroupement familial, afin de mettre en oeuvre l'engagement pris par le Président de la République pendant la campagne électorale, selon lequel le candidat au regroupement familial doit disposer d'un travail lui permettant de faire vivre sa famille sans recourir aux prestations sociales.
Si un revenu équivalent au SMIC doit pouvoir permettre à un couple avec un enfant de mener une vie familiale dans des conditions acceptables, ces ressources – convenons-en – ne permettent pas à une famille très nombreuse de vivre dans de bonnes conditions. En effet, la taille d'une famille a, de toute évidence, une incidence directe sur son niveau de vie, et donc sur ses conditions de vie.
L'article 2 du projet de loi prévoit que les ressources exigibles seront donc désormais fixées par voie réglementaire selon la taille de la famille. Le pouvoir réglementaire serait néanmoins très encadré puisque les ressources ne pourraient en aucun cas être inférieures au SMIC – soit 1 005 euros nets par mois –, cependant que le niveau de ressources exigé ne pourrait en aucun cas dépasser 1,2 fois le SMIC – soit 1 203 euros nets par mois. La commission des lois a considéré que la différence de niveau de vie entre une famille sans enfant et une famille nombreuse – à partir de six personnes – était bien supérieure à 20 % et a souhaité une modulation plus importante dans ce cas, en portant le niveau de ressources exigible à 1,33 fois le SMIC, soit 1 336 euros nets par mois.
Par ailleurs, le projet de loi se propose de poursuivre la démarche entamée en 2006, s'agissant de la définition des critères de délivrance de la carte « vie privée et familiale » pour liens personnels et familiaux, outil utilisé dans le cadre des régularisations au cas par cas.
En 2006, il a notamment été décidé que cette carte serait attribuée aux étrangers ayant apporté la preuve de l'intensité de leurs liens avec la France. Pour l'apprécier, le critère de l'insertion de l'étranger dans la société française avait notamment été retenu. En effet, la logique de la régularisation au cas par cas vise à favoriser les personnes qui ont déjà apporté la preuve de leur faculté d'intégration. Afin de continuer dans cette voie, l'article 5 du projet de loi propose de préciser la façon dont doit être appréciée l'insertion dans la société française, par la prise en compte de la connaissance par l'étranger des valeurs de la République.
Encadrer l'immigration familiale ne signifie pas remettre en cause le droit constitutionnel à mener une vie familiale, mais permettre à ce droit de s'exercer dans les conditions prévues par la loi. C'est ce constat qui a poussé la commission des lois à accepter un amendement autorisant les demandeurs d'un visa long séjour à demander l'identification de leurs empreintes génétiques lorsque leur entrée en France est justifiée par l'existence d'une filiation, mais que celle-ci ne peut pas être établie en raison des défaillances de l'état civil dans leur pays. Cette procédure, je le rappelle, ne pourrait être mise en oeuvre qu'à l'initiative du demandeur et ne pourrait donc en aucun cas lui être imposée. Contrairement à ce que certains affirment, tentant de caricaturer cet amendement…
…ou confondant peut-être notre pays avec certains de nos partenaires européens qui recourent déjà à ce type d'outil, cette possibilité permettra au demandeur de prouver sa bonne foi et d'accélérer la procédure, lorsqu'il est ressortissant d'un pays dont l'état civil est défaillant. Vous le voyez, il s'agit simplement d'octroyer un droit supplémentaire, déjà accordé dans douze pays de l'Union européenne.
J'entends, depuis l'adoption de cet amendement, tout est son contraire, y compris les déclarations les plus folles et les plus fantasmatiques. Je ne veux pas, ici et maintenant, entrer dans la discussion. Nous aurons le temps de le faire à l'occasion de l'examen de l'amendement en question. Mais je tiens à dire à ceux dont les déclarations hâtives montrent qu'ils ne l'ont même pas lu de prendre au moins la peine d'en prendre connaissance avant de le commenter.
Je passerai plus vite sur le second volet du projet de loi, dont Philippe Cochet, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, parlera plus longuement, concerne le droit d'asile à la frontière.
Je vous rappelle que ce premier filtre de la demande d'asile vise à s'assurer du sérieux des demandes qu'entendent déposer les 2 000 à 3 000 étrangers qui sollicitent chaque année le droit d'entrer en France, sans les documents requis pour le faire régulièrement. Pour tenir compte de l'arrêt Gebremedhin rendu le 26 avril dernier par la Cour européenne des droits de l'homme, le projet de loi prévoit d'offrir aux étrangers dont l'entrée en France au titre de l'asile est refusée par l'administration le droit de saisir, dans les vingt-quatre heures de la notification de cette décision, le juge administratif d'un référé-liberté, disposition prévue à l'article 6. Cette procédure d'urgence suspendrait de plein droit l'exécution de la décision contestée, jusqu'à ce que le juge se soit prononcé, dans un délai maximal de quarante-huit heures. Dans l'intervalle, l'étranger sera maintenu en zone d'attente, ce qui conduit mécaniquement à porter la durée maximale passée en zone d'attente de vingt à vingt-trois jours, disposition prévue à l'article 7.
Cette procédure paraissait bien adaptée à la situation et satisfaisait certainement les exigences de la convention européenne des droits de l'homme. Toutefois, les magistrats judiciaires contestent cette analyse en estimant que la jurisprudence de la CEDH implique que les étrangers puissent demander au juge administratif l'annulation de la décision de refus d'entrée au titre de l'asile, par un recours au fond, de plein droit suspensif. Cette interprétation n'est pas évidente et reste contestée par les magistrats administratifs, mais elle conduit d'ores et déjà les juges de la liberté et de la détention à remettre en liberté un nombre croissant d'étrangers placés en zone d'attente.
Nous ne pouvons rester indifférents à cette situation, au moment même où cette nouvelle procédure nous est soumise. Aussi, dans un souci d'apaisement et de prudence, la commission des lois vous propose de surmonter ces divergences juridictionnelles, en substituant au référé liberté suspensif un recours au fond, lui aussi de plein droit suspensif.
Je vous proposerai en outre que les étrangers auxquels l'administration refuse l'entrée en France au titre de l'asile soient systématiquement informés de leur droit de déposer un tel recours, ce qui me paraît justifié par la brièveté du délai de dépôt de celui-ci.
En revanche, la commission des lois a vu dans ce changement de tutelle de l'OFPRA, déjà évoqué, l'occasion de consolider l'indépendance de la commission des recours des réfugiés. Cette juridiction administrative spécialisée pourrait dorénavant prendre le nom plus clair et de surcroît juridiquement exact de « Cour nationale du droit d'asile » et voir, comme vous l'avez rappelé, monsieur le ministre, son budget séparé de celui de l'OFPRA.
Mes chers collègues, vous le voyez, ce projet de loi ne restreint absolument pas le droit d'asile. Il est certes légitime de lutter contre les détournements de procédure, comme nous l'avons fait depuis 2003. Mais la France, fidèle à son histoire républicaine et à sa vocation universelle, offrira toujours sa protection aux réfugiés et aux « combattants de la liberté ».
Dans son ensemble, ce projet de loi permet de mieux encadrer les conditions dans lesquelles le regroupement familial est exercé. Il permet de renforcer l'intégration des étrangers appelés à séjourner sur le territoire français et d'offrir de nouvelles garanties juridictionnelles aux demandeurs d'asile. Je vous appelle donc, mes chers collègues, à suivre la commission des lois en l'adoptant sans réserve. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Tout d'abord monsieur le président, je souligne que j'avais tout à l'heure demandé à faire un rappel au règlement avant que vous ne donniez la parole à M. Mariani, et je sais que vous m'aviez entendu. Mais ce point n'est pas l'objet de mon intervention qui ne portera pas non plus sur le fond du texte puisque c'est un rappel au règlement et que le débat permettra d'y revenir. Heureusement toutefois que même à droite, comme souvent dans des périodes dramatiques de notre histoire, certains, tels Étienne Pinte, François Goulard ou Jacques Godfrain, dont on sait bien qu'ils ne sont pas d'horribles gauchistes, se lèvent contre l'inacceptable et l'immorale.
Monsieur le Président, mon rappel au règlement porte sur le déroulement de notre séance. M. le ministre a évoqué une modification de la Constitution mais, avant de parler de la modifier, s'il me permet un conseil, je lui dirai qu'il faut commencer par ne pas la violer. M. le ministre a dit qu'il avait reçu une mission du Président de la République. C'est à se demander si le Premier ministre est devenu un ectoplasme, ou s'il a été nommé grand vizir du sultan ! (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) En tout état de cause, l'article 5 de la Constitution interdit absolument au Président de la République de donner quelque mission que ce soit à quelque ministre que ce soit, aussi talentueux soit-il, fût-ce dans l'exercice du pire ! (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
En premier lieu, monsieur Brard, lorsque j'ai vu tout à l'heure que vous demandiez la parole pour faire un rappel au règlement,…
…j'avais déjà donné la parole à M. Mariani, rapporteur de la commission des lois. Il aurait été contraire à nos usages que je la lui reprenne pour vous la donner.
En second lieu, quels que soient les abus qui peuvent quelquefois être commis, je voudrais vous rappeler qu'en principe, les rappels au règlement doivent concerner le déroulement de la séance. Or il se trouve que l'intervention du Gouvernement n'avait pas donné lieu à un événement laissant supposer que le règlement n'avait pas été respecté. Vous vous êtes donc quelque peu livré à un détournement de la procédure du rappel au règlement. Néanmoins, je vous pardonne et j'espère qu'à l'avenir – je vous fais confiance – vous n'abuserez pas d'un tel moyen.
La parole est à M. le rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères.
Monsieur le Président, monsieur le ministre, mes chers collègues, comme elle l'avait fait pour le texte, dont nous pouvons être collectivement fiers, qui a profondément réformé la procédure de l'asile en 2003, la commission des affaires étrangères s'est saisie pour avis des dispositions relatives à l'asile du présent projet de loi. Elle affirme ainsi son intérêt constant pour le droit d'asile, que sa mise en oeuvre relève de l'autorité du ministre des affaires étrangères ou, comme c'est désormais le cas, de la compétence du ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du codéveloppement.
La France reste et restera toujours aux côtés des personnes persécutées. Ce nouveau rattachement ministériel ne retire rien à la spécificité du droit d'asile au regard des problématiques de l'immigration. Il faut répéter haut et fort que la question de l'immigration n'a rien à voir avec la question de l'asile. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.) Ainsi, notre pays est toujours le premier destinataire des demandeurs d'asile en Europe et aussi celui qui accorde le statut de réfugié au plus grand nombre d'étrangers menacés dans leur pays. Certains donneurs de leçons feraient bien de mémoriser ce fait incontournable et incontestable qui honore notre pays. Et comme vous l'avez rappelé récemment, monsieur le ministre, lors de votre déplacement dans la région lyonnaise à l'occasion de votre visite au centre de transit de l'association Forum Réfugiés, vous serez pleinement le ministre de l'asile,…
…et je vous remercie de l'avoir à nouveau précisé à la tribune.
Le nombre des demandeurs d'asile en France est actuellement en baisse, comme dans la grande majorité des pays développés, principalement sous l'effet de l'évolution de la situation internationale. Le taux d'accord du statut dans notre pays est quant à lui globalement stable. La France reste donc incontestablement une terre d'asile qui traite bien mieux qu'auparavant les demandeurs d'asile comme les réfugiés, grâce à un raccourcissement des délais d'examen des demandes et à une amélioration considérable des conditions d'accueil. Cela honore la France et la majorité. Cette majorité agit, contrairement à certains qui, hier, n'ont rien fait et qui viennent maintenant s'indigner. La vraie dignité eût été que ceux-ci agissent efficacement en leur temps au profit des demandeurs d'asile alors qu'ils étaient aux responsabilités. Je pense qu'une partie de cet hémicycle devrait garder ces éléments en mémoire. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)
Les modifications proposées par le présent projet de loi en ce qui concerne l'asile sont sans commune mesure avec celles qu'a opérées la loi du 10 décembre 2003. Il ne s'agit pas de renouveler une réforme dont l'impact très positif a été souligné par toutes les personnes que j'ai entendues dans le cadre de la préparation de cet avis, alors qu'elles défendent par ailleurs des positions extrêmement différentes. Cela doit être souligné car, souvent, certains oublient de le reconnaître.
Le projet de loi tire les conséquences de la création d'un ministère de l'immigration, de 1' intégration, de 1' identité nationale et du codéveloppement en transférant, très logiquement, la tutelle de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides – l'OFPRA – du ministère des affaires étrangères vers ce nouveau ministère. Ce changement répond à un souci de cohérence et n'aura pas de conséquences sur le fonctionnement de l'Office, qui rend ses décisions sous le contrôle d'une juridiction : la Commission de recours des réfugiés. Un changement de dénomination témoignera bientôt de l'indépendance de cette juridiction qui devrait être confortée efficacement par une prochaine autonomie budgétaire, comme vous l'avez indiqué monsieur le ministre.
Le projet de loi précise par ailleurs la situation des personnes définitivement déboutées du droit d'asile : elles étaient 28 000 en 2006. Il simplifie, pour les préfectures, la procédure conduisant à la délivrance d'une obligation de quitter le territoire français, afin de mettre en harmonie la pratique et la jurisprudence administrative.
Mais le projet de loi vise surtout, comme l'a expliqué le ministre et comme l'a rappelé le rapporteur Thierry Mariani, à tirer les conséquences d'une récente décision de la Cour européenne des droits de l'homme exigeant l'existence d'un recours suspensif contre le rejet par l'administration d'une demande d'admission à la frontière au titre de l'asile. Le projet de loi, tel qu'il a été examiné par la commission des affaires étrangères, conférait un caractère suspensif au référé-liberté déposé dans un délai de 24 heures après le rejet de la demande d'admission. Afin de répondre à l'urgence, il était prévu que le juge se prononce sous 48 heures, période pendant laquelle le demandeur était maintenu en zone d'attente.
La commission des affaires étrangères avait jugé ce dispositif équilibré et adapté à la fois à la situation des personnes concernées et aux exigences de la CEDH. La commission des lois a préféré adopter une autre solution, visant à rendre suspensif, dans les mêmes conditions de délais, le recours en annulation contre le refus d'admission à la frontière. Comme l'exposé sommaire de l'amendement l'explique, ce nouveau dispositif vise à tenir compte de l'analyse des juges judiciaires selon lesquels l'arrêt de la CEDH ne serait pas satisfait par un simple référé-liberté suspensif.
Les auditions que j'ai effectuées sur ce sujet me conduisent à prêter une attention particulière au point de vue de juges, qui jouent normalement un rôle déterminant dans la mise en oeuvre du droit d'asile. En effet, l'expérience montre que l'exercice des pouvoirs, justifiés, que la loi leur confère, détermine largement le résultat des efforts de vigilance consentis en amont par la police aux frontières, que je tiens à féliciter pour le travail remarquable qu'elle accomplit, ainsi que j'ai pu le constater.
Il est essentiel que le dispositif que ce projet de loi va créer ait l'approbation des juges judiciaires afin qu'ils l'appliquent efficacement. On ne peut accepter que des étrangers qui ne remplissent manifestement pas les conditions pour prétendre au bénéfice du statut de réfugiés entrent dans notre pays pour ne plus en ressortir, au motif que la loi ne leur reconnaîtrait pas pleinement un droit réaffirmé par la CEDH. Le respect du droit d'asile ancré dans notre histoire est trop important pour qu'on le laisse être dévoyé par des étrangers dont la misère est trop souvent exploitée par des réseaux internationaux sans scrupule.
C'est dans cet état d'esprit que la commission des affaires étrangères a donné un avis favorable à l'adoption du chapitre II du présent projet de loi. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
J'ai reçu de M. Jean-Marc Ayrault et des membres du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche une exception d'irrecevabilité, déposée en application de l'article 91, alinéa 4, du règlement.
Le débat que nous entamons aujourd'hui me semble particulièrement important car c'est la première fois que la représentation nationale va vous entendre, monsieur le ministre, expliquer, et si possible justifier, cette mission étrange qui vous a été confiée, de défendre, donc de définir, ce qui constitue l'essence même de notre nation, c'est-à-dire son identité.
Curieuse idée, en vérité, que cette dénomination car il s'agit de s'approprier, je dirais même de manipuler les peurs, les inquiétudes, le malaise d'une partie de l'opinion face à un monde qui change, face à une évolution rapide de notre paysage urbain, de nos moeurs, face à la précarité et à la concurrence toujours plus rude entre individus et entre pays dans une course toujours plus exigeante à la rentabilité économique.
La dénomination de votre ministère a créé un malaise, tant il est vrai que jamais, sauf peut-être à une période limitée et peu glorieuse de notre histoire, on n'avait confié l'identité nationale aux bons soins d'une structure administrative. Il y a bien des interrogations chez un certain nombre de nos concitoyens dans une société où de grands facteurs structurants comme les églises, les syndicats, les idéologies utopiques ont perdu du terrain, laissant les individus désemparés face à la mondialisation.
Ce qui nous choque aujourd'hui dans ce projet, c'est que pour sceller l'unité de notre société, pour détourner l'attention des citoyens des vrais problèmes, vous organisez à nouveau la mobilisation contre un péril extérieur largement amplifié ou supposé.
Il n'est pas indifférent, monsieur le ministre, que le premier texte que vous présentez sur l'identité nationale porte sur les mariages contractés par les Français ou les Françaises avec une ou un étranger et sur les regroupements familiaux. Nous comprenons très bien que ce qui, selon vous, menace l'identité de la France, ce sont ces mariages. On voit à quelle frange de l'électorat de droite ce texte est destiné ! (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Pourtant, vous savez qu'au moment où les informations circulent grâce à internet d'un bout à l'autre de la planète, aussi rapidement que les capitaux qui génèrent au passage des profits gigantesques, qu'au moment où les moyens de transport se sont considérablement développés, il est particulièrement vain de prétendre empêcher la circulation des êtres humains, de s'opposer à ce qu'ils se connaissent et à ce qu'ils aient des relations amoureuses. Et, heureusement, vous le savez, mais vous voulez donner un signe.
Le grand absent de ce débat, aujourd'hui encore, c'est le ministère des affaires étrangères.
Il aurait eu pourtant beaucoup de choses à nous dire sur ce qu'il entreprend pour lutter contre les excès de cette mondialisation et faciliter la circulation des hommes mais aussi pour nous confier ce qu'il pense de ce changement de tutelle sur l'OFPRA.
Il n'y avait pas d'urgence particulière à légiférer une nouvelle fois sur l'immigration. En effet, l'actuel Président de la République a présenté au Parlement des lois en décembre 2003 et en juillet 2006, a réglementé strictement en novembre 2006 les mariages à l'étranger ou avec des étrangers, privant d'effets en France les unions qui lui paraissaient suspectes. Selon vos propos de l'époque, ces nouvelles dispositions – déjà particulièrement inquisitoriales – devaient régler tous les problèmes. Or, quand on examine les résultats de votre politique, on s'aperçoit que, malgré les déclarations péremptoires et les mouvements de menton, les objectifs affichés n'ont pas été atteints.
C'est donc la fuite en avant : il faut aller toujours plus loin dans les mesures répressives, multiplier les rafles devant les écoles (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire),…
…accentuer le fichage et le tri, pour tenter de débusquer ces fraudeurs qui viennent manger notre pain et profiter de nos avantages sociaux. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.) Vous voulez ancrer dans la tête des gens que l'immigré est un délinquant par nature, une sorte de criminel-né. Même les Français et les étrangers en situation régulière – et possédant travail et logement – qui sont concernés par ce texte au titre du regroupement familial ou des mariages mixtes sont considérés comme des fraudeurs par nature.
(M. Rudy Salles remplace M. Bernard Accoyer au fauteuil de la présidence.)
En modifiant sans cesse les textes applicables, en abrogeant des mesures avant qu'elles n'aient été évaluées, vous créez une instabilité juridique préjudiciable non seulement aux personnes auxquelles ces textes s'appliquent, mais aussi à celles qui sont chargées de les appliquer. Ce sont les Français les premières victimes de votre obsession, monsieur le ministre ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.) Je pense à ceux qui se sont mariés avec quelqu'un qui, parce qu'étranger, ne vous convient pas (Protestations sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire), aux parents d'élèves qui appréhendent de voir arrêter les parents des camarades de classe de leurs enfants et qui, avec RESF, ont suscité un formidable élan de solidarité. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.) Je pense également à tous les professionnels aux prises avec une réglementation brouillonne et changeante, qui sont sommés de collaborer à une politique qui leur semble souvent contraire aux valeurs de la France.
Au cours des auditions auxquelles nous avons procédé, nous avons constaté la grande lassitude des magistrats administratifs, obligés de bousculer les procédures pour se consacrer au contentieux exponentiel lié aux expulsions que votre abondante réglementation leur enjoint de juger dans des délais très brefs. Nous avons constaté également le désarroi des fonctionnaires de la pénitentiaire, qui se demandent ce que font dans les prisons françaises déjà surchargées de pauvres hères qui n'y ont guère leur place. Nous avons entendu les réticences des fonctionnaires de police, des inspecteurs du travail et des personnels navigants, qui ne supportent pas le rôle que vous leur faites jouer. Les statisticiens de l'INSEE ont découvert avec stupeur l'usage dévoyé que vous vouliez faire de leur science. Quant aux préfets, ils n'avaient sans doute jamais imaginé qu'ils seraient un jour convoqués pour être sommés d'améliorer leur rendement en matière d'éloignements, domaine qui touche aux droits fondamentaux de la personne. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)
Les magistrats de l'ordre judiciaire eux-mêmes sont désormais sommés d'aller rendre la justice directement dans les zones d'attente des aéroports pour éviter le déplacement des personnes retenues. Devront-ils, demain, le faire dans les gares, dans les centres commerciaux pour les vols à l'étalage et dans les entreprises pour les conflits prud'homaux ?
Monsieur le ministre, le groupe socialiste ne peut accepter cette escalade fébrile dans la chasse aux clandestins, qui fait si peu de cas des textes fondamentaux qui régissent notre ordre juridique et des normes supérieures qui s'imposent au législateur. Un grand pays comme la France a éprouvé la honte de se faire rappeler sèchement à l'ordre par la Cour européenne des droits de l'homme, et c'est à vous que nous le devons.
Que vous le vouliez ou non, notre pays doit respecter les textes fondateurs que sont la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, le Préambule de la Constitution de 1946, la Convention européenne des droits de l'homme et, surtout, la Convention de New York sur les droits de l'enfant, que nous avons signée et ratifiée en 1990. Tout projet de loi doit ainsi respecter le droit qu'a tout être humain, sans distinction de race ou de religion, de vivre en famille et doit assurer la protection de l'enfant. Nous nous sommes engagés notamment à veiller à ce que celui-ci ne soit pas séparé de ses parents contre son gré. J'ajoute qu'une mission d'information parlementaire sur la famille, dont Mme Pécresse était la rapporteure, avait prévu diverses dispositions pour protéger les familles. Que faites-vous de ces engagements, monsieur le ministre ?
Le rayonnement de la France à travers le monde est dû non seulement à sa puissance économique, mais aussi au modèle qu'elle a développé et aux principes qu'elle a été l'une des premières à affirmer. Pour nous, le fondement même de l'identité nationale, c'est l'attachement non pas à des valeurs – lesquelles sont bien difficiles à définir juridiquement puisqu'elles participent surtout de la sphère privée –,…
… mais à un certain nombre de principes garantis par la Constitution et par des engagements internationaux. L'image de notre pays et les valeurs de la République sont ternies par ce clin d'oeil honteux à des thèses extrémistes qui ne sont pas partagées par la grande masse des Français (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche), par une conception élitiste et excluante, qui n'est pas conforme au génie de notre pays et qui altérera sa réputation à travers le monde.
Pour justifier ces entorses graves au pacte républicain, vous vous abritez derrière l'opinion publique, qui attend des hommes politiques plus de fermeté à l'égard de l'immigration irrégulière. Vous prétendez vous opposer au laxisme de la gauche sur ce point, mais les socialistes n'ont jamais contesté le droit pour un pays de maîtriser les flux migratoires. (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Reprenez donc nos déclarations !
Cela se saurait si les socialistes étaient favorables à la maîtrise des flux migratoires ! À moins que ce ne soit une conversion tardive ?
Mais il convient de réguler ces flux en respectant nos engagements internationaux et les droits de la personne. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)
Par ailleurs, vous soulignez certains ratés de l'intégration, mais vous oubliez de mentionner les aspects positifs de l'immigration. Car si notre pays s'est autant développé depuis le xixe siècle, c'est en grande partie grâce aux immigrés. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.) Aujourd'hui encore, l'immigration est une chance pour la France, qui en a besoin pour continuer à produire, à se développer et pour lutter contre le vieillissement.
Vous dites vouloir choisir l'immigration de personnes qualifiées plutôt que subir celle d'analphabètes. Mais à qui pensez-vous lorsque vous parlez d'immigration subie ? Est-ce à ces femmes étrangères qui bercent vos enfants et qui guident les pas de vos mères quand ceux-ci deviennent moins assurés avec l'âge ? Est-ce que ce sont elles, les immigrées que vous n'acceptez plus ou, du moins, à qui vous voulez interdire de mener une vie familiale normale ?
Notre littérature – cette part importante de l'identité française – témoigne que l'on a longtemps refusé à ces servantes au grand coeur dont on disait le plus grand bien de mener une vie familiale normale. De Ronsard à Maupassant, la servante vit et meurt seule. Est-ce là l'idéal que vous voulez nous imposer ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)
On nous dit qu'il faut désormais nous protéger car l'immigration a changé, que tout était plus facile quand les immigrés étaient italiens, espagnols ou polonais. Mais, au début du siècle dernier, on leur reprochait de la même manière de ne pas connaître nos moeurs et de mettre en péril notre identité nationale.
Au xixeme siècle, quand les migrants n'étaient pas basanés – certains d'entre eux venant même des campagnes françaises –, on assimilait cette population ouvrière à une « tourbe de nomades » constituant, aux portes de la ville, une société étrangère et hostile. Dans La Fille aux yeux d'or, Balzac décrit « ce peuple horrible à voir, hâve, jaune […] cette physionomie cadavéreuse ». Laissez-moi vous rappeler aussi ce petit poème sur le peuple de Paris :
« La race de Paris, c'est le pâle voyou
Au corps chétif, au teint jaune comme un vieux sou ;
C'est cet enfant criard que l'on voit à toute heure
Paresseux et flânant, et loin de sa demeure
Battant les maigres chiens, ou le long des grands murs
Charbonnant en sifflant mille croquis impurs […] »
À l'époque, ce n'était pas parce qu'il était basané que l'on éprouvait de la répulsion pour le prolétaire, mais parce qu'il était trop pâle. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. – Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)
L'ouvrier passait pour être pourri de vices et de crimes : il buvait l'argent du ménage et ne savait pas élever ses enfants. Apparemment, les préjugés n'ont pas beaucoup changé (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire)…
… et la distinction qui est faite entre les bons ouvriers et les mauvais immigrés ne nous trompe guère. Pour certains auteurs, le prolétariat n'était pas une classe, mais une race. (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Relisez vos classiques ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)
Tout à votre obsession, vous nous proposez aujourd'hui des tests ADN pour débusquer les filiations frauduleuses. J'ai été sidérée de voir cet amendement arriver en commission des lois, car nous avons travaillé sur ce texte de longues semaines, au cours desquelles nous avons auditionné de nombreuses personnes, et personne n'a jamais évoqué cette question.
Aucun représentant des pays que vous citez en exemple n'est venu nous dire que ces pays utilisaient bien de tels tests et qu'ils s'en portaient bien.
Dans sa législation sur la bioéthique, la France a prévu des garde-fous précis pour encadrer ce type d'investigations attentatoires à l'intimité de la vie privée et familiale. On voit mal pourquoi les limites prévues pour les Français ne seraient pas appliquées aux étrangers. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.) En droit français, aucune prestation fondée sur la filiation n'est soumise à la vérification de la filiation biologique. Quand un homme reconnaît un enfant naturel, on ne lui demande pas de produire un certificat attestant qu'il s'agit de son enfant biologique. Pourquoi vouloir l'imposer aux étrangers ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.) C'est inadmissible ! Vous êtes en train de nous faire changer de société. (« Eh oui ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Vous nous dites que ce test est très simple à réaliser sur le plan scientifique,…
…mais là n'est pas le problème. Ce qui pose problème, ce sont les raisons pour lesquelles vous souhaitez l'utiliser et les menaces que vous faites ainsi peser sur les familles.
Les raisons de ces dispositions ?C'est tout simplement pour lutter contre les abus !
Vous seriez bien inspirés de réfléchir aux conséquences que pourrait avoir cette mesure pour beaucoup de femmes à travers le monde. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.) Et puisque l'on parle d'identité française, je vous rappelle ce que disait un grand auteur français : « Science sans conscience n'est que ruine de l'âme ».
Face à cette grave atteinte à nos principes, nous vous demandons de saisir la Commission nationale d'éthique. Il nous semble en effet indispensable d'entendre un avis autorisé avant de nous prononcer sur cette question. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)
Pas du tout ! Les comptes rendus pourront en témoigner ! Mais je prends note du fait que vous êtes d'accord pour saisir la Commission nationale d'éthique et renoncer à votre amendement !
Autre innovation précipitée et surprenante, que vous parez des meilleures intentions, à savoir la lutte contre les discriminations : les statistiques ethniques. Mais nous n'avons pas besoin de statistiques pour constater le manque de diversité de notre société...
...et pour faire en sorte que les choses progressent sur ce point ! Il me paraît incroyable d'introduire dans un texte sur le regroupement familial et l'immigration une disposition ayant vocation à lutter contre la discrimination pour motifs racistes. Mais réveillez-vous donc ! (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Sortez dans la rue et regardez un peu le peuple français ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.) Vous constaterez qu'une bonne partie des Français qui, à tort ou à raison, estiment subir des discriminations n'ont rien à voir ni de près ni de loin avec l'immigration. À eux qui, français depuis des siècles, et dont les ancêtres ont parfois donné leur vie pour la France, votre mesure fait l'effet d'une injure ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine. – Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Justement, cet amendement est hors sujet, il n'a rien à voir avec ce texte.
On invoque les difficultés que rencontrent certains maires, qu'il conviendrait de résoudre…
Ce projet est irrecevable et contraire à la Constitution, voilà le rapport !
On nous dit vouloir remédier au malaise constaté dans certains quartiers. Ce malaise est bien réel : tandis que les entreprises tirent profit de la venue d'étrangers, il revient aux quartiers les plus modestes d'assumer la charge de la solidarité à l'égard des familles défavorisées. Toutefois, la vraie question n'est pas celle des tests ADN, mais la nécessité de donner aux collectivités qui ont à prendre en charge l'afflux d'étrangers les moyens correspondants en termes de logement, de dotation globale de fonctionnement, d'hébergement d'urgence, de prévention à destination des jeunes en difficulté. Voilà ce qu'il faudrait faire, plutôt que de stigmatiser certaines familles !
Les régions déjà aux prises avec la pauvreté – c'est le cas de nos territoires d'outre-mer – ont bien des difficultés à accueillir de nouveaux immigrants. Le vrai problème est là : il faut donner aux régions d'accueil les moyens de jouer ce rôle, tout en favorisant le codéveloppement des terres avoisinantes, celles d'où proviennent les flux d'immigration. Ce ne sont pas des tests ADN que réclament les régions concernées, ne vous y trompez pas ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)
Comme vous l'avez compris, le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche considère que toutes les mesures prévues par ce projet de loi sont contraires aux principes fondamentaux de notre société, au préambule de la Constitution et aux engagements internationaux de notre pays. Ce texte sera certainement sanctionné par le Conseil constitutionnel, que nous saisirons. Pour nous, l'efficacité en matière d'immigration, de cohabitation et de respect de la pluralité de la société ne peut s'obtenir que dans le respect des droits de la personne humaine et du rayonnement de la France.
Avec ce texte, vous portez atteinte à la réputation de notre pays. C'est la raison pour laquelle les socialistes non seulement ne voteront pas ce texte, mais s'y opposeront résolument. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine. – Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Je voudrais tout d'abord m'étonner du ton un peu polémique que Mme Pau-Langevin a cru bon employer. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)
Je tiens à le souligner qu'il n'est pas acceptable d'employer le terme désobligeant de « rafles » pour désigner le travail accompli par les fonctionnaires qui appliquent les lois de la République ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Contrairement à ce que vous affirmez, madame la députée, appliquer la loi de la République ne revient pas à organiser la chasse aux clandestins. Ce n'est pas du tout la même chose.
Espérant sans doute rallier à votre cause une cohorte de fonctionnaires et de magistrats chargés d'appliquer la loi, vous avez invoqué la lassitude des magistrats administratifs. Il est effectivement permis de s'interroger lorsqu'une décision prise par un préfet, confirmée par le juge administratif et mise en oeuvre par la police ou par la gendarmerie, se trouve, après des jours, voire des semaines d'efforts, annulée par un juge judiciaire. Je suis convaincu que la politique de l'immigration ne doit pas devenir le champ clos d'un affrontement entre deux ordres de juridiction. C'est la raison pour laquelle j'ai décidé d'initier un débat constitutionnel sur la possibilité de confier à un seul juge l'ensemble du contentieux des mesures intéressant l'entrée, le séjour et l'éloignement des étrangers.
Par ailleurs, prenez garde à ne pas donner trop de leçons de droit : le projet de loi qui vous est soumis tient parfaitement compte des observations du Conseil d'État, et le Gouvernement entend, conformément à son devoir, respecter scrupuleusement l'ensemble des exigences constitutionnelles, que le texte n'enfreint sur aucun point – nous aurons l'occasion d'en débattre article par article.
Enfin, je souhaite vous dire un mot sur ce qu'exige l'article 8 de la Convention européenne des droits de l'homme. Il ressort de la jurisprudence de cette convention – sur laquelle je vous invite à vous pencher – que le droit à la vie familiale peut faire l'objet d'une « ingérence de l'autorité publique », c'est-à-dire d'une limitation, « si celle-ci est nécessaire au bien-être économique du pays ». Le bien-être économique, c'est ce qui nous préoccupe quand nous prenons en compte les capacités d'accueil de la France, qui, je le souligne, ne sont pas infinies. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Nous en arrivons aux explications de vote sur l'exception d'irrecevabilité.
La parole est à M. Jean-Pierre Brard, pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine.
Chacun aura apprécié la brillante exception d'irrecevabilité soutenue par notre collègue George Pau-Langevin. Certes, notre ambition dans ce débat n'est pas de vous convaincre, monsieur le ministre, vous qui êtes soutenu par une majorité de godillots (Vives exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire)...
Je n'en attendais pas moins, et suis satisfait de constater que j'ai touché juste !
Si l'on en croit ce qui s'est dit lors des précédents débats sur l'immigration – puisque nous en sommes à la troisième loi sur l'immigration en quatre ans, ce qui prouve l'inefficacité et l'inutilité des précédentes mesures –, il y aurait entre 300 000 et 400 000 clandestins dans notre pays. C'est dire si l'objectif affiché, consistant à reconduire à la frontière 5 000 ou 10 000 immigrés de plus, n'est pas la visée réelle de ce projet, qui est bien plutôt de détourner notre peuple des vrais sujets. Tout en amusant la galerie sur ces questions à l'égard desquelles vous ne faites preuve d'aucune sensibilité humaine (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire), vous faites un cadeau de 15 milliards aux plus riches – contre 25 millions aux RMIstes qui retrouvent un emploi, ce qui prouve que M. Sarkozy aime au moins 600 fois plus les riches que les pauvres. Mais que faites-vous contre la mafia russe ? (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Demandez donc à M. Estrosi : dans l'arrière-pays niçois, on n'est pas très regardant pour donner des titres de séjour à certaines personnes ! (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Et que dire de l'affaire plus récente qui a eu lieu dans ma ville de Montreuil, où, pour délivrer un certificat de nationalité, on a demandé à la requérante un certificat de mariage religieux parce qu'elle portait un nom à consonance juive ! Voilà où vous en arriverez avec vos fichiers, renouant avec les pires heures de notre histoire ! (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Il est vrai que nous n'avons pas les mêmes valeurs : les vôtres sont cotées au palais Brongniart, les nôtres sont du côté de Jaurès, au Panthéon !
Vous faites preuve de cohérence, monsieur le ministre, même si vous affirmiez tout à l'heure avec des trémolos dans la voix qu'il ne fallait pas piller les cerveaux alors que M. Sarkozy, lorsqu'il était ministre, affirmait le contraire – ainsi justifiait-il sa politique d'immigration choisie. Vous ne faites qu'enrober la pilule d'un peu de miel. Il est vrai que c'est également vous qui aviez trouvé des vertus au colonialisme ! M. Sarkozy fait lui aussi preuve de cohérence, comme en témoigne son honteux discours de Dakar. Comment le pays de Schoelcher peut-il être aujourd'hui doté d'un président de la République qui profère de telles horreurs ? M. Alpha Oumar Konaré, président de la Commission de l'Union africaine, a heureusement su trouver les mots justes pour condamner ces propos !
Mais vous n'en restez pas là : vous essayez de faire peur, jouant, là encore, très bien votre rôle. Voici les lettres que les préfets envoient aux maires de différentes communes où des opérations de parrainage d'étrangers en situation irrégulière ont été organisées par des associations, des groupements de fait, voire des municipalités.
Je revendique, pour ce qui me concerne, d'avoir organisé à Montreuil, en liaison avec l'association RESF, le parrainage d'enfants que vous poursuivez, alors qu'ils sont scolarisés dans nos écoles ! (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Or, vous rappelez à vos préfets que « ces actions sont de nature à réunir les éléments constitutifs du délit d'aide à l'entrée et au séjour irréguliers », passible de cinq ans d'emprisonnement et d'une amende de 30 000 euros !
Pour ma part, je revendique l'application de ces peines dans ma ville, qui, jadis, a accueilli les victimes de Mussolini et d'Hitler (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire),...
..comme elle a accueilli les Espagnols victimes de la dictature franquiste et les Portugais poursuivis par Salazar et ses complices. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Voilà toutes les raisons pour lesquelles il faut voter l'exception d'irrecevabilité de Mme Pau-Langevin. (Applaudissements sur les bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine et du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l'immigration et l'intégration sont des sujets suffisamment importants et graves – ils préoccupent même tous nos concitoyens – pour que le débat ne soit pas pollué par les invectives et la passion,…
…voire, pire, par la déraison, celle qui a précisément caractérisé l'intervention de M. Brard. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Je tiens à dire ici solennellement que les valeurs de la France et de la République non seulement ne sont pas menacées, mais sont confortées par ce projet.
Il est donc tout à fait inadmissible de prétendre que nous ne serions pas aussi respectueux de ces valeurs que vous.
C'est intolérable !
L'immigration zéro n'est pas plus réaliste que la théologie du tout-immigration qui ferait de la France le réceptacle de toute la misère du monde. En l'espèce, j'aurais souhaité que la seule passion qui animât nos collègues, auteurs de cette exception d'irrecevabilité, soit la passion du droit, si chère au doyen Carbonnier. Je ne suis pas sûr qu'il en aille ainsi, après cette intervention où l'on a tout confondu et où l'on a du mal à reconnaître le texte présenté par le Gouvernement.
Pourtant, s'il est un domaine où la lucidité doit rejoindre la volonté politique, c'est bien celui de la maîtrise des flux migratoires. Nul ne peut plus occulter cette réalité.
Nicolas Sarkozy, alors candidat, avait pris l'engagement devant les Français de mettre en oeuvre une politique à la hauteur des enjeux présents, c'est-à-dire une véritable politique d'immigration, globale et cohérente, fondée sur des objectifs précis.
Élu Président de la République, il a d'abord décidé la création d'un ministère unique, placé à la tête de toutes les administrations responsables. Et nous savons, monsieur le ministre, vous qui êtes sur tous les fronts et vous appliquez chaque jour à démontrer votre ardeur à la tâche, que vous avez à coeur de donner toute sa plénitude à ce ministère de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du codéveloppement, qui se révélait indispensable et recueille l'assentiment des Français.
Il s'agit d'amplifier, de conforter la politique initiée sous la précédente législature, laquelle a produit des résultats encourageants.
D'où l'enjeu du projet de loi que vous nous présentez, qui traduit les engagements du Président de la République en faveur d'une politique d'immigration concertée, laquelle repose sur la maîtrise de l'immigration, la réussite de l'intégration des immigrés légaux et l'encouragement au développement des pays d'origine.
C'est dans cet esprit qu'a été fixé un objectif d'immigration économique représentant 50 % des flux de migrants alors qu'il est actuellement de 7 % seulement.
C'est la raison pour laquelle le projet de loi tend à poursuivre l'encadrement de l'immigration familiale, orientation suspectée à tort par certains de porter atteinte à la vie privée et familiale.
J'avoue d'ailleurs ne pas bien comprendre pourquoi ce qui était juridiquement recevable hier ne le serait plus aujourd'hui. Car, le ministre l'a rappelé lors de son audition par nos commissions, le 25 juillet dernier, et aujourd'hui encore, ce projet de loi est présenté à normes constitutionnelles constantes, même si l'on peut réfléchir à une unification du contentieux du droit des étrangers.
Le regroupement familial a été consacré par le Conseil d'État en 1978 en tant que composante du « droit à mener une vie familiale normale », qualifié de principe général du droit. Il est néanmoins subordonné à certaines conditions visant à permettre l'intégration sociale du groupe familial.
Comme le reconnaissait d'ailleurs le Conseil constitutionnel, dans sa décision des 12 et 13 août 1993, « aucun principe pas plus qu'aucune règle de valeur constitutionnelle n'assure aux étrangers des droits de caractère général et absolu d'accès et de séjour sur le territoire national ».
Ainsi, la législation actuelle exige-t-elle que l'étranger qui désire être rejoint par sa famille dispose d'un revenu au moins égal au SMIC, sans tenir compte de la taille de la famille, ce qui diffère de la règle appliquée en matière de logement puisque la superficie exigée dépend du nombre de personnes composant le foyer.
Dans le droit-fil de l'engagement pris par le Président de la République pendant la campagne selon lequel le candidat au regroupement familial devra disposer d'un travail lui permettant de faire vivre sa famille sans recourir aux prestations sociales – c'est bien le moins –, l'article 2 du projet de loi prévoit que les ressources exigibles seront désormais fixées par voie réglementaire, sans toutefois pouvoir dépasser 1,2 fois le SMIC, soit 1 203 euros nets par mois. Un tel plafond serait insurmontable ? Attentatoire au droit à mener une vie familiale normale ? Pareil argument traduit une appréciation bien particulière de la dignité humaine !
Car si l'on ne conteste pas la modulation de la superficie du logement en fonction du nombre de personnes, comment peut-on aller contre la variation du montant des ressources exigées en fonction du nombre des personnes à charge ? Cela relève du droit élémentaire à vivre dans des conditions décentes.
La maîtrise de la langue constitue une condition sine qua non de l'intégration de l'étranger dans le pays d'accueil.
C'est la raison pour laquelle la loi du 24 juillet 2006, validée par le Conseil constitutionnel, a créé le contrat d'accueil et d'intégration pour les personnes qui s'installent en France afin de leur permettre d'apprendre notre langue et de recevoir une formation civique sur les valeurs de la République, après leur installation sur notre territoire,
La connaissance des valeurs de la République est, en effet, un facteur essentiel de l'intégration dans notre société. On ne saurait concevoir que certains refusent des principes aussi essentiels que l'égalité entre l'homme et la femme,…
…la liberté du mariage, l'obligation d'éducation et de scolarisation des enfants, la laïcité ou la liberté de conscience.
Ce texte, qui marque la volonté du Gouvernement de traiter au fond un sujet si important et si sensible pour la cohésion de la société française, produira, à n'en pas douter, car appuyé par votre détermination, monsieur le ministre, ses effets positifs dans l'intérêt de notre pays, sans pour autant remettre en cause le moins du monde aucun principe constitutionnel.
Pour toutes ces raisons, le groupe de l'UMP votera contre l'exception d'irrecevabilité. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
La parole est à M. Manuel Valls, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.
Monsieur le président, monsieur le ministre, chers collègues, nous soutenons bien sûr l'exception d'irrecevabilité que vient de soulever George Pau-Langevin avec beaucoup de talent et de passion. Elle a tout d'abord souligné avec force que l'immigration était une chance pour la France. Dans ce monde devenu aujourd'hui un village global, et alors que les déséquilibres Nord-Sud sont à présent abyssaux, la pression migratoire va atteindre des proportions inégalées au cours des prochaines années. Il faut donc nous donner les moyens de faire face à ce défi.
Elle a également fort justement souligné que notre modèle d'intégration subissait de sérieux revers depuis une trentaine d'années. La crise économique et les conditions d'accueil ont relégué les dernières générations de migrants dans les quartiers les plus défavorisés de nos villes. Il est donc nécessaire de sortir d'un discours dogmatique ou compassionnel pour construire une véritable politique d'immigration efficace.
Pour cela, et de ce point de vue, votre texte, monsieur le ministre, passe à côté de l'essentiel : il faut privilégier – pas seulement dans le discours, mais surtout dans les propositions – les conditions d'accueil de ceux qui arrivent sur le sol national. Ce devrait être la priorité de nos services publics, de nos associations, de nos collectivités territoriales et locales en matière de formation, de qualification, de logements, d'apprentissage de la langue et des valeurs de la République. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Or il y a une contradiction fondamentale entre vos propos, monsieur le ministre, et la diminution des subventions aux associations chargées de mener ces politiques sur le terrain.
C'est cela que nous voulons aussi sanctionner aujourd'hui. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)
Par ailleurs, il faut encadrer les flux migratoires. Pour convaincre nos compatriotes des bienfaits de l'immigration, il est indispensable que celle-ci soit véritablement contrôlée et organisée. Nous savons bien, à cet égard, que cela ne peut désormais s'envisager qu'au niveau européen et qu'une harmonisation des politiques migratoires est nécessaire.
Au plan national, nous savons également que nous ne pouvons défendre – nul ne le fait d'ailleurs sur ces bancs – le principe de la régularisation systématique réclamée par un certain nombre d'associations. Il ne sert donc à rien de s'envoyer à la figure des chiffres ou des remarques sur la politique menée par les uns ou les autres. La gauche a eu le courage, en 1997, de régulariser massivement. Vous, vous le faites honteusement. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Vous ne pouvez résister, en effet, à la pression des demandes dans les préfectures. Chers collègues de la majorité, vous êtes parfois obligés de porter des dossiers dans les préfectures car certaines situations sont humainement intolérables. Nul ne saurait les supporter. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.) Cessez donc de créer un débat factice ! La réalité sur le terrain nous force à régulariser tous ceux qui vivent sur le sol national depuis des années et qui ne sont ni régularisables ni expulsables. Il y va de l'honneur de la République.
Pour cela, et c'est le principal point de désaccord entre nous, il faut des critères clairs et lisibles par tous. Or la politique conduite au cours de la précédente législature a précisément créé la confusion en donnant le sentiment qu'on appliquait un quota ou un numerus clausus. Les premiers arrivés ont ainsi été les premiers servis. Aujourd'hui, des hommes et des femmes, qui mériteraient d'être régularisées, ne le sont pas.
Il faut donc en revenir à des critères lisibles par tous, et acceptés et compris au niveau européen, même par des pays amis qui ne comprennent plus notre politique.
En France, c'est non pas la génétique qui fait la filiation mais la reconnaissance. De ce point de vue, aucun argument aucune comparaison ne tiennent. Faire, à travers l'amendement proposé par M. Mariani, de l'immigré un délinquant en puissance (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire)…
…c'est, comme le rappelait le président Huriet ce matin dans un journal, tourner le dos aux lois bioéthiques mais aussi à la tradition française. C'est montrer du doigt l'immigré comme un délinquant.
Pour que le débat puisse se dérouler dans la sérénité, nous n'avons pas besoin d'un recul du Gouvernement ou de la majorité. Il faut simplement retirer cet amendement qui est indigne de la République.
Voilà toutes les raisons pour lesquelles nous vous appelons à voter cette exception d'irrecevabilité. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)
Je mets aux voix l'exception d'irrecevabilité.
(L'exception d'irrecevabilité n'est pas adoptée.)
J'ai reçu de M. Jean-Marc Ayrault et des membres du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche une question préalable, déposée en application de l'article 91, alinéa 4, du règlement.
La parole est à M. Serge Blisko.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous débattons, en ouverture de cette session extraordinaire, du quatrième projet de loi relatif à la maîtrise de l'immigration en cinq ans. La redondance à laquelle vous nous contraignez est la preuve de l'inefficacité de la politique menée par M. Nicolas Sarkozy lorsqu'il était ministre de l'intérieur.
Cette frénésie législative est-elle une obsession compulsive ou plus simplement un remerciement aux électeurs du FN, voire un signal en leur direction ? (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Songez que de nombreux décrets de la loi du 24 juillet 2006 relative à l'immigration et à l'intégration ne sont même pas encore publiés.
Il est vrai que le contexte n'est pas favorable à votre gouvernement : stagnation du pouvoir d'achat, hausse de la dette publique, croissance en berne, déficit de la balance commerciale…
Il faut donc détourner l'attention. La nouvelle source d'inquiétude du Président de la République et de votre ministère sont les chiffres des reconduites à la frontière, jugées insuffisants. Enfin, un mauvais chiffre dont l'opposition peut se réjouir.
Après un recadrage des préfets, dont la nouvelle mission est de « faire du chiffre », la chasse au faciès s'accélère. De nouvelles instructions sont données. Les policiers sont désormais réquisitionnés pour faire les sorties de métro ou les sorties d'école.
Redondance, frénésie, précipitation et confusion : ce projet de loi est hors sujet. Il passe malheureusement à côté des vrais enjeux de l'immigration en France.
Car nous avons une obligation, celle de gérer au mieux l'arrivée des immigrés en situation régulière et d'améliorer leur accueil dans notre pays, dans le respect des principes et des valeurs de la République française. Or – et c'est un paradoxe – vous vous attaquez ici à l'immigration régulière, c'est-à-dire au regroupement familial et aux conjoints de Français. Vous stigmatisez cette immigration légale, que vous désignez d'ailleurs comme « subie ».
Ce projet de loi est hors sujet pour trois raisons principales. D'abord parce qu'il instaure un climat de suspicion envers les familles d'étrangers en situation régulière, mais aussi envers les Français désirant faire venir leur conjoint. Ensuite, parce qu'il entretient ensuite la confusion, habituelle depuis quelques années, entre l'asile et l'immigration. Enfin, parce qu'il procède d'une vision simpliste et ne répond en rien aux vraies difficultés rencontrées en matière d'immigration et d'asile.
Ce projet de loi est marqué par la suspicion. La meilleure preuve en est l'introduction, au cours de la discussion en commission, d'un amendement sur le test ADN pour le regroupement familial. Le dépôt de cet amendement en commission s'est fait de manière subreptice,…
…au prétexte que, selon un rapport sénatorial – que d'ailleurs nous ne critiquons pas et sur lequel il convient de discuter –, il y aurait « des pays où l'état civil n'a pas grande valeur ».
Les pays amis d'Afrique apprécieront, puisqu'ils sont désignés nommément.
Vous insistez, monsieur le rapporteur, sur le caractère volontaire des tests génétiques pour les enfants désirant rejoindre leurs parents en France.
Par définition, en effet, seuls les enfants sont visés par un test génétique, et cela ne peut concerner les conjoints. Vous affirmez que l'objectif serait d'aller plus vite dans la procédure de regroupement familial. Vous vous en êtes expliqué dans une interview, jeudi dernier, avec une brutale franchise : « Soit on préfère attendre un an et demi, soit on préfère dire “je suis volontaire” et avoir la preuve en quinze jours. » En d'autres termes, tant pis pour ceux qui ne pourront pas se payer de test ADN ; ils attendront des mois ou des années que l'on vérifie leurs papiers. Ces propos sont scandaleux, car vous introduisez parmi ceux qui veulent venir en France une discrimination par l'argent ! Quel famille étrangère, en effet, pourra se payer de tels tests ? En connaissez-vous le prix ?
Je dis, moi, qu'ils coûtent entre deux cents et six cents euros. Pour ceux qui ne peuvent pas payer, c'est-à-dire la grande majorité, puisque nous parlons de pays où le pouvoir d'achat est sans commune mesure avec le nôtre, les enfants devront attendre des mois avant de pouvoir rejoindre leurs parents. Cette solution, uniquement fondée sur l'argent, est cynique, froide et sans humanité !
Par ailleurs, vous ne vous expliquez pas sur laboratoires autorisés. Comme l'a rappelé Manuel Valls, ceux qui ont travaillé sur les lois de bioéthique connaissent les difficultés à trouver des laboratoires capables de réaliser ces tests à grande échelle, puisque cela concernera quinze à vingt mille enfants par an, dans la mesure où, compte tenu des accords franco-algériens, un certain nombre de ces demandeurs ne seront pas concernés. Quelle sera la fiabilité de ces tests ? Vous citez, monsieur Mariani, l'exemple de la Grande-Bretagne, où les tests sont envoyés dans des laboratoires anglais. Comptez-vous réellement faire rapatrier des milliers de tests salivaires en France ? Cela paraît totalement inconcevable, d'autant plus que vous demandez aux agents consulaires, dont on ne savait pas jusqu'à présent qu'ils étaient des spécialistes du prélèvement salivaire, de procéder eux-mêmes à ces tests avec un petit écouvillon, puisque, bien entendu, vous n'accorderez aucune confiance aux prélèvements faits par des laboratoires étrangers. Que l'on demande donc aux agents consulaires et diplomatiques s'ils ont passé le concours d'Orient pour aller recueillir de la salive !
Et quand ces tests n'auront pas été réalisés avec toutes les garanties de sécurité et de validité scientifiques, allez-vous les faire recommencer et réexpédier par un canal sécurisé ? Vous parlez d'une organisation !
Je vous rappelle qu'en Grande-Bretagne les tests sont beaucoup moins nombreux et que leur coût est pris en charge par les autorités diplomatiques et consulaires.
Avez-vous négocié avec Bercy pour que des millions d'euros soient affectés au rapatriement de ces tests ? Vous ne l'avez pas fait et vous ne le ferez pas ! Encore une fois, vous générez angoisse et inquiétude pour dissuader les candidats au regroupement familial.
Je vous rappelle aussi – et c'est plus grave – qu'outre la discrimination économique et l'incapacité technique à mettre en place votre système, l'article 16 du code civil dispose que « l'étude génétique des caractéristiques d'une personne ne peut être entreprise qu'à des fins médicales ou de recherche scientifique ». Par l'amendement proposé, c'est également le code pénal qui sera modifié dans son article 226-28. Claude Huriet, sénateur honoraire et président de l'institut Curie, note, par ailleurs, qu'une telle disposition serait contraire à la loi bioéthique qui encadre très strictement le recours à de tels tests.
Pendant des années, majorité et opposition ont travaillé pour que les lois bioéthiques soient consensuelles. Au-delà de nos divergences politiques, il nous semblait qu'il y avait une manière commune, en France, de s'opposer aux dérives anglo-saxonnes, qu'elles soient mercantiles, scientifiques ou biologiques.
Or c'est sur ces pays, où l'on fabrique aujourd'hui des chimères à partir de cellules humaines et animales, que vous voulez aujourd'hui vous aligner. Au nom des droits de l'enfant et de la famille, au nom de la bioéthique, au nom de tous nos principes, qui dépassent largement les principes républicains, vous faites fausse route en nous entraînant vers un utilitarisme anglo-saxon totalement contraire à la tradition française ! (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)
Je vous renvoie à la convention d'Oviedo du Conseil de l'Europe, qui interdit ce genre de pratiques. Nous nous appuyons par ailleurs sur deux cents ans de code civil. En France, ce n'est ni le sang ni la génétique qui font la filiation, et il serait inconcevable de demander à un père qui vient déclarer la naissance de son enfant s'il est sûr de lui et s'il a fait un test de paternité.
Plusieurs études laissent d'ailleurs penser que, dans près de 10 % des cas, mieux vaut que la question ne soit pas posée. (Sourires.) Arrêtons donc là. Le père, ce n'est pas celui que reconnaît la génétique mais celui qui élève son enfant. C'est une tradition constante de notre droit civil.
Il existe d'autre part des enfants adoptés. Vous nous avez dit en commission que, dans ce cas, le test génétique n'aurait pas lieu d'être. Il faudra donc expliquer à certains agents consulaires à qui s'appliquent les dispenses, encore que je ne sois pas certain que vous ayez étudié d'assez près la question des différents types d'adoption, dont l'une, l'adoption simple, maintient les liens avec la famille biologique, ce qui entraînera de nouvelles complications.
Enfin, à côté de la question des enfants illégitimes, se pose la question des enfants légitimés, qui n'ont pas non plus de lien génétique avec leur père. Vous devrez, là aussi, faire des exceptions.
Ne serait-ce donc que pour être plus sérieux et mieux en mesure de maîtriser les conséquences de cet amendement, il convient tout bonnement de le rejeter, comme l'ensemble du projet de loi, puisqu'il remet en cause la Convention internationale des droits de l'enfant, adoptée par l'ONU, le 20 novembre 1989, et ratifiée par la France. Je vous rappelle que son article 9 dispose que « les États parties veillent à ce que l'enfant ne soit pas séparé de ses parents ».
Je vous renvoie d'ailleurs à un excellent rapport de la précédente mandature, « L'Enfant d'abord », issu de la mission d'enquête parlementaire menée par nos collègues Valérie Pécresse et Patrick Bloche sur les droits de l'enfant. Il me semble que les dispositions que vous proposez sont en totale contradiction avec les conclusions de ce rapport. Consultez-le et vous pourrez mesurer à quel point vous êtes en dehors des clous de la convention des droits de l'enfant.
Que vont enfin devenir toutes ces données génétiques ?
Allez-vous les archiver au FNEG, le fichier national des empreintes génétiques, réservé aux délinquants et aux criminels ? Pour le coup, nous serions, avec vingt ans de retard, dans le roman d'anticipation d'Orwell, 1984. Si les 2,3 millions de demandeurs de visas sont inscrits au fichier génétique, je ne donne pas cher de nos libertés individuelles, sans compter que vous assimileriez ainsi immigrés et délinquants, ce qui est grave.
Vous avez compliqué l'arrivée en France des familles par des mesures censitaires, comme le montant des ressources exigibles. Or je rappelle que 68 % des dossiers de regroupement familial ne concernent qu'une seule personne. Vous mettez donc en place un arsenal législatif pour très peu de personnes.
Vous avez cité tout à l'heure, parmi les amendements que la commission a acceptés, celui qui tend à porter de 1,20 à 1,33 SMIC le montant des ressources exigées pour une famille de six enfants. Mais vous avez été incapable de donner le nombre de familles de six enfants qui demandent à bénéficier du regroupement familial. Elles peuvent, selon moi, se compter chaque année sur les doigts des deux mains et pourraient donc faire l'objet d'un traitement adapté spécifique, au lieu de quoi, vous mettez en place, je le répète, un arsenal législatif démesuré.
Votre projet, enfin, ne concerne pas seulement les étrangers désirant faire venir leur famille ; il va aussi contrarier chaque année les cinquante mille Français qui, au gré de leurs études, d'une expatriation ou des voyages qui se multiplient, ont eu le bonheur – ou devrais-je dire la malchance et la stupidité ? – de se marier avec une personne de nationalité étrangère et demandent légitimement à ce que leur conjoint rejoigne la France. Savent-ils qu'ils auront les plus grandes difficultés à le faire venir, que le conjoint étranger devra repartir dans son pays demander un visa et que, du fait d'une loi précédente, la validité de leur mariage pourra être remise en cause ? C'est condamner cruellement de jeunes couples à rester séparés des mois, voire des années.
À cela s'ajoute un obstacle supplémentaire, celui de la langue, puisque vous exigez des candidats à l'immigration qu'ils parlent le français avant de venir.
Vous savez pourtant très bien, pour avoir consulté des spécialistes de l'enseignement du français en tant que langue étrangère, que la meilleure façon d'apprendre notre langue c'est de baigner dans le pays qui la parle (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche), à l'image de ces enfants qui, arrivés sur notre sol, parlent rapidement le français à l'école, surtout étant donné le niveau demandé. À moins que vous n'ayez le projet de l'augmenter, année après année, loi après loi, difficultés économiques après difficultés économiques, en nous sortant un nouveau projet de loi tous les six mois pour nous faire oublier tout le reste ! Pour finir, c'est un niveau de licence, puis de maîtrise, puis de doctorat qu'il faudra pour venir en France !
En résumé, et comme le disait le regretté Michel Colucci avec beaucoup talent,...
..« désormais, pour apprendre le français, il faudra savoir le français »... Cela me semble un bon résumé de vos exigences. Bref, le texte pêche par son absence d'humanité.
Ce n'est pourtant là que l'une de ses faiblesses car, à la suspicion, s'ajoute l'amalgame entre asile et immigration.
J'ai d'ailleurs du mal à comprendre, monsieur le ministre, pourquoi vous lancez un nouveau débat maintenant, alors que les chiffres parlent d'eux-mêmes. Ne vous êtes-vous pas vanté du fait que la France était le pays d'Europe qui recueillait le plus de demandes d'asile ? Il est vrai que vous oubliez de préciser que leur nombre a diminué de 50 % par rapport à 2002, passant de l'ordre de 60 000 alors à environ 30 000 aujourd'hui,...
..ou plus exactement à 35 000 ou 38 000, si l'on prend en compte le stock des demandes non encore traitées ou les réexamens.
Je le reconnais volontiers, l'OFPRA dispose de davantage de moyens depuis 2003.
Certes, mais, dans le même temps, la commission des recours, totalement engorgée, a perdu, elle, 125 emplois ! Quand on fait un rapport, il faut dire ce qui est bien, mais aussi ce qui va moins bien !
La situation de l'OFPRA, donc, est bien meilleure aujourd'hui qu'en 2003, époque où elle connaissait un engorgement : avec du personnel et des moyens en plus pour traiter 30 000 demandes, il n'y a pas de souci à se faire, monsieur Cochet, nous en sommes d'accord, d'autant, et je suis là aussi d'accord avec vous, que nous continuons à appliquer, mieux que d'autres pays, la convention de Genève. Nous serons d'ailleurs certainement unanimes sur tous les bancs pour nous y tenir parce que la situation est, par nature, variable.
Ce n'est pas, en tout cas, parce que vous avez donné plus de moyens à l'OFPRA en 2003, qu'il y a moins de demandes. Leur nombre a diminué dans tous les pays, alors que tous ne disposent pas d'un OFPRA. Leurs systèmes sont même quelques fois moins efficaces que le nôtre. S'il y a moins de demandes, c'est que de moins en moins de personnes demandent l'asile en Europe,...
..peut-être parce que celle-ci s'est fermée, à moins que ce ne soit du fait de la conjoncture, car tout est géopolitique, où d'un moindre nombre de conflits qu'en 2003, ce dont on ne peut que se féliciter. À tout moment néanmoins, une guerre civile peut se déclencher ou un pays imploser.
Je ferai à cet égard un rappel, que l'on a assez peu l'occasion de faire faute de débats parlementaires suffisants pour nous exprimer sur la question de l'asile. La France a tout de même un glorieux passé en la matière. Rappelons-nous l'année 1975 : trois pays, le Cambodge, le Laos, et le Vietnam, connaissaient l'exode, dans des conditions parfois épouvantables, de dizaines de milliers de personnes fuyant le changement de régime. Une structure d'accueil associative, dénommée Comité national d'entraide franco-vietnamien, franco-laotien, franco-cambodgien, fut alors créée en France. Cette initiative fut présidée par d'éminentes personnalités : Jean Sainteny, compagnon de la Libération, et, après son décès, Jean-Jacques Beucler puis Jean-Michel Belorgey – heureusement toujours vivant. Très rapidement, cette structure obtint le soutien du gouvernement. Le comité contribua ainsi à définir une politique générale d'accueil et d'insertion des réfugiés, et son antenne à Bangkok rechercha dans tous les camps du sud-est asiatique, en particulier thaïlandais, les réfugiés que la France devait accueillir en priorité.
Le ministre des affaires étrangères d'aujourd'hui, le docteur Kouchner à l'époque, avait même affrété, avec l'aide des pouvoirs publics français, un bateau, « L'île de Lumière », qui allait d'île en île et de camp en camp, tout en recueillant les personnes qui dérivaient sur la mer.
C'est ainsi que plus de 100 000 réfugiés ont obtenu le droit d'asile en France entre 1975 et 1980. Qui n'a vu ces images extrêmement émouvantes de ces Hmongs du Laos que nous avons accueillis en Guyane dans des conditions souvent sommaires et qui sont aujourd'hui parfaitement intégrés ? Tous, depuis la Guyane ou Paris, puisque nous en retrouvons dans le treizième ou le vingtième arrondissement, sont aujourd'hui des agents du développement social, économique, culturel et forment un pont entre la France et leur pays d'origine.
Si nous avions alors appliqué votre politique vis-à-vis des réfugiés de tous ces camps, ils seraient morts pour la plupart et les survivants seraient partis comme beaucoup aux États-Unis, dans d'autres conditions, et nous n'assisterions pas aujourd'hui au développement des échanges franco-asiatiques.
Je souhaite que l'on rende ici un hommage collectif à tous ceux qui, en 1975, à l'image des Sainteny, Beucler et Belorgey, se sont très vite rendu compte qu'il y allait à la fois de la tradition et de l'intérêt supérieur de la France que d'accueillir ces réfugiés d'Indochine. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)
Cette tradition d'asile, vous l'avez fragilisée, laissant la France, ce que vous n'avez pas dit, être encore condamnée au mois d'avril 2007 par la Cour européenne des droits de l'homme. Ce sont d'ailleurs toujours les mêmes affaires qui lui sont déférées, et c'est avec un certain malaise, voire avec une certaine colère que nous voyons notre pays régulièrement condamné parce qu'il ne respecte pas les droits de l'homme en matière d'asile.
Vous avez décidé, monsieur le ministre, de légiférer a minima, et nous avons bien compris votre volonté de parvenir à une unification du droit. Cependant, nous demandons que le délai d'un recours contre un refus d'entrée passe de vingt-quatre à quarante-huit heures. Cette demande n'est d'ailleurs pas formulée par les seuls groupes socialiste ou GDR, mais également par des députés de la majorité qui trouvent le délai de vingt-quatre heures un peu court pour trouver un traducteur, surtout si cela tombe un samedi ou un dimanche, et pour monter un dossier de référé-liberté, procédure qui est extrêmement complexe. Même cette requête, vous l'avez refusée.
De la même façon, nous nous élevons, sans que cela ne vous vise personnellement, contre le rattachement du droit d'asile au ministère de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du codéveloppement.
L'asile est, en effet, un droit, lié à la convention de Genève, monsieur Cochet, et non une politique. Vous avez dit que l'asile ne devait pas être la variable de l'immigration, mais il ne doit pas être non plus la variable des foucades ou des lubies de tel ou tel candidat à la Présidence de la République !
Le regroupement familial et l'immigration n'ont rien à voir avec les demandes d'asile. Un demandeur d'asile, même si c'est parfois fictif, nous le savons bien, n'a pas vocation, même si, malheureusement, la situation géopolitique ne change pas dans certains pays, à rester en France. Il n'a même pas vocation à apprendre le français, hormis le strict nécessaire pour faire ses courses. Sa vocation, n'est pas de s'intégrer, mais de retourner chez lui, quand la démocratie y revient, comme le firent les Chiliens, les Portugais ou les Espagnols. Lorsque Mário Soares était réfugié politique en France, nul ne lui a demandé de s'intégrer et de prendre la nationalité française. (Sourires et applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)
Nous avons tous été très heureux, après le 25-Avril, qu'il ait pu rentrer au Portugal, où il est d'ailleurs devenu Président de la République.
Vous commettez donc une erreur et un contresens fondamental, même si nous savons que parmi les 128 0000 personnes qui ont obtenu le statut de demandeur d'asile, un certain nombre restera, leur pays ne recouvrant pas les conditions leur permettant d'y retourner en toute sécurité.
Bien évidemment, mais vous ne pouvez pas exiger d'elles ce qui l'est du candidat au regroupement familial, s'agissant notamment de l'examen de français, puisque leur vocation n'est pas de rester en France. Là encore, vous êtes hors la réalité.
Le projet de loi est aussi celui de la confusion par l'introduction d'un cavalier législatif qui tend à permettre l'établissement de statistiques fondées sur les « origines raciales ou ethniques ». Un débat sur ce point a eu lieu entre nous et, dans le pays, parmi les intellectuels ou encore les statisticiens, bref entre tous ceux que gêne l'existence à la fois d'un égalitarisme républicain, même s'il est souvent de façade, et d'une réelle discrimination. Nous ne sommes donc pas a priori contre le fait qu'il y ait débat, mais encore faut-il que les conditions d'un débat ordonné, clarifié soient réunies, à l'écoute des intellectuels, des chercheurs, des universitaires, des spécialistes d'autres pays, et sans oublier le poids de notre histoire qui conduit à ce que les victimes de discriminations peuvent être françaises depuis très longtemps. Je prendrai à cet égard un exemple, même s'il est un peu d'ordre personnel. Manuel Valls et George Pau-Langevin se sont exprimés avant moi au nom du groupe socialiste. Or Mme George Pau-Langevin qui, de nous trois, est celle qui a certainement subi le plus de remarques discriminatoires ou blessantes, est certainement française depuis davantage de générations que Manuel Valls ou moi-même. (« Très bien ! » et applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)
Il faut vraiment que l'on se réveille et que l'on arrête de penser que les statistiques fondées sur les origines ethniques, sur la religion ou sur je ne sais quoi d'autre encore puissent être opérationnelles en quoi que ce soit. Dois-je rappeler qu'elles sont non seulement contraires à notre tradition républicaine, mais qu'elles sont également interdites depuis Napoléon III ? Voilà 150 ans que l'on ne recense pas en France selon la couleur de la peau. Je ne comprends d'ailleurs pas comment l'on pourrait faire puisque, heureusement – il suffit de se promener dans les rues de nos grandes villes pour le constater – une grande diversité, comme l'on dit pudiquement, compose aujourd'hui le peuple français.
Nous avons à notre disposition la méthode du testing – excusez le terme anglo-saxon. Elle a été utilisée aussi bien par la HALDE que par des associations telles que France Terre d'Asile. C'est ainsi que celle-ci a procédé, avec l'aide du Bureau international du travail, à l'envoi de CV identiques en changeant simplement le nom du demandeur : Émilie Moulin, d'un côté, Latifa Boukhrit de l'autre. Eh bien, quatre fois sur cinq, c'était celui d'Émilie Moulin qui était retenu par le destinataire alors que figuraient dans les deux CV fictifs les mêmes dates de naissance et les mêmes écoles.
Au-delà de notre propre intuition et des plaintes déposées auprès de la HALDE, nous disposons aujourd'hui de tous les moyens, même s'ils ne sont pas simples, de lutter, dans le cadre de l'égalité républicaine et du respect de notre histoire, contre la discrimination sans avoir besoin de statistiques ethniques. Ce cavalier législatif me semble devoir être sévèrement sanctionné par le Conseil constitutionnel.
Il faut, nous avez-vous dit, monsieur le ministre, que les étrangers arrivent avec un contrat de travail, car moins de 7 % des titres de séjour sont accordés sur la base d'un tel contrat. À cet égard, le quota, que vous avez fixé à 50 %, de l'immigration sur la base d'un contrat de travail, est totalement irréaliste. Même le Canada, que vous citez souvent en exemple, franchit difficilement la barre des 20 %. Vous oubliez d'ailleurs de préciser que la plupart, sinon la quasi-totalité des étrangers qui entrent sur notre territoire en tant que conjoint de Français, se mettent au travail comme tout le monde, même si cela prend quelques mois de plus, après, bien évidemment, une période d'acclimatation. Soyez sûr en tout cas que ces personnes, qui constituent donc aussi une immigration de travail, se souviendront longtemps des difficultés que vous aurez introduites avant leur arrivée en France. Vraiment, votre projet de loi ne répond en rien aux vrais problèmes.
Oui, comme le disait Manuel Valls, nous rencontrons des problèmes avec les populations que nous accueillons, mais c'est parce que vous avez cassé tous les outils de régulation. Lorsqu'il était ministre de l'intérieur, Jean-Louis Debré avait retenu comme critère pour attribuer des papiers de long séjour, quinze ans de présence en France avec preuves d'intégration, délai que nous avons ramené à dix ans, et cela a permis, bon an mal an, d'intégrer nombre d'émigrés. Cet outil réglementaire, vous l'avez cassé, et des instructions tellement contradictoires ont été données ces cinq dernières années aux préfectures qu'aujourd'hui nous avons à faire face à des situations qui ne sont pas dignes, avec des dizaines de milliers de personnes en situation clandestine. Nous sommes assaillis de demandes de régularisation, alors que les critères sont extrêmement changeants d'une période à l'autre, voire d'une préfecture à l'autre, au point qu'aujourd'hui, nous sommes dans l'incapacité d'avoir une vision claire de la politique de l'immigration.
Je terminerai, monsieur Cochet,...
..par un sujet grave. Il est en effet urgent de repenser la liste des pays d'origine sûrs définis par l'OFPRA pour les demandes d'asile. Vous n'avez en effet donné aucun critère, monsieur le ministre. Or c'est une procédure accélérée, dite prioritaire qui permet de refuser des demandes d'asile. Sur les 1 000 demandeurs d'asile issus des dix-huit pays considérés comme sûrs – la liste change d'ailleurs assez souvent –...
Tout à fait.
..qui ont déposé un recours devant la commission des recours des réfugiés – dont le nom doit d'ailleurs changer pour devenir plus clair – 700 ont vu leur demande acceptée.
Cela signifie que l'on aurait pu renvoyer plus de 700 personnes et les mettre en danger dans leur pays d'origine. Heureusement, elles ne sont pas parties, mais d'autres n'ont pas eu cette chance et l'on ne sait pas ce qu'elles sont devenues. Nous dénonçons depuis 2003 cette liste des pays d'origine sûrs. Si l'harmonisation européenne doit se faire par le bas, nous la refusons. Nous avons une tradition d'asile et nous voulons la garder !
Le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche vous demande de ne pas continuer dans cette voie et de retirer ce projet de loi dangereux, qui ne résoudra en rien le problème de l'intégration et contribuera à donner de la France l'image d'un pays fermé à ceux qui souhaitent venir faire un bout de chemin avec lui. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)
Dans les explications de vote sur la question préalable, la parole est àM. Bernard Lesterlin pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.
Le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche tient à saluer la pertinence des propos de Mme Pau-Langevin et l'excellente analyse que vient de développer M. Blisko s'agissant de ce texte. Suspicieux, confus, réducteur et simpliste, ainsi qu'il l'a qualifié, celui-ci ne répond en rien aux enjeux de l'immigration qu'il prétend maîtriser, et encore moins à ceux de l'intégration de notre population d'origine étrangère. Les amendements à la hussarde de la commission des lois tendent à faire adopter dans la précipitation des mesures idéologiques qui auraient nécessité non seulement un grand débat national, mais aussi la saisine du Comité national d'éthique. Car c'est bien d'éthique qu'il s'agit lorsqu'un parlementaire propose de recourir à des analyses ADN, jusqu'alors réservées aux seules procédures judiciaires. Cela revient à assimiler de fait immigration – fût-elle légale – et délinquance, ce qui est en soi tout à fait scandaleux.
Autant que scandaleux, ce texte nous paraît en outre inutile et dangereux. Inutile, car, sous la précédente législature, le Parlement s'est déjà prononcé à maintes reprises sur le sujet : deux lois en 2003, la création du contrat d'accueil et d'intégration dans la loi de cohésion sociale de Jean-Louis Borloo en 2005, une loi en 2006 modifiant le statut des immigrés, pourtant codifié par ordonnance en 2004, et une loi relative à la validité des mariages à l'étranger, sans parler, en 2005, de la loi sur la prévention de la délinquance, qui cible les populations issues de l'immigration en parlant d'intégration républicaine. Quelle fébrilité ! Et quel aveu de l'impuissance des textes antérieurs, pourtant conçus pour la plupart par le ministre de l'intérieur de l'époque ! Et l'on voudrait nous faire cautionner cette fébrilité avec une nouvelle loi durcissant des dispositifs non encore évalués, dont certains attendent leurs décrets d'application ! Sous prétexte d'augmenter l'immigration économique, l'on veut restreindre l'immigration familiale et légale. Oublie-t-on que 70 % des immigrés familiaux travaillent dans notre pays ?
S'il est inutile, ce texte est surtout terriblement dangereux, car il s'inscrit dans une politique contraire aux valeurs de la France. Le droit de vivre en famille en fait partie. A-t-on oublié qu'aucun enfant ne doit être séparé de ses parents contre son gré, conformément aux termes de la convention internationale des droits de l'enfant que la France a ratifiée ? Le Gouvernement dévalorise ainsi l'image de notre pays à l'étranger. Monsieur le ministre, pour être un des rares parlementaires français à m'être rendu en Algérie cet été, et même si l'accord franco-algérien dispense de nombre de ces formalités, je puis vous dire que l'image de la France souffre de votre politique. Quant au codéveloppement, dont vous avez dorénavant la responsabilité, l'on n'en trouve pas trace dans ces lignes. Il semble vous paraître moins urgent de le favoriser que de durcir les conditions d'accès au regroupement familial.
Cette obsession du Gouvernement conduit à des situations incompréhensibles et inhumaines, et produit un véritable gâchis. Comment accepter que des élèves scolarisés dans nos lycées et qui préparent leur bac soient interpellés chez eux à six heures du matin par la police au seul motif qu'ils ont atteint leur majorité ? Il aura fallu, monsieur le ministre, que le maire de Montluçon vous délivre d'une incarcération forcée dans un ascenseur de sa ville pour que vous retrouviez une lueur d'humanité et que vous promettiez publiquement d'octroyer un nouveau visa à une lycéenne de la ville, Mlle Fatima Charbi, que vous aviez renvoyée au Maroc après quinze jours de rétention administrative.
Elle est déjà revenue !
Après avoir perdu une année scolaire, il lui a fallu attendre près de trois mois pour que le consulat de Casablanca obtempère à vos instructions. Élève méritante, Fatima, qui a enfin rejoint sa classe cette semaine, aura ainsi raté, grâce à votre politique, une deuxième rentrée scolaire : merci pour elle !
Sous couvert de défendre l'identité nationale, dont il n'est pas dans nos traditions républicaines qu'elle soit l'affaire du Gouvernement, vous portez atteinte à notre modèle français, qui repose sur la richesse indéniable que constituent nos différences et leurs apports successifs à notre culture. Créant des problèmes au lieu de les résoudre, ce texte inutile et dangereux est une machine à fabriquer de l'immigration clandestine, celle-là même qu'il prétend enrayer. Bien entendu, le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche votera la question préalable, excellemment défendue par Serge Blisko. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)
La parole est à M. Noël Mamère, pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine.
Le groupe de la Gauche démocrate et républicaine votera lui aussi la motion présentée par Serge Blisko, non pas parce que nous siégeons sur les bancs de l'opposition, mais parce que les arguments qu'il a avancés, comme ceux de Mme Pau-Langevin, nous ont convaincus. Pour nous, c'est un devoir républicain que de voter contre ce projet de loi et nous en détaillerons les raisons au cours de la discussion.
C'est la sixième loi que votre majorité propose sur ce sujet. À chaque fois, il s'agit de réduire un peu plus la possibilité pour les immigrés en situation régulière d'exercer leur droit constitutionnel – reconnu par des conventions européennes – à se regrouper familialement. À force de lois, non seulement du ministre de l'intérieur Nicolas Sarkozy, mais aussi de M. de Villepin – souvenons-nous de sa loi sur le droit d'asile qui donne à l'étranger la figure de l'indésirable – l'immigré est présenté comme un profiteur de l'argent des Français, devant être soupçonné en permanence.
S'il confesse, de plus, la religion musulmane, c'est sans doute un terroriste en puissance inapte à la démocratie ! (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Je ne dérape pas et j'ai en mémoire les motifs donnés à la tribune de l'Assemblée nationale par un certain responsable du Gouvernement, devenu Président de la République, pour justifier son hostilité à l'entrée de la Turquie dans l'Union européenne ! (« Et alors ? » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Il s'agissait alors de flatter la partie la plus conservatrice de votre opinion. Je vous vois sourire, monsieur le rapporteur.
Pourtant, l'amendement que vous avez introduit, que je n'hésite pas à qualifier de crapuleux et de nauséabond (Vives protestations sur les bancs du groupe de l'union pour un mouvement populaire. – Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine et du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche)…
…Vise uniquement, dans la perspective des élections municipales, à vous attirer l'électorat le plus conservateur ! (Mêmes mouvements.) Serge Blisko et George Pau-Langevin l'ont souligné très justement, vous n'avez pas hésité une seconde à remettre en cause un principe inscrit depuis près de deux cents ans dans le code civil et confirmé ici, à l'unanimité des députés de droite et de gauche, lors de l'examen des lois sur la bioéthique en 1994 et 2004. Nous avions alors affirmé que les tests ADN ne devaient intervenir que dans un cadre médical, jamais dans aucune autre situation. De fait, aucune famille française ne peut être soumise à de tels tests, mais vous prétendez l'imposer aux familles immigrées qui veulent se regrouper.
Ce n'est rien d'autre qu'une forme d'apartheid et de ségrégation entre ceux qui peuvent vivre normalement dans notre pays et ceux qui sont soupçonnés en permanence de vivre comme des parasites. C'est un véritable renversement républicain !
En introduisant une telle confusion éthique et morale, vous prenez une lourde responsabilité.
J'ai entendu M. Hortefeux dire qu'il appréciait certains amendements présentés par ses amis et commenter notamment celui de M. le rapporteur. J'espère, monsieur le ministre, qu'au nom de la République et d'un certain nombre de valeurs que, sur tous les bancs de cet hémicycle, nous sommes censés défendre,…
…vous jetterez à la poubelle cet amendement scandaleux, qui déshonore votre gouvernement et déshonorerait notre pays s'il était adopté ! (Applaudissements sur les bancs de la Gauche démocrate et républicaine et du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)
S'agissant de la maîtrise du français, j'observe que vous ne demandez rien aux Anglais qui viennent acheter des maisons en Dordogne. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Vous vous en fichez : puisqu'ils sont judéo-chrétiens, blancs et européens, tout va bien ! Mais vous demandez aux étrangers qui vivent dans les pays les plus pauvres du monde, dans des villages très éloignés des consulats et des représentations diplomatiques, d'apprendre le français et les valeurs de la République en sachant parfaitement que cela leur est impossible. Et pourquoi ne demandez-vous pas à M. Kouchner de venir dire ici que le Gouvernement a décidé de réduire de 4 % les effectifs de notre diplomatie en Afrique, autrement dit d'instituer de manière indirecte une autre ségrégation, économique celle-là ?
Pour toutes ces raisons, nous ne pouvons que voter la question préalable présentée par Serge Blisko. Ce n'est pas un plaisir d'opposition ni un effet de manches :…
…ce texte est purement et simplement une loi scélérate ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine et du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche. – Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
La parole est à M. Éric Diard, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.
Le groupe UMP est particulièrement choqué par les propos que M. Mamère vient de tenir à l'encontre de notre rapporteur. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Qualifier son amendement de crapuleux est une remise en cause de sa probité. C'est parfaitement scandaleux et nous ne pouvons l'accepter ! (Mêmes mouvements.) Nous souhaitons que le débat se poursuive dans un climat apaisé. L'Assemblée nationale est un lieu de débat où l'excès et la caricature n'ont pas leur place.
Monsieur Blisko, la première avancée de ce texte est la création, conformément au programme électoral du Président de la République,…
…d'un ministère de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du codéveloppement. Ce projet n'est pas un empilement ; il complète le processus législatif amorcé lors de la précédente législature. Il instaure une préparation au parcours d'intégration afin que les personnes qui souhaitent rejoindre la France puissent acquérir une meilleure connaissance de la langue française et des valeurs de notre République. De fait, l'éducation à la française ne va pas de soi pour qui est issu d'un pays de culture très éloignée de la nôtre.
Il s'agit de donner à ces personnes le maximum de chances pour s'intégrer dans notre société. Cette intégration – comme M. le ministre l'a fort bien indiqué – vise à combattre le communautarisme, qui conduit à des dérives, que nous connaissons tous.
Vous avez, monsieur Blisko, fustigé l'inefficacité de M. Sarkozy en tant que ministre de l'intérieur.
Les Français l'ont trouvé tellement inefficace qu'ils ont oublié de le sanctionner lors des élections présidentielles ! (Sourires et applaudissements sur quelques bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Vous parlez de confusion entre immigration et asile, alors que les dispositions relatives à l'asile font l'objet d'un chapitre à part entière : le chapitre II.
Vous faites une fixation, comme beaucoup de vos collègues, sur un amendement d'origine parlementaire, qui vous a permis de faire glisser le débat vers la polémique.
Si les tests ADN sont mis en oeuvre – dois-je le rappeler –, ce ne peut l'être qu'à l'initiative du demandeur et ils ne peuvent donc pas lui être imposés. Ils lui permettront de prouver sa bonne foi et d'accélérer la procédure lorsqu'il est ressortissant d'un pays dont l'état civil est parfois inexistant. Vous savez parfaitement que, en cas de doute, le dossier est bloqué indéfiniment.
Si ce dispositif est adopté, il ne remettra pas en cause le principe selon lequel la filiation est valable, même si elle n'est pas établie à l'égard des deux parents. Le dispositif prévoit que la filiation pourra être établie par rapport à l'un des deux parents.
Le dispositif ne remet pas en cause la possibilité d'accueillir les enfants adoptés par le demandeur, adoption qui aura fait l'objet d'une décision de justice.
Je rappelle que les dispositions de l'article L. 411-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile concernant la venue en France d'enfants pour lesquels le ou les parents disposent de l'exercice d'une autorité parentale en vertu de la décision d'une juridiction étrangère restent parfaitement valables.
Pour toutes ces raisons, le groupe UMP votera contre la question préalable. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Mes chers collègues, l'objet de la question préalable est de décider qu'il n'y a pas lieu à délibérer.
J'ai écouté attentivement M. Blisko, dont les propos n'ont pas été surprenants. Il a oublié de remercier M. Mariani. En effet, la plus grande partie de son propos introductif a porté sur l'amendement du rapporteur, dont nous discuterons – un long moment, je n'en doute pas. Hormis ce point, les propositions de M. Blisko étaient vides de sens. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)
Sans doute aurait-il fallu, sur le fond, nous préciser la position exacte du groupe socialiste sur la question de l'immigration.
Ềtes vous sur la ligne de Mme Royal ? Nous ne le savons pas et nous n'avons rien appris cet après-midi sur ce point.
Ếtes-vous sur la ligne Jospin ? Nous ne le savons pas davantage.
Êtes-vous maintenant sur la ligne Valls ? Lors de son explication de vote, il a manifestement eu une position nouvelle.
Si je comprends bien, monsieur Blisko, la position du groupe socialiste est tellement complexe à expliquer – car tellement multiple – qu'il vous est difficile de donner un contenu concret à la défense de la question préalable.
Vous avez beaucoup parlé de l'amendement déposé par M. Mariani. Nous y reviendrons. Mais il n'y avait rien sur le dispositif de préparation au parcours d'intégration républicaine qui figure dans le texte. Il n'y avait rien, ou pas grand-chose, sur les ressources requises pour réussir son intégration ! Rien encore sur le contrat d'accueil et d'intégration pour la famille ! Rien non plus sur la connaissance des valeurs de la République ! Rien, ou pas grand-chose, sur l'application jurisprudentielle de la Cour européenne des droits de l'homme en matière de recours ! Rien sur l'OFPRA, c'est dommage ! Rien enfin sur l'immigration pour motif professionnel !
Toutes ces dispositions figurent dans le texte proposé par le Gouvernement. Cela aurait sans doute mérité une explication plus fine et plus concrète et un débat. Vous avez préféré vous inscrire dans une polémique.
Pour ces raisons et pour bien d'autres encore, le groupe Nouveau centre ne votera pas la question préalable. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Je voudrais répondre à M. Blisko et à M. Mamère.
Monsieur Blisko, je vous remercie, ainsi que Mme Pau- Langevin de votre assiduité lors des auditions de la commission sur ce projet de loi. Je suis donc surpris que vous vous laissiez aller à de telles contradictions. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.) On ne peut pas, comme certains de vos collègues, prétendre que le fameux test ADN, qui vous choque, concerne une centaine de personnes, pour ensuite nous expliquer à la tribune qu'il y aura des milliers d'échantillons. Vous devez être cohérent entre vous. S'agit-il de quelques centaines ou de quelques milliers ? Il faut cesser de défendre tout et son contraire. Cela choque à certains moments.
Monsieur Blisko, je suis surpris de la mauvaise foi dont vous avez fait preuve, qui n'est pas habituelle chez vous. Il n'a jamais été question de conserver des échantillons. On n'a jamais parlé de fichier. Il n'a jamais été question, monsieur Mamère, d'imposer quoi que ce soit, vous le savez bien.
Ne caricaturez pas !
Je ne répondrai pas à M. Mamère, qui a visiblement rechargé ses « accumulateurs de provocateur » pendant les vacances. (Murmures sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)
Je voudrais simplement remercier le journal Le Monde, paru ce soir. Je vous invite à vous reporter à l'article de la page 3 qui, sous le titre « Nouakchott-Paris, huit ans d'attente » est annoncé ainsi : « Arrivée de Mauritanie en 1999, Fatima Lam n'a plus vu ses filles. Malgré son statut de réfugiée politique, l'administration bloque la demande de rapprochement familial. Raison invoqué : un état civil défaillant. »
Je vais en lire vingt lignes qui devraient vous faire réfléchir : « Pour les réfugiés politiques, certains visas sont pourtant bloqués pendant des années à cause des problèmes d'état civil, souligne Soulé N'Gaidé, qui a suivi le dossier de Mme Lam en tant qu'assistant juridique du centre international de la Cimade à Massy. » C'est la Cimade, qui dit cela et non l'UMP. Elle est plutôt proche des immigrés et s'occupe de leur situation.
« En Mauritanie, on peut travailler, se marier, avoir des enfants ou se faire enterrer sans jamais présenter un document administratif. L'état civil est très approximatif.
« En 2005, la demande de rapprochement familial de Fatima Lam a été acceptée pour son mari et l'un de ses fils, mais les autres visas ont été refusés ; le consulat de France en Mauritanie précise dans un courrier que la copie d'acte de naissance de l'une des filles est « apocryphe ». Il affirme en outre ne pas avoir retrouvé l'acte de naissance d'un autre fils – Diarry – dans les registres et déclare que la fiche de recensement de Kalidou n'a pas été présentée. »
Monsieur Mamère, on peut faire de grandes déclarations de principe et regarder la réalité des actes d'état civil de certains pays. Si mon amendement avait été accepté, cette famille serait réunie depuis longtemps.
Aujourd'hui, en refusant d'accepter des mesures, qui sont en place dans certains pays, uniquement par choix doctrinaire, par intolérance, vous refusez à des familles le moyen de prouver qu'elles disent la vérité.
Je vous laisse la responsabilité de vos actes. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Je mets aux voix la question préalable.
(La question préalable n'est pas adoptée.)
Pour compléter les propos de M. le rapporteur, je voudrais signaler à M. Blisko, mais aussi à M. Lesterlin, qui a repris à peu près les mêmes thèmes, que, effectivement, plusieurs lois se sont succédé. Nul ne le conteste, je le revendique même.
La situation a été catastrophique après l'erreur de la régularisation totale et massive de 1997. Je ne jette la pierre à personne, on a tenté quelque chose, mais ce fut un échec total. On a assisté alors à un afflux de clandestins, attirés par les perspectives de nouvelles régularisations, à un quadruplement du nombre de demandeurs d'asile, à la multiplication des squats, et je pourrais continuer longtemps à égrener la liste des conséquences dommageables de cette décision.
Pour réparer une erreur, il faut avancer pas à pas, sérieusement, progressivement, de façon à modifier les choses en profondeur.
J'ajoute – M. Diard l'a, rappelé à juste titre – que le peuple français a tranché. Il ne s'agit pas d'une surprise. Ce n'est pas quelque chose qui n'avait pas été annoncé. Ce n'est pas quelque chose qui est apparu, au lendemain du scrutin. C'était un engagement clair de campagne. Vous avez raison de me permettre, indirectement, de le souligner. Les engagements de Nicolas Sarkozy sont aujourd'hui des promesses tenues. Ce n'était pas votre objectif, mais je vous remercie de m'avoir donné l'occasion de le rappeler. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Vous dénoncez l'échec de la politique d'expulsion. Vous êtes fort mal placés. Tout à l'heure, vous avez eu la gentillesse de ne pas personnaliser lorsqu'il s'agissait de l'OFPRA. Je procède donc de la même manière : j'utilise le « vous » collectivement.
Nous avons procédé à 11 000 expulsions sur le premier semestre, et vous qualifiez cela d'échec, alors que, la dernière année où vos amis et vous gériez les affaires, vous n'avez, sur toute l'année 2002, procédé qu'à 10 000 expulsions. On ne peut pas parler d'échec en ce qui nous concerne quand, sur six mois, nous faisons mieux. Cela incite à un peu de modestie.
Enfin, sur les tests ADN, si j'ai bien compris, vous souhaitez, monsieur Blisko, vous en tenir à la loi de 1992, qui est la référence. Mais où avez-vous vu qu'une loi était gravée dans le marbre, totalement intangible et ne devait pas évoluer ? Où est-ce écrit ?
Pourquoi faudrait-il ignorer les expériences étrangères ? Je crains que vous ne persévériez dans l'erreur, en regardant la vie avec des oeillères – cela ne s'adresse pas à vous, nominativement, mais collectivement. Regardez autour de vous et intéressez-vous à ce qui passe ailleurs de façon à en tirer profit.
D'habitude – pas toujours, mais parfois –, vous n'hésitez pas à vous appuyer sur des exemples étrangers. J'ai remarqué qu'il s'agissait souvent de régimes socialistes ou sociaux-démocrates – et c'est parfaitement votre droit. Mais en quoi les sociétés suédoises, néerlandaises, allemandes, britanniques sont-elles tellement différentes de la société française ? Ce sont des sociétés démocratiques, respectueuses des droits de l'homme, mais toutes confrontées au vrai défi des questions migratoires et de l'immigration clandestine.
En ce qui concerne les statistiques de la diversité, nous partageons, monsieur Blisko, sur tous les bancs – du moins, je l'imagine –, la volonté commune de lutter efficacement contre les discriminations. Comment y parvenir si nous n'avons pas la capacité de mesurer ces discriminations ?
L'amendement, que vous critiquez reprend, je vous le rappelle, une suggestion de la Commission nationale de l'informatique et des libertés. Je m'en tiendrai précisément – je le dis honnêtement et franchement – à la position de la Haute autorité indépendante, présidée de surcroît par un parlementaire.
Je voudrais terminer en précisant un point. Vous avez évoqué la langue française. Je ne sais pas, monsieur Blisko, si vous souhaitez que vos propos soient maintenus au Journal officiel, mais vous avez qualifié la langue française d'« obstacle » à la vie en France. C'est pour le moins paradoxal, car l'article 2 de la Constitution rappelle que la langue de la République est le français. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Nouveau Centre.)
Mon rappel au règlement se fonde sur l'article 58-1.
Je voudrais formuler trois remarques simples. Je pense que la suite du débat et l'examen des articles nous permettront d'y voir plus clair sur la volonté du rapporteur. En effet, si je comprends bien, compte tenu de sa lecture du Monde, l'amendement qu'il a déposé tend à accélérer le regroupement familial. Ce n'est pas ce qui nous a été présenté. Ce n'est pas ce que nous soutenons. En matière de contradiction, M. Mariani est orfèvre…
Le débat sur les statistiques concernant l'origine ethnique divise les groupes. Il s'agit d'un débat passionnant sur le modèle républicain. Pourquoi soulever cette question sur un texte qui ne parle que d'immigration, et non sur un texte traitant des luttes contre les discriminations, d'intégration et de diversité républicaine ?
Nous attirons l'attention du Gouvernement et de nos collègues de la majorité sur cette distorsion s'agissant d'un texte à caractère essentiellement répressif : la recommandation de la CNIL mérite un débat approfondi au sein de notre assemblée.
Je pose également au Gouvernement la question de la régularisation massive ou au fil de l'eau. La représentation nationale aimerait être informée sur le nombre de personnes en situation irrégulière qui se trouvent sur le sol national, et qui demandent des papiers.
Sans réponse précise, nous ne pourrons avoir de débat sérieux sur la question de la régularisation.
Dans la discussion générale, la parole est à M. Noël Mamère, premier orateur inscrit, pour cinq minutes.
Monsieur le président, monsieur le ministre, je souhaite d'abord répondre à notre collègue Mariani qui vient de nous citer un article du Monde. Il me semble que sa lecture a été quelque peu sélective puisqu'il en a omis une partie. Que dit, en effet, Mme Lam ? « C'est absurde. Je ne peux pas revenir en Mauritanie parce que je suis sous protection française, mais la France refuse que mes filles me rejoignent. La nuit, je me réveille, je pense à elles et je ne peux plus me rendormir. Comment trouver un logement ou un travail lorsque la demande de rapprochement familial traîne bien que les parents aient fourni tous les éléments en leur possession ? »
Voilà, monsieur Mariani, ce que vous n'avez pas lu, et qui, à l'évidence, prouve que vous menez une politique qui vise à réduire le regroupement familial.
Quitte à citer le Monde, je préfère me référer à l'édition d'hier, notamment à la page vingt, et vous livrer cette citation d'un de mes collègues, député socialiste, en novembre 2003, lors de la discussion d'une loi – encore une – que vous nous présentiez sur l'immigration : …
« Dans la solitude et l'angoisse de l'exil, c'est la force d'être unie qui permet à une famille de surmonter les difficultés. » Tel est l'état d'esprit de l'ensemble des députés de la gauche sur la question du regroupement familial et de l'immigration !
C'est la quinzième fois depuis 1981 que le Parlement légifère sur la question de l'immigration, et la sixième en six ans alors qu'aucune évaluation n'a été faite concernant l'application de ces différentes lois depuis 2002.
L'inflation législative sur un tel sujet montre bien l'impuissance des pouvoirs publics face à ce phénomène et témoigne de votre volonté d'instrumentaliser l'électorat plus que de construire une politique publique servant l'intérêt général. Nous aimerions être convaincus de l'impérieuse nécessité de ce texte mais, pardonnez-nous, monsieur le ministre, après la loi sur le droit d'asile de juillet, nous avons vraiment le sentiment que vous préparez, d'abord et avant tout, les prochaines élections municipales en préemptant une fois encore le thème de l'immigration. Votre projet n'est pas un simple dispositif anti-immigrés de plus ; il revendique explicitement la volonté de réduire l'immigration familiale, désignée comme « subie » et donc nuisible, au profit d'une immigration professionnelle et choisie. Sous prétexte de favoriser l'intégration, votre projet organise purement et simplement le tri des ressortissants étrangers, dignes ou non, de rejoindre leurs conjoints, citoyens français ou résidents en France. Les dispositions techniques de ce projet organisent en fait le démantèlement systématique du droit fondamental de mener une vie familiale normale. Ce projet de loi n'est qu'une succession d'arbitraires et d'inégalités de traitement. Vous, qui vous présentez comme les chantres de la cellule familiale, vous qui refusez les formes de mariages non autorisées par l'Église, …
… vous vous acharnez à détruire le modèle familial, dès lors qu'il concerne les immigrés. Cette inégalité de traitement, cette logique du « deux poids, deux mesures », est au coeur de votre politique. Vous créez de l'inégalité entre les enfants dès la maternelle, entre les conjoints, entre les personnes handicapées, entre les personnes âgées. Vous créez de l'inégalité entre les familles. Pourtant, entre les familles immigrées et les familles françaises, il n'y a aucune différence : elles coûtent ce que coûtent toutes les familles. Ni plus ni moins. Elles rapportent ce que rapportent toutes les familles, qui vivent et travaillent dans ce pays. Ces familles paient leurs impôts, font des enfants qui permettront à la France de garder son rang démographique dans le monde de demain. En refusant que des milliers de personnes mènent une vie familiale normale, vous accentuez la dégradation sur le terrain du « vivre ensemble ». Vous organisez la ségrégation de travailleurs célibataires, corvéables et jetables à merci.
Les nouvelles dispositions imposées au « regroupant » et notamment aux personnes âgées, retraitées, malades ou invalides – en fait, à tous ceux qui ont le plus besoin de bénéficier du droit de vivre en famille – sont si drastiques sur le plan linguistique ou des conditions de ressources, que l'on ne comprend pas bien ce qui vous empêche d'aller au bout de votre logique politique en supprimant purement et simplement l'immigration familiale.
Cette loi examinée en urgence permettra-t-elle de maîtriser les flux migratoires pour reprendre les objectifs affichés ? Là encore, vous mentez à votre électorat. En 2006, 17 304 personnes sont venues en France au titre du regroupement familial. Et sur ce nombre, déjà restreint, ce ne sont pas les immigrés japonais ou américains qui sont visés par les dispositions discriminatoires de votre loi mais, comme toujours, les ressortissants des pays du Maghreb ou de l'Afrique noire francophone.
Le résultat est connu d'avance : la fabrication d'un nouveau contingent de sans-papiers qui, pour échapper à vos mesures, utiliseront des filières irrégulières. Ce n'est pas l'intégration que vous favoriserez, mais les passeurs, les marchands de sommeil, les entrepreneurs véreux, les négriers des temps modernes. Vous le savez bien : plus vous ferez des lois inhumaines, plus ceux qui en sont victimes viendront renforcer les entrées irrégulières. Plus vous dresserez des murs contre l'immigration irrégulière, plus vous créerez les conditions du désordre social, de la montée en puissance du racisme et de la xénophobie. C'est pourquoi, au-delà de la stigmatisation de l'immigré comme un fraudeur naturel, l'amendement de M. Mariani n'est pas en rupture avec votre loi. Il a d'ailleurs le mérite de la cohérence.
Dans les années soixante, avant 1974, le patronat de l'automobile allait dans les coins reculés des campagnes du Maghreb choisir ses ouvriers de l'automobile parmi les paysans. Pour choisir les plus résistants, le sergent recruteur regardait l'état de leur denture. Aujourd'hui, vous voulez contrôler les gênes de l'ouvrier (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire)…
… qui sera choisi pour travailler, sans liens familiaux, au seul profit des entreprises.
Dans ces conditions, l'ensemble des membres du groupe de la gauche démocrate et républicaine votera contre ce projet de loi et présentera un certain nombre d'amendements. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)
Mes chers collègues, je vous invite à respecter vos temps de parole.
La parole est à M. Nicolas Perruchot.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, combien de fois n'avons-nous discuté d'immigration ? Tantôt tabou, tantôt totem, c'est un sujet qui exacerbe les clivages et qui, pourtant, devrait pouvoir nous rassembler.
En effet, quel responsable politique peut aujourd'hui faire abstraction d'un tel débat ? Aucun. Ce sujet nous concerne tous ; il n'est pas l'apanage d'une famille politique ; c'est une réflexion que nous devons mener conjointement avec honnêteté et responsabilité,
Plus personne ne doute de la nécessité de mettre des freins à l'immigration, de mieux contrôler ses origines et ses motifs, notamment, afin d'anticiper sur notre capacité d'accueil et d'absorption. C'est pourquoi la question de l'immigration ne peut être dissociée de celle de l'intégration et de la qualité d'accueil des immigrés.
La diversité et l'ampleur des implications de notre politique d'immigration dans de nombreux domaines de la vie nationale rendent indispensable une analyse régulière, mais aussi très attentive, de l'action publique. Notre cohésion nationale dépend en effet, pour une large part, de la réussite de la politique d'immigration, et plus particulièrement des actions d'accueil et d'intégration mises en oeuvre. Cette politique d'accueil et d'intégration a été engagée sous la dernière législature et vous avez souhaité approfondir ce volet dans votre projet de loi sur lequel je reviendrai ultérieurement.
En effet, une politique d'immigration responsable et efficace implique davantage qu'une simple gestion quantitative des flux migratoires. Elle implique de comprendre l'origine de ces flux, de les anticiper et de développer au niveau national et européen des réponses concrètes. Une immigration non maîtrisée, une immigration sans anticipation, ni capacité d'absorption, c'est autant d'exclusion, de pauvreté et de précarité. À cet égard, je salue l'adoption en commission d'un amendement visant à créer un outil statistique pour appréhender les discriminations. Si ces données doivent être utilisées avec parcimonie et si l'on doit veiller à ce qu'elles n'alimentent un discours communautariste qui irait à l'encontre de notre modèle d'intégration républicaine, elles fourniront un outil précieux d'évaluation pour les politiques et permettront d'apporter des réponses à des situations intolérables.
En effet, comment cerner l'immigration et y apporter des réponses si l'on ne comprend ni ses causes ni ses évolutions ?
L'origine des flux migratoires a changé depuis la Seconde Guerre mondiale. Ainsi, le travail n'en est plus le premier des motifs. L'immigration de travail n'a d'ailleurs cessé de reculer ces dernières années passant de 7,5 % des flux en 1999 à 5 % en 2004 selon l'Observatoire statistique du Haut conseil à l'intégration. Or, la lettre de mission adressée par le Président de la République vous chargeant, monsieur le ministre, de faire passer l'immigration économique de 7 % à 50 % de l'immigration totale à caractère durable, est le signe que notre pays a cruellement besoin de matière grise et que notre croissance potentielle dépend également de la masse active de la population immigrée. C'est d'ailleurs une préoccupation européenne. En effet, afin de faire face au vieillissement de notre continent, vingt millions d'immigrés seraient nécessaires à l'Europe entre 2 010 et 2 030 pour maintenir un taux équivalent de population active, selon les travaux récents de la Commission européenne.
D'un autre côté, l'on constate que l'immigration pour motifs familiaux est la plus importante en dépit du ralentissement de 2005. Le regroupement familial est un droit fondamental. Cependant, il n'y a pas de doute sur la nécessité de le réguler, d'exiger de la personne qui le sollicite un certain nombre de garanties et une véritable volonté de s'intégrer dans notre pays. Il nécessite à n'en pas douter de beaucoup plus de transparence.
Notre France est historiquement une terre d'accueil et elle doit bien entendu le rester. Mais pour bien accueillir, il faut, de part et d'autre, une envie de vivre ensemble, c'est en cela que le contrat d'intégration, fondé sur la connaissance de fondamentaux, comme la langue française ou les moeurs et valeurs de notre pays, me paraît essentiel. Cette question de l'intégration avait fait l'objet d'interventions récurrentes de ma part et des députés de mon groupe. Car, au-delà des obligations pour l'étranger d'intégration républicaine, notamment pour la délivrance de la carte de résident, il me paraissait fondamental d'intégrer et de généraliser la notion de contrat aux termes duquel chaque partie s'engage à respecter ses obligations.
C'est pourquoi je souscrivais pleinement en 2006 à l'introduction dans le code de cette disposition et que je souscris aujourd'hui à son extension aux personnes qui souhaitent bénéficier du regroupement familial.
Je ne peux qu'adhérer également à la volonté manifeste du Gouvernement de fournir aux candidats au regroupement familial les moyens d'une intégration réussie sur notre territoire. La formation linguistique proposée à l'étranger qui souhaite s'installer en France tend vers l'affirmation d'un véritable programme d'intégration fondé sur deux piliers : la langue et les valeurs de notre société.
Au-delà de ce texte et des objectifs qu'il s'est fixés, une grande question demeure : ce dispositif sera-t-il applicable ? Quels moyens prévoit-on d'allouer aux autorités diplomatiques et consulaires afin de faire face à de telles procédures ? Reviendra-t-il aux Alliances françaises d'assurer les cours et de délivrer le certificat ? Les coûts de cette procédure seront-ils à la charge du demandeur ou à celle de l'État ? Ces questions appellent des réponses précises et concrètes, faute de quoi ce texte serait vain.
Quant à la possibilité introduite par notre rapporteur de donner au demandeur du regroupement familial le droit de faire effectuer des tests ADN afin de vérifier sa filiation et de faciliter les procédures soulève des questions. Il semble que douze pays se soient engagés à procéder à ces tests, dont le coût se situe aux alentours de 300 euros. Si le groupe Nouveau Centre n'est pas hostile, sur le principe, à l'introduction de ce type de tests auquel la loi permet de recourir pour les recherches de paternité en France, nous pensons que la rédaction de l'amendement en l'état, même après sa modification, n'est pas en mesure de répondre pleinement à la problématique. D'ailleurs, se pose, monsieur le ministre, la question du coût. Qui paiera ces tests ? S'ils sont à la charge du demandeur comme on le laisse entendre, l'on peut craindre des discriminations purement pécuniaires et des fraudes. Si ces tests sont effectués par les services diplomatiques et consulaires, surgit la question des moyens. Je souhaite que vous puissiez nous apporter sur ce point les précisons qui s'imposent. L'expérimentation, en la matière, doit être privilégiée avant de fixer ce procédé dans le marbre de la loi.
En ce qui concerne le droit d'asile, ce texte représente un progrès majeur pour notre pays et sa démocratie. En effet, il met enfin la France en conformité avec les exigences de la Cour européenne des droits de l'homme en garantissant un recours effectif, donc suspensif, aux étrangers auxquels a été refusé l'accès au territoire français au titre de l'asile.
Je salue cette disposition, même si je pense que l'on aurait pu aller un peu plus loin. Nous savons tous que les procédures sont longues et que la route est sinueuse, c'est le moins que l'on puisse dire en la matière. Ces immigrés en attente de visa continuent de vivre sur le territoire français, parfois dans des conditions de précarité inouïes. Pourquoi ne pas leur permettre de travailler décemment, le temps d'être régularisés ? Cela permettrait de mettre fin à un certain nombre de problèmes, que nous rencontrons tous dans nos permanences et dans nos mairies et qui nous occupent beaucoup trop aujourd'hui.
En outre, ce texte ne règle pas – ce qui n'était peut-être pas son ambition initiale – l'un des sujets essentiels : l'immigration clandestine. Il ne répond à la question de la précarité dans laquelle les procédures administratives interminables plongent les personnes en attente de régularisation.
Des étrangers ayant noué des attaches personnelles dans notre pays et vivant une intégration de fait souffrent aujourd'hui d'un manque de considération de la part des pouvoirs publics. Cela fait le lit – on l'a dit, on le répétera – des passeurs, des employeurs malhonnêtes qui assoient leur économie sur cette situation de détresse.
C'est pourquoi le groupe Nouveau Centre aurait souhaité que soient reprises certaines des recommandations formulées dans le rapport de la commission d'enquête du Sénat du 6 avril 2006, intitulé Immigration clandestine : une réalité inacceptable, une réponse ferme, juste et humaine, notamment celles concernant les marchands de sommeil et l'aide au retour.
Ainsi, plutôt que l' « immigration choisie » ou l'« immigration concertée », le groupe Nouveau Centre souhaite favoriser une immigration responsable, qui anticipe et assume.
Par « responsable », j'entends une politique d'immigration mise en oeuvre par un pilotage fort et simplifié. Nous saluons au passage, monsieur le ministre, la création d'un ministère de l'immigration que notre famille politique appelait de ses voeux depuis longtemps. Il traitera enfin du phénomène migratoire dans son ensemble, évitant le morcellement et les lourdeurs administratives liées à un éclatement des responsabilités et des missions. Nous avons été nombreux ces cinq dernières années à réclamer une simplification en la matière et il est important que nous puissions aujourd'hui constater qu'elle devient effective.
Je voudrais encore aborder un sujet qui nous préoccupe tous et qui motive notre soutien à la majorité présidentielle : notre volonté commune de réformer la France et de moderniser sa structure administrative. L'organisation administrative actuelle n'est pas satisfaisante. Les préfets et les maires, par exemple, rencontrent de nombreuses difficultés en matière d'information et de suivi des dossiers. Nous avons eu de nombreux débats à ce sujet dans cet hémicycle, beaucoup de garanties nous ont été données mais force est de constater qu'en la matière, rien ne fonctionne correctement.
Dans la droite ligne de ce que nous avons toujours défendu, je tiens à redire que la politique d'immigration actuelle ne peut être réduite à notre seul territoire national. Il est bien évident qu'une réflexion sur l'immigration dépasse aujourd'hui largement nos frontières. C'est seulement en favorisant la concertation avec nos voisins européens que nous pourrons mettre en oeuvre les grands axes d'une politique d'immigration dans l'espace Schengen. C'est aujourd'hui la condition sine qua non d'une politique d'immigration responsable.
C'est donc avec beaucoup d'attention, monsieur le ministre, mais aussi avec beaucoup d'espoir que je vous ai entendu mentionner tout à l'heure la création d'un pacte européen de l'immigration dans le cadre de la présidence française de l'Union. Vous avez voulu vous aussi faire passer ce message fort, qui nous apparaît comme une nécessité absolue, et nous saluons cette bonne nouvelle.
Trop souvent, nous réduisons la question de l'immigration à notre sphère nationale, alors qu'il nous faudrait élargir notre horizon afin de mettre en place une réelle politique de développement avec les pays d'origine. N'oublions pas que les immigrants fuient la plupart du temps des situations économiques ou politiques très difficiles dans leurs pays. Aider les pays d'origine, générateurs des grandes migrations, à donner à leurs ressortissants les chances de réussir me paraît être la clef du développement humain nécessaire à l'évolution de nos sociétés. C'est pourquoi nous avons hâte d'entendre les propositions qui seront les vôtres en matière de codéveloppement. Vous nous les présenterez, j'en suis sûr, rapidement.
En somme, monsieur le ministre, ce texte a pour mérite de mettre en exergue la volonté d'agir de votre ministère et de rassembler sous son autorité tous les sujets relatifs à l'immigration. Il place également la politique d'immigration dans une continuité d'action que je salue. Il prolonge et élargit le spectre des mesures mises en place sous la dernière législature. Enfin, il rationalise notre droit d'asile.
Pourtant, il n'est pas suffisant. C'est le énième texte sur le sujet que nous sommes appelés à examiner dans cette assemblée et je doute de sa capacité à apporter les réponses qui s'imposent. Rien sur le travail clandestin ; rien sur la nécessaire simplification administrative ; rien non plus sur le travail temporaire des immigrés en attente de régularisation. Mais peut-être des mesures adaptées viendront-elles.
Je ne suis pas partisan, et je l'ai dit à maintes reprises, de la suppression de la régularisation automatique des personnes résidant depuis dix ans sur notre territoire. Leur maintien dans la clandestinité les jette trop souvent dans les mains des réseaux de travail illégal et des marchands de sommeil. C'est d'ailleurs l'objet de l'un de nos amendements, que vous considérerez, je l'espère, avec attention.
Vous l'avez compris, monsieur le ministre, nous estimons que, sur le fond, le texte est bon et qu'il va dans le bon sens. Sur la forme, il faudra prendre garde à ce que l'essentiel de nos débats ne porte pas sur l'amendement de M. Mariani. Des évolutions intéressantes viennent d'intervenir depuis que le rapporteur a pris connaissance de l'article paru dans Le Monde, qui apporte des éléments nouveaux. Nos concitoyens suivent cette affaire de près mais il serait dommage qu'elle monopolise toute l'attention. Ce texte mérite en effet que tous ses articles soient débattus et nous nous y attacherons. Il sera cependant nécessaire de faire comprendre simplement quels sont les motifs et les objectifs avoués de cet amendement : s'agit-il de favoriser le regroupement familial ou, au contraire, de mieux réguler les flux ?
Nous aurons besoin d'explications claires à ce sujet avant d'apporter le soutien franc et massif que vous attendez de nous et que nous sommes en mesure de vous apporter.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, ce projet de loi ouvre un débat capital et attendu. Il ne constitue pas une énième loi sur l'immigration : en complétant le dispositif législatif actuel, il témoigne d'une approche ferme et humaniste de notre politique d'immigration.
Il n'aura échappé à personne, même sur les bancs de la gauche, que ce projet de loi intervient après que le Président de la République a clairement affirmé sa volonté d'apporter des solutions pragmatiques au problème de l'immigration. Nous accomplissons ainsi un pas de plus vers cette immigration choisie que les Français ont appelé avec force de leurs voeux au printemps dernier.
Permettez-moi d'abord, au nom du groupe UMP, de me réjouir, monsieur le ministre, de la création du ministère de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du codéveloppement. Les Français l'ont voulu, et il est aujourd'hui solidement ancré dans notre paysage institutionnel. Ce ministère et son ministre agissent. Certains feignent de s'en offusquer. Nous, nous nous en réjouissons !
Nous approuvons l'objectif de résultat assigné au ministre par le Président de la République en matière de lutte contre l'immigration clandestine. Nous voulons réaffirmer avec force qu'un étranger en situation irrégulière a vocation à être reconduit à la frontière.
Fermer les yeux sur l'immigration illégale, c'est encourager toutes les mafias, tous les passeurs, tous les marchands de sommeil, tous les exploiteurs de main-d'oeuvre, à poursuivre leurs forfaits. Nous ne répéterons pas les erreurs coupables des gouvernements socialistes qui ont procédé à des régularisations massives de clandestins, lançant, par là même, un véritable appel à l'immigration irrégulière.
Alors, oui, nous nous réjouissons de la détermination de Brice Hortefeux et nous le félicitons pour son efficacité.
Nous savons que sa politique est équilibrée et juste, notamment parce qu'elle donne une grande place au codéveloppement, qui est l'un des moyens les plus efficaces pour que les déplacements massifs de population se réduisent et que des générations entières, en quête d'un Eldorado imaginaire, cessent de quitter leur pays.
Elle est équilibrée et juste car elle rappelle la vocation de notre pays à accueillir sur son sol les réfugiés politiques victimes de l'oppression. Nous saluons ainsi les garanties offertes par ce texte aux demandeurs d'asile.
Tous ici nous aimons à concevoir notre pays comme un creuset de cultures. Personne n'oublie ce que la France doit aux populations immigrées qui se sont installées sur son sol tout au long de son histoire. Mais pour que l'immigration demeure une richesse, tant pour les Français que pour ceux qui les rejoignent, il convient d'enrayer l'échec de la politique d'intégration qu'a souligné tout à l'heure M. le ministre.
Pour nous, une intégration réussie repose d'abord sur le respect de ce qui fait notre identité nationale. Oser aborder le thème de l'identité nationale, comme Nicolas Sarkozy l'a fait lors de la campagne présidentielle, ce n'est pas affirmer avec arrogance qu'une seule culture est la bonne, qu'une seule mémoire est officielle, ou que les différences seront étouffées. C'est, tout simplement, rappeler que les valeurs républicaines qui fondent le socle commun de notre nation doivent être respectées.
Dire que nous tenons à préserver notre identité nationale, c'est se souvenir que nos droits fondamentaux ont été durement acquis et qu'aucun compromis n'est envisageable à leur sujet. Seul le respect s'impose. Impossible de négocier sur l'observation de la laïcité. Impossible d'hésiter sur le respect des lois de la République. Impossible de tergiverser sur les libertés fondamentales et notamment celles des femmes.
C'est l'objet des principales mesures qui nous sont proposées dans ce texte, notamment en ce qui concerne le regroupement familial.
En 2005, la France a délivré 92 000 cartes de séjour au titre de l'immigration familiale et 11 000 – soit à peine 7 % – au titre de l'immigration économique. Ce déséquilibre n'est plus acceptable. Il devenait donc urgent de mieux encadrer l'immigration familiale et de privilégier l'immigration économique choisie. Il convenait aussi de lutter contre certaines fraudes.
Certains amendements vont y contribuer, notamment l'amendement instaurant les tests ADN qui suscite tant de débats. Fondé sur la base du volontariat et destiné à prouver, en cas de doute, la filiation, il me paraît, personnellement, utile, pertinent et responsable. Utile car il permet de lutter contre une source de fraude importante en matière d'immigration familiale dans des pays dépourvus d'état civil fiable. Responsable car il offre aux candidats au regroupement familial, comme l'a souligné le rapporteur, un droit supplémentaire pour étayer leur demande dans des délais beaucoup plus courts qu'auparavant. Pertinent car il s'aligne sur un dispositif employé dans douze pays de l'Union européenne qui ne sont pas connus pour leur caractère liberticide.
Pourtant les voix récurrentes de l'angélisme béat se sont élevés contre ce texte et cet amendement. Décidément, certains demeureront toujours autistes ! Est-ce faire preuve d'humanisme que de laisser entrer sur notre territoire des étrangers qui n'ont pas les moyens matériels de vivre dignement ou de trouver un emploi ? Faut-il accepter que des migrants puissent vivre en France dans des conditions de précarité indignes de notre pays ? Jusqu'à quand allons-nous supporter le spectacle affligeant d'immeubles insalubres où des familles entières périssent au milieu des flammes comme ce fut le cas à Paris, dans la circonscription de M. Blisko, en août 2005 ?
Naturellement, il est souvent de bon ton d'exhiber pour la circonstance une pitié toute convenue, de déployer une fausse compassion qui, de fait, n'engage à rien. Mais ceux qui souffrent n'ont que faire de notre condescendance ! La pitié n'est que l'aveu chéri des coupables, nous rappelait Pascal.
Pour sa part, le groupe UMP considère qu'il est tout à fait légitime de demander à un étranger qui veut vivre dans notre pays, au titre du regroupement familial ou parce qu'il est le conjoint d'un Français, d'apporter la preuve des efforts qu'il est prêt à accomplir ou qu'il a accomplis pour s'intégrer sur notre territoire.
Se baser sur la connaissance et le respect des valeurs fondamentales de la République pour évaluer le degré d'intégration de l'étranger est essentiel. C'est avec ces valeurs que notre République et notre nation se sont construites. Être Français, ce n'est pas être blanc ou noir, musulman ou catholique. Être Français, faire partie de notre communauté nationale c'est adhérer, respecter et défendre ces valeurs. Quoi de plus normal, dès lors, que de s'y référer ?
Cette intégration réussie passe naturellement par la connaissance et l'apprentissage de la langue française. Parce qu'ils maîtrisent mal le français, de nombreux étrangers sont souvent condamnés à l'échec scolaire ou cantonnés à des fonctions professionnelles subalternes.
N'oublions pas que plus de 20 % des étrangers en situation régulière sont aujourd'hui au chômage. Personne ne peut se satisfaire de ce constat, personne ne peut décemment dire qu'une telle situation est acceptable.
C'est pourquoi l'instauration d'une évaluation du degré de connaissance de notre langue suivie, si nécessaire, d'une période de formation, est fondamentale. Ce test offrira aux étrangers, avant leur arrivée en France, les conditions de la réussite de leur intégration à la communauté nationale.
Il est tout aussi légitime de s'assurer que les personnes qui sollicitent le regroupement familial ont des revenus suffisants pour subvenir aux besoins de leur famille.
L'efficacité de ce dispositif sera encore renforcée par la création du contrat d'accueil et d'intégration pour la famille. Il ne s'agit pas ici de dire que les parents étrangers sont de facto incapables d'élever et de s'occuper de leurs enfants, mais simplement de s'assurer que les valeurs, principes et obligations qui existent dans notre pays en matière d'éducation sont connus et respectés.
Au total, les dispositions prévues par le présent projet sont raisonnables et mesurées. Elles témoignent du pragmatisme et du réalisme permettant de concilier fermeté et humanisme. Mais, comme vous l'avez dit vous-même, monsieur le ministre, est-ce suffisant ? Nous le savons, les déséquilibres économiques et écologiques, les problèmes de développement, de niveau de vie, de sécurité qui caractérisent la situation internationale risquent d'amplifier les pressions migratoires de façon considérable. Il sera sans doute indispensable que notre pays se dote d'outils supplémentaires pour s'adapter à ces prochains enjeux. Dès lors, se posera assez rapidement la question de la révision de notre constitution pour instaurer des quotas d'immigration.
Monsieur le ministre, vous nous trouverez toujours à vos côtés pour soutenir cette politique courageuse et généreuse qui sert l'intérêt général. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Monsieur le ministre, nous sommes quelques-uns ici à porter la souffrance, la complexité et les bouleversements de l'humanité.
Comme de nombreux hommes de la minorité dite visible, je suis la résultante des processus migratoires, accélérés et massifs, qui se sont mis en oeuvre sur le continent américain avec la découverte du nouveau monde : la traite des nègres, la colonisation et les déplacements de populations qui ont « compensé » de nombreux génocides.
Je viens de plusieurs continents et, chaque jour de ma vie, je suis en présence de plusieurs cultures, de plusieurs langues, de plusieurs mémoires. Et, autant que je m'en souvienne, toute mon enfance a été habitée par plusieurs dieux qui s'accordaient entre eux pour nous aider à combattre les misères. Cette identité mosaïque structure mon imaginaire sans faire de moi un suspect, à l'image des immigrés. Elle me confère, au contraire, une vision du monde souvent inconfortable, mais toujours très riche, complexe et très ouverte.
C'est parce que je suis de cette diaspora du monde que je porte sur la France, sa République et ses urgences, le regard du citoyen et la vision de l'étranger. C'est parce que je porte tout cela en moi que j'ai été triste en apprenant l'appellation de votre ministère. Et je le suis encore plus en découvrant le projet de loi que vous nous soumettez.
Je sais que le monde change, qu'une globalisation libérale et financière met désormais en contact tous les peuples, toutes les terres, toutes les langues et tous les dieux, dans un marché aussi vaste qu'immoral. Je sais que l'opulence des uns est désormais visible du plus profond de la misère des autres et que les élans migratoires, qui ont toujours accompagné la pulsion de survie de nos humanités, ont repris avec force et risquent de s'amplifier encore sous les effets du réchauffement climatique. Dès lors, les politiques nationales des pays riches doivent tenir compte de ces phénomènes et tenter de les traiter au mieux, en se référant plus que jamais à leurs valeurs fondatrices plutôt qu'en les reniant.
Vous faites beaucoup référence aux valeurs de la République, et c'est en vous arc-boutant sur ces valeurs que vous prétendez mettre en oeuvre des dispositifs de chasse ouverte aux clandestins, que vous restez sourd aux appels désespérés et aux grèves de la faim, que vous imposez à vos préfets des objectifs d'expulsion préchiffrés qu'ils doivent exécuter sous peine de sanction, en dépit du contexte de leur département ou des réalités humaines – pour ne pas dire des détresses – auxquels ils se voient confrontés.
Ces valeurs auxquelles vous prétendez vous référer, je les connais et elles m'habitent. Et c'est pour cela que je vois à quel point on peut les bafouer, voire les trahir. Oui, on peut les bafouer.
Quand on regarde le monde depuis la Caraïbe, on voit le rayonnement de la France. On voit une présence nationale singulière qui tranche sur toutes les autres et qui lui constitue une véritable identité liée à des principes qui se sont révélés précieux pour tous les peuples, toutes les cultures. Pas une élévation, pas un combat libérateur, pas un désir de plus d'humanité ne s'est exprimé dans le monde sans une référence à la terre des libertés, à la terre des droits de l'homme, haut lieu de la laïcité, à la patrie d'une exigence sans faille pour une humanisation de l'homme. Même quand il a fallu se battre contre elle, ce fut le plus souvent avec des principes et des valeurs que la France avait su porter et proposer à tous. Et cette identité nationale ne peut pas avoir peur du monde.
Elle ne peut pas se sentir menacée par des vagues d'immigrés qui viennent y chercher un emploi, un peu de mieux-être, un rien de dignité.
Cette identité nationale ne peut pas s'administrer. Elle ne peut pas se gérer comme une marchandise, se réguler comme un quelconque précepte. Elle ne peut surtout pas s'enfermer derrière des murs ou même derrière un « mur-ministère », selon l'expression de Glissant et Chamoiseau. De l'identité, pas de ministère !
L'identité nationale française est une valeur vivante, elle va dans les imaginaires du monde, elle porte la France depuis des siècles vers le monde, elle habite et accompagne ceux qui s'élancent vers vous.
Et c'est justement au nom de cette identité que je ne peux admettre l'idée que l'on puisse accueillir un être humain sur son sol, lui donner le droit de séjourner et de fournir sa force de travail tout en déployant de multiples obstacles pervers, des voies de garage insidieuses, des pistes interminables, des faux prétextes et autres chausse-trappes, quand il veut compenser sa solitude en faisant venir sa femme ou ses enfants, ou simplement en voulant rapprocher de lui ceux qu'il aime et qui lui sont proches.
Dans votre projet, monsieur le ministre, tout est prévu pour qu'il fournisse son énergie, s'épuise et s'en aille au plus vite ! Pourtant, c'est à un homme que l'on a ouvert la porte, pas à une machine.
On ne peut fouler au pied des principes de dignité humaine au prétexte que quelques-uns tentent de les pervertir ou d'en faire un trafic lamentable. L'existence du vice ne doit pas faire renoncer à la vertu, bien au contraire. L'esprit de dignité humaine et de liberté qui caractérise la France ne doit pas renoncer à lui-même face aux grouillements obscurs de la misère et de la perversion.
Aucune langue ne peut vivre et s'enrichir sans un frottement constant aux autres. Accueillir une langue, ce n'est pas renoncer à la sienne ; l'imposer aux autres ce n'est pas la défendre, bien au contraire. Et je préfère me battre pour que tous les États de la Caraïbe s'accordent pour créer un office commun des immigrations, plutôt que de dresser un mur ou renoncer à la plus petite part de ce principe.
Si l'intégration suppose, selon vous, une désintégration préalable, je ne vois là qu'une alchimie d'appauvrissement. C'est ce qui explique certainement l'échec du modèle d'intégration et la persistance des discriminations raciales en France.
Si l'idée intéressante de codéveloppement ne sert qu'à calmer la susceptibilité de pays dont on humilie les ressortissants, je ne vois là aucune valeur républicaine, aucune valeur humaine, je vois au contraire l'arrogance orgueilleuse qui a caractérisé l'esprit de colonisation ou les idéologies de hiérarchisation des cultures et des races.
Je termine, monsieur le président.
Les valeurs de la République sont avant tout des valeurs humaines. Une République qui, au prétexte de se défendre, renie des valeurs humaines renonce en fait à elle-même. Le monde change et la conscience que nous avons de lui change. Les désespérantes misères qui entourent les pays riches sont presque toujours à l'origine de ces richesses. Le monde est un tout et les équilibres qui se sont installés ici se sont nourris de profonds déséquilibres qui proviennent de là. Le problème et les détresses des immigrations contemporaines, les changements climatiques, demandent une grande politique nationale qui vise à obtenir des régulations européennes, des organisations mondiales. La crispation nationale répressive est en fait une absence de vision, un manque d'ouverture et d'audace, une ignorance de la complexité du monde ; en clair, c'est une absence de politique.
C'est au nom de cette identité nationale, au nom de cette beauté, que je ne voterai pas votre projet de loi. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)
Monsieur le président, monsieur le ministre, chers collègues, les mouvements migratoires forcés ou voulus sont vieux comme la nuit des temps. Appréciés ou décriés, ils ont tous laissé des traces, ils ont tous laissé des strates. Ils sont une donnée constitutive des sociétés actuelles et des identités nationales.
N'est-ce pas d'Europe que sont partis plus de 50 millions d'émigrés, entre 1846 et 1939, soit en moins d'un siècle ? Poussés par le goût de l'aventure et de la conquête, mus par un ailleurs rêvé, pensant découvrir un eldorado plus prometteur, ils partaient.
Aujourd'hui le courant s'est quelque peu inversé. On assiste à un retour du balancier avec en moins l'idée de conquête et de faire table rase du passé.
Ce retour était prévisible et inévitable, regroupement familial évidemment compris. C'est la conséquence des liens tissés, mais surtout du vécu intenable dans certains pays, doublé des rapports Nord-Sud encore structurés par de très fortes inégalités.
Pourquoi depuis longtemps les pays réputés les plus riches n'ont-ils pas pris conscience que participer de façon massive et soutenue à la réduction urgente de ces inégalités persistantes était le seul moyen efficace de freiner les flux qui allaient se diriger vers eux ?
Au lieu de cela, ils s'ingénient à réglementer, à sélectionner l'admission des personnes sur leur territoire. Songez, en effet, que c'est le quatrième texte de loi sur l'immigration que nous examinons depuis 2002 !
Doit-on rappeler que c'est à longueur de journée que sont montrées, vantées et comparées les prouesses et les performances des pays concernés ?
Humainement et tout naturellement poussés par l'envie de vie meilleure, les gens savent quelle direction prendre, même s'ils utilisent la clandestinité, même s'ils succombent à l'appel des passeurs sans foi ni loi.
Car pour les partants, comme ceux d'autrefois, l'enjeu vaut tous les risques encourus. C'est la marche échevelée, éperdue vers la Mecque des sociétés d'abondance.
Comme réponse, l'immigration est érigée en affaire d'État, en problème de filiations, en question d'identité nationale qui serait soi-disant mise en danger par l'arrivée d'étrangers.
A contrario, que penser alors du devenir des pays névralgiques et vulnérables qui voient pour les mêmes motifs se modifier les rapports démographiques à leur détriment ?
A contrario, que penser alors du problème des visas imposés aux ressortissants de la Caraïbe pour un séjour de courte durée en Martinique ? Cela entrave sa coopération directe avec les pays de sa sphère géographique naturelle et proche.
De fait, l'étranger est considéré tantôt comme persona grata, tantôt comme persona non grata selon les besoins du pays qui légifère et qui accueille. Et le projet de loi est basé sur cette problématique.
Ce qui est profondément affligeant, c'est la philosophie développée, ce sont les arguments avancés. C'est à donner le vertige ! Ce sont les tests ADN exigés aux fins de vérification de la filiation biologique ; ce sont les statistiques ethniques qu'on veut légaliser ; c'est la carte de compétences et de talents préconisée ; c'est le contrat d'accueil et d'intégration rendu obligatoire ; c'est l'immigration choisie, ponctionnant, qu'on le veuille ou non, les cerveaux et les qualifications des pays qui en ont le plus grand besoin.
En conclusion, tant qu'il y aura des hommes, il y aura des migrations. Un arsenal juridique débridé ne suffira pas à les maîtriser. La question des flux de populations doit être envisagée en amont, car elle passe par une aide substantielle au codéveloppement. Quant au contrat d'accueil, il reprend le mythe de l'intégration-assimilation qui, en réalité, invite le migrant à rompre tout lien avec sa culture et son passé. C'est beaucoup demander. Sachons raison garder, pour que la méfiance rampante ne tourne pas à l'aversion codifiée. (Applaudissements sur les bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine et du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, voilà des années que nous refusons de voir que l'immigration actuelle – parce qu'il en existe bien une – ne conduit pas à la même intégration que par le passé. Notre histoire nationale le prouve : l'immigration peut être un enrichissement pour la France, son économie, sa culture, mais certainement pas dans les conditions actuelles.
Permettez-moi de vous citer quelques chiffres pour illustrer mes propos : vingt, comme les 20 % d'étrangers qui sont au chômage aujourd'hui, taux bien supérieur à la moyenne nationale ; soixante, comme les 60 % d'étrangers qui se concentrent dans seulement trois de nos régions – Provence-Alpes-Côte d'Azur, Rhône-Alpes et Île-de-France – ; quatre-vingt-quinze mille, comme les 95 000 titres de séjour délivrés en 2005 au titre de l'immigration familiale.
Mes chers collègues, je partage l'idée que la dignité des personnes est en grande partie inséparable de leur autonomie et de leur mobilité. C'est la raison pour laquelle le travail et l'insertion économique doivent être les moyens privilégiés de l'intégration et c'est pourquoi ce projet de loi emporte mon adhésion pleine et entière, autour de trois idées-forces : responsabilité, apprentissage, travail.
En effet, monsieur le ministre, je salue trois mesures importantes du présent projet de loi, à commencer par l'instauration d'un contrat d'accueil et d'intégration qui permet de réinvestir le champ de la famille, si important pour moi. L'État va accompagner les personnes immigrées vers la République et le non-respect de ce contrat entraînera des sanctions, comme la suspension des allocations familiales.
Ensuite, ceux qui souhaitent rejoindre la France dans le cadre du regroupement familial seront soumis dans leur pays d'origine à une évaluation de leur degré de connaissance de la langue française et des valeurs républicaines. Les conjoints étrangers des Français seront également soumis à cette disposition. Cet apprentissage correspond moins à un bond dans l'inconnu qu'au retour à une norme largement appliquée en Europe. Les Pays-Bas n'ont-ils pas mis en place un test d'intégration préalable au regroupement familial dès mars 2006 ? Par ailleurs, l'Allemagne et le Danemark envisagent d'adopter un tel dispositif, ce qui témoigne d'une réelle convergence européenne sur ce point. Cette mesure ne peut que renforcer le parcours d'intégration de l'étranger venant en France. Face aux problèmes d'intégration que nous constatons tous chaque jour, il est de notre devoir de préparer en amont, dès le pays d'origine, le parcours d'intégration en France des futurs immigrés.
À ceux qui doutent de l'intérêt de l'apprentissage des valeurs de la République, je répondrai qu'il ne faut pas avoir honte d'être français. Ce que nous avons de plus précieux à offrir à tous ceux qui veulent vivre en France, c'est la fierté d'être en France. Pour que leur intégration soit réussie, afin que leurs enfants trouvent toute leur place dans les écoles de la République, il faut partager cette vision qui est la nôtre.
La France a un socle de valeurs – la laïcité, la séparation entre le temporel et le spirituel, l'égalité entre l'homme et la femme – et il est de notre devoir d'expliquer à ceux qui veulent nous rejoindre que ce sont ces valeurs qui font l'identité de la France.
Enfin, exiger des conditions de ressources stables, régulières et suffisantes répond à un seul objectif : pouvoir subvenir à ses propres besoins et à ceux des membres de sa famille. En fixant une obligation de ressources comprises entre 1 et 1,2 SMIC, le législateur entend favoriser l'intégration qui, comme je l'ai dit précédemment, passe forcément par le travail et non par l'assistance. Un immigré qui ne travaille pas ne pourra pas s'intégrer, tout comme un immigré qui ne respecte pas les valeurs de la République devra être reconduit à la frontière. Cela étant, le seuil de 1,2 SMIC ne me paraît pas un gage de ressources suffisantes pour une famille nombreuse. C'est pourquoi je propose d'exiger des demandeurs des ressources au moins égales à deux fois le SMIC. (Rires sur plusieurs bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)
Ces vingt dernières années, la France a supporté une immigration qui ne relevait d'aucune stratégie d'ensemble, ni d'aucune politique volontariste.
Ouvrez les yeux, mes chers collègues. Depuis peu, une nouvelle ère s'est ouverte : celle de la mondialisation où les échanges transnationaux prédominent, où la communication fait croire à un Eldorado européen dans un monde qui met Paris à quatre heures de Dakar et Malte à deux heures de Tunis.
Face à de telles évolutions, ce projet de loi apporte une réponse juste en définissant une politique d'immigration cohérente qui repose sur des principes simples et de bon sens. Mes chers collègues, ne perdons pas de vue que la politique d'immigration de la France d'aujourd'hui, sera l'identité de la République de demain. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, ce projet de loi entend conditionner le regroupement familial des ressortissants étrangers à une évaluation, dans leur pays d'origine, de leur degré de connaissance de la langue française et des valeurs de la République. Cette nouvelle condition s'ajoute aux autres, compliquant encore le parcours du combattant du candidat au regroupement familial. Elle participera sans aucun doute à l'allongement des délais, déjà bien longs, pour son obtention.
Ce texte, tel qu'il est rédigé, donne libre cours à l'arbitraire et à la discrimination.
Premièrement, la nature, le contenu et l'organisation des tests sont flous et laissent ainsi place à l'arbitraire. D'ailleurs, ne serait-ce qu'ici, entre nous, sommes-nous vraiment tous d'accord sur la définition des valeurs de notre République ?
J'en doute parfois quand je vois ce que vous vous apprêtez à faire avec pareil texte...
Deuxièmement, l'intégration et l'appréhension de la langue et des valeurs de la République s'acquièrent difficilement en deux mois, a fortiori hors de France. Si nos jeunes sont envoyés tous les ans en voyage scolaire afin de mieux maîtriser les langues étrangères, c'est que l'immersion dans le pays pour apprendre langue a fait ses preuves ! Il semble pourtant que, pour les candidats au regroupement, les principes ne soient pas les mêmes. Alors on est en droit de se poser une simple question : ne s'agit-il pas plutôt d'une mesure de contrôle supplémentaire destinée à allonger et freiner le regroupement familial au détriment du droit fondamental de vivre en famille, consacré par l'article 8 de la convention européenne des droits de l'homme, rappelé par le Conseil constitutionnel en 1993 ?
Troisièmement, l'objectif irréaliste de passer de 7 à 50 % d'immigration économique ne peut être disjoint du regroupement familial. Les deux vont naturellement de pair ! Ceux qui viennent travailler en France ont comme projet d'être rejoints par leur famille et les conjoints qui viennent en France ont vocation à y travailler. Comment pourrait-il en être autrement ? D'ailleurs, il y a plus de trente ans, en 1976, un précédent gouvernement de droite a tenté – pour diminuer l'immigration familiale – de la priver de l'accès à l'emploi. Ce projet a heureusement été retoqué par le Conseil constitutionnel, qui s'est fondé sur le préambule de la Constitution : « Les étrangers résidant en France régulièrement ont, comme les nationaux, le droit de vivre en famille et le Gouvernement ne peut interdire l'occupation d'un emploi par les membres des familles des ressortissants étrangers ». Cette tentative prouve bien, à elle seule, que, contrairement à ce qu'affirme le Gouvernement aujourd'hui, l'immigration familiale est aussi une immigration de travail.
Faute de pouvoir leur interdire de travailler, vous tentez aujourd'hui – trente ans après – d'imposer la maîtrise de la langue française aux migrants familiaux. Vous aurez vraiment tout essayé !
Alors, monsieur le ministre, je me permets de vous poser une seule question à laquelle je vous prierai de bien vouloir me répondre : la délivrance d'un titre de séjour, en France, imposerait-elle de rester célibataire ?
J'en viens à la partie de votre texte qui concerne les ressortissants français.
Le texte supprime la possibilité pour le conjoint d'un ressortissant français, pourtant légalement marié et résidant légalement en France depuis six mois, d'obtenir un visa long séjour par une demande présentée à l'autorité administrative compétente. Il impose en effet au conjoint étranger, dont, je le répète, la régularité du mariage n'est pas contestée, la soumission à une évaluation de sa connaissance de la langue française et des valeurs de la République.
Sur le plan des principes, il n'existe aucune raison de faire le distinguo entre le regroupement familial d'un Français ou d'un étranger. J'ai dénoncé le test de l'article 1er, je le dénonce à l'article 4. Mais reconnaissez qu'il y a quelque chose de paradoxal à vouloir renvoyer à l'étranger quelqu'un apprendre le français, alors même qu'il vit en France au quotidien avec un Français ou une Française, ce qui est tout de même le meilleur gage d'apprentissage et de la langue et des valeurs de la République.
Si cet article nie le droit à une vie familiale normale pour les ressortissants français en imposant à leur conjoint une procédure alourdie, floue, arbitraire, peut-être y a-t-il alors autre chose derrière, à savoir le souhait tu, la volonté dissimulée, le projet inavoué de limiter le nombre de mariages mixtes, afin de ne pas entacher « l'identité nationale » ? La boucle est bouclée ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)
Monsieur le ministre, hier on a osé accoler dans l'intitulé de votre ministère les termes « immigration » et « identité nationale »,...
La question a été tranchée par les Français.
..rompant ainsi une digue, pour utiliser à des fins politiques la notion d'identité nationale.
Je conclus, monsieur le président.
L'intitulé de votre ministère, que nous avons dénoncé, s'illustre honteusement tout aussi dans ce texte, avec cette opposition supposée entre identité nationale et immigration !
Vous n'avez pas été entendus.
Plus rien n'est intouchable, plus rien n'est sacré. Cessez vos clins d'oeil répétés au Front national, (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire) et retrouvez la raison, la raison du plus juste, et non celle du plus fort.
Tout cela est honteux, pitoyable, indigne de notre République et ne fera malheureusement qu'augmenter l'immigration irrégulière car, je vous le dis :...
..rien n'empêchera jamais ceux qui s'aiment de braver vos lois, si vos lois sont iniques ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)
Monsieur le président, monsieur le ministre, messieurs les rapporteurs – que je ne félicite pas –...
..ce texte qui vient en discussion moins d'un an après l'adoption de la dernière loi sur l'immigration a une finalité plus politique que réellement technique, même s'il introduit de nouvelles restrictions bien réelles à l'immigration et gêne encore l'intégration, en portant gravement atteinte à une vie familiale normale. Je sais bien que M. Sarkozy doit donner des gages politiques à l'électorat d'extrême droite – en témoignent les amendements, si reconnaissables, de M. Mariani.
Avec la sécurité et la justice, l'immigration est le sujet de société sur lequel la droite aura le plus légiféré depuis 2002, ce qui est tout à fait cohérent avec sa stratégie qui vise à exploiter les inquiétudes et les peurs qui existent dans la société et auxquelles il faut donner l'impression de répondre.
Ce texte va donc se situer dans la continuité de la ligne consistant à choisir les immigrés, à faire le tri entre les « bons » immigrés, qui ont une utilité directe pour l'économie française, et les « mauvais » qui sont présentés comme des poids pour la société, quand ce n'est pas comme des parasites ou des délinquants potentiels. C'est bien cette logique de sélection qui est à l'oeuvre dans le texte que notre assemblée va examiner.
Le texte subordonne le regroupement familial à l'évaluation de la connaissance de la langue française et des valeurs de la République dans le pays d'origine. Il prévoit que les personnes qui sollicitent un regroupement familial seront soumises à un test sur deux points. Si besoin est, une formation sera organisée dans le pays de résidence dont le suivi conditionnerait le regroupement familial. Cette mesure ne sera pas efficace, elle aura même pour conséquence de détruire la vie commune des familles concernées.
L'impossibilité de suivre dans le pays d'origine la formation exigée, à cause de son coût et des distances, entraînera des refus de visa. Pourtant, monsieur le ministre, il est illusoire de penser que les personnes accepteront une séparation. Elles tenteront de venir en France, mais sans en passer par la procédure de regroupement familial. Elles viendront donc grossir les rangs des sans-papiers exclus des dispositifs d'insertion.
Cela est particulièrement vrai pour les femmes puisque, dans la majorité des cas, c'est l'homme qui se trouve en situation régulière sur le territoire français et fait venir son épouse. Les femmes qui entreront en France en dehors de la procédure de regroupement familial, en raison du durcissement prévu par le projet de loi, n'auront pas accès au contrat d'accueil et d'intégration. Elles ne bénéficieront donc ni d'une formation sur leurs droits, ni d'un apprentissage de la langue. Pourtant, ce sont elles qui sont le plus souvent analphabètes et maîtrisent mal le français, car elles n'ont pas toujours eu accès à l'école dans leur pays d'origine. L'alphabétisation et l'apprentissage du français pour les femmes vivant en France sont des vecteurs d'autonomie et de socialisation importants. Il est primordial de ne pas les en priver.
Quant à la connaissance des valeurs de la République, de quoi est-il question, et de quelles valeurs s'agit-il ? On voit bien que dans le débat politique sont défendues des valeurs très différentes. Il faudrait s'en tenir aux fondamentaux : la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, le Préambule de la Constitution de 1946 et la Constitution de 1958. Quel niveau de connaissances l'administration prendra-t-elle en compte ? Par qui et selon quelles modalités l'évaluation sera-t-elle effectuée ?
D'une manière parfaitement cynique, le texte prévoit l'augmentation du niveau des ressources exigibles pour le regroupement familial. Depuis la loi de 2003, une personne migrante souhaitant être rejointe par sa famille dans ce cadre doit disposer de revenus au moins équivalents au SMIC. Le projet de loi propose de moduler ces ressources en fonction de la taille de la famille, en exigeant du demandeur au minimum le SMIC et au maximum le SMIC augmenté d'un cinquième – soit 1 500 euros brut par mois.
Cela montre combien ce texte est réactionnaire, puisque – j'attire votre attention sur ce point, chers collègues de la majorité – une disposition similaire avait déjà été introduite par cette assemblée en 2003 avant d'être, fort heureusement, rejetée par le Sénat, qui s'était montré plus progressiste que vous. Sa commission des lois avait en effet estimé que « dans la mesure où le montant du SMIC mensuel est considéré comme assurant un niveau de vie suffisant pour les Français, il semble raisonnable de considérer que les étrangers atteignant ce niveau ont des ressources suffisantes ». C'est si simple !
Je termine, monsieur le président – nous aurons d'ailleurs l'occasion d'y revenir.
Cela est imparable, d'autant que vous considérez le SMIC comme très suffisant puisque vous avez refusé de lui donner un « coup de pouce » lors de sa revalorisation ! Bien que le Sénat se soit opposé au caractère discriminatoire d'une telle mesure, le Gouvernement tente une fois encore de l'imposer. Allez-vous être de nouveau plus réactionnaire que le Sénat, déjà très à droite ?
De ce texte résulteraient la précarisation et la paupérisation des familles issues de l'immigration. Cela, nous le refusons résolument. (Applaudissements sur les bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine et du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)
Monsieur le président, monsieur le ministre, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, longtemps demeurée un sujet tabou, la politique de l'immigration est enfin redevenue un objet de débat public. Je tiens à rendre hommage à l'audace de Nicolas Sarkozy, qui a osé aborder, durant sa campagne, ce thème qui préoccupe une grande majorité de nos compatriotes.
Il n'a pas « osé » : il a essayé de gagner les voix du Front national !
Le défi que représente l'immigration pour notre continent et notre pays est immense. D'après les Nations Unies, quelque cent millions de personnes devraient émigrer des pays en développement vers les pays occidentaux d'ici 2050. Cela aura bien entendu d'importantes conséquences sur des nations comme les nôtres, qui sont perçues, à tort ou à raison, comme des oasis de prospérité. Certes, à long terme, la mondialisation des échanges finira par fixer ces populations dans leurs pays, au fur et à mesure que leur économie entrera dans une croissance durable. Mais il faudra pour cela des décennies : d'ici là, nous avons l'obligation d'adopter une démarche volontariste.
Quelle doit être notre position ? Nous devons, me semble-t-il, rejeter à la fois l'option simpliste du concept d'« immigration zéro », dont on sait qu'il est totalement irréaliste, et la vision « droit-de-1'hommiste » du laisser-faire. Les partisans de cette pensée entendent renoncer à toute maîtrise des flux migratoires au nom d'une vision idéalisée et utopique de la France, terre d'accueil pour tous les miséreux du monde. Face à ces deux impasses, il nous faut reconnaître la réalité incontournable du phénomène de l'immigration et nous doter en conséquence des moyens juridiques, humains et diplomatiques pour en maîtriser le flux.
Votre texte, monsieur le ministre, est l'une des réponses à ce postulat.
Tout d'abord, il institutionnalise la création de votre ministère, en charge « de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du codéveloppement ». Cet intitulé résume clairement l'axe de notre politique en la matière.
Il est important qu'une seule entité ait en charge l'ensemble de ces questions, qui sont liées les unes aux autres. Morceler les responsabilités, c'est nuire à l'efficacité.
D'autre part, le projet de loi vise à réduire l'immigration familiale au profit d'une immigration de travail. L'objectif de cette politique responsable rompt avec une certaine hypocrisie entretenue par quelques associations militantes d'extrême gauche. Depuis des décennies, notre pays persiste à accueillir des étrangers sans travail alors que nous manquons de logements, de crèches, d'équipements collectifs, que notre système d'assurance-maladie et que nos finances publiques s'enfoncent dans un gouffre abyssal. Souhaitons-nous mettre en péril une cohésion sociale déjà si fragilisée ? Comme le disait avec lucidité Jean-Pierre Chevènement il y a quelques années : « Quand la France compte cinq millions de chômeurs réels, faut-il au nom du libéralisme sans frontières accroître le nombre de chômeurs en Seine-Saint-Denis ou ailleurs, avec toutes ses conséquences ? ». (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)
Mes chers collègues, est-il souhaitable de continuer, comme si de rien n'était, à accueillir au frais des contribuables des étrangers dans des chambres d'hôtels sordides, faisant ainsi la richesse de marchands de sommeil sans scrupule ? Voulons-nous que des familles entières viennent s'entasser dans des ghettos de banlieues qui sombrent dans la violence et la délinquance ? (Mêmes mouvements.)
Il n'est pas digne de notre pays, patrie des droits de l'homme, de leur offrir un tel avenir ! Se répandre dans les beaux quartiers en discours sur la vision généreuse de la République ne fait pas une politique responsable ! (Mêmes mouvements.)
Demander aux étrangers qui arrivent en France, y compris par le regroupement familial, de disposer d'un niveau de ressources suffisant par le travail, et non par les aides sociales, me paraît indispensable. En particulier, ils doivent pouvoir assumer financièrement la charge d'un logement décent pour y vivre seuls ou avec leur famille. L'attribution de logements sociaux ne peut être une réponse, car les demandes sont très largement supérieures à notre capacité d'offre ; la crise du logement ne pourra pas être résorbée avant plusieurs années.
Ce texte prévoit aussi, pour les candidats au regroupement familial, l'obligation de suivre un parcours d'intégration, avec une évaluation de la connaissance de notre langue et des valeurs qui fondent l'unité de notre pays. Cela est nécessaire : comment s'intégrer si l'on ne fait pas un effort pour parler le français ? Et pouvons-nous continuer d'accepter de recevoir sur notre territoire, en violation des principes de notre République, des étrangers polygames ? (Exclamations sur les bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine et du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)
Pour conclure, je dirai que cette politique volontariste ne portera ses fruits que si, parallèlement, nous luttons sans faille contre l'immigration clandestine, en collaboration avec les autres pays de l'Union européenne. À une immigration des ayants droit et des sans-papiers doit se substituer une immigration des travailleurs. Par respect pour les étrangers qui auront choisi de venir légalement chez nous ; et aussi par respect pour les Français qui nous ont demandé de mettre fin à tout laxisme en la matière.
Monsieur le ministre, je suis confiant en votre détermination à mener à bien un plan global de maîtrise des flux migratoires et d'accueil des étrangers. Vous pouvez compter sur mon soutien dans la difficile mission que vous ont confiée le Président de la République et le Premier ministre. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)
Je voterai pour ce projet de loi qui allie, dans un juste équilibre, fermeté et humanité. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, c'est pour vous faire part de ma grande inquiétude que j'interviens pour la première fois à cette tribune.
En effet, monsieur le ministre, les femmes – et cela ne vous étonnera pas que je pense à elles – seront les premières victimes de votre projet de loi : parce qu'elles sont aujourd'hui les principales bénéficiaires du regroupement familial, mais aussi, et surtout, parce que les nouvelles barrières que vous souhaitez ériger seront plus difficiles à franchir pour elles.
Comment ignorer, alors que vous créez une évaluation des connaissances de la langue française et des valeurs de notre république, que le taux d'illettrisme chez les femmes africaines atteint 60 % ? Comment ignorer que, parmi les personnes non scolarisées dans le monde, et qui selon toute probabilité échoueront à cette évaluation, près de 65 % sont des femmes ? Comment, enfin, imaginer faire entrer dans un parcours de formation des femmes qui ont seules la charge de leur famille, sont souvent éloignées des centres consulaires et occupent partout dans le monde les emplois les plus précaires ?
Monsieur le ministre, les conditions de vie des femmes, notamment en Afrique, ne créent certes pas les meilleures garanties de leur intégration. Mais la loi ne saurait renoncer à prendre en compte leurs difficultés spécifiques. Nos valeurs doivent nous pousser à relever le défi permanent de l'égalité des chances et du vivre-ensemble, et non devenir des barrières pour les plus fragiles. Car votre évaluation mesurera moins la proximité culturelle avec notre pays que la capacité à préparer et à réussir le test : les chances ne seront évidemment pas les mêmes suivant que l'on soit né riche ou pauvre, homme ou femme.
Votre gouvernement, monsieur le ministre, évoque régulièrement l'évolution des violences pour promouvoir de nouvelles formes de sanction. Or – et j'en viens au droit d'asile – ce sont de nouvelles protections qu'il convient de mettre en oeuvre. Comme l'ont rappelé le Fonds des Nations Unies pour la population en 2006 et le Parlement européen cette année, les femmes sont les premières victimes des persécutions et des discriminations. Et elles le sont d'autant plus que les conflits touchent les populations civiles, que le viol devient une arme de guerre, et que les traditions les confinent dans un rapport de domination sexuelle, culturelle, économique et sociale. En dépit des engagements forts et répétés du Président de la République d'être « aux côtés des femmes martyrisées dans le monde », force est de constater, monsieur le ministre, que votre texte reste muet sur cette question.
Bien sûr, nous devons nous féliciter de l'évolution de la jurisprudence de la Commission des recours des réfugiés qui reconnaît désormais les femmes refusant l'excision ou le mariage forcé comme « groupes sociaux éligibles au droit d'asile ». Mais si les demandeuses d'asile sur notre sol ont aujourd'hui de meilleures chances de faire valoir leurs droits, combien sont-elles, monsieur le ministre, à se voir refuser l'accès à nos frontières au motif que ces persécutions relèvent « d'affaires privées » au caractère « manifestement infondé » ? Combien sont-elles à pouvoir s'adresser à des officiers et interprètes de sexe féminin pour verbaliser ces traumatismes extrêmement lourds ? Combien sont-elles à se voir classées dans la protection subsidiaire, alors que la jurisprudence leur accorde le statut de réfugiées, au sens de la Convention de Genève ? Combien sont-elles à venir de pays que nous considérons comme « sûrs », alors que cette classification ignore le statut des femmes ?
C'est probablement, monsieur le ministre, l'une des raisons qui ont fait baisser le nombre de demandeurs d'asile ces dernières années.
Je ne vous cacherai pas que l'attente était forte de voir traduite dans votre texte la volonté présidentielle, notamment dans le secteur associatif – je pense en particulier à Amnesty International, à la Cimade ou à la Ligue des droits de l'homme, qui revendiquent la reconnaissance explicite des persécutions faites aux femmes en tant que femmes dans le champ d'application de l'article L.711-1 du CESEDA, qui définit le statut de réfugié en France.
Le temps me manque pour évoquer les femmes qui, ayant rejoint leur conjoint en France dans le cadre du regroupement familial, vivent des situations très difficiles. Toutefois nous aurons, je suppose, l'occasion de revenir sur la question. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je me situe dans la droite ligne des engagements du Président de la République et du Premier ministre en considérant la maîtrise de l'immigration comme l'un des enjeux les plus importants pour l'avenir de la France.
Ce projet de loi, qui vise à renforcer les instruments juridiques d'une politique volontariste de l'immigration et à assurer un meilleur encadrement du regroupement familial, s'inscrit dans la logique des engagements pris en 2006 avec la loi du 24 juillet relative à l'immigration et celle du 14 novembre sur le contrôle de la validité des mariages. Les différents axes proposés dans le présent texte me paraissent cohérents et complémentaires.
Ainsi, les mesures qui concernent le regroupement familial sont d'une grande importance car on ne saurait accepter que les personnes candidates à l'immigration en France ne soient pas soumises à un examen de leur connaissance de la langue française et des valeurs de la République. À cette fin, un « parcours d'intégration » est mis en place dans leur pays d'origine avec, si elle se révèle nécessaire, une formation délivrée préalablement. Cette mesure est utilement complétée par la mise en place d'un « contrat d'accueil et d'intégration pour la famille », conclu entre l'État et les parents d'enfants bénéficiaires du regroupement familial : assorti de sanctions applicables en cas de non-respect, il permettra aux parents de connaître leurs droits et devoirs.
De même, les familles d'immigrés désirant venir en France doivent pouvoir être accueillies dans de bonnes conditions. C'est pourquoi le texte prévoit que le parent accueillant devra établir qu'il dispose de ressources adaptées à la taille de sa famille. Il ne s'agit pas d'imposer des critères excessifs mais bien de permettre une réelle intégration de ces familles à la société française : il est donc nécessaire que le parent dispose des moyens financiers suffisants pour loger sa famille et lui offrir des conditions de vie correctes. Ces mesures sont essentielles puisqu'elles concerneront tous les candidats à l'immigration familiale, soit près de la moitié des demandeurs de titre de séjour.
En ce qui concerne les autres immigrés, il est à noter que les travailleurs représentent seulement 7 % des bénéficiaires des titres de résidence. Afin d'encourager leur présence, la loi de 2006 a instauré la carte « compétences et talents ». Cette année, leurs connaissances seront à nouveau valorisées grâce à l'assouplissement des conditions de délivrance de la carte de séjour « salarié en mission ».
Je ne peux par ailleurs que me féliciter des mesures relatives au droit d'asile, puisqu'elles nous mettent en conformité avec les directives européennes et les récentes décisions de la Cour européenne des droits de l'homme.
Enfin, par souci d'humanité, Chantal Brunel, Françoise Hostalier, Étienne Pinte et moi-même avons déposé des amendements visant à protéger les victimes de violence conjugales en attente de leur premier titre de séjour ou du renouvellement de celui-ci. Je dois dire à Mme Crozon que M. le ministre a accueilli très favorablement cette initiative parlementaire, ce dont je tiens à le remercier.
Je me réjouis que le projet de loi, loin de remettre en cause les valeurs de la République, se soit au contraire attaché à les renforcer. Vous avez trouvé un équilibre permettant à la France de rester la première terre d'asile en Europe tout en la dotant de réels moyens de régulation de l'immigration. J'ai bien compris également votre volonté de nous proposer, dès que vous le pourrez, d'autres initiatives en vue de favoriser davantage encore l'immigration de travail.
Monsieur le ministre, vous avez en charge un dossier très lourd, capital même pour l'avenir de notre pays. C'est une étape essentielle que vous nous proposez aujourd'hui de franchir, à la suite du mandat que le Président de la République a reçu des Français.
Vous pouvez compter sur notre total soutien. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Monsieur le président, monsieur le ministre, chers collègues, c'est la sixième fois depuis que j'ai l'honneur d'être député, c'est-à-dire depuis 2002, que nous avons à débattre d'un projet de loi relatif à l'immigration, notamment clandestine. C'est donc également la sixième fois que je monte à cette tribune pour alerter le Gouvernement sur les risques encourus pour la cohésion sociale des outre-mers, laquelle est confrontée à une immigration massive en provenance de pays comptant parmi les plus pauvres de la planète, Malheureusement, c'est également la sixième fois que je constate que la volonté politique nécessaire pour faire face à l'immigration clandestine outre-mer est absente.
Vous illustrez à merveille – hélas ! – ce mot du grand Karl Marx, pour qui « l'Histoire se répète : d'abord en tragédie, ensuite en farce », mais c'est, pour le coup, une farce qui ne fait rire personne outre-mer.
Cet énième projet de loi – je l'affirme – sera aussi inefficace que les précédentes tentatives de cette majorité à lutter contre l'immigration clandestine outre-mer. Manifestement, le Gouvernement préfère, à l'approche d'échéances électorales, l'affichage et l'instrumentalisation du thème de l'immigration à une lutte efficace contre ce qui, chez nous outre-mer, menace vraiment la cohésion sociale de nos territoires. En effet, les mesures que vous nous proposez ne sont que cosmétiques ou consistent en de pures corrections matérielles quand elles ne sont pas tout simplement vexatoires : elles ne sont donc en rien à la hauteur des enjeux, lesquels ont pourtant pesé, chez nous, dans la séquence électorale qui s'est achevée au mois de juin dernier.
Nous, élus de l'outre-mer, avons été attentifs, par-delà la diversité de nos appartenances respectives, aux engagements pris par le chef de l'État pour mener dans nos territoires une politique spécifique adaptée à nos réalités insulaires et à nos voisinages particuliers. Au moment d'examiner votre texte à l'aune de nos attentes, je ne puis taire ses failles, voire ses manques béants.
Car sans volonté et sans moyens adaptés, il n'est pas de lutte efficace contre l'immigration clandestine dans les outre-mers, lesquels – dois-je vous le rappeler ? – comptent pour plus de la moitié des reconduites à la frontière effectuées dans notre pays.
En raison non seulement des conditions économiques et sociales mais également des nombreuses catastrophes naturelles dévastatrices qui sévissent chez nos voisins, la pression migratoire atteint des niveaux sans précédent. Ainsi, les services de la police aux frontières évaluent pour la seule Guadeloupe le flux mensuel d'immigration illégale entre 500 et 800 personnes.
L'exploitation de certains faits divers impliquant des immigrés clandestins, le drame humain vécu par nombre d'entre eux lors de leur tentative d'entrée sur le territoire ainsi que l'exploitation dont certains sont victimes exigent une réaction politique forte et une action déterminée de la part de l'État.
C'est la raison pour laquelle l'ensemble de la classe politique locale en Guadeloupe a, dès le mois d'avril 2005, élaboré sous l'impulsion du Conseil régional un véritable plan d'action visant à améliorer l'intégration des populations immigrées et à lutter efficacement contre l'immigration clandestine en Guadeloupe. Le Congrès des élus régionaux et départementaux a alors présenté un plan global, adopté à l'unanimité, prévoyant des moyens de maîtrise des flux migratoires : ce plan incluait des actions permettant de mieux intégrer l'immigration légale tout en oeuvrant en faveur d'une nécessaire politique de codéveloppement avec nos voisins.
Il était essentiel que les élus locaux, dont ce n'est pas nécessairement la compétence stricte, se saisissent de ce sujet afin de tenter de combler les carences du Gouvernement et d'obtenir les modifications législatives nécessaires à une lutte efficace contre l'immigration clandestine.
Plus de deux ans après, une seule de nos recommandations – le caractère non suspensif des recours contre les arrêtés de reconduite à la frontière – a été traduite dans la loi du 24 juillet 2006. Force est donc de constater que les autres recommandations du Congrès des élus, lesquelles formaient un véritable plan d'ensemble, n'ont toujours pas été satisfaites. Or c'est bien d'un plan global dont nous avons besoin, un plan dont nous désespérons de voir jamais les axes mis en oeuvre avec le volontarisme politique nécessaire.
Ce que nous souhaitons en effet, c'est qu'une politique plus active soit menée dans le domaine de la gestion des flux migratoires. Pour y parvenir, il conviendrait, tout d'abord, de conforter les moyens de contrôle qui, à ce jour, sont notoirement insuffisants, ensuite d'attribuer des moyens matériels et techniques supplémentaires en vue de combattre avec une efficacité accrue les réseaux d'exploitations qui prospèrent.
Or je me désespère de devoir répéter que les enquêteurs de la police aux frontières sont à peine une trentaine en Guadeloupe alors qu'il en faudrait le double et qu'au moins vingt officiers de police judiciaire seraient nécessaires pour permettre un travail efficace. De même, il me faut encore et toujours réclamer une nouvelle navette et un radar pour contrôler les côtes alors même que j'ai proposé, en tant que président de région, que celle-ci participe à leur financement. Ce ne sont donc pas seulement les moyens qui manquent, c'est également la volonté politique de les accorder aux forces de l'ordre.
Je ne prendrai qu'un exemple : le ministre de l'intérieur du précédent gouvernement, l'actuel Président de la République,…
…déclarait, le 2 mai 2006, devant la représentation nationale, en réponse à une question de ma collègue Gabrielle Louis-Carabin, que « dès le mois de juillet 2006, une deuxième vedette surmotorisée, avec un équipage formé spécialement, viendra renforcer les moyens de lutte contre l'immigration clandestine en Guadeloupe. Quant aux radars, une étude technique a été demandée, et l'État est prêt à les financer. » Or, près d'un an et demi plus tard, nous attendons toujours ! Nous ne voyons venir ni la vedette ni le radar !
Au moment où je vous parle, monsieur le ministre, il manque 240 policiers en Guadeloupe ! Il ne s'agit donc pas tant de renforcer la législation que de combler les manques, en l'occurrence une logistique fondée sur une volonté politique. Ce que nous vous demandons, c'est d'appliquer les lois et de nous donner les moyens de préserver nos frontières et notre cohésion sociale tout en nous permettant de conserver la tradition d'accueil de la Guadeloupe, de la Martinique, de l'outre-mer français en général et de la République dans son ensemble. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)
Je suis tout à fait d'accord.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mesdames et messieurs les députés, des quatre départements d'outre-mer la Guadeloupe est, après la Guyane, le département où les flux migratoires sont les plus importants. La part des immigrés dans la population guadeloupéenne – 7,4 % en 2006 – est proche de celle de la France métropolitaine – 8 %.
Huit immigrés sur dix viendraient de l'espace caribéen auquel appartient la Guadeloupe : vous comprenez bien, monsieur le ministre, que dans ces conditions le projet que vous soumettez à la représentation nationale a un intérêt certain pour mes compatriotes.
Je ne dirai pas, pour ma part, que le Gouvernement n'a rien fait dans mon département depuis que je suis députée. Toutefois ce texte, conformément aux engagements du Président de la République, Nicolas Sarkozy, vient renforcer la politique volontariste et pragmatique de la maîtrise de l'immigration, menée dès 2002.
La logique consistant à mieux encadrer pour mieux maîtriser est un gage de fermeté contre une immigration clandestine économique qui pèse lourdement sur la cohésion sociale de la région. Il est donc nécessaire d'adapter la politique migratoire à la capacité d'accueil de notre pays.
En consolidant l'ensemble de la procédure d'éloignement des étrangers en situation irrégulière sur le territoire de la Guadeloupe et de la Guyane, vous confortez les dispositifs applicables outre-mer depuis 2006, afin de lutter contre une réalité migratoire inacceptable.
Monsieur le ministre, je souhaite également appeler votre attention sur la nécessité de renforcer encore les moyens de lutte contre la clandestinité, tout en vous rappelant que la Guadeloupe est un archipel : ses frontières sont donc perméables et leur surveillance est de ce fait contraignante.
En outre, dans un souci pragmatique, toute politique de régulation des flux migratoires doit comporter un volet de codéveloppement et de coopération en vue d'aider les pays à forte émigration à faire évoluer durablement leur économie et à améliorer leur organisation sanitaire et leur système éducatif. L'aide publique au développement existe : toutefois, afin de gagner en efficacité, les dispositifs doivent monter en puissance avec les pays de la Caraïbe, à partir, peut-être, des départements français d'Amérique. Il est donc urgent de renforcer le dialogue avec des pays à forte émigration, comme Haïti, où Mme Rama Yade, secrétaire d'État chargée des affaires étrangères et des droits de l'homme, et moi-même avons eu l'occasion de rencontrer la semaine dernière des responsables politiques et des chefs d'entreprise prêts à coopérer de manière volontariste et pérenne avec la région Guadeloupe.
Un soutien résolu à la politique de codéveloppement dans la Caraïbe s'impose dans un cadre précis et transparent. De plus, dans un souci de logique économique, j'ai cosigné l'amendement de M. Lefebvre visant à créer un livret d'épargne codéveloppement, qui permettra à l'immigré d'obtenir un prêt d'investissement dans son pays d'origine, à l'issue de la période d'épargne, ce qui me permet de rappeler l'importance de l'accord qui doit être passé avec les pays à forte émigration.
Monsieur le ministre, parce qu'il est nécessaire, pour s'intégrer, de connaître les valeurs républicaines et de s'y conformer, nécessaire aussi de maîtriser la langue française ; parce qu'il est nécessaire d'adapter la politique migratoire aux capacités d'accueil, en tenant compte de la situation de l'emploi, du logement, des services publics éducatifs et sociaux ; parce qu'il est nécessaire de ne pas mettre en péril la cohésion sociale ; enfin, parce qu'il est nécessaire de réduire un racisme latent qui tend de plus en plus à émerger, – je voterai votre projet. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Ce soir, à vingt et une heures trente, deuxième séance publique :
Suite de la discussion, après déclaration d'urgence, du projet de loi, n° 57, relatif à la maîtrise de l'immigration, à l'intégration et à l'asile :
Rapport, n° 160, de M. Thierry Mariani, au nom de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République,
Avis, n° 112, de M. Philippe Cochet, au nom de la commission des affaires étrangères.
La séance est levée.
(La séance est levée à dix-neuf heures quarante-cinq.)
Le Directeur du service du compte rendu intégral de l'Assemblée nationale,
Jean-Pierre Carton