La séance est ouverte.
(La séance est ouverte à quinze heures.)
Mes chers collègues, je suis heureux de souhaiter en votre nom la bienvenue à une délégation du Conseil général de la Principauté d'Andorre, conduite par le président du groupe d'amitié Andorre-France, M. Jaume Bartuméu. (Mmes et MM. les députés, ainsi que les membres du Gouvernement, se lèvent et applaudissent.)
Monsieur le ministre de l'éducation nationale, dimanche dernier, 80 000 personnes se sont mobilisées dans les rues de Paris pour défendre l'école publique, l'école de la République.
Elles entendaient ainsi dénoncer pour 2009 un nouveau budget de régression pour l'école.
Alors que l'école publique devrait être une ambition et un investissement, elle est devenue une variable d'ajustement de la politique budgétaire du Gouvernement. (« Eh oui ! » sur plusieurs bancs du groupe SRC.)
Dans le projet de budget pour 2009, ce sont 6 000 emplois d'enseignants du premier degré qui sont supprimés par différence entre les recrutements et les départs en retraite. Dans le même budget, la décision est affichée de « redéployer » les réseaux d'aide aux enfants en difficultés, ce qui revient, concrètement, à les fermer. Ce sont, là encore, 3 000 enseignants spécialisés qui quitteront une mission fondamentale. Toujours dans le même budget, dans le secondaire cette fois, ce sont 8 300 emplois qui sont supprimés.
Au total, 13 500 emplois vont disparaître, ce chiffre s'ajoutant aux 11 000 suppressions de l'année passée. Sans oublier l'annonce de 900 postes à supprimer dans l'enseignement supérieur, une première depuis quinze ans !
Dans un contexte où nous allons tous payer un plan de sauvetage des banques, où il n'est pas garanti que l'argent public ne soit pas utilisé indirectement à récompenser ceux qui ne le méritent pas, vous ne pouvez, monsieur le ministre, vous contenter de prôner la seule rigueur des finances au détriment du plus grand nombre.
Ma question est simple : réfléchissez-vous à la possibilité de ne pas céder à la seule politique que vous connaissez, à savoir supprimer des emplois qualifiés, baisser les crédits de personnels affectés à la formation de nos enfants, nécessaires pour continuer à faire de notre pays un État puissant par sa matière première et ultime, et gager ainsi l'avenir de la jeunesse ? (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
Madame la députée, vous évoquez la manifestation de dimanche.
J'ai vu en effet défiler 32 000 personnes (Exclamations sur les bancs du groupe SRC),représentant le monde syndical, la gauche et des associations liées au parti socialiste. Comme dans tous les congrès du parti socialiste, je les ai entendu dire du mal des autres, mais pas faire beaucoup de propositions, et en particulier je ne les ai pas entendues beaucoup parler des élèves. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC. – Protestations sur les bancs du groupe SRC.)
S'il était vrai que, comme vous nous le serinez à longueur de séances, la question du système éducatif est d'ordre quantitatif, nous serions les meilleurs du monde puisque nous dépensons, rien que pour le lycée, 22 % de plus par lycéen que la moyenne européenne.
Nous investissons 60 milliards d'euros pour l'école. Cessez de faire croire que parce que, dans un lycée, on sera 101 professeurs plutôt que 99 ou 100, le système scolaire sera subitement différent.
J'assume les réformes parce que je les crois nécessaires. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)
J'assume qu'à l'école primaire, nous avons lutté contre l'échec scolaire, qui faisait que 15 % des élèves rentraient en sixième sans savoir lire.
J'assume qu'au collège, à partir de la semaine prochaine, à la rentrée des vacances de la Toussaint, tous les élèves recevront, s'ils le souhaitent, deux heures par jour d'accompagnement éducatif.
Plusieurs députés du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. Très bien !
J'assume la réforme du lycée, qui est indispensable. Aujourd'hui, 15 % de nos élèves de seconde redoublent, ce qui ne se trouve nulle part ailleurs. Nous allons les accompagner, les soutenir.
J'assume enfin le besoin de discuter avec mes personnels. Bien entendu, nous le ferons.
Mais je ne serai pas l'homme du statu quo et, lorsque ce ministère bougera, il se rendra utile aux jeunes. D'ailleurs, dans un monde qui change sans cesse, qui évolue sans cesse, dire que l'école doit être celle du non-changement, du statu quo, c'est un crime contre l'intelligence. (Vifs applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC, dont de nombreux députés se lèvent. – Huées sur les bancs du groupe SRC.)
La parole est à M. François de Rugy, pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine.
Nous discutons en ce moment un budget placé sous le signe de la rigueur. Les crédits de l'emploi et du logement sont en baisse. Les réductions d'effectif frappent tous les ministères, y compris celui de l'éducation nationale ou celui de l'écologie.
Dans ce contexte, je voudrais soumettre aux membres du Gouvernement une petite devinette : quels sont les agents de l'État qui, en 2009, se verront octroyer une augmentation de salaire moyenne de 15 300 euros ? Quels sont les heureux gagnants de ce jackpot, qui représente, pour chacun de ses bénéficiaires, l'équivalent de la progression de rémunération annuelle de 300 salariés payés au SMIC ?
Je ne vous ferai pas davantage attendre la réponse : ce sont – on l'apprend à la lecture du budget – les quatre-vingt-dix-huit collaborateurs les plus proches du Président de la République. (Exclamations sur les bancs des groupes GDR et SRC.)
Je sais bien que la Française des jeux vient de lancer un nouveau loto. Mais, dans le contexte de récession économique qui est le nôtre, et alors que le reste de la fonction publique fait les frais de votre politique budgétaire, comment pouvez-vous, monsieur le ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique, justifier pareille extravagance, qui s'inscrit dans un contexte plus large encore de dérive du budget de l'Élysée ? (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR.)
La parole est à M. Éric Woerth, ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique.
Monsieur le député, comme d'habitude, vous faites dans la dentelle !
Plusieurs députés du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche. Et vous ?
À mes yeux, le budget de l'État est chose suffisamment sérieuse pour qu'on en parle autrement.
Jamais les comptes de l'Élysée n'ont été aussi transparents. (Exclamations sur les bancs des groupes GDR et SRC.) À l'époque où vous étiez au pouvoir, ils ne l'étaient pas du tout, voilà la réalité.
Aujourd'hui, à la demande du Président de la République, le budget de l'Élysée est sous le contrôle de la Cour des comptes, ce qui n'était pas le cas à votre époque, et il n'augmente pas.
Auparavant, on finançait le budget de l'Élysée en ponctionnant les différents ministères, de manière opaque.
Aujourd'hui, le budget est clair, net et précis. (Protestations sur les bancs des groupes GDR et SRC.) Voilà ce que je souhaitais vous répondre, monsieur de Rugy.
Je regrette votre manière d'exagérer et de tronquer la vérité pour faire croire aux Français ce qu'ils ne doivent pas croire. L'ensemble des budgets des administrations n'augmente pas, ce qui n'avait jamais été le cas auparavant, et c'est également vrai pour le budget de l'Élysée, qui est plus transparent que jamais. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
« Chaque société a la psychiatrie qu'elle mérite », disait hier soir un médecin au cours d'un documentaire diffusé sur Canal Plus et qui soulignait un vrai problème : celui de l'état de la psychiatrie dans notre pays.
Madame la ministre de la santé, vous allez présenter demain en conseil des ministres le projet de loi « hôpital, patients, santé et territoires » qui vise à harmoniser l'accès aux soins.
Mais regardons les choses en face. 800 postes de psychiatres n'ont pas de titulaire dans les hôpitaux publics ; 700 ne sont pas pourvus dans le médico-social ; la pédopsychiatrie est quasiment en voie d'extinction. En vingt ans, 80 000 lits d'hospitalisation en psychiatrie ont été supprimés sans que les crédits ainsi économisés soient consacrés aux soins de ville. De ce fait, notre système de santé est incapable d'assurer la prise en charge de tous les patients qui devraient être suivis. Quant à la psychiatrie en prison, elle est quasi inexistante.
Alors que l'on est passé de 800 000 consultations en 1990 à 1 400 000 en 2004 et que la demande ne cesse d'augmenter, le nombre de médecins psychiatres ne cesse de baisser. Ils sont encore 12 000 aujourd'hui. Si rien n'est fait, ils ne seront plus que 9 000 dans dix ans ! Je n'ose pas évoquer à nouveau le devenir de la pédopsychiatrie…
Malgré toutes les annonces, la vérité c'est que rien n'a été fait pour la psychiatrie depuis vingt ans. On a nié sa spécificité, refusé de tenir compte des contraintes financières qu'elle impose, comme si on voulait la faire disparaître en tant que spécialité médicale.
Et pourtant, elle exige encore plus de technicité, d'humanisme et d'empathie avec les malades que n'importe quelle autre discipline médicale.
Madame la ministre, le Nouveau centre s'interroge : quelles mesures allez-vous proposer pour sauver la psychiatrie française ? Comment y ramener de nouvelles générations d'étudiants en médecine ? Comment éviter la catastrophe sanitaire annoncée ? (Applaudissements sur les bancs du groupe NC.)
La parole est à Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé, de la jeunesse, des sports et de la vie associative.
Plusieurs députés du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche. Et des franchises !
Le secteur de la psychiatrie traite 10 millions de personnes par an, dont 1 500 000 dans le public. Il représente 73 000 lits, 63 000 infirmiers, plus de 13 000 médecins. Des efforts considérables ont été faits au cours du plan qui se termine à la fin de l'année. 131 millions ont été consacrés à la formation des infirmiers, plus de 2 000 postes supplémentaires ont été créés, dont 250 de médecins psychiatres, 228 de psychologues, plus de 1 000 postes d'infirmiers. On a procédé à des restructurations et rénovations lourdes d'hôpitaux psychiatriques.
Je ne peux donc pas vous laisser dire que rien n'a été fait, y compris dans des secteurs importants comme la psychiatrie infantojuvénile, que vous avez mentionnée, le traitement de la précarité, qui mobilise 92 équipes, la prévention du suicide – et j'accompagnerai bien sûr les mesures que va prendre Rachida Dati pour lutter contre les suicides en prison. Avec Xavier Bertrand et Valérie Létard, nous avons créé plus de 1 200 places en maisons d'accueil spécialisées et en foyers d'accueil médicalisés. D'ailleurs, Libération, qu'on ne peut soupçonner de se faire le thuriféraire du Gouvernement, a reconnu que la psychiatrie française était sans doute celle qui disposait des moyens les plus importants en Europe. Ainsi, notre pays compte le plus grand nombre de médecins psychiatres. Mais il y a une mauvaise répartition, une mauvaise allocation des ressources.
C'est pourquoi j'ai confié, le 7 juillet dernier, à Édouard Couty une mission de réflexion sur les soins en psychiatrie. Il s'est entouré de professionnels et me communiquera bientôt ses observations et préconisations. Elles trouveront place dans le projet de loi « hôpital, patients, santé, territoires », dont vous aurez à débattre dans quelque temps. La psychiatrie est un secteur primordial de la santé publique, et je rends hommage aux équipes qui l'animent. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et sur plusieurs bancs du groupe NC.)
Madame la ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi, la majorité de l'Assemblée nationale a adopté, il y a une semaine, un projet de loi de finances rectificative présenté par le Premier ministre. Il inclut des dispositions de soutien au secteur financier et encourage les prêts en faveur des PME et des collectivités territoriales. Pouvez-vous nous présenter l'état d'avancement de la mise en place de ce dispositif et nous dire comment le Gouvernement entend s'assurer que, dans les semaines à venir, les moyens mis à la disposition des banques et destinés au PME arriveront bien à destination ?
Ces dernières semaines, chacun a pu constater que le Chef de l'État respectait son engagement de tirer les enseignements de la crise que nous traversons en provoquant des changements sur le plan international et en introduisant plusieurs réformes. Avant-hier, il y a eu le sommet de la francophonie au Canada, qui suivait la rencontre franco-canadienne, et une rencontre avec le Président des États-Unis. Madame la ministre, pouvez-vous nous préciser quelles dispositions seront mises en oeuvre pour tirer toutes les leçons de cette crise et éviter que le monde ne retombe, à l'avenir, dans les mêmes errements ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
La parole est à Mme Christine Lagarde, ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi.
Monsieur Bouvard, l'ensemble des économies du monde est en crise financière grave depuis plusieurs semaines. L'économie française risquait la thrombose et, faute d'une véritable thérapie de choc, non seulement le système financier, mais encore les entreprises, les collectivités territoriales et les ménages étaient menacés de ne plus bénéficier de crédits. Dans ce contexte, tout le Gouvernement, autour du Premier ministre et derrière le Président de la République, a mis en place une thérapie de choc à double détente. Elle vise tout d'abord à refinancer les banques, qui, atteintes de défiance aggravée, ne se prêtaient plus entre elles. Elle permet, ensuite, de renforcer leurs fonds propres afin qu'elles puissent financer l'économie réelle. Car il s'agit bien de la mission que nous leur assignons : financer les entreprises, les ménages et les collectivités locales.
Les banques ont pris l'engagement dans la convention signée hier de rendre des comptes tous les mois au Gouvernement afin que je puisse à mon tour vous rendre compte, tous les trimestres, à l'euro près (Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR), des financements qui auront été dégagés pour les entreprises, les ménages et les collectivités locales.
Nous avons convaincu nos partenaires européens, Britanniques compris, de la pertinence de ce plan français. Quant aux Américains, le Président de la République, que j'ai eu le privilège d'accompagner, samedi dernier, à Camp David, a pu les persuader du bien-fondé d'une double thérapie de choc sensiblement différente du premier plan Paulson, mais aussi de la nécessité de rassembler les chefs d'État de toutes les grandes nations et de toutes les grandes économies, pour repenser les mécanismes de financement de l'économie.
Le Gouvernement est donc bien à la manoeuvre et l'Assemblée nationale, elle aussi, a été au rendez-vous. À droite de cet hémicycle, vous avez voté, dans des délais extrêmement brefs, avec beaucoup de talent et d'engagement, et dans des termes excellents, le projet de loi de finances rectificative pour le financement de l'économie. Grâce à vous, ce texte a pu être conçu, adopté, promulgué et mis en oeuvre en sept jours ; je vous en remercie. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Se tient aujourd'hui à Paris une réunion sur les paradis fiscaux. Je regrette d'ailleurs l'absence à cette réunion d'un certain nombre de pays, comme les États-Unis ou la Suisse, et davantage encore celle du Luxembourg, alors que M. Juncker préside l'Eurogroupe.
Les paradis fiscaux sont des lieux où se développent la fraude fiscale et le blanchiment de l'argent sale. M. le Premier ministre a récemment déclaré que des « trous noirs » tels que les centres offshore ne devaient plus exister et que la disparition des paradis fiscaux devait préluder à une refondation du système financier international. Le Président de la République lui-même a affirmé, lors du dernier Conseil européen à Bruxelles, « qu'il ne serait pas normal qu'une banque à qui nous octroierions des fonds propres continue à travailler dans des paradis fiscaux ».
Précisément, un plan de recapitalisation de six grandes banques françaises, d'un montant total de 10,5 milliards d'euros, a été annoncé. Ce plan doit s'accompagner, selon nous, de garanties très fortes et de conditions. Or les modalités de cette recapitalisation ne permettent pas à l'État de disposer de droits de vote ni de sièges dans les conseils d'administration de ces banques. L'État signerait en effet avec les établissements concernés une convention qui se limiterait essentiellement à reprendre la charte du MEDEF sur les rémunérations des dirigeants et à prévoir des engagements trop vagues sur la distribution de crédits à l'économie. Cela nous paraît insuffisant, madame la ministre de l'économie.
De même, aucune disposition de ce projet de convention n'a trait à la question des paradis fiscaux, alors que ces banques y ont développé à la fois des filiales et des activités.
Ma question est simple. À l'heure où l'État injecte massivement des fonds dans les banques françaises, allez-vous mettre en accord paroles et actes, en exigeant de ces banques qu'elles cessent leurs activités dans les paradis fiscaux ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC et sur de nombreux bancs du groupe GDR.)
La parole est à M. Éric Woerth, ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique. (Protestations sur plusieurs bancs du groupe SRC.)
Monsieur le président de la commission des finances, la réunion qui a eu lieu tout à l'heure à l'initiative de la France et de l'Allemagne, et à laquelle assistaient dix-sept pays, dont onze représentés au niveau ministériel, est très importante, car elle a permis de relancer sur le plan politique ce qui n'avait pratiquement jamais été entrepris : la lutte internationale contre les paradis fiscaux. (Protestations sur les bancs du groupe SRC.) Cette réunion a eu lieu en présence du secrétariat général de l'OCDE, qui a été chargé par le G8 de suivre cette problématique.
Nous avons abouti à des réponses très concrètes, qui consistent à faire en sorte que la directive Épargne soit étendue à d'autres zones géographiques et à d'autres produits et que les conventions de l'OCDE qui permettent d'assurer la transparence financière soient appliquées à l'ensemble des pays. On ne peut pas vouloir la moralisation du capitalisme financier, que le Président de la République a appelée de ses voeux, sans lutter fermement contre les « trous noirs » financiers que sont les paradis fiscaux, lesquels ont probablement accéléré la crise.
Quant aux banques françaises – et je parle sous le contrôle de Christine Lagarde –, elles auront, bien évidemment, à clarifier l'ensemble de leurs relations et de leurs opérations avec les paradis fiscaux (Exclamations sur les bancs du groupe SRC), comme c'est le cas pour l'ensemble des banques européennes ; le Président de la République l'a indiqué ce matin. Il est évident que l'ensemble du système bancaire bénéficiant de subventions, d'aides ou de recapitalisations publiques devra clarifier ses relations avec les paradis fiscaux.
Nous sommes aujourd'hui très bien partis. D'ici au mois de mai, se tiendra, à Berlin, une nouvelle réunion, au cours de laquelle nous arrêterons la liste noire des pays à fiscalité dommageable, des prédateurs fiscaux, ainsi que l'ensemble des mesures de rétorsion que nous devons prendre sur le plan international pour être plus efficaces contre ces États qui n'ont rien à faire dans la communauté internationale. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Ma question s'adresse à M. le ministre d'État, ministre de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de l'aménagement du territoire.
Après les débats de la semaine dernière sur le Grenelle de l'environnement, qui ont abouti au vote des articles du texte, la présidence française a désormais pour objectif l'adoption du paquet Climat-Énergie, qui se compose de quatre textes : trois ayant trait aux économies d'énergie, aux énergies renouvelables, à la limitation des émissions de gaz à effet de serre, et un quatrième texte qui se présentera a priori sous la forme d'une directive relative au stockage du CO2. Ces textes sont fondamentaux pour l'Union européenne dans la perspective de la conférence qui doit se tenir à Copenhague en décembre 2009. L'adoption de ces textes est essentielle pour permettre à l'Union européenne de faire ensuite valoir ses positions au niveau international et, si possible, construire la nouvelle gouvernance que nous appelons de nos voeux à l'échéance de 2012.
Monsieur le ministre d'État, la France a été très volontaire et très présente pour l'adoption de ce paquet Climat-Énergie. Ce matin encore, le Président de la République s'est engagé avec force sur ce sujet. Ma question, à laquelle je veux associer notre collègue Bernard Deflesselles, qui a beaucoup travaillé pour proposer un certain nombre de mesures en la matière (Exclamations sur les bancs du groupe SRC), est très simple : pouvez-vous nous faire le point sur les négociations fondamentales qui se sont engagées hier et dont nous souhaitons tous la conclusion ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
La parole est à M. Jean-Louis Borloo, ministre d'État, ministre de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de l'aménagement du territoire.
Monsieur Grouard, je profite de votre intervention pour vous remercier d'avoir été, comme nombre de vos collègues sur tous les bancs, présent de façon permanente la semaine dernière.
J'ai présidé vendredi dernier le Conseil de l'Union européenne de l'énergie et hier, avec Nathalie Kosciusko-Morizet, le Conseil des ministres de l'environnement de l'Union européenne. Comme vous le savez, l'Europe est engagée dans une grande mutation économique, énergétique et technologique. À quelques semaines de la conclusion espérée du paquet Climat-Énergie, l'ambiance était marquée par les préoccupations liées à la crise financière, mais la majorité des ministres présents ont salué la fermeté stratégique du Président de la République française lors du conseil européen de la semaine dernière.
Face à la crise, la plupart des gouvernements ont affirmé avoir plus que jamais besoin du paquet Climat-Énergie, dans la mesure où nous avons plus que jamais besoin d'efficacité énergétique, de solutions nous permettant de réduire notre facture pétrolière, nos coûts de production et de consommation, bref, d'améliorer notre compétitivité.
Évidemment, la conclusion d'un accord entre vingt-sept États ayant tous des histoires industrielles et énergétiques, des niveaux de richesse et des climats différents est très compliquée. Toutefois, il y a une volonté réelle d'y parvenir. Les points à régler sont bien identifiés, et Nathalie et moi allons entamer la tournée des capitales (Rires et exclamations sur les bancs du groupe SRC)…
Plusieurs députés du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche. « Avec Nathalie ! » Comme c'est mignon !
…pour tenter de résoudre, les uns après les autres, tous les points restant à régler.
Enfin, hier a eu lieu un événement extrêmement important, celui de la préparation de la conférence de Poznan…
Plusieurs députés du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche. Nathalie !
…qui constitue l'avant-dernier rendez-vous réunissant tous les peuples du monde face aux problèmes des émissions de CO2 et de changement climatique de la planète.
La France présidant l'Union européenne au moment de la conférence de Poznan, nous avons souhaité disposer d'un mandat clair, faisant apparaître des positions uniformes des vingt-sept pays de l'Union. Cela n'a pas été simple, mais nous avons obtenu hier ce mandat à l'unanimité, qui nous permet dès à présent de préparer la négociation de Poznan. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Ma question s'adresse au ministre du budget. Nous avons débuté hier l'examen du projet de loi de finances pour 2009. Nous examinons ce budget, alors qu'une crise financière sans précédent s'est abattue sur la France comme sur tous les autres pays du monde.
Dans ces conditions, il y avait deux attitudes possibles : celle de M. Sapin et des socialistes en 1993, qui ont construit un budget mensonger, en contradiction avec toutes les prévisions des conjoncturistes. Ils tablaient - M. Malvy s'en souvient - sur 2,5 % de croissance, alors qu'une récession de 1 % était annoncée. (Protestations sur les bancs du groupe SRC.) L'autre attitude possible, c'est celle que vous avez adoptée, monsieur le ministre, et qui consiste à présenter un budget vérité. (Mêmes mouvements.)
Or Mme Lagarde n'a pas nié les risques que l'hypothèse de croissance de 1 % ne se réalise pas. Les prévisions de croissance du FMI parlent de 0,2 % pour la France, mieux que pour l'Allemagne, où la croissance devrait être nulle, et que pour l'Italie et l'Espagne, qui entreraient en récession avec un taux de croissance de moins 0,2 %. Les analystes s'accordent, quant à eux, sur une croissance d'environ moins 0,5 %.
Si la croissance n'est pas au rendez-vous, il y aura une baisse des recettes. Vous vous êtes engagé, monsieur le ministre, à ce que, dans ce cas, il n'y ait pas d'augmentation d'impôt et à ce que les déficits soient affichés. Il est en effet indispensable de tenir ce langage de vérité, car la vérité est le ciment de la confiance. (Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
M. Migaud, le président de notre commission des finances, a pris acte de ce souci de vérité et demandé que plusieurs scénarios, bâtis sur différentes hypothèses de croissance, soient présentés au cours des débats.
Nous sommes très favorables à l'idée de ces scénarios. Je voudrais donc savoir, monsieur le ministre, si vous êtes prêts à pousser la logique de la vérité jusqu'au bout, avec transparence et lucidité – pour reprendre vos termes et ceux de Christine Lagarde –, et à nous présenter ces différentes hypothèses de croissance. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
La parole est à M. Éric Woerth, ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique.
Monsieur Frédéric Lefebvre, ce budget dit en effet la vérité. Nous avons réajusté l'ensemble des dépenses, dont certaines étaient sous-estimées. C'est aussi un budget vérité car nous mettons fin à un certain nombre d'imprécisions qui, depuis des années, obéraient les comptes français. Je pense notamment à la protection sociale agricole, sur laquelle nous n'hésiterons pas à faire la vérité.
Il y a évidemment la crise, qui nous plonge, comme tous les pays, dans l'incertitude. Christine Lagarde et moi-même nous sommes exprimés là-dessus, et il est essentiel de savoir être réactif face à des situations imprévues. Qui pouvait prédire en effet il y quinze jours où nous en serions aujourd'hui ? Qui pouvait le prédire il y a trois mois ?
Si la croissance n'est pas au rendez-vous et si les recettes fiscales sont de ce fait en baisse, nous tiendrons compte de cette diminution. Nous le ferons sans la compenser par une augmentation d'impôt et sans trop diminuer les dépenses, dans un contexte de dépenses publiques très maîtrisées ; dans les deux cas, en effet, ce serait rajouter de la crise à la crise.
Nous réévaluerons l'ensemble des recettes fiscales lorsque nous aurons plus d'informations sur la croissance française en 2009. Christine Lagarde l'a dit, et j'en tiendrai compte dans ce budget. Le Gouvernement tient un langage clair en réponse aux questions légitimes que se pose la représentation nationale. La discussion budgétaire est longue et nous laissera le temps d'accomplir cet effort dans de bonnes conditions. La vérité et la lucidité n'empêchent naturellement pas l'adaptabilité. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Ma question s'adresse à Mme la ministre du logement et de la ville. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
Madame la ministre, que vous a donc fait le logement locatif social ?
Si je vous pose cette question, c'est parce que, depuis plusieurs semaines, vous avez soit proposé, soit soutenu des mesures ayant comme finalité première de s'attaquer à ce type de logement, si important pour une grande majorité de nos concitoyens.
En effet, vous avez cautionné la réforme de la dotation de solidarité urbaine, réforme contestée – et c'est historique – par l'ensemble des associations d'élus, car elle vise notamment à éliminer le critère du logement social des critères d'éligibilité. Vous faites ainsi le choix de pénaliser les maires bâtisseurs. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
Vous avez également, avec le Président de la République, décidé d'accorder 5 milliards d'euros aux promoteurs privés touchés par la crise financière internationale, sans vous préoccuper d'abonder prioritairement l'Agence nationale pour la rénovation urbaine, alors que de nombreux projets de rénovation et de construction de logements sociaux sont actuellement stoppés faute de crédits.
Vous n'avez pris aucune disposition pour contrer les biais introduits par la légitime loi DALO, qui conduisent à concentrer les populations les plus précaires dans les communes qui comptent déjà le plus de logements sociaux, contribuant ainsi à accentuer la ghettoïsation.
Enfin – mais la liste n'est pas exhaustive – vous avez proposé, avec l'article 17 de votre projet de loi actuellement en débat au Sénat, d'intégrer dans le décompte des 20 % de logements sociaux prévus par l'article 55 de la loi SRU les dispositifs d'aide à l'accession à la propriété. Alors que l'esprit de la loi SRU était d'encourager la construction de logements sociaux, votre article aurait permis a contrario aux communes d'en construire moins.
Vos dispositifs d'aide à l'accession à la propriété, s'ils sont bien des dispositifs sociaux, ne peuvent en aucun cas se substituer aux logements sociaux. La France des propriétaires que vous souhaitez ne doit pas éclipser celle de la solidarité par le logement social.
Les sénateurs, dans leur grande sagesse, ont mis hier un coup d'arrêt à cette frénésie en adoptant, par 314 voix contre 21, un amendement visant la suppression pure et simple de cet article. (Vifs applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
Alors que nous nous enfonçons dans une crise du logement durable et sans précédent, vos mesures vont à contre-courant de ce qu'il faudrait faire pour aider les millions de personnes qui souffrent de ne pas avoir de logement, de ne plus pouvoir payer leur loyer ou de devoir choisir, tout simplement, entre se loger et se nourrir.
J'espère, madame la ministre, que vous avez entendu le message clair des sénateurs. Pour en avoir la certitude, je vous pose donc trois questions simples.
Vous engagez-vous à ne pas tenter de revenir sur le vote du Sénat, et à soutenir un texte qui renforcera l'article 55 de la loi SRU – avec notamment des sanctions plus fortes à l'encontre des communes qui ne construisent pas, et qui affichent parfois avec indécence des parts de logements sociaux inférieures à 10 % ? (Protestations sur les bancs des groupes UMP et NC.)
Vous engagez-vous à soutenir l'ensemble des élus dans le combat légitime qui les oppose à la réforme de la DSU ? (Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
Vous engagez-vous, enfin, à abonder l'ANRU ? (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
La parole est à Mme Christine Boutin, ministre du logement et de la ville.
Le projet de loi sur le logement actuellement en discussion au Sénat est un projet global de réforme structurelle. Nous devons pouvoir faire évoluer notre approche du logement social.
L'article 17 a posé le débat. À Sarcelles, bien sûr, vous avez près de 50 % de logements sociaux, et cette question ne se pose pas. Toutefois, l'accession populaire à la propriété que j'ai proposé de prendre en compte dans le décompte des logements sociaux s'adresse aux mêmes personnes que celles qui ont accès au logement locatif social. (« Bravo ! » sur les bancs des groupes UMP et NC.) Ces personnes bénéficient des mêmes aides de l'État que pour le logement locatif social.
Plusieurs députés du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche. C'est faux !
Il est donc juste et équitable de prendre en compte l'effort des maires – et il y en a sur vos bancs – qui apportent des réponses adaptées à ceux de nos concitoyens qui ont des revenus modestes,…
…tout en appliquant avec rigueur et transparence des objectifs définis.
Le saviez-vous, monsieur Pupponi ? D'après une étude du CREDOC, 84 % de nos concitoyens sont favorables à cette mesure. (Protestations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
Je vous rappelle que les Français souhaitent majoritairement devenir propriétaires (Protestations sur les bancs des groupes SRC et GDR) et que le Président de la République s'est engagé pendant la campagne à ce qu'il y ait en France 70 % de propriétaires ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Le Sénat n'a pas souhaité ouvrir le débat sur cette évolution, qui nous oblige à revoir les dispositions d'accès au logement pour les familles les plus modestes. Il a donc voté très majoritairement pour la suppression de l'article 17. J'avais d'ailleurs émis un avis de sagesse pour les amendements de suppression.
Le texte que je présenterai à l'Assemblée nationale sera celui issu du Sénat. (« Mais encore ? » sur les bancs des groupes SRC et GDR.) Il ne comprendra pas l'article qui proposait de prendre en compte l'accession à la propriété, mais les députés auront naturellement la liberté d'amender le projet ! (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)
S'agissant de la DSU, monsieur Pupponi, je vous informe qu'à la demande de M. le Premier ministre, Mme la ministre de l'intérieur a relancé la concertation ; le Parlement sera naturellement destinataire des résultats de ce travail complémentaire. En ce qui concerne l'ANRU, les engagements qui ont été pris seront tenus ! (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)
..c'est presque une question d'instruction civique que je vais vous poser, et, après tout, c'est normal puisque vous êtes le successeur de Jules Ferry. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP. – Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
À l'école, on nous a appris que, dans une commune, le maire était chargé d'appliquer la loi...
..et qu'en matière scolaire il devait veiller au respect de l'obligation scolaire. C'est d'ailleurs ce qui est affirmé dans le code de l'éducation nationale.
Dans ces conditions, nous sommes nombreux à nous demander comment expliquer l'attitude d'un maire qui, dans un premier temps, assure qu'il appliquera la loi, mais qui, dans un second temps, décide tout à coup de ne pas le faire (Huées sur les bancs du groupe UMP) et d'appeler les parents d'élèves à ne pas amener leurs enfants à l'école. (« C'est honteux ! » sur les bancs du groupe UMP.)
Le maire de Paris, puisque c'est de lui qu'il s'agit (Huées sur les bancs du groupe UMP), a eu l'audace de demander aux parents d'élèves de garder leurs enfants chez eux, refusant ainsi d'appliquer la loi sur le service minimum d'accueil.
Monsieur le ministre, pensez-vous que parce que l'on cherche à avoir une position partisane, un maire doit oublier qu'il est le maire de tous les citoyens ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Monsieur le député, je voudrais tout d'abord vous rendre hommage, ainsi qu'aux maires d'arrondissement de Paris qui ont assuré l'accueil des élèves les jours de grève, rendant ainsi un service aux familles. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)
J'ajoute que, jeudi prochain, puisque la grève n'entraînera pas de grands désordres, c'est l'État qui assurera la garde des enfants. Les parents n'ont donc pas à s'inquiéter.
Vous avez posé une question de fond. On trouve en effet les crédits nécessaires lorsqu'il s'agit de transformer les quais de Seine en plage (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe UMP. – Protestations sur les bancs du groupe SRC) ou d'organiser les festivités des nuits blanches. (Mêmes mouvements.) Mais tous les Français ne font pas la fête, ils ne sont pas tous à la plage et ils ne sont pas tous en congés. (Mmes et MM. les députés du groupe UMP se lèvent et applaudissent. – Huées et claquements de pupitres sur les bancs du groupe SRC.) Il est normal de penser aux Français qui travaillent.
Mes chers collègues, seul le ministre de l'éducation nationale a la parole !
Voilà pourquoi c'est à juste titre, monsieur le député, que vous proposez que le maire de Paris assure l'accueil des élèves ! (Mmes et MM. les députés du groupe SRC crient « Démission, démission ! »)
Je terminerai en disant qu'il me semble que les responsables socialistes n'ont pas bien compris la devise de Paris, fluctuat nec mergitur, « il flotte mais ne coule pas ». J'ai plutôt l'impression que c'est : fluctuant sed merguntur, « ils flottent mais ils coulent » ! (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe UMP. – Huées sur les bancs du groupe SRC.)
La parole est à M. Damien Meslot, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.
Madame la ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi, la crise financière internationale qui frappe notre pays affecte beaucoup nos petites et moyennes entreprises, qui utilisent le crédit bancaire pour financer leurs investissements et pour assurer leur trésorerie.
Or, avec la crise, de nombreuses entreprises ont peur de ne pas pouvoir disposer d'un prêt pour leur investissement ou d'un concours bancaire pour subvenir à leurs besoins.
Afin de répondre à cette crainte, le Gouvernement a annoncé un plan d'aide financier aux PME de 22 milliards d'euros, qui permettra d'éviter un resserrement du crédit. Ce plan d'aide prévoit notamment qu'Oséo, la banque publique de financement des PME, interviendra directement, en prêtant de l'argent aux entreprises, ou indirectement, en garantissant les prêts accordés par les banques aux entreprises. Ce dispositif accroît par ailleurs de 50 % l'enveloppe de prêts disponible auprès d'Oséo. Enfin, ce plan prévoit d'augmenter de 2 milliards d'euros le volume des garanties accordées par Oséo aux prêts bancaires aux PME.
Je me félicite de l'ensemble de ces mesures qui viennent s'ajouter aux 30 milliards d'euros mis à la disposition des banques pour le financement des PME européennes par la Banque européenne d'investissement.
Toutefois, de nombreuses PME me font part des difficultés qu'elles rencontrent pour accéder à ces aides. En effet, nombreux sont les chefs d'entreprise qui, s'ils ont entendu parler du dispositif, ne savent pas concrètement comment y accéder.
Pouvez-vous nous expliquer, madame la ministre, comment fonctionnent l'ensemble de ces dispositifs et comment les chefs d'entreprise peuvent y avoir recours ? Quels sont, également, les critères à remplir pour bénéficier de ces aides ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
La parole est à Mme Christine Lagarde, ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi.
Monsieur le député, l'objectif du Gouvernement est de soutenir les petites et moyennes entreprises, ainsi que les entreprises de taille intermédiaire.
Notre action prend deux formes : financière, tout d'abord, d'assistance et de conseil, ensuite.
La forme financière, vous l'avez évoquée, consiste en un plan de 22 milliards d'euros dont, pour Oséo, 2 milliards en cofinancement, 2 milliards en garantie et 1 milliard destiné à renforcer la trésorerie des PME, celle-ci étant, pour nos entreprises, la vraie source de difficultés. Outre ces 5 milliards d'euros mobilisés par la banque publique des petites et moyennes entreprises, 17 milliards sont mobilisés pour les banques, qui s'engagent en contrepartie à établir un compte rendu mensuel de la mise à disposition de tous ces financements au profit des petites et moyennes entreprises et des entreprises de taille intermédiaire. Ces sommes sont disponibles dès aujourd'hui : toutes les banques de réseau sont mobilisées à cette fin.
Ensuite, parce qu'il n'est pas toujours facile de se repérer parmi les multiples outils disponibles, j'ai demandé aux agences régionales qui rassemblent les services de Bercy en région de nommer un « parrain PME », dont le rôle, en tant que contact des petites et moyennes entreprises, est de les aider dans leurs démarches. J'ai également demandé à Oséo de mettre en place un numéro azur – le 0810 00 12 10 – que toutes les petites et moyennes entreprises peuvent appeler. Du reste, au cours des dix derniers jours, plus de 2 000 appels ont déjà été recensés.
C'est pourquoi, lorsque j'entends des personnalités de l'opposition déclarer que nous devrions avoir une banque des petites et moyennes entreprises, je me dis qu'il y en a qui parlent et d'autres qui font ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP. – Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
Madame la garde des sceaux, les prisons de notre pays connaissent une crise sans précédent. Trois suicides dont ceux de deux mineurs et quatre tentatives ont été enregistrés en à peine dix jours. Au total, on compte 92 suicides depuis le début de l'année. Cette crise est d'abord liée au surpeuplement des maisons d'arrêt puisqu'on dénombre plus de 63 000 détenus pour 50 000 places. Certaines prisons sont même sur-occupées à plus de 200 % !
Face à cette situation particulièrement grave, vous affichez, madame la ministre, un incroyable mépris : mépris du personnel pénitentiaire qui lance un cri d'alarme sur une situation devenue ingérable ; mépris des détenus soumis à un régime dénoncé par toute l'Europe ; mépris des victimes car l'absence de libération conditionnelle et de préparation à la sortie encourage la récidive ;…
…enfin, mépris des magistrats que vous convoquez et réprimandez quand ils n'ont pas, selon votre goût, suffisamment appliqué les « peines planchers ».
Incohérence absolue, la semaine dernière, à la suite d'un double suicide de mineurs à Metz puis à Strasbourg, vous convoquiez les magistrats pour leur demander d'être plus circonspects quant à la mise en détention de mineurs ! Incohérence encore quand vous réunissez 200 directeurs d'établissement pénitentiaire – devenus des boucs émissaires – à qui vous demandez de ne pas tenir compte des avis médicaux.
Vous nous promettez la généralisation des aménagements de peine dans la future loi pénitentiaire, mais son examen est sans cesse repoussé. Les nouveaux établissements, dont vous annoncez fièrement l'ouverture, ne permettront pas l'application de l'encellulement individuel. Cela fait maintenant huit ans que vous différez cette obligation, et le projet de loi pénitentiaire, prévu pour 2009, propose de la reporter à 2012.
Votre politique est à la fois incohérente et dangereuse : vos lois pénales répressives remplissent les prisons à ras bord alors même que vous prônez des mesures d'aménagements de peine.
Madame la garde des sceaux, face aux événements tragiques qui endeuillent nos prisons, n'est-il pas temps de changer totalement de politique pénale ? (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
Monsieur le député Blisko, évidemment, la situation n'est pas satisfaisante.
Toutefois, quitte à donner des leçons, chacun doit faire preuve de beaucoup de retenue. (« Très bien ! » sur les bancs du groupe UMP.)
La surpopulation carcérale n'est pas une réalité qui date du 6 mai 2007. (Protestations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
Les prisons sont surpeuplées depuis 1995. Or nous tenons nos engagements en matière de création de places, si bien qu'en 2012, 13 200 seront disponibles. Nous sommes en train d'ouvrir des prisons à Mont-de-Marsan, Roanne, Lyon et à la Réunion. Enfin, en 2012, 12 000 bracelets électroniques supplémentaires seront disponibles, ce qui représente 12 000 places de prison en moins à construire.
Les suicides en prison, en particulier ceux des mineurs, sont un drame, et, comme pour la société, leur annonce a représenté à chaque fois un choc pour mes prédécesseurs et pour moi-même, ainsi que pour toute l'institution judiciaire. Pourtant, le nombre de suicides a fortement diminué en cinq ans : il a baissé de 20 %. Ce résultat n'est pas venu tout seul puisque 6 000 surveillants sur 23 000 sont régulièrement formés à la prévention du suicide. Pour ce qui concerne les mineurs, je vous ai présenté la semaine dernière un ensemble de mesures spécifiques prises avec Roselyne Bachelot.
La vérité est que le travail des personnels pénitentiaires s'exerce dans des conditions de plus en plus difficiles. (Exclamations sur les bancs du groupe GDR.) Avec moi, la représentation nationale pourrait rendre hommage à l'ensemble de ces personnels, à leur dévouement (Protestations sur les bancs des groupes SRC et GDR. – Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC), à leur courage et à leur sens des responsabilités. Après avoir personnellement contacté, hier, l'ensemble des représentants syndicaux, il a été décidé de renforcer l'action sociale en leur faveur et de réfléchir ensemble à l'amélioration de leurs conditions de travail.
Admettez donc, monsieur le député, que la polémique est de bonne guerre, mais ne résout rien.
Croyez-moi, la politique du Gouvernement s'inscrit dans l'action.
Le projet de loi pénitentiaire sera bientôt discuté et je vous rappelle que nous avons créé le poste de contrôleur général des lieux de privation de liberté, attendu depuis 2000, ce que vous n'avez pas eu le courage de faire. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)
La parole est à Mme Françoise Guégot, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.
Ma question s'adresse à M. le secrétaire d'État chargé de la prospective, de l'évaluation des politiques publiques et du développement de l'économie numérique.
Monsieur le secrétaire d'État, vous avez présenté hier le plan France Numérique 2012. Ce plan a pour objectif de faire de la France une grande nation numérique.
L'économie numérique représente désormais un quart de la croissance mondiale. Elle en représentera un tiers avant cinq ans.
L'économie numérique, ce sont les télécommunications, l'audiovisuel, les logiciels, les services informatiques, et la diversité sans cesse croissante des services en ligne. Elle représente le secteur le plus dynamique de l'économie mondiale. Dans la plupart des pays développés, son taux de croissance est le double de celui de l'économie.
Les investissements dans ce secteur sont identifiés comme les plus productifs, parce qu'ils accroissent la compétitivité de l'ensemble des autres secteurs de l'économie.
Or, en France, cet investissement est deux fois plus faible qu'aux États-Unis, et trois fois plus faible que dans les pays d'Europe du Nord. Un doublement des investissements dans l'économie numérique représenterait un point de croissance supplémentaire.
Aussi, ce plan, voulu par le Président de la République et le Premier ministre, propose une nouvelle politique industrielle française et européenne, avec l'objectif de replacer la France parmi les grandes nations numériques à l'horizon 2012.
Véritable intégrateur, ce plan vise à favoriser à la fois le développement des réseaux Internet haut débit et TNT, la production et les nouveaux modes de diffusion des contenus, et la diversification des usages, qu'il s'agisse de télésanté, d'éducation et de formation à distance, de télétravail, de e-commerce, ou encore d'administration électronique.
Pour la première fois, l'État présente une vision globale de sa stratégie dans le domaine du numérique.
Ma question est simple : quels avantages concrets les Français sont-ils en droit d'attendre de la mise en oeuvre de ce plan ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
La parole est à M. Éric Besson, secrétaire d'État chargé de la prospective, de l'évaluation des politiques publiques et du développement de l'économie numérique.
Madame la députée, ce qui va changer pour les Français, c'est d'abord qu'en 2010, ils vont avoir accès à l'Internet haut débit sur tout notre territoire. C'est une mesure que nos concitoyens attendaient, et que vous-mêmes, mesdames et messieurs les parlementaires, vous aviez largement réclamée. L'Internet haut débit, aussi indispensable aujourd'hui que l'eau ou l'électricité, c'est, sur 100 % du territoire, dès l'année 2010.
Ce qui va changer aussi, c'est que grâce à la loi de modernisation de l'économie que vous avez votée, et qui a été adoptée sous la responsabilité de Christine Lagarde, les opérateurs de la fibre optique vont investir, en dix ans, dix milliards d'euros. Dix milliards d'euros, c'est beaucoup d'activité, c'est beaucoup d'emplois, pour offrir de nouveaux services à nos concitoyens. Concrètement, dès 2012, 4 millions de Français devraient être connectés à la fibre optique.
Ce qui va changer, grâce à ce plan, c'est qu'avant la fin de l'année 2011, tous les Français recevront la télévision numérique terrestre, c'est-à-dire dix-huit chaînes gratuites, avec une qualité d'image incomparable. Et bientôt, ils auront accès à la radio numérique, dont le son est bien meilleur, à la télévision haute définition, et à la télévision mobile personnelle.
Ce qui va changer, c'est que l'État, avec ses partenaires, va multiplier les initiatives pour que tous les Français aient accès au progrès numérique.
Avec mes collègues du Gouvernement, chacun dans son secteur, nous allons aider les écoliers, les étudiants, les personnes âgées, mais aussi les petites entreprises et les PME, à passer, enfin, à l'âge du numérique.
Je ne peux détailler ici toutes les mesures de ce plan. Elles peuvent vous être accessibles grâce à ce CD, que je tiens à la disposition des parlementaires qui le souhaitent,…
…et de tous les Français, sur le site francenumerique2012.fr.
Vous le voyez, mesdames et messieurs les parlementaires, le Gouvernement veut que la révolution numérique touche l'ensemble du territoire, et touche tous les Français. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Plan de développement de l'économie numérique
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à seize heures, est reprise à seize heures dix.)
L'ordre du jour appelle les explications de vote et le vote par scrutin public, sur l'ensemble du projet de loi de programme relatif à la mise en oeuvre du Grenelle de l'environnement (nos 955, 1133, 1125).
La parole est à M. Jean-Louis Borloo, ministre d'État, ministre de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de l'aménagement du territoire.
Monsieur le président, mesdames, messieurs les parlementaires, permettez-moi, quelques instants avant le vote solennel de ce projet, de prendre la parole en mon nom et au nom de Nathalie Kosciusko-Morizet, de Dominique Bussereau, de Hubert Falco et de Michel Barnier, qui va nous rejoindre.
Lorsque nous avons commencé l'examen de ce texte, je vous disais : « Voici venu le temps du Parlement. » De fait, ce temps était venu au terme d'un processus au cours duquel, afin de faire bouger toute la société française, les cinq grands collèges du Grenelle avaient dû trouver un certain nombre de positions suffisamment raisonnables et responsables pour être partagées par tous.
Notre souhait, en ce début du débat, était que le Parlement, dans ce cas particulier, reconnaisse la valeur de ce processus préalable, mais que, son temps propre étant venu, il en use dans toute sa puissance, avec toute sa détermination, en se montrant à la hauteur de ce qui avait été fait auparavant, voire – c'était mon espoir – en faisant mieux.
Nous pouvons affirmer aujourd'hui que, tant sur la forme que sur le fond, la magie du Grenelle continue à opérer, eu égard à la manière dont les débats se sont déroulés et aux décisions qui ont été prises par le Parlement !
Nous devions examiner 2 200 amendements en l'espace d'une dizaine de jours. Ce délai a été raccourci compte tenu de la survenue d'événements urgents et majeurs dont il a fallu tenir compte dans notre ordre du jour. Je tiens à dire qu'aucun de ces 2 200 amendements ne s'est apparenté à de l'obstruction ou à de la répétition. Tous avaient pour objet de préciser le texte et de l'améliorer. Il va de soi que l'examen de 2 200 amendements passionnés prend du temps. Je remercie donc l'ensemble des groupes d'avoir accepté, en dépit des contraintes de l'ordre du jour, de se concentrer sur l'essentiel afin d'aboutir à des positions communes.
Je tiens à remercier chaleureusement le président de la commission, Patrick Ollier, le rapporteur, Christian Jacob, et le rapporteur pour avis de la commission des lois, Éric Diard. Si tout le monde a pu s'exprimer et défendre son point de vue, c'est notamment grâce au président de la commission et à la confiance dont il jouit auprès de l'ensemble des parlementaires. Le rapporteur a, quant à lui, fait voter cent cinquante amendements à l'unanimité.
Je me souviens vous avoir rappelé, vers trois heures du matin dans la nuit de vendredi à samedi, la tenue d'un conseil européen sur le paquet climat-énergie à Luxembourg, lundi 20 octobre, conseil décisif pour la préparation des conférences de Poznan, puis de Copenhague. Je vous ai dit combien il était important pour moi de m'y présenter avec un texte voté par le Parlement français. Je vous remercie donc de la compréhension dont vous avez fait preuve pour aller jusqu'au bout de l'examen de ce projet de loi, en nous permettant d'aboutir à un texte complet et complexe. Car on n'est pas dans le « il faut que », « il n'y a qu'à » ! Fort de ce que les Européens ont cru être le vote définitif du texte, j'ai pu, dès hier, obtenir le mandat de négociation pour la conférence de Poznan, ce qui nous permettra, avec deux mois d'avance, de mener les négociations internationales. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.) Cela, nous vous le devons à tous, sur tous les bancs. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC et sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
Alors que certains prédisaient que j'aurais à affronter la frilosité du Parlement, je constate que tous les amendements adoptés précisent le texte et représentent des avancées considérables. J'en citerai quelques-unes comme la validation du processus en lui-même et l'institutionnalisation par la loi du comité de suivi du Grenelle, voulue par la majorité, et en particulier MM. Dionis du Séjour et Pancher.
Parmi ces avancées figurent aussi l'accélération de la rénovation thermique avec 400 000 rénovations complètes par an à compter de 2013 ; des échéances réduites pour les bâtiments publics ; 180 000 logements sociaux rénovés en zone ANRU ; l'obligation de prévoir un dispositif de captage et de stockage du carbone pour toute nouvelle centrale à charbon ; le retrait total de la vente des lampes à incandescence à compter de 2010, c'est-à-dire bien avant les échéances prévues par l'Union européenne ; et enfin, l'affirmation de la nécessité absolue de préserver la biodiversité par l'instauration ferme de la trame verte et de la trame bleue.
Ce texte constitue donc non seulement une traduction fidèle des engagements du Grenelle de l'environnement, mais également une amplification de ses objectifs, de ses principes fondateurs et de son esprit. Oui, nous avons vécu un temps d'accélération et d'amplification. Le Parlement est allé encore plus loin que les cinq collèges sur un certain nombre de points symboliques. Je pense à l'application d'une norme rigoureuse pour le chauffage des habitations neuves à partir de 2012 ou à l'introduction d'un principe de modulation incitatif en matière de déchets.
Ce texte est un grand texte parce que c'est le texte d'une communauté française rassemblée dans sa diversité et dans ses différences, parce que né d'un dialogue démocratique crédible et responsable, né de compétences et de légitimités croisées. C'est un grand texte parce qu'au moment où l'Europe et certaines parties du monde hésitent encore sur la voie à suivre, à un moment où on sent bien que le vent de l'histoire peut encore souffler dans un sens ou dans l'autre, la France affirme clairement et sereinement sa volonté d'engager une mutation environnementale indispensable, montrant ainsi la voie de la responsabilité à un capitalisme parfois en proie au doute.
C'est un grand texte parce qu'il comporte de véritables changements conceptuels et intellectuels, dont certains ont été introduits par votre Assemblée, comme le renversement de la charge de la preuve pour les décisions publiques susceptibles d'avoir une incidence significative sur l'environnement, ou la reconnaissance d'un principe de compensation de la biodiversité qui est, au fond, la reconnaissance, par la nation, du « prix du vivant ». C'est un texte « copernicien », pour reprendre le mot de Nathalie Kosciusko-Morizet, en ce qu'il rétablit l'ordre naturel des priorités : priorité au long terme sur les stratégies de court terme ; priorité à la proximité et à l'économie locale ; priorité à la qualité – qualité de l'air, qualité de l'alimentation, qualité de l'eau, qualité de vie – ; priorité à l'industrie dans les secteurs clefs de la croissance verte ; priorité à la sobriété en carbone à un moment où l'on sent bien que nous sommes à la veille de l'irréparable ; priorité à l'énergie propre, renouvelable et localisée ; priorité aux économies d'énergie, aux transports propres.
C'est un grand texte parce qu'il trace le seul chemin de croissance possible dans un contexte de raréfaction des ressources,…
…à un moment où tous les grands pays du monde investissent massivement dans les nouvelles technologies de l'environnement, la capture et le stockage du carbone, les moteurs hybrides, les énergies renouvelables, l'efficacité énergétique.
Mesdames et messieurs les députés, le processus du Grenelle de l'environnement était un processus solide ; ce débat a démontré que le projet de loi sur la mise en oeuvre du Grenelle de l'environnement était un texte solide. Avec Dominique, Nathalie, Michel et Hubert, nous sommes fiers d'avoir construit ce texte avec vous.
C'est un texte qui a été examiné en profondeur par la représentation nationale. C'est un texte solide parce qu'il a été amélioré par tous les groupes parlementaires présents sur ces bancs et parce qu'il est financé dans son intégralité, comme le montrent les 100 milliards d'euros inscrits dans la loi de programmation, comme le montrera aussi l'examen du projet de loi de finances initiale pour 2009 et comme le démontrera l'ensemble du « verdissement » de la fiscalité française.
C'est un texte solide parce qu'il est, d'ores et déjà, opérationnel sur 80 % de ses objectifs, en attendant le texte d'ajustement et d'application que sera le Grenelle II que nous déposerons très prochainement en Conseil d'État.
C'est donc fort de son dialogue social, fort de sa capacité à se rassembler pour faire face à l'adversité, fort de sa vocation d'universalisme et d'humanisme, que notre pays aborde aujourd'hui une nouvelle étape de son histoire industrielle, économique et environnementale. C'est à vous, et à vous seuls, qu'il appartient désormais de confirmer le cap fixé par la société civile dans son ensemble.
Je suis confiant dans le vote auquel il vous appartient désormais de procéder. Permettez-moi d'avoir une pensée pour ceux, qui, au long des décennies passées, ont tenté d'alerter, de cristalliser cette prise de conscience...
… ceux qui, dans les laboratoires et les entreprises cherchent et anticipent cette évolution technologique, ceux qui forment nos enfants. Je pense aussi aux collectivités locales qui se sont engagées, mais surtout à ces milliers d'acteurs qui, au sein de groupes de travail, allant au-delà de leurs responsabilités professionnelles, ont fait progresser le Grenelle de l'environnement, ce sans parler des comités de suivi.
Permettez-moi également de me remémorer ce moment de notre débat, où à trois heures du matin, loin des postures politiciennes, nous étions tous rassemblés. Je me souviens particulièrement de la remarque d'un député de l'opposition que je ne nommerai pas, qui déclarait « être fier d'être parlementaire » ! (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)
Dans les explications de vote, la parole est à M. Serge Poignant, pour le groupe UMP.
Monsieur le président, monsieur le ministre d'État, madame la secrétaire d'État, messieurs les ministres, nous arrivons au terme de la première partie d'un immense travail qui est l'aboutissement d'un processus inédit.
Au terme de la première lecture d'un projet de loi majeur, nous vous adressons, monsieur le ministre, madame la secrétaire d'État, toutes nos félicitations et nos remerciements. Vous avez su nous écouter et nous faire participer à l'élaboration de ce texte. Mes remerciements s'adressent également à l'ensemble de vos collaborateurs ainsi qu'au président de la commission des affaires économiques, Patrick Ollier, qui a été omniprésent et dont l'implication au service de ce projet de loi a été totale, tant en commission que dans l'hémicycle. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.) Je n'oublie évidemment pas notre rapporteur Christian Jacob (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe UMP) qui a effectué un travail considérable en examinant dans le détail les 2 200 amendements déposés dont plus de 20 % ont été acceptés, un tiers émanant de l'opposition. Ses réponses étaient toutes fort argumentées.
Le projet de loi respecte les engagements du Grenelle. Il répond aux questions des parlementaires qui souhaitaient des évaluations et des études d'impact, qui se préoccupaient de la fiscalité, de la concurrence et de l'emploi dans les entreprises. Oui, monsieur le ministre, il est urgent de légiférer, de faire des économies d'énergie, de limiter les émissions de gaz à effet de serre, de protéger l'environnement et la biodiversité ; bref, de protéger notre santé.
Oui, notre société est en pleine mutation et cette mutation, la France ne doit pas se contenter de l'accompagner mais doit se montrer volontariste et saisir la chance d'une économie durable, d'un nouveau progrès social et environnemental. En adoptant les articles en première lecture, nous avons permis à notre ministre de l'environnement d'être en position de force, hier à Luxembourg, et, demain, à la conférence de Poznan, pour que l'Europe en sorte renforcée. Je souhaite que ce projet de loi majeur pour l'avenir de notre société recueille la plus large adhésion possible. Nous nous honorerions à voter ce texte qui fera date dans notre législation et constituera un exemple à suivre pour le reste du monde. Il y va de notre survie sur cette planète ! Soyons, au-delà de nos sensibilités politiques, fiers d'adopter ce texte majeur ! (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)
Monsieur le président, madame la secrétaire d'État, messieurs les ministres, mes chers collègues, la loi Grenelle I est soumise aujourd'hui, en première lecture, au vote de l'Assemblée, après un parcours pour le moins chaotique. Plusieurs fois reportée, la première lecture a failli être interrompue en raison de l'obligation que nous avions d'aborder la loi de finances cette semaine.
Le Parlement ne peut se contenter d'être la chambre d'enregistrement des compromis ponctuels de la société civile. Il doit les inscrire dans la durée. Comment avez-vous pu penser que ce qui avait été décidé après quatre mois de concertation, serait approuvé en quatre jours à l'Assemblée ? Votre mauvaise appréciation du calendrier et de l'importance que les parlementaires accordent à ces questions nous ont amenés à une impasse jeudi soir ou, plutôt, très tôt vendredi matin.
Au rythme suivi – rythme normal, étant donné l'importance du sujet –, nous ne pouvions terminer l'examen de la loi avant d'entamer celui de la loi de finances, ce qui reportait une fois de plus, de quelques mois, le vote en première lecture. La loi Grenelle risquait un enlisement quasi définitif. Vous nous avez alors proposé – je n'irai pas jusqu'à dire menacés… (Murmures sur les bancs du groupe UMP.)
…de réécrire les articles, ce qui faisait tomber tous les amendements. Ce « 49-3 de commission » était non seulement inadmissible, mais inutile.
Monsieur le ministre, vous nous avez alors déclaré que vous souhaitiez ardemment voir l'examen de cette loi achevé, car cela renforcerait votre position lors de la négociation du paquet « climat-énergie » à Bruxelles. Conscients de l'importance et de la difficulté de cette négociation, nous avons pris nos responsabilités. Car le combat pour l'environnement en France et en Europe est notre combat. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC et « très bien ! » sur les bancs du groupe UMP.)
Nous avons voulu sauver le Grenelle I d'un enlisement qui lui aurait été fatal, et permettre à la France de mieux défendre le paquet climat-énergie à Bruxelles. (« Très bien ! » sur plusieurs bancs du groupe UMP.) Afin d'achever l'examen du texte dans les délais impartis, nous nous sommes donc limités aux interventions essentielles, réservant les autres pour la deuxième lecture.
Le débat s'est poursuivi dans les formes habituelles, puisque trois articles seulement ont été réécrits, sur les trente qui restaient à examiner. J'ajoute que Mme la vice-présidente de l'Assemblée nous a donné la parole chaque fois que nous l'avons demandée ; je l'en remercie. (« Très bien ! » sur divers bancs.)
Cette loi n'est pas une loi de programmation ; c'est à peine une loi d'orientation. Et si, sur ses grandes orientations, nous sommes généralement d'accord, la véritable question est la suivante : s'agit-il seulement d'affichage, ou ces orientations seront-elles appliquées ?
À cet égard, assurément, nous avons des raisons d'être inquiets. Sur les moyens, tout d'abord. Sur ce point, nous serons attentifs lors de l'examen de la loi de finances : nous veillerons, d'une part, à ce que les crédits nécessaires soient bien inscrits, par exemple en matière de recherche ; d'autre part, à ce que le gel qui frappe chaque année nos finances ne touche pas la mise en oeuvre du Grenelle. En outre, nous regrettons vivement les tergiversations sur la contribution climat-énergie.
D'autre part, s'agissant des objectifs, vous avez refusé tous nos amendements tendant à appliquer concrètement les principes que nous avions défendus ensemble. Ainsi, vous refusez de geler les réformes des services publics que vous avez engagées – carte hospitalière, carte judiciaire, Poste, garnisons... –, ce qui vous aurait pourtant laissé le temps d'analyser leur bilan carbone, puisque toutes accroissent les déplacements. La proximité, qui constituait déjà une nécessité en matière sociale et d'aménagement du territoire, devient une nécessité écologique. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
En outre, dans certains articles, par exemple à l'article 4, relatif au seuil de 50 kilowattheures par mètre carré et par an, sont introduites des modulations susceptibles de vider les principes de leur substance. Enfin, nous sommes encore loin du compte s'agissant de l'eau et de l'agriculture.
Malgré ces imperfections, le travail constructif des députés socialistes lors du débat a porté ses fruits : notre discussion a permis de véritables avancées, puisque vous avez repris plus d'une centaine de nos amendements. Outre les amendements communs à tous les groupes – tel le renversement de la charge de la preuve – et les nombreux amendements communs à la gauche, dont le principe de reconnaissance des services rendus par la biodiversité, nous avons insisté sur quelques thèmes majeurs en leur consacrant des amendements que vous avez repris. Tel est le cas de la reconnaissance de l'urgence écologique à l'article 1er, complété par un amendement sur l'océan Arctique ; de l'ajout de la troisième composante du développement durable, le progrès social, aux objectifs des politiques publiques ; de la reconnaissance du rôle environnemental de l'outre-mer, initialement relégué à la fin du texte, dans les articles d'adaptation, mais désormais cité, sur proposition socialiste, dès l'article 1er, avec les principes de subsidiarité et de gouvernance locale. Enfin, sur notre proposition également, la lutte contre la précarité énergétique est ajoutée aux objectifs, et l'impératif de sobriété et d'efficacité énergétiques réaffirmé pour les particuliers comme pour les industriels. Cette liste n'est évidemment pas exhaustive.
Face à une loi qui entérine le succès du travail de concertation mené par les partenaires du Grenelle, qui fait des associations environnementales des acteurs à part entière de la société civile et reprend l'essentiel des compromis élaborés lors du Grenelle, enrichis par nos débats et par les amendements socialistes, nous vous disons : « Chiche ! » (« Ah ! » sur les bancs du groupe UMP.)
Alors que la crise écologique est occultée par les crises financière et économique, nous devons adresser un message fort à nos concitoyens : les questions environnementales demeurent incontournables.
Nous voterons donc ce texte en première lecture aujourd'hui. Mais vous pouvez compter sur notre vigilance ! Nous prenons date, et nous jugerons sur pièces ! (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe SRC et sur plusieurs bancs du groupe GDR.)
Le scrutin est annoncé dans l'enceinte du Palais-Bourbon.
La parole est à M. Yves Cochet, pour le groupe GDR.
Monsieur le président, madame la ministre, messieurs les ministres, chers collègues, ce texte aurait pu être une bonne loi. Certes, nous ne désespérons pas qu'il le devienne dans quelques mois, à la faveur de son examen au Sénat puis de la seconde lecture ici même. Malheureusement, ce n'est pas encore le cas, pour plusieurs raisons.
Tout d'abord, la moitié du domaine de l'écologie n'y est pas abordée. Le nucléaire étant tabou, il n'était pas question d'en parler : c'était hors sujet ! (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Nous l'avons tout de même évoqué, mais incidemment, alors que ce sujet relève, hélas, – ô combien ! – de l'écologie. (Même mouvement.)
Ensuite, les OGM avaient déjà été traités – mais après le processus du Grenelle, qui s'était déroulé, de l'aveu de tous, de manière satisfaisante – par une loi qui autorisait leur culture en plein champ. Pour notre part, nous avions voté contre. Ce sujet relève également de l'écologie au sens large.
En outre, la moitié de la terre manque – je veux parler du sous-sol : pas un mot sur la déplétion des énergies fossiles, que j'appelle l'amont du carbone et qui est aussi importante que le changement climatique.
Nous n'examinions donc qu'une moitié de texte écologique.
De plus, nous n'y avons pas exactement retrouvé les 173 engagements proposés par les partenaires du Grenelle – dont le MEDEF, les syndicats, les associations et les collectivités. Ainsi, à l'article 9, le plafonnement de la capacité routière globale de la France est finalement devenu la possibilité de refaire des routes et des autoroutes, comme d'habitude, pour des raisons d'engorgement, de sécurité ou d'intérêt local.
Enfin, plusieurs dispositions adoptées par la commission ont encore raboté un texte qui échouait déjà à satisfaire pleinement aux conclusions du Grenelle. Je pense à l'amendement sur la réduction des exigences d'isolation dans les bâtiments dès lors que ceux-ci sont chauffés à l'électricité. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Mais si : la possibilité de moduler dans ce cas la norme des 50 kilowattheures par mètre carré et par an signifie que l'on ira jusqu'à 80 ou 120 ! Tel était du reste le sens initial de l'amendement de M. le président Ollier. On le vérifiera quand viendra le décret d'application.
Je songe également à un amendement de M. le rapporteur qui propose une valorisation énergétique des déchets urbains et ménagers – c'est-à-dire une relance des incinérateurs ! On peut faire de ces déchets, déjà porteurs de valeur ajoutée, un usage beaucoup plus intelligent que celui qui consiste à les mettre dans un grand four.
Il y a bien des raisons de voter pour ce projet de loi – ou plutôt des prétextes : certaines associations en sont plutôt satisfaites. Mais d'autres se sont montrées très critiques – je me garderai de citer leurs noms afin d'éviter de les stigmatiser.
Il y a aussi bien des raisons de voter contre ; je viens d'en citer quelques-unes, mais ce ne sont pas les seules. Ainsi, madame la ministre, monsieur le ministre, pourquoi ne pas substituer au concept mou de développement durable, qui se prête mal aux quantifications, celui d'empreinte écologique, véritable indicateur scientifique sérieux, pour évaluer l'effet de l'activité humaine sur l'environnement ? J'espère que la seconde lecture le permettra.
Pour l'heure, et parce que nous souhaitons contribuer à vos côtés à améliorer le dispositif à la faveur de la navette et du Grenelle II – encore un effort pour être écologistes ! –, les députés verts, les députés communistes et républicains et les députés ultramarins du groupe GDR s'abstiendront sur ce texte. (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR. – Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
La parole est à M. Jean Dionis du Séjour, pour le groupe Nouveau Centre.
Monsieur le président, mes chers collègues, madame la ministre, messieurs les ministres, la loi de mise en oeuvre du Grenelle de l'environnement va être votée, et elle restera, nous en sommes convaincus, l'une des très grandes lois de ce mandat.
Je l'ai affirmé au nom du Nouveau Centre dès le début de nos travaux : nous ne vous mégoterons ni ne négocierons notre soutien à un texte d'une telle importance. Monsieur le ministre, nous voterons votre projet, car nous en soutenons l'objectif stratégique : libérer la France le plus rapidement possible de la dépendance à l'égard des hydrocarbures (Applaudissements sur les bancs du groupe NC et sur plusieurs bancs du groupe UMP.)
Nous le voterons aussi parce qu'afin d'atteindre cet objectif, le Grenelle de l'environnement ouvre deux chantiers majeurs : l'amélioration des performances thermiques de nos bâtiments et la transition de nos modes de transport du tout automobile vers le primat des transports collectifs urbains et du ferroviaire.
Nous le voterons enfin pour saluer le caractère innovant du processus d'instruction et d'approbation de cette immense transition.
Pour tout cela, monsieur le ministre, permettez-nous tout simplement de vous féliciter – et de vous encourager, car la route sera longue !
Enfin est venu le temps du Parlement. Nos débats, reconnaissons-le, ont été à la hauteur des enjeux. Mais je ne peux pas ne pas regretter les conditions d'examen du texte. Certes, le calendrier et la nécessité de réagir d'urgence à la crise financière ne nous ont guère aidés. Mais, si nous avons bien travaillé sur les vingt premiers articles, les trente-trois suivants auraient mérité un meilleur traitement, étant donné le travail accompli l'année dernière par les parties prenantes. Je tiens néanmoins à saluer l'oeuvre de la commission, de son président et de son rapporteur, et les vingt-deux réunions de travail qu'elle a tenues.
Vivement l'application de la réforme constitutionnelle et la modification de notre règlement intérieur, qui permettront au texte de la commission d'être examiné dans l'hémicycle et à chaque groupe de disposer d'un temps global ! Peut-être pourrons-nous alors travailler mieux.
Outre la valeur stratégique du texte, la percée démocratique qu'il représente et les chantiers qu'il a ouverts, nous sommes satisfaits de l'attention que vous avez accordée, monsieur le ministre, à nos propositions d'amendements, notamment la plus essentielle – vous l'avez citée –, tendant à instaurer un suivi à long terme des objectifs et des outils définis par ce projet de loi. Il s'agissait d'une lacune majeure du texte, que vous avez comblée. Encore faut-il compléter ce suivi par une expertise scientifique et par un arbitrage final du Parlement sur l'évolution des orientations et des chantiers du Grenelle. Nous ne désespérons pas de vous en convaincre au cours de la navette.
Monsieur le ministre, j'ai commencé de vous apporter le soutien plein et entier des députés centristes ; tout au long des travaux du Grenelle I, de l'examen de la loi de finances pour 2009 et de l'examen du Grenelle II, notre soutien et nos amendements ont eu et auront pour seul objectif d'enraciner le Grenelle dans le temps, afin d'en garantir le succès, dont la France a besoin ! (Applaudissements sur les bancs du groupe NC.)
C'est dans cet état d'esprit, mû par la volonté et l'espérance de doter notre pays et notre société d'un Grenelle durable, que le groupe du Nouveau Centre votera avec enthousiasme votre texte ! (Applaudissements sur les bancs du groupe NC et du groupe UMP.)
Nous allons maintenant procéder au scrutin public sur l'ensemble du projet de loi.
(Il est procédé au scrutin.)
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 551
Nombre de suffrages exprimés 530
Majorité absolue 266
Pour l'adoption 526
Contre 4
(Le projet de loi est adopté.)
(Applaudissements prolongés sur les bancs du groupe UMP et du groupe NC.)
La parole est à Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, secrétaire d'État chargée de l'écologie.
MM. Borloo, Bussereau, Falco et moi-même tenons à remercier les services de l'Assemblée nationale et tous ceux qui nous ont accompagnés pendant ces longues journées et ces longues nuits.
Je remercie également tous les parlementaires qui se sont associés au grand mouvement du Grenelle. De mauvaises langues, vous vous en souvenez peut-être, avaient douté de la capacité du Parlement à se montrer à la hauteur de ce dernier. Le vote d'aujourd'hui leur adresse un démenti éclatant, en montrant que l'esprit du Grenelle souffle aussi sur l'Assemblée et que celle-ci est capable de dépasser les clivages partisans au nom de l'urgence écologique.
Nous regrettons que certains – très peu nombreux – aient choisi de se tenir à l'écart de ce mouvement ; mais ils auront une seconde chance ! Pour notre part, nous sommes tout à notre joie de ce très beau vote ! Merci à tous. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Vote sur l'ensemble
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à seize heures quarante-cinq, est reprise à dix-sept heures, sous la présidence de M. Alain Néri.)
La conférence des présidents propose à l'Assemblée de suspendre ses travaux, en application de l'article 28, alinéa 2 de la Constitution, du mardi 23 décembre 2008 au dimanche 4 janvier 2009, du samedi 21 février 2009 au dimanche 1er mars 2009 et du samedi 11 avril 2009 au dimanche 26 avril 2009.
Hier soir, l'Assemblée a commencé d'entendre les orateurs inscrits dans la discussion générale.
Nous allons maintenant entendre les porte-parole des groupes.
La parole est à M. Jean-Claude Sandrier, pour le groupe GDR, pour vingt minutes.
Monsieur le président, monsieur le ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique, mes chers collègues, ce débat budgétaire a un côté surréaliste : en pleine crise du capitalisme, le Gouvernement fait comme si de rien n'était, nous présentant un budget dans la droite ligne des précédents, ceux-là mêmes qui ont contribué à alimenter la crise par la réduction de l'investissement public et des services publics ainsi que par des exonérations de toute nature favorisant l'accumulation du capital sans qu'aucune contrepartie soit exigée en termes de développement économique, d'emplois rémunérés et de progrès social. Bref, vous persévérez dans l'erreur, faisant aujourd'hui ce qu'il ne fallait déjà pas faire hier.
Avec les responsables politiques des grands pays capitalistes, vous partagez l'entière responsabilité de ce qui se passe. Et il est trop facile de venir dire aux Français, telles des vierges effarouchées, que cette crise est due à quelques banquiers indélicats ou égarés qui – on va voir ce qu'on va voir ! – seront punis alors même que le système dans lequel nous sommes, le comportement de ce monde financier prédateur, vous les avez non seulement couverts mais, pis, encouragés et entretenus.
Comment pouvez-vous avoir le culot de dire, comme à une certaine époque : « nous ne savions pas » ? Vous saviez que certains capitaux exigeaient des rendements de 10, 15, voire 20 % alors même que la croissance était à 2 %. Vous saviez que les fonds spéculatifs existaient. Vous connaissiez les mises en garde répétées des économistes les plus éminents indiquant que nous allions dans le mur. En 2003 – mais certains avaient fait part de leurs inquiétudes bien avant –, le prix Nobel d'économie américain Joseph Stiglitz dénonçait dans son livre Quand le capitalisme perd la tête cette idéologie suicidaire de la liberté totale des marchés, notamment financiers, se nourrissant de la détérioration de la condition salariale et de l'attaque contre les services publics. Il expliquait que « la réduction des déficits n'a pas amené et n'amènera pas la reprise, ni aux États-Unis, ni en Europe, les réductions d'impôt pour quelques-uns amenant, quant à elles, simplement à créer des déficits à long terme sans stimuler vraiment l'économie à court terme ». Il ajoutait que cette politique du tout-marché, du tout privatisé, du tout subordonné aux super-rendements des dividendes conduisait à la fois à l'aggravation des inégalités, donc à un déséquilibre plus grand à l'échelle mondiale et nationale, mais aussi à des gaspillages dont « le chiffre doit se situer dans les centaines de milliards de dollars ». Que dire aujourd'hui !
En 2006, Joseph Stiglitz publiait un autre livre au titre tout aussi évocateur, sonnant comme un nouveau signal d'alarme, Un autre monde : contre le fanatisme du marché. « Tôt ou tard le monde devra faire certaines réformes […] il s'agit de savoir si ce sera avant ou après une nouvelle vague de désastres mondiaux », écrivait-il – avant la crise dite des subprimes, rappelons-le –, soulignant qu'autoriser la circulation sans entrave des flux de capitaux spéculatifs est extrêmement risqué. Or qui donne une telle autorisation si ce n'est les responsables politiques, englués dans leur idéologie dite libérale ?
Tout cela, vous le saviez. Et lorsque, à cette tribune, je citais Stiglitz, cela vous faisait, vous et vos prédécesseurs, monsieur le ministre, hausser les épaules ou sourire de ce sourire un peu dédaigneux des gens qui ont toujours raison face à ceux qui n'y comprennent rien.
Le gauchisme aussi soudain que pathétique du Président de la République et du Gouvernement ne trompera personne – surtout lorsque l'on sait ce qu'a proposé Nicolas Sarkozy en avril 2007, à genoux devant son grand modèle, le capitalisme américain : « Les ménages français sont aujourd'hui les moins endettés d'Europe. Or, une économie qui ne s'endette pas suffisamment, c'est une économie qui ne croit pas en l'avenir, qui doute de ses atouts, qui a peur du lendemain. C'est pour cette raison que je souhaite développer le crédit hypothécaire pour les ménages. Je propose que ceux qui ont des rémunérations modestes puissent garantir leur emprunt par la valeur de leur logement. Il faut réformer le crédit hypothécaire. Si le recours à l'hypothèque était plus facile, les banques se focaliseraient moins sur la capacité personnelle de remboursement de l'emprunteur et plus sur la valeur du bien hypothéqué. Cela profiterait alors directement à tous ceux dont les revenus fluctuent, comme les intérimaires et de nombreux indépendants. ». Nicolas Sarkozy avait découvert les subprimes à la française et voulait les généraliser au plus vite ! Fort heureusement, l'arrivée de la crise ne lui en a pas laissé le temps.
Enfin, pour clore ce chapitre, je veux citer Patrick Artus, professeur d'économie à la Sorbonne. Dans Le capitalisme est en train de s'autodétruire, publié en 2005, il tirait lui aussi la sonnette d'alarme : « L'argent coule à flots mais alimente plutôt la voracité des investisseurs, dans une course aux rendements financiers à court terme », affirmant plus loin que « cette logique court-termiste à rentabilité élevée porte en elle-même sa propre fin puisqu'elle suppose de sacrifier l'avenir ».
Alors cessez de dire que vous ne saviez pas, cessez de dire que vous ne pouviez rien faire, cessez de demander la solidarité entre ceux qui ont couvert et encouragé une politique désastreuse et ceux qui la subissent de plein fouet. Pour une fois, assumez votre idéologie et votre responsabilité politique. Ne demandez pas à ceux qui ont vu arriver l'incendie, qui se sont battus contre ce système, de venir soutenir ceux qui ont mis le feu et l'ont attisé.
Oui, selon l'expression de Patrick Artus, vous avez « sacrifié l'avenir ». Vous avez conduit une politique qui accordait une liberté dont les limites étaient chaque jour reculées pour permettre à la finance de dominer le monde, l'Europe et la France. Et notre chance, dans ce malheur, c'est qu'en France, vous n'aviez pas encore pu faire sauter tous les verrous. Pourtant, vous avez tout fait pour inscrire notre pays dans cette logique néolibérale anglo-saxonne : la libre circulation des capitaux, c'est vous ; la politique de dérégulation, de déréglementation, de suppression des services publics, c'est vous ; l'accumulation du capital au détriment des salaires par des exonérations fiscales, des exonérations de cotisations sociales ou le bouclier fiscal, c'est encore vous !
Selon vous, il fallait enrichir les riches pour faire fonctionner l'économie, mais la promesse d'enrichissement perpétuel des détenteurs de patrimoine financier est fondée au bout du compte sur la détérioration de la condition salariale : chômage, précarité, laminage de l'assurance-maladie et des retraites, casse du code du travail, exploitation éhontée des salariés avec des petits boulots suffisant à peine à les nourrir et à les loger, augmentation de la pauvreté – aujourd'hui supérieure à 13 %.
En dix ans, le patrimoine des 500 plus grosses fortunes françaises est passé de l'équivalent de 6 % du PIB à 14 % aujourd'hui, soit un enrichissement de 150 milliards d'euros. La voilà, votre politique ! Et après cela, vous allez lamentablement chercher 1 milliard d'euros pour le RSA dans la poche du Français moyen : quelle indécence !
Dans ces conditions, comment osez-vous affirmer devant nos concitoyens qu'il est impossible de boucher le trou de la sécurité sociale mais qu'il faut boucher celui des banques, sans avoir à compter les milliards ? En vingt-quatre heures, 15 milliards d'euros viennent d'être débloqués.
Et le problème, c'est qu'avec votre projet de budget, vos textes de loi, vous persévérez à vouloir faire grossir des fortunes qui ne peuvent ensuite qu'alimenter la spéculation. Vous ne tirez aucune leçon de ce qui vient de se passer, vous faites, comme d'habitude, juste semblant de vouloir réguler, mais réguler à la sauce du milliardaire Soros, c'est-à-dire « un peu mais pas trop » – ce qu'un chercheur français du CNRS vient de qualifier de chimère car la maîtrise du risque financier est sans solution, selon lui.
En fait, cet épisode de la crise du capitalisme marque pour vous une cuisante défaite idéologique. Vous qui chantiez, avec quelques médias bien intentionnés, le triomphe idéologique de la droite et du libéralisme, vous êtes bien obligés de reconnaître aujourd'hui que rien ne peut être rétabli sans une intervention lourde de l'État, passant même par des nationalisations comme aux États-Unis ou en Grande-Bretagne. Vous les champions de la privatisation tous azimuts, vous voilà acculés à renoncer à privatiser La Poste car elle se révèle être aujourd'hui le seul pôle financier français à l'abri de la crise parce qu'elle est un service public. Certes, à vos yeux, ce n'est pas moderne, ce n'est pas faire comme nos partenaires. Sans doute, mais c'est efficace pour nous préserver d'un système qui a perdu tout sens de l'humain.
Cet échec idéologique et politique ne fait que renforcer les responsabilités de l'ensemble de la gauche, qui ne saurait se contenter de rafistoler ou de bricoler un système qui produirait les mêmes catastrophes demain. Il y a, en effet, un autre monde à construire. Il n'est à chercher ni dans un capitalisme light, ni dans un social-libéralisme de type Canada Dry, ni dans les vieilles recettes étatistes de l'ex-URSS. Mais une chose est sûre, il ne se construira qu'en s'attaquant aux racines du mal. C'est tout le sens de notre combat.
La racine du mal, c'est la dictature des marchés financiers et des taux excessifs de rentabilité. Nous ne pourrons sortir durablement de la crise sans remettre en cause les niveaux d'exigence de rentabilité des capitaux. Voilà ce qui doit être à la base de cet autre monde à construire.
L'urgence est de créer dès maintenant une nouvelle dynamique économique qui ne peut être fondée que sur un autre partage des richesses et une nouvelle façon de les produire. Seule une gauche ayant trouvé sa place à gauche peut y parvenir ! Cette urgence peut se traduire en un slogan simple que nos concitoyens comprennent parfaitement aujourd'hui : il faut rémunérer davantage le travail que le capital. Moins pour les profits, les dividendes, les stock-options, les cadeaux fiscaux accordés à quelques-uns ; plus pour les salaires, l'emploi, les retraites, la recherche, l'enseignement, en fait pour tout ce qui renforce la seule richesse réelle, celle des capacités humaines.
Aujourd'hui, nous n'en sommes plus à une régulation impossible car quand quelque chose ne marche plus, le problème n'est pas de réguler mais de changer.
Nous proposons trois niveaux de mesures – mondiales, européennes, françaises.
Au plan mondial, il faut supprimer les paradis fiscaux, véritable cancer du développement économique. Il s'agit également de taxer les transactions financières, grâce à une taxe Tobin améliorée, dont le produit permettrait à lui seul d'assurer un minimum vital en matière d'alimentation, de santé et d'éducation aux deux milliards d'êtres humains qui manquent de tout. Il importe aussi de plafonner les dividendes dont le niveau est un véritable fauteur de désordre. Ce ne sont pas les grèves qui mettent le désordre, ce n'est pas l'immigré, c'est la rapacité des actionnaires !
Enfin, il faut organiser un nouveau système financier international, sous l'égide de l'ONU, en créant une monnaie unique d'échange qui ne soit pas le dollar.
Au niveau européen, il faut :
Premièrement, changer les statuts et les missions de la Banque centrale européenne, qui doit servir prioritairement l'emploi en qualité et quantité, la recherche et l'investissement public, sources de croissance ;
Deuxièmement, se fixer des objectifs et un calendrier précis pour une harmonisation sociale et fiscale par le haut ;
Troisièmement, supprimer l'article 56 du traité européen qui autorise la liberté totale de circulation des capitaux ;
Quatrièmement, lancer un programme d'investissement en faveur de la recherche, des transports – notamment du rail –, de l'énergie, de la santé et de l'industrie.
À l'échelle de notre pays, il faut :
Premièrement, créer un pôle financier public car une des leçons à tirer de la situation, c'est la nécessité du double contrôle de l'État et du citoyen afin de permettre notamment un crédit sélectif et incitatif pour les investissements utiles à la production, à l'emploi, et dissuasif pour les investissements financiers – je pense en particulier au nécessaire soutien aux PME. Nous proposons dans le même temps de consacrer les 360 milliards d'euros de garanties de l'État directement à la sécurisation des prêts aux particuliers et aux PME ;
Deuxièmement, engager une réforme de la fiscalité consistant à supprimer le bouclier fiscal et les niches fiscales inutiles pour l'emploi et le développement économique, à instituer un impôt sur le revenu réellement progressif et juste avec une assiette assez large et un impôt sur les sociétés avec un taux différencié selon l'utilisation des profits ;
Troisièmement, élaborer un programme d'investissements publics coordonné avec l'Union européenne et surtout ne pas étrangler les collectivités locales, comme vous le faites en baissant les dotations d'État, alors même qu'elles réalisent 73 % des investissements publics en France ;
Quatrièmement, remplacer la recherche d'une rentabilité financière immédiate et outrancière par une augmentation des salaires et des retraites, car la consommation est et reste le premier moteur de la croissance économique ;
Cinquièmement, rééindexer l'augmentation des salaires sur la productivité.
Cette crise offre une chance à saisir car elle fait la démonstration que nous assistons aujourd'hui à l'épuisement d'un modèle de croissance économique à l'anglo-saxonne, un modèle qui est allé au bout de sa logique : créer toujours plus de valeurs pour les actionnaires en comprimant la part des salaires et de l'investissement utile et public dans la valeur ajoutée.
Cette crise efface comme d'un revers de manche cette affirmation mensongère ou ridicule – au choix – selon laquelle les caisses seraient vides, alors que partout, y compris chez nous, des milliards se perdaient dans la spéculation comme d'autres aujourd'hui vont se perdre dans le renflouement public de banques privées.
Face à ceux qui proposent la tenue d'états généraux de la dépense publique, les élus communistes et républicains proposent des états généraux sur les gaspillages privés, notamment ceux des banques, des assurances et des grandes entreprises multinationales. Cela ferait d'excellents états généraux, que nous pouvons tenir ensemble si vous le souhaitez !
Il faut saisir cette chance de changer la donne, c'est une responsabilité qui incombe à toutes les forces de gauche, politiques, syndicales, associatives, et, au-delà, à tous nos concitoyens qui ont vu et compris que ce système nous emmenait dans le mur. Cette responsabilité ne peut s'exprimer efficacement que dans le respect de toutes les composantes de ce rassemblement. Vouloir agir autrement serait, pour la gauche, signer pour un nouvel échec cuisant.
Madame, monsieur les ministres, votre budget et votre programmation sont à revoir pratiquement de A à Z car ils ne tirent aucun enseignement de la crise majeure que nous traversons actuellement. Pis, vous vous entêtez dans les choix qui l'ont favorisée. Le groupe de la gauche démocrate et républicaine, dans chacune de ses composantes – communistes et républicains, verts, et nos collègues des DOM-TOM –, s'opposera à un budget hors du temps.
Monsieur le président, madame la ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi, monsieur le ministre, mes chers collègues, dans un contexte de graves difficultés économiques, le projet de loi de finances pour 2009 présente un budget sincère et responsable pour ce qui est des dépenses, mais incertain s'agissant des recettes.
Pour la première fois depuis bien longtemps, un projet de budget est construit sur des hypothèses de croissance réalistes et raisonnables à la date d'élaboration de la loi de finances, c'est-à-dire en juillet 2008, avec une prévision de croissance pour 2009 autour de 1 % et un taux d'inflation de 2 %. Cependant, la question aujourd'hui est de savoir si ces prévisions demeurent adaptées à l'évolution de la conjoncture depuis près de trois mois. La réponse est clairement négative. C'est d'ailleurs bien la première fois depuis quinze ans que je suis membre de cette assemblée que j'entends des ministres reconnaître que les choses risquent d'évoluer.
En effet, malgré une certaine euphorie après l'adoption par l'Assemblée nationale et le Sénat du plan de soutien au secteur bancaire, l'heure doit être à la prudence. La crise n'est pas finie. Elle n'est pas qu'une simple crise bancaire. Elle a atteint une dimension telle que le financement de l'économie réelle en est affecté.
L'aggravation de la situation des marchés financiers, l'érosion de la confiance des ménages et des investisseurs, la hausse du risque de crédit et l'assèchement des liquidités qui en découlent menacent de bloquer le fonctionnement du système financier international et de faire obstacle à la croissance de notre économie.
Si la croissance devait être nulle en 2009, voire légèrement négative, comme cela a été le cas – je le rappelle à mes collègues socialistes – en 1993, quelles seraient les conséquences sur les recettes et les dépenses du budget de l'État ? Sans doute ne seraient-elles pas considérables sur les secondes – le coût des politiques sociales en serait accru, mais un tel effort serait susceptible d'être financé par redéploiement. En revanche, en matière de recettes, l'impact pourrait être beaucoup plus important, notamment en ce qui concerne l'impôt sur les sociétés, voire en ce qui concerne la TVA, si les prix n'étaient pas en hausse de 2 %, mais de moins, ou même s'ils commençaient à baisser, comme on l'a constaté lors de récessions économiques antérieures. Une grande incertitude demeure donc sur ces deux recettes.
Face à une telle situation économique et financière, le Nouveau Centre ne peut que saluer l'effort de sincérité qui vous honore, madame, monsieur les ministres, et vous encourager à augmenter encore la réserve de 7 milliards d'euros pour faire face à un nécessaire effort de redéploiement. Vous avez indiqué que vous feriez le point le 14 novembre et que vous n'excluiez pas une modification du budget, c'est là une sage position.
En outre, le Gouvernement a fait preuve de vérité dans la présentation budgétaire, notamment sur le volet dépenses.
Ainsi, ce que j'ai appelé pendant des années les fameuses « farces et attrapes budgétaires », c'est-à-dire l'ensemble des mécanismes qui avaient pour objet de dissimuler la réalité de l'augmentation de la dépense, ont été réduites – c'est bien la première fois que je constate cette évolution en quinze ans, quelle que soit la majorité ! La norme d'évolution de la dépense sur laquelle le Gouvernement se fonde repose sur un périmètre élargi, comme nous l'avions demandé depuis plusieurs années, aux prélèvements sur recettes en faveur tant des collectivités territoriales que de l'Union européenne. Nous vous avions même suggéré, monsieur le ministre, d'aller plus loin, c'est-à-dire d'intégrer à la fois les dégrèvements, la prime pour l'emploi et les organismes divers d'administration centrale. Pour la première fois, on nous a donné les perspectives d'évolution des dépenses de ces fameuses ODAC : elles sont encore en hausse de bien plus de 2 %.
Certaines débudgétisations, via d'ailleurs les ODAC et plus largement les opérateurs, ne sont certes pas encore intégrées dans ce périmètre, mais je pense que vous êtes disposé, monsieur le ministre, vous nous l'avez dit, à continuer à donner une vision plus honnête de la réalité de la dépense. En tout cas, nous marchons dans la bonne direction.
Le deuxième effort que je voudrais saluer, c'est l'effort de maîtrise de la dépense.
L'évolution des dépenses de l'État restera strictement en ligne avec l'inflation : plus 2 % – en fait, 0 % en valeur si l'on retire l'augmentation des intérêts de la dette et des pensions.
Cet effort de maîtrise de la dépense se prolonge de manière inédite jusqu'en 2011, dans le cadre de la loi de programmation budgétaire pluriannuelle qui permet, grâce notamment au combat mené par le Nouveau Centre, de fixer la trajectoire des finances publiques, en vue de l'équilibre des comptes de l'ensemble des administrations publiques.
En outre, la maîtrise de nos dépenses publiques se traduit par un double effort que le Nouveau Centre a toujours demandé :
D'une part, un effort de reprise de dettes dispersées dans le budget de l'État. Il s'agit, pour l'essentiel, de la dette qui avait été accumulée au sein de l'Agence de financement des infrastructures de transport, pour 1,2 milliard, et du Fonds de financement des prestations sociales agricoles, pour 7,5 milliards – cela faisait des années qu'on le demandait. Le Gouvernement consent un effort important en transférant à l'État la dette du FFIPSA et en procédant à l'intégration financière de la branche maladie. Mais il serait opportun, monsieur le ministre, de proposer des solutions pour financer le déficit de la branche vieillesse, qui dépasse encore le milliard.
D'autre part, le non-remplacement d'un fonctionnaire partant à la retraite sur deux, soit d'un peu plus de 30 000 fonctionnaires. La même règle avait été appliquée sous le gouvernement Juppé, mais cette fois-ci vous faites preuve de plus de vigueur puisque, pour la première fois, vous ne vous contentez pas d'opérer une réduction des effectifs de l'État : vous freinez également dans une très forte mesure l'augmentation des effectifs dans les fameux organismes d'administration centrale et, plus largement, chez les opérateurs. Je rappelle, mes chers collègues, que les effectifs de ceux-ci augmentaient, ces dernières années, de plus de 10 000 emplois chaque année. Donc, les économies faites sur le budget de l'État étaient à peu près compensées par les créations d'emplois sur les opérateurs. II s'agit, je le répète, d'un effort sans précédent, d'autant que l'on redéploie la moitié de ces économies pour augmenter les primes des fonctionnaires.
Afin de ne pas relâcher les efforts sur la dépense, même en période de crise, le groupe Nouveau Centre vous propose de prendre des mesures d'économies dans deux directions supplémentaires : la réduction des niches sociales, j'y reviendrai tout à l'heure, et le plafonnement global et analytique d'un certain nombre de niches fiscales.
Troisième remarque, une forte incertitude demeure sur le niveau des recettes.
En premier lieu, le Nouveau Centre tient à saluer le choix du Gouvernement de maintenir inchangé le niveau des prélèvements obligatoires. Nous étions de ceux qui estimaient qu'il ne fallait pas baisser ceux-ci tant que nous n'avions pas redressé les finances publiques, cela a toujours été notre position. Nous nous félicitons que, dans la loi de programmation, le Gouvernement annonce sa volonté de maintenir le taux des prélèvements obligatoires à 43,2 % jusqu'en 2012.
En période de crise, la priorité doit être de ne pas laisser filer les déficits. Cela suppose de satisfaire à deux conditions : ne pas relâcher les efforts pour rendre la dépense publique plus efficace et plus active, et ne pas augmenter ni diminuer les prélèvements obligatoires.
Néanmoins, la crise financière rend très incertaines les prévisions de recettes.
Les recettes fiscales nettes seraient en baisse d'environ 1,1 milliard, à périmètre constant, dans le projet de loi de finances, pour s'établir à 276 milliards d'euros.
Cette évolution est la conséquence d'une faible croissance, qui se répercute doublement dans les moins-values de recettes attendues cette année – moins 5 milliards d'euros, essentiellement sur l'IS mais pas seulement – et dans une évolution spontanée particulièrement faible en 2009 – plus 6,6 milliards d'euros.
En outre, les rentrées d'impôt sur les sociétés, avec 52 milliards d'euros, soit un chiffre à peu près équivalent à celui de 2008, et, dans une moindre mesure, de TVA, restent très incertaines du fait de leur sensibilité à la conjoncture économique.
Mes chers collègues, pratiquement le quart de l'assiette de l'impôt sur les sociétés en France est assuré par les banques et les assurances. Des chutes de résultats bancaires de 30 à 40 %, comme on en constate actuellement, ne peuvent avoir qu'une incidence extrêmement forte. Le gouverneur de la Banque de France nous a donné en commission le montant, trimestre par trimestre, des provisions passées par le système bancaire français : fin septembre, elles s'élevaient à 18 milliards, et cela va probablement continuer encore à monter à raison de 4, 5 ou 6 milliards au cours du dernier trimestre. Elles dépasseraient donc les 22 ou 23 milliards. Si vous prenez un tiers de cette somme, cela veut dire qu'on risque de perdre à peu près 7 milliards, rien que sur le quart de l'IS.
Pour ce qui est de la TVA, je ne critiquerai pas le Gouvernement d'avoir retenu 2 % en juillet, mais je pense, hélas ! que la baisse des prix va commencer à s'enclencher : on commence à le voir dans le secteur de l'automobile et dans les choix des consommateurs. Ainsi, le hard discount augmente sa part de marché alors que celle des hypermarchés et des supermarchés reste à peu près stable.
Pour la TVA, les rentrées n'ont pas chuté en 2008 du fait d'une inflation plus forte que prévue, puisque nous sommes à plus de 3 % alors que les estimations dans le projet de loi de finances pour 2008 étaient de 2 %. Mais un ralentissement de l'inflation en 2009 pourrait entraîner des rentrées fiscales de TVA amoindries dans des proportions importantes.
Néanmoins, la crise économique et financière ne doit pas nous éloigner de l'objectif consistant à équilibrer de nos finances publiques à l'horizon 2012.
Le déficit de l'État est évalué à 52 milliards pour 2009. II dépasse ainsi de 10,4 milliards le montant inscrit dans la loi de finances initiale de 2008 – 42 milliards. Même en tenant compte des reprises de dette par l'État – Agence de financement des infrastructures de transport et FFIPSA –, il se creuse de 7,7 milliards.
En outre, les 40 milliards d'éventuelles prises de participation de l'État votées dans le cadre du projet de loi de finances rectificative viendront accroître la dette publique, en 2009, à hauteur du montant utilisé – nous en sommes à 10,5 milliards.
Sachant que la dette publique devrait déjà atteindre 65,3 % du PIB en fin d'année 2008 et, d'après les estimations gouvernementales, 66 % en 2009 – soit plus 0,7 % par rapport à 2008 –, si on utilisait la totalité des 40 milliards, cela représenterait deux points de PIB de plus de dette des administrations publiques – nous serions à 68 %.
Le coût de cette dette, qui pourrait représenter jusqu'à 2 milliards d'intérêts, sera assumé par la Société de prises de participation de l'État, mais devrait être consolidé dans les comptes de l'État, ce qui pourrait affecter le déficit budgétaire si les recettes n'étaient pas à due concurrence. Mais le Gouvernement nous a indiqué que les titres subordonnés porteraient un taux d'intérêt au moins égal, voire nettement supérieur à celui du coût de la ressource.
Notre dette publique est donc excessive et ses seuls intérêts en augmentation de 2,7 milliards en 2009 par rapport à la LFI de 2008 – soit 44,3 milliards – représentent une très lourde charge pour notre économie et expliquent pour une large part l'affaiblissement de notre croissance.
Quant à la sécurité sociale, le Gouvernement nous propose une loi de financement qui permettra d'éviter l'augmentation du déficit, mais avec les régimes de base, y compris le FSV et l'ex-FFIPSA, on est toujours autour de 11 milliards. Donc, au fond, les mesures, tant en recettes qu'en dépenses, ont pour objet d'éviter l'augmentation du déficit, mais nous n'en sommes pas encore à sa réduction.
Pour le groupe du Nouveau Centre, ce budget est perfectible dans quatre domaines.
En premier lieu, nous proposons des mesures visant à renforcer la justice fiscale. Le Nouveau Centre se félicite d'avoir fait évoluer le Gouvernement sur le plafonnement global des niches fiscales dans le sens de la justice. Le Gouvernement a, en effet, retenu cette idée et, même si elle n'est pas dans le projet de loi de finances,…
…des discussions sont en cours pour parvenir à un système permettant un plafonnement global, ce qui n'est pas simple.
Nous pensons cependant qu'il faut aller plus loin dans nos propositions d'économies sur les niches. Comme l'a montré le rapport que nous avons fait, le coût de celles-ci a augmenté de 5 milliards par an les cinq dernières années. De combien vont-elles augmenter en 2009 ? D'après les informations gouvernementales, elles passeraient de 66,3 milliards en 2008 à 69,1 milliards en 2009, soit une augmentation de 2,8 milliards, et de 4,2 %. Elles croîtraient donc deux fois plus vite que les dépenses du budget de l'État. Il y a un vrai ralentissement par rapport aux 5 milliards de ces cinq dernières années, mais ce n'est qu'un début et il faudra aller plus loin. Nous avons donc proposé de réduire le plafond de certaines de ces niches fiscales.
Nous avons ainsi déposé un amendement proposant un « paquet » de mesures d'économies destinées à réduire le niveau du déficit public de l'ordre de 700 millions. Parmi celles-ci, il y en a une qui consiste à modifier le régime de la demi-part supplémentaire dite « à vie », en la réservant, après le départ des enfants, aux contribuables ayant élevé seuls leurs enfants pendant au moins dix ans. C'est une mesure de justice. D'ailleurs, notre rapporteur général est très favorable à cette disposition que la commission a adoptée.
En deuxième lieu, nous pensons qu'il faut aussi réduire le plafond de certaines niches sociales. Nous déposerons des amendements à cet effet dans le cadre du projet de loi de financement de la sécurité sociale, puisque depuis la réforme constitutionnelle nous ne pouvons plus le faire dans le cadre de la loi de finances. Nous avons préparé deux grands amendements, auxquels nous espérons bien que le Gouvernement sera favorable : l'un vise à ramener de 1,6 à 1,5 SMIC le seuil en dessous duquel les allégements généraux de cotisations sociales patronales s'appliquent – cela représente environ un milliard d'économies sur les 32 milliards d'exonérations de charges – ; l'autre vise à concentrer les actuelles exonérations de charges sociales patronales sur les petites et moyennes entreprises – l'économie serait de l'ordre de 2 milliards.
Nous souhaitons moraliser certaines pratiques.
Tout d'abord, le groupe Nouveau Centre souhaite interdire à l'ensemble des mandataires sociaux de lever ou céder leurs options tant qu'ils exercent des fonctions dans l'entreprise. C'est d'ailleurs la position pleine de sagesse de M. Balladur.
Ensuite, dans un souci d'équité, le groupe Nouveau Centre proposera un amendement pour que, au-delà de six fois le plafond de la sécurité sociale pour un même attributaire, les indemnités perçues au titre du préjudice moral sur décision de justice soient soumises aux règles d'imposition de droit commun. La commission a soutenu cet amendement qui relève du bon sens, et nous sommes pour notre part favorables à son amendement visant à limiter à 200 000 euros les golden hellos déductibles de l'IS.
En troisième lieu, le groupe Nouveau Centre propose des mesures en faveur des PME. En cette période de crise, nous devons en effet concentrer nos efforts sur elles. C'est d'ailleurs l'orientation qu'a retenue le Gouvernement.
Eh bien, je vais le faire, monsieur le président !
Nous proposons des dispositions visant à élargir le crédit d'impôt pour dépenses de prospection commerciale au bénéfice des micro-entreprises – un amendement en ce sens a été adopté par la commission –, à soutenir le développement à l'étranger des entreprises françaises en instaurant un mécanisme optionnel de déduction temporaire des pertes des filiales – là encore notre amendement a été appuyé par la commission –, à conforter le dispositif qui permet d'investir son ISF dans les PME – c'est un thème cher à Mme la ministre, mais nous sommes allés au-delà du « Love Money » avec mon collègue Fourgous et cela a très bien marché !
Le groupe Nouveau Centre propose également des mesures en faveur des collectivités territoriales. Nous soutenons la réforme de la DSU, même si nous pensons qu'il faut étaler la sortie de ceux qui en seront privés. C'est juste. Il n'y a pas 75 % de pauvres parmi les communes de plus de 10 000 habitants. Quant au FCTVA, nous sommes opposés à son intégration dans le périmètre global des dotations et pensons qu'il faut dire clairement que les transferts vers les collectivités locales augmenteront de 0,8 %. C'est une contribution des collectivités locales à l'effort.
Enfin, nous proposons des mesures à caractère environnemental. Le Gouvernement est allé trop loin avec l'article 5 concernant les biocarburants.
D'ailleurs, la commission a adopté un amendement sur ce point, comme sur le E 10 et sur les voitures « flex fioul ».
En conclusion, le groupe Nouveau Centre apporte tout son soutien à cette démarche de vérité et de sincérité budgétaires. Nous estimons que la crise actuelle ne doit pas nous faire oublier que l'effort de réduction de nos déficits et de maîtrise de la dépense est indispensable si l'on veut assurer l'avenir du pays.
Notre volonté est d'agir en partenaires responsables de la majorité, de proposer des mesures de solidarité envers les plus démunis et de réorienter la dépense au profit des secteurs vecteurs de croissance et d'emploi. Nous sommes prêts à soutenir le Gouvernement pour aller dans ce sens. (Applaudissements sur les bancs des groupes NC et UMP.)
Monsieur le président, madame, monsieur les ministres, mes chers collègues, ne mélangeons pas tout ! L'absence d'opposition sérieuse et constructive ne doit pas venir perturber le débat budgétaire qui s'annonce. Après 2008 et le prétendu cadeau fiscal fait aux riches, voici 2009 et le projet de loi de finances prétendument inadapté à la crise actuelle !
Le groupe UMP a montré, en ces temps si particuliers, son sens des responsabilités en approuvant sans la moindre réserve le plan historique proposé par le Gouvernement sous l'impulsion du Président de la République et du Premier ministre.
Il entend, de même, conduire le débat budgétaire qui commence avec détermination et esprit d'ouverture, mais, attention, – je le répète – sans tout mélanger !
Le plan français pour lutter contre la crise financière, c'était la semaine dernière. Ce qui nous occupe maintenant, c'est le projet de loi de finances pour 2009. Alors, bien sûr, les deux sujets ne sont pas totalement étrangers l'un à l'autre, mais leur objet est différent. La loi de finances rectificative adoptée la semaine dernière avait pour objet de répondre à une situation de crise de liquidités et le texte qui retient maintenant notre attention est le budget pour l'année à venir. Un projet de loi de finances n'a pas pour ambition de répondre à une crise bancaire et financière. Il a pour raison d'être d'accompagner les réformes mises en oeuvre, comme vient de le dire Charles de Courson.
Alors, mes chers collègues de l'opposition, si vous voulez effacer vos regrets de ne pas avoir pris position en faveur du plan de lutte contre la crise,…
…je vous invite à voter avec nous un projet de loi de finances responsable. En effet, ce projet de budget pour l'année 2009 n'a pas été élaboré dans une sphère sans lien avec la réalité économique et financière actuelle.
C'est un budget responsable, notamment s'agissant de l'hypothèse de croissance retenue pour sa construction. En effet, à la vitesse où les choses évoluent, bien malin celui qui connaît le taux de croissance exact pour 2009 !
Nous ne pouvons que nous féliciter de la prudence affichée dès cet été avec une prévision de croissance autour de 1 %. C'est réaliste. C'est une croissance réussie qu'aucun État développé au monde n'arrivera à produire pour 2009.
S'agissant des prévisions du FMI qui parient sur 0,2 %, je les associe à une perpétuelle crainte des organisations internationales d'être démenties à la baisse, ce qui justifie, à défaut de la légitimer, leur très grande prudence. Mais la prudence est une chose, le réalisme en est une autre ! J'estime donc qu'une croissance autour de 1 % est une prévision réaliste, même si la conjoncture incite à la prudence et au pessimisme. Je gage, pour ma part, qu'une reprise avant fin 2009 pourrait nous permettre de renouer avec une croissance forte dès 2010, comme l'a dit hier Christine Lagarde.
La hausse des matières premières énergétiques a nécessairement pesé sur nos coûts de production. Pourtant, notre prévision de croissance, au regard de la situation allemande par exemple, ne fait pas pâle figure. Nul ne peut douter de l'utilité des mesures que nous avons prises l'an dernier, comme l'augmentation des heures supplémentaires, soit 660 millions d'euros directement injectés dans notre économie en seules exonérations de cotisations. Elles nous aident finalement à tenir dans la situation difficile que nous traversons.
Réaliste et sincère, ce projet de loi de finances affiche clairement les moins-values de recettes fiscales attendues, qui sont réellement provisionnées. Ces moins-values n'ont rien à voir avec le bouclier fiscal qui concernera finalement moins de contribuables que ce que prévoyait l'estimation. En prise avec la réalité, ce projet de loi de finances prend donc en compte le contexte économique mondial avec les moins-values de recettes et affiche un déficit budgétaire à 52 milliards et un déficit public à 2,7 % du PIB.
De surcroît, ce projet de loi de finances intègre et assume naturellement la hausse des taux d'intérêts et l'inflation importée qui pèse aussi sur notre dette. Ainsi, la marge de manoeuvre est absorbée en quasi-totalité par les charges de la dette et les pensions, pour l'essentiel à cause de nos obligations indexées sur l'inflation. De 2003 à 2007, la charge de la dette était quasiment stable, car nous bénéficiions alors de la baisse des taux au gré du refinancement de la dette. Désormais, cette charge augmente de 2 milliards, et ce chaque année.
C'est enfin un budget de clarification et de sincérité des comptes. L'État a apuré ses dettes vis-à-vis de la sécurité sociale et, comme l'a dit Charles de Courson, avec ce projet de loi de finances, nous allons régler le problème des retraites agricoles du FFIPSA en reprenant sa dette.
Responsable, prudent et réaliste, ce projet est dans la droite ligne de la politique mise en oeuvre par le Gouvernement depuis plus d'un an…
…avec le soutien actif et déterminé de la majorité, pour respecter les engagements que nous avons pris auprès des Français. En effet, si la politique, c'est savoir s'adapter – le Gouvernement en a fait la démonstration cette dernière semaine –, la politique, c'est aussi persévérer, garder le cap et atteindre les objectifs définis dans le contrat qui nous lie à tous les Français.
Du point de vue de la cohérence de la politique économique suivie, le projet de budget pour 2009 est également responsable, car il s'inscrit dans une double continuité : celle de la maîtrise de la dépense et celle de la poursuite de nos objectifs.
Ainsi, pour la maîtrise de la dépense publique, nous respecterons pendant trois ans la norme de zéro volume que nous nous sommes fixée.
Pour financer nos nouvelles actions, nous saurons innover dans les modes de financement : cessions immobilières, recours au partenariat entre public et privé, plafonnement des niches fiscales. Par exemple, la réforme structurelle des universités sera financée par les sommes issues du placement de la cession des titres d'EDF.
L'époque des dépenses intempestives et inconsidérées, que vous avez bien connue, monsieur Emmanuelli, est bel et bien révolue. Au reste, notre volonté de maîtriser la dépense ne relève pas d'une approche dogmatique, mais d'une vision pragmatique de l'usage que nous devons faire des finances publiques.
Par ailleurs, le projet de loi de finances nous permettra de continuer à tenir, dans trois directions, les engagements du contrat de confiance que nous avons passé avec les Français : l'amélioration de la compétitivité de l'économie, la promotion du développement durable, l'équité du système fiscal.
Au regard de la concurrence internationale, nous avons pour exigence de rendre notre économie compétitive. En supprimant par exemple l'impôt forfaitaire annuel, qui avait pour caractéristique aberrante d'être exigible même si l'entreprise redevable ne réalisait pas de bénéfice, le texte contribue incontestablement à cette compétitivité.
Il supprime un obstacle à la création et au développement des jeunes entreprises.
Notre volonté de privilégier la compétitivité économique s'accompagne d'une prise de conscience et d'un passage à l'acte concrétisés par le Grenelle de l'environnement. L'adoption du projet de loi de programme relatif à sa mise en oeuvre en est la parfaite illustration. Oui, chers collègues de l'opposition, il y a ceux qui parlent de l'écologie et ceux qui la font, et le projet de loi de finances est en harmonie avec notre politique de l'environnement. Il contient plusieurs engagements en faveur du développement durable, qui prennent corps dans des mesures fortes comme le « verdissement » des intérêts d'emprunt, la majoration du crédit d'impôt pour les bâtiments à haute performance écologique, le soutien à l'agriculture biologique, la création d'un prêt à taux zéro écologique, pour financer les travaux de rénovation lourde, ou le réaménagement de la taxe générale sur les activités polluantes.
À côté de l'amélioration incontestable de la compétitivité de l'économie française et de la promotion indéniable des mesures en faveur du développement durable, le projet de loi de finances favorise également l'équité du système fiscal,….
…équité et efficacité allant de pair. Ainsi, la question récurrente des niches fiscales, qu'a évoquée Charles de Courson, a été résolue. Soulignons à ce sujet le remarquable travail sur les dépenses fiscales conduit par le rapporteur général du budget et le président de la commission des finances. Le problème des niches fiscales trouve aujourd'hui une solution dans le plafonnement décidé, non seulement dans un souci de cohérence avec l'ensemble de notre politique, mais aussi pour contribuer au financement de l'avancée sans précédent que représente la mise en oeuvre du revenu de solidarité active. Je ne doute pas qu'une telle mesure ne rencontre l'adhésion de tous.
Par ailleurs, l'adoption, à l'unanimité de la commission des finances, d'un amendement relatif aux parachutes dorés traduit notre volonté permanente de rendre notre système fiscal plus équitable, plus responsable et plus efficace, de manière à ce qu'il soit compris et accepté par tous.
La reconduction de la contribution des entreprises pétrolières à l'aide à la cuve révèle notre désir de construire un budget empreint de solidarité, en l'occurrence celle des entreprises qui génèrent des profits importants à l'égard des familles les plus modestes.
Cohérent avec nos engagements politiques, le projet de loi de finances s'inscrit dans une volonté de suivi des dépenses publiques, qui sera dorénavant assuré grâce à la loi de programmation pluriannuelle. Cette visibilité inédite des finances publiques obtenue par le Parlement contribuera indéniablement à la responsabilisation des gestionnaires. Ce sera aussi un outil au service de la maîtrise et de la réforme des finances publiques, qui s'articulera directement sur la procédure de révision générale des politiques publiques.
Vous l'aurez compris : le groupe UMP soutiendra le projet de loi de finances pour 2009. J'entends bien certaines inquiétudes s'exprimer sur les bancs du groupe socialiste. Que nos collègues se rassurent : notre soutien est sans faille. Mais il sera également efficace et attentif. Différents amendements ont en effet été adoptés par la commission des finances, qui seront débattus à l'occasion du marathon budgétaire dont on ne sait encore combien de temps il durera.
Notre soutien ne relève pas d'une fidélité aveugle. Ce projet de loi de finances est bien une étape supplémentaire de la modernisation de notre pays. Il s'inscrit dans une politique de réforme et constitue un élément important du retour à une croissance vigoureuse.
Madame et monsieur les ministres, si je peux vous assurer que notre majorité sera animée, au cours du débat, d'un esprit constructif, j'espère aussi que l'opposition essaiera de ne pas être de trop mauvaise foi. Quoi qu'il en soit, mon soutien, tout comme celui de l'ensemble des membres du groupe UMP, vous est acquis. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
J'espère pour lui que M. Chartier n'a pas sorti la brosse à reluire pour rien !
Monsieur le président, madame et monsieur les ministres, mes chers collègues, gouverner, c'est prévoir. Mais l'art de la prévision est si délicat que tout responsable politique sait qu'il devra prendre, un jour ou l'autre, le risque de se tromper. C'est pourquoi nous devons tous faire preuve de modestie dans nos responsabilités locales comme dans le cadre de notre mandat national.
Reconnaissons toutefois que certains se sont profondément, constamment et durablement trompés. Le reconnaître ne revient pas à accabler tel ou tel, mais simplement à établir un constat. Et, même si l'art de la prévision est difficile, c'est bien dans notre enceinte, dans ce forum de la démocratie, que l'exécutif doit rendre des comptes à la représentation nationale
La crise financière évoquée par M. Chartier n'a commencé ni en septembre, ni cet été, ni même au début de l'année. Elle faisait déjà des ravages l'hiver dernier, puisque – ce point au moins peut faire l'objet d'un consensus – elle a débuté aux États-Unis pendant l'été 2007. C'est du moins ce qui ressort des documents officiellement communiqués à l'Assemblée nationale par le ministère de l'économie. Elle a donc commencé au moment même où, dans l'euphorie de votre victoire sans appel du printemps précédent,…
…vous nous présentiez, madame la ministre, ce que vous appelez le paquet fiscal.
C'est vous qui l'appelez ainsi !
Autant dire que vous estimiez, à moins que vous n'ayez voulu nier l'existence de la crise, que ces mesures pouvaient préparer le pays à y faire face et aider nos concitoyens à en supporter les conséquences sans trop de dommages. À cet égard, nous sommes déçus.
Je ne suis pas certain que, lorsque vous présentiez ce paquet fiscal, l'analyse objective n'ait pas été obérée par l'euphorie. Mais, si l'euphorie propre à gagner toute majorité nouvellement élue promet les vainqueurs aux certitudes bien établies et aux convictions politiques fièrement assumées, le temps qui passe et les épreuves qu'il apporte doivent, un jour, leur permettre d'en rabattre. Ce moment est venu, madame la ministre.
Vous vous êtes beaucoup trompée. Vous vous êtes trompée en élaborant les hypothèses du budget pour 2008. Certes, aucun des deux candidats à l'élection présidentielle n'avait prévu ni la crise alimentaire ni la crise énergétique ni la crise financière. Mais, l'été dernier, vous n'avez vu arriver ni le choc énergétique ni l'inflation qui en découlerait. C'est pourquoi vous avez bâti le budget pour 2008 en tablant sur une inflation de 1,6 %, quand celle-ci sera en fait de 2,9 ou 3 %. Or cette inflation a un coût, qui se montera en 2008 à 4 ou 5 milliards d'euros. Voilà qui compromet l'équilibre des finances publiques et alourdit encore la dette qui, depuis 2002, a augmenté de 10 points de PIB, soit de presque 200 milliards d'euros. Les générations futures devront l'acquitter comme la facture de l'impéritie des gouvernements qui, depuis 2002, annoncent l'équilibre des comptes, mais constatent, chaque fois, en fin d'année, que le déficit public s'est aggravé.
Une autre de vos hypothèses était la parité de l'euro et du dollar. Elle ne s'est pas vérifiée – loin s'en faut ! Le déséquilibre du commerce extérieur n'a pas peu compté, d'ailleurs, dans la faiblesse de notre croissance. Vous aviez également prévu que les entreprises réinvestiraient, et il n'en a rien été. La progression de l'investissement est tombée de 8 % en 2007 à 2 % en 2008. Elle s'établira probablement au même niveau en 2009. Encore un rendez-vous manqué !
Quant au pouvoir d'achat, vers lequel toutes les politiques sont censées converger, le revenu disponible brut, comme le salaire moyen, a moins progressé en 2008 qu'en 2007. La consommation des ménages a chuté. Au total, l'évolution décevante qu'ont connue les trois facteurs de la croissance a pesé sur la croissance elle-même. Vous espériez que celle-ci serait de 2,5 %, puis vous avez réduit votre évaluation à 2,25 %, puis à 2 %. Début septembre, vous vouliez encore croire qu'elle atteindrait 1,7 %. En définitive, elle s'établira à moins de 1 %, peut-être à 0,8 %. Mais il est certain qu'elle ne suffira à financer ni les réformes, ni les politiques que vous avez mises en oeuvre, ni a fortiori le traitement de la crise économique et sociale, qui précédait la crise financière et qui lui survivra. Nos concitoyens auraient aimé vous voir traiter la première avec autant de célérité et d'énergie que vous en avez consacré à la seconde.
Peut-être, puisque l'euphorie s'est calmée sur les bancs de la majorité, le temps est-il venu d'évaluer votre politique. Vous nous annoncez en effet un budget de vérité, qui ne serait qu'une simple autorisation de dépenses. Mais comment parler de vérité à propos d'un budget bâti sur une hypothèse de croissance de 1 à 1,5 %, à laquelle personne – pas même vous – ne parvient à croire ? Serait-ce simplement que les membres du Gouvernement demandent à nos collègues de la majorité de leur manifester un soutien politique inconditionnel ?
De fait, les facteurs de la croissance, si décevants en 2008, le seront de nouveau en 2009. Rien n'indique que les chiffres du commerce extérieur s'amélioreront. Vous avez bâti le budget pour 2008 sur des hypothèses fantaisistes, et nul ne peut dire à ce jour ce qu'il en sera de la parité entre l'euro et le dollar ou du prix du baril.
En conséquence, estimer que l'inflation sera de 2 % en 2009 peut se révéler exact ou totalement inexact : vous êtes dans l'incapacité de le prévoir et réduits à espérer. Mais l'espoir ne garantit pas la réussite. Aujourd'hui, l'incertitude prévaut, quand les Français, eux, aimeraient avoir quelques certitudes sur leur avenir.
En revanche, ce qui est certain, c'est que le pouvoir d'achat de nos concitoyens ne progressera pas davantage mais, au mieux, comme en 2008, c'est-à-dire très faiblement. Vous-même estimez que la consommation des ménages augmentera de 1,2 %. Comme elle assure à 70 % la croissance économique, on comprend que celle-ci, en 2009, sera totalement insuffisante pour faire face aux engagements pris par les gouvernements successifs et aux besoins qu'ont manifesté et manifesteront les salariés, les fonctionnaires, et les retraités, ces grands oubliés d'une politique que vous conduisez avec une constance qui ressemble de moins en moins à du courage et de plus en plus à de l'entêtement.
Ce budget, et cette loi de programmation – bienvenue – sont sincères, dites-vous. Est-il vraiment sincère de prévoir une croissance de 2,5 % en 2010, 2011 et 2012, quand on sait la fragilité des hypothèses sur lesquelles repose le budget de 2009 ? Est-il sincère de prévoir un quasi retour à l'équilibre des comptes en 2012 quand, semaine près semaine, s'envolent les milliards, vers tel ou tel secteur, au détriment précisément de l'équilibre des comptes publics ?
Ce budget n'est pas plus sincère qu'il n'est un budget de vérité, il n'est pas plus prévoyant qu'il n'est adapté à la situation. Mais il n'est pas non plus cette simple autorisation de dépenses que, benoîtement, madame la ministre, vous nous présentez comme pour nous dire qu'au fond, l'exercice auquel le Parlement va se livrer est vain. Dans toutes les démocraties, le vote du budget est l'acte majeur qui, certes, autorise les dépenses, mais surtout, définit une politique économique et sociale engageant le pays. Et celle que vous confirmez est précisément celle que nous contestons.
Nous contestons les choix que vous avez faits il y a un an et demi et que vous maintenez. Ainsi, nous contestons que la défiscalisation des heures supplémentaires soit une politique adaptée. On peut en débattre en période de croissance ; elle est à éviter quand la récession menace ; il faut la supprimer quand la récession est là – et elle est là, même si l'on s'abrite derrière l'expression de « croissance négative ». Elle sera négative plusieurs semestres de suite. Je suis loin de m'en réjouir. Mais le signaler, c'est dire aussi que certaines prévisions fantaisistes mériteraient d'être revues avant d'être présentées au Parlement.
Au demeurant, les heures supplémentaires n'ont pas eu du tout le succès que vous espériez. Surtout, cette politique n'est pas adaptée, car le volume d'heure supplémentaires est à mettre en corrélation avec la suppression de postes dans l'intérim, ce qui annonce une explosion du chômage, et cela avant même la crise financière. L'an dernier, vous aviez prévu un volume de 900 millions d'heures supplémentaires soustraites à l'impôt et aux cotisations sociales. Sous réserve de précisions que vous apporterez, ce volume est de 700 à 720 millions, ce qui est très insuffisant pour relancer le pouvoir d'achat et donc la consommation des ménages. Inefficace, cette mesure est pourtant coûteuse. Il faut la revoir, car ces sommes seraient mieux employées à améliorer le pouvoir d'achat de tous et non de ceux-là seulement qui ont la chance de faire des heures supplémentaires. C'est pourquoi nous vous proposerons de nouveau d'augmenter plutôt la prime pour l'emploi, qui est un instrument plus puissant et plus direct pour accroître immédiatement la consommation des ménages. C'est de cela que notre pays a besoin si nous voulons que la croissance atteigne un niveau suffisant pour satisfaire nos ambitions budgétaires, financières et surtout politiques.
Il faut revoir également la mesure relative aux droits de succession. Dire qu'ainsi 95 % des successions se feront en franchise d'impôt a de quoi séduire, chacun voulant transmettre, tout naturellement, le plus possible à ses enfants. Mais en quoi une telle mesure participe-t-elle à la revalorisation du travail ? Pourquoi transmettre ainsi un patrimoine ou une fortune à ceux qui n'ont rien fait pour l'acquérir si c'est au prix d'un tel effort pour notre société ? Warren Buffet, l'homme le plus riche du monde, qu'on ne peut soupçonner d'être un thuriféraire du collectivisme ni un apôtre de la confiscation fiscale, est le premier à dire que cette transmission en franchise d'impôt est ce qu'il ne faut pas faire si l'on veut conserver une économie dynamique et entreprenante. En effet, ce faisant, on ne récompense pas le travail, mais la rente. Ce n'est pas la politique qu'il faut mener.
Le pays n'a pas les moyens d'accorder une telle prime à la rente.
De même, on voit mal en quoi la déductibilité des intérêts d'emprunt a pu avoir un quelconque effet sur le pouvoir d'achat ou sur l'accès à la propriété. On sait ce qu'il en est de la crise du logement. Des programmes entiers sont en panne, les investisseurs ne parvenant plus à payer les entrepreneurs et les sous-traitants. Des centaines de chantiers sont ainsi arrêtés. Cette mesure n'était pas adaptée parce qu'elle n'était pas ciblée. Il faut aider l'accession à la propriété, mais certainement pas à l'aveuglette et sans conditions.
Donc, ce paquet fiscal, présenté dans l'enthousiasme, voire dans l'euphorie, et qui donna lieu à des formules qui ont fait florès, il faut avoir le courage d'y revenir. Le Gouvernement et la majorité doivent reconnaître que ce ne sont pas les mesures dont le pays a besoin. Après tout, il est plus honorable de reconnaître que l'on s'est trompé, que de persévérer dans l'erreur par amour-propre.
En présentant le projet TEPA, vous annonciez, madame la ministre, qu'il créerait un choc de confiance. Mais la défiance est partout. Il devait créer un choc de croissance. Mais ce n'est pas à 2,25 % ou 2 % qu'elle se situera cette année, c'est à 0,8 %, et probablement à 0 % l'an prochain. Vous annonciez qu'ainsi certains de nos plus brillants concitoyens, exilés dans quelque place financière exotique, ou simplement britannique, retrouveraient confiance dans leur pays. Vous nous aviez même donné l'heure de l'Eurostar pour les accueillir à leur arrivée. Vous aviez raison, en partie : ils vont revenir, mais par pour profiter du bouclier fiscal. Ils vont revenir car ces petits génies de la finance qui ont produit les conséquences que tous les Français vont devoir assumer sont licenciés par dizaines de milliers. Ils vont ainsi apprendre ce qu'est la solidarité dans ce pays, car il faudra bien pourvoir à leurs besoins.
Eux qui se sont exilés parce qu'ils estimaient que les prélèvements obligatoires étaient trop importants, seront bien contents de profiter de l'effort consenti par ceux qui sont restés. Nous allons les accueillir, mais moins bien qu'ils n'auraient pu l'être, car vous êtes passés par là : si aujourd'hui vous trouvez de nouveau des vertus à l'État, depuis de nombreuses années, vous avez tout fait pour que cet État, que nous souhaitons fort et impartial, soit affaibli et, souvent, partial.
Ce projet de budget n'est donc pas plus adapté à la situation du pays que celui de 2008 ne l'était pour nous préparer à affronter une crise. La semaine dernière encore, certains collègues appelaient à l'Union nationale – mais sur quel ton ! L'arrogance, le venin, le fiel même de certains porte-parole de l'UMP ne sont pas les meilleurs arguments pour obtenir une union nationale, au demeurant tout à fait souhaitable quand le pays est secoué par une crise aussi virulente que celle que nous connaissons. Une union nationale, cela se construit. On y a déjà réussi d'ailleurs. Mais il y faut la volonté et un comportement chez les plus hauts responsables de l'État qui font défaut aujourd'hui.
Lors de la première guerre du Golfe, le Président de la République et le Premier ministre avaient su construire cette union nationale. En l'occurrence, les responsables de l'opposition étaient informés, leurs questions trouvaient réponse et leurs exigences étaient parfois satisfaites, les solutions leur étaient soumises, qui pouvaient aboutir à des compromis. L'union nationale se fit également sur la question du Kosovo. Le Premier ministre était Lionel Jospin, le Président de la République Jacques Chirac. Dans ce cas encore, l'opposition n'avait pas été traitée avec un mépris insupportable, mais pour ce qu'elle est, c'est-à-dire partie intégrante de la représentation nationale.
L'union nationale sera peut-être une fois encore nécessaire, étant entendu que l'opposition restera elle-même, car nos visions de la société et nos valeurs ne sont pas les mêmes, et les Français doivent conserver le choix entre les unes et les autres. Mais je doute que la politique que vous mettez en oeuvre permette au pays de sortir de la crise. Cette politique, il faudra la changer et pour le faire, vous aurez, probablement, besoin de nous un jour.
Dans ces conditions, je ne vous demande qu'une chose : c'est, faisant preuve d'un peu moins d'arrogance et de certitude, d'admettre que la politique que vous menez depuis près d'un an et demi n'est pas celle que notre pays attend pour résoudre la crise économique et sociale. Il faut changer de politique, pour que le pouvoir d'achat de ceux qui en ont besoin progresse, en particulier celui des retraités. A ce propos, je me réjouis que l'orateur de l'UMP ait évoqué les retraités agricoles, même si je crains qu'il connaisse mal leur situation car il n'a pas dû en rencontrer très souvent dans sa circonscription. Reste que, pour ceux qui ont les retraites les plus faibles, il faut faire un effort particulier. Rien dans ce projet de budget ne le permet. Que le FIPSA ne soit plus en déficit, ce dont je me félicite, ne leur permettra pas pour autant de vivre dignement.
Nous nous efforcerons donc d'amender ce projet de budget pour que les politiques menées l'an prochain soit beaucoup plus conformes à celles que souhaitent nos concitoyens. C'est le sort réservé à nos amendements qui nous dira si vous étiez sincères ou non en appelant à l'union de tous pour résoudre une crise qui frappe effectivement tous les Français. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
Après avoir entendu les porte-parole des groupes, nous reprenons la liste des orateurs inscrits dans la discussion générale.
La parole est à M. Marc Goua.
Le rapport d'information 1033 de juillet 2008, préalable au débat d'orientation des finances publiques, rédigé, avant la crise que nous connaissons, par la commission des finances, sous la houlette du rapporteur général, constitue un réquisitoire sans concession de la gestion de notre pays depuis 2002. Si le déficit public et l'endettement sont en hausse à la différence de ce qui se passe chez nos partenaires européens, notre croissance est plus faible que la moyenne européenne.
C'est donc dans une position de fragilité accentuée par le paquet fiscal voté en juillet 2007 que nous abordons la crise mondiale qui, de financière, va se propager à l'économie réelle.
Le Président de la République a affirmé sa volonté de dire la vérité sur la gravité de la crise, et d'en tirer les conséquences pour relancer l'économie et protéger les Français, notamment les plus modestes. Comment ne pas être d'accord avec de tels propos ? Mais encore faudrait-il que les actes soient en adéquation avec les paroles. Or c'est loin d'être le cas.
Ainsi la simple lecture du projet de loi de finances pour 2009 rend-elle ces affirmations vaines. Car ce budget n'est pas à la hauteur des enjeux. Le président Nicolas Sarkozy a beau appeler de ses voeux une action économique volontariste, le Gouvernement nous présente un budget de rigueur, économiquement inadapté.
Tout d'abord, ce budget est insincère. Il repose sur des hypothèses irréalistes et des marges de manoeuvre dilapidées. Depuis des mois, monsieur le ministre, vous avez essayé de faire croire que les objectifs prévus pour 2008 en termes de croissance et d'équilibre des finances publiques seraient atteints : on constate aujourd'hui qu'il n'en sera rien. Dans ces conditions, quel crédit accorder au PLF 2009 ? Atteindrons-nous vraiment les 1 % de croissance ? Plus personne n'y croit vraiment, et j'ai le sentiment que nous irons plutôt vers une récession. En fait, conséquence directe de la mise en oeuvre du paquet fiscal, les déficits filent encore plus vite que prévu. En 2009, le déficit budgétaire devrait atteindre 52,1 milliards d'euros, son plus haut niveau depuis cinq ans. La dette publique atteindra 66 % du PIB, alors que, depuis maintenant sept ans, nos engagements européens en la matière ne sont plus respectés.
Ces montants alarmants ne prennent même pas en compte les conséquences de la crise financière, et notamment les fonds dégagés pour recapitaliser le système bancaire. Les indicateurs inquiétants s'accumulent depuis quelques semaines : la confiance des ménages s'est effondrée et la consommation ralentit alors qu'elle constituait le moteur principal de la croissance française depuis dix ans. Le pouvoir d'achat baisse également pour la première fois depuis de nombreuses années.
Dans ce contexte, nous examinons un budget de rigueur et de renoncement. Profondément injuste et inadapté, il accentuera la crise en cours.
Ensuite, le projet de foi de finances pour 2009 est injuste. Monsieur le ministre, votre politique économique est inefficace. Les Français, en tout cas, la juge comme telle puisque, selon un récent sondage, trois Français sur cinq estiment que votre politique économique n'est pas la bonne. Les préoccupations de justice et d'équité sociales en sont absentes. Il nous suffit de constater que les ménages les plus aisés, ceux qui bénéficient du paquet fiscal, ne participeront pas au financement du RSA.
Le Président de la République avait fixé le cap ambitieux, et surtout irréaliste, de faire baisser les prélèvements obligatoires de quatre points de PIB sur la durée du quinquennat : on en est loin.
Emplois aidés, augmentation de la prime pour l'emploi, prestations sous conditions de ressources, le cas échéant aides fiscales à l'investissement : de nombreux instruments étaient mobilisables rapidement pour soutenir l'activité en cette période de crise et faire jouer à la politique budgétaire un rôle contracyclique. Or, vous n'avez que la rigueur à nous proposer.
Enfin, ce budget est un budget d'abandon, qui ne prépare pas l'avenir. Le budget devrait soutenir l'économie, comme le recommande le FMI ; or il alourdit la fiscalité des entreprises. L'absence de mesures de soutien à l'investissement des entreprises et au pouvoir d'achat des Français se fait cruellement sentir et reflète l'échec patent de la politique menée depuis dix-huit mois.
Je profite de cette tribune pour évoquer Oséo. L'action de cet établissement public peut avoir un effet contracyclique : il garantit les dossiers sans problème mais souligne la fragilité des autres, ce qui provoque un effet négatif pour certains dossiers de création ou d'expansion de PME puisque les banques inquiètes refusent alors leurs financements.
Le budget devrait soutenir l'emploi au moment même où le chômage progresse à nouveau. Le budget devrait soutenir le logement ; or la mission « Ville et logement » voit ses crédits d'engagement reculer de 5,3 % entre 2008 et 2011 en euros courants. Le budget devrait renforcer les services publics ; or il acte leur recul. Le budget devrait soutenir les collectivités locales ; or il les asphyxie – d'autres que moi évoqueront la question de la dotation de solidarité urbaine.
Le tableau que je viens de dresser paraît bien noir. Mais, même en cherchant bien, je ne vois dans ce budget que peu de points positifs. Je vois surtout un énorme fossé entre la réalité et vos déclarations. Vous laissez les Français bien seuls face à la crise, ce que nous ne pouvons évidemment pas cautionner. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
Le projet de loi de finances pour 2009 est présenté pour la première fois dans le cadre d'une programmation sur trois ans des finances publiques. Tous les secteurs sont concernés et le projet de loi de programmation pour 2009 à 2011 prévoit une augmentation globale des dépenses de l'État et des collectivités locales à hauteur de l'inflation. En raison de la progression de la charge de la dette, qui consomme l'essentiel des marges de manoeuvre, cette évolution équivaut à une diminution du budget des missions.
Une progression de 3,3 % par an de l'objectif national des dépenses de l'assurance maladie, l'ONDAM, est prévue grâce à la maîtrise médicalisée et à l'efficience hospitalière selon les documents d'orientation du ministère. Monsieur le ministre, au vu des expériences que nous connaissons, le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche reste sceptique quant à l'efficacité de la maîtrise médicalisée. Et pour ce qui concerne le budget des hôpitaux, j'y reviendrai in fine.
L'équilibre du régime général de la sécurité social est annoncé pour 2012. En 2004, on nous avait prédit l'équilibre du régime d'assurance-maladie pour 2007 ; début 2008, cette échéance à été repoussée à 2011 ; et voici que l'on nous parle maintenant de 2012, année d'élection présidentielle !
Ce budget veut diviser par deux le rythme moyen de progression de la dépense publique pour l'amener à 1 % en volume. Grâce au plan d'emploi des seniors, les dépenses de retraite doivent ainsi être maîtrisées.
Le taux de prélèvement obligatoire stabilisé, l'amélioration du déficit structurel exigé était de 0,5 % du PIB par an dans la programmation présentée l'année dernière à la Commission européenne par le Gouvernement. Pour parvenir à un équilibre en 2012, le budget prévoit désormais une évolution annuelle équivalente à 0,7 à 0,8 % du PIB. Le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche a estimé que ces propositions étaient désormais irréalistes et, hier, Mme Lagarde et vous-même, monsieur le ministre, en avez convenu en reconnaissant que la révision « très probablement à la baisse » de la croissance serait actée en novembre. Elle sera sans doute estimée à 0,8 % pour 2008 et 0,5 % pour 2009 – 0,2 % selon le FMI. Dès 2007, la situation de nos finances publiques, à l'inverse de celle de nos partenaires européens, s'était pourtant déjà sérieusement dégradée, avec une croissance de 2 %. Nous avons heureusement une monnaie commune : sans l'euro, la dévaluation aurait été inéluctable. En 2008, le ratio de la dette par rapport au PIB atteindra un record – il devrait s'élever à 65,5 % –, tout comme le déficit du commerce extérieur.
Élément nouveau : sans mesure sur les recettes, vous acceptez désormais une dérive vertigineuse des déficits et de la dette. Vous ouvrez les vannes et abandonnez les critères de Maastricht en raison de circonstances exceptionnelles constituées par la crise du capitalisme financier. Pourtant, le passé de la dette et des déficits vous rattrape. Ainsi, quatre milliards d'euros supplémentaires devront être consacrés, cette année, à la charge de la dette, soit plus de deux fois le financement du RSA, à propos duquel votre majorité a pourtant connu une véritable crise de nerfs le mois dernier. La charge de la dette s'élèvera à deux milliards supplémentaires les années suivantes, car les obligations du Trésor indexées sur l'inflation à 3,5 %, au lieu des 1,5 %, jouent à hauteur de 13 % de celle-ci.
M. Gilles Carrez, le rapporteur général, indiquait dans une interview remarquable de clarté, accordée au journal Les Échos, dans son édition du 10 septembre dernier, que le déficit était un cancer pour l'économie et que cinq milliards d'euros de moins-value de recette viendraient dégrader le déficit – mais, depuis, la crise vous a rattrapé. Dans la même interview, Gilles Carrez soutenait qu'il ne fallait pas percer le bouclier fiscal, car, selon lui, un bouclier ne se décompose pas : l'exception en tuerait le principe. Le rapporteur général et la majorité ont pourtant accepté les moins-values de cinq milliards d'euros proposées par le Gouvernement au travers de réductions d'impôts, et en particulier du paquet fiscal. Ils ne veulent d'ailleurs pas revenir sur ces mesures, même à l'occasion des circonstances exceptionnelles que nous connaissons. Quelle contradiction, monsieur le ministre ! Vous ne voulez même pas qu'à titre temporaire les avantages fiscaux accordés de façon exorbitante aux plus riches soient remis en question, alors que vous acceptez pour raison de « circonstances exceptionnelles » de ne pas respecter les critères de Maastricht applicables à la dette et au déficit – dont le coût est reporté sur les générations futures.
Pourtant, les catégories moyennes et les plus modestes paient dès aujourd'hui le prix le plus fort. Je vous renvoie au récent rapport de l'Organisation internationale du travail, qui souligne que les catégories les plus modestes de la population et les pays les plus pauvres seront les premiers à supporter les conséquences de la crise.
Ce qui vaut pour les critères de Maastricht devrait valoir pour les privilèges fiscaux. Telle est la position notable du sénateur Alain Lambert, qui vous a précédé au ministère du budget, monsieur Woerth. Il estime qu'il ne serait pas déplacé de suspendre durant deux ou trois ans les dispositions concernant les droits de succession, les donations ou les intérêts d'emprunts immobiliers. Il n'a pas évoqué le bouclier fiscal, mais l'intention y est : à circonstance exceptionnelles, mesures exceptionnelles.
Pourquoi, monsieur le ministre, ne pas accepter de demander un effort, même exceptionnel ou temporaire, aux catégories les plus aisées ? Le bilan des effets du bouclier fiscal dans sa version 2007 – un bouclier à 60 % du revenu qui ne tient pas compte des contributions sociales – montre que 83 % des restitutions d'impôts ont concerné des contribuables qui font partie des 10 % des Français les plus aisés disposant du patrimoine le plus important. Voilà pourquoi nous nous sommes abstenus sur votre plan de redressement de notre système bancaire. Vous avez trouvé des crédits pour venir au secours des banques sans associer les catégories les plus aisées de la population.
Vous introduisez dans le projet de loi de finances pour 2009 une innovation pour laquelle le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche a manifesté son intérêt et qui s'appliquera aux budgets des trois ans à venir. Il s'agit de la nouvelle gouvernance des dépenses fiscales et des niches sociales, dont les coûts seront désormais encadrés et l'efficacité systématiquement évaluée. La proposition de Didier Migaud de faire évoluer les dépenses fiscales au même rythme que les dépenses budgétaires compléterait heureusement cette nouvelle gouvernance. Il faudrait également contrôler l'évolution des niches fiscales alors que dans certains territoires d'outre-mer, en particulier dans les TOM, se constituent de véritables paradis fiscaux. Tandis que les représentants d'un certain nombre de pays – dont le Luxembourg ne faisait pas partie – se réunissaient sur le sujet, le Premier ministre, en accord avec le Président de la République, déclarait ce matin à Strasbourg que « les paradis fiscaux ne devaient plus exister ».
Mais, avant d'aller voir ce qui se passe à Andorre, à Monaco, au Liechtenstein ou dans les îles anglo-normandes, balayons devant notre porte ! Saint-Martin, Saint-Barthélemy, Tahiti ou Wallis-et-Futuna peuvent fonctionner comme des paradis fiscaux, voire des places de blanchiment. Certes, ils ne sont pas comparables à ceux que je viens de citer ou à la Suisse. Mais ne faudrait-il pas s'attaquer tout de suite aux zones d'ombre financières qui existent sur le territoire français, monsieur le ministre ?
Vous faites, à juste titre, la chasse aux fraudes susceptibles de diminuer les recettes des URSSAF, vous dénoncez les fraudeurs, notamment lorsqu'ils sont chômeurs, RMIstes ou petits prestataires sociaux. Mais force est de constater que le contrôle ne s'exerce pas de la même façon sur la défiscalisation dans les territoires d'outre-mer. En 2002, un rapport sénatorial dénonçait déjà l'absence de procédures de contrôle de la défiscalisation outre-mer et le nombre incertain des sanctions appliquées. Selon Christian Chavagneux, rédacteur en chef adjoint d'Alternatives Économiques, il est possible d'utiliser les niches fiscales d'outre-mer pour faire fuir des capitaux.
Quant à la question du blanchiment, elle se pose notamment à Saint-Martin, dont la souveraineté est partagée entre la France et les Pays-Bas, sans véritable frontière, ou dans d'autres territoires, où de nombreux projets immobiliers restent inachevés après déclaration de faillite, tandis que les capitaux sont détournés vers des paradis fiscaux, qui sont ainsi indirectement financés par les contribuables français.
Selon le chercheur américain Raymond Baker, spécialiste des circuits noirs de la finance mondiale, l'argent qui passe par les paradis fiscaux est destiné, pour 5 %, à la corruption et, pour 30 %, au blanchiment, le reste représentant l'évasion et la fraude fiscales. C'est un phénomène mondial mais, puisque le Président de la République veut aujourd'hui faire de la lutte contre ce phénomène un des socles de la refondation et de la moralisation du capitalisme financier, il me semble, monsieur le ministre, que nous devrions commencer par faire la chasse aux possibilités d'évasion fiscale et aux paradis fiscaux qui ne disent pas leur nom sur notre territoire national.
S'agissant des niches sociales, les exonérations et les allégements de charges coûteront respectivement 46 milliards d'euros et 33 milliards d'euros à nos finances publiques en 2009. Sur ce sujet, la mission d'information commune de la commission des finances et de la commission des affaires culturelles, dont le rapporteur était M. Bur et que j'ai eu l'honneur de présider, a fait une série de propositions. Mais, parmi celles-ci, vous n'avez retenu que la taxation des sommes consacrées par les entreprises aux dispositifs d'intéressement et de participation. Pourtant, ces 46 milliards d'euros de niches recèlent des gisements de ressources pour la protection sociale.
Quelles sont vos intentions concernant les amendements au PLFSS pour 2009 dont la commission des affaires culturelles est en train de discuter ? Je pense notamment aux parachutes dorés, qui ont été récemment vilipendés par le Président de la République. Lorsque nous avons présenté des amendements visant à les limiter ou à les taxer, vous nous avez répondu que vous attendiez l'avis du MEDEF. Or l'avis de Mme Parisot est connu depuis longtemps. Ainsi, en juin 2006, elle a déclaré, à propos du parachute doré de M. Zacharias, qu'il « lui avait donné la nausée » ; en mai 2007, elle s'est dite « frappée de stupeur » à propos de ceux de Noël Forgeard et de Jean-Paul Gut ; en mars 2008, elle a jugé celui de Denis Gautier-Sauvagnac « méprisant et méprisable » ; enfin, elle a désapprouvé totalement les indemnités de Serge Tchuruk et de Pat Russo. Est-il encore besoin d'attendre l'avis du MEDEF pour agir ? Il me semble que Mme Parisot nous l'a donné !
En conclusion, monsieur le ministre, je souhaiterais que vous nous indiquiez quelles sont vos intentions concernant le budget des hôpitaux publics, d'une part, et la gestion de la dette sociale, d'autre part. S'agissant du budget des hôpitaux publics, il est indiqué, dans le projet de loi de programmation des finances publiques pour 2009-2011, que ceux-ci doivent participer, par une meilleure efficience, à la maîtrise des dépenses.
Or leur déficit atteindra à la fin de cette année près d'1 milliard d'euros. Sachant que la majorité des CHU sont désormais concernés et que le déficit de 100 millions d'euros de l'AP-HP de Paris équivaut à 1 500 emplois, on peut se demander si l'on n'attend pas des hôpitaux – qui ont consenti, depuis plusieurs années, des efforts pour améliorer leur gestion – qu'ils jouent sur la seule variable de l'emploi.
Quant à la gestion de la dette sociale, une information avait couru l'an dernier selon laquelle la CADES serait supprimée et la dette réintégrée dans le budget de l'État. Cette perspective est-elle encore d'actualité ? Après tout, le problème de la dette ne semble plus poser de problème à nos gouvernants.
Il faut conclure, monsieur Bapt. Vous aurez la possibilité d'intervenir dans les débats pour préciser votre pensée.
Je conclus, monsieur le président. La réintégration de la dette sociale à la dette publique libérerait le produit de la CRDS, qui pourrait ainsi être consacré à d'autres projets, par exemple la modernisation de notre système de santé et l'adaptation de notre offre de soins aux besoins qui s'expriment. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission des finances, mes chers collègues, le projet de loi de finances pour 2009 possède trois grandes qualités : tout d'abord, il assume sa fonction politique ; ensuite, il présente un budget d'anticipation ; enfin, il traduit une gestion rigoureuse et une volonté de maîtriser le risque financier.
Tout d'abord, il s'agit d'un budget politique. La question dont les médias se font l'écho ces derniers jours, et que je formulerai en termes quelque peu aseptisés, est la suivante : prend-on suffisamment en compte l'impact de la crise financière et de ses conséquences dans les prévisions de recettes et de dépenses ? Le projet de loi de finances prend en compte le contexte économique et les enjeux de demain. Résolument volontariste, il a pour objectif de placer la France, malgré le contexte actuel si difficile, dans une dynamique capable de capter toutes les possibilités de croissance à court et moyen terme, tout en ménageant la compétitivité de notre pays à moyen terme. Pour ce faire, il est absolument indispensable d'assurer la confiance et de mettre en mouvement les acteurs économiques.
Dès lors, le discours sur la sincérité n'est-il pas, encore et toujours, un discours d'opposition ? S'est-on interrogé, mes chers collègues, sur la « sincérité » du plan de 320 milliards élaboré par l'État pour répondre à la crise financière qui nous frappe ? Nous avons accordé un soutien collectif à ce choix politique, soutien qui s'est traduit, à gauche, par une abstention somme toute optique.
La question qui nous est posée à travers ce budget est bien celle de savoir comment favoriser la confiance ou le retour à la confiance de nos compatriotes, en fonction de leur situation et de leur contribution propre, qu'ils soient salariés, fonctionnaires, entrepreneurs, demandeurs d'emploi ou travailleurs pauvres. C'est, en effet, toute notre ressource humaine qui fera la différence par sa capacité à créer de la valeur.
Dans les missions « Travail » et « Emploi », « Ville et Logement », l'aspect volontariste du budget est particulièrement manifeste. Je me contenterai de rappeler les 11 milliards d'euros consacrés, dans la mission « Travail et Emploi », aux programmes « Retour à l'emploi » et « Mutations économiques et développement de l'emploi ». Je n'omets pas l'effort consenti, dans la mission « Ville et Logement », en faveur du programme « Aide à l'accès au logement » : près de 9 milliards d'euros. Il s'agit d'une mesure sociale, c'est vrai, mais elle favorise également le dynamisme économique, en soutenant un secteur économique stratégique pour prévenir les conséquences de la crise financière sur notre économie « réelle ».
Ensuite, ce budget est un budget d'anticipation. Nous sommes dans une situation difficile, car on pourrait craindre que, face aux conséquences probables de la crise financière, les évolutions profondes de notre société ne soient prises en compte avec retard ou différées. Or ce budget est, au contraire, sensible à cette réalité économique.
S'agissant de l'entreprise, le projet de loi de finances relève progressivement le seuil d'imposition à l'impôt forfaitaire annuel – imposition « injuste », car elle est exigible même en l'absence de bénéfices et frappe particulièrement les PME – et programme sa suppression complète au 1er janvier 2011. Une telle mesure va évidemment dans le bon sens. Quant aux salariés fragiles, ils bénéficieront du RSA, dont le programme « Lutte contre la pauvreté » finance l'amorçage.
Ce budget comporte, par ailleurs, des dispositions qui, pour certaines, ne sont pas coûteuses et contribueront, à terme, à l'apurement de la dette. Je pense en particulier au dividende numérique, grâce au basculement de la télévision analogique vers le numérique en 2011. Il nous faut donc organiser nos capacités à bénéficier de cette manne budgétaire.
Ces exemples, certes très ponctuels, illustrent un budget tourné vers l'avenir, qui tente à la fois de résoudre la difficulté du très court terme, en accompagnant la crise, et de déployer une vision à moyen terme.
Enfin, ce budget traduit une gestion rigoureuse et une maîtrise du risque financier. Il se caractérise en effet par une volonté de transparence et de vérité – nous en reparlerons lors de l'examen du PLFSS. On peut ironiser, mes chers collègues, sur le transfert de la dette sociale, mais l'effort consenti est très important : un apurement à hauteur de 27 milliards d'euros, ce n'est pas rien. Cela permet d'amorcer le règlement du problème de la protection sociale des non-salariés agricoles et de résoudre la question difficile du FFIPSA. Nous aurons l'occasion d'y revenir, mais je tenais à souligner le lien de plus en plus étroit qui unit le budget de l'État et le financement de la sécurité sociale.
En conclusion, je m'associe à mes collègues du groupe UMP pour vous assurer, madame la ministre, monsieur le ministre, de notre entier soutien au projet de loi de finances pour 2009. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission des finances, mes chers collègues, dans quel contexte se situe la discussion du projet de loi de finances pour 2009 ? Il n'y a pas de « choc de confiance », encore moins de « choc de croissance », et l'activité économique est en très net recul ; les déficits publics ne sont pas maîtrisés, la dette publique a explosé et nous enregistrons un déficit record du commerce extérieur. Quant à la situation des Français, du moins ceux qui n'ont pas la chance d'être protégés par le bouclier fiscal, elle se caractérise par la faiblesse des salaires, des pensions et des allocations, par l'augmentation des prix, du chômage, de la précarité, par le recul des droits sociaux et des services publics, notamment celui du service public postal en milieu rural, qui est dénoncé par les radicaux de gauche, à l'origine de la pétition nationale qui circule dans le pays.
On ne le dira jamais assez : les marges de manoeuvre, dilapidées avec le paquet fiscal voulu par la majorité à l'été 2007, font aujourd'hui défaut. Sauf à être aveugle, on ne peut que constater que ce projet de loi de finances démontre le besoin d'inverser les tendances, de faire d'autres choix, de cesser d'ajouter la crise à la crise et de distribuer des allégements d'impôt en faveur des hauts revenus, qui ne produisent aucun effet sur la croissance, ni sur le pouvoir d'achat, ni sur l'emploi.
Dans ce projet de loi de finances, aucun effort n'est fait pour soutenir le pouvoir d'achat des ménages aux revenus moyens et modestes, aucune mesure de relance de la consommation n'est prévue, aucune augmentation du SMIC n'est envisagée. Le texte ne prévoit pas de relèvement du barème de la prime pour l'emploi ni de soutien pour l'investissement, en particulier celui des collectivités territoriales.
Pire, l'enveloppe des dotations augmentera en stricte proportion des prix et le FCTVA sera intégré dans cette enveloppe. Les collectivités seront dans l'obligation de remettre en cause des dépenses indispensables face à la diminution drastique des dotations de compensation d'exonérations de fiscalité locale décidées par l'État et face au gel des dotations de décentralisation et d'investissement. L'économie française ne tient plus que grâce aux investissements des collectivités locales, que vous avez décidé de contraindre.
Non, malheureusement, ce n'est pas excessif.
L'année 2009 est la première année où les effets néfastes du paquet fiscal se font pleinement sentir, avec la perte par l'État de 15 milliards de recettes fiscales par an. Le déficit prévisionnel de l'État pour 2009 est fixé à 52 milliards d'euros, une prévision totalement irréaliste compte tenu de l'évolution des recettes liée au ralentissement économique.
Le Gouvernement envisage une dette publique à hauteur de 64 % du PIB pour 2008 ; elle pourrait en fait s'établir à 66 % du PIB. L'explosion de la dette publique sous l'effet du double héritage de la législature précédente et du paquet fiscal ne peut que déboucher sur de nouvelles hausses de prélèvements et sur des diminutions drastiques des dépenses publiques au détriment de la solidarité, de la formation, de l'investissement et du développement durable.
Les dépenses de l'État augmentent de 7 milliards d'euros par rapport au budget initial de 2008. Or, en tenant compte du surcroît d'inflation enregistré en 2008, l'augmentation n'est que de 3 milliards d'euros. Les dépenses nouvelles sont absorbées par la hausse des dépenses de pensions et des charges de la dette pour plus de 5 milliards. Il n'y a donc plus aucune marge de manoeuvre. En conséquence, de nombreux crédits budgétaires sont fortement réduits, et les plafonds par mission budgétaire contenus dans la loi de programmation pluriannuelle des finances publiques sur la période 2009-2012 montrent des évolutions inquiétantes. Ainsi, les crédits de la mission « Travail et emploi » diminuent de 620 millions en 2009, ce qui se traduira par une diminution du nombre des emplois aidés ; les crédits de la mission « Ville et logement » diminuent de 560 millions en 2009 et de 810 millions en trois ans ; les crédits de la mission « Écologie et développement durable » augmentent de 300 millions en 2009 – un bel effet d'affichage – mais diminueront globalement de 800 millions en trois ans. La mise en oeuvre du Grenelle de l'environnement se fera donc sans moyens. Il s'y ajoute la mauvaise surprise pour les 3,5 millions de particuliers employeurs de voir le taux d'exonération de cotisations patronales dont ils bénéficient être ramené de 15 à 10 points.
Face à cette situation, quelles propositions peut-on faire ? Le président de la commission des finances, Didier Migaud, les a excellemment énoncées à cette tribune : soutenir la consommation en augmentant réellement le pouvoir d'achat des Français ; favoriser l'investissement des entreprises et des collectivités territoriales ; préparer l'avenir en favorisant la formation, l'emploi, l'accès au logement et en préservant l'environnement ; aider les collectivités locales au lieu de les contraindre ; diminuer l'impôt sur les sociétés sur les PME innovantes ; baisser le taux de l'impôt sur les sociétés pour les entreprises qui investissent ; réduire le taux de TVA sur les produits de première nécessité ; revaloriser fortement les pensions de retraite ; rendre obligatoire le chèque transport en milieu urbain comme en milieu rural. Surtout, il faut supprimer ce bouclier fiscal qui a permis en 2007 à 15 000 foyers fiscaux de se partager 246 millions d'euros, renforcer la justice fiscale en ne plafonnant que les niches fiscales non productives, et mettre un terme aux délocalisations fiscales des sièges sociaux des grandes entreprises, un sujet majeur sur lequel nous attendons toujours une réponse.
Mais j'en reviens à la problématique des finances locales. Le Comité des finances locales a exprimé sa défiance face aux propositions du Gouvernement. L'État a prévu d'appliquer à ses dotations aux collectivités le même régime qu'aux autres dépenses : une augmentation limitée à l'inflation prévisionnelle, soit 2 %. Cette stabilisation en volume s'appliquera dès 2009, mais aussi en 2010 et 2011. La décision s'inscrit dans le cadre du projet de budget pluriannuel, présenté conjointement au projet de loi de finances 2009. Dans la mesure où le FCTVA, en hausse prévue de 12,8 % en 2009, est intégré dans l'enveloppe, et où la DGF augmentera de 2 %, d'autres dotations baisseront de plus de 20 %, par un effet mécanique.
En outre, la réforme de la dotation de solidarité urbaine, destinée à concentrer celle-ci sur certaines communes, pourrait priver à terme, selon diverses simulations, entre 75 et 220 communes de cette ressource conçue pour aider les collectivités aux populations défavorisées.
Le CFL a adopté à l'unanimité une délibération reprenant en substance le contenu du communiqué commun diffusé le 19 septembre par les principales associations d'élus locaux. Dans cette délibération, les élus du CFL disent notamment refuser que le FCTVA, compte tenu de son caractère actuel de remboursement, soit intégré dans l'enveloppe dite « normée » des dotations de l'État aux collectivités territoriales. Pour cette même raison, le comité a refusé qu'un groupe de travail soit créé sur l'avenir de ce fonds. Pour les élus, le FCTVA doit seulement permettre de compenser une partie de la charge de TVA supportée par les collectivités territoriales, leurs groupements et les établissements publics bénéficiaires, sur leurs dépenses réelles d'investissement. Or, l'évolution proposée, de « mise en place d'un système forfaitaire de remboursement décidé par le préfet », serait tout à fait contraire au principe de libre administration des collectivités territoriales et s'apparenterait à une grave remise en cause de la décentralisation. Plus encore, cette initiative mettrait un terme à un système particulièrement vertueux.
En outre, au moment où la croissance économique s'amenuise au point de flirter avec la récession, les élus refusent une réforme qui « ne peut qu'accentuer le caractère récessif de l'économie française en s'attaquant à l'investissement local, principal moteur de la croissance économique. »
Autre pomme de discorde : l'évolution d'ensemble des concours financiers de l'État aux collectivités locales. L'inflation prévisionnelle retenue dans le projet de loi de finances pour 2009 est, à 2 %, inférieure de 1,4 point à l'évolution actuelle de l'inflation et de plus encore par rapport à l'indice du « panier du maire », largement supérieur à 3 %. Enfin, quant à la réforme de la DSU, les élus du CFL ont demandé à poursuivre leurs travaux, considérant que les pistes de réformes ne sont pas assez abouties.
Le Gouvernement doit écouter ce cri d'alarme des collectivités locales, ainsi que celui de l'intergroupe parlementaire de l'outre-mer, qui s'est réuni le 9 octobre 2008 au Sénat. La nécessité de revoir le dispositif prévu à l'article 43 du projet de loi de finances pour 2009 et la suppression de son article 65 a été soulignée.
Qu'affirmait le Président de la République le 22 mars 2007 aux Abymes, en Guadeloupe ? « Je préconise la création de zones franches globales dans les DOM. C'est ici, en Guadeloupe, que j'en ai parlé pour la première fois, il y a un an. Je veux préciser ma pensée aujourd'hui. D'abord, soyons clairs, ces zones franches viendraient en complément de l'actuelle défiscalisation qu'il faut conserver. Il faut la conserver car la défiscalisation agit sur les coûts d'investissement, là où les zones franches agiront sur les coûts de fonctionnement. Il faut la conserver car la défiscalisation n'est pas un ensemble de niches fiscales, c'est un outil de développement nécessaire à la croissance de territoires spontanément sous-capitalisés. »
Oui, la loi de programme pour l'outre-mer du 21 juillet 2003 a eu des effets très bénéfiques pour l'économie de l'outre-mer grâce à son volet « défiscalisation » et à un régime très pertinent en matière d'exonérations de charges sociales générant une progression de plus de 12 % de l'emploi outre-mer. Cette loi a entraîné une baisse très sensible du chômage malgré une amélioration de la productivité de la main-d'oeuvre. Cependant, suite à l'annonce du plafonnement des droits à défiscalisation outre-mer, les investisseurs restent en attente ; cet attentisme a d'ores et déjà entraîné une diminution de l'activité et une augmentation du chômage. La remise en cause du système actuel d'exonération de charges sociales va aggraver cet attentisme, alors même que l'outre-mer se situe dans un contexte régional et économique particulièrement agressif et que la crise financière a des effets désastreux sur les fragiles économies de l'outre-mer. C'est pourquoi il y a aujourd'hui une impérieuse nécessité de revoir le dispositif prévu à l'article 43 du PLF pour 2009 et la suppression de son article 65, afin de ne pas entraîner des effets beaucoup plus coûteux pour la communauté nationale que les économies budgétaires attendues.
Alors que certaines niches fiscales sont productives – c'est le Président de la République qui le dit –, le Gouvernement veut les supprimer. Le cri d'alarme des parlementaires d'outre-mer, vous pourriez aussi l'entendre en provenance de toutes les zones touristiques, qu'elles soient de métropole ou d'outre-mer, sur un autre sujet. En effet, le durcissement du statut de loueur de meublé professionnel, dont vous voulez exclure tous ceux qui trouvent dans cette activité un complément de revenus, va, sous prétexte de réaliser quelques économies, mettre en péril l'économie des régions touristiques qui pratiquaient un tourisme doux et durable fondé sur l'accueil chez l'habitant, au profit de grands opérateurs touristiques qui ont déjà fait la preuve de leur inconséquence lors de faillites survenues récemment, qui ont littéralement ruiné les petits investisseurs qui avaient cru en eux et en leur système. Ce durcissement va provoquer soit la disparition des petits loueurs de meublés, soit le retour à une économie souterraine, où l'État ne percevra plus de recettes fiscales, les collectivités ne toucheront plus de taxes de séjour, et toute professionnalisation de la démarche commerciale des loueurs privés sera impossible, vidant des territoires ruraux et de montagne de tout accès au marché.
Dans un département comme le mien, à savoir les Hautes-Alpes, les salariés du privé sont à 80 % des saisonniers. Ceux qui ont retapé une maison ancienne pour se loger et gérer un meublé auront droit cette année à une double peine : d'une part, une fiscalité inadaptée pour leur complément de revenus, d'autre part, un nouveau régime d'indemnisation chômage qui aura pour conséquence de les paupériser gravement. Les régions touristiques en viennent à se demander si le Gouvernement entend les voir subsister, mais nous aurons l'occasion d'y revenir lors de l'examen de certains de nos amendements.
Face à la déstabilisation des régions non urbaines qui vivent du tourisme et qui ont fait du développement durable leur philosophie, mais aussi leur attractivité commerciale, peut-être entendrez-vous enfin ces collectivités qui demandent seulement, au moyen d'un amendement renvoyé de PLF en Grenelle et de Grenelle en PLF, et qui est à nouveau déposé dans le cadre du projet de loi de finances pour 2009, à être mises sur un pied d'égalité avec les zones urbaines pour bénéficier du versement transports. Là encore, que demandons-nous en vain, alors que cela ne grèverait même pas les finances de l'État ? Tout simplement d'organiser et de financer les réseaux de transport des communes et de leurs groupements, dont la population permanente et touristique leur fait dépasser le seuil de 10 000 habitants. « Une vraie question » pour Dominique Bussereau lors du débat sur le Grenelle, « une suggestion pertinente » pour Mme Kosciusko-Morizet et pour plusieurs de nos collègues – notamment M. Mariton –, qui se sont exprimés en ce sens, mais un grand silence frisé venu des alpages gouvernementaux, qui n'en finissent plus de ne rien décider sur cette question pourtant essentielle pour les régions alpines et pour les régions touristiques en général.
Puisque vous êtes à la recherche de recettes, madame et monsieur les ministres, je peux vous en proposer quelques-unes, à commencer par la suppression des délocalisations fiscales. Quand on parle de délocalisation, on pense surtout à la fermeture de sites industriels. Ces fermetures sont des catastrophes, des situations cruelles sur lesquelles nous ne partageons pas les options prises par le Gouvernement. Mais ce n'est pas l'objet direct de mon intervention dans le cadre de la loi de finances. Je veux évoquer un autre problème, qui va d'ailleurs en s'amplifiant, celui des délocalisations fiscales. On avait déjà parlé, à propos de l'imposition des personnes physiques, de la fuite des cerveaux – et je ne veux pas parler ici des déménagements successifs d'un célèbre chanteur des années soixante –, à présent on se trouve face à un nouveau phénomène : la fuite de la valeur imposable.
De plus en plus d'entreprises délocalisent leurs sièges sociaux vers des pays ou la fiscalité est plus avantageuse, à l'intérieur ou à l'extérieur de l'Union européenne. Les exemples, à l'image de celui du groupe Colgate-Palmolive, sont très nombreux. Cette stratégie qui se généralise se traduit par un manque à gagner pour l'État en ce qui concerne l'impôt sur les sociétés et un manque à gagner pour les collectivités territoriales. De plus, il s'agit souvent d'une stratégie en deux temps : les optimisations fiscales d'aujourd'hui préparent les plans sociaux et les licenciements de demain. Une première étude transmise aux députés radicaux de gauche estime à 32 milliards d'euros pour 2008 les effets de cette fuite. J'ai bien dit 32 milliards ! Il y aurait là de quoi remettre de l'ordre dans nos finances publiques et répondre aux attentes des Français pour leur pouvoir d'achat.
Il convient de réagir rapidement, mais ce n'est pas en brandissant d'un air satisfait le modèle de la main invisible du marché que l'on enrayera le phénomène. Croire en la régulation automatique des marchés est d'une naïveté coupable. C'est une fable qui n'est plus d'ordre économique mais qui a pris, notamment chez certains amis du pouvoir, une dimension théologique. Comme vous le savez, nous, radicaux de gauche, refusons que la politique de notre pays soit fondée sur des croyances. Nous exigeons la connaissance, une étude objective des faits, du courage politique qui permette d'opérer des choix clairs.
Quels sont les montants réels de la perte de ressources publiques ? Quelles sont les pratiques des grands groupes ? Quels outils mettre en place pour enrayer cette fuite ? Comment, au niveau européen, arriver rapidement à des consensus sur ces sujets ? Avec mes collègues députés radicaux de gauche, nous avons déposé une proposition de résolution visant à la création d'une commission d'enquête sur ces fuites de richesse. Cette demande avait déjà été formulée sous la mandature précédente, sans que ni la majorité, ni le Gouvernement ne jugent utile de répondre au problème.
L'évolution technologique a accru considérablement la mobilité et la volatilité de la richesse, et donné un caractère d'urgence au problème, qu'accentue la crise financière actuelle.
Pour créer les conditions d'une économie citoyenne, équitable et responsable, qui favorise une juste répartition des richesses, nous demandons au Gouvernement de permettre au Parlement d'exercer pleinement ses pouvoirs et d'aider la représentation nationale dans cette démarche. Il faut mettre un terme au cynisme des grands groupes internationaux. La création de cette commission d'enquête sur les délocalisations fiscales doit être une urgence pour la nation. À moins de considérer que les récentes déclarations du Président de la République et de l'ensemble du Gouvernement sur les paradis fiscaux ne soient pas sincères, je pense que vous aurez à coeur de vous y employer très rapidement. Et je ne me satisferai pas, madame la ministre, de la réponse dilatoire que vous m'avez faite à ce sujet le 9 avril dernier, lors des questions d'actualité. Les dispositions du code général des impôts, en particulier l'article 57, destiné à éviter les transferts de bénéfices purement fictifs, ainsi que l'article 209 B, qui vise à éviter les transferts de bénéfices au profit des paradis fiscaux, existent bien, mais sont-elles réellement mises en application contre celles et ceux que l'on croise dans les couloirs du pouvoir ?
Je vous propose au minimum 32 milliards d'euros de recettes par an, madame la ministre. Ne les refusez pas ! Par cette politique, vous pourrez même accroître les recettes des collectivités locales, que vous vampirisez, notamment au moyen du FCTVA. Ne passez pas à côté de cette commission d'enquête que nous exigeons au nom de la nation. Cela crédibiliserait votre discours sur la rigueur et votre projet de loi de finances, qui en a grand besoin ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
J'avais, lors de la discussion budgétaire de l'an dernier, quelque peu tourné en dérision les doctes prévisionnistes de la croissance. Je ne croyais pas si bien dire et j'aurais préféré avoir tort plutôt que d'avoir à constater aujourd'hui les bouleversements nés de la crise financière. Si nous avons entendu de timides « je vous l'avais bien dit ! », en réalité, personne n'avait vraiment prévu la brutalité et la soudaineté du choc, parce que personne ne pouvait prévoir, entre autres, que le pouce baissé de M. Paulson déclencherait la faillite de la banque Lehman Brothers, jusqu'alors toute de superbe et d'arrogance – et encore moins l'effet domino qui en résulterait dans un système financier mondial déjà fragilisé.
Aujourd'hui, nous comprenons tout à fait l'incertitude que la crise fait peser sur votre projet de budget et soutenons la réactivité à l'évolution conjoncturelle, probablement considérable, que vous revendiquez pour modifier cette loi de finances jusqu'au terme de son adoption, fin décembre. C'est une position de sagesse.
On a bien entendu quelques reproches mais, si vous aviez campé sur des positions strictes, on aurait entendu les critiques inverses, et cette fois à juste titre. Tous ensemble, nous devons nous attacher à suivre au plus près l'évolution de la situation financière, mais aussi et surtout de la croissance et de l'emploi, pour, au terme de nos discussions, adopter le budget le plus conforme aux réalités du moment.
Face à l'énorme et nouveau défi qui nous est lancé, vous faites un choix équilibré en matière de dépenses. D'un côté, un effort de maîtrise remarquable a été accompli, dans la continuité des lois de finances précédentes ; de l'autre, vous refusez de diminuer davantage les dépenses dans la précipitation, pour ne pas risquer d'affaiblir encore la croissance. Nous comprenons et soutenons cette vision stratégique.
La maîtrise des dépenses est totalement incontournable dans son principe comme dans ses effets, en particulier s'agissant des postes de fonctionnaires. Il est contradictoire et même malhonnête de nous reprocher, d'une part, de ne pas combler le déficit et de refuser, d'autre part, les suppressions de postes. Les dépenses de personnel représentent 45 % du budget, la charge de la dette 17 %, les dépenses minimales de fonctionnement des services, incompressibles, au moins 4 à 5 %, soit au total plus des deux tiers du budget. Refuser de toucher aux dépenses de personnel implique donc de réduire, puis de combler le déficit, en agissant sur moins d'un tiers du budget, c'est-à-dire résorber 52 milliards sur 90 milliards de dépenses. L'énoncé de ces chiffres suffit à prouver le ridicule de l'assertion.
En revanche, maintenir les dépenses au niveau prévu nous paraît indispensable au soutien de l'activité. Une fois de plus, comme chaque année, hélas, mais avec encore plus de force, je voudrais plaider pour les dépenses d'investissement. D'une loi de finances initiale à l'autre, elles baissent de 5 % en 2009 par rapport à 2008. Alors, de grâce, qu'elles soient préservées du gel en 2009, que l'État honore la totalité de ses engagements contractuels dans les délais, pour que les entreprises qui attendent les commandes aient un horizon plus clair et plus sûr.
Cet effort tenace et obstiné de maîtrise doit être, bien sûr, poursuivi. Les effets de la crise nous imposent plus que jamais de continuer et d'amplifier les réformes, comme vous l'avez dit hier, et en particulier la réforme de l'État. La révision générale des politiques publiques est une formidable source d'efficacité, de simplification, et d'économies. Encore faut-il qu'elle soit appliquée rigoureusement, car les résistances sont nombreuses et les conservatismes pesants : ceux des corps, petits ou grands, qui refusent, comme me l'expliquait le préfet de mon département, de se répartir entre les nouvelles directions regroupées dans les départements et les régions, ceux encore des administrations centrales, qui courbent l'échine en apparence, pour tenter de neutraliser subrepticement les décisions prises.
J'ajoute quelques exemples tirés de nos travaux sur l'immobilier de l'État : le fameux immeuble des affaires étrangères, rue de la Convention, qui abritait les anciens ateliers de l'Imprimerie nationale rachetés à prix d'or, comportera des bureaux pour 1 400 agents, alors que la RGPP menée à son terme, décidée et validée ne lui en accordera que 1 000, ceci empêchant l'incorporation dans cet immeuble d'un centre de conférences international, dont la construction sur un autre site générera 100 millions d'euros de dépenses supplémentaires. Je pourrais également citer la réforme de la carte judiciaire, qui n'entraînera pas d'économies de fonctionnement mais coûtera 545 millions d'euros en dépenses immobilières.
À côté de ces mauvais élèves, je citerai néanmoins les ministères de l'éducation nationale, de la défense, de l'économie et des finances, qui, à des degrés divers mais avec la même bonne volonté, conduisent une application loyale et intelligente de la réforme.
Madame et monsieur les ministres, il faut tenir bon, et nous sommes là pour vous y aider. Même s'ils sont nettement plus rares – et pour cause ! –, trop de ministres se glorifient d'avoir obtenu sinon sur l'ensemble, du moins sur une part de leur budget, une augmentation. Il faudrait appliquer la proposition de M. Darcos aux ministres et décerner des médailles à ceux qui font les plus gros efforts, qui réduisent le plus leurs dépenses, surtout de fonctionnement, d'une année sur l'autre. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le président de la commission des finances, mes chers collègues, je concentrerai mon intervention sur deux sujets précis inscrits dans le projet de loi de finances : la réforme de la DSU et la création de la DDU, la nouvelle dotation de développement urbain, avec l'espoir que les réponses que vous apporterez à mes questions me permettront de comprendre comment nous en sommes arrivés à une situation aussi ubuesque.
Dans le projet que vous nous soumettez, peu de dotations de l'État augmentent autant que la DSU et, bien évidemment, que la DDU, puisque celle-ci passe de zéro à 50 millions d'euros, la DSU augmentant, elle, de 70 millions d'euros. Cela représente au total 120 millions d'euros supplémentaires pour les communes dites en difficulté, soit une augmentation de 12 % des sommes actuellement affectées.
Malgré cet effort conséquent, voire sans précédent, vous réalisez l'exploit de mécontenter tout le monde. Avec une telle avancée budgétaire, cela frôle le sadomasochisme ! Pour comprendre ce front uni des élus, qui refusent ces deux réformes, il faut revenir sur trois erreurs psychologiques et politiques graves.
La première erreur a été la décision prise cet été d'exclure 250 communes de la DSU, les privant de plusieurs millions d'euros, dans un contexte budgétaire et financier très compliqué. Cela s'est fait quasiment sans concertation – alors même que tous s'accordaient sur un nécessaire toilettage du dispositif –, en tout cas, sans laisser à ces communes le temps de se retourner et de trouver d'autres solutions à quelques mois du bouclage de leur budget.
Puisque vous augmentiez la DSU en en excluant dans le même temps 250 communes, on pouvait penser que l'augmentation de l'enveloppe budgétaire – plusieurs millions d'euros – bénéficierait aux communes les plus pauvres. Vous auriez en cela fait plaisir au Président de la République qui, le 8 février dernier, déclarait que le Gouvernement devait concéder aux communes les plus pauvres plus de recettes budgétaires pour mettre en oeuvre les politiques sociales indispensables aux populations défavorisées.
Mais vous commettez là votre deuxième erreur, en révisant les critères d'attribution de la DSU. Vous supprimez le critère du logement social et modifiez les critères « zone franche urbaine » et « zone urbaine sensible », revenant en cela sur une réforme mise en oeuvre il y a quelques années par Jean-Louis Borloo et qui avait permis de cibler la DSU sur les quartiers en ayant le plus besoin.
Vous avez voulu expliquer à ces communes que la solution résidait dans la DDU, la nouvelle dotation de développement urbain. Sauf que cette dotation n'est pas une dotation mais une subvention, qui devra être négociée avec les préfets et contractualisée, ce qui fait que les communes n'auront pas la certitude, en début d'exercice budgétaire, de pouvoir en bénéficier.
Dans le contexte actuel, ce n'est pas acceptable. C'est même une grave erreur psychologique, votre troisième erreur. En effet, vous avez beau vanter à ces élus les 50 millions de la DDU et l'avancée considérable qu'ils constituent – ce que nous reconnaissons bien volontiers –, vous ne pouvez pas, d'un côté, vous reposer sur eux comme vous le faites en les laissant seuls en première ligne sur le terrain avec les forces de l'ordre lorsque les quartiers s'embrasent et, de l'autre, les placer littéralement sous tutelle s'agissant de la gestion de leur collectivité en les obligeant chaque année à aller négocier leurs 50 millions d'euros avec le préfet.
Voilà les raisons pour lesquelles se dressent devant vous en front uni toutes les grandes associations d'élus qui protestent contre cette réforme. Et c'est d'autant plus surprenant que vous avez, dans l'actuel projet de loi de finances, tout ce qu'il faut pour contenter tout le monde et satisfaire l'ensemble des acteurs de la politique de la ville.
La solution est simple. Elle a été proposée l'autre jour au groupe du travail du CFL pour la DSU et a fait l'unanimité des élus, ce qui nous laisse espérer que le Gouvernement l'entendra. Il suffit de figer la DSU pour 2009 sur une enveloppe identique à celle de 2008, allouée à la totalité des communes anciennement éligibles, et d'affecter les 70 millions d'euros supplémentaires aux 150 communes les plus en difficulté qui, même quand elles ne sont pas situées en banlieue, ont droit à la solidarité nationale. Quant à la DDU, il faut en faire une vraie dotation, et non plus une subvention, réservée aux communes emblématiques de la politique de la ville.
Les simulations faites à partir de cette contre-proposition démontrent que tout le monde y trouve son compte : les grandes villes et les villes moyennes ne perdront pas de recettes, les communes les plus pauvres qui ont des pauvres verront leur DSU augmenter de manière conséquente et les communes emblématiques de la politique de la ville pourront bénéficier de la fameuse DDU, sans avoir à la négocier avec le préfet.
Au moins pourrait-on imaginer soit un contrôle a posteriori, soit une négociation, garantissant la dotation annuelle, tout en laissant au préfet un droit de regard. Nous sommes prêts à cette concession.
Cette proposition a le mérite de faire plaisir à tout le monde, y compris au Président de la République qui demandait que les villes les plus pauvres où vivent des pauvres aient plus de recettes en 2009 qu'en 2008. J'espère donc que la raison saura l'emporter. Nous avons naturellement apprécié que certains élus, en particulier dans l'Oise, aient accepté de ne plus toucher leur DSU en 2009, mais nous préférons que tous restent éligibles, que nous engagions la réforme, que l'augmentation prévue au budget soit ciblée sur les communes les plus en difficulté et que la DDU devienne une vraie dotation.
Si le Gouvernement entend cette demande légitime des élus, je suis convaincu que l'ensemble des groupes saluera au cours des débats cette bonne réforme, ainsi modifiée. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
Monsieur le président, madame et monsieur les ministres, monsieur le président de la commission des finances, monsieur le rapporteur général, la représentation nationale examine depuis hier le PLF pour 2009. Il s'agit du quatrième budget présenté dans le cadre de la LOLF. Ce budget s'inscrit pour la première fois dans une programmation triennale des dépenses de l'État.
Il intervient dans un contexte économique très difficile, et je voudrais ici saluer le travail effectué ces derniers temps par le Président de la République et le Gouvernement à la fois dans la gestion de la crise financière internationale et dans les propositions budgétaires qui sont faites aujourd'hui par votre intermédiaire. Permettez-moi, madame la ministre, de vous remercier pour votre implication personnelle et, monsieur le ministre, pour votre constance dans une approche objective de la situation actuelle. Vous ne cédez pas aux sirènes de la facilité et notamment la démagogie.
Je suis conscient des difficultés que vous avez rencontrées pour élaborer ce budget. En raison d'une croissance faible, il est attendu près de 5 milliards d'euros de moins-value fiscale ; à cause de l'inflation, la charge de la dette a explosé avec 4 milliards d'euros.
Face à cette situation difficile, vous avez choisi de présenter un budget sur des bases prudentes – attitude responsable, conforme à l'attente des Français. Vous misez sur 1 % de croissance, une inflation à 2 % et un déficit maîtrisé de l'ordre de 2,7 %.
Vous poursuivez votre engagement de maîtriser la dépense publique à travers la RGPP. Plus de cinquante directions, agences ou structures de l'administration centrale seront supprimées.
Les surpensions versées aux fonctionnaires en poste à l'étranger seront réformées ; un départ à la retraite sur deux dans la fonction publique ne sera pas compensé, ce qui représente une baisse des effectifs de 30 600 emplois, soit, en une année, ce qui a été fait durant ces cinq dernières années.
Dans le même temps, vous avez pris en compte les dépenses nouvelles dues à l'arrivée des générations du baby-boom à l'âge de la retraite, qui représentent pour les dépenses publiques un surcoût de 13 milliards d'euros par an.
Vous avez décidé que l'État devait reprendre la dette du Fonds de financement des prestations sociales agricoles, qui s'élève à 7,5 milliards d'euros, et décidé de lui apporter des ressources durables pour réduire l'impasse de financement, qui s'élève à 1,5 milliard d'euros. Au nom des exploitants agricoles, et en tant que président du conseil de surveillance du FFIPSA, je tenais, monsieur le ministre, à vous remercier de cet engagement, pris dès le mois d'avril 2008.
Cela fait cinq ans qu'on essayait de trouver une solution !
S'agissant de l'Agence de financement des infrastructures de transports terrestres, vous avez débloqué une subvention de 1,2 milliard d'euros afin d'en équilibrer le budget.
Vous avez également confirmé le concours qu'apporte l'État aux collectivités territoriales ; ces dépenses augmenteront de 1,1 milliard en 2009 par rapport à 2008, fonds de compensation de la TVA compris.
Vous avez également fait porter votre effort sur la sécurité sociale.
Dans un contexte économique très difficile, ce budget maintient donc le cap du redressement des finances publiques tout en assurant un redéploiement des moyens en faveur de la valorisation du travail, de l'allégement de la fiscalité des entreprises, de l'enseignement supérieur et de la recherche, ainsi que du développement durable.
Sans vouloir faire une exégèse de toutes les mesures, je voudrais revenir sur certains points.
En ce qui concerne la RGPP, il convient aujourd'hui de communiquer et d'associer le Parlement…
…et ce d'autant plus que la réorganisation de l'État territorial doit intervenir à partir du 1er janvier 2009.
Cela est d'autant plus nécessaire que les territoires ont connu la réforme de la carte judiciaire, la fusion des DDE et des DDAF, le guichet unique fiscal, les réformes de la carte militaire et des implantations de la gendarmerie (Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR) – toutes choses que vous n'avez pas faites à l'époque, messieurs !
Concernant la compétitivité de l'économie, je salue les efforts consentis en faveur des PME, avec la suppression de l'imposition forfaitaire annuelle, qui va concerner 210 000 entreprises moyennes, pour un coût net de 336 millions d'euros.
Cela dit, il reste à imaginer et à réaménager, en parallèle avec la réforme de l'État que vous menez actuellement, une véritable politique d'aménagement du territoire : je l'appelle de mes voeux.
Concernant l'équité fiscale, je ne peux que saluer la révision de certaines niches fiscales, notamment le dispositif Malraux, les réductions d'impôts accordées au titre des investissements réalisés outre-mer et le régime des loueurs en meublés professionnels. Je souhaite que l'idée du plafonnement des niches soit au rendez-vous de 2009.
Je veux également insister sur les mesures spécifiques en faveur des Français les plus modestes et les plus démunis : la création du RSA, la revalorisation de l'allocation adulte handicapé, l'instauration d'une prime exceptionnelle pour les bénéficiaires de minima sociaux et la prime à la cuve, qui passe à 200 euros.
Enfin, dans le cadre de cette discussion générale, je ne saurais oublier que vous avez tenu l'engagement de maintenir le dispositif, qui m'est cher, des zones de revitalisation rurale. Il s'agit pour les territoires ruraux de l'expression d'une vraie solidarité nationale fondamentale. Monsieur Terrasse, vous pourriez m'écouter !
Je me dois enfin d'attirer votre attention sur la situation de notre agriculture et tout particulièrement de notre élevage ovin et bovin. Je proposerai des amendements tendant à la revalorisation des indemnités compensatoires de handicaps naturels permanents, car aujourd'hui, tous les agriculteurs de montagne sont en difficulté.
Fort de ces observations, et au regard de la situation économique internationale, permettez-moi de vous assurer de mon entier soutien quant à vos orientations pour le budget de 2009. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Nous étions pratiquement sûrs que vous souteniez le Gouvernement !
La parole est à M. Claude Bartolone.
En 1997 s'était noué, entre les élus locaux et l'État, un pacte de confiance en matière d'avenir des collectivités locales. C'était une bonne chose.
Aujourd'hui, il n'en reste plus rien. La survie même des collectivités locales ne paraît plus garantie lorsque l'on entend les déclarations faites sur l'avenir des départements et des régions ! Même les élus de la majorité le murmurent : le Président de la République et le Gouvernement ne prennent pas en compte ce que représentent réellement les collectivités locales.
Mes chers collègues, j'invite chacun d'entre vous à prendre connaissance de la motion rédigée par les 102 présidents de conseil général dans le cadre de l'Assemblée des départements de France où, en termes mesurés, s'exprime le malaise ressenti après les annonces faites par le chef de l'État concernant la réforme des collectivités locales.
Depuis 2004, les collectivités voient leurs marges de manoeuvre se réduire au fur et à mesure des transferts non compensés. L'annonce d'un projet de loi réformant l'organisation territoriale française en 2009 n'est pas pour faire taire les interrogations de chacun.
En effet, les transferts de compétences vers les collectivités territoriales ne sont pas compensés par l'État à hauteur des dépenses à la charge des collectivités. Selon le Comité des finances locales, environ 25 milliards d'euros de dépenses manquent au niveau national depuis 2004. Pour le seul département de la Seine-Saint-Denis, ce sont 338 millions d'euros qui manquent à l'appel.
Ce sont autant de moyens en moins pour répondre aux besoins des habitants : construire des collèges – la somme manquante permettrait d'en construire dix-sept – ; des crèches ; des établissements d'accueil pour personnes âgées.
Par ailleurs, cette mauvaise compensation des transferts ne s'accompagne pas d'une réelle péréquation de la dotation globale de fonctionnement, qui permettrait de réduire les inégalités. Pour l'ensemble des départements, la dotation de péréquation urbaine, destinée aux trente-deux départements qualifiés d'urbains, ne représente que 5 % de la dotation globale de fonctionnement considérée dans son ensemble. En 2008, le département de la Seine-Saint-Denis a vu une évolution de 8 %, alors qu'elle était de 20 % les années précédentes.
En outre, l'autonomie fiscale des collectivités territoriales a été remise en cause, notamment par la réforme de la taxe professionnelle. Elles participent désormais au financement de l'allégement de la taxe professionnelle payée par les entreprises, par le biais du mécanisme du « ticket modérateur ». En 2007, l'incidence financière pour l'ensemble des collectivités territoriales était de 646 millions d'euros, dont 278 millions d'euros pour les seuls départements.
En Seine-Saint-Denis, le montant du ticket modérateur est de 23,5 millions d'euros en 2008, avec une projection à 26 millions d'euros pour 2009, année où s'appliquera pleinement le plafonnement unique à 3,5 % de la valeur ajoutée de l'entreprise.
Enfin, ces derniers mois, le ralentissement du marché de l'immobilier – qui a d'abord touché l'immobilier neuf, et qui touche depuis peu l'immobilier ancien – entraîne une diminution des droits de mutation à titre onéreux. À l'heure où je parle, 80 % des départements constatent une baisse de ces recettes de 5 à 10 %. C'est une des recettes les plus dynamiques des départements qui permettait d'amortir les transferts de charges qui se trouve aujourd'hui compromise.
L'amenuisement des recettes fiscales des dotations d'État et la disparition programmée de la taxe professionnelle fragilisent les finances des collectivités locales, à un moment où elles doivent faire face à une croissance importante des dépenses, puisque le chômage remonte. Le mois dernier, en Seine-Saint-Denis, pour la première fois depuis longtemps, les dépenses liées au RMI ont augmenté de 1,5 million d'euros. Or les dépenses sociales représentaient déjà les trois quarts des dépenses de fonctionnement du budget départemental.
Je regrette que le Gouvernement utilise ces difficultés pour légitimer a priori ses projets de réorganisation territoriale. Il ferait mieux, à mon avis, de s'attacher à étudier les mesures proposées par nombre de collectivités sur la réforme complète de la péréquation, notamment de la dotation de solidarité urbaine, ou sur la régionalisation de certaines recettes, comme les droits de mutations. Je regrette que l'État refuse ainsi obstinément une meilleure redistribution des richesses, au niveau interdépartemental comme au niveau intercommunal.
Dans un contexte de dépenses sociales obligatoires en hausse, de recul de l'autonomie fiscale, de très nette sous-évaluation du coût des transferts de compétence, et dans un contexte économique général de crise, les finances locales méritent mieux que d'être pointées du doigt par le Gouvernement.
Je ne crois pas qu'il ait été responsable de faire payer aux collectivités locales le choix des électeurs lors des scrutins de 2004 et 2008. Alors que le Gouvernement choisissait d'offrir aux plus aisés le fameux paquet fiscal, qui suscite aujourd'hui – au mieux – le scepticisme jusque sur les bancs de la majorité, les collectivités locales étaient sommées de choisir leur poison : augmentation de la fiscalité ou diminution des services rendus aux Français – parfois même les deux !
Je le dis avec sérénité : aujourd'hui, pour que les collectivités locales jouent leur rôle, nous n'avons plus besoin de paroles mais d'actes !
C'est pourquoi je proposerai, avec plusieurs de mes collègues, deux amendements à la première partie du projet de loi de finances, créant deux articles additionnels après l'article 10.
Le premier proposera la suppression du ticket modérateur sur la taxe professionnelle pour les départements dont les indices de précarité – taux de chômage et revenu imposable par habitant – sont les plus défavorables.
Le second proposera la suppression du ticket modérateur pour les départements pour lesquels la hausse de fiscalité – supérieure à 7,3 % depuis 2004 – s'explique par la nécessité de financer les charges de transferts de compétences non compensées par l'État.
Si ces amendements étaient adoptés, ce serait à mon sens un premier pas vers un meilleur partage des richesses entre territoires riches et territoires pauvres ; ce serait un acte de nature à faire retrouver ses lettres de noblesse au beau mot de décentralisation.
Les collectivités locales ont, dans leur ensemble, besoin d'un État solidaire, qui assure et qui assume un transfert de moyens financiers à la hauteur des besoins immenses de la population en termes de logement, d'emploi, d'école, d'environnement.
Monsieur le ministre, mes chers collègues, vous devez accorder aux collectivités locales, notamment les plus défavorisées, les moyens de leurs missions – actuelles et futures – grâce à des dotations d'État qui retrouvent une progression normale.
Pour nous, 25 % – et non à peine 10 % comme actuellement – de la masse de la dotation globale de fonctionnement doit donner lieu à péréquation. Nous pensons aussi que sa répartition doit être fondée sur des critères d'attribution sociaux.
L'autonomie et la justice fiscale doivent aussi être restaurées : la taxe professionnelle doit être remplacée par une cotisation assise sur la valeur ajoutée, et la taxe d'habitation doit prendre en compte progressivement les revenus.
Notre pays a besoin de franchir une nouvelle étape majeure dans la décentralisation. Si une réorganisation des territoires doit avoir lieu, elle devra donner lieu à un débat sur le sens même du concept de « décentralisation ». Je souhaite que toute évolution ait pour triple objectif de renforcer la proximité, de clarifier les compétences et d'assurer la responsabilité.
Un mot, pour finir, d'un sujet dont la presse commence à se faire l'écho : l'incidence de la crise financière sur l'endettement des collectivités territoriales, qui risque d'en surprendre plus d'un, et sur tous les bancs de notre assemblée !
Pendant des années, des banques, au premier rang desquelles la banque dite « des collectivités locales », ont vendu des produits structurés, autrement dit des emprunts toxiques indexés sur des taux aussi exotiques que le change du yen, du dollar ou du franc suisse ! En Seine-Saint-Denis, les intérêts de la dette du département pourraient grimper de 21 millions d'euros en 2009 à 39 millions en 2011, pour un encours total de 808 millions. (Exclamations sur les bancs des groupes UMP et NC.)
Regardez de près les collectivités qui ont fait appel à ces produits structuré, c'est intéressant !
J'entretiens le débat, monsieur le président.
Je m'associe pleinement à la proposition faite par notre collègue Didier Migaud, président de la commission des finances, de recenser au plus vite les collectivités territoriales soumises aux emprunts toxiques.
Mais ces collectivités sont responsables de leurs actes ! C'est la libre administration.
J'insiste sur le fait qu'à partir du moment où l'État est intervenu massivement dans le capital de Dexia, il a l'obligation de voir comment peuvent être garantis les produits mis sur le marché par cet organisme financier.
Je parlais d'actes il y a un instant ; en voici deux que je soumets à votre examen. Je propose, d'une part, de faire collectivement en sorte qu'à l'avenir la part des produits structurés soit plafonnée pour les collectivités ; d'autre part, que l'État puisse venir en aide aux collectivités qui pourraient être mises en difficulté par ce type de produits financiers.
Je proposerai à notre assemblée deux amendements en ce sens dans le cadre de la deuxième partie du projet de loi de finances.
Madame et monsieur les ministres, votre projet de budget est bon, car il est adossé à quatre orientations opportunes.
Première bonne orientation : la maîtrise des dépenses publiques.
Même si la réduction des effectifs de la fonction publique est encore mesurée, vous avez le mérite d'avoir rompu avec une logique quantitative qui a si longtemps prévalu dans la gestion de l'État. Cette logique traduisait trois mauvaises habitudes nationales : le refus de la réforme, considérée si souvent comme une purge ou comme la remise en cause des acquis ; la soumission aux corporatismes et donc le délitement de l'intérêt général ; une difficile et lente ouverture au monde où, partout, se sont imposées des logiques qualitatives et d'efficacité.
Deuxième bonne orientation : la lutte contre les déficits, même si c'est plus difficile aujourd'hui qu'hier.
Il ne faut pas lutter contre les déficits budgétaires uniquement pour répondre aux conditions du pacte de stabilité. C'est parce que les déficits entravent notre liberté politique qu'il faut les juguler et retrouver ainsi de nouvelles marges d'action.
La vertu budgétaire n'est pas pour autant le rigorisme, alors que le ralentissement économique génère mécaniquement des déficits publics. La vertu, c'est surtout de ne pas augmenter les impôts et de soutenir, quand cela est possible, l'investissement de l'État, des collectivités locales, des hôpitaux et des entreprises.
Troisième bonne orientation : le respect du contribuable.
C'est d'abord l'intérêt de chacun. Moins dépenser, c'est moins prélever et moins restreindre la liberté de chacun de consommer, d'investir ou de transmettre. En ce sens, le bouclier fiscal et la loi TEPA ont sanctuarisé le travail, l'épargne, l'effort et le mérite, qui sont les valeurs nobles des temps de paix.
Mais c'est aussi l'intérêt collectif. Augmenter l'impôt, c'est, sans paradoxe, se priver de recettes nouvelles. Les gros taux tuent les totaux ! (Sourires.) La baisse des impôts, c'est déjà l'espoir. Retrouvons-le au sortir de la crise !
Quatrième bonne orientation : l'amélioration de la compétitivité de nos entreprises.
Les marges de nos entreprises ont chuté depuis vingt ans. L'excédent brut d'exploitation des entreprises est inférieur à 30 % de la valeur ajoutée, alors qu'il dépasse les 42 % en Allemagne.
Nous produisons moins que nous ne consommons. Nous appartenons à un territoire collectif, l'Europe, où la théologie du marché unique et la doctrine de la concurrence de la Commission nous ont littéralement désarmés dans la guerre économique.
Et sur ce territoire, nous sommes le pays à la fois le plus ouvert – en raison de l'une des plus fortes internationalisations de nos valeurs boursières – et le plus offert. Ce n'est pas dans ces conditions juridiques et dans l'absence de stratégie industrielle collective européenne que nos entreprises peuvent affronter les prédateurs de la mondialisation.
Votre politique budgétaire ne peut être ainsi dissociée d'une évaluation précise de notre environnement international.
Je me réjouis que les réponses majeures à la crise financière aient été politiques et que la voix et l'action du Président Sarkozy aient été aussi bien entendues dans le monde. Que peut-on d'ailleurs attendre des marchés en temps de crise ? Des peurs, de l'affolement, des décisions irrationnelles.
Les marchés sont faits pour la prospérité et les États pour en créer les conditions, mais aussi pour rétablir les conditions de la confiance, du bon sens et de l'intérêt général, en tout cas pas pour disparaître dès qu'il n'y aurait plus de crise, comme l'a souhaité de manière particulièrement incongrue la présidente du MEDEF.
Cette crise a surgi, puis s'est développée en l'absence d'outil national ou international d'anticipation. L'homme sait pourtant voyager dans l'espace, il dispose chez lui d'une bibliothèque universelle mais il ne voit pas naître les crises auxquelles il a donné un moteur.
En tout cas, cette crise a eu le mérite de sonner le glas de quelques dogmatismes, ceux dénoncés par Nicolas Sarkozy tout au long de sa campagne électorale, ceux qui avaient assis la souveraineté des marchés financiers et la tyrannie du court terme, qui est en quelque sorte la fossoyeuse de nos industries, enfin ceux des Anglo-Saxons dont les règles devaient, par supériorité technique et presque morale, s'imposer aux activités essentielles d'audit, de banque, de normalisation, de certification, de notation.
Cette crise, dans les solutions qui lui ont été opposées, c'est aussi le succès de la vieille Europe que certains, outre-atlantique, regardaient avec amusement, c'est le retour de l'attachement collectif aux règles d'intérêt général, de régulation, d'arbitrage et – hélas ! en ce moment – de sauvetage par l'État.
C'est bien le moment de changer notre vision de la mondialisation, comme nous y invite le Président de la République. Trop longtemps, trop souvent, la mondialisation a été le laisser-faire ou la jungle ; trop longtemps, la France n'a pas ouvert les yeux sur les faits, c'est-à-dire la montée en régime des conflits économiques, entre États, entre entreprises, la dureté des relations commerciales sur les marchés stratégiques, l'émergence de nouveaux acteurs, think tanks, fondations, ONG, fonds souverains.
Notre nouveau monde nous impose de nouvelles méthodes, de nouvelles actions.
Il faut mieux connaître, pour mieux les combattre, les mauvaises pratiques commerciales. Je propose depuis cinq ans, vox clamans in deserto, un Observatoire des mauvaises pratiques commerciales.
Il faut mieux connaître les fonds souverains et les acclimater à des règles de gouvernance et d'investissement compatibles avec nos intérêts.
Il faut imposer aux ONG, dont les actions pèsent si souvent sur l'image et la compétitivité de nos entreprises, des règles de gouvernance...
..et de transparence comparables à celles qu'elles ont contribué à imposer aux entreprises, d'autant qu'elles vivent souvent de subventions publiques considérables.
Enfin, si l'on veut préserver nos entreprises stratégiques européennes de tentations spéculatives ou d'appétits politiques,...
..il faudra s'engager rapidement, avec nos partenaires européens, dans la révision des articles 58 et 296 du TCE qui autorisent le contrôle des investissements étrangers dans le seul secteur de la défense et adopter les principes et les méthodes très pragmatiques qui régissent aux États-Unis le droit de la sécurité nationale.
Madame et monsieur les ministres, la discussion budgétaire se déroule dans un cadre de crise financière et bancaire internationale particulièrement grave qui, si l'on peut en imputer l'origine immédiate aux États-Unis, n'en demeure pas moins la conséquence d'une économie laissée entre les mains, sans contrôle, des intérêts financiers en Europe, en Asie comme aux États-Unis, avec souvent un certain aveuglement des politiques des États.
L'avons-nous assez entendue, ces deux dernières années, votre admiration béate du libéralisme ! L'on ne vous entendait pas, alors, dénoncer ces pratiques qui vous offusquent aujourd'hui et pour lesquelles vous n'avez pas de mot assez fort, dont nous subissons les méfaits !
Les conséquences vont en être terribles pour les populations, notamment les plus modestes et, pis encore, dans les pays du tiers-monde. Il ne suffit pas de s'incliner une fois devant l'Abbé Pierre sur les pauvres en France ou devant Soeur Emmanuelle, son discours, ses actions et de laisser courir ce qu'engendre ce qu'ils dénonçaient. Le discours de Dakar était édifiant sur le mépris porté à l'Afrique et à son désarroi.
Vous n'avez cessé, depuis un an et demi, avec l'utilisation du thème de la rupture, de la pseudo-réforme, de faire la louange de l'argent. Le ton était donné dès le premier soir de l'élection présidentielle : votre candidat élu ne s'est pas trompé en allant au Fouquet's, là où l'on glorifie l'argent, avant d'aller vers les citoyens. Le lendemain, il était sur un yacht : c'était le bling-bling et les possédants d'abord, jamais assez de tout ce qui réussit, l'essentiel étant de réussir.
Aujourd'hui, les événements n'autorisent plus tout cela, il faut élever des barrages pour enrayer cette nouvelle peste financière. Nous sommes revenus au discours sur la vertu car il faut faire passer la pilule. Et qui va garantir, qui va devoir contribuer ? Nous tous, et plus fortement ceux qui souffrent déjà lourdement des difficultés.
D'accord, il faut éviter l'effondrement. Mais cela ne dispense pas de bien regarder les vraies causes et de prendre les vraies mesures, pour une vraie rupture avec ces méthodes.
Mais pour l'instant vos mesures, si elles réconfortent les banques, pour peu qu'elles ne soient pas insatiables, ne donnent pas beaucoup de signes en direction d'une vraie régulation, de l'économie réelle, de la consommation des Français, des artisans, des petites et moyennes entreprises. Les banques, elles, leur font déjà payer cher. Ces consommateurs, ces acteurs économiques s'ils sont fragiles ou en difficulté, sont encore plus sous pression. Votre nouvelle « sécurité sociale » pour les banques marche mieux que la sécurité sociale pour les citoyens.
Mais comment allez-vous garantir, contrôler que les orientations de ces banques vont d'abord privilégier l'économie réelle ?
Je suis de ceux qui croient que l'effort ne sera pas à la mesure des nécessités et qu'elles reconstitueront et gonfleront leurs propres fonds.
Votre budget, dont chacun sait dès aujourd'hui que son socle est mouvant et qu'il le sera tout au long de la discussion ici, puis au Sénat, et encore demain, ne donne aucun signe annonciateur de redressement pour notre économie. La crise va s'aggraver, nous n'allons pas tarder à en ressentir les conséquences sociales.
Vous nous avez indiqué que les impôts ne bougeraient pas...
..et que les dépenses seraient figées. Vous vous préparez à une aggravation du déficit budgétaire sans jamais le dire clairement, en le laissant supposer au travers des réponses aux questions des parlementaires.
Vous saviez déjà l'an passé que vous ne tiendriez pas les objectifs européens, puisqu'à deux ou trois reprises vous avez fait évoluer votre discours sous la pression de Bruxelles. Après le président Chirac durant son dernier mandat, à votre tour, après des déclarations fracassantes contre le déficit, vous allez l'alourdir, le laisser filer. D'ailleurs, dès la loi TEPA, vous avez chargé le navire, comme Jean-Pierre Raffarin l'avait fait en 2002, pour le mettre sur le dos de l'exercice commun avec ses prédécesseurs, croyant redresser la situation ensuite. C'était trop tard, le mauvais pli était pris.
Pour vous, dans un premier temps, c'est la faute des prédécesseurs, dans un second temps ce sont les États-Unis de Bush, tant admirés par le Président de la République. Vos choix fiscaux – votre première pulsion de l'an passé – étaient bien de protéger quelques-uns, dont une partie doit certainement compter parmi les acteurs des dérives financières d'aujourd'hui et ne manquera pas d'en profiter demain. Souvenons-nous du bouclier fiscal, de l'ISF, des transmissions de patrimoine.
Cela a-t-il servi la consommation ? Non. Par contre, il ne faut pas toucher à la TVA qui frappe le plus les moyens des consommateurs les plus modestes.
Où en est-on d'ailleurs de la réduction du taux de la TVA sur la restauration et de son cortège de nouveaux emplois, promis à M. Daguin ? Il est parti avant d'avoir pu obtenir satisfaction. Ne devait-on pas régler cette question lors de la présidence française de l'Union européenne ? C'est vrai, ce ne doit plus être le bon moment. D'ailleurs, ce n'est le moment que quelques semaines avant les élections. Pourquoi ne pas donner une impulsion nouvelle à la consommation en baissant le taux supérieur de la TVA ? Ce ne serait pas un crime que de le ramener à son niveau d'avant 1995. Nous avions fait la moitié du parcours avec M. Juppé ; vous pourriez le terminer.
Vous savez bien que vos choix envers les collectivités locales relèvent de l'injustice. Je lisais d'ailleurs encore la semaine dernière dans la presse locale que le député-maire de Bayonne, l'un de vos amis, relevait de telles injustices. On parle plus facilement dans sa circonscription qu'à l'Assemblée ! Certaines collectivités, entre vos décisions, les prêts hasardeux que leur ont fait souscrire les banques et les difficultés pour obtenir un prêt aujourd'hui, vont se retrouver dans une situation difficile.
Cela aura des conséquences sur les investissements locaux et donc l'économie réelle. Vous savez, puisqu'elles ne peuvent avoir recours au déficit, et encore moins à son aggravation, contrairement à l'État, qu'elles vont devoir augmenter leur fiscalité. Vous pourrez ainsi mieux les stigmatiser.
Vous nous proposez donc d'augmenter les valeurs locatives – base des impôts –, ce qui augmentera automatiquement l'impôt de façon déguisée, en pondérant la variation des taux. Quels seront les impôts concernés ? Bien sûr, la taxe d'habitation et le foncier bâti. Sur qui pèsent-ils le plus ? Toujours les mêmes catégories.
Qu'allez-vous faire s'agissant de la taxe professionnelle, cet impôt créé par M. Chirac en 1974 ?
Résultat : aujourd'hui, ce sont les artisans qui chargent !
Si sa baisse peut être bonne pour les entreprises, qu'en sera-t-il pour les collectivités locales ? Quelle compensation leur garantirez-vous puisqu'il s'agit bien d'une décision de votre part ?
Hier soir, notre collègue Jean Launay a stigmatisé avec talent, dans son intervention sur les prélèvements obligatoires, la multiplicité des taxes.
On contient l'impôt mais on crée des taxes, notamment sur le RSA dont on exonère les bénéficiaires du bouclier fiscal. On ne va quand même pas faire payer les riches pour les pauvres ! Et certains ne sont pas choqués ! Sur l'audiovisuel, la décision du Président, prise un matin, en se rasant, doit coûte que coûte passer, au risque d'avoir de graves conséquences sur l'audiovisuel public. Mais là aussi, n'est-ce pas le but recherché ? Et si on peut adhérer à certaines taxes relatives à la protection de l'environnement, il ne faut pas en méconnaître les coûts pour certains territoires. Je pense ici à la taxe sur les camions : comment desservir autrement que par camion des populations situées à plus d'une heure ou deux d'un réseau ferré, pour lequel elles doivent payer alors qu'elles ne sont pas desservies, parce que RFF, ne pouvant intervenir seul, fait payer les régions à ce titre ?
Le Président fait un beau discours sur le numérique, relayé cet après-midi par M. Besson,…
…qui nous assure qu'on va raser gratis. Mais pour l'heure ce sont les conseils généraux, les conseils régionaux et les communes qui paient. Il en est de même pour les relais de télévision en montagne ou en zone rurale, publics et privés. C'est, à ce qu'il paraît, l'équité !
Rien ne nous permet, dans votre budget, de conclure que vous avez véritablement tiré les conséquences de la gravité de la situation, laquelle a engendré une véritable explosion des inégalités.
Vous n'en tirez pas les conséquences parce que vous pensez que, l'orage passé, l'essentiel sera conservé. La rencontre de Camp David, c'est une sorte de dernière page des Mémoires de M. Bush, que Nicolas Sarkozy aide à tenir la plume. Car, après avoir admiré la politique économique, financière, voire militaire, de Bush, voyant qu'elle tourne mal, notre Président prend le virage. Comment cela ne nous rappellerait-il pas notre enfance où, après avoir fait quelques bêtises, nous promettions de ne plus recommencer ? On connaît la suite…
Votre politique ne change pas. Elle se drape aujourd'hui de la vertu. Vous êtes sûrs d'être les meilleurs et de tout savoir. Nous l'entendons tous les jours mais nous voyons les résultats : vous ne nous encouragez pas à vous accorder notre confiance. Aussi ne vous l'accorderons-nous pas. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
Monsieur le président, madame et monsieur les ministres, nous savons que la crise financière est sérieuse. Ce monde financier en apesanteur, ô surprise, s'est écroulé, mais, il faut le savoir, au risque de porter durablement atteinte à l'économie réelle, aux entreprises qui produisent, à l'emploi, c'est-à-dire à la vie quotidienne de nos concitoyens.
C'est dans ce cadre que vous avez la lourde charge de présenter votre budget. Une phrase de Foch me vient à l'esprit : « Ma droite hésite, ma gauche recule, mon centre plie, j'attaque ! ». Oui, j'attaque ! Cet aphorisme militaire me paraît d'actualité et doit trouver sa traduction en termes budgétaires pour le bénéfice de l'économie. Mais la question demeure : comment ? Pour certains, c'est l'antienne des comptes publics et des déficits. Je suis d'accord, il y a des économies à faire et j'y reviendrai, mais gardons-nous aujourd'hui, madame la ministre, d'une politique déflationniste à la Laval, qui serait la pire des choses.
Des économies, oui, à condition que ce soit des économies de structure. En voici quelques-unes : supprimons les régions, véritable machine à dépenses, qui sont dirigées souvent par des satrapes félons ! (Sourires.) La somme des budgets régionaux s'élève à 20 milliards d'euros. En musclant les départements, nous servirons les mêmes prestations à nos concitoyens avec un optimum de la dépense publique. Supprimez également ces comités Théodule, ces agences prétendument indépendantes qui dédoublent, voire triplent les moyens qui existent par ailleurs.
Prenons le cas de la HALDE : confiez au parquet la nécessité de lutter contre les discriminations. C'est aussi simple que cela !
Mettez aussi à plat le budget européen : là, je peux vous aider ! (Sourires.)
L'année prochaine, si nous mettions à plat le budget européen, la France ferait une économie de 10 milliards d'euros – le coût de la machine bruxelloise. On pourra faire autant sur le plan européen, à condition que ce soient les États qui prennent ensemble les décisions et les mettent en oeuvre au plan national, ce qui était, mes chers collègues, je vous le rappelle, la conception initiale du traité de Rome. De multiples économies sont donc à faire.
Toutefois, par-delà les économies de structure, vous devez avoir un seul mot d'ordre aujourd'hui : investir, encore investir, toujours investir ! Nos investissements ont été trop faibles ces dernières années, même si la formation brute de capital a crû de 7 %. Toutefois nos besoins sont énormes – cela a été souligné : infrastructures ferroviaires, équipements publics, logements, recherche et développement. Mais comment financer ? C'est là qu'il faut faire preuve d'un peu d'imagination. Accorder des dégrèvements fiscaux est un moyen qui fonctionne, mais d'aucuns nous diront qu'il est contraire aux critères de Maastricht. Assez de cette rigidité dogmatique ! Il faut savoir sortir de l'idéologie obsolète de Bruxelles. L'heure n'est plus au modèle du prêt-à-penser économique.
Je vous soumets une deuxième idée pour relancer les investissements. J'ai bien noté le plan Oséo, qui va dans le bon sens pour les entreprises. Mais il faut aller plus loin. Pourquoi la Caisse des dépôts n'accorderait-elle pas de prêts avec la garantie de l'État aux collectivités et aux entreprises qui se lanceraient dans de nombreux projets d'équipements arrêtés d'un commun accord, permettant de relancer l'économie ? J'entends déjà rétorquer que cette garantie fausserait la concurrence ! Assez d'eurobéatitude sur la concurrence parfaite, qui n'existe pas et n'a jamais existé ! Le retour de l'État et des États qui s'est justement fait pour les banques doit désormais se faire pour l'économie réelle. La situation appelle d'autres réponses que les théories bruxelloises. Il faut revenir aux réalités. Nous devons faire de l'économie politique. Nous avons besoin d'une véritable politique industrielle tant au niveau national qu'au niveau européen, même si cela déplaît aux gnomes de Francfort ! (Sourires.)
Enfin, nous devons adapter notre fiscalité. Je le dirai très nettement : l'argent des riches doit s'investir en France et ne pas fuir à l'étranger pour abonder l'économie des États notamment européens. Des centaines de milliards d'euros peuvent revenir s'investir en France si nous avons l'intelligence et le courage de supprimer cet impôt imbécile qu'est l'ISF. Mes propos seraient-ils iconoclastes ? Oui ! Ils le sont contre le terrorisme de la pensée unique. L'heure est à l'audace, à toujours plus d'audace ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Monsieur le président, mes chers collègues, après Foch, nous allons peut-être modérer l'offensive.
L'impact de la crise actuelle, sans doute la plus grave que le monde capitaliste ait connu, est tellement déterminant pour nos finances publiques qu'il vaut mieux en parler au préalable, et ce d'autant plus que, même si j'ai approuvé la loi de finances rectificative, la position du Gouvernement, telle qu'elle est exposée ici ou dans les médias, évolue au rythme de changements de cap quasi bihebdomadaires.
Il y a un mois, il n'y avait plus de « risque systémique ». Quelques jours plus tard, il devenait délicat de nier le risque, mais le Gouvernement affirmait que les banques françaises étaient protégées grâce au parfum de leurs vertus de bonne capitalisation et d'excellent contrôle, véritable résurgence dans le domaine de la finance de ce que fut, avant guerre, notre inébranlable confiance dans le caractère infranchissable de la ligne Maginot – M. Myard emprunte ses références à la guerre de 1914-1918, je peux bien emprunter les miennes à celle de 1939-1945.
Moins d'une semaine plus tard, le Gouvernement décidait d'accorder une possibilité de recapitalisation par l'État des fonds propres des banques françaises à hauteur de 40 milliards d'euros – une bagatelle ! –, tout en affirmant haut et fort que les banques françaises, dotées de « ratios Cooke » ou « Bâle » flamboyants, n'en avaient nul besoin et n'en voudraient à aucun prix, de telle sorte que cette facilité en capital ou la garantie de crédit interbancaire n'avaient aucun risque d'être effectivement engagées – je l'ai entendu il y a une semaine.
Or nous avons appris hier qu'une première tranche de recapitalisation de 10 milliards d'euros était effectivement engagée et qu'elle serait suivie d'une seconde, ce qui porterait l'engagement en fonds propres pour les banques françaises garanti par l'État à 20 milliards d'euros, soit à peu près la moitié du plafond fixé par la loi de finances rectificative. Ces chiffres sont du reste cohérents avec les estimations données par la presse il y a quelques semaines.
Mais nous devons nous rassurer : alors que, dans le monde entier, de la Californie à la Nouvelle-Zélande, en passant par l'Europe, ces recapitalisations étatiques sont essentiellement destinées à écarter le risque de défaillance, elles sont chez nous, semble-t-il, destinées à permettre à nos banques de prêter plus ! C'est un cas unique dans le monde occidental.
Si je demande aujourd'hui au Gouvernement d'évaluer le coût pour les finances publiques de cette opération de recapitalisation, il répondra, je suppose, à côté du sujet par de nouvelles considérations oiseuses sur la solidité de notre système financier. Je préfère donc poser la question autrement, peut-être plus positivement, en ces temps de croissance négative : le Gouvernement peut-il indiquer ce que rapportera en plus-value au budget de l'État cette opération d'intervention publique dans les fonds propres de nos banques ?
Dans la mesure où cette opération est également liée aux besoins en fonds propres des banques, je souhaiterais revenir un instant sur ce que nous a déclaré ici même, le 8 octobre dernier, Mme Lagarde sur les banques françaises, leur ratio de solvabilité, leurs excellents contrôles et leur quasi-invulnérabilité. Et je réitérerai toujours la même question : « Depuis un an que la crise financière est une évidence mondiale, européenne et française, quelles diligences avez-vous menées avec notamment la commission bancaire en vue d'évaluer, pour nos établissements de crédits, le risque en matière de liquidités et le besoin en fonds propres, qui ne pourront être apportés, dans les circonstances présentes, que par l'État ? Ne me répondez pas, je vous en prie, que tous vos contrôles sont parfaits : ce serait indécent, compte tenu des récents événements qui ont touché les caisses d'épargne ! Ces événements, en effet, ne révèlent pas une qualité du contrôle interne ébouriffante !
Pour conclure, je voudrais revenir sur le déficit prévisible du budget de l'État car même si, dans ce domaine, nous avons abandonné dans la tourmente tout objectif ou tout carcan européen, voire «eurocratique », comme dirait M. Myard, il est important d'essayer d'évaluer l'ampleur du sinistre. On rappellera que pour 2007, le déficit reconnu par l'État dans la loi de règlement s'élevait à 38 milliards d'euros. D'après la Cour des comptes – l'organisme certificateur –, il s'élèverait à 44 milliards d'euros, voire un peu plus si on lit attentivement son rapport. Il s'agit essentiellement de reports de dépenses et d'imputations. Même à supposer que le solde pour 2008 – le vrai solde, celui qui sera certifié par la Cour des comptes, car dans le monde économique on se fie aux comptes certifiés et non aux comptes déclarés par l'entreprise ou la collectivité –, reste à un niveau inférieur à 60 milliards d'euros, ce qui serait plutôt performant par les temps qui courent, on voit mal comment avec un projet de loi de finances pour 2009 qui prévoit déjà pour une croissance totalement improbable de 1 % du PIB un déficit de 52 milliards d'euros, on ne sera pas très largement au-delà de 60 ou 65 milliards d'euros, d'autant que la croissance, en 2009, au mieux sera nulle et plus vraisemblablement négative – pour reprendre une expression à la mode.
Si on y ajoute ce qu'il faudra, d'une manière ou d'une autre, apporter aux banques et qui finira bien par peser sur nos comptes publics, au moins en termes d'accroissement d'endettement de notre secteur public à travers le mécanisme de garantie, pouvez-vous nous dresser un tableau réaliste des scenarii d'évolution de notre endettement public et du déficit de la loi de finances ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
Madame et monsieur les ministres, désireuse de faire seulement quelques commentaires sur le contexte extérieur du budget, contexte auquel nos marges d'action sont liées, je tiens tout d'abord à saluer l'effort courageux et l'esprit de réactivité de la France face à une crise sans précédent qui affecte lourdement l'économie mondiale. Où en serions-nous en effet, mes chers collègues, si le Gouvernement français n'avait pu ou su surmonter les premiers effets d'une telle crise financière et qui peut nier, dans un contexte aussi contraint, la capacité reconnue dans le monde de notre pays à assumer non seulement ses responsabilités nationales et européennes, mais également internationales ?
Votre budget s'inscrit dans la démarche courageuse et offensive que conduisent le Gouvernement et le Président de la République, dont nous souhaitons soutenir l'action avec la plus ferme détermination…
…à la tête de cette Europe nouvelle qui fait preuve d'une innovation politique qui rassemble les Européens à défaut de réunir, et nous le regrettons, la représentation nationale.
Je dirai trois mots : Europe, confiance et réforme.
En ce qui concerne l'Europe, si nous sommes en train de sortir de la crise, c'est parce que nous avons su penser européen.
Qui peut sérieusement, du reste, dissocier l'avenir de notre pays, de la réactivité et de la force de l'Europe unie ? Nous savons bien aujourd'hui, à travers cette crise et les réponses qui lui sont apportées, que se jouent non seulement la défense de l'Europe mais, plus encore, l'avenir de l'Europe dans le monde.
Je suis donc convaincue que la recherche de solutions doit se poursuivre avant tout au niveau européen. Je salue les mesures qui ont été prises : sauvegarde financière, relance économique, facilitation d'accès au crédit. Nous devons soutenir la mise en oeuvre d'une gouvernance économique et la volonté du Président de la République d'assurer le continuum politique de la gestion de crise.
Je souhaite aborder deux points. Qu'en est-il des nouvelles marges de manoeuvre financières disponibles au niveau européen ? Nous avons évoqué la Banque européenne d'investissements, dont il est très important de mobiliser les moyens. Je m'interroge ensuite sur la possibilité d'accompagner le développement de fonds d'investissement européens, autant de réponses utiles à la situation actuelle.
Par ailleurs, jamais sans doute l'approfondissement institutionnel et politique de l'Europe n'a revêtu un caractère aussi important car l'Europe qui protège, c'est l'Europe organisée, c'est l'Europe régulatrice, c'est l'Europe ouverte…
…qui refuse la tentation du protectionnisme et affirme une vision résolument européenne de la mondialisation.
Le retour à la confiance est la deuxième priorité. La confiance, c'est l'esprit de vérité et de responsabilité que vous avez voulu donner à cette programmation budgétaire et je crois qu'elle est essentielle, car il n'y a pas de marché sans confiance ni de confiance sans retour à une certaine stabilité économique. Je suis sensible au fait qu'à propos du maintien du pouvoir d'achat, grâce à la réévaluation des minima sociaux, des petites retraites, du minimum vieillesse, grâce à la flexisécurité – je pense à toutes les mesures concernant les contrats de transition professionnelle, ainsi qu'aux mesures conjoncturelles liées, notamment, aux contrats aidés ou à l'approche renouvelée du travail avec l'ouverture des magasins le dimanche –, nous engagions une démarche de créativité offensive, intelligente et moderne.
Je ne reviendrai pas sur le soutien aux entreprises, les mesures en la matière me paraissent toutes des plus indispensables, notamment la mobilisation de la Caisse des dépôts et consignations. Je note que ce budget ne cède rien aux objectifs prioritaires de la France, notamment ceux de la recherche et de l'innovation.
Ce ne sont pas les Cassandre qui font avancer la France mais les choix d'avenir. Je ne saurai trop vous exhorter à poursuivre l'effort de modernisation de l'appareil de l'État, la transformation de notre pays et l'accroissement de sa compétitivité. Et s'il faut maintenir l'investissement des collectivités locales, il convient aussi de rationaliser la dépense publique. Je note que l'aggravation de la dépense locale ne peut pas, à terme, servir l'assainissement des finances publiques de la nation. Nous avons un travail de réforme institutionnelle à mener qui doit conduire à une maîtrise plus radicale de la dépense publique à tous les niveaux par un redéploiement vers des choix d'investissements productifs et des choix d'avenir.
Pour conclure, je dirai que ce budget est volontaire, juste et responsable. Dans un contexte difficile, il répond à la volonté et à l'intelligence et surtout à l'adaptation dont notre pays doit faire preuve en temps de crise ; c'est pourquoi nous le soutiendrons avec résolution, détermination et fierté. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe UMP.)
Monsieur le président, madame et monsieur les ministres, le Gouvernement a souhaité que les collectivités locales participent à l'effort national de réduction des déficits publics. Or en quoi ont-elles contribué à le creuser puisque, je le rappelle, les dépenses des administrations locales ne représentaient en 2007 que 11,2 % du PIB et 13 % des prélèvements obligatoires, alors qu'elles assumaient progressivement les charges de transferts de compétences imposées depuis 2002 ?
Si nous pensons qu'une programmation trisannuelle est souhaitable, nous sommes très inquiets pour le reste. Nous vous l'avons fait savoir régulièrement par toutes nos associations d'élus et par les membres du Comité des finances locales. Nous vous avons très clairement précisé que le point de croissance dont la nation a particulièrement besoin se trouvait dans la capacité d'investissement des acteurs locaux. Or, malheureusement, nous pensons que 2009 ne sera pas un bon cru.
Nos échanges, la pression exercée ont, il faut en convenir, limité les dégâts. Il n'en demeure pas moins vrai que l'effort de l'État vis-à-vis des collectivités sera moindre et qu'elles n'auront donc, comme d'habitude, que trois solutions : se serrer la ceinture en matière de fonctionnement ; augmenter les impôts ; diminuer les investissements.
Se serrer la ceinture, pour certaines, c'est déjà fait, et l'on ne peut plus serrer d'un seul cran. Augmenter les impôts, dans la situation où se trouvent aujourd'hui la majorité des citoyens de nos communes, n'est ni raisonnable ni même possible.
Il ne reste alors plus qu'à moins emprunter et à diminuer les investissements avec les conséquences que l'on connaît. Et encore, cela sera une condition nécessaire mais non suffisante. Les mesures annoncées en faveur des banques n'y changeront rien car chacun sait que pour pouvoir emprunter, il faut d'abord en avoir la capacité. Vous prononcez donc l'asphyxie d'un grand nombre de collectivités territoriales, notamment des plus modestes.
Vous connaissez pourtant les disparités qui existent entre collectivités et rien de significatif n'est fait pour rétablir un équilibre entre les territoires. Je tiens à rappeler, comme je l'ai déjà fait à de nombreuses reprises sans grand succès, que ce sont toujours les plus défavorisés qui paient l'addition, que ce soit au niveau individuel ou pour les collectivités.
Je rappelle, par exemple, que la péréquation entre collectivités est négative depuis 2004. Ainsi, et vous pourrez vérifier sans difficulté cet exemple précis, alors que la DGF augmentait en moyenne de 2,73 % pour l'ensemble des départements, celle du département dont je suis élu, la Creuse, n'a crû que de 0,95 %. Où sont passés les engagements du candidat à la Présidence de la République, affirmant qu'il fallait aider la Creuse plutôt que les Hauts-de-Seine ?
Dans quelques semaines, les maires de France tiendront leur congrès et vous diront en grande majorité – si vous leur faites le plaisir de vous y rendre – ce que je suis en train de vous dire. Vous ne pouvez tout de même pas, même si la situation nationale n'est pas bonne, ne pas entendre ce que vous disent les élus locaux. Ils n'ont qu'un souci en tête : celui du développement de leur territoire et de la qualité de vie de ceux qui les habitent.
Vous prétendez maintenir un effort important mais vous masquez par des artifices ce qui constitue un véritable étranglement. En intégrant dans l'enveloppe normée de nouveaux éléments et, en premier lieu, le fonds de compensation de la TVA, vous faussez les règles du jeu. En effet, le FCTVA étant estimé à 663 millions d'euros en 2009, restent 437 millions d'euros pour la progression des dotations, soit une hausse réelle globale de 0,8 %. Corrigée du taux d'inflation, cette hausse apparente n'est rien d'autre pour nous, maires, si nous savons compter, qu'une réduction drastique des dotations aux collectivités.
De plus, le gel d'un grand nombre de dotations annoncé aujourd'hui, comme celui de la DGE ou de la DDR, si utiles au développement local, nous condamnera à l'action minimale, voire, ce qui serait encore plus grave, à l'inaction.
Quand, à tout cela, s'ajoutent toutes les réformes mises en place avec pour seule concertation des informations de dernière minute non négociables – je ne reviendrai pas sur les cartes judiciaire et militaire, sur la RGPP –, vous comprendrez qu'il ne s'agit plus d'inquiétudes pour les élus locaux, notamment ceux des zones rurales qui représentent 80 % du territoire, mais bien davantage d'incompréhension et de découragement, quelle que soit d'ailleurs leur appartenance politique.
À quoi servent nos avertissements, nos désirs de dialogue, face à vos certitudes ? Malgré tout, je rappelle à nouveau ce que nous n'avons cessé de dire : aucune variable d'ajustement ne doit être introduite dans le système de financement de la DGF, en particulier le remboursement de la TVA acquittée par les collectivités au moment où elles investissent. Il n'est donc pas utile de créer un groupe de travail sur ce point.
L'indexation de l'enveloppe globale doit se faire sur l'inflation réelle. Aucune réforme des taxes ne peut être entreprise, si l'on veut qu'elle réussisse, sans un travail étroit impliquant toutes les associations d'élus, principe qui vaut pour l'ensemble de la fiscalité locale, taxe professionnelle incluse.
Madame la ministre, monsieur le ministre, nous sommes nombreux à penser que vous ne nous écoutez pas, que vous ne voulez pas dialoguer avec nous. Tel que nous voyons votre projet, nous avons le sentiment d'aller dans le mur. Alors allez-y sans nous ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
C'est ce que nous allons faire !
Monsieur le président, madame et monsieur les ministres, monsieur le rapporteur général, le projet de budget qui nous est soumis comme tous les ans à la même époque, revêt cette année un caractère très particulier. Nous sommes en effet amenés à discuter des choix proposés, fixés pour certains alors que la très grave crise économique et financière que nous subissons de plein fouet n'avait pas encore atteint son paroxysme actuel. Faut-il en déduire que ce budget serait irréaliste comme le prétendent certains esprits négatifs ? Je ne le crois pas.
Au contraire, tout au long de sa préparation, le Gouvernement a soigneusement tenu compte de l'évolution de la situation internationale en même temps qu'il a cherché à poursuivre l'effort entrepris depuis l'an dernier pour réduire la dépense publique et résorber nos déficits. Ne nous y trompons pas : qu'il faille soutenir l'économie pour enrayer la récession qui nous menace, c'est certain ; qu'il faille pour autant relancer le train de dépenses que nous avons connu depuis près de trente ans, sûrement pas – ce n'est pas en aggravant un déficit déjà insupportable qu'on redressera le pays.
Je souhaite toutefois me faire l'écho d'une population de plus en plus nombreuse à laquelle on demande de nouveaux sacrifices, comme cela vient d'arriver à propos du financement du RSA, profondément scandalisée par la découverte d'une spéculation inadmissible, ainsi que par les privilèges d'une autre époque que s'octroient certains dirigeants de grandes entreprises à l'occasion de leur départ dû à l'échec de leur gestion. Ces faits créent un malaise profond, altèrent la confiance en nos institutions et en nos gouvernants.
C'est pourquoi, en me félicitant que le Président de la République ait tapé du poing sur la table à ce sujet, je souhaite que notre discussion permette de traduire les propos en mesures concrètes dans les textes.
Dans le même esprit, j'attire l'attention sur la nécessité d'accroître encore les économies afin d'éviter la création de nouveaux impôts injustifiés. Au moment où l'on constate que la valeur des placements en bourse a baissé de près de moitié depuis le début de l'année, est-il fondé d'aggraver la taxation de ces patrimoines au motif de leur meilleur rapport dans le passé ? Je ne le crois pas et souhaite donc que certains financements soient revus. Dans nos circonscriptions, le mécontentement vis-à-vis de la pression fiscale s'accroît. La crise actuelle justifie donc plus encore les engagements que le Président de la République avait pris à ce sujet.
Je soutiendrai donc le projet global du Gouvernement mais en vous demandant, madame la ministre, au cours de la discussion, de vous montrer réceptive aux améliorations que nous voulons y apporter car, sans la confiance de la population, qu'il faut retrouver, nous subirons la crise sans être capables de la surmonter. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Prochaine séance, ce soir, à vingt et une heures quarante-cinq :
Suite de la discussion commune, après déclaration d'urgence, du projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2009 à 2012 et du projet de loi de finances pour 2009.
La séance est levée.
(La séance est levée à vingt heures quinze.)
Le Directeur du service du compte rendu de la séance de l'Assemblée nationale,
Claude Azéma