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Intervention de Nicolas Perruchot

Réunion du 18 septembre 2007 à 15h00
Maîtrise de l'immigration intégration et asile — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaNicolas Perruchot :

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, combien de fois n'avons-nous discuté d'immigration ? Tantôt tabou, tantôt totem, c'est un sujet qui exacerbe les clivages et qui, pourtant, devrait pouvoir nous rassembler.

En effet, quel responsable politique peut aujourd'hui faire abstraction d'un tel débat ? Aucun. Ce sujet nous concerne tous ; il n'est pas l'apanage d'une famille politique ; c'est une réflexion que nous devons mener conjointement avec honnêteté et responsabilité,

Plus personne ne doute de la nécessité de mettre des freins à l'immigration, de mieux contrôler ses origines et ses motifs, notamment, afin d'anticiper sur notre capacité d'accueil et d'absorption. C'est pourquoi la question de l'immigration ne peut être dissociée de celle de l'intégration et de la qualité d'accueil des immigrés.

La diversité et l'ampleur des implications de notre politique d'immigration dans de nombreux domaines de la vie nationale rendent indispensable une analyse régulière, mais aussi très attentive, de l'action publique. Notre cohésion nationale dépend en effet, pour une large part, de la réussite de la politique d'immigration, et plus particulièrement des actions d'accueil et d'intégration mises en oeuvre. Cette politique d'accueil et d'intégration a été engagée sous la dernière législature et vous avez souhaité approfondir ce volet dans votre projet de loi sur lequel je reviendrai ultérieurement.

En effet, une politique d'immigration responsable et efficace implique davantage qu'une simple gestion quantitative des flux migratoires. Elle implique de comprendre l'origine de ces flux, de les anticiper et de développer au niveau national et européen des réponses concrètes. Une immigration non maîtrisée, une immigration sans anticipation, ni capacité d'absorption, c'est autant d'exclusion, de pauvreté et de précarité. À cet égard, je salue l'adoption en commission d'un amendement visant à créer un outil statistique pour appréhender les discriminations. Si ces données doivent être utilisées avec parcimonie et si l'on doit veiller à ce qu'elles n'alimentent un discours communautariste qui irait à l'encontre de notre modèle d'intégration républicaine, elles fourniront un outil précieux d'évaluation pour les politiques et permettront d'apporter des réponses à des situations intolérables.

En effet, comment cerner l'immigration et y apporter des réponses si l'on ne comprend ni ses causes ni ses évolutions ?

L'origine des flux migratoires a changé depuis la Seconde Guerre mondiale. Ainsi, le travail n'en est plus le premier des motifs. L'immigration de travail n'a d'ailleurs cessé de reculer ces dernières années passant de 7,5 % des flux en 1999 à 5 % en 2004 selon l'Observatoire statistique du Haut conseil à l'intégration. Or, la lettre de mission adressée par le Président de la République vous chargeant, monsieur le ministre, de faire passer l'immigration économique de 7 % à 50 % de l'immigration totale à caractère durable, est le signe que notre pays a cruellement besoin de matière grise et que notre croissance potentielle dépend également de la masse active de la population immigrée. C'est d'ailleurs une préoccupation européenne. En effet, afin de faire face au vieillissement de notre continent, vingt millions d'immigrés seraient nécessaires à l'Europe entre 2 010 et 2 030 pour maintenir un taux équivalent de population active, selon les travaux récents de la Commission européenne.

D'un autre côté, l'on constate que l'immigration pour motifs familiaux est la plus importante en dépit du ralentissement de 2005. Le regroupement familial est un droit fondamental. Cependant, il n'y a pas de doute sur la nécessité de le réguler, d'exiger de la personne qui le sollicite un certain nombre de garanties et une véritable volonté de s'intégrer dans notre pays. Il nécessite à n'en pas douter de beaucoup plus de transparence.

Notre France est historiquement une terre d'accueil et elle doit bien entendu le rester. Mais pour bien accueillir, il faut, de part et d'autre, une envie de vivre ensemble, c'est en cela que le contrat d'intégration, fondé sur la connaissance de fondamentaux, comme la langue française ou les moeurs et valeurs de notre pays, me paraît essentiel. Cette question de l'intégration avait fait l'objet d'interventions récurrentes de ma part et des députés de mon groupe. Car, au-delà des obligations pour l'étranger d'intégration républicaine, notamment pour la délivrance de la carte de résident, il me paraissait fondamental d'intégrer et de généraliser la notion de contrat aux termes duquel chaque partie s'engage à respecter ses obligations.

C'est pourquoi je souscrivais pleinement en 2006 à l'introduction dans le code de cette disposition et que je souscris aujourd'hui à son extension aux personnes qui souhaitent bénéficier du regroupement familial.

Je ne peux qu'adhérer également à la volonté manifeste du Gouvernement de fournir aux candidats au regroupement familial les moyens d'une intégration réussie sur notre territoire. La formation linguistique proposée à l'étranger qui souhaite s'installer en France tend vers l'affirmation d'un véritable programme d'intégration fondé sur deux piliers : la langue et les valeurs de notre société.

Au-delà de ce texte et des objectifs qu'il s'est fixés, une grande question demeure : ce dispositif sera-t-il applicable ? Quels moyens prévoit-on d'allouer aux autorités diplomatiques et consulaires afin de faire face à de telles procédures ? Reviendra-t-il aux Alliances françaises d'assurer les cours et de délivrer le certificat ? Les coûts de cette procédure seront-ils à la charge du demandeur ou à celle de l'État ? Ces questions appellent des réponses précises et concrètes, faute de quoi ce texte serait vain.

Quant à la possibilité introduite par notre rapporteur de donner au demandeur du regroupement familial le droit de faire effectuer des tests ADN afin de vérifier sa filiation et de faciliter les procédures soulève des questions. Il semble que douze pays se soient engagés à procéder à ces tests, dont le coût se situe aux alentours de 300 euros. Si le groupe Nouveau Centre n'est pas hostile, sur le principe, à l'introduction de ce type de tests auquel la loi permet de recourir pour les recherches de paternité en France, nous pensons que la rédaction de l'amendement en l'état, même après sa modification, n'est pas en mesure de répondre pleinement à la problématique. D'ailleurs, se pose, monsieur le ministre, la question du coût. Qui paiera ces tests ? S'ils sont à la charge du demandeur comme on le laisse entendre, l'on peut craindre des discriminations purement pécuniaires et des fraudes. Si ces tests sont effectués par les services diplomatiques et consulaires, surgit la question des moyens. Je souhaite que vous puissiez nous apporter sur ce point les précisons qui s'imposent. L'expérimentation, en la matière, doit être privilégiée avant de fixer ce procédé dans le marbre de la loi.

En ce qui concerne le droit d'asile, ce texte représente un progrès majeur pour notre pays et sa démocratie. En effet, il met enfin la France en conformité avec les exigences de la Cour européenne des droits de l'homme en garantissant un recours effectif, donc suspensif, aux étrangers auxquels a été refusé l'accès au territoire français au titre de l'asile.

Je salue cette disposition, même si je pense que l'on aurait pu aller un peu plus loin. Nous savons tous que les procédures sont longues et que la route est sinueuse, c'est le moins que l'on puisse dire en la matière. Ces immigrés en attente de visa continuent de vivre sur le territoire français, parfois dans des conditions de précarité inouïes. Pourquoi ne pas leur permettre de travailler décemment, le temps d'être régularisés ? Cela permettrait de mettre fin à un certain nombre de problèmes, que nous rencontrons tous dans nos permanences et dans nos mairies et qui nous occupent beaucoup trop aujourd'hui.

En outre, ce texte ne règle pas – ce qui n'était peut-être pas son ambition initiale – l'un des sujets essentiels : l'immigration clandestine. Il ne répond à la question de la précarité dans laquelle les procédures administratives interminables plongent les personnes en attente de régularisation.

Des étrangers ayant noué des attaches personnelles dans notre pays et vivant une intégration de fait souffrent aujourd'hui d'un manque de considération de la part des pouvoirs publics. Cela fait le lit – on l'a dit, on le répétera – des passeurs, des employeurs malhonnêtes qui assoient leur économie sur cette situation de détresse.

C'est pourquoi le groupe Nouveau Centre aurait souhaité que soient reprises certaines des recommandations formulées dans le rapport de la commission d'enquête du Sénat du 6 avril 2006, intitulé Immigration clandestine : une réalité inacceptable, une réponse ferme, juste et humaine, notamment celles concernant les marchands de sommeil et l'aide au retour.

Ainsi, plutôt que l' « immigration choisie » ou l'« immigration concertée », le groupe Nouveau Centre souhaite favoriser une immigration responsable, qui anticipe et assume.

Par « responsable », j'entends une politique d'immigration mise en oeuvre par un pilotage fort et simplifié. Nous saluons au passage, monsieur le ministre, la création d'un ministère de l'immigration que notre famille politique appelait de ses voeux depuis longtemps. Il traitera enfin du phénomène migratoire dans son ensemble, évitant le morcellement et les lourdeurs administratives liées à un éclatement des responsabilités et des missions. Nous avons été nombreux ces cinq dernières années à réclamer une simplification en la matière et il est important que nous puissions aujourd'hui constater qu'elle devient effective.

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