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Intervention de Charles de Courson

Réunion du 21 octobre 2008 à 15h00
Projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2009 à 2012 — Discussion générale commune

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaCharles de Courson :

Monsieur le président, madame la ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi, monsieur le ministre, mes chers collègues, dans un contexte de graves difficultés économiques, le projet de loi de finances pour 2009 présente un budget sincère et responsable pour ce qui est des dépenses, mais incertain s'agissant des recettes.

Pour la première fois depuis bien longtemps, un projet de budget est construit sur des hypothèses de croissance réalistes et raisonnables à la date d'élaboration de la loi de finances, c'est-à-dire en juillet 2008, avec une prévision de croissance pour 2009 autour de 1 % et un taux d'inflation de 2 %. Cependant, la question aujourd'hui est de savoir si ces prévisions demeurent adaptées à l'évolution de la conjoncture depuis près de trois mois. La réponse est clairement négative. C'est d'ailleurs bien la première fois depuis quinze ans que je suis membre de cette assemblée que j'entends des ministres reconnaître que les choses risquent d'évoluer.

En effet, malgré une certaine euphorie après l'adoption par l'Assemblée nationale et le Sénat du plan de soutien au secteur bancaire, l'heure doit être à la prudence. La crise n'est pas finie. Elle n'est pas qu'une simple crise bancaire. Elle a atteint une dimension telle que le financement de l'économie réelle en est affecté.

L'aggravation de la situation des marchés financiers, l'érosion de la confiance des ménages et des investisseurs, la hausse du risque de crédit et l'assèchement des liquidités qui en découlent menacent de bloquer le fonctionnement du système financier international et de faire obstacle à la croissance de notre économie.

Si la croissance devait être nulle en 2009, voire légèrement négative, comme cela a été le cas – je le rappelle à mes collègues socialistes – en 1993, quelles seraient les conséquences sur les recettes et les dépenses du budget de l'État ? Sans doute ne seraient-elles pas considérables sur les secondes – le coût des politiques sociales en serait accru, mais un tel effort serait susceptible d'être financé par redéploiement. En revanche, en matière de recettes, l'impact pourrait être beaucoup plus important, notamment en ce qui concerne l'impôt sur les sociétés, voire en ce qui concerne la TVA, si les prix n'étaient pas en hausse de 2 %, mais de moins, ou même s'ils commençaient à baisser, comme on l'a constaté lors de récessions économiques antérieures. Une grande incertitude demeure donc sur ces deux recettes.

Face à une telle situation économique et financière, le Nouveau Centre ne peut que saluer l'effort de sincérité qui vous honore, madame, monsieur les ministres, et vous encourager à augmenter encore la réserve de 7 milliards d'euros pour faire face à un nécessaire effort de redéploiement. Vous avez indiqué que vous feriez le point le 14 novembre et que vous n'excluiez pas une modification du budget, c'est là une sage position.

En outre, le Gouvernement a fait preuve de vérité dans la présentation budgétaire, notamment sur le volet dépenses.

Ainsi, ce que j'ai appelé pendant des années les fameuses « farces et attrapes budgétaires », c'est-à-dire l'ensemble des mécanismes qui avaient pour objet de dissimuler la réalité de l'augmentation de la dépense, ont été réduites – c'est bien la première fois que je constate cette évolution en quinze ans, quelle que soit la majorité ! La norme d'évolution de la dépense sur laquelle le Gouvernement se fonde repose sur un périmètre élargi, comme nous l'avions demandé depuis plusieurs années, aux prélèvements sur recettes en faveur tant des collectivités territoriales que de l'Union européenne. Nous vous avions même suggéré, monsieur le ministre, d'aller plus loin, c'est-à-dire d'intégrer à la fois les dégrèvements, la prime pour l'emploi et les organismes divers d'administration centrale. Pour la première fois, on nous a donné les perspectives d'évolution des dépenses de ces fameuses ODAC : elles sont encore en hausse de bien plus de 2 %.

Certaines débudgétisations, via d'ailleurs les ODAC et plus largement les opérateurs, ne sont certes pas encore intégrées dans ce périmètre, mais je pense que vous êtes disposé, monsieur le ministre, vous nous l'avez dit, à continuer à donner une vision plus honnête de la réalité de la dépense. En tout cas, nous marchons dans la bonne direction.

Le deuxième effort que je voudrais saluer, c'est l'effort de maîtrise de la dépense.

L'évolution des dépenses de l'État restera strictement en ligne avec l'inflation : plus 2 % – en fait, 0 % en valeur si l'on retire l'augmentation des intérêts de la dette et des pensions.

Cet effort de maîtrise de la dépense se prolonge de manière inédite jusqu'en 2011, dans le cadre de la loi de programmation budgétaire pluriannuelle qui permet, grâce notamment au combat mené par le Nouveau Centre, de fixer la trajectoire des finances publiques, en vue de l'équilibre des comptes de l'ensemble des administrations publiques.

En outre, la maîtrise de nos dépenses publiques se traduit par un double effort que le Nouveau Centre a toujours demandé :

D'une part, un effort de reprise de dettes dispersées dans le budget de l'État. Il s'agit, pour l'essentiel, de la dette qui avait été accumulée au sein de l'Agence de financement des infrastructures de transport, pour 1,2 milliard, et du Fonds de financement des prestations sociales agricoles, pour 7,5 milliards – cela faisait des années qu'on le demandait. Le Gouvernement consent un effort important en transférant à l'État la dette du FFIPSA et en procédant à l'intégration financière de la branche maladie. Mais il serait opportun, monsieur le ministre, de proposer des solutions pour financer le déficit de la branche vieillesse, qui dépasse encore le milliard.

D'autre part, le non-remplacement d'un fonctionnaire partant à la retraite sur deux, soit d'un peu plus de 30 000 fonctionnaires. La même règle avait été appliquée sous le gouvernement Juppé, mais cette fois-ci vous faites preuve de plus de vigueur puisque, pour la première fois, vous ne vous contentez pas d'opérer une réduction des effectifs de l'État : vous freinez également dans une très forte mesure l'augmentation des effectifs dans les fameux organismes d'administration centrale et, plus largement, chez les opérateurs. Je rappelle, mes chers collègues, que les effectifs de ceux-ci augmentaient, ces dernières années, de plus de 10 000 emplois chaque année. Donc, les économies faites sur le budget de l'État étaient à peu près compensées par les créations d'emplois sur les opérateurs. II s'agit, je le répète, d'un effort sans précédent, d'autant que l'on redéploie la moitié de ces économies pour augmenter les primes des fonctionnaires.

Afin de ne pas relâcher les efforts sur la dépense, même en période de crise, le groupe Nouveau Centre vous propose de prendre des mesures d'économies dans deux directions supplémentaires : la réduction des niches sociales, j'y reviendrai tout à l'heure, et le plafonnement global et analytique d'un certain nombre de niches fiscales.

Troisième remarque, une forte incertitude demeure sur le niveau des recettes.

En premier lieu, le Nouveau Centre tient à saluer le choix du Gouvernement de maintenir inchangé le niveau des prélèvements obligatoires. Nous étions de ceux qui estimaient qu'il ne fallait pas baisser ceux-ci tant que nous n'avions pas redressé les finances publiques, cela a toujours été notre position. Nous nous félicitons que, dans la loi de programmation, le Gouvernement annonce sa volonté de maintenir le taux des prélèvements obligatoires à 43,2 % jusqu'en 2012.

En période de crise, la priorité doit être de ne pas laisser filer les déficits. Cela suppose de satisfaire à deux conditions : ne pas relâcher les efforts pour rendre la dépense publique plus efficace et plus active, et ne pas augmenter ni diminuer les prélèvements obligatoires.

Néanmoins, la crise financière rend très incertaines les prévisions de recettes.

Les recettes fiscales nettes seraient en baisse d'environ 1,1 milliard, à périmètre constant, dans le projet de loi de finances, pour s'établir à 276 milliards d'euros.

Cette évolution est la conséquence d'une faible croissance, qui se répercute doublement dans les moins-values de recettes attendues cette année – moins 5 milliards d'euros, essentiellement sur l'IS mais pas seulement – et dans une évolution spontanée particulièrement faible en 2009 – plus 6,6 milliards d'euros.

En outre, les rentrées d'impôt sur les sociétés, avec 52 milliards d'euros, soit un chiffre à peu près équivalent à celui de 2008, et, dans une moindre mesure, de TVA, restent très incertaines du fait de leur sensibilité à la conjoncture économique.

Mes chers collègues, pratiquement le quart de l'assiette de l'impôt sur les sociétés en France est assuré par les banques et les assurances. Des chutes de résultats bancaires de 30 à 40 %, comme on en constate actuellement, ne peuvent avoir qu'une incidence extrêmement forte. Le gouverneur de la Banque de France nous a donné en commission le montant, trimestre par trimestre, des provisions passées par le système bancaire français : fin septembre, elles s'élevaient à 18 milliards, et cela va probablement continuer encore à monter à raison de 4, 5 ou 6 milliards au cours du dernier trimestre. Elles dépasseraient donc les 22 ou 23 milliards. Si vous prenez un tiers de cette somme, cela veut dire qu'on risque de perdre à peu près 7 milliards, rien que sur le quart de l'IS.

Pour ce qui est de la TVA, je ne critiquerai pas le Gouvernement d'avoir retenu 2 % en juillet, mais je pense, hélas ! que la baisse des prix va commencer à s'enclencher : on commence à le voir dans le secteur de l'automobile et dans les choix des consommateurs. Ainsi, le hard discount augmente sa part de marché alors que celle des hypermarchés et des supermarchés reste à peu près stable.

Pour la TVA, les rentrées n'ont pas chuté en 2008 du fait d'une inflation plus forte que prévue, puisque nous sommes à plus de 3 % alors que les estimations dans le projet de loi de finances pour 2008 étaient de 2 %. Mais un ralentissement de l'inflation en 2009 pourrait entraîner des rentrées fiscales de TVA amoindries dans des proportions importantes.

Néanmoins, la crise économique et financière ne doit pas nous éloigner de l'objectif consistant à équilibrer de nos finances publiques à l'horizon 2012.

Le déficit de l'État est évalué à 52 milliards pour 2009. II dépasse ainsi de 10,4 milliards le montant inscrit dans la loi de finances initiale de 2008 – 42 milliards. Même en tenant compte des reprises de dette par l'État – Agence de financement des infrastructures de transport et FFIPSA –, il se creuse de 7,7 milliards.

En outre, les 40 milliards d'éventuelles prises de participation de l'État votées dans le cadre du projet de loi de finances rectificative viendront accroître la dette publique, en 2009, à hauteur du montant utilisé – nous en sommes à 10,5 milliards.

Sachant que la dette publique devrait déjà atteindre 65,3 % du PIB en fin d'année 2008 et, d'après les estimations gouvernementales, 66 % en 2009 – soit plus 0,7 % par rapport à 2008 –, si on utilisait la totalité des 40 milliards, cela représenterait deux points de PIB de plus de dette des administrations publiques – nous serions à 68 %.

Le coût de cette dette, qui pourrait représenter jusqu'à 2 milliards d'intérêts, sera assumé par la Société de prises de participation de l'État, mais devrait être consolidé dans les comptes de l'État, ce qui pourrait affecter le déficit budgétaire si les recettes n'étaient pas à due concurrence. Mais le Gouvernement nous a indiqué que les titres subordonnés porteraient un taux d'intérêt au moins égal, voire nettement supérieur à celui du coût de la ressource.

Notre dette publique est donc excessive et ses seuls intérêts en augmentation de 2,7 milliards en 2009 par rapport à la LFI de 2008 – soit 44,3 milliards – représentent une très lourde charge pour notre économie et expliquent pour une large part l'affaiblissement de notre croissance.

Quant à la sécurité sociale, le Gouvernement nous propose une loi de financement qui permettra d'éviter l'augmentation du déficit, mais avec les régimes de base, y compris le FSV et l'ex-FFIPSA, on est toujours autour de 11 milliards. Donc, au fond, les mesures, tant en recettes qu'en dépenses, ont pour objet d'éviter l'augmentation du déficit, mais nous n'en sommes pas encore à sa réduction.

Pour le groupe du Nouveau Centre, ce budget est perfectible dans quatre domaines.

En premier lieu, nous proposons des mesures visant à renforcer la justice fiscale. Le Nouveau Centre se félicite d'avoir fait évoluer le Gouvernement sur le plafonnement global des niches fiscales dans le sens de la justice. Le Gouvernement a, en effet, retenu cette idée et, même si elle n'est pas dans le projet de loi de finances,…

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