La séance est ouverte.
(La séance est ouverte à neuf heures trente.)
L'ordre du jour appelle la suite de la discussion, après engagement de la procédure accélérée, du projet de loi relatif à l'orientation et à la formation professionnelle tout au long de la vie (nos 1628, 1793, 1700).
Le temps de parole restant pour la discussion de ce texte est de sept heures quatre pour le groupe UMP, neuf heures trente pour le groupe SRC, quatre heures quarante pour le groupe GDR, trois heures trente-six pour le groupe Nouveau Centre et cinquante minutes pour les députés non-inscrits.
Hier, nous avons entendu les orateurs inscrits dans la discussion générale.
La parole est à M. Laurent Wauquiez, secrétaire d'État chargé de l'emploi.
Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, les interventions que j'ai entendues hier étaient fort intéressantes car elles ont permis de poser, de manière constructive, les termes du débat, en montrant bien les approches des uns et des autres, et les enjeux de ce texte.
Je répondrai d'abord à vos deux rapporteurs.
Monsieur Gérard Cherpion, tout le monde a souligné la qualité de votre travail, notamment l'importance des ajouts au texte initial que vous avez fait adopter en commission des affaires sociales. Pour ma part, je tiens à souligner deux points pour lesquels votre apport a été décisif : vous avez eu à coeur de faire adopter des mesures de bon sens et précises qui constituent autant de frappes chirurgicales sur les points faibles concernant les formations réservées aux jeunes ; et puis votre amendement sur le tutorat rejoint une vraie préoccupation concernant l'emploi des seniors. Nous aurons l'occasion de revenir sur l'ensemble de ces points, mais je souligne d'emblée qu'il est intéressant de constater que l'on a réussi à trouver un espace de négociation parlementaire qui a permis d'améliorer le projet de loi tout en respectant l'esprit de l'accord national interprofessionnel. Les partenaires sociaux sont d'ailleurs très satisfaits par plusieurs amendements adoptés par votre commission, qui vont selon eux dans la bonne direction.
Monsieur Jean-Paul Anciaux, vous connaissez parfaitement toutes les questions relatives à la formation professionnelle et, en tant que rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques, vous avez eu le souci d'améliorer le texte sur certains points précis. Ainsi, vous avez aidé à réécrire les articles portant sur le volet orientation, en les tirant vers le haut, s'agissant notamment de l'exigence de qualité, de la mise en place du service dématérialisé et du fonctionnement du label. Votre apport sera pour nous un point d'appui important. De plus, vous avez amélioré le dispositif relatif à la sanctuarisation des fonds de formation pour les entreprises de dix à cinquante salariés. C'était l'un des éléments de négociation auquel nous étions attachés parce que nous souhaitions vraiment que l'argent aille en direction des PME. Le système que vous proposez permet de bien s'en assurer. De même, vos propositions pour rééquilibrer les financements entre la professionnalisation et le plan de formation vont dans le bon sens. Elles s'inscrivent dans un plan de vigilance pour que la mutualisation ne se fasse pas au détriment des sommes les plus utiles.
Je vais maintenant répondre aux différents orateurs, dans l'ordre de leurs interventions.
Madame Iborra, je connais votre engagement d'élu local et l'attachement que vous portez à l'échelon régional. Je respecte cet attachement. Je sais tout ce que vous faites dans votre région en matière de formation professionnelle. Mais je veux revenir sur plusieurs éléments de votre intervention.
Tout d'abord, je rappelle que le parti socialiste demandait que les régions soient désignées comme l'unique chef de file de la formation par rapport aux partenaires sociaux et à l'État. C'est une voie dans laquelle ni moi ni les partenaires sociaux n'avons voulu nous engager. Ils n'ont absolument pas abordé cet aspect dans le cadre de leurs négociations. C'est donc clairement un point de divergence entre nous.
S'agissant des compétences des régions, la seule chose que notre texte change par rapport à la situation actuelle, c'est qu'il co-contractualise le plan régional de développement des formations professionnelles – le PRDF. C'est dans l'intérêt des régions. Cette mesure correspond d'ailleurs à une demande de votre part puisque vous souhaitez que les régions soient associées à l'État en ce domaine, et que le lien entre les formations dispensées par l'éducation nationale et les formations organisées au niveau régional soit mieux pris en compte. Il est vrai que je n'ai pas choisi la voie que vous souhaitiez, c'est-à-dire celle d'une décentralisation complète de la compétence en matière de formation professionnelle, mais il est faux de dire que tous les pays européens l'auraient empruntée : seule une minorité a décentralisé la formation professionnelle et la politique de l'emploi. Nous n'avons pas voulu faire un tel choix.
C'est pourtant l'application de la loi, monsieur le secrétaire d'État !
Ma volonté n'est pas de placer sous tutelle l'action des régions. Mais, plutôt que de laisser chacun travailler de son côté sans se concerter avec les autres, essayons d'organiser la concertation. Je pense que cela répond à une de vos demandes.
Monsieur Goasguen, je vous remercie d'avoir abordé une question importante : la nécessité d'un meilleur contrôle des organismes de formation. Je sais à quel point cette question vous tient à coeur et je salue l'importance du travail que vous lui avez consacré dès 1995. Vos amendements vont contribuer à améliorer encore le dispositif que nous proposons. Je rappelle que celui-ci apporte déjà des améliorations très substantielles sur des points qui sont parfaitement choquants : par exemple, en l'état actuel de la législation, on peut à la fois appartenir à un organisme paritaire collecteur agréé et à un organisme de formation. C'est totalement inacceptable. De même, les certifications ne sont pas suffisamment contrôlées. Je sais que vous menez un travail au long cours sur ce sujet, que vous avez pris à bras-le-corps depuis plusieurs années. Vous aurez contribué puissamment à faire évoluer le dispositif existant.
Monsieur Francis Vercamer, dans une intervention précise et exhaustive, vous avez su utiliser pleinement l'espace qu'ouvre la discussion générale pour prendre de la hauteur. Vous avez déposé plusieurs amendements importants, qui ont été adoptés par la commission. Je serai amené à souligner chaque fois vos apports parce que je ne veux pas que leur adoption directe en commission dissimule le travail important que vous avez accompli. Je pense notamment à la portabilité du DIF – le droit individuel à la formation – en cas de rupture d'un CDD et à l'élargissement du passeport formation. Par ailleurs, vous demandez un rapport sur les zones transfrontalières. Vous savez qu'une partie de mes origines se trouve dans votre région. Je m'y rends souvent parce qu'elle souffre en termes d'emplois, et je sais à quel point la formation dans les zones transfrontalières constitue un sujet important. S'agissant des contrats aidés, je suis d'accord avec vous : il faut faire en sorte qu'ils puissent bénéficier de fonds destinés à la formation.
Madame Amiable, vous avez insisté sur la problématique des jeunes sortis sans qualification du système scolaire. C'est en effet un vrai défi qui nous conduit à mener un travail de fond sur la manière dont on peut réussir à les récupérer. Si on laisse passer de trop longues années, quand on les retrouve, c'est trop tard : les dégâts ont été trop importants. Au-delà des arguties juridiques, le texte cible des dispositifs qui nous permettront de répondre à ce défi : l'école de la deuxième chance, les contrats en alternance renforcée et la lutte contre le décrochage scolaire. Nous n'arriverons pas à nous retrouver totalement sur ces différents points, mais j'entends vous montrer les cas concrets que ce texte vise à traiter. Je sais combien ce sujet vous tient à coeur, et vous avez raison parce que c'est un vrai problème. Autre vrai problème : la portabilité du DIF pour les CDD. Votre groupe est intervenu à ce sujet, et je n'ai aucune difficulté à reconnaître que le dispositif que nous proposons est améliorable. Il a d'ailleurs fait l'objet d'amendements émanant de plusieurs groupes.
J'en viens à vous,monsieur Jean-Patrick Gille. Vous êtes un parfait connaisseur de toutes les questions relatives à la formation professionnelle et vous l'avez montré en commission par la précision de vos interventions. Mais je ne souhaite pas que le débat se résume à la question suivante : ce texte aboutit-il à renforcer ou à fragiliser la place des régions ? Je pense que le projet de loi et le sujet méritent mieux que cela. S'en tenir à cette seule question serait un peu court, surtout de la part du parti socialiste, qui a tout de même une vraie vision politique des enjeux de la formation tout au long de la vie. Il y a d'autres terrains sur lesquels nous pouvons nous confronter et, je le pense, trouver des positions constructives – vous l'avez relevé. Le débat ne peut se résumer aux compétences des régions.
Il n'est pas suffisant de réclamer plus d'argent pour les régions ou de demander qu'on leur confie la responsabilité exclusive de la formation professionnelle. La décentralisation n'est pas une fin en soi.
Ainsi, la région Île-de-France permet à 7 % des demandeurs d'emploi d'accéder à une formation. Dans la région Limousin, un chômeur sur cinq en bénéficie : ses chances sont donc trois fois plus élevées. Je ne suis pourtant pas convaincu que les besoins de formation en Île-de-France soient si inférieurs à ce qu'ils sont dans le Limousin. Ce problème ne peut être résolu que si nous travaillons ensemble, mais chacun dans son rôle : aux régions, la déclinaison territoriale ; à l'État, la solidarité et l'équité républicaines.
Deuxième exemple : pour le pourcentage de financement et le nombre de formations concernant l'apprentissage, il y a un écart de un à trois entre le Nord-Pas-de-Calais – une des régions qui en financent le moins – et la région Pays-de-la-Loire, celle qui en finance le plus. Dans les deux cas, il s'agit de régions conduites par les socialistes, la majorité politique en place n'est donc pas le sujet. Mais l'on ne peut pas se contenter de réclamer plus pour les régions. Ce n'est pas un but en soi.
En effet, ce qui intéresse les personnes concernées, c'est que nous trouvions un système efficace qui permette un financement identique en Rhône-Alpes, en Limousin, en Île-de-France ou dans le Nord-Pas-de-Calais, pour qu'il y ait partout les mêmes chances d'accéder à une formation. Une querelle de baronnies ou de prés carrés, avec d'un côté l'État et, de l'autre, les régions, ne les intéressent pas. Ils ne veulent pas de ce genre de parties de ping pong. Je suis moi aussi, monsieur Gille, attaché aux déclinaisons territoriales des politiques. Mais mon seul souhait, c'est que notre débat ne se résume pas à une posture pour ou contre les régions. Au vu de la qualité de vos interventions en commission, je peux espérer que la discussion ne se limitera pas à cela. Je rappelle que l'ensemble des partenaires sociaux, du MEDEF à la CGT, ont été capables d'adopter une position commune. Si le parti socialiste est capable d'avoir le même état d'esprit, cela nous permettra de faire émerger une vision constructive commune. Il faut aller au-delà de la seule vraie pierre d'achoppement qui existe entre nous : vous voulez toutes les compétences pour les régions ; nous considérons qu'il faut un travail d'équipe. Pour le reste, vous et vos collègues avez bien voulu relever tous les points positifs du texte. Cela devrait nous permettre de sortir du débat par le haut en donnant une image constructive de notre travail en commun sur un sujet vital pour l'emploi, surtout en cette période.
Cécile Gallez a présenté un exposé très intéressant sur l'orientation dans le système scolaire, et elle a rappelé son attachement au CTP.
Je ne m'attarderai pas sur l'intervention que Marisol Touraine a consacrée à la sécurisation des parcours professionnels. Elle a d'ailleurs relevé l'intérêt de nombreuses dispositions du texte, comme celles relatives à la portabilité du DIF et des CIF, aux cours du soir, à la préparation opérationnelle à l'emploi.
François de Rugy a parlé du DIF qui, à lui seul, ne peut pas tout, mais qui s'inscrit dans une palette d'outils complémentaires comme les CIF. Nous y reviendrons. Son intervention était précise et nous pourrons en clarifier les différents points au cours du débat.
Je voulais remercier Françoise Guégot. Nous allons beaucoup nous appuyer sur sa mission, pour nous essentielle : si la loi fixe les principes, la déclinaison opérationnelle et la mise en oeuvre concrète du droit à l'orientation seront fondamentales. Nous avons vraiment besoin de votre apport, madame la députée, et je compte beaucoup sur votre expertise, fruit d'une expérience professionnelle qui vous permet d'avoir une très bonne vision de ces sujets.
L'intervention d'Alain Rousset me conduit tout d'abord à exprimer ma surprise. Je siège au conseil d'administration de Pôle emploi où les collectivités locales sont représentées, notamment par Mme Meyer, responsable au niveau de la région Ile-de-France. Tout à fait à rebours des propos de M. Rousset, elle a souligné la très bonne concertation entre Pôle emploi et l'Association des régions en matière d'offre de formation. Un procès-verbal en fait foi. Je sais à quel point il est difficile de rassembler toutes les régions, mais la représentante des régions et des collectivités locales au sens large a elle-même souligné la très bonne qualité du partenariat, lors du conseil d'administration auquel j'assistais. D'où ma surprise.
En outre, j'ai personnellement adressé un courrier à M. Rousset, au moment de la mise en place de l'offre de formation à destination des jeunes. Dans cette lettre en date du 29 mai, j'écrivais : « Je suis à votre disposition pour échanger avec vous au niveau national sur les conditions d'association des régions à la réussite de ce contrat d'accompagnement formation. » Elle est restée sans réponse, ce qui est normal car on reçoit beaucoup de courrier. Mais je n'ai encore obtenu aucune contribution de l'Association des régions. Comme j'ai déjà eu l'occasion de l'écrire au président Rousset, je suis tout à fait disposé à recevoir ces contributions. Cela étant, il faudrait qu'elles viennent vite : nous voulons être prêts pour la rentrée, et elles doivent nous parvenir maintenant pour être utiles.
MM. Brard, Lecou et Juanico ont évoqué l'AFPA. Je connais notamment l'attachement à l'AFPA de M. Brard, qui lui a consacré l'intégralité de son propos. Je le dis et le redis : il est hors de question de démembrer l'AFPA qui reste une colonne vertébrale dont nous aurons besoin au niveau national.
Il faudrait la faire travailler ! Elle n'est pas efficace ! C'est catastrophique !
Nous aurons une explication à ce sujet. Nous sommes obligés de respecter les règles du droit de la concurrence – qu'on le regrette ou non – et chaque région peut d'ailleurs décliner cette application du droit. En revanche, je vous assure que nous ne démembrerons pas l'AFPA ; nous sommes attachés à maintenir un service public national de la formation à travers elle.
Bernard Perrut s'est exprimé sur les nouveaux métiers, sur le rôle des ressources et des dépenses des OPCA et sur la nécessité d'en informer l'Assemblée. Je voulais aussi le remercier pour son implication à travers les missions locales.
M. Marsac a insisté sur le développement de la validation des acquis de l'expérience, que le projet de loi permettra de faire progresser.
Monsieur Lecoq, je voulais saluer la sincérité de votre intervention – que chacun a dû ressentir comme moi-même –, notamment lorsque vous avez exposé votre réflexion sur les clauses d'insertion, levier trop peu utilisé par les élus locaux. Dans le cadre des opérations ANRU, nous allons voir comment mieux développer l'utilisation systématique de ces clauses.
André Schneider a parlé de la formation professionnelle en Alsace, sujet qu'il maîtrise parfaitement, et souligné combien il est important d'utiliser le levier de la formation pour l'accès à l'emploi. Dans son intervention, on sentait tout le poids de l'expérience qu'il a accumulée.
Monsieur Lurel, nous aurons un débat sur la formation outre-mer, sujet de l'un de vos amendements. En matière d'emploi des jeunes, je sais qu'il existe chez vous une vraie détresse dont vous avez parlé avec beaucoup de sincérité. J'aimerais que nous puissions travailler ensemble afin de parvenir à une meilleure utilisation des crédits de la formation en Guadeloupe. Les aides de l'État ne sont utilisées qu'à 50 % sur le terrain. Chaque région est tout à fait libre de l'affectation de ces fonds, mais nous pouvons progresser ensemble dans ce domaine, afin d'améliorer la consommation des crédits et de répondre ainsi à votre sujet de préoccupation : la formation des jeunes.
Dans le prolongement de la proposition de loi qu'il a présentée, M. Poisson a plus particulièrement centré son propos sur les stages, ce dont je le remercie.
Lionel Tardy a aussi fait une intervention d'un grand intérêt, traitant de la professionnalisation des jeunes.
Valérie Rosso-Debord s'est exprimée avec justesse et sens de l'équilibre sur la bonne répartition des rôles entre l'État et les régions en matière de formation professionnelle, sur toute l'importance d'une vision d'équité républicaine au niveau national et sur l'intérêt de la contractualisation du PRDF, qui ne remet pas en cause les compétences des uns et des autres, mais nous permet de travailler ensemble, plutôt que l'un à côté de l'autre, en s'ignorant.
Arnaud Robinet s'est focalisé sur la formation des plus de quarante-cinq ans, un sujet qui lui tient à coeur et sur lequel il a déposé un amendement fondamental avec Jacques Kossowski.
Enfin, Chantal Brunel a insisté sur un meilleur contrôle des frais de gestion des OPCA.
Ces interventions nous ont permis de poser les termes du débat. À présent, amendement après amendement, nous allons pouvoir l'approfondir d'une manière qui sera, je l'espère, constructive. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)
J'appelle maintenant les articles du projet de loi dans le texte de la commission.
Je suis saisi d'un amendement n° 158 , portant article additionnel avant l'article 1er.
La parole est à M. Victorin Lurel.
Monsieur le secrétaire d'État, vous me permettrez de vous dire deux mots sur les compétences des régions avant de défendre mon amendement.
Nous ne demandons pas davantage de compétences ; il ne s'agit pas pour nous de tout centraliser et tout accaparer. Mais le texte qui régit le PRDF est clair. L'article L 214-13 du code de l'éducation dispose : « La région adopte le plan régional de développement des formations professionnelles et s'assure de sa mise en oeuvre. » Plus loin, il précise : « Ce plan est élaboré en concertation avec l'État, les collectivités territoriales concernées et les organisations syndicales d'employeurs et de salariés représentatives à l'échelon national ainsi que l'institution mentionnée à l'article L. 311-7. Il est approuvé par le conseil régional après consultation des conseils généraux, du conseil économique et social régional, des chambres de commerce et d'industrie, des chambres de métiers et des chambres d'agriculture au niveau régional, du conseil académique de l'éducation nationale, du comité régional de l'enseignement agricole et du comité de coordination régional de l'emploi et de la formation professionnelle. »
Plus loin encore, cet article, dans son paragraphe IV, indique : « Des conventions annuelles d'application précisent, pour l'État et la région, la programmation et les financements des actions. Elles sont signées par le président du conseil régional, le représentant de l'État dans la région ainsi que, selon leur champ d'application, par les divers acteurs concernés. »
Pourquoi ajouter une signature supplémentaire qui constitue une forme déguisée de mise sous tutelle, sans augmentation de moyens ? En quoi cela améliorera-t-il l'économie générale de l'élaboration, de l'adoption et de la mise en exécution du PRDF ? Nous ne comprenons pas très bien.
Quant à la région Guadeloupe, elle connaît une situation très particulière depuis 1983, année durant laquelle l'AFPA lui a été transférée. En 2007, l'AFPA – curieusement restée autonome de la région, tout en recevant des financements fort lourds de l'État – a été mise en liquidation pour mauvaise gestion, par le tribunal de grande instance de Basse-Terre.
Ce tout petit pays compte 450 centres de formation privés. Mais je vous avez raison, monsieur le secrétaire d'État, il existe une insuffisante consommation des 33 millions d'euros de crédits octroyés par l'État pour l'apprentissage et la formation professionnelle continue.
Nous avons dû tout reprendre. C'est l'objet de mon amendement. Après plus de trente-cinq ans, l'État nous a accordé la dévolution des murs de l'AFPA faillie. Monsieur le secrétaire d'État, la remise aux normes de ces locaux va coûter 22 millions d'euros ! C'est une vétusté que vous nous avez transmise et qu'il faut à présent réparer.
Nous avons demandé une habilitation qui nous a été accordée. Le Parlement nous a habilités à fixer ce que la Constitution appelle la règle : nous sommes autorisés à nous substituer au Parlement et au Gouvernement – à remplacer la loi et le règlement. Depuis très peu de temps – mai 2009 – la région Guadeloupe a été autorisée à fixer la règle en matière de formation professionnelle, et plus précisément à créer un établissement public administratif pour un service public local de la formation professionnelle continue et de la sécurisation des parcours professionnels.
Qu'adviendra-t-il de cette habilitation si le Parlement reprend aujourd'hui ce qu'il a accordé hier ? C'est donc une sorte d'amendement de cohérence qui vous est soumis.
La parole est à M. Gérard Cherpion, rapporteur de la commission des affaires sociales.
La commission a repoussé cet amendement à la portée juridique tout à fait incertaine. Dès lors que les collectivités d'outre-mer sont habilitées à adapter les lois dans le domaine de la formation professionnelle, il est évident que les règles de droit commun édictées par le législateur national en la matière n'empiètent pas sur les compétences transférées par dérogation.
En outre, l'examen des comptes montre que seulement 59 % des crédits transférés pour la formation professionnelle sont utilisés pour l'apprentissage ou les formations. Il y a véritablement un effort à consentir localement.
Avis défavorable, mais je veux répondre clairement à des interrogations légitimes : il n'est aucunement question de revenir sur les compétences transférées dans le cadre de l'article 73-3 de la Constitution. Votre amendement porte sur ce point, monsieur Lurel : revient-on sur les mesures prises en vertu de l'article 73-3 de la Constitution ? Non, on ne revient pas sur ces mesures, notamment sur celles qui concernent l'établissement public régional et le service public régional de formation professionnelle.
Je répète que je suis à votre entière disposition pour réfléchir à une meilleure utilisation des crédits de la formation professionnelle, puisque les sommes transférées sont deux fois plus importantes que celles qui sont dépensées.
J'aimerais, monsieur le rapporteur, dissiper une confusion.Il ne s'agit pas d'adaptation ni de dérogation : il s'agit de fixer la règle. L'article 73 offre plusieurs possibilités : la dérogation, l'expérimentation, l'adaptation et la fixation de la règle. Fixer la règle revient à remplacer le Parlement. Actuellement, en vertu de l'habilitation, je peux aller tout à fait à l'encontre de ce que décide le Parlement.
Certes, la demande est spécifique : avoir la possibilité de créer un établissement public administratif pour un service public de la formation. Il ne s'agit pas d'adapter ce que vous êtes en train de décider ! Je pourrais faire exactement le contraire si cela correspondait aux spécificités locales.
D'autre part, monsieur le secrétaire d'État, nous sommes en période de transition, puisque ce secteur a été sinistré avant mon arrivée. Il n'y avait même pas de statistiques ! Nous sommes en train de tout reconfigurer, de tout reprendre.
Mon souci est le suivant : les mesures élaborées ici ne doivent pas simplement être adaptées ; elles peuvent ne pas correspondre du tout à ce que nous voulons, et il importe de préserver ce que le Parlement a décidé hier. Tels sont l'objet et l'esprit de cet amendement.
(L'amendement n° 158 n'est pas adopté.)
Je suis saisi d'un amendement n° 219 .
La parole est à Mme Monique Iborra.
Avant de présenter mon amendement, j'aimerais répondre brièvement à l'intervention liminaire de M. le secrétaire d'État.
Monsieur Wauquiez, nous voyons bien la stratégie que vous allez utiliser durant les débats sur ce projet de loi. Vous voulez enfermer les socialistes dans la défense catégorielle des régions ; vous n'y arriverez pas : la ficelle est trop grosse ! Au vu du nombre d'amendements déposés par l'opposition, on constate que le rôle de la région n'est pas le seul sujet. Alors, si voulez travailler en équipe et de manière constructive, renoncez à nous prendre quasiment pour des débiles mentaux ! (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Voilà la première chose que je tenais à vous dire.
En second lieu, vous affirmez que, finalement, vous n'enlevez rien aux régions. En réalité, les régions mais aussi les partenaires sociaux – je vous l'assure – défendent simplement l'application de la loi de 2004 que des membres de votre gouvernement ont fait adopter et qui faisait des régions les chefs de file de la formation professionnelle. Vous demandez aux régions de travailler en concertation avec tous les acteurs mais, je vous l'assure, elles le font déjà, et depuis longtemps ! C'est pourquoi leurs politiques sont reconnues.
Ce que vous dites est donc inexact – mais on comprend pourquoi vous le dites.
Vous avez par ailleurs évoqué les disparités. Je rappelle à cet égard, monsieur le secrétaire d'État, que les prescriptions étaient faites par l'ANPE et les missions locales, ce qui est encore le cas aujourd'hui avec Pôle emploi. La différence est que, jusqu'à une période récente, l'ANPE, sous la pression du Gouvernement, ne prescrivait que des adaptations à l'emploi à court terme qui ne débouchaient sur rien, alors que les régions se focalisaient sur les formations qualifiantes.
Vous suggérez le travail en équipe, mais quelle conception en avez-vous ? Toutes les actions que, sans concertation avec les régions, vous avez menées en matière d'emploi doublent les politiques de ces dernières. Vous créez insidieusement des circuits parallèles pour les mêmes publics et les mêmes formations : gabegie d'autant plus grave au regard de l'état de nos finances publiques.
S'agissant de l'accompagnement des jeunes vers l'emploi, les rapports des régions avec Pôle emploi aujourd'hui sont en effet aussi excellents qu'avec l'ANPE hier ; le seul problème est que cela ne débouche sur rien de positif, car vous avez donné à Pôle emploi les mêmes compétences qu'aux régions,…
…de sorte qu'il est incapable de définir sa politique en matière de formation.
Enfin, le comité de pilotage que vous avez mis en place avec la DGEFP – la délégation générale à l'emploi et à la formation professionnelle – réunit Pôle emploi, les missions locales et l'État : les régions n'y sont même pas associées ! Si vous ne changez pas de registre, nous allons donc perdre du temps.
Quant à l'amendement n° 219 , il propose d'insérer, au début de l'alinéa 3 de l'article 1er, la phrase suivante qui concerne la formation professionnelle tout au long de la vie : « Elle constitue un élément déterminant de la sécurisation des parcours professionnels et de la promotion sociale des salariés. »
Il est en effet à noter que l'alinéa 4 introduit la sécurisation des parcours professionnels dans la définition des objets de la formation professionnelle continue, à laquelle est consacré le livre III de la partie du code du travail relative à la formation professionnelle.
La commission a repoussé cet amendement, qui lui semble redondant. L'alinéa 4 introduit en effet à l'article L. 6311-1 du code du travail la sécurisation des parcours professionnels ; en outre, le même article mentionne déjà l'objectif de promotion sociale.
Défavorable également. Le temps que Mme Iborra a passé pour évoquer la place des régions dans la formation professionnelle…
…me semble, si on le compare à celui qu'elle a consacré à la défense de son amendement, bien augurer de la suite : le débat, j'en suis sûr, ne se limitera pas à la défense du corporatisme régional !
Je rejoins par ailleurs Gérard Cherpion : cet amendement est déjà satisfait par l'article L. 6311-1 du code du travail, tel qu'il est proposé de le compléter.
(L'amendement n° 219 n'est pas adopté.)
Je suis saisi d'un amendement n° 159 .
La parole est à M. Jean-Patrick Gille.
Cet amendement à l'article qui a trait aux objectifs et principes de la formation professionnelle vise à donner un accès prioritaire aux publics sans premier niveau de qualification ni baccalauréat : vous conviendrez donc, monsieur le secrétaire d'État, qu'il répond pleinement à votre souhait, que nous partageons, de réorienter la formation professionnelle vers ceux qui en ont le plus besoin.
Au-delà de cet objectif, la rédaction que nous proposons permettrait d'introduire dans le code du travail le principe du droit différé à la formation initiale, l'un des deux principes mis en avant dans l'accord signé par les partenaires sociaux au début de l'année. Ce principe figurait déjà, d'ailleurs, dans l'ANI – l'accord national interprofessionnel – de 2003, mais il a du mal à se concrétiser. Or je pense, comme beaucoup, qu'il transformerait notre système de formation professionnelle en un véritable droit à la deuxième chance et à la formation tout au long de la vie.
La France est l'un des pays européens où le taux de reprise de formation ou d'études est le plus faible, ce qui explique en partie les difficultés rencontrées par les jeunes. Notre système de formation initiale est en effet tendu vers l'acquisition d'un diplôme censé être le sésame pour accéder à l'emploi, ce qui était sans doute le cas il y a cinquante ans. Mais, comme vous l'avez reconnu hier, ce système ne fonctionne plus. Les jeunes ont tendance à aller le plus loin possible dans leurs études, et même ceux qui obtiennent un diplôme doivent passer dans une sorte de no man's land avant de trouver un véritable emploi. Nous pensons donc qu'il faudrait s'inspirer de ce qui existe dans les pays nordiques, afin de diminuer la pression au moment de la sortie du système scolaire, a fortiori pour ceux qui, n'ayant pas validé leur formation, ont encore plus de mal à s'insérer dans le monde professionnel.
C'est donc toute une culture qu'il faut changer, culture qui explique les échecs de notre système d'orientation et les difficultés d'insertion professionnelle des jeunes. Il convient de dédramatiser la sortie du système scolaire en facilitant une reprise d'études immédiate. C'est pourquoi nous souhaitons inscrire progressivement le droit à la formation initiale différée dans le code du travail.
J'avais proposé sur ce sujet un autre amendement afin d'introduire un nouvel article dans le code du travail ; mais, puisqu'il est tombé sous le coup de l'article 40, l'amendement n° 159 est le seul qui me reste : je me permets donc d'y insister un peu. On aurait pu prévoir, comme dans l'ANI, un droit à une formation d'un an pour les personnes qui n'ont pas obtenu le premier niveau de qualification. Les salariés pourraient bénéficier de ce droit dans le cadre du congé individuel de formation : il suffirait de leur réserver un accès prioritaire en levant les conditions d'ancienneté et les possibilités de refus ; pour les demandeurs d'emploi, qui pourraient l'exercer quand ils le souhaitent, il se traduirait par une formation qualifiante prescrite par Pôle emploi ou, s'il s'agit de jeunes, par les missions locales. Il me semble logique de confier le financement aux régions, pour autant que l'État les rembourse ; mais on peut aussi choisir de faciliter l'accès aux contrats de professionnalisation.
Voilà, je pense, le dispositif qu'il nous faut construire. Nous devons d'ailleurs aller plus loin : je pense par exemple à la création d'une sorte de « crédit formation » inversement proportionnel à ce que chaque intéressé aura obtenu avec sa formation initiale. Vous parliez, monsieur le secrétaire d'État, d'un changement de paradigme : celui de l'emploi a changé ; celui de la formation doit changer aussi. Permettre à ceux qui ont eu une faible formation initiale de reprendre facilement une formation longue et qualifiante est désormais l'un des principaux enjeux de la formation professionnelle.
J'ai bien compris que, compte tenu des dispositions prévues et du coût – même si je en suis pas sûr qu'il soit si élevé –, ce système ne sera pas formalisé dans le présent texte. Mais je propose, avec cet amendement, d'en poser le principe, lequel est inscrit au coeur de l'ANI. Nous poserions ainsi la première pierre, avant de construire ultérieurement l'édifice lui-même.
Je comprends l'esprit qui anime Jean-Patrick Gille. Le droit à la formation initiale différée est en effet essentiel, et le projet de loi, par touches successives, permet de le construire : je pense à un amendement selon lequel les personnes ayant échoué dans leur apprentissage pourront passer un certificat de qualification professionnelle, mais aussi à l'amendement n° 74 , que nous allons examiner dans quelques minutes, qui prévoit de donner au Conseil national de la formation professionnelle tout au long de la vie la mission d'évaluer l'accès à la formation des personnes ayant effectué des formations courtes : ce serait là une première étape.
Quant à l'article 9, il donne aux intéressés la priorité pour accéder aux crédits du fonds paritaire de sécurisation des parcours professionnels. Le texte satisfait donc indirectement l'esprit de l'amendement.
Défavorable. Il y a en effet deux options.
La première revient à poser un droit plus ou moins opposable : on l'a beaucoup fait dans le passé ; je ne suis pas sûr que les résultats aient été à la hauteur des promesses.
Nous avons donc plutôt choisi la seconde, qui consiste, comme Gérard Cherpion l'a souligné, à créer des outils concrets afin de rendre opérationnelle cette formation différée pour ceux qui ont peu de formation initiale. Le fonds paritaire de sécurisation des parcours professionnels est ainsi destiné aux salariés faiblement qualifiés ; par ailleurs, l'accent est mis sur les dispositifs d'alternance pour les jeunes sortis trop tôt du système scolaire, sur les écoles de la deuxième chance et sur la prévention et l'accompagnement du décrochage scolaire.
Les deux voies était certes possibles mais, s'agissant d'un droit plus ou moins opposable sans véritable traduction concrète, l'histoire législative nous invite à un peu de prudence. Mieux vaut donc miser, je le répète, sur des outils qui traduiront ce droit dans les faits.
Je serai bref. Le texte de notre amendement, monsieur le secrétaire d'État, est a minima : loin de créer un droit opposable, il se contente de poser une priorité. Chacun reconnaît en effet qu'un effort est nécessaire pour les personnes concernées.
Vous avez dit vous-même que la formation devait être une arme contre la crise. Entre nous, elle ne crée pas d'emplois : si la formation permettait de résoudre le problème du chômage, elle l'aurait fait depuis longtemps ; mais la réalité est bien plus complexe. La formation est plutôt un investissement pour l'avenir. Des pans entiers de notre industrie souffrent, et il est vrai que la formation, en élevant le niveau général de qualification, permet de préparer la mutation de notre économie, mais elle ne donne pas de résultats à très court terme. Tout miser sur la formation professionnelle reviendrait à renouer avec le traitement social du chômage.
Le pays doit donc se mobiliser pour les personnes qui n'ont pas le premier niveau de qualification professionnelle. On ne peut qu'approuver cette idée, qui est un vrai choix politique méritant d'être inscrit au rang de nos principes. Cela ne signifie pas que l'on crée un nouveau droit opposable : comme vous, je ne suis pas très enthousiaste à la perspective de prévoir des droits opposables dans tous les domaines. On se fait plaisir sur le moment, mais on est ensuite bien embarrassé pour gérer le dispositif.
Toutefois, je suis tenté de vous prendre au mot, monsieur le secrétaire d'État. Vous avez accepté de mettre en place un fonds paritaire de sécurisation des parcours professionnels ; vous jugez par ailleurs nécessaire de construire le droit à la formation initiale différée. Pourquoi ne pas rapprocher les deux ? Pourquoi ne pas financer en partie ces dispositifs en recourant au fonds ? On ne peut certes en décider à la place des partenaires sociaux, mais la discussion mériterait d'être ouverte. Cet amendement n'est qu'un modeste jalon posé à l'orée de ce débat, une incitation à poursuivre la réflexion : je serais déçu qu'il ne soit pas adopté.
(L'amendement n° 159 n'est pas adopté.)
L'amendement n° 80 a pour objet de faire échec aux clauses de dédit formation contenues dans certains contrats de travail.
Sans doute l'amendement n° 58 est-il d'une moindre qualité stylistique que l'amendement n° 80 , mais sa rédaction est plus conforme aux habitudes du code du travail. Quoi qu'il en soit, les raisons qui les ont inspirés sont exactement les mêmes : cette précision mérite d'être apportée, car on déplore encore trop de comportements abusifs.
Ces amendements ont été repoussés par la commission. Certes, ils visent à répondre à un problème de fond mais, me semble-t-il, en encadrant par trop la liberté contractuelle. Ne risque-t-on pas de décourager les chefs d'entreprise si l'on supprime tout lien entre l'effort qu'une entreprise consent pour former des jeunes – par exemple dans des métiers en tension, comme celui de chauffeur routier – et le service rendu à l'entreprise ?
Les clauses de dédit formation sont aujourd'hui très encadrées par une jurisprudence fort stricte, qui fixe le montant pouvant être réclamé et s'assure du libre consentement préalable des signataires.
La suppression de ces clauses aurait un effet ravageur sur l'accès à la formation professionnelle. J'ai pu le voir, concrètement, dans une entreprise de transport de mon département qui finançait une formation au permis poids lourds afin de faciliter l'accès des jeunes à l'emploi, mais qui y a renoncé en constatant que les jeunes formés partaient ensuite chez le plus offrant et qu'elle n'avait aucune possibilité de les responsabiliser. Si nous faisons sauter ce tout petit outil de responsabilisation, ce sont ceux pour lesquels il est fait qui en pâtiront, car on ne pourra plus financer de formation dans les métiers en tension. Le dispositif est déjà bien encadré : l'effet d'une suppression des clauses de dédit formation serait contre-productif.
Je me suis moi-même posé les questions auxquelles pensent répondre ces amendements. Mais, sur la base de ces explications, je demande à leurs auteurs de bien vouloir les retirer.
Peut-être M. Goasguen, qui souhaite s'exprimer, pourra-t-il nous éclairer de ses lumières...
M. le secrétaire d'État a pratiquement tout dit. Cet amendement n'a pas d'intérêt. Il présente même un certain danger pour la liberté contractuelle.
Vous avez bien fait de le retirer, mon cher collègue, et je ne m'étalerai pas outre mesure sur le sujet.
Je vais en effet me rendre à l'invitation fort sympathique de Claude Goasguen, d'autant qu'elle est formulée dans des termes aussi cordiaux que fermes, bien conformes à son style habituel. (Sourires.) Je comprends bien la position du secrétaire d'État et celle du rapporteur, et je vais retirer l'amendement.
Ce n'est pas que j'aie confiance – loin de là – dans la mécanique de la jurisprudence : ainsi, d'après une récente décision de la chambre sociale de la Cour de cassation, il faudra désormais justifier tous les avantages accordés aux cadres, ce qui veut dire individuellement et en fonction de mécanismes dont on imagine la précision, la longueur ou le formalisme. Votre invocation de la jurisprudence me convainc un peu moins, monsieur le secrétaire d'État, que votre argument sur le défaut d'incitation qu'un tel amendement pourrait présenter pour les chefs d'entreprise.
(L'amendement n° 58 est retiré.)
Je suis saisi d'un amendement n° 160 .
La parole est à M. Michel Issindou.
Cet amendement concerne les travailleurs handicapés, qui ont beaucoup de mal à accéder à l'insertion et à la formation professionnelle. On devrait les considérer comme des travailleurs semblables aux autres, et nous le ferions volontiers s'ils ne nous avaient fait savoir qu'ils rencontrent de grandes difficultés d'insertion professionnelle. Le taux de chômage, chez eux, est beaucoup plus élevé que dans le reste de la population. Et qui dit difficultés d'insertion professionnelle dit également, par la suite, difficultés de formation.
C'est le Président Chirac qui a lancé la grande idée, approuvée sur tous les bancs, d'une politique nationale en faveur des handicapés. Il nous faut donc être particulièrement attentifs à ces personnes du point de vue de la formation. Le Conseil national consultatif des personnes handicapées est parfaitement désigné pour cela : nous proposons donc de l'associer à la définition des politiques de formation.
Je n'ignore pas l'engagement de M. Issindou dans ce domaine. Nous devons en effet réserver aux personnes handicapées un traitement favorable. Mais pourquoi leur consacrer un volet spécial des politiques publiques, alors qu'elles souhaitent être intégrées dans l'ensemble des politiques ?
Du reste, l'alinéa 9 de l'article 1er propose très explicitement « d'évaluer les politiques de formation professionnelle menées en faveur des travailleurs handicapés ». Ceux-ci sont donc bel et bien concernés et nous aurons encore l'occasion de revenir sur le sujet à l'occasion de différents amendements.
Même avis. Je précise en outre que la formation professionnelle des personnes handicapées est explicitement mentionnée au livre Ier de la sixième partie du code du travail.
Pardonnez-moi de revenir un instant en arrière pour répondre à M. Gille à propos du fonds paritaire de sécurisation des parcours professionnels. L'article 9 prévoit d'ores et déjà – au b du 1° du texte proposé pour l'article L. 6332-21 – que les fonds seront orientés vers les publics faiblement qualifiés.
(L'amendement n° 160 n'est pas adopté.)
Je suis saisi d'un amendement n° 208 .
La parole est à M. François de Rugy.
Comme tout amendement d'affichage, celui-ci est symbolique, mais les symboles sont parfois importants. En matière de formation professionnelle, il faut – nous en sommes tous d'accord – discuter des outils, des droits, des modes de financement. Mais il est également important, je l'ai dit dans la discussion générale, que nous ayons un minimum de discussion sur les objectifs généraux que l'on se fixe. Je remarque à ce propos, monsieur le secrétaire d'État, que vous m'avez répondu sur un tout petit point qui n'occupait que quelques lignes dans une intervention de plusieurs pages ; alors que j'avais insisté sur la question de la transformation écologique de l'économie, vous n'en avez rien dit. Pourtant, la crise que nous vivons n'est pas uniquement conjoncturelle, elle n'est pas une parenthèse, elle nous oblige à des remises en cause profondes. Nous pensons que la formation professionnelle peut jouer un rôle très important dans cette transformation de l'économie.
Je rappelle d'ailleurs que la formation aux enjeux écologiques faisait partie des engagements du Grenelle de l'environnement. Ce texte pourrait être l'occasion, au moins sous une forme d'affichage, de reprendre cette orientation. Ainsi, l'engagement n° 11 prévoyait déjà le « lancement d'un grand plan de formation professionnelle, de recrutement et de qualification des professionnels du bâtiment intégrant performance énergétique, réduction des gaz à effet de serre, adaptation climatique et qualité sanitaire intérieure ». L'engagement n° 240 prévoyait de « développer l'éco-conception par la formation professionnelle ».
Il n'est bien sûr pas question de refaire ici le débat du Grenelle mais, chaque fois que nous en avons l'occasion, il serait bon d'introduire dans les textes de loi ces notions et ces préconisations. Ce serait d'autant plus utile que nous déplorons dans celui-ci l'absence totale des enjeux du développement durable et de l'écologie. Avec cet amendement, nous proposons de les y introduire, fût-ce modestement.
M. Rugy dit que cet amendement est symbolique. Il l'est d'autant plus qu'il est un peu hors sujet. Je ne pense pas qu'il suffise de l'inscrire dans le texte pour que la notion de développement soutenable devienne effective.
Je rappelle qu'hier, dans son discours, M. le secrétaire d'État a insisté sur le développement des emplois verts, en particulier de tous ceux qui sont liés aux nouvelles technologies des énergies renouvelables.
La commission a donc repoussé cet amendement.
Défavorable pour les mêmes raisons, mais avec l'engagement que le fonds de formation sera utilisé pour le développement des emplois verts. J'ai déjà beaucoup insisté sur le sujet.
(L'amendement n° 208 n'est pas adopté.)
Je suis saisi d'un amendement n° 161 .
La parole est à Mme Monique Iborra.
Il s'agit « de favoriser, au plan national, la concertation entre l'État, les régions, les partenaires sociaux et les autres acteurs pour la conception des politiques pluriannuelles de formation professionnelle et le suivi de leur mise en oeuvre ». Si cela doit se faire au niveau national – nous ne le contestons pas –, la définition des orientations annuelles ne peut relever que du niveau régional, afin de tenir compte des spécificités des territoires.
Cet amendement a été repoussé par la commission, puisqu'il refuse que les orientations en matière de formation professionnelle soient définies annuellement au niveau du Conseil national de la formation professionnelle tout au long de la vie. La nécessité d'une meilleure coordination est admise de tous et reprise dans le préambule de l'accord national interprofessionnel, qui « invite à une meilleure articulation entre les politiques en faveur de l'emploi et celles en faveur du développement de la formation professionnelle ainsi qu'une meilleure coordination des moyens mis en oeuvre par l'État, les régions et les partenaires sociaux ».
Défavorable. Il est bon qu'un rendez-vous annuel soit prévu pour que l'État, les régions et les partenaires sociaux puissent se parler.
(L'amendement n° 161 n'est pas adopté.)
Je suis saisi d'un amendement n° 163 .
La parole est à M. Jean-Patrick Gille.
Cet amendement de repli porte sur le même sujet, qui semble donner lieu à un quiproquo. Les missions du Conseil national de la formation professionnelle tout au long de la vie sont au coeur du débat relatif à la coordination : comment parvenir, au-delà des diverses compétences de chacune de collectivités, à travailler ensemble ?
Bien qu'il ne s'agisse pas là d'un amendement de fond, il pose la question suivante : pourquoi la définition des orientations doit-elle être annuelle ? Qu'un rendez-vous annuel, à tout le moins biennal ou triennal, doive avoir lieu, cela est évident. Cependant, pourquoi cette contrainte d'une définition annuelle ? Mieux vaut simplifier le texte. En effet, la définition des politiques par les collectivités a tendance à devenir plutôt pluriannuelle. Nous proposons donc de ne faire état d'aucune périodicité précise pour laisser à chacun le choix d'agir comme il le souhaite. En effet, il est à craindre que la rédaction actuelle du texte enferme les collectivités dans l'obligation de présenter chaque année la définition de telle ou telle politique pour tel ou tel public. Souvenez-vous du temps où la formation professionnelle relevait de la compétence exclusive de l'État : il existait alors une programmation annuelle de formation qui se déclinait en diverses enveloppes matérielles ou financières pour chaque programme, même si une dose de fongibilité a été ajoutée par la suite.
Tout cela a changé. Aujourd'hui, au contraire, pour qu'un programme visant un public précis soit efficace, il doit être pluriannuel. Cela permet de constater ses effets, notamment en matière de formation – tâche ardue. D'autre part, si l'on entend améliorer la qualité de l'offre de formation, on ne saurait demander tout à coup à un organisme d'inventer une pédagogie, d'investir en matériel ou en personnels ou de former lui-même ses propres formateurs pour une action menée sur un an. Désormais, les programmes pertinents requièrent davantage de temps. Tel est le sens de cet amendement qui, s'il n'apporte aucun changement majeur, permet de ne pas s'enfermer dans une définition annuelle des orientations. D'ailleurs, Pôle emploi, qui lance en ce moment ses programmes de formation, fait aussi des appels d'offre pluriannuels.
Je propose donc simplement de ne pas préciser de délai – annuel ou pluriannuel – dans le texte : sans dénaturer l'article et sans mettre qui que ce soit mal à l'aise, nous offrirons ainsi davantage de souplesse à la conception et à la définition de ces politiques de formation et, ce faisant, contribuerons à la bonne entente et à la coordination de tous.
Non : avis défavorable. La raison en est simple : une révision annuelle des orientations n'empêche pas de définir des orientations pluriannuelles ! Eu égard à l'évolution des besoins de l'économie, de la formation et de l'entreprise, il est bon de prévoir un rendez-vous permettant d'ajuster ou de modifier les orientations, même si elles font partie d'un programme pluriannuel.
Même avis. Pour illustrer l'importance d'un rendez-vous annuel, je prendrai l'exemple de la vente à distance, qui traverse une crise très importante cette année – M. Vercamer peut en témoigner.
Dans ce secteur, de considérables besoins de formation ont surgi en cinq ou six mois.
Autre exemple : le secteur de la construction nautique traverse lui aussi une crise grave où existent également de récents besoins de formation, moindres ou inexistants l'an dernier.
Un rendez-vous annuel est donc important. En conséquence, je me permets de demander à M. Gille de retirer son amendement.
Non, je le maintiens, car nous ne parlons pas de la même chose. Je suis d'accord pour qu'un rendez-vous annuel soit prévu ; je souhaite simplement ne pas contraindre les partenaires – et l'État – à une définition annuelle des politiques de formation qui, parce qu'elles peuvent être pluriannuelles, doivent bénéficier de davantage de souplesse.
(L'amendement n° 163 n'est pas adopté.)
Je suis saisi d'un amendement n° 88 .
La parole est à Mme Marie-Hélène Amiable.
Cet amendement vise à renforcer l'efficacité de l'évaluation, prévue à l'article 1er, des politiques d'apprentissage et de formation pour les personnes handicapées. Nous proposons de préciser que cette évaluation est menée conjointement par le Conseil national consultatif des personnes handicapées, le fonds de développement de l'insertion professionnelle des personnes handicapées et le fonds pour l'insertion des personnes handicapées dans les fonctions publiques. L'expertise de ces structures en matière d'emploi et d'insertion des personnes handicapées n'est plus à démontrer. En l'occurrence, nous relayons les demandes des associations.
Avis défavorable : cet amendement est en partie satisfait par l'adoption, en commission, d'un amendement de M. Muzeau visant à ce que le Conseil national de la formation professionnelle tout au long de la vie évalue en particulier les actions de formation au bénéfice des personnes handicapées. Là encore, je ne crois pas qu'il faille isoler le problème des personnes handicapées, qui souhaitent être normalement insérées dans l'emploi. En outre, un amendement à l'article 9 vise à conférer un caractère prioritaire aux personnes handicapées qui sont éloignées de l'emploi.
Même avis. J'en profite pour mentionner, afin qu'ils ne passent pas inaperçus, deux amendements importants proposés par le groupe GDR, ayant trait, en effet, aux personnes en situation de handicap et complétant l'accès à la formation quel que soit le statut des personnes concernées. D'autre part, M. Issindou a déposé un amendement concernant l'accès à la formation professionnelle et son évaluation pour les personnes en situation de handicap.
(L'amendement n° 88 n'est pas adopté.)
Je suis saisi d'un amendement n° 74 .
La parole est à Mme Marisol Touraine.
Le groupe SRC s'est associé à cet amendement présenté par M. Charasse qui, à ce stade du débat, prolonge notre engagement à défendre le droit à la formation initiale différée. Au-delà de la reconnaissance de ce droit, il s'agit de permettre à ceux qui ont bénéficié d'une formation initiale plus courte d'être davantage formés dans le cadre d'une formation initiale différée. C'est là une mesure de justice : plus la formation initiale a été courte, plus elle doit pouvoir être ultérieurement prolongée dans le temps.
J'insiste sur l'importance de cet amendement. Nous avons déjà longuement débattu du droit à la formation initiale différée : nous avons là l'occasion de le concrétiser et de lui donner tout son sens en renforçant le droit de ceux qui, d'emblée, ont eu la malchance ou l'impossibilité de bénéficier d'une formation initiale longue ou solide.
Avis favorable : c'est un premier pas – parmi d'autres – que permet de faire ce texte en direction de la reconnaissance de la formation initiale différée.
Avis favorable à l'évaluation.
(L'amendement n° 74 est adopté.)
Nous en venons à l'amendement n° 143 .
La parole est à Mme Monique Iborra.
Cet amendement concerne le Conseil national de la formation professionnelle tout au long de la vie. C'est une instance importante qui réunit tous les partenaires sociaux, un représentant des régions et l'État. Il nous paraît important – comme le projet de loi le prévoit d'ailleurs – de renforcer ses compétences, en particulier en matière d'évaluation.
Nous souhaitons – et je crois que ce sera le cas – que cette évaluation du conseil s'exerce tant au niveau de la région qu'à ceux des politiques de l'État et des partenaires sociaux. En effet, il nous manque une évaluation pourtant importante : l'évaluation globale des politiques publiques. Si l'on cherche la transparence, il faut pouvoir évaluer les politiques locales autant que nationales – y compris celles des partenaires sociaux, qui sont tout à fait d'accord.
Nous demandons donc que le Conseil national de la formation professionnelle tout au long de la vie puisse « mener des travaux de prospective sur le champ de la formation professionnelle ». En effet, il est souvent dit – sans qu'aucune preuve formelle ne soit apportée – qu'il existe des emplois ne pouvant pas être pourvus, faute d'une formation adéquate. Soulignons, chers collègues, qu'il est difficile d'obtenir des branches professionnelles une projection minimale dans un futur proche. Il est donc essentiel de travailler avec ces branches, avec l'État et avec l'ensemble des partenaires sociaux, pour parvenir ensemble à effectuer des prospectives utiles qui permettent d'adapter la formation aux demandes des entreprises et au développement économique.
Avis défavorable. Le Conseil national de la formation professionnelle tout au long de la vie effectue une mission d'évaluation et une mission de stratégie, qui impliquent de s'appuyer sur des travaux de prospective et, au besoin, d'en commander à des experts. Cela étant, ce n'est pas à cet organe consultatif lui-même de mener directement de tels travaux.
Même avis, pour la même raison.
(L'amendement n° 143 n'est pas adopté.)
Je suis saisi d'un amendement n° 164 rectifié .
La parole est à M. Michel Issindou.
Comme le précédent, cet amendement a trait à l'évaluation confiée au Conseil national de la formation professionnelle tout au long de la vie. Chacun souhaite davantage de transparence et de clarté dans la formation professionnelle, et le conseil national existe précisément pour constater ce qui se passe en la matière. Nous voudrions lui conférer un pouvoir juridique.
Cette expression de « pouvoir juridique » a fait débat en commission. Il nous y a été dit qu'elle n'avait pas de sens précis ; c'est vrai, mais ce sens peut être amélioré par le biais d'un décret d'application. L'idée, elle, est bien là : donner au conseil national la possibilité d'investiguer auprès de tous les acteurs de la formation professionnelle. Pour obtenir une réelle transparence, il faut permettre à ce conseil national d'accéder aux données détenues en tout lieu, qu'il s'agisse des fonds de l'État ou de ceux des organismes paritaires et des organismes agréés, et ce avec les moyens juridiques nécessaires. Si l'on attend que chacun manifeste sa bonne volonté pour collecter les informations, celles-ci ne pourront être que très partielles ! Donnons donc à ce conseil la capacité d'effectuer un véritable travail d'évaluation, afin que nous soyons au fait de la situation de la formation professionnelle. Encore une fois, un décret d'application pourra préciser cette notion de « pouvoir juridique » ; pour qu'un tel décret existe, néanmoins, ce pouvoir doit être prévu dans la loi. Tel est l'objet de cet amendement.
Avis défavorable. Cet amendement avait été retiré à l'issue de la discussion en commission, car l'expression « pouvoir juridique » n'est pas définie et, partant, la proposition n'est pas assez précise.
Avis défavorable. Vous avez vous-même indiqué avec beaucoup d'honnêteté, monsieur Issindou, que les producteurs de données statistiques de la formation professionnelle sont déjà présents au sein du conseil, par le biais du groupe statistique d'évaluation. Le conseil est donc déjà en mesure de mobiliser toutes les bases de données statistiques. Nul besoin, dans ce cas, d'introduire une compétence juridique dans ce mode de fonctionnement.
Je ne veux pas compliquer le débat, mais il s'agit d'une demande directement formulée par le président du conseil national lors d'une audition. Pour le moment, tout se passe bien et toutes les statistiques lui parviennent, s'agissant notamment des conseils régionaux. Mais le président a fait remarquer que le conseil pourrait un jour se heurter à un refus de communiquer des statistiques. Il y a certes un beau service d'analyse, même si les moyens dont il est doté ne sont pas très importants. Les amendements à venir visent surtout à multiplier les rapports et à souligner les besoins en matière de statistiques. Or, pour l'heure, le conseil est totalement tributaire de la bonne volonté de ceux qui les détiennent ou les élaborent.
Je vous accorde que la rédaction de notre amendement n'est pas excellente. Vous vous étiez engagé, monsieur le rapporteur, à travailler avec nous pour l'améliorer, mais nous n'avons pas pris le temps de le faire. Pour autant, il ne faut pas laisser tomber cette idée. Nous devons faire en sorte que le conseil soit assuré de bénéficier des sources dont il a besoin pour mener son travail.
(L'amendement n° 164 rectifié n'est pas adopté.)
(L'article 1er, amendé, est adopté.)
Je suis saisi d'un amendement n° 165 , portant article additionnel après l'article 1er.
La parole est à M. Jean-Patrick Gille.
Nous arrivons au coeur du débat. Il faut améliorer la coordination au niveau régional. Ce matin, j'ai entendu le propos liminaire de M. le secrétaire d'État qui tentait de réduire le débat aux fonds de la formation professionnelle pour les régions.
Notre amendement ne traite pas de la question des fonds. Il vise à améliorer la coordination. Nous avons en commun cet objectif, comme l'ont montré hier les interventions sur divers bancs. Francis Vercamer, notamment, en a beaucoup parlé. Mais, si nous sommes d'accord sur le diagnostic, nous proposons deux solutions radicalement différentes.
En effet, nous ne manquons pas de structures de coordination au niveau régional. Il y a d'abord le CCREFP – le comité de coordination régional de l'emploi et de la formation professionnelle. Son titre semble tout indiqué en ce qu'il fait le lien entre l'emploi et la formation professionnelle. Il y a la COPIRE – la commission paritaire interprofessionnelle régionale de l'emploi, autrement dit le dispositif des partenaires sociaux. Il y a également un lieu de définition : le PRDF – le plan régional de développement des formations. Enfin, les parlementaires ont eu la bonne idée, même si nous ne l'avons pas soutenue l'an dernier, lors de l'instauration de Pôle emploi, de créer le conseil régional de l'emploi. J'avais alors souligné les difficultés que ce dispositif allait générer : il y a aujourd'hui deux instances de concertation, et je vous fais grâce de tous les comités de pilotage mis en place à chaque mesure prise. Le Gouvernement prenant sans cesse des mesures d'urgence qui nécessitent, pour fonctionner, la coordination des partenaires sur le terrain, on crée un comité de pilotage par semaine !
Notre amendement prévoit de s'en remettre à une structure unique. Le CCREFP, à dominante formation, est coprésidé par le préfet et le président de région. Le conseil régional de l'emploi, à dominante emploi, est présidé par le seul préfet. Or tout le monde s'accorde à reconnaître l'importance du lien emploi-formation. Certes, nous ne parvenons pas à trouver la solution, mais tel est notre objectif. Nous proposons, pour clarifier la situation, de définir le lieu de coordination. Si le grand public suivait cette affaire dans le détail, il constaterait le caractère ubuesque de nos dispositifs ! Il ne s'agit pas de traiter en totalité la question de la gouvernance, mais au moins de nous accorder sur le vrai lieu de coordination. Nous suggérons donc de supprimer le conseil régional de l'emploi au bénéfice du comité de coordination régional de l'emploi et de la formation professionnelle, quitte à le développer et, comme c'est déjà le cas dans certaines régions, à créer en son sein une commission emploi, une commission formation, une commission jeunes ou une commission publics en difficulté... À nous ensuite d'organiser au mieux cette structure. Mais nous aurons un lieu unique de coordination, ce qui devrait vous convenir puisqu'il est, pour le moment, coprésidé par le président de région et le préfet de région, ce que vous voulez également faire pour le PRDF.
Je me suis exprimé longuement pour expliciter cette proposition, mais elle a le mérite de la simplicité et de la cohérence.
Défavorable. Le conseil régional de l'emploi a été créé en 2008. Laissons à cette institution, qui fait le lien entre Pôle emploi et les partenaires sociaux locaux, le temps de faire ses preuves.
Par ailleurs, vous reprochez souvent au Gouvernement de nous faire légiférer dans l'urgence. Or vous reprenez au vol des idées qui viennent d'un rapport publié récemment. Cet amendement, préparé un peu rapidement, ne fait pas référence aux articles du code du travail traitant des instances qu'il vise. S'il était adopté, le CRE devrait être supprimé, alors qu'il resterait mentionné dans le code du travail.
Je ne sous-estime pas l'importance du sujet dont traite cet amendement que M. Gille a défendu avec beaucoup de vigueur et de talent. Cela étant, nous avons besoin de stabilité. Le CRE vient à peine d'être adopté, dans la loi du 13 février 2008, avec sa nouvelle gouvernance. Un volet permet d'avoir la coordination avec le PRDF. En outre, je ne suis pas certain que nous soyons au coeur de ce qu'attendent nos concitoyens en matière de formation professionnelle.
La volonté d'améliorer la gouvernance est claire : le CRE a vocation à associer autour de Pôle emploi les partenaires sociaux et la région. Par ailleurs, s'agissant du pilotage et de la coordination de la formation professionnelle, le PRDF nous permettra d'avoir un objectif commun. Il y a d'un côté les politiques de l'emploi, de l'autre la coordination de la politique de formation professionnelle. J'estime que ce dispositif favorise la stabilité. Enfin, et je sais Pierre Méhaignerie sensible à cet argument, je me méfie de cette métamorphose perpétuelle qui nous pousse à changer sans cesse nos outils.
Vous avez adopté la nouvelle gouvernance en 2008. Pour que les choses se mettent place, il faut un peu de temps. Et, je le répète, ce que vous proposez n'est pas ce qu'attendent avant tout les demandeurs d'emploi et les salariés.
M. Gille a fait référence à mon intervention lors de la discussion générale. Sur le fond, je suis d'accord avec ses propos. Il faut en effet que nos débats clarifient la gouvernance, déterminent qui va coordonner l'ensemble de la formation professionnelle sur le territoire, quelle coordination établir avec l'emploi, avec l'insertion professionnelle, bref avec l'ensemble du parcours de formation des salariés ou des demandeurs d'emploi, voire des gens éloignés de l'emploi.
Cela étant, votre amendement, monsieur Gille, ne figure pas au bon endroit, puisque la question de la gouvernance est évoquée à l'article 20. Nous pourrons alors y réfléchir, en débattre, et M. le secrétaire d'État donnera son avis.
Contrairement à vous, nous pensons, au Nouveau Centre, que le CRE est la bonne instance. Toutefois, si nous ne sommes pas d'accord sur ce point, j'ai indiqué, lors de la discussion générale, être ouvert à toute autre proposition qui pourrait clarifier la situation et viserait à ce que le demandeur d'emploi, le salarié ou l'entreprise sachent où s'adresser et comment faire. C'est ce qui importe le plus. Savoir qui est le maître de la chapelle n'a pas grande importance.
Par conséquent, le groupe Nouveau Centre ne votera pas cet amendement.
La parole est à M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des affaires sociales.
Nous sommes au coeur du débat, et la question du pilotage et de la gouvernance va revenir très souvent dans nos discussions.
Beaucoup ici pensent que ce texte est nécessaire et, s'il reste un doute sur les conditions d'application, ce doute porte pour partie sur la gouvernance et sur le pilotage. Tout à l'heure, monsieur le ministre, vous avez parlé de « travailler ensemble ». Cette nuit, lors de notre débat, j'ai entendu « chacun dans son couloir ».
Au cours des dernières semaines, le Gouvernement a pris, à l'occasion d'un autre texte, la décision d'assurer aux victimes du chômage partiel le bénéfice de la formation. Mais lorsqu'il a fallu réunir autour de la table les OPCA, l'État, les partenaires sociaux et l'AFPA, au lieu de prendre une décision en quinze jours, il a fallu beaucoup de pressions et quatre mois et demi de discussions, si bien que l'heure de la formation n'est arrivée, pour les équipementiers automobiles, que lorsqu'il y a eu un début de reprise.
Le président Alain Rousset, comme d'autres – je pense à Mme Iborra –, estime que c'est la région qui devrait être le pilote. Pour ma part, je suis attaché au système décentralisé, mais je constate que nombre de régions ont repris les déficits et les difficultés de l'État en recentralisant au niveau de la région un certain nombre de compétences. Par ailleurs, le péché originel des régions vient de ce que certains de leurs dirigeants ont dit qu'elles seraient, après les élections, un contre-pouvoir de l'État. Il y avait donc déjà une difficulté majeure dans les relations entre l'État et les régions. En outre, il y a parfois, et dans tous les secteurs, du clientélisme.
Ainsi, monsieur le secrétaire d'État, le coeur du débat sera le pilotage et la gouvernance. Nous avons fait plusieurs réformes en matière de formation professionnelle. Il ne faudrait pas que chacun reste dans son couloir : nous devons travailler ensemble. Mais au final, qui prendra la décision pour que le système soit opérationnel ? C'est un point essentiel. L'État, compte tenu des moyens financiers dont il dispose, a autant d'intérêt que les régions à être le pilote. C'est une question centrale. Il serait dommage que, sur ce point, il y ait des retards ou des difficultés, car les deux progrès sociaux que nous pouvons attendre ces prochaines années sont la sécurisation des parcours professionnels et la formation tout au long de la vie.
Au regard de la multitude des systèmes d'orientation et des structures existant en France – ces dernières étant au nombre de vingt-deux –, il ne faudrait pas que, sur ce point essentiel de la formation tout au long de la vie, chacun reste dans son couloir, que le salarié de base ne sache plus où s'adresser et que l'on ignore qui est chargé de l'inspection et du contrôle.
Je ne m'exprimerai pas davantage. Nous en avons souvent parlé avec le rapporteur : les conditions d'application de ce texte portent sur la gouvernance et le pilotage de la réforme. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)
La question n'est pas vraiment de savoir qui décide de tout. Nous devons au moins nous mettre d'accord sur le lieu de coordination. Il ne s'agit pas de concurrence entre le préfet de région et le président du conseil régional ; le problème est qu'il y a maintenant deux lieux de coordination. Le rapporteur l'a souligné à juste titre : le Conseil économique, social et environnemental a rendu, la semaine dernière, un rapport qui propose, lui aussi, de supprimer le conseil régional de l'emploi.
Le rapporteur me fait grief de ne pas renvoyer aux articles du code du travail. La raison en est simple. Je propose de renforcer le CCREFP qui ne figure plus dans la partie législative du code depuis sa révision, mais dans la partie réglementaire. J'y vois tout de même une volonté de l'État et du Gouvernement, même s'il n'a pas lui-même procédé à cette révision, de gagner petit à petit du terrain. C'est pourquoi le CRE a été mis en place en février 2008. Nous avons eu alors un débat vif et intéressant. L'erreur a été de créer cette nouvelle instance, La seule explication plausible était, en fait, de disposer d'une instance présidée par le préfet de région.
Qu'importe, serais-je tenté de dire ! On pourrait même faire « à la carte ». L'essentiel est de nous accorder sur le lieu de coordination, qui peut être confié à l'un et le PRDF éventuellement à l'autre. Des solutions intelligentes peuvent être trouvées. Mais en rester au statu quo serait se tirer collectivement une balle dans le pied. Pour avoir bien connu cette situation, je peux témoigner que l'on passe un temps fou dans les réunions de coordination. Quand on commence à créer le coordinateur des coordinateurs, c'est que le système ne fonctionne pas bien et nous en sommes là ! Cela finira soit par une sorte d'éparpillement, soit par une décision brutale imposée par l'État, même s'il n'est plus en mesure de le faire financièrement.
Sur le terrain, on parvient, selon les personnalités, à travailler en bonne intelligence. Toutefois, tout le monde se plaît à le répéter, il n'est pas sérieux de mettre en place un dispositif très onéreux, qui ne dispose même pas de lieu de coordination au niveau régional, alors que chacun reconnaît que la région est le bon échelon pour décliner ces politiques.
Le conseil régional de l'emploi – créé, il est vrai, depuis peu – ne s'est réuni qu'une fois dans certaines régions. Cette instance n'est absolument pas dynamique parce que purement administrative, et je demande à l'administration de m'excuser pour ces propos. On se contente d'y enregistrer un certain nombre de statistiques, de constater que ce n'est pas mal, sans toutefois rien régler. C'est inversement proportionnel à ce que l'on voudrait réellement faire : conduire des politiques dynamiques.
De plus, alors que notre objectif tend à la simplification, que telle est la politique actuelle du Gouvernement et le fond même de ce texte, nous ne comprenons pas que des strates s'ajoutent les unes aux autres. J'ai souvent entendu le président Méhaignerie le dénoncer. Personne ne décide et ne pilote réellement. Même lors de l'examen de la loi sur la fusion ANPE-ASSEDIC, les régions n'ont jamais demandé de pilotage intégral. Elles ont réclamé que soient menées des expérimentations, ce que la ministre avait accepté. Or elles n'ont jamais eu lieu, monsieur Méhaignerie ! Comment peut-on ainsi croire que ce qui est discuté dans l'hémicycle sera appliqué ?
Un point est essentiel : à moins d'être favorable à la centralisation, on ne peut pas reprocher aux collectivités d'exercer les compétences que l'État leur a transférées ! Cela signifie-t-il que le chef de file est le seul qui dirige et qui décide ? Bien sûr que non ! Les régions l'ont compris depuis bien longtemps. Les régions sont relativement loin du terrain. Pour appliquer nos politiques et faire en sorte qu'elles soient lisibles pour le concitoyen, nous devons travailler avec tout le monde. C'est ce que ce nous faisons. On nous fait donc un mauvais procès. N'y a-t-il pas là, à quelques mois des élections régionales, quelques arrière-pensées ? (Protestations sur les bancs du groupe UMP.) Il fallait le dire parce que telle est la réalité !
Je vous rassure tout de suite, madame Iborra : il n'y a, de notre part, aucune suspicion sur la possibilité que vous déposiez des amendements destinés à renforcer les régions à l'approche des élections ! Je sais très bien que votre vision n'est absolument pas liée à la campagne des régionales ! (Rires et applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Comment faire en sorte que les dispositifs s'appliquent et se déclinent efficacement sur le terrain ? Tel est le fond du problème soulevé par Pierre Méhaignerie.
Je rebondirai sur deux exemples, parce que j'aime m'appuyer sur les réalités du terrain. La première, c'est celle de l'entreprise Cooper Standard, à laquelle vous avez fait allusion, monsieur le président Méhaignerie. Je reprends la chronologie des faits. Nous avons été en mesure de mettre en place une offre de formation en quatre à cinq mois. Si cela s'est avéré long – pas tant que cela d'ailleurs – c'est parce que l'entreprise a mis, en interne, du temps à définir son offre de formation dans le cadre du dialogue avec les partenaires sociaux. Une fois qu'ils se sont accordés sur ce qu'ils voulaient exactement, l'offre de formation a été financée en moins de deux mois, ce qui est tout de même une bonne performance.
Second exemple : Lionel Tardy peut en témoigner, nous sommes parvenus, s'agissant d'entreprises de la vallée de l'Arve, à mettre en place dans un délai extrêmement court une offre de formation, grâce, localement, à une mobilisation de la CGPME. En couplant formation et activité partielle, nous avons pu sauver de nombreuses entreprises. Cela prouve que, quand tout le monde se met autour de la table, on arrive à avancer.
Nous sommes dans un domaine où il est impossible de désigner un chef de file qui commanderait à tous les autres. Comment allez-vous expliquer aux partenaires sociaux que la région ou l'État leur imposera ce qu'ils doivent faire ? C'est impossible ! Les employeurs ou les représentants des syndicats n'accepteront pas de se laisser dire que les clés de la boutique seront confiées à l'État ou à la région, alors qu'ils alimentent les fonds à hauteur de plus de 11 milliards d'euros !
Vous parlez d'expérimenter la possibilité de confier aux régions ou à l'État un pouvoir de chef de file. C'est impossible dans un domaine où chacun dispose d'une partie de la compétence. On peut considérer que c'est anormal, mais cela se passe ainsi, notamment en Allemagne, où les partenaires sont associés. En effet, les blocs de compétence sont répartis, en la matière, entre les partenaires sociaux, l'État et les régions.
La loi améliore-t-elle le caractère opérationnel des initiatives ? Là encore, je prendrai l'exemple concret d'une entreprise qui a besoin d'une déclinaison rapide de formation en période d'activité partielle. Qu'est-ce qui va changer ? Chaque année, des accords-cadres permettront des financements rapides, grâce à des lignes de crédit dévolues sur lesquelles on pourra tirer très vite. La régulation sera bien meilleure au niveau national parce que, là où aujourd'hui chacun est dans son couloir, le travail sera conjoint. Au niveau régional, alors qu'actuellement chacun travaille de son côté – et vous avez eu raison de le souligner, madame Iborra –, on pourra, par le biais du PRDF, mettre en synergie les fonds de Pôle emploi et ceux des régions qui pourront être améliorés avec, là aussi, un droit de tirage renforcé.
Une autre donnée est très importante en termes de gouvernance, monsieur le président Méhaignerie. La logique d'OPCA est, à l'heure actuelle, très pénalisante. En effet, ces organismes sont très émiettés et ne permettent pas de réagir vite selon le secteur où l'on se trouve. Si rassembler les OPCA et les faire passer de cent à quinze n'est pas une clarification du système de gouvernance de la formation professionnelle, je ne sais pas ce que c'est ! C'est une révolution culturelle ! Ils étaient cent, chacun gérant son petit pré carré avec ses frais de gestion, et maintenant, ils sont quinze ! C'est une métamorphose ! Les cent OPCA étaient incapables de décliner un service sur le territoire. À quinze, ils disposent d'une capacité d'action beaucoup plus forte. Il y aura ainsi à Vitré et dans la vallée de l'Arve, par exemple, un interlocuteur de proximité, ce qui permettra d'agir ensemble.
J'ajouterai un dernier point que je ne voudrais pas que l'on perde de vue. Ces questions de gouvernance sont, certes, très importantes. Toutefois, et vous y avez fait allusion, monsieur Méhaignerie, ce qui intéresse essentiellement le demandeur d'emploi, c'est de savoir s'il aura accès à plus ou à moins de formation grâce à ce projet de loi. Eh bien oui, il aura accès à plus de formation. Le salarié d'une PME verra sa formation facilitée, puisque l'on sanctuarise en sa faveur 1,2 milliard d'euros. Le senior de plus de cinquante ans pourra enfin bénéficier d'un bilan et avoir accès à des formes de tutorat. La personne qui veut suivre une formation d'aide-soignante pourra bénéficier de fonds de la formation, ce qui n'est pas possible aujourd'hui. Et nous pourrons, monsieur de Rugy, financer des formations au développement durable ou aux emplois verts.
Je ne sous-estime pas les questions de gouvernance, mais je ne veux pas non plus qu'elles monopolisent le débat. Ce qui compte, pour les acteurs de terrain, c'est d'obtenir des fonds pour la formation de ceux qui ont en ont besoin. C'est sur ce point que le projet de loi met très fortement l'accent. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
(L'amendement n° 165 n'est pas adopté.)
Sur l'article 3, plusieurs orateurs sont inscrits.
La parole est à M. Xavier Breton.
L'article 3 propose de compléter le chapitre Ier du titre Ier du livre Ier du code de travail consacré à la formation professionnelle par trois nouveaux articles concernant l'information et l'orientation professionnelle.
Il est vrai que des progrès très importants peuvent être accomplis dans ces domaines, tant le système existant manque de lisibilité. Or on sait que l'orientation et l'information sont le fondement de tout parcours professionnel, et le sont d'autant plus dans une période de forte mutation économique, laquelle nécessite de plus en plus de facultés d'adaptation. Il est donc indispensable, pour accompagner les jeunes comme les adultes dans leur parcours, de proposer des dispositifs d'information et d'aide à l'orientation fiables et efficaces.
Dans cet esprit, l'article 3 propose une démarche de labellisation visant à reconnaître à certains organismes une mission d'intérêt général, d'information et d'orientation professionnelle. Ce label serait accordé à des organismes et des réseaux qui développent une méthodologie éprouvée et qui articulent stratégie individuelle et besoins économiques. Il est en effet essentiel de ne pas considérer l'information et l'orientation comme un processus anonyme et standardisé, mais au contraire de promouvoir, comme le fait par exemple le réseau des maisons de l'information sur la formation et l'emploi, une approche personnalisée d'orientation et d'accompagnement visant à rendre chaque personne actrice de son parcours professionnel. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Nous finissons d'examiner, avec l'article 3, le titre Ier censé affirmer le droit à l'information, à l'orientation et à la qualification professionnelle. Cet article se bornait, dans sa rédaction initiale, à poser la base légale d'une future labellisation des organismes participant à l'orientation professionnelle.
Nous avons déploré l'absence d'ambition de ce simple étiquetage des organismes d'orientation et avons été, en cela, suivis par le rapporteur au fond, qui a lui-même concédé, dans son rapport, que le dispositif ne répondait « pas complètement à la nécessité d'une réorganisation profonde de l'orientation professionnelle ».
Nous avons, en outre, jugé cette proposition peu satisfaisante en ce qu'elle se contentait de faire référence à des activités d'intérêt général, alors que nous préconisons la mise en place d'un service public national d'orientation territorialisé. Même si nous notons les efforts concédés en commission pour inscrire finalement dans la loi le droit de toute personne à être informée, conseillée et accompagnée en matière d'orientation professionnelle, nous continuons de penser, en ce qui concerne les modalités de mise en oeuvre de ce droit, que l'article 3 n'est toujours pas à la hauteur.
Pour ce qui est de la mise en place d'une plateforme téléphonique chargée d'une première orientation professionnelle, nous avons déjà fait part de notre scepticisme, même si nous nous félicitons que soit mentionnée la gratuité de ce service. Sachant que son financement et celui du site Internet également dédié seront assurés par le fonds de sécurisation des parcours professionnels, nous nous étonnons toutefois que notre amendement n° 93 , qui prévoyait explicitement leur accessibilité aux personnes handicapées, n'ait pas franchi l'obstacle de la recevabilité financière.
Sur le site de votre secrétariat d'État, monsieur le secrétaire d'État, il existe un chapitre « handicap ». Vous y faites référence à une réunion avec le Président de la République qui a eu lieu le 1er avril 2009, à laquelle participait notamment Nathalie Kosciusko-Morizet, et on y explique les moyens techniques à la disposition des personnes handicapées en matière numérique. Or les personnes handicapées ne peuvent pas utiliser ce site. Certes, il y a la loupe pour y voir mieux mais il n'y a rien en audio, c'est-à-dire que tout ce que vous défendez dans cet article n'y est pas mis en oeuvre. Pour l'accessibilité aux personnes handicapées, il est urgent de le faire.
Nous avions déposé en commission un amendement, n° 157 , portant article additionnel entre l'article 2 et l'article 3, qui a été déclaré irrecevable au titre de l'article 40. Je serais d'ailleurs ravi que le rapporteur ou le président de la commission m'explique pourquoi.
Cet amendement proposait une chose extrêmement simple, que les actions de formation professionnelle et d'insertion qui relèvent du service public de l'emploi, qui relèvent de la compétence des régions ou des départements et qui sont exécutées par des organismes de formation mandatés par l'État ou par des collectivités territoriales constituent des services sociaux. À ce titre, en effet, ils sont exclus du champ d'application de la directive « Services ».
Il est extrêmement important que cet article additionnel figure dans le projet de loi que nous sommes en train d'examiner.
Comme je le rappelais hier à la tribune lors de la discussion générale, nous sommes dans un processus de transposition de la directive « Services », que nous devons transposer en droit français d'ici au 28 décembre 2009. Nous avons questionné plusieurs fois le Gouvernement, j'ai moi-même posé une question à M. Bruno Lemaire le 20 mai, et nous n'avons pas eu de réponse sur les modalités et le calendrier de cette transposition. Mme Valérie Rosso-Debord a rédigé un rapport sur la question, même si elle ne se prononçait pas sur les modalités de la transposition.
Selon un rapport d'information déposé au Sénat le 17 juin, le Gouvernement français a abandonné l'objectif de déposer un projet de loi-cadre pour transposer la directive « Services ». Dans ce cas, cela veut dire très clairement que nous devrons nous prononcer, secteur par secteur, dans les projets de loi que nous aurons à examiner, sur ce qui relève ou ne relève pas de cette directive.
Je souhaite donc, monsieur le secrétaire d'État, que vous preniez quelques minutes pour nous répondre, parce que l'enjeu est considérable. Les services sociaux d'intérêt général, cela concerne la formation professionnelle mais aussi le secteur médico-social, les personnes âgées, la petite enfance, l'économie sociale et solidaire, environ 10 % des emplois, 60 000 opérateurs locaux, 36 000 communes, et nous devons, en tant que législateurs, apporter des réponses très claires aux acteurs de la formation professionnelle par exemple, qui attendent que l'on sécurise leur environnement juridique et que l'on établisse des règles claires leur permettant de ne pas être soumis simplement aux règles du marché intérieur et de la concurrence.
Ce projet de loi est donc tout à fait concerné par la question de la transposition de la directive « Services », et nous devons avoir des réponses du Gouvernement sur les services sociaux d'intérêt général.
L'article 3 est assez surprenant dans la mesure où ces dispositions relatives à l'orientation sont très en deçà de ce qui fait aujourd'hui consensus, la nécessité de mettre en place un service public d'orientation et de mieux répondre aux demandes dès le système scolaire.
Le système tel qu'il fonctionne aujourd'hui est très inégalitaire dans la mesure où c'est le fait d'avoir des réseaux d'information, de connaître le bon dispositif à mettre en oeuvre et l'endroit où l'on va trouver les bonnes informations, qui permet à un jeune de s'orienter en fonction d'un projet qu'il arrive à élaborer.
Les services qui dispensent les informations sont souvent extrêmement frileux et hésitent, par manque d'informations ou par inquiétude, à mettre en avant certaines filières ou certains métiers moins connus, moins banals.
Par conséquent, les jeunes, en particulier lors des transitions, le passage de la troisième vers le lycée professionnel, technique, ou vers un CAP, ou le passage du lycée vers l'université, sont fragilisés et insuffisamment informés, insuffisamment informés aussi de la réalité de ce qu'est le monde de l'entreprise, la vie dans le monde du travail.
Les propositions qui sont faites paraissent donc très en arrière de la main.
La commission Hirsch a longuement travaillé. Elle n'est pas arrivée à un consensus sur l'ensemble des propositions mais, s'il est bien un domaine dans lequel il y avait un consensus sur le constat et un accord relativement large sur les pistes d'orientation, c'est bien l'orientation.
Nous pourrions donc réfléchir dans deux directions.
Il faut d'abord redéfinir la place de l'orientation dans le cursus scolaire, favoriser et accompagner les échanges avec le monde professionnel. De ce point de vue, et j'ai déjà pris la parole pour regretter que ce texte n'aille pas plus loin dans ce sens, il est absolument nécessaire de mobiliser les branches professionnelles et l'administration car, pour la connaissance et la présentation des métiers, on ne peut pas dire que le secteur public fasse preuve d'innovation et d'imagination en la matière, ce qui est un peu étonnant.
Il y a toute une série de propositions qui pourraient être reprises pour donner une meilleure place à l'orientation dans le cursus scolaire, avoir un temps dédié aux différents stades de l'école ou plus tard, mettre en place un accompagnement suivi, prévoir un temps d'écoute pour permettre au jeune de construire son propre projet.
La seconde direction dans laquelle il est absolument urgent de s'engager, c'est la création d'une instance de pilotage au niveau territorial. Il semble y avoir un accord très large pour que ce soit à l'échelon régional, ce qui ne veut évidemment pas dire que la région serait seule à s'impliquer. C'est une instance qui doit être partenariale et mettre en relation les services de l'État, ceux de la région et ceux des différents départements.
La coordination et la responsabilisation des acteurs paraissent être une nécessité. Monsieur le secrétaire d'État, le Gouvernement a déjà été capable de faire très rapidement des propositions alors que des textes étaient déjà en discussion. On peut donc se demander pourquoi vous tenez à maintenir un article 3 dont la durée de vie sera manifestement très courte tant il paraît inévitable que des propositions plus ambitieuses soient faites, au moins dans le cadre d'expérimentations territoriales.
Nous vous suggérons donc d'accepter la suppression des dispositions de cet article et de faire des propositions pour aller plus loin, ce qui est attendu fortement par l'ensemble des acteurs concernés.
Je serai brève car Marisol Touraine a bien développé notre position.
Il est tout de même assez illusoire de penser qu'on peut améliorer l'orientation en faisant un portail national. Il faut ne pas savoir comment cela fonctionne, ou n'avoir rien à dire et vouloir tout de même dire quelque chose. C'est affligeant.
L'orientation en France, tous les gouvernements en ont parlé et nous sommes bien d'accord, a besoin d'être réformée, mais penser qu'on va régler la question grâce à un portail paraît vraiment illusoire, d'autant plus que des portails existent, élaborés avec l'ensemble des acteurs ; et l'éducation nationale en particulier. Comment peut-on parler de l'orientation dans ce projet de loi sans même faire allusion à l'éducation nationale ? C'est affligeant et c'est incompréhensible. Ils ont été réalisés avec l'éducation nationale, les associations, les collectivités locales, tous ceux qui avaient un droit de regard sur l'orientation, et Dieu sait s'ils sont nombreux. C'est le résultat de concertations et de consultations ; et ils ont donc fait l'objet non seulement de négociations mais aussi d'applications et de chartes.
On réinvente l'eau chaude, on reprend ce qui est déjà fait en disant que ce sera un miracle. Le niveau sera national, et on demande en plus aux régions de financer alors qu'elles étaient déjà les seules à financer les portails qui ont été mis en place. Ce n'est pas sérieux et c'est décevant.
Que, sur les vingt-quatre articles que contient ce projet de loi, il n'y en ait qu'un seul, l'article 3, qui soit consacré à l'orientation alors même que c'est un projet relatif d'abord à l'orientation, cela paraît un peu léger.
Pourtant, c'est là que tout commence. Marisol Touraine l'a bien précisé, de nombreux jeunes sont totalement perdus pour leur orientation professionnelle. Quels sont les jeunes qui, à quinze ans, dix-huit ans et même au-delà, savent exactement ce qu'ils vont faire ou veulent faire, quel que soit d'ailleurs leur niveau de diplôme ? Il est donc absolument nécessaire d'avoir une orientation de grande qualité.
Vous en faites un droit, c'est bien. Il est gratuit, heureusement. Ce qui m'inquiète plus, c'est que ce soit un service dématérialisé. Dématérialisé, cela me fait un peu penser à quelque chose de déshumanisé.
Quand on est sur le terrain, et vous l'êtes tous, mes chers collègues, on sait bien que l'orientation se joue dans un tête à tête avec un conseiller qui peut réagir immédiatement à une proposition ou à une contre-proposition. C'est un tel débat qui est intéressant. On ne traitera pas le problème en appuyant sur un bouton et en accédant à Internet, quelle que soit la qualité du service, qui sera de qualité et accessible à toute personne. Pensez-vous qu'au bout de dix minutes, on aura compris quelle est sa voie professionnelle ? Ce n'est pas ainsi que cela se joue, et on le sait très bien ici. Ne nous donnons pas l'illusion qu'on réglera le problème de cette manière.
Le rapport Guégot allait d'ailleurs beaucoup plus loin puisqu'il parlait d'un véritable service public de l'orientation. Cela avait beaucoup plus de sens que ce que vous nous proposez, mais le coût était vraisemblablement beaucoup plus élevé.
Vous labellisez pour donner le sentiment que vous mettez de l'ordre mais vous ne réglerez pas le problème, vous ne remplacerez pas le contact personnel avec les jeunes ou les moins jeunes qui veulent s'orienter ou se réorienter. Il faut du personnel, tout est là. C'est vrai que cela a un coût mais, si l'on veut réussir, il faut se donner les moyens de son ambition.
Le rapporteur pour avis nous a dit avoir proposé une nouvelle rédaction de l'article 3 issue des discussions avec les organismes intervenant dans le champ de l'information et de l'orientation professionnelles, mais nous nous interrogeons car, visiblement, il n'a pas entendu les mêmes avis que le haut-commissaire à la jeunesse. Celui-ci vient en effet de rendre public, au terme de quatre mois de débat, un Livre vert destiné à refonder la politique en faveur des 16-25 ans, dans lequel il suggère noir sur blanc de créer un service public de l'orientation compétent pour l'orientation tout au long de la vie, bien loin donc de la simple proposition de labellisation des organismes.
Nous estimons que la rédaction aujourd'hui proposée anticipe sur le débat public qui se tiendra sur les conclusions du Livre vert ainsi que sur la mission confiée à notre collègue Françoise Guégot, chargée de formuler des propositions visant à développer « une véritable politique publique d'orientation professionnelle ».
Pour toutes ces raisons, et d'autres que nous développerons, si cet amendement n'est pas adopté à l'alinéa 7, nous vous invitons à voter la suppression de cet article.
Cet amendement vise à supprimer l'article 3 parce que la commission Hirsch n'a pas encore rendu ses conclusions sur la jeunesse et que nous ne pouvons donc pas aujourd'hui prendre celles-ci en considération, notamment celles concernant l'orientation. En attendant de pouvoir les intégrer dans un texte sur l'orientation professionnelle, il convient bien de supprimer cet article.
L'orientation, au même titre que la formation professionnelle ou les prestations d'insertion, fait partie des services sociaux d'intérêt général que nous avons évoqués tout à l'heure. Nous serions intéressés de connaître la doctrine du secrétaire d'État à cet égard, et nous souhaitons qu'il nous indique comment le Gouvernement entend prendre en considération le souci exprimé par les acteurs de la formation professionnelle d'échapper à l'application de la directive « Services ».
Monsieur Juanico, vous aurez non seulement l'avis du Gouvernement, mais aussi celui de la commission des affaires économiques.
La parole est à M. le rapporteur pour avis.
L'article 3 cause un certain nombre de difficultés à nos collègues socialistes, et cela me surprend. Je relève une certaine incohérence dans leurs propos depuis le début de nos débats. Chacun s'accorde à dire que la formation initiale différée est un sujet qui nous intéresse tous, et le rapporteur Gérard Cherpion a souligné l'importance de poser pavé après pavé pour avancer. Ce qu'a dit M. Gille n'est d'ailleurs pas antinomique.
Si nous imaginons le lien pouvant exister entre l'orientation et la formation initiale différée – Mme Touraine a évoqué l'orientation très en amont, au niveau scolaire et secondaire –, je suis un peu surpris que l'on demande la suppression de cet article. Il faut savoir ce que l'on veut !
Les jugements de valeur sur cet article sont allés d'« affligeant » à « léger » en passant par le sarcasme : il « réinventerait l'eau chaude ». M. Issindou relève toutefois que l'article met en ordre ce qui existe. Nos collègues ont donc des appréciations quelque peu différentes.
Nous faisons tous le même constat : le système d'orientation professionnelle aujourd'hui ne fonctionne pas ou fonctionne très mal. L'ensemble des acteurs s'accordent à dire qu'il faut absolument essayer de fédérer et de coordonner les efforts.
J'ai rencontré les organismes responsables, publics et privés, qu'il s'agisse du Centre INFFO, de l'ONISEP, de la Cité des Métiers, du FONGECIF, d'INTERMIFE. Tous s'accordent sur le fait que l'on pourrait essayer de fédérer les initiatives et de parvenir à un portail unique, une sorte de « 112 », comme je l'ai appelé, qui offrirait, notamment aux publics les plus défavorisés, qu'il s'agisse des scolaires, des familles ou des salariés, un repère pour aller chercher le premier élément d'orientation.
Madame Iborra, cela n'est pas du tout antinomique avec les plateformes déjà mises en place par les régions. Ce portail est un travail en coopération avec les régions et tous ceux qui voudront s'y associer. Et dès lors qu'un certain nombre d'acteurs s'y associent, il est évident qu'il faut encadrer le dispositif, ce qui n'est possible que par l'agrément ou le label.
Ce texte possède donc une cohérence interne. L'article 3 a été presque intégralement réécrit par un amendement que j'ai déposé et qui a été repris par les commissions des affaires économiques et des affaires sociales. Premièrement, l'orientation est un droit ; deuxièmement, un portail unique est créé ; troisièmement, tous les acteurs qui voudront participer à l'orientation, pour tous les publics, seront labellisés. Cela ne réglera pas tous les problèmes tout de suite, mais, comme le disait M. Issindou, cela aura au moins le mérite de mettre en ordre et d'ouvrir.
Cela n'est absolument pas antinomique non plus avec la mission confiée à Françoise Guégot sur la mise en place d'un système d'agrément. Au contraire, les propositions de ce texte sont les fondements de la mission de Mme Guégot. Cela comprend également les propositions que pourra faire Martin Hirsch.
Selon vous, parce que ces travaux ne sont pas terminés, il ne faudrait pas tracer dès maintenant le cadre – les trois éléments que j'ai définis – de ce que vous appelez de vos voeux !
Nous émettons un avis défavorable à la suppression de cet article.
Défavorable également.
L'article 3 a fait l'objet d'un travail considérable de la commission, notamment de M. Anciaux, rapporteur pour avis, et de M. Tian, qui a contribué à son amélioration.
Je ne comprends pas le raisonnement de l'opposition. Certes, nous avons beaucoup à faire pour améliorer l'orientation, et il ne s'agit que d'une première étape. Mais nous ne pouvons pas attendre telles ou telles conclusions et prendre encore un an dans la vue, sans rien faire !
Monsieur Issindou, je suis entièrement d'accord avec vous : un service Internet ne remplace pas un contact personnalisé. Vous avez lu l'article : un service Internet est en effet prévu, parce que c'est quelque chose d'utile, mais il y aura également un lieu d'information avec un contact physique personnalisé. Je n'aurais jamais signé un dispositif prétendant régler les problèmes des gens uniquement avec une plateforme Internet.
En revanche, je crois en l'utilité de la conjonction des deux approches, parce qu'il est important de pouvoir disposer d'un premier niveau d'information avant de recourir au service personnalisé.
Madame Iborra, le but n'est pas de balayer les plateformes déjà mises en place, mais de construire au niveau national une plateforme qui permette de réunir l'ensemble des informations. Vous le savez bien, en particulier en tant qu'élue d'une région très attractive qui attire des gens d'autres régions : cela ne peut pas marcher avec un ressort uniquement régional des plateformes. La mobilité de nos étudiants est importante, et il faut pouvoir leur apporter une aide à l'orientation à l'échelle nationale, en assurant une bonne coordination de tout ce qui est réalisé par l'acteur éducation nationale et les acteurs régions.
Je ne prétends pas que ce soit l'alpha et l'oméga en matière d'orientation, mais il me semble difficile de défendre la suppression d'un article destiné à créer un numéro et une plateforme uniques en matière d'orientation ainsi que des lieux labellisés où un contact physique personnalisé sera possible. Je n'arrive pas à comprendre pourquoi vous menez une telle bataille sur ce sujet. Cela ira tout de même mieux avec que sans !
Nous n'avons pas obtenu de réponse satisfaisante.
Pas de faux procès entre nous ! Le droit à l'orientation et à l'information existe, et il est constitutionnel. Nous y sommes bien évidemment favorables ; comment pourrait-on être contre ? Mais nous considérons que ce texte présenté dans la précipitation ne répond pas véritablement aux problèmes.
Tout le monde a déjà eu l'idée du portail unique. Il existe d'ailleurs déjà un portail national : celui du Centre INFFO, lequel continue à y travailler et à le développer. Cependant, à l'heure de l'Internet, le sujet n'est pas de créer un lieu unique ; la pratique de l'Internet, c'est le réseau : il s'agit de mettre en réseau tous les portails existants. Il en existe une quinzaine dans les régions, sans parler des plateformes téléphoniques qui permettent de se renseigner.
Chacun le sait, ce n'est pas par un coup de fil qu'un problème d'orientation peut être réglé. Vous me direz qu'il ne s'agit pas de le régler à ce niveau mais de renvoyer la personne vers les bons interlocuteurs. On en vient donc au coeur du problème.
Le vrai problème n'est en effet pas le front office, c'est-à-dire les modalités du premier contact. Je pense que les outils à ce niveau existent ; ils sont perfectibles, et il s'agit de les mettre en réseau…
…et non de les centraliser.
Le problème, c'est le back office. Vous allez faire – nous n'en doutons pas – un effet d'annonce…
…en disant : « Appelez tel numéro et vous obtiendrez le renseignement que vous cherchez. » La déception sera terrible car, comme cela a été dit à de multiples reprises, le numéro renverra ensuite vers vingt-deux dispositifs différents. La désespérance sera reculée d'un cran mais elle sera plus importante au bout du compte, parce que les gens n'auront toujours pas la réponse qu'ils attendent. Ils percevront mieux encore la complexité du dispositif mais n'auront pas obtenu une réponse précise, parce que celle-ci passe par des contacts avec des conseillers. Un premier entretien d'orientation approfondi dure au minimum quarante-cinq minutes et nécessite tout un travail ensuite.
Il existe de nombreux dispositifs dont vous ne parlez pas : tous les dispositifs d'information sur la formation, le réseau des CARIF, qui est sûrement en restructuration… C'est tout cela qu'il faut prendre en considération et qui nécessite un vrai travail. En outre, vous faites preuve – il faut bien le dire – d'un certain mépris pour le travail mené dans le cadre de la commission Hirsch.
L'orientation au sens français est basée sur l'orientation scolaire, qui consiste essentiellement à se repérer dans un dispositif de formation et pas tant dans un dispositif d'éducation au choix, d'apprentissage de ce qui est bon pour soi-même, ce qui n'est généralement pas si simple. C'est pour cela qu'il existe vingt-deux dispositifs : chaque dispositif de formation a créé son dispositif d'orientation, pour faire venir des gens dans son propre champ, ce qui nécessite qu'ils puissent s'y orienter, au sens géographique, presque, et s'y repérer. Ce qui manque, c'est une véritable culture de l'orientation, de l'éducation au choix, comme l'a développée, par exemple, le Québec.
Enfin, monsieur le secrétaire d'État, nous attendons toujours votre réponse sur la question posée par Régis Juanico de la transposition de la directive européenne. Elle concerne également les dispositifs d'orientation. Vous nous parlez de labellisation et c'est louable, mais vous n'échapperez pas au principe de la concurrence, à moins de décider que tout ce qui concerne les dispositifs d'orientation reste hors du champ de la directive « Services ». Nous exigeons donc des réponses sur ce sujet parce que, sinon, nous allons voter quelque chose qui peut être sympathique mais qui ne résout pas les problèmes et n'empêchera pas que la question de l'application de la directive soit à nouveau posée d'ici à la fin de l'année. Vous ne pouvez créer un dispositif de labellisation national sans apporter de réponses sur ces sujets.
Monsieur Gille, vous recherchez la forme la plus aboutie, qui est en effet l'entretien personnalisé de quarante-cinq minutes. Mais croyez-vous que ce soit en claquant des doigts et par le biais d'un texte que l'écart entre la situation actuelle – 8 500 organismes, la multiplicité des plateformes, l'incohérence totale – et ce que vous évoquez pourra être comblé ? Non. Ce texte est une première étape.
Quant à la commission Hirsch, elle traite uniquement du problème des jeunes, alors que nous balayons beaucoup plus large.
Vous avez parlé du Centre INFFO. Vous ne pouvez pas nier qu'il existe entre ce centre et l'ONISEP une complémentarité évidente.
Quand les acteurs « institutionnels » sont d'accord sur le principe – et je peux en témoigner pour avoir passé de longues heures à les auditionner –, pourquoi s'ingénier à démonter ce qui se met en place, même si c'est perfectible ?
(Les amendements identiques nos 90 et 166 ne sont pas adoptés.)
Il s'agit d'un amendement de coordination, procédant à une simple renumérotation. Le droit à l'orientation que l'article 3 permet de mettre en oeuvre suite à l'adoption de l'amendement de la commission des affaires économiques doit être rattaché au chapitre qui en traite, en vertu de l'article 2 bis.
(L'amendement n° 4 , accepté par le Gouvernement, est adopté.)
Je suis saisi d'un amendement n° 167 .
La parole est à M. Victorin Lurel.
Monsieur le secrétaire d'État, vous parlez d'un véritable rendez-vous de conseil et d'orientation, mais cela ne ressort nullement de la rédaction de votre projet. Il y est question de conseils personnalisés mais nullement d'entrevue individuelle et personnalisée.
Par ailleurs, monsieur le rapporteur, ce n'est pas nous qui pensons organiser les 8 500 organismes d'un simple claquement de doigts. C'est vous qui centralisez, en instaurant un portail unique au niveau national. Soit. Mais il existe déjà des portails – Michel Issindou parlait de vingt-deux réseaux ; il y en aura vingt-six si l'on inclut les quatre régions d'outremer.
J'en viens à mon amendement. Il est curieux que vous recentralisiez aujourd'hui des compétences dévolues aux régions, tandis qu'au contraire vous en appelez à la participation des régions s'agissant de vos propres compétences, en leur demandant de financer ce qui vous appartient. C'est un peu asymétrique !
Je prendrai l'exemple de la Guadeloupe, que je connais bien, mais j'imagine que, mutatis mutandis, c'est la même chose dans l'Hexagone. À notre arrivée à la tête de la région en 2004, nous avons trouvé une situation véritablement catastrophique. Près de 40 % des crédits n'étaient pas consommés, si bien que l'AFPA, largement financée par la région mais sans être soumise à aucun contrôle, a été liquidée, ce qui ne s'était jamais vu dans une autre région. À l'heure actuelle, nous devons 18 à 20 millions d'euros à l'Europe, car l'État et la région n'ont pas fait leur travail.
Aujourd'hui le service public de l'orientation est financé par la région Guadeloupe, qui se tient à la disposition de Pôle emploi. C'est le conseil régional qui met à sa disposition les psychologues et les conseillers d'orientation que le pôle n'a pu recruter faute de moyens. Pourtant, malgré les bons rapports que nous entretenons avec son directeur, Pôle emploi agit unilatéralement. Or nous n'avons pas à assumer des tâches qui vous incombent et qui relèvent d'une mission d'intérêt général.
Ma réponse vaudra aussi pour l'amendement n° 169 .
Monsieur Lurel, l'alinéa 6 précise qu' « une convention peut être conclue entre l'État, les régions et le fonds » ; il n'y a donc rien d'obligatoire.
Il y a une contradiction entre votre souci de voir les régions jouer un rôle pilote en matière de formation professionnelle et d'orientation et la manière dont vous entendez les empêcher de signer des conventions au service de l'orientation. Je souligne donc votre incohérence.
L'amendement n° 167 , comme l'amendement 169 , a été repoussé par la commission, car le financement de ce service public repose sur l'État, les régions et les partenaires sociaux, via le fonds de sécurisation des parcours professionnels. Comme il s'agit d'un financement par voie conventionnelle, chacun sera libre de développer ou non ce service de l'orientation cher aux régions.
Avis défavorable. Je n'arrive pas à comprendre la bataille que vous livrez sur l'article 3. Personne n'oblige les régions à financer, il s'agit simplement d'une possibilité qui leur est offerte et dont elles usent déjà, puisque l'ARF, selon vos propres souhaits, finance la plateforme d'orientation à hauteur de 50 000 euros. Personne ne vous force la main, mais nous préservons la possibilité pour les régions d'être associées au financement.
Par ailleurs, monsieur Lurel, j'ai beaucoup de respect pour votre action locale mais, concernant la Guadeloupe, il y a certaines choses que je ne peux pas entendre. Je rappelle que l'État affecte 32 millions d'euros de dotation à la région et que, depuis cinq ans, vous n'en dépensez que 13 millions. Ce sont les chiffres officiels en dépenses déclarées.
Mais non ! On va vous envoyer les vrais chiffres ! Il y a un problème statistique !
Ce sont les chiffres déclarés par vos propres services, et ils vous placent parmi les quatre régions qui dépensent beaucoup moins que les dotations accordées par l'État. Que l'on ne vienne donc pas de me parler de désengagement en Guadeloupe ! Encore une fois je suis à votre disposition pour faire en sorte que ces sommes soient vraiment dépensées, là où cela est nécessaire.
(L'amendement n° 167 n'est pas adopté.)
Je suis saisi d'un amendement n° 169 .
La parole est à M. Victorin Lurel.
Monsieur le secrétaire d'État, des actions pénales ont été engagées contre mon prédécesseur dans cet affaire ! Vos chiffres sont faux, je vous le répète. L'équipe du conseil régional à laquelle nous avons succédé et qui appartenait à votre famille politique s'est montré défaillante. Nous avons dû tout remettre à plat, à cause d'une mauvaise gouvernance. Quant aux chiffres, ils n'existaient même pas ! Tout est à reprendre, et il a fallu le courage des magistrats pour démonter le système. Je vous renvoie donc à votre propre gabegie.
Par ailleurs, pourquoi ne pas laisser au contractuel ce qui relève du contractuel ? Pourquoi vouloir consigner dans un texte une disposition facultative et non impérative ? Ce qui se pratique aujourd'hui se fait sur la base de la libre administration territoriale. Les régions sont déjà engagées, et nous ne souhaitons pas, par crainte des pressions, que ce financement soit formalisé dans la loi.
Même avis.
(L'amendement n° 169 n'est pas adopté.)
Je suis saisi de trois amendements, nos 91 rectifié , 43 et 168 , pouvant être soumis à une discussion commune.
La parole est à M. Jean-Paul Lecoq, pour soutenir l'amendement n° 91 rectifié .
Le rapport a signalé la formulation atypique en droit français de l'alinéa 7 de cet article et indiqué que l'on parlait plus classiquement de « mission de service public ».
Pour notre part, nous craignons fortement l'utilisation des termes de « mission d'intérêt général », qui font clairement référence à la terminologie employée dans le champ communautaire, et notamment aux « services sociaux d'intérêt général ».
Dans la lignée de nos oppositions au traité constitutionnel européen et au traité de Lisbonne, notre volonté est bien de nous démarquer des débats en cours au niveau européen, qui tendent en effet à vouloir soumettre les services sociaux d'intérêt général aux règles de la concurrence. C'est ce qui a conduit, il y a quelques semaines, les députés communistes, républicains, du parti de gauche, à défendre une proposition de résolution dans ce même hémicycle sur la communication de la Commission du 26 avril 2006 intitulée « Mettre en oeuvre le programme communautaire de Lisbonne – Les services sociaux d'intérêt général dans l'Union européenne. »
Pour revenir à l'alinéa 7, et comme l'indique l'exposé des motifs de cet amendement, nous souhaitons que les organismes visés à l'article 3 ne se voient pas conférer une seule mission d'intérêt général mais bien une mission de service public. Ce genre de subtilité lexicale nous paraît très important dans le contexte actuel d'attaques organisées contre nos services publics à la française.
Notre amendement va dans le même sens que celui de M. Lecoq. Je propose de remplacer les mots « exerçant la mission d'intérêt général » par « participant à la mission de service public ».
L'amendement de M. Lecoq avait été repoussé en commission car il mentionne l'agrément des organismes de formation. Nous préférons la notion de labellisation, plus souple et qui permet soit de s'adapter soit de disparaître, tandis que l'agrément opère comme un couperet.
La parole est à M. Michel Issindou, pour défendre l'amendement n° 168 .
Nous nous félicitons de la position du rapporteur, mais nous aimerions interroger de nouveau le secrétaire d'État, qui n'a pas répondu à la question que lui posait Jean-Patrick Gille.
Les services d'orientation seront-ils oui ou non soumis à la concurrence européenne ? Le terme d' « intérêt général » pourrait le laisser penser et nous souhaiterions donc savoir, monsieur le secrétaire d'État, si, dans votre esprit, comme dans celui du rapporteur, la formation et l'orientation seront bien des services publics . Pouvez-vous apaiser nos inquiétudes ?
Nous nous étions engagés, sur votre demande, à réfléchir à une modification de la dénomination de « mission d'intérêt général » en « mission de service public ». C'est ce que propose l'amendement présenté par Gérard Cherpion, et il n'y a donc aucune ambiguïté quant à notre attachement à la mission de service public.
Quant à la transposition de la directive « Services », nous avons étudié le problème. L'application de la directive ne changera rien au droit de la formation tel que nous le connaissons aujourd'hui. Les services de Bruxelles considèrent que la formation est une activité économique et qu'à ce titre elle est soumise à la concurrence ; cela a été dit et répété, et, honnêtement, je ne crois pas à nos chances d'obtenir une majorité pour changer ce point au niveau européen. La formation restera donc soumise au droit européen – mais c'est déjà le droit existant, et appliqué par Bruxelles.
En revanche, cela ne change rien au reste de notre organisation.
Monsieur le secrétaire d'État, je vous ai écouté avec beaucoup d'attention : les mots ont ici leur importance. Vous parlez de « missions de service public » ; nous parlons, nous, de « service public », c'est-à-dire d'une organisation.
Une mission de service public peut très bien être effectuée après un appel d'offres, et une mise en concurrence, par des organismes privés. Un service public assure, à l'évidence, une mission de service public, mais il n'est pas soumis au champ de la concurrence.
Vous ne pouvez pas répondre à la question de la défense du service public par les seules « missions » de service public.
Monsieur le secrétaire d'État, vous vous obstinez à ne pas traiter le problème de la directive « Services » – cette fois, vous nous renvoyez à vos experts qui estiment que ce n'est pas nécessaire.
Nous ne devons pas avoir les mêmes lectures, ou nous ne devons pas parler aux mêmes personnes. On sait que le domaine de l'éducation est mis hors du champ de la directive « Services » ; en revanche, il revient aux États de l'interpréter en ce qui concerne la question de la formation.
C'est un vrai problème, sur lequel il faudra bien nous prononcer. Il existe une vraie marge d'appréciation, qui permet d'exclure tout ou partie de la formation professionnelle – sinon, il ne peut plus y avoir de service public de la formation.
Ensuite se posera la question du mandatement de service public. Nous avons bien compris que vous étiez jacobin, et donc favorable à ce que ce rôle soit dévolu à l'État. Pour nous, si l'État considère que tout doit être soumis à la concurrence, les régions sont prêtes à prendre leur part de responsabilité, dans le cadre d'un mandatement régional. Cela permettrait de résoudre la question de l'AFPA, mais cela intéresse aussi l'ensemble des missions de service public dans le domaine de la formation.
Nous pouvons nous satisfaire de l'amendement Cherpion, que nous allons probablement voter, pour ce qui concerne la réaffirmation du caractère de service public. Mais cela repose une question : quelle est votre position sur la transposition de la directive « Services », comment ferez-vous pour que l'orientation puisse demeurer un service public ? Je pense que le problème est toujours posé, et que votre réponse n'est pas tout à fait satisfaisante.
Je voudrais enfin demander une précision sur une expression qui figure dans la suite du texte : « les organismes qui proposent dans un lieu unique […] un ensemble de services de qualité ». Comment faut-il comprendre cette notion énigmatique de « lieu unique » ? À quoi peut-elle bien renvoyer – d'autant qu'on dit beaucoup, d'autre part, que l'orientation bascule souvent aujourd'hui vers l'Internet ? S'agit-il d'un lieu géographique unique, ou bien doit-il y avoir un lieu unique par territoire ?
La formulation est en tout cas ambiguë. Nous avions déjà posé la question en commission ; elle nécessiterait une réponse.
(L'amendement n° 91 rectifié n'est pas adopté.)
(L'amendement n° 43 est adopté.)
Je suis saisi d'un amendement n° 55 .
La parole est à M. Jean-Frédéric Poisson.
L'article 3 prévoit, comme cela a été dit, les conditions dans lesquelles des organismes peuvent participer à la mission d'intérêt général d'information et d'orientation professionnelle, pour différents publics.
Lors de l'examen du projet de loi en commission, la labellisation des chambres des métiers et de l'artisanat a été évoquée. Le rôle de celles-ci comme organismes de diffusion de l'information sur les métiers a été consacré. Jusque-là, il n'y a rien à dire.
Compte tenu de la place particulière de l'artisanat, à laquelle je sais que M. le rapporteur pour avis est très attaché, il importe d'aller plus loin et de conforter le rôle des chambres des métiers et de l'artisanat comme participant de façon effective aux missions d'intérêt général d'information et d'orientation professionnelle, non seulement parce que ces chambres participent au service public d'accueil, d'information et d'orientation, mais aussi pour prendre en compte leur connaissance spécifique et leur proximité reconnue des métiers de l'artisanat.
Voilà pourquoi, monsieur le secrétaire d'État, messieurs les rapporteurs, il nous paraît important de mentionner explicitement les organismes consulaires dans le dispositif.
Une fois n'est pas coutume : je ne suis pas en accord parfait avec mon collègue Jean-Frédéric Poisson.
Je suis tout à fait d'accord sur le fait que les organismes consulaires dispensent sur les métiers et sur l'orientation une information de grande qualité. Ils disposent, de plus, d'un réseau décentralisé au niveau des bassins d'emploi.
Mais rien ne justifie de leur réserver un sort particulier. S'ils exercent la mission de service public et d'orientation conformément à ce que seront les critères de labellisation, ils seront évidemment labellisés – ma conviction est d'ailleurs qu'ils le seront très probablement sans aucune difficulté.
Dans l'hypothèse où ils ne rempliraient pas ces critères, ils ne seront pas labellisés. Il y a là un souci d'équité entre les organismes d'orientation : les organismes consulaires font évidemment figure de référence en matière de qualité de l'information, mais cela ne justifie pas de les traiter différemment.
Cet amendement a été repoussé par la commission.
Je vous remercie, monsieur Poisson, de souligner la qualité du réseau des chambres des métiers et de l'artisanat en matière d'accueil, d'information, d'orientation et même d'aide au recrutement, par l'intermédiaire des centres à la décision. Sur notre territoire, 91 centres accueillent 370 000 personnes, dont 90 % de jeunes et 10 % d'adultes. Ce sont environ 55 000 entreprises qui sont en contact avec eux. Les chambres consulaires effectuent donc un travail tout à fait remarquable.
Mais le projet impose aux organismes de « disposer d'une information exhaustive et objective sur les métiers » : cela correspond pleinement aux rôles des chambres consulaires, que vous défendez dans cet amendement. L'amendement est donc satisfait, et les structures dépendant des organisations consulaires seront bien placées, sous les réserves faites par Jean-Paul Anciaux, pour être labellisées.
On ne peut pas commencer, à l'intérieur du texte de loi, à dresser la liste de ceux qui pourraient être labellisés.
Même avis.
(L'amendement n° 55 n'est pas adopté.)
Je suis saisi d'un amendement n° 53 .
La parole est à M. Jean-Frédéric Poisson.
Cet amendement porte sur le même sujet que le précédent.
M. le rapporteur a estimé qu'il n'était pas nécessaire de réserver une place explicite, précise, aux chambres consulaires dans le dispositif de formation professionnelle. L'Assemblée l'a d'ailleurs confirmé à l'instant.
J'ai bien entendu la réponse très précise de Gérard Cherpion, que je remercie. Je reprends l'une des remarques qu'il a formulée : les organismes consulaires connaissent les métiers, et les formations pour lesquelles cette labellisation va être mise en place, de façon tout à fait particulière.
Cet amendement propose de renforcer ce lien avec les métiers en demandant aux organismes qui souhaitent être labellisés de fournir une forme de preuve de leur proximité avec les métiers, objets des formations qu'ils dispensent, et avec leurs évolutions. Cette proposition est, je crois, tout à fait dans l'esprit du projet de loi et du rapport de M. Cherpion.
La rédaction de l'amendement me paraît peu précise. De plus, les alinéas 7, 8 et 9 me paraissent rédigés de telle façon que l'ajout proposé ne serait pas utile. Avis défavorable.
L'amendement est satisfait par le texte. Il n'y a aucune crainte à avoir dans ce domaine.
Ne voulant pas torturer outre mesure les rapporteurs, et compte tenu des explications qu'ils viennent de fournir, je retire l'amendement.
(L'amendement n° 53 est retiré.)
Je suis saisi d'un amendement n° 170 .
La parole est à Mme Monique Iborra.
Il s'agit de compléter l'alinéa 10. Nous proposons que le décret en Conseil d'État soit pris après consultation des partenaires sociaux et évaluation des dispositifs existants.
Cela nous paraît entrer dans la philosophie générale du texte. On nous répète l'importance des partenaires sociaux, dont nous sommes convaincus ; on nous parle de l'évaluation, et nous sommes convaincus de son importance. Il nous semble donc normal de compléter ainsi l'alinéa 10.
La commission a repoussé cet amendement.
Les partenaires sociaux seront consultés grâce au Conseil national de la formation tout au long de la vie, dont ils sont membres, et qui est saisi sur tous les faits relatifs à la formation professionnelle. C'est l'article L. 6123-1 du code du travail.
Quant aux dispositifs existants, cette exigence est par définition satisfaite, puisqu'en dehors du portail de premier accès auquel cet article donne une base légale, le présent article ne crée pas de structure nouvelle : il met en place une démarche de labellisation des structures existantes. Cette démarche est évidemment fondée sur l'évaluation de celles-ci.
(L'amendement n° 170 n'est pas adopté.)
(L'article 3, amendé, est adopté.)
Nous en venons à des amendements portant articles additionnels après l'article 3.
Je suis saisi d'un amendement n° 171 .
La parole est à Mme Marisol Touraine.
L'amendement n° 171 propose de modifier l'article 9 de la loi du 31 mars 2006 pour l'égalité des chances par l'ajout de la phrase suivante : « Ces stages ne peuvent intervenir qu'au sein d'un cursus pédagogique. »
Depuis un certain nombre d'années en effet, on observe, ce qui est une bonne chose, une multiplication des stages étudiants. Leur développement est au demeurant explicitement prévu par la réforme du système universitaire. Ces stages permettent aux étudiants de compléter leur formation par des expériences concrètes de terrain, ce qui confirme certains étudiants, ou élèves, dans leur volonté de poursuivre dans la voie qu'ils ont choisie ou, à l'inverse, en éclaire d'autres sur le fait qu'en réalité le choix qu'ils avaient initialement effectué n'est pas celui qu'ils souhaitent maintenir.
Nous nous sommes cependant aperçus que la multiplication de ces stages s'opérait de manière un peu anarchique et que des employeurs avaient recours à des stages au lieu d'embaucher des salariés pour des contrats courts.
Un certain nombre de dispositions, notamment dans le cadre de décrets d'application de cette loi de 2006, sont venues réglementer davantage le recours aux stages, notamment en imposant une gratification minimale et un déroulement dans le cadre d'une convention type.
Il nous paraît nécessaire de franchir une étape supplémentaire car, dans un certain nombre de secteurs d'activité, le développement des stages va à l'encontre du développement d'emplois fermes pour des jeunes qui veulent entrer dans la vie active. Nous proposons donc d'interdire les stages hors cursus pédagogique.
Cette proposition, qui a été portée par le comité STAPRO et qui est donc très consensuelle, a également été adoptée à l'unanimité, après une large discussion, par la commission Hirsch.
La proposition que nous faisons est extrêmement simple à intégrer dans le projet de loi que nous examinons aujourd'hui. Un refus de votre part nous amènerait à nous interroger, d'une part, sur le sens des déclarations que vous faites en faveur de l'emploi des jeunes en ce moment, puisque vous avez la possibilité d'adopter très facilement cette disposition allant dans le sens de vos préoccupations affichées pour l'emploi des jeunes ; d'autre part sur le sens à donner à ce qui ressort de la commission Hirsch.
Nous avons eu l'occasion, je l'ai fait moi-même à plusieurs reprises, d'exprimer nos doutes sur la signification, la portée et l'aboutissement de ce qui s'était passé dans cette commission, dont nous avons tout lieu de craindre qu'elle ne serve d'alibi à une politique qui n'aurait pas vraiment l'ambition de s'engager en faveur des jeunes.
Tout à l'heure, nous vous avons fait des propositions pour l'article 3 qui étaient directement inspirées de la commission Hirsch ; elles n'étaient donc pas idéologiquement marquées. Vous les avez repoussées. La proposition que nous vous faisons avec cet amendement n'est pas uniquement issue de cette commission puisque le comité STAPRO l'avait lui-même mise en avant. Nous avons donc vraiment l'espoir que cet amendement pourra être consensuel et adopté par l'ensemble de cette assemblée.
Je crains que cet amendement ne soit pas consensuel puisque la commission l'a repoussé. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)
Dans le contexte actuel, je pense qu'il vaut mieux un jeune en stage, même s'il est hors cursus, qu'un jeune au chômage ou qu'un jeune qui frappe à l'entrée d'une entreprise.
Sans doute vaut-il mieux attendre que la conjoncture se rétablisse pour envisager une mesure de ce type.
D'autant que d'autres effets pervers peuvent être envisagés. Les stages se sont développés en dehors de toute règle de droit, vous l'avez rappelé, hors du code du travail avant qu'on ne les encadre dans la loi du 31 mars 2006 afin de garantir un minimum de rémunération au-delà d'une certaine durée, que nous proposons d'ailleurs de ramener de trois à deux mois dans le texte. Nous pouvons interdire formellement les stages hors cursus, mais rien n'empêche une entreprise d'accueillir un jeune pour observer le monde du travail s'il est volontaire. Je crains qu'à vouloir prohiber certains types de stage, on ne laisse perdurer en dehors de tout cadre légal de nouveaux abus.
D'abord, je voudrais souligner le travail remarquable qui a été conduit par la commission de Martin Hirsch, à laquelle vous avez participé, je crois, madame Touraine.
Ce travail de fond qui a été conduit a permis d'identifier de très nombreux sujets importants, notamment sur la situation des jeunes et les difficultés qu'ils peuvent connaître, pas seulement d'ailleurs dans le domaine de l'emploi qui a fait l'objet d'une mesure d'urgence. Des mesures plus larges, de fond, doivent être adoptées. Martin Hirsch, avec lequel je suis amené à travailler de façon très étroite, a vraiment réalisé, grâce à l'apport de tous les membres de la commission, un travail extrêmement intéressant.
C'est un travail d'ensemble. Les mesures qui en ressortent se tiennent les unes avec les autres, elles ont été proposées dans le cadre du Livre vert et vont faire l'objet d'une évaluation et d'une discussion conjointes.
Il ne serait pas bon de commencer à détricoter certains points par rapport aux autres. D'ailleurs, vous avez défendu un amendement de suppression de l'article 3 au motif que cet article contenait des volets qui touchaient les jeunes et que vous préfériez attendre d'avoir une vision d'ensemble.
L'idée du travail qui a été fait, c'est d'aller jusqu'au bout. Une concertation a été menée, un Livre vert a été rédigé, après un travail remarquable de Martin Hirsch. Maintenant, nous étudions l'ensemble des mesures proposées et, à l'issue de cet examen, nous prendrons une décision sur celles qui peuvent être appliquées, comment et dans quel délai. C'est bien la globalité de votre travail qui doit être préservée. Il ne faut pas procéder à son détricotage point par point.
Sur les questions des stages proprement dites et des mesures pour les jeunes, nous avons beaucoup travaillé dans le cadre du plan d'urgence pour les jeunes sur tous les dispositifs visant à soutenir l'apprentissage et les contrats de professionnalisation. Martin Hirsch avait également beaucoup oeuvré pour que des mesures sur les stages soient décidées. Des mesures astucieuses ont ainsi été proposées tendant à favoriser l'embauche de jeunes qui étaient en stage dans l'entreprise, avec un soutien à l'entreprise qui embauche les jeunes stagiaires de 3 000 euros. Cette mesure figure dans le plan d'urgence que nous avons déjà adopté.
Un autre point figurait dans la PPL portée par M. Poisson, il fera l'objet d'un amendement plus loin, c'est celui du versement d'une rémunération des stages à partir non plus de trois mois mais de deux mois.
Mais sur l'ensemble du travail global que vous avez effectué au sein de la commission Hirsch, je pense qu'il faut qu'on puisse en faire l'évaluation d'ensemble dans le cadre du Livre vert, et donc ne pas détricoter un des maillons.
Je m'étonne ou me réjouis par avance de ce que vous nous annoncez, monsieur le secrétaire d'État : il y aurait une loi globale, du moins un dispositif qui reprendrait l'ensemble des dispositions de la commission Hirsch…
…pour donner un sens cohérent, un contenu fort à la discussion qui a été menée, dont je ne partage pas l'ensemble des propositions, je l'ai déjà dit – je ne considère pas que le résultat de cette commission serait l'alpha et l'oméga de ce qui peut être fait en direction de la jeunesse.
Si on ne propose pas un dispositif global reprenant l'ensemble des propositions de la commission, je ne vois pas ce qui s'oppose à ce que, sur un point précis directement en relation avec le texte que nous examinons aujourd'hui, on en reprenne une disposition qui peut tout à fait être extraite du Livre vert.
Sur l'orientation, nous sommes étonnés de la faible ambition de votre texte alors que les discussions qui avaient été menées avaient abouti à des résultats consensuels qui proposaient un schéma d'ensemble que vous auriez eu parfaitement le temps, je n'en doute pas, monsieur le secrétaire d'État, compte tenu de la qualité des services qui vous entourent, d'intégrer dans le texte que nous examinons aujourd'hui. Cela nous amène à penser qu'il y a un décalage entre l'ampleur, la générosité, l'ambition des propositions qui nous sont faites dans les grands discours que vous nous tenez, et la réalité qui en reste dans les textes que vous nous présentez.
Je crois, comme Marisol Touraine vient de le dire, qu'on ne peut pas comparer les choses.
Sur la question de l'orientation, une nouvelle réflexion est nécessaire, à partir de la nouvelle approche qui est sortie de la commission Hirsch. C'est en cela que nous n'étions pas d'accord avec l'article précédent car, même si nous pouvons le comprendre dans ses principes, il ne rénove pas, il ne tient pas compte de ce début de rénovation de la pensée sur l'orientation, et nous savons qu'un travail de quelques mois reste encore à faire.
Sur la question des stages, c'est tout l'inverse. Vous nous dites, monsieur le rapporteur, qu'un stage est préférable à rien. Mais un stage sur quel support ? Si le stage s'appuie sur une convention de stage avec un organisme de formation, une université, etc., cela permet quand même de résoudre des problèmes aussi simples qu'un accident du travail. Si le stage s'appuie sur une convention avec l'entreprise, il s'appuie sur quoi ? S'il doit y avoir un lien entre un jeune qui est dans une entreprise et l'entreprise, cela doit être un contrat de travail. Il n'y a pas de juste milieu entre les deux. De facto donc, aujourd'hui, les stages ne devraient se dérouler, au regard du droit du travail, que dans des situations de cursus. La conclusion de la commission Hirsch était justement celle-là.
Puisque, d'un point de vue juridique, la situation devrait être celle que nous proposons, autant l'inscrire dans le code du travail. Vous allez ajouter plein d'articles au code du travail. Nous pourrions fort bien énoncer ce principe simple, qui serait un message très clair pour les jeunes qui sont en attente.
En refusant cette petite incise dans le code du travail qui clarifierait toutes ces situations et éviterait tous les abus que nous connaissons et qui ne s'appuient sur rien juridiquement, vous envoyez un signe très négatif à la jeunesse.
(L'amendement n° 171 n'est pas adopté.)
Je suis saisi d'un amendement n° 92 .
La parole est à Mme Marie-Hélène Amiable.
L'amendement n° 92 a pour objet de garantir au salarié la poursuite de sa formation et à l'organisme de formation d'être payé en cas de dépôt de bilan de l'entreprise.
La situation économique et sociale actuelle, caractérisée par des dépôts de bilan en cascade, notamment dans les PME, a, outre les licenciements qu'elle induit, un impact non négligeable sur les parcours de formation des salariés de ces entreprises.
Lorsque ces entreprises qui, préalablement à leur dépôt de bilan, avaient pris des engagements de formation professionnelle continue auprès d'organismes de formation au bénéfice de leurs salariés, se trouvent dans l'impossibilité d'honorer ces engagements, c'est au final le processus de formation des salariés qui est menacé. Par ailleurs, l'organisme de formation aura à combler le manque à gagner résultant de l'impayé.
Cet amendement propose de remédier à cet état de fait en garantissant au salarié la poursuite de sa formation, d'une part, et à l'organisme de formation de voir sa créance couverte, d'autre part.
La pertinence de cet amendement nous semble renforcée par le contexte économique actuel ; dans lequel les entreprises sont incitées à utiliser les périodes de chômage technique pour la formation professionnelle de leurs salariés.
Cet amendement a été rejeté par la commission. Les organismes de formation sont des créanciers de l'entreprise parmi d'autres. Le fait de les faire bénéficier d'un privilège les favoriserait sans raison et risquerait de diluer la protection des créanciers privilégiés, en premier lieu les salariés.
Quant à la protection des droits acquis par les salariés en cas de faillite, donc de licenciement pour eux, elle est plutôt à rechercher dans des mécanismes différents, comme la portabilité du DIF qui est développée à l'article 4, ou celui que je propose par un amendement à l'article 12, qui permet, en cas de rupture de contrat de ce fait dans la professionnalisation, de poursuivre la formation au travers de l'OPCA concerné.
Défavorable, pour les mêmes raisons.
(L'amendement n° 92 n'est pas adopté.)
Je suis saisi d'un amendement n° 172 .
La parole est à M. Jean-Patrick Gille.
Cet amendement revient sur la précédente loi sur la formation professionnelle du 4 mai 2004, dite « loi Fillon », qui posait le principe qu'un employeur pourrait s'acquitter des frais de formation qui sont à sa charge par l'utilisation d'un titre spécial de paiement, une sorte de chèque formation, sur le modèle du chèque restaurant.
Ce procédé offrirait une grande souplesse et faciliterait la mise en place des formations dans les petites et très petites entreprises, car celles-ci n'ont pas toujours le temps de mobiliser l'ingénierie nécessaire.
Dans l'idéal, ce type de dispositif pourrait être étendu aux salariés, qu'il inciterait à mieux utiliser leur DIF. Mais, pour l'heure, alors qu'il avait été voté dans le cadre d'un amendement d'origine parlementaire, sa mise en place est bloquée. La parution du décret est en effet suspendue à la conclusion d'un accord de branche. Or les branches ne semblent pas très désireuses d'instaurer ce dispositif.
L'amendement n° 172 propose donc de supprimer la référence à l'accord de branche. Par ce biais, le chèque formation pourrait être mis en place, au moins de manière expérimentale, puisque le dispositif doit être encadré et suivi. Il permettrait le développement de la formation des salariés des petites entreprises.
La commission a repoussé cet amendement.
Il existe actuellement des dispositifs de formation à l'initiative du salarié, comme le CIF, et d'autres à l'initiative de l'employeur, qui s'inscrivent dans le plan de formation. D'autres enfin, comme le DIF ou la professionnalisation, reposent sur leur accord.
En l'espèce, c'est le DIF qui est visé à l'article L. 6323-16 du code du travail, et c'est parce que sa mise en oeuvre exige l'accord du salarié et de l'employeur que l'utilisation éventuelle d'un chèque formation est subordonnée à un accord de branche. Les entreprises doivent collectivement accepter ou refuser ce système, qui permettrait ensuite au salarié de choisir librement la formation. Supprimer cette exigence remettrait en cause l'équilibre du DIF, qui est fondé sur l'accord du salarié et de l'employeur, qu'ont souhaité les partenaires sociaux.
Nous avons examiné cet amendement avec intérêt, car l'idée d'un chèque formation paraît séduisante. Nous avons donc tenté de mesurer loyalement l'impact de ce système et le montage administratif qu'il appelle, en consultant ceux à qui il est destiné.
Aux yeux de l'employeur – car c'est à lui, puisqu'il acquitte les frais de la formation, et non au salarié, que ce chèque serait destiné –, ce système créerait plus de difficultés qu'il n'en résoudrait. La gestion d'un chèque formation serait malaisée. Le DIF représente en effet un droit individuel qui se décline de manière extrêmement différente selon les cas, le droit à formation pouvant donner lieu à un cofinancement. D'ailleurs, les organismes de formation gèrent actuellement le DIF de manière extrêmement souple. Ainsi, même si l'idée d'un chèque formation est séduisante, ce système n'est adapté ni à son utilisateur éventuel ni au champ concerné.
Je suggère donc à M. Gille de retirer son amendement.
Je suis défavorable à l'amendement n° 172 , même si, comme M. le secrétaire d'État, je comprends fort bien la nécessité de débloquer un système qui fonctionne actuellement assez mal. Le problème principal est celui de la transférabilité du droit à la formation, car les salariés doivent pouvoir conserver leur droit à la formation en passant d'une entreprise à l'autre.
À cet égard, le Livre vert que le haut commissaire à la jeunesse nous a adressé récemment indique : « Il n'existe pas de cadre de discussion équilibré au niveau des branches professionnelles sur ces sujets [c'est-à-dire sur la politique de formation pour les jeunes]. C'est ce cadre de discussion qu'il est prioritaire de définir. Les branches sont pourtant le bon espace de négociation sur l'emploi des jeunes. La réalité du marché du travail est extrêmement diverse d'un secteur d'activité à l'autre. […] Il faut garder à l'esprit que c'est l'une des responsabilités essentielles de la branche que de renforcer la qualification des jeunes aux métiers qui la concerne et d'assurer une meilleure adéquation de l'offre de formation à ses métiers. […] La commission recommande ainsi aux partenaires sociaux de définir, lors de la négociation qui s'ouvre sur la gestion sociale des conséquences de la crise, un cadre de travail des branches sur la question du développement de l'emploi et des qualifications des jeunes. » Elle préconise également de préciser quels outils peuvent permettre d'accélérer cette qualification.
Ce qui est vrai pour les jeunes vaut aussi pour les adultes : tout ce qui touche à l'évolution des métiers, à la formation professionnelle et aux plans de GPEC, qui constituent une des compétences essentielles des branches professionnelles, doit être maintenu dans leur périmètre.
Je répète, monsieur Gille, que je comprends, comme vous, la nécessité d'assouplir le système. Cependant, il me paraît risqué de remettre en cause la place des branches professionnelles dans l'économie du dialogue social, surtout dans le domaine de la formation, à l'heure où il faudrait au contraire renforcer leur rôle. Je pense qu'il vaut mieux s'en remettre à la capacité des branches à traiter certains sujets, que d'examiner la performance d'un nouvel outil.
Les questions qui viennent d'être posées sont pertinentes. Chacun aura compris que l'amendement n° 172 est un amendement d'appel, qui vise à nous faire réfléchir, même à titre expérimental, à la création d'un titre de paiement réservé à la formation, qui serait remis au salarié. M. Poisson a souligné à juste titre que le problème est cause est celui de la transférabilité du DIF : au cas où le salarié quitterait l'entreprise, on lui remettrait un chèque formation, à utiliser avant telle date.
Pour ma part, je ne ressens aucune hostilité à l'égard des branches. Mais M. le secrétaire d'État l'a indiqué hier : le dispositif de formation y est parfois trop enfermé, comme dans des tuyaux d'orgues, surtout quand les salariés doivent se reconvertir. Peut-être les discussions que nous aurons sur les OPCA nous permettront-elles de trouver une solution, puisque ceux-ci interviennent dans le paiement du DIF.
Quoi qu'il en soit, le système du chèque formation doit être exploré. Sa mise en place révolutionnerait l'accès à la formation des salariés des petites entreprises et développerait l'utilisation du DIF, que le projet de loi – je vous en donne acte, monsieur le secrétaire d'État – cherche à faciliter.
Aujourd'hui, deux solutions complémentaires permettent d'améliorer le fonctionnement du DIF : inciter à mettre en place une offre de formation fortement modulée, celle qui existe actuellement répondant imparfaitement aux objectifs de qualification, ou instaurer un mode de paiement plus souple du DIF. M. le secrétaire d'État a souligné que sa mise en place serait difficile, mais c'est parce que nous raisonnons au vu du système actuel, dont, à notre sens, il faut justement sortir. Au reste, il faut évidemment que des organismes se proposent pour mener à bien l'expérimentation.
Quoi qu'il en soit, si le Gouvernement s'engage à entreprendre une réflexion dans ce domaine, j'accepte de retirer mon amendement.
Je m'engage à mettre en place une expérimentation en ce sens, car je trouve le raisonnement intéressant.
(L'amendement n° 172 est retiré.)
La parole est à M. Frédéric Reiss, premier orateur inscrit sur l'article.
Je veux soulever un problème qui m'a incité à déposer deux amendements, lesquels sont tombés sous le couperet de l'article 40.
Dans ce projet de loi qui vise à assurer une meilleure formation initiale et un suivi plus pointu de la formation en général, l'article 4 est le premier du titre II « Simplification et développement de la formation professionnelle tout au long de la vie ».
Puisque nous vivons une période de crise, il me paraît indispensable d'adapter la législation du travail afin que les entreprises dont les employés sont au chômage partiel puissent les former pendant les périodes habituelles de travail. Dans le même temps, entreprises et salariés devraient pouvoir conserver le bénéfice intégral des aides de l'État au titre du chômage partiel.
Dans son intervention, après l'adoption de l'article 1er, le président Méhaignerie a brièvement évoqué ce problème, en soulignant l'efficacité de la formation sur le terrain. Vous lui avez répondu, monsieur le secrétaire d'État, sur la gouvernance de la formation, et je salue votre désir d'apporter des réponses rapides et adaptées aux situations locales.
J'aimerais que ma proposition s'applique au moins de manière temporaire, ce qui permettrait, par exemple jusqu'à la fin de l'année 2009, de lever les restrictions législatives, qui empêchent actuellement les salariés au chômage partiel d'effectuer des formations durant les horaires habituels de travail. Cette mesure transitoire atténuerait les turbulences dans lesquelles certaines entreprises sont entraînées aujourd'hui.
Avec l'article 4, qui pose le problème de la portabilité du DIF, nous en venons à l'articulation entre la sécurisation des parcours professionnels et la formation professionnelle. J'ai déposé sur cet article un amendement que fera certainement tomber l'amendement n° 44 deuxième rectification du rapporteur, mais dont je veux dire un mot.
Sécuriser les parcours professionnels suppose de concilier la souplesse de la relation entre travail et sécurité du salarié, et de permettre certaines continuités dans des parcours professionnels jadis soumis à des ruptures brutales, voire à des traumatismes. Le texte ne transformera peut-être pas la vie des salariés, mais il créera du moins certaines continuités dans leur parcours. En effet, la perte d'emploi est toujours un traumatisme pour le salarié qui se demande comment faire face à ses obligations familiales ou personnelles.
Assurer des continuités, c'est prendre en compte cette angoisse et permettre au salarié d'être accompagné pour rebondir et retrouver un emploi. La recherche d'une dynamique positive passe par la formation professionnelle et, bien sûr, par la portabilité du DIF, qu'organise le projet de loi.
La formation doit permettre de financer, à la demande de l'intéressé, des actions de formation, un bilan de compétences ou une valorisation des acquis de l'expérience, soit pendant la période de chômage indemnisé, soit au début du nouveau contrat avec un employeur, sous réserve de son accord, pendant une période de deux ans. On passe ainsi de l'idée d'un droit attaché au contrat à celle d'un droit attaché à la personne. À cet égard, je remercie le rapporteur et le ministre d'avoir accepté mes amendements en commission, ce qui a permis de supprimer la référence au contrat à durée indéterminée, ce qui ouvre à l'ensemble des contrats.
Néanmoins, j'estime que nous n'allons pas assez loin pour garantir la portabilité. Si les droits à la formation sont attachés à la personne, il ne faut même plus mentionner le contrat, et encore moins la rupture de contrat. Or faire référence à la période indemnisée, c'est exclure les cas où la rupture est du fait du salarié, par démission. Le rapporteur a dit qu'en cas de démission « légitime » – terme qu'il faudra nous expliquer – le salarié conservera ses droits à la portabilité. A mes yeux, une démission est toujours légitime. Si un salarié démissionne, c'est qu'il a de bonnes raisons. On met souvent en avant les possibilités d'abus. Mais il n'y a pas vraiment à craindre une démission abusive pour bénéficier un peu plus du DIF ! Il me paraît donc important de garantir dans tous les cas la portabilité du DIF, qui est attaché à la personne du salarié.
Je tiens à souligner l'action qu'a menée, dans sa région, M. Reiss pour mettre fin à un blocage administratif. On disait en effet au salarié qu'il ne pouvait pas vraiment bénéficier d'une activité partielle et devait d'abord faire de la formation. Grâce à lui, nous avons pu éviter que l'obstacle ne se généralise dans l'ensemble du pays, et affirmer qu'il fallait bien que activité partielle et formation aillent de pair. En cette période, la bonne solution est de former plutôt que de licencier. Nous avons rappelé clairement par circulaire à l'ensemble des services de l'État que c'est dans cet esprit qu'il fallait appliquer les textes. Comme souvent s'agissant de formation, l'Alsace a prêché par l'exemple.
L'examen des amendements à l'article 4 est renvoyé à la prochaine séance.
Prochaine séance, cet après-midi, à quinze heures :
Suite de la discussion du projet de loi relatif à l'orientation et à la formation professionnelle tout au long de la vie.
La séance est levée.
(La séance est levée à douze heures quarante-cinq.)
Le Directeur du service du compte rendu de la séance de l'Assemblée nationale,
Claude Azéma