Pourquoi, monsieur le ministre, ne pas accepter de demander un effort, même exceptionnel ou temporaire, aux catégories les plus aisées ? Le bilan des effets du bouclier fiscal dans sa version 2007 – un bouclier à 60 % du revenu qui ne tient pas compte des contributions sociales – montre que 83 % des restitutions d'impôts ont concerné des contribuables qui font partie des 10 % des Français les plus aisés disposant du patrimoine le plus important. Voilà pourquoi nous nous sommes abstenus sur votre plan de redressement de notre système bancaire. Vous avez trouvé des crédits pour venir au secours des banques sans associer les catégories les plus aisées de la population.
Vous introduisez dans le projet de loi de finances pour 2009 une innovation pour laquelle le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche a manifesté son intérêt et qui s'appliquera aux budgets des trois ans à venir. Il s'agit de la nouvelle gouvernance des dépenses fiscales et des niches sociales, dont les coûts seront désormais encadrés et l'efficacité systématiquement évaluée. La proposition de Didier Migaud de faire évoluer les dépenses fiscales au même rythme que les dépenses budgétaires compléterait heureusement cette nouvelle gouvernance. Il faudrait également contrôler l'évolution des niches fiscales alors que dans certains territoires d'outre-mer, en particulier dans les TOM, se constituent de véritables paradis fiscaux. Tandis que les représentants d'un certain nombre de pays – dont le Luxembourg ne faisait pas partie – se réunissaient sur le sujet, le Premier ministre, en accord avec le Président de la République, déclarait ce matin à Strasbourg que « les paradis fiscaux ne devaient plus exister ».
Mais, avant d'aller voir ce qui se passe à Andorre, à Monaco, au Liechtenstein ou dans les îles anglo-normandes, balayons devant notre porte ! Saint-Martin, Saint-Barthélemy, Tahiti ou Wallis-et-Futuna peuvent fonctionner comme des paradis fiscaux, voire des places de blanchiment. Certes, ils ne sont pas comparables à ceux que je viens de citer ou à la Suisse. Mais ne faudrait-il pas s'attaquer tout de suite aux zones d'ombre financières qui existent sur le territoire français, monsieur le ministre ?
Vous faites, à juste titre, la chasse aux fraudes susceptibles de diminuer les recettes des URSSAF, vous dénoncez les fraudeurs, notamment lorsqu'ils sont chômeurs, RMIstes ou petits prestataires sociaux. Mais force est de constater que le contrôle ne s'exerce pas de la même façon sur la défiscalisation dans les territoires d'outre-mer. En 2002, un rapport sénatorial dénonçait déjà l'absence de procédures de contrôle de la défiscalisation outre-mer et le nombre incertain des sanctions appliquées. Selon Christian Chavagneux, rédacteur en chef adjoint d'Alternatives Économiques, il est possible d'utiliser les niches fiscales d'outre-mer pour faire fuir des capitaux.
Quant à la question du blanchiment, elle se pose notamment à Saint-Martin, dont la souveraineté est partagée entre la France et les Pays-Bas, sans véritable frontière, ou dans d'autres territoires, où de nombreux projets immobiliers restent inachevés après déclaration de faillite, tandis que les capitaux sont détournés vers des paradis fiscaux, qui sont ainsi indirectement financés par les contribuables français.
Selon le chercheur américain Raymond Baker, spécialiste des circuits noirs de la finance mondiale, l'argent qui passe par les paradis fiscaux est destiné, pour 5 %, à la corruption et, pour 30 %, au blanchiment, le reste représentant l'évasion et la fraude fiscales. C'est un phénomène mondial mais, puisque le Président de la République veut aujourd'hui faire de la lutte contre ce phénomène un des socles de la refondation et de la moralisation du capitalisme financier, il me semble, monsieur le ministre, que nous devrions commencer par faire la chasse aux possibilités d'évasion fiscale et aux paradis fiscaux qui ne disent pas leur nom sur notre territoire national.
S'agissant des niches sociales, les exonérations et les allégements de charges coûteront respectivement 46 milliards d'euros et 33 milliards d'euros à nos finances publiques en 2009. Sur ce sujet, la mission d'information commune de la commission des finances et de la commission des affaires culturelles, dont le rapporteur était M. Bur et que j'ai eu l'honneur de présider, a fait une série de propositions. Mais, parmi celles-ci, vous n'avez retenu que la taxation des sommes consacrées par les entreprises aux dispositifs d'intéressement et de participation. Pourtant, ces 46 milliards d'euros de niches recèlent des gisements de ressources pour la protection sociale.
Quelles sont vos intentions concernant les amendements au PLFSS pour 2009 dont la commission des affaires culturelles est en train de discuter ? Je pense notamment aux parachutes dorés, qui ont été récemment vilipendés par le Président de la République. Lorsque nous avons présenté des amendements visant à les limiter ou à les taxer, vous nous avez répondu que vous attendiez l'avis du MEDEF. Or l'avis de Mme Parisot est connu depuis longtemps. Ainsi, en juin 2006, elle a déclaré, à propos du parachute doré de M. Zacharias, qu'il « lui avait donné la nausée » ; en mai 2007, elle s'est dite « frappée de stupeur » à propos de ceux de Noël Forgeard et de Jean-Paul Gut ; en mars 2008, elle a jugé celui de Denis Gautier-Sauvagnac « méprisant et méprisable » ; enfin, elle a désapprouvé totalement les indemnités de Serge Tchuruk et de Pat Russo. Est-il encore besoin d'attendre l'avis du MEDEF pour agir ? Il me semble que Mme Parisot nous l'a donné !
En conclusion, monsieur le ministre, je souhaiterais que vous nous indiquiez quelles sont vos intentions concernant le budget des hôpitaux publics, d'une part, et la gestion de la dette sociale, d'autre part. S'agissant du budget des hôpitaux publics, il est indiqué, dans le projet de loi de programmation des finances publiques pour 2009-2011, que ceux-ci doivent participer, par une meilleure efficience, à la maîtrise des dépenses.