La séance est ouverte.
(La séance est ouverte à quinze heures.)
La parole est à M. François de Rugy, pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine.
Madame la ministre de l'écologie, alors que le monde entier est suspendu à l'évolution de la situation dramatique au Japon, alors qu'un premier nuage radioactif atteint la France, la première préoccupation des Français en la matière est la sécurité. La catastrophe japonaise a démontré une fois de plus qu'en matière nucléaire le risque zéro n'existe pas, même dans un pays particulièrement développé économiquement et technologiquement comme le Japon.
Les Français savent que la France est en première ligne, puisqu'elle compte encore plus de réacteurs nucléaires que le Japon. La confiance dans le Gouvernement sur le nucléaire est sérieusement entamée à la suite de vos différentes déclarations tendant à minimiser la catastrophe japonaise.
Pour la sécurité, il faut de la transparence, et des expertises contradictoires. Êtes-vous prête, madame la ministre, à ce que l'audit que le Premier ministre a annoncé soit supervisé par des parlementaires qui ne soient pas tous pro-nucléaires, mais qui comptent aussi des anti-nucléaires, afin de rompre avec la fâcheuse tradition française qui veut que le contrôleur soit également le contrôlé ?
Par ailleurs, nous n'avons pas besoin d'audit pour savoir que de nombreux réacteurs français arrivent en fin de vie. Certains, comme Fessenheim en Alsace ou Bugey, conçus pour durer trente ans, datent en réalité des années 1970. Êtes-vous prête à vous engager à programmer dès maintenant la fermeture de ces centrales les plus vieilles, comme vient de le décider l'Allemagne ?
Enfin, pouvez-vous confirmer, ou infirmer, les fortes hausses des prix de l'électricité demandées depuis plusieurs années par EDF pour financer le prolongement de la durée de vie des centrales nucléaires ?
La parole est à Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, ministre de l'écologie, du développement durable, des transports et du logement.
Mesdames et messieurs les députés, je voudrais d'abord saluer la dignité du peuple japonais dans le drame auquel il doit faire face, et avoir une pensée particulière pour les opérateurs de la centrale de Fukushima, qui ont pris des risques importants pour leur santé afin d'éviter à tous une plus grande catastrophe.
Ces événements ont provoqué en France des interrogations sur la sûreté nucléaire dans notre pays, avec une question légitime : un accident de ce type peut-il arriver en France ?
Mesdames et messieurs les députés, la production nucléaire repose en France sur deux exigences majeures : la transparence totale, et la sûreté maximale. (M. Yves Cochet manifeste son désaccord)
S'agissant de transparence, la France n'a pas toujours été exemplaire, mais nous avons tiré les enseignements de Tchernobyl. Le Gouvernement en a fait la preuve récemment en mettant à disposition permanente du public toutes les informations dont nous disposions, y compris sur le nuage radioactif que vous évoquez.
Depuis la loi de 2006, la France s'est dotée d'une autorité indépendante, l'autorité de sûreté nucléaire, véritable gendarme du nucléaire. Huit cents inspections sur sites ont été réalisées en 2009, et tout incident doit lui être rapporté et rendu public.
Concernant la sûreté, nous n'attendons pas les accidents pour nous en préoccuper. Toutes les centrales sont conçues en prenant en compte les risques majeurs, notamment le risque sismique et le risque d'inondation. Si un risque est réévalué à la hausse, comme ce fut le cas en 1999 suite à la tempête qui a frappé la centrale du Blayais et à la hauteur des vagues, alors l'ASN prescrit des travaux, et peut aller jusqu'à demander une fermeture.
C'est dans ce contexte que le Premier ministre a demandé que tous les enseignements utiles de l'accident de Fukushima soient tirés pour le parc nucléaire français. Chaque centrale fera l'objet d'un audit de sûreté, à la lumière de l'accident japonais. Nous travaillons à un cadre de référence ; cet audit, qui sera rendu public, portera sur tous les réacteurs, et bien sûr d'abord sur les réacteurs les plus anciens. Le nucléaire est un choix majeur, et la sûreté maximale comme la transparence totale en sont les conditions. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)
Monsieur le président, ma question s'adresse à M. le ministre de l'intérieur. Monsieur le ministre, assurer la sécurité de nos concitoyens de manière continue sur l'ensemble du territoire constitue pour l'État l'une de ses prérogatives parmi les plus fondamentales. C'est bel et bien l'un des éléments qui sont au coeur de notre pacte républicain.
À ce titre, si la sécurité continue à figurer en tête des attentes et des préoccupations de nos compatriotes, elle compte également parmi les priorités du Gouvernement. L'heure n'est cependant plus seulement aux paroles. Elle doit désormais, plus que jamais, être également aux actes.
Plusieurs députés du groupe SRC. Cela fait dix ans que l'on entend cela !
Si la sécurité des biens et des personnes est bien l'une des composantes essentielles de notre pacte républicain, nous devons notre tranquillité aux femmes et aux hommes qui, chaque jour, oeuvrent dans ce sens et parfois au péril de leur vie.
Si les Français sont,comme nous tous, attentifs à l'évolution des courbes générales de la délinquance, il importe aussi que la puissance publique puisse démontrer sa capacité à répondre aux agressions dont elle est l'objet, lors d'affaires particulièrement médiatisées, car profondément choquantes.
Je pense ici notamment à l'agression dont a été victime, voici quelques semaines à peine, en Seine-et-Marne, un membre de nos forces de l'ordre, en l'occurrence un membre des compagnies républicaines de sécurité, qui a, à juste titre, ému et interpellé bon nombre de nos concitoyens.
Sur cette enquête comme sur les autres, les Français attendent des résultats. Aussi, monsieur le ministre de l'intérieur, pouvez-vous devant la représentation nationale nous indiquer les actions que vous avez mises ou que vous comptez mettre en oeuvre dans les prochaines semaines pour répondre à ces atteintes flagrantes à l'ordre républicain ?
La parole est à M. Claude Guéant, ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration.
Monsieur le président, mesdames messieurs les députés, vous avez raison, monsieur Perruchot, de souligner que la sécurité n'est pas une affaire de discours, mais une affaire de résultats. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)
Depuis 2002, les gouvernements qui se sont succédé ont obtenu des résultats. Je ne vais pas répéter l'évolution de la délinquance dont je parlais la semaine dernière, je citerai seulement deux chiffres.
Le premier concerne les infractions qui ont été révélées par l'activité des services et qui témoignent de la détermination et du Gouvernement, et des policiers, et des gendarmes à faire en sorte de traquer toute la délinquance, même lorsqu'elle ne donne pas lieu à plainte. Cette augmentation a été de 40 %. Le taux d'élucidation est passé de 26 % à 37 %, soit 11 points de plus, ce qui signifie que là où sur quatre affaires, il y avait un défèrement à la justice, il y a aujourd'hui un défèrement sur trois affaires. C'est un progrès tout à fait considérable.
Monsieur le député, vous avez aussi raison de souligner qu'il faut que l'État soit spécialement attentif à la sécurité des gendarmes et des policiers, …
…et que des suites soient données aux agressions dont ils sont les victimes. Le fonctionnaire blessé à Noisiel le 2 mars va mieux et commence à recevoir sa famille.
Je peux vous dire également qu'après une enquête de police technique et scientifique particulièrement soignée, six personnes sont actuellement en garde à vue ; les enquêteurs ont bon espoir de parvenir à confondre les auteurs de cette agression inqualifiable. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)
La parole est à M. Michel Vauzelle, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.
Monsieur le président, mes chers collègues, ma question s'adresse à M. le ministre des affaires étrangères. La situation en Libye évolue d'heure en heure. Hier le Président de notre groupe, Jean-Marc Ayrault, disait notre respect et notre soutien à nos soldats, qui se battent en Libye.
L'action que nous réclamions a été engagée, c'est bien. Elle l'a toutefois été, non seulement avec un retard désastreux pour le peuple libyen, mais encore avec un manque de précision fatal dans le texte même de la résolution 1973 des Nations unies.
De ce fait, la situation semble se dégrader de jour en jour. MM. Obama et Sarkozy ont, semble-t-il, décidé de confier maintenant un rôle clef à l'OTAN avec l'utilisation des structures de commandement de l'OTAN. Or c'est exactement ce que nous, nous voulions absolument éviter : donner à nouveau l'image de l'Occident en guerre contre un pays arabe ou musulman.
Protéger le peuple libyen contre un dictateur sanguinaire avec l'accord des Nations Unies et de la Ligue arabe, c'est bien ; accepter aujourd'hui de masquer une prise en main des opérations par l'OTAN, en expliquant qu'il ne s'agirait que d'un appui technique, ne trompera pas ceux qui ont fait confiance à la France. On peut craindre dans ce cas la réaction des peuples arabes, et chez nous celle de notre opinion publique.
Si l'OTAN prend en réalité cette opération en mains, c'est non seulement le combat de la France pour la protection des Libyens qui sera dénaturé, mais c'est le monde arabe et méditerranéen où la France risque de perdre une confiance dont elle a besoin pour poursuivre son oeuvre de paix en Méditerranée, et surtout le respect qu'elle doit y inspirer.
Rassurez-nous, s'il vous plaît, monsieur le ministre. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
La parole est à M. Alain Juppé, ministre d'État, ministre des affaires étrangères et européennes.
Monsieur le président, mesdames, messieurs les députés, monsieur Vauzelle, j'aurais aimé que vous ajoutiez, lorsque vous avez parlé du retard désastreux pris par la mobilisation de la communauté internationale, que ce retard n'est pas dû à la France (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC), qu'il est imputable aux réticences de nos partenaires, et qu'il n'a été surmonté que grâce à l'action du Président de la République et de notre diplomatie. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Depuis le début, et comme je l'ai redit hier ici même après M. le Premier ministre, nous concevons cette opération comme une opération des Nations Unies, sous mandat des Nations Unies. Elle est mise en oeuvre par une coalition de pays européens, nord-américains et arabes.
Cette coalition de pays a besoin d'un bras séculier. Ce fut d'abord, dans la première phase de l'intervention, le commandement américain, en étroite liaison avec les Français et les Britanniques. Aujourd'hui, nous sommes convenus que ce bras séculier serait à la fois l'OTAN et l'Union européenne. L'OTAN pour ce qui est de la planification et la conduite opérationnelle des opérations, et l'Union européenne, au terme des décisions prises lundi, pour tout ce qui concerne l'action humanitaire, y compris par la voie maritime.
De façon à bien clarifier les choses, nous venons de prendre l'initiative avec mon collègue britannique d'inviter, mardi prochain à Londres, un groupe de contact composé de l'ensemble des pays participant à l'ensemble de l'opération plus l'Union africaine, la Ligue arabe, et tous les pays européens qui voudront s'y associer, de façon à bien marquer que le pilotage politique de l'opération, ce n'est pas l'OTAN, c'est ce groupe de contact.
Il faudra penser ensuite à la poursuite de l'opération, et le Président de la République prendra très rapidement des initiatives pour parler de la paix, du retour à la paix. La France a été à l'initiative pour l'opération militaire ; je peux vous assurer qu'elle sera à l'initiative pour le retour à un dialogue démocratique au sein du peuple libyen. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)
La parole est à M. Didier Quentin, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.
Ma question s'adresse à M. le ministre d'État, ministre des affaires étrangères et européennes ; je la pose aussi au nom de mes collègues membres du groupe d'amitié France-Japon de l'Assemblée nationale, que je préside.
À la suite du séisme et du tsunami qui ont si durement frappé le Japon, ce pays traverse une crise sans précédent depuis la fin de la Seconde guerre mondiale, avec, malheureusement, une menace nucléaire majeure.
À cet égard, nous tenons à saluer le courage et l'abnégation, ainsi que la dignité et la solidarité du peuple japonais qui font l'admiration de tous.
La France s'est mobilisée pour faire parvenir de l'aide et quelque 130 militaires de la sécurité civile sont allés sur place. Il importe aussi de souligner l'action de notre poste diplomatique à Tokyo, sous la conduite de notre ambassadeur Philippe Faure.
Dans le même esprit, notre groupe d'amitié a fait à l'ambassadeur du Japon trois propositions précises, lors d'une récente réunion de travail : mobiliser les collectivités territoriales françaises en faveur de leurs homologues japonaises ; parrainer des orphelins ; enfin apporter un soutien matériel et financier aux étudiants nippons en France.
Aujourd'hui, le Japon, confronté à l'urgence humanitaire et à l'inquiétude sanitaire, a plus que jamais besoin de la solidarité internationale.
Aussi, monsieur le ministre d'État, je vous serais reconnaissant, d'une part, de nous faire un point précis sur l'évolution de la situation et, d'autre part, sur les efforts qu'entend faire la France pour venir en aide de façon encore plus significative à nos amis japonais. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC et sur plusieurs bancs des groupes SRC et GDR.)
La parole est à M. Alain Juppé, ministre d'État, ministre des affaires étrangères et européennes.
Monsieur le député, nous sommes tous – et le mot n'est pas excessif – bouleversés par ce qui se passe au Japon, par le drame épouvantable que subit ce pays et dont nous voyons, jour après jour, les images à la télévision. Nous avons salué, hier, l'ambassadeur du Japon qui était présent au Sénat.
Je ne peux vous donner de chiffres précis car, hélas, ils évoluent chaque jour. Il y a des milliers de morts – sans doute plus que ce que l'on annonce aujourd'hui –, des dizaines de milliers de disparus, plus de 300 000 personnes réfugiées dans des centres d'accueil, plus de 200 000 foyers privés d'électricité et près de 900 000 foyers privés d'eau. La situation est donc tout à fait catastrophique. Je ne reviens pas sur l'aspect nucléaire qui a été évoqué par Nathalie Kosciusko-Morizet.
Je salue l'initiative prise par votre groupe d'amitié de manifester notre solidarité avec les Japonais. Moins de trois jours après la catastrophe, des personnels français étaient à pied d'oeuvre dans la zone sinistrée de Sendaï pour secourir la population. Hier, un Antonov 225 – le plus gros avion porteur au monde – a quitté la France pour le Japon avec 150 tonnes de matériel pour apporter un soutien technique dans le domaine nucléaire et une aide humanitaire. Il arrivera à Tokyo vendredi 25 mars. Les matériels techniques sont fournis par les opérateurs de la filière nucléaire Areva, EDF et le CEA.
Le Premier ministre se rendra d'ailleurs aujourd'hui à l'ambassade du Japon à Paris pour rencontrer les représentants de la communauté japonaise en France, témoigner de notre solidarité avec le peuple japonais et lui redire notre amitié et notre admiration. Nous avons fait savoir aux autorités japonaises que nous étions, en permanence, à leur écoute, prêts à répondre aux besoins qu'ils exprimeront. Il n'est pas toujours très facile d'avoir l'expression de ces besoins, mais nous sommes là. Plus qu'un devoir, c'est un appel profond de solidarité vis-à-vis de ce peuple si durement touché. (Applaudissements prolongés sur les bancs des groupes UMP et NC ; applaudissements sur plusieurs bancs des groupes SRC et GDR.)
La parole est à M. François Brottes, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.
Monsieur le Premier ministre, le sujet est grave : il n'est pas convenable de prendre nos concitoyens en otages sur la question de l'énergie.
On leur dit : si vous voulez la concurrence il faut payer plus cher. Si vous voulez limiter l'effet de serre, il faut payer plus cher. Si vous voulez la sécurité, il faut payer plus cher...
C'est indécent. Les profits espérés par les actionnaires ou les dividendes attendus par l'État poussent leur avantage au coeur de la crise et de l'émotion légitime que suscite le drame japonais.
Cette forme de chantage, monsieur le Premier ministre, est inacceptable. L'annonce d'une augmentation de 30 % supplémentaire du prix de l'électricité est intolérable pour les familles qui ont déjà du mal à boucler les fins de mois. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
Faites très attention : tout laisse à penser que vous auriez fait l'impasse sur la sécurité pour faire plus de profits. Depuis le début, nous vous demandons d'arrêter le massacre de la course à la privatisation et aux profits dans le secteur de l'énergie. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
Monsieur le Premier ministre, il n'est pas trop tard pour être raisonnable. Notre proposition est concrète et d'application immédiate : suspendez la loi NOME ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
Avec cette loi, vous avez organisé la hausse des tarifs de l'électricité. Nous avions voté contre ce texte, porteur de tous les dérapages sur les prix et de tous les dangers en matière de sécurité.
Le Gouvernement a le pouvoir de décider en matière de tarifs. Vous devez stopper la spéculation sur le dos des familles et de la création d'emplois. (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe UMP.)
Il y a des alternatives à votre politique : il faut investir massivement dans l'économie d'énergie. Il faut diminuer significativement la part du nucléaire. (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe UMP.) Il faut développer les énergies renouvelables sans les tuer dans l'oeuf, comme vous le faites. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Il faut mettre en place un tarif de base pour que les plus défavorisés n'aient pas à faire appel à la charité pour se chauffer ! (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
Écoutez nos propositions. Écoutez les Français qui n'en peuvent plus ! Suspendez immédiatement la loi sur la nouvelle organisation du marché de l'électricité. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC et du groupe GDR.)
La parole est à M. Éric Besson, ministre chargé de l'industrie, de l'énergie et de l'économie numérique.
Je suis très surpris par la tonalité de votre question, monsieur le député, (Exclamations sur les bancs du groupe SRC), vous, qui, pourtant, connaissez parfaitement ces sujets.
Les Français, je le rappelle, paient leur électricité 40 % en moyenne moins cher que dans les autres pays européens (Protestations sur les bancs du groupe SRC) et ils le doivent à notre parc nucléaire civil. À titre de comparaison, les ménages allemands paient leur électricité 90 % plus cher que les ménages français. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)
Pour le reste, je veux apporter un démenti catégorique. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)
Vous connaissez parfaitement la situation. Une dépêche livrant une fausse information a été publiée à minuit. Une heure plus tard, je l'ai démentie. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)
Vous savez pertinemment que cette note n'existe pas ou, en tout cas, qu'elle n'a jamais été reçue par le Gouvernement. Plus important, le Gouvernement n'étudie aucune hausse importante des tarifs de l'électricité. Pas d'amalgame, je vous prie ! Ne faites pas semblant de vous fonder sur de fausses informations démenties depuis la première minute. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)
Pour le reste, le Gouvernement a deux décisions à prendre : tout d'abord la fixation du prix de l'ARENH, c'est-à-dire le tarif de gros de l'électricité. Il le fera tranquillement en avril, en tenant compte de ce que vous avez voté.
Ce que l'Assemblée nationale a voté : c'est-à-dire la mise en cohérence avec le tarif transitoire.
Deuxièmement, il y aura un tarif de détail. C'est très simple. Le Gouvernement s'attachera à la protection du pouvoir d'achat des Français. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)Nous n'avons que deux préoccupations ; la compétitivité de notre industrie et le pouvoir d'achat des Français. (Mêmes mouvements.)
C'est sur cette base, qu'à l'été – pas avant –, il y aura une légère augmentation des tarifs de l'électricité (« Voilà ! » sur les bancs des groupes SRC et GDR.) J'ai bien dit une « légère » augmentation. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Rien à voir avec ce que vous évoquiez ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP. – Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)
La parole est à Mme Edwige Antier, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.
Monsieur le président, ma question s'adresse à M. le ministre du travail, de l'emploi et de la santé.
Après le terrible drame qui s'est produit au Japon, des masses d'air dites « faiblement contaminées » se déplacent depuis la centrale de Fukushima. Aujourd'hui, les journaux bruissent d'articles sur ces masses d'air qui planent au-dessus de nos têtes.
En vertu de la politique de transparence à laquelle vous êtes attaché, monsieur le ministre, tous les médecins ont reçu, dès lundi, des informations émanant de la direction générale de la santé pour leur permettre de répondre aux interrogations de leurs patients et de leurs familles. Elles donnent des assurances générales : ces concentrations seraient sans conséquences sanitaires ou environnementales.
Toutefois, des précisions doivent être apportées à nos concitoyens quant à l'impact de ces masses d'air sur leur santé et sur les mesures mises en place pour en surveiller l'évolution.
Il est indispensable d'entendre le ministre de la santé s'engager personnellement sur l'innocuité et la transparence et apporter la garantie que, si la situation changeait, l'on privilégierait l'information, pour la protection de tous.
Je vous remercie, monsieur le ministre, de nous indiquer de quelle manière vous comptez vous engager à informer nos concitoyens qui ont besoin que vous leur donniez des assurances pour aujourd'hui et pour demain. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe UMP.)
La parole est à M. Xavier Bertrand, ministre du travail, de l'emploi et de la santé.
Docteur Edwige Antier, (Protestations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)…
après l'émotion suscitée par le drame du Japon, des questions se posent indéniablement. Avec Nora Berra, nous avons voulu que la direction générale de la santé donne un maximum d'informations à celles et ceux qui sont en première ligne pour répondre aux interrogations de nos concitoyens, notamment les professionnels de santé.
Cette masse d'air a traversé les États-Unis et son niveau de concentration était trop faible pour qu'un quelconque risque soit décelé par les balises présentes sur l'ensemble du territoire américain. Il n'y a que les appareils les plus perfectionnés des centrales nucléaires qui pourraient procéder à de telles mesures, ce qui n'a pas été le cas outre-atlantique.
Vous réclamez de la transparence. Sachez que les mesures effectuées par les cent soixante-dix balises du réseau Teleray sont disponibles en temps réel sur le site internet de l'Autorité de sûreté nucléaire, en totale transparence donc.
Je tiens également à souligner qu'il est inutile de chercher à se procurer des comprimés d'iode, qui ne présentent aucune efficacité dans une situation comme celle-ci.
S'agissant de l'alimentation, la Direction générale de l'alimentation, les services des douanes, du ministère de l'environnement, du ministère de l'agriculture et de l'alimentation et du ministère de l'économie et de la consommation sont mobilisés. Nous avons demandé que des contrôles soient effectués sur les produits frais provenant du Japon et il a été également demandé qu'au niveau européen, il soit procédé à des contrôles sur les produits au départ du Japon.
Sur tous ces sujets, la sécurité des Français est essentielle et la transparence s'impose. Si nous avions besoin d'aller plus loin en la matière, nous le ferions sans hésiter une seule seconde. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)
Monsieur le ministre, permettez-moi de vous rappeler que, dans cet hémicycle, Mme Antier est comme nous tous député de la nation et seulement député de la nation. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
La parole est à M. Marc Dolez, pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine.
Monsieur le Premier ministre, le pacte pour l'euro que le sommet européen de demain s'apprête à adopter ressemble à s'y méprendre au mémorandum imposé l'an dernier à la Grèce par l'Union européenne et le FMI.
Au nom de la compétitivité, c'est une offensive anti-sociale d'une rare violence qui se prépare et que les syndicats européens, dans leur diversité, qualifient de véritable déclaration de guerre aux peuples d'Europe : baisse des salaires et des pensions dans le privé comme dans le public ; déréglementation du marché du travail et diminution des droits sociaux ; nouveau recul de l'âge de la retraite, à soixante-sept ans ou plus ; coupes sombres dans les dépenses publiques ; …
…hausse de la TVA pour réduire encore les cotisations sociales des entreprises.
Bref, il s'agit d'un plan de super-austérité budgétaire et salariale pour donner de nouveaux gages au capital et aux marchés financiers.
Cette régression sociale généralisée s'accompagne d'une insidieuse reconfiguration de la construction européenne puisque, outre la mise sous tutelle des budgets nationaux, le pacte intervient dans les compétences relevant de la négociation collective et remet en cause l'autonomie des partenaires sociaux.
Alors qu'il y aurait urgence à changer radicalement de cap, cette nouvelle fuite en avant libérale, sans contrôle démocratique, ne peut que conduire au désastre.
Monsieur le Premier ministre, le Gouvernement de la France entend-il rebrousser chemin ? Il en est encore temps. (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR.)
La parole est à Mme Christine Lagarde, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
Monsieur le député, je vous invite vivement à lire avec attention le document qui sera soumis au Conseil européen de demain. Intitulé Le pacte pour l'euro, il a été négocié entre les pays membres de la zone euro qui y ont travaillé ensemble pour le soumettre à l'adhésion des autres pays européens, non membres de la zone euro.
Si je vous incite à le lire, c'est qu'il ne ressemble en rien à ce que vous venez d'indiquer.
Quels sont ses objectifs ? Il vise à favoriser, premièrement, l'emploi,…
…deuxièmement, la compétitivité, troisièmement, la soutenabilité des finances publiques et, quatrièmement, la stabilité financière.
Par ailleurs, il ne s'agit pas d'un document qui nous serait imposé d'en haut. Il donnera lieu à d'autres textes qui seront discutés, négociés puis votés par le Parlement européen.
J'appelle par ailleurs votre attention sur le fait que pour sa mise en oeuvre le pacte prévoit deux choses.
Premièrement, un dialogue sera engagé avec toutes les organisations syndicales dans le cadre national, selon les traditions de chacun des États membres.
Deuxièmement, c'est à travers des mesures nationales que sera appréciée la mise en oeuvre de cet engagement dont l'Europe monétaire ressort plus forte car elle est non seulement économique mais aussi fiscale. Le Président de la République a en effet demandé, dans le cadre de la réunion du 11 mars, que soit évoquée la coordination fiscale, pour éviter les arbitrages et les impasses et pour faire en sorte que l'assiette qui sert au calcul de l'impôt sur les sociétés, notamment, fasse l'objet d'une coordination.
Il existe enfin un dernier volet, un volet financier, qui, je le précise, sort renforcé, notamment sur le plan des volumes avec 440 milliards d'euros de facilités de prêt mis à la disposition des autres États et 500 milliards pour le nouveau mécanisme qui sera mis en place.
Plutôt que de parler de manière irresponsable de l'Europe comme certains le font (Exclamations sur les bancs du groupe GDR.) – je ne vous vise pas, monsieur Dolez –, le Gouvernement, lui, s'engage et l'Europe avance. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe UMP.)
La parole est à M. Guy Malherbe, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.
Monsieur le ministre du travail, de l'emploi et de la santé, le malaise qui règne au sein des officines de pharmacie est aujourd'hui sur la place publique.
Les pharmaciens paient un lourd tribut au redressement des comptes sociaux et à la crise économique. De fait, la COFACE signale une explosion inquiétante des défaillances économiques dans ce secteur.
Ce malaise repose aussi sur des éléments plus subjectifs, mais réels, et très vivement ressentis par la profession : les pharmaciens d'officine ont le sentiment d'être les laissés pour compte de la réforme du système de santé.
Pourtant, ils exercent une profession « socle » au sein du système actuel de santé. En effet, la pharmacie constitue une voie d'entrée sécurisée dans le parcours de soins et de santé publique, et le pharmacien participe très activement à la coordination et à l'éducation thérapeutique de nos concitoyens.
Enfin, la croix verte des pharmacies contribue à maintenir une dynamique économique dans nos villages, nos villes et nos quartiers.
L'année 2011 sera-t-elle une année blanche pour les 23 000 officines, les 57 000 pharmaciens d'officine, leurs 55 000 employés, qui sont très qualifiés, et les quatre millions de patients qui entrent chaque jour dans une pharmacie ? Certes, le contexte économique n'est pas favorable à une refonte profonde du métier, mais pouvons-nous attendre, monsieur le ministre ?
Est-il responsable de retarder davantage la création d'un nouveau modèle économique viable, intégrant les nouvelles missions confiées aux pharmaciens par la loi Hôpital, patients, santé, territoires ? Je ne le pense pas, monsieur le ministre. Le médicament n'est pas un produit comme un autre, et notre pays dispose d'un réseau de dispensation tout à fait performant et bien réparti sur le territoire. Il faut donc le sauvegarder et mieux l'utiliser.
Voilà pourquoi j'ai souhaité vous alerter à propos de la situation économique des pharmacies et des dangers auxquels elle expose la santé de nos concitoyens.
Par quelles mesures le Gouvernement compte-t-il remédier rapidement à cette situation, qui s'aggrave de jour de jour ? (Applaudissements sur quelques bancs du groupe UMP.)
La parole est à M. Xavier Bertrand, ministre du travail, de l'emploi et de la santé.
Monsieur le député, cette question est importante pour tous les patients, sur tout le territoire.
Nous sommes attachés à la fois au maillage territorial des officines et à leur équilibre économique. Il ne s'agit pas d'une activité, d'une profession comme les autres ; elle ne consiste pas à délivrer un produit comme les autres.
En effet, le médicament possède une spécificité : ce n'est pas, à mes yeux, un produit que l'on peut vendre n'importe où, n'importe comment ; il doit être réservé aux officines. Le monopole a donc un sens.
Ainsi que j'ai eu l'occasion de vous le dire, comme à plusieurs parlementaires de la majorité qui m'ont saisi de cette question, il est exact que nous ne pouvons attendre davantage, car les changements de comportement survenus dans ce domaine et les réformes que nous avons entreprises ont eu des conséquences économiques sur les officines.
Je pense sincèrement que nous devons envisager d'autres modes de rémunération, que les pharmaciens demandent. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe UMP.)
D'une part, la rémunération des pharmaciens ne doit pas seulement dépendre des médicaments remboursables et de l'évolution de la consommation de médicaments. D'autre part, il faut identifier les missions de service public qui peuvent justifier des rémunérations complémentaires. (Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
Enfin, nous devons trouver les outils nous permettant de garantir un maillage auquel nous tenons, car nous sommes attachés à la présence de pharmacies sur tout le territoire, en milieu rural comme dans l'ensemble des quartiers.
Plusieurs décrets consécutifs à la loi HPST de Roselyne Bachelot, et que vous attendez, sont déjà signés et seront publiés dans les jours qui viennent. Dans quelques jours également, j'aurai l'occasion d'annoncer à tous les professionnels que le rapport que Nora Berra et moi-même avons demandé à l'IGAS sera publié avant l'été, ce qui nous permettra de vous adresser des propositions.
Vous nous alertez sur ce sujet ; c'est notre rôle de prendre en considération cette inquiétude, non seulement pour les pharmaciens, mais pour tous nos concitoyens. (Applaudissements sur divers bancs du groupe UMP.)
La parole est à M. Paul Giacobbi, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.
Monsieur le Premier ministre, ma liberté de parole m'a souvent amené à dénoncer les lacunes de l'application des lois dans notre île lorsqu'il fallait les déplorer.
Aujourd'hui, cette même liberté me conduit à témoigner que l'action des forces de l'ordre, sous votre autorité et celle, indépendante, de la justice, s'exerce dans notre île avec une rigueur appropriée, juste, en un mot républicaine.
Ce qui s'est passé dimanche soir dans le village de Saint-André-de-Cotone nous rappelle cruellement que l'on ne peut tout prévenir, mais qu'il est essentiel d'employer les moyens nécessaires pour parvenir dans cette affaire, comme dans les autres, à la manifestation de la vérité. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes UMP et NC.)
Les Corses réprouvent la violence autant que les autres Français, et leurs élus savent en débattre avec courage ; ils l'ont encore fait il y a quelques semaines à l'Assemblée de Corse.
Par ailleurs, même s'il se dit que le crime perpétré à l'encontre d'un proche collaborateur, d'un élu fidèle et surtout d'un ami très cher, au soir d'une journée électorale, dans la maison même de la victime, sous les yeux de son épouse, pourrait être un avertissement qui me serait destiné, je ne changerai ni les habitudes d'une vie réglée et limpide ni les orientations de mon action politique, et je continuerai de m'exprimer ici et ailleurs en toute liberté. (Applaudissements sur tous les bancs.)
Il a fallu d'abominables tragédies pour que la République étende enfin ses lois à la Corse avec égalité et fermeté. Il faudra encore du temps, du courage et de la continuité dans l'action pour ramener la Corse au coeur de la République.
Bien des choses avancent en Corse : le rattrapage de notre retard historique en équipements publics grâce à la contribution décisive de l'État, l'émergence d'une économie moderne, parfois à la pointe du progrès, la mise aux normes les plus exigeantes de nos filières de production, l'affirmation concrète de l'autonomie politique que la loi nous a conférée et qui devra encore progresser, la promotion d'une identité linguistique et culturelle dont nous avons lieu d'être fiers.
Ce sont à ces progrès que la violence s'oppose, avec le silence de la peur qui l'entoure et tous les faux-fuyants qui prétendent la justifier. Ce sont ces progrès que notre République rendra possibles, monsieur le Premier ministre, en continuant d'agir avec détermination. (Applaudissements prolongés sur tous les bancs.)
La parole est à M. Claude Guéant, ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration.
C'est dommage que ce soit lui qui réponde, et non le Premier ministre !
Monsieur le député, nous sommes certainement nombreux dans cet hémicycle à avoir été touchés, comme je l'ai été, par la dignité et la gravité de votre réflexion. Au-delà de l'assassinat de Dominique Domarchi, maire de Saint-André-de-Cotone et votre ami, l'événement nous renvoie à la tragique violence qui, malheureusement, endeuille souvent la Corse.
Je veux avant tout exprimer, au nom du Gouvernement, à vous et à la famille de la victime, notre consternation et notre sympathie.
Je tiens également à affirmer que, sous l'autorité de la justice, tous les moyens d'enquête nécessaires, tous ceux qui s'imposent ont été immédiatement déployés. Plus de vingt enquêteurs se consacrent à cette tâche, qu'ils accompliront jusqu'au bout.
Surtout, je vous assure que l'État est aux côtés de la Corse, afin qu'y règnent pleinement les lois de la République, comme vous l'avez dit, et afin que la Corse revienne au coeur de la République. Ni les élus ni le Gouvernement ne se résignent ni ne s'habituent à cette violence qui frappe trop souvent la Corse. Ensemble, ils la combattent et ils continueront de le faire ; ensemble, ils se mobilisent pour équiper la région, pour lui ouvrir la voie d'une économie moderne, créatrice d'emplois qualifiés, pour faire vivre ses institutions originales et sa culture.
Soyez certain, monsieur le député, que le Gouvernement continuera d'oeuvrer en ce sens, aux côtés des élus de Corse et de tous les Corses de bonne volonté. (Vifs applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.- Applaudissements sur quelques bancs du groupe SRC.)
La parole est à M. Daniel Poulou, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.
Madame la ministre chargée de l'apprentissage et de la formation professionnelle, les chiffres sont encourageants au mois de janvier 2011, mais le taux de chômage était encore au quatrième trimestre 2010 de 9,20 % pour l'ensemble de la population active.
Le paradoxe d'une telle situation est qu'il y a d'un côté des demandeurs d'emploi qui ne peuvent en trouver et de l'autre des entrepreneurs qui souhaitent embaucher mais ne trouvent pas de main-d'oeuvre qualifiée. Il était donc indispensable de donner aux demandeurs d'emplois une formation professionnelle correspondant aux filières qui cherchent à recruter.
Désormais, existe un nouveau dispositif voulu par les partenaires sociaux, la « préparation opérationnelle à l'emploi », prévue par la loi du 24 novembre 2009 relative à l'orientation et à la formation professionnelle tout au long de la vie.
Je vous serais reconnaissant, madame la ministre, de bien vouloir informer la représentation nationale des mesures prises par vos services pour rendre effective cette mesure. (Applaudissements sur les bancs du groupes UMP et sur divers bancs du groupe NC.)
La parole est à Mme Nadine Morano, ministre chargée de l'apprentissage et de la formation professionnelle.
Monsieur le député, au moment où vous allez quitter votre siège de député, permettez-moi de commencer par rendre hommage à l'action que vous avez menée depuis 2002 sur les bancs de l'Assemblée nationale. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et sur quelques bancs du groupe NC.)
Vous avez raison de rappeler que l'un des problèmes de notre pays est la mise en adéquation des demandeurs d'emploi et des entreprises : le demandeur d'emploi doit être formé. La préparation opérationnelle à l'emploi répond très concrètement à cet enjeu.
Ce sont les partenaires sociaux qui ont imaginé ce dispositif que vous avez inscrit dans la loi du 24 novembre 2009. Il permet aux organismes paritaires agréés qui collectent auprès des entreprises les fonds de la formation professionnelle de s'engager aux côtés de Pôle emploi et du fonds paritaire de sécurisation des parcours professionnels pour faire reculer le chômage.
Les demandeurs d'emploi se verront proposer 400 heures de formation, pour répondre à la demande d'une entreprise, qui pourra ainsi recruter. À l'issue de cette formation, le demandeur d'emploi sera embauché en contrat à durée déterminée, pour une durée d'au moins un an, ou en contrat à durée indéterminée. Pour la première fois, nous créons de l'emploi durable grâce à la formation.
Xavier Bertrand et moi-même voulons bien sûr tout faire pour lutter contre le chômage. Pour cela, il faut apporter des réponses concrètes : la préparation opérationnelle à l'emploi en est une. Les organismes paritaires collecteurs agréés se sont engagés pour des milliers de formation ; AGEFOS-PME a déjà prévu de mettre en oeuvre 5 000 préparations opérationnelles à l'emploi. C'est un résultat concret ! (Applaudissements sur divers bancs du groupe UMP.)
La parole est à M. Philippe Plisson, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.
Monsieur le Premier ministre, réélu conseiller général dimanche dernier au premier tour dans mon canton rural (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe SRC. – Rires et exclamations sur les bancs du groupe UMP), j'ai pu y mesurer la percée spectaculaire du Front national : il talonne la candidate masquée de l'UMP, avec 20 % des voix, alors qu'il présentait un candidat inconnu dans un territoire sans immigrés ni problèmes particuliers d'insécurité.
Si ce parti nauséabond a aujourd'hui de nouveau pignon sur rue, cela relève de la responsabilité du Président de la République. (Protestations sur les bancs du groupe UMP.) Votre politique a en effet creusé les inégalités et augmenté la précarité qui est son terreau. (Vives exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
Avec le débat sur l'identité nationale, avec le discours de Grenoble et ses remugles xénophobes, l'UMP a donné au Front national l'occasion de légitimer ses thèses racistes. (Vives protestations sur les bancs du groupe UMP. - Applaudissements sur divers bancs du groupe SRC.)
En tentant cyniquement de récupérer les électeurs du Front national, le Président de la République lui a offert les siens. Dans toute la France, les candidats frontistes sont à la hauteur de l'UMP et, souvent, en ballottage face aux socialistes.
Dans une situation analogue en 2002, au second tour de l'élection présidentielle, le Parti socialiste a appelé sans ambiguïté à voter pour le candidat Chirac. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
Aujourd'hui, le secrétaire général de l'UMP, Jean-François Copé, et le Président de la République, Nicolas Sarkozy, se refusent à choisir, alors que tous les partis de gauche appellent à faire barrage au Front national. (Vives exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
Vous-même, monsieur le Premier ministre, avez déclaré hier qu'il fallait voter contre le Front national. Dans ce contexte délétère, nous vous appelons à une clarification.
Cautionnez-vous la position du secrétaire général de l'UMP et du président Sarkozy, et leur trouble ambiguïté qui semble préfigurer des perspectives d'alliances honteuses, ou bien faites-vous le choix de la démocratie et de l'honneur, celui de l'union sacrée de tous les démocrates pour faire battre les candidats du FN ? (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe SRC et sur quelques bancs du groupe GDR.)
Dans l'histoire de notre pays, les partis extrémistes n'ont jamais été porteurs que de grandes désillusions et de graves souffrances pour les Français. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC, et sur plusieurs bancs du groupe SRC.)
J'ai toujours combattu le Front national, et ce n'est pas aujourd'hui que je vais changer d'avis. Néanmoins je tiens à vous dire que s'il y a une formation politique qui n'est pas qualifiée pour nous interroger sur notre attitude à l'égard de l'extrême-droite, c'est vraiment le Parti socialiste. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC. – Vives protestations sur les bancs du groupe SRC.)
Depuis le début des années 80, quand le Front national s'est installé dans le paysage politique de notre pays, alors que vous dirigiez la France, nous n'avons jamais varié. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Nous, nous ne lui avons jamais fait la courte échelle. (Approbations sur les bancs du groupe UMP. – Protestations sur les bancs du groupe SRC.)
Nous, nous n'avons jamais fait entrer à l'Assemblée nationale trente-cinq députés du Front national en changeant le mode de scrutin. (Vifs applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC. – Vives protestations sur les bancs du groupe SRC.)
Nous, nous avons préféré en 1998 perdre des régions plutôt que de devenir les otages du Front national. (Rires et exclamations sur les bancs du groupe SRC. – Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe UMP et sur quelques bancs du groupe NC.)
Cette année-là, deux hommes, à la tête du RPR, ont préféré leurs valeurs à une victoire électorale. Ils s'appelaient Philippe Séguin et Nicolas Sarkozy. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe UMP.)
Un député du groupe SRC. Millon !
Aujourd'hui, vous vous érigez en professeurs de vertu, en oubliant vos propres faiblesses.
Mesdames et messieurs les députés du Parti socialiste, les torrents d'insulte que vous déversez chaque jour sur le Président de la République et sur la majorité contribuent à créer dans notre pays un climat qui laisse croire que tout est possible dans notre République, y compris les votes les plus extrêmes. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Pourquoi n'êtes-vous pas aussi prompts à combattre le programme insensé de l'extrême-gauche qu'à questionner l'UMP et le centre sur nos relations avec l'extrême-droite ? (Vifs applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)
Mesdames et messieurs les députés, à l'occasion de ces élections cantonales, encore une fois, nous agirons selon notre conscience et conformément à nos valeurs. Toutefois n'oubliez pas, vous aussi, que la République est un bien précieux et qu'il convient de ne pas l'abîmer. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP, dont plusieurs députés se lèvent, et NC. – Vives exclamations sur les bancs du groupe SRC.)
La parole est à M. Pierre Morel-A-L'Huissier, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.
Monsieur le président, en tant que député UMP, je tiens d'abord àsaluer l'intervention de M. le Premier ministre.
Ma question, à laquelle j'associe mon collègue Jean-Marc Roubaud, député du Gard, s'adresse à Mme la ministre de l'écologie, du développement durable des transports et du logement. Elle porte sur les permis d'exploration des sous-sols en vue de l'exploitation du gaz et de l'huile de schiste.
Voilà quelques jours, M. Fillon a demandé aux ministres concernés de veiller à ce qu'il ne soit procédé à aucune opération de forage de gaz et d'huiles de schiste à l'aide de méthodes non conventionnelles jusqu'à la remise de rapports au début du mois de juin. Je tiens à remercier publiquement le Premier ministre de cette décision et vous-même, madame la ministre, d'avoir commandé des études en parallèle de la mission confiée par la commission du développement durable et de l'aménagement du territoire à nos collègues François Michel Gonnot et Philippe Martin.
Il y a un mois, avec Pascal Terrasse, député de I'Ardèche, j'ai pris l'initiative de créer un comité parlementaire de surveillance et de précaution sur le gaz de schiste. Nous avons déposé une motion à l'adresse des parlementaires, qui a recueilli le soutien d'une centaine d'entre eux, de tous bords politiques. Nous souhaitons une totale transparence de la part du Gouvernement tant sur le potentiel énergétique lié aux gaz non conventionnels que sur les techniques d'extraction qui, pour certaines, paraissent, au regard des expériences étrangères, avoir un impact très lourd sur l'environnement et sur les territoires.
Depuis l'adoption de la Charte de l'environnement en 2005, le principe de précaution a valeur constitutionnelle. Le Premier ministre, dans son instruction administrative, a clairement rappelé ce principe. Il a également indiqué que, dans ce type de dossier, il convient que les mesures d'information et de consultation du public prévues par la Charte soient scrupuleusement respectées.
Madame la ministre, l'émotion sur les territoires est immense et la mobilisation est à la hauteur des craintes suscitées par les permis d'exploration. J'en veux pour preuve les mobilisations, notamment dans les départements de l'Ardèche, du Gard et de la Lozère, mon département.
Je souhaite donc que vous nous indiquiez les éléments d'information dont vous disposez et les orientations que vous allez donner à ce délicat dossier. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe UMP.)
La parole est à Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, ministre de l'écologie, du développement durable, des transports et du logement.
Monsieur le député, nous connaissons tous ici votre implication dans les problèmes liés aux projets d'exploitation de gaz de schiste qui suscitent des interrogations et des inquiétudes très légitimes dans votre département et dans les départements voisins. Nombreux sont les parlementaires, sur tous les bancs de cet hémicycle, à s'être mobilisés dans le comité de vigilance dont vous avez pris l'initiative et qui suit avec la plus grande attention ces sujets.
Il est vrai que les conditions d'exploitation de gaz de schiste en Amérique du Nord ont de quoi inquiéter. Les dommages à l'environnement, aux paysages bien sûr, mais aussi les risques pour les nappes phréatiques, ne peuvent laisser indifférent. C'est la raison pour laquelle, avec Éric Besson, nous avons confié une mission au conseil général de l'industrie, de l'énergie et des technologies, d'une part, et à celui de l'environnement et du développement durable, d'autre part, pour éclairer tous les enjeux du gaz de schiste, enjeux économiques et énergétiques, bien sûr, mais aussi sociaux et environnementaux. Un rapport d'étape doit être remis le 15 avril, le rapport final devant être déposé le 31 mai. Naturellement, ces rapports seront rendus publics et des conclusions en seront tirées.
Parallèlement, une mission sera conduite, au nom de la commission du développement durable et de l'aménagement du territoire, par les députés François-Michel Gonnot et Philippe Martin, qui rendront leur rapport d'information au mois de juin.
Dans l'attente, le Premier ministre l'a confirmé et je le redis ici solennellement, aucune opération de forage non conventionnelle, c'est-à-dire de fracturation hydraulique, ne sera engagée avant que ces rapports soient rendus, que les conclusions en soient tirées et que toutes mesures d'information et de consultation du public, telles que prévues dans la Charte de l'environnement, soient respectées.
Le Gouvernement doit déposer, avant le 20 avril, devant le Parlement un projet de loi de ratification de l'ordonnance portant partie législative du code minier. Le texte, transmis au Conseil d'État, prévoit une procédure de consultation du public sur les demandes de permis de recherche. En effet, le code minier, qui est ancien, ne prévoit que des procédures minimales, ce qui est très insuffisant. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe UMP.)
La parole est à M. Christian Paul, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.
Monsieur le Premier ministre, plusieurs déclarations incroyablement choquantes du nouveau ministre de l'intérieur me conduisent à vous demander personnellement si vous les approuvez. (Murmures sur les bancs du groupe UMP.)
Pour l'action extérieure de la France, M. Guéant prêche la croisade. (M. le ministre de l'intérieur fait des signes de dénégation.) Tel est le mot qu'il a choisi d'employer publiquement. À un moment où notre pays participe à des opérations militaires aux côtés du peuple libyen, où l'engagement des pays arabes et leur soutien nous sont absolument nécessaires, une telle déclaration affaiblit notre pays.
J'ajoute, monsieur le ministre de l'intérieur, que votre attitude dans cet hémicycle vous affaiblit aussi. (Murmures sur les bancs du groupe UMP.)
Pour l'intérieur, M. Guéant parle d'immigration incontrôlée. C'est pour le moins un singulier aveu d'impuissance et d'échec pour quelqu'un qui a participé, avec le président Sarkozy, à toutes les décisions dans ce domaine depuis dix ans. L'immigration est une affaire trop sérieuse pour qu'on l'évoque ainsi, avec pour seul résultat d'allumer les peurs, d'encourager la xénophobie et de faire la courte échelle au Front national. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
La manoeuvre est très claire : par temps d'élection, il faudrait radicaliser la parole publique à n'importe quel prix, même au prix des principes républicains.
Est-ce, sur le fond et sur la forme, la ligne de conduite de votre gouvernement, monsieur le Premier ministre ? Envisagez-vous encore, après ces propos et dans les circonstances internationales actuelles, de confier au ministre de l'intérieur la conduite d'un débat sur l'islam ?
Entendez-vous, enfin, ce que les Français vous ont dit dimanche : cessez au plus vite ces cyniques manoeuvres de diversion qui vous détournent de traiter sérieusement les vrais problèmes de la France ! (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe SRC et sur quelques bancs du groupe GDR.)
La parole est à M. Claude Guéant, ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration. (« Le croisé ! » sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
Monsieur le député, je m'étonne que, alors que la France a tant de problèmes à affronter, vous entreteniez de telles polémiques. (Approbations sur les bancs du groupe UMP. – Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Puisque vous m'y attirez, je vais cependant vous répondre sur ce terrain.
J'ai entendu votre première secrétaire déclarer que l'emploi du mot « croisade » était le fait de ma jeunesse politique. Je vous le dis, j'espère garder longtemps cette jeunesse politique si l'expérience conduit à utiliser les procédés dont vous venez d'user. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe UMP et sur quelques bancs du groupe NC. – Protestations sur les bancs du groupe SRC.)
En effet on me fait dire ce que je n'ai pas dit.
J'ai dit : « Heureusement, le Président de la République a pris la tête de la croisade pour mobiliser le conseil de sécurité ». Or vous traduisez, monsieur Paul, que je prêche la croisade en Libye, voire, selon les déclarations de votre première secrétaire, la croisade de l'Occident contre l'Orient. C'est une manipulation !
On fait également dire aux mots ce qu'ils ne signifient pas. Depuis le XIIe siècle, en effet, la langue française a évolué. Je vous invite donc à lire la définition du mot « croisade » dans le dictionnaire. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Pour Le petit Larousse, c'est une « campagne menée pour créer un mouvement d'opinion », et Le petit Robert complète : « Tentative pour créer un mouvement d'opinion dans une lutte ». C'est exactement ce qu'a fait la France. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)
Les Français ont tout lieu d'être fiers de ce que leur pays, fidèle à ses valeurs, a empêché un massacre en Libye.
Quant aux relations de la majorité avec le Front national, personne dans ses rangs ne s'est jamais félicité de ce que ce parti soit une « chance historique » pour elle. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et sur de nombreux bancs du groupe NC.)
La parole est à M. Gérard Gaudron, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.
Mes chers collègues, la séance des questions au Gouvernement n'est pas terminée. Si vous voulez cependant quitter l'hémicycle, faites-le discrètement !
Madame la secrétaire d'État auprès de la ministre des solidarités et de la cohésion sociale, ce lundi 21 mars a eu lieu la journée mondiale de la trisomie 21. Aujourd'hui 50 à 60 000 personnes sont concernées en France par cette anomalie chromosomique qui génère un handicap mental.
La récente discussion du projet de loi relatif à la bioéthique dans notre assemblée a été l'occasion de parler du dépistage de la trisomie 21 et, plus généralement, de la vie quotidienne des personnes trisomiques et de leurs familles.
Pour peu qu'un accompagnement approprié soit au rendez-vous, les capacités de réussite et d'intégration des personnes touchées par la trisomie 21 sont réelles. Ainsi, de beaux exemples de réussite de vie professionnelle, y compris dans le milieu ordinaire existent. Tel est le cas notamment d'Eléonore, jeune femme trisomique, employée dans un établissement de santé, porte-parole du collectif « Les amis d'Eléonore », qui regroupe des personnes touchées par la trisomie 21 et leurs familles. Elle confirme elle-même l'importance dans sa vie de son travail, de son accès à l'autonomie, de son emménagement dans son propre appartement, autant de composantes de la construction d'un vrai projet de vie, qui passe par des simples actes : gagner sa vie, payer son loyer et ses factures comme tout le monde.
Madame la secrétaire d'État, la question de l'emploi des personnes atteintes de trisomie 21 est au coeur de l'inclusion sociale des personnes handicapées que vous appelez de vos voeux, qu'elle s'opère dans le milieu ordinaire ou dans celui du travail adapté.
Quelles perspectives le Gouvernement entend-il donner à ces personnes et, plus généralement, aux personnes handicapées mentales dans notre pays, et avec quels moyens ? (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)
La parole est à Mme Marie-Anne Montchamp, secrétaire d'État auprès de la ministre des solidarités et de la cohésion sociale.
Monsieur le député, je vous remercie d'avoir évoqué, grâce à cette journée mondiale de la trisomie 21, la situation de nos compatriotes trisomiques.
Un enfant sur 700 naît porteur d'une trisomie 21, soit 1 000 naissances par an environ. La trisomie 21 concerne les filles autant que les garçons. Elle se traduit par des déficiences variables d'une personne à l'autre, mais qui, en moyenne, correspondent à une déficience intellectuelle intermédiaire.
Depuis des années, toutes ces personnes ont apporté la preuve de leur capacité à faire du lien social, grâce à elles-mêmes, grâce à Eléonore dont vous venez de parler, mais aussi grâce à Pascal Duquenne qui a été primé au festival de Cannes aux côtés de Daniel Auteuil, ou encore grâce aux associations et aux familles qui ont accompagné le parcours de ces personnes, enfin grâce au législateur qui, avec la loi du 11 février 2005, leur a donné accès à l'école, à l'emploi, à la cité en général. Nos compatriotes ont su aller vers ces personnes, comprendre leur handicap et en faire des personnes familières dans notre vie de tous les jours.
Vous me posez la question de l'emploi protégé, en milieu ordinaire.
Il faut poursuivre dans cette voie. C'est ce que réaffirmera le Président de la République, à n'en pas douter, lors de la conférence nationale du handicap.
Dans le cadre du chantier dépendance, Roselyne Bachelot et moi-même ne manquerons pas d'aborder la question du vieillissement des personnes porteuses d'une trisomie 21, car la médecine leur permet désormais de vieillir, et il faut pouvoir les accompagner.
Je pense que notre société doit pouvoir faire plus encore, notamment en matière d'accessibilité, mais l'accessibilité, ce n'est pas simplement le fauteuil roulant, même si cela est très important ; c'est aussi le langage adapté, la compréhension d'un milieu parfois hostile. Dans ce cadre, nous allons, grâce à vous, avancer encore et préparer cette conférence nationale du handicap. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe UMP et sur quelques bancs des groupes SRC, GDR et NC.)
La parole est à M. Yves Durand, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.
Ma question s'adresse à M. le ministre de l'éducation nationale qui, semble-t-il, n'est pas là.
Allez-vous encore longtemps prétendre avoir raison contre tout le monde ? Depuis des mois, vous assenez toujours la même aberration : on peut faire mieux pour l'éducation en supprimant 16 000 postes, alors qu'on attend plus de 50 000 élèves supplémentaires.
La récente enquête PISA vous alerte sur les conséquences désastreuses de votre politique en matière de réduction d'effectifs d'enseignants. Vous n'en tenez aucun compte. L'OCDE met en avant que la France a le taux d'encadrement le plus faible d'Europe. Cela vous laisse totalement indifférent. Votre propre administration fait un rapport sur les grandes difficultés de la mise en place de la réforme des lycées, faute de moyens. Peine perdue, alors que vous vous étiez engagé à n'effectuer aucune suppression de postes dans les lycées. La semaine dernière, un grand journal du soir titrait ainsi : « Lycées sans options et fermeture de classes : le budget 2011 affaiblit l'école ». Vous y voyez sans doute une preuve supplémentaire de la malveillance de la presse à votre égard.
Quant aux enseignants et aux parents d'élèves, ils sont unanimes pour parler du gâchis dans l'éducation nationale. Le syndicat des chefs d'établissement vous a même crédité d'un 7 sur 20 pour la gestion de votre ministère, ce qui vous interdit toute session de rattrapage. (Murmures sur les bancs du groupe UMP.)
Si les seuls moyens ne sont pas suffisants pour effectuer les réformes dont l'école a besoin, ils sont nécessaires pour rétablir des conditions de travail décentes. Alors que votre Gouvernement s'apprête à supprimer l'impôt de solidarité sur la fortune pour un coût de 4 milliards d'euros, êtes-vous prêt, comme nous vous le demandons depuis des semaines, à investir les 250 millions d'euros nécessaires au maintien des postes dans l'éducation nationale pour que l'école retrouve enfin sa place dans la République ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC et sur divers bancs du groupe GDR.)
La parole est à Mme Jeannette Bougrab, secrétaire d'État chargée de la jeunesse et de la vie associative.
Monsieur le député, je vous prie tout d'abord de bien vouloir excuser l'absence de M. Luc Chatel.
L'éducation nationale est une priorité pour ce Gouvernement (Rires et exclamations sur les bancs du groupe SRC) avec pour objectif d'assurer la réussite de chaque élève.
Je rappelle que le budget de l'éducation nationale s'élève à plus de 60 milliards d'euros, soit un quart du budget de l'État et que, malgré un contexte budgétaire difficile, il a augmenté de 1,6 % cette année.
Depuis 1990, l'éducation nationale compte 35 000 professeurs supplémentaires, alors que le nombre d'élèves a baissé de 540 000. Des choix ont été faits par ce Gouvernement.
Le choix de ne pas remplacer certains postes a été opéré avec un grand discernement (Rires et vives exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR), …
… dans le cadre d'une discussion et, pour la première fois dans l'éducation nationale, entre l'administration centrale et les académies. Ce travail a pu déterminer de manière précise les moyens pour la prochaine rentrée scolaire.
Nous avons tenu compte de la situation de départ de chaque académie…
…et de la situation démographique de chaque académie. (Protestations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
L'académie de Lille, qui est la vôtre, participera bien évidemment à cet effort. Vous avez parlé du taux d'encadrement. Il y est supérieur à la moyenne nationale.
Je vous confirme également que les moyens alloués à l'éducation prioritaire qui vous est chère, s'élèvent à plus d'un milliard d'euros dans le budget qui a été voté par votre assemblée pour 2011.
Vous le voyez, monsieur le député, le Gouvernement maintient son effort en faveur de l'éducation nationale afin d'assurer la réussite scolaire de chaque élève, quelles que soient ses origines sociales. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe UMP.)
Suppression de postes dans l'éducation nationale
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à seize heures, est reprise à seize heures vingt, sous la présidence de Mme Catherine Vautrin.)
L'ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi, adoptée par le Sénat, visant à actualiser l'ordonnance n° 2005-10 du 4 janvier 2005 portant statut général des fonctionnaires des communes et des groupements de communes de la Polynésie française ainsi que de leurs établissements publics administratifs (nos 3118, 3247).
La parole est à Mme Marie-Luce Penchard, ministre chargée de l'outre-mer.
Madame la présidente, mesdames et messieurs les députés, permettez-moi tout d'abord de remercier le député Bruno Sandras qui a déposé cette proposition de loi sur le bureau de l'Assemblée, pour son engagement dans le processus long mais indispensable de modernisation du statut de la fonction publique communale polynésienne.
Son texte est d'une grande qualité sur la forme et d'une véritable utilité sur le fond parce qu'il fixe un double objectif que partage le Gouvernement : d'une part, en proposant une solution juridiquement acceptable pour les agents recrutés depuis 2005 en contrat à durée déterminée et qui se trouvent aujourd'hui dans une situation instable du fait d'une rédaction incomplète de l'ordonnance du 4 janvier 2005, ce texte satisfait un objectif social ; d'autre part, en modernisant la rédaction de cette ordonnance pour doter la Polynésie française d'un véritable statut de la fonction publique communale, ce texte répond aussi à un objectif juridique « d'amélioration de la qualité de la norme » auquel je vous sais sensibles.
Tenant compte des apports rédactionnels de votre commission des lois, le Gouvernement vous propose de voter ce texte. Il s'inscrit dans un contexte sur lequel je souhaite retenir quelques instants votre attention.
Depuis la loi statutaire de 2004, l'État a lancé un processus de modernisation du régime communal en Polynésie française, dont la présente proposition de loi constitue une nouvelle étape.
Dans un premier temps, le code général des collectivités territoriales a été étendu aux communes de Polynésie, les dotant d'outils juridiques adaptés pour exercer leurs nouvelles compétences.
Dans un second temps, la réforme de la fonction publique communale a été préparée : d'abord, une ordonnance a été promulguée, le 4 janvier 2005 – elle dote d'un statut général de fonctionnaires les 4 727 agents des 48 communes et des groupements de communes de la Polynésie française ainsi que de leurs établissements publics administratifs – ; ensuite, les textes d'application de cette ordonnance seront publiés dans les prochaines semaines.
Je tiens à souligner que l'ensemble de ces textes ont donné lieu à une importante concertation entre le haut-commissaire de la République, les maires représentés par le syndicat pour la promotion des communes et les organisations syndicales, ce qui garantit une véritable adhésion à l'ensemble du dispositif mis en place par l'État.
Un certain temps a néanmoins été nécessaire à leur élaboration en raison des nombreux changements de gouvernements survenus pendant cette période, qui ont freiné les négociations locales.
Force est de constater que l'ordonnance qui crée le statut des fonctionnaires des communes de Polynésie doit être aujourd'hui actualisée. La proposition de loi affiche d'ailleurs clairement cet objectif d'actualisation : elle vise en effet à mettre en conformité le statut des agents de la fonction publique communale polynésienne avec l'état du droit dans les autres fonctions publiques.
En mettant en oeuvre cette réforme, ces collectivités seront amenées à repenser l'organisation de leurs services et pourront améliorer la qualité des services publics de proximité. Les maires se donneront ainsi les moyens d'une gestion rationnelle et efficace des personnels ; quant au recrutement des agents sur concours ou diplôme, les formations obligatoires ou la mobilité, pour ne citer que ces exemples, participeront à l'amélioration des compétences professionnelles au sein des communes.
En outre, l'impact de cette réforme ne sera pas négligeable dans deux autres domaines. Dans le contexte économique difficile que connaît aujourd'hui la Polynésie française, la mise en place effective de la fonction publique communale devrait générer des économies d'échelle : tout d'abord, la gestion collective des agents opérée par le futur centre de gestion et de formation va permettre de rationaliser les charges actuellement supportées par les communes ; ensuite, la réforme poursuit des objectifs à long terme de professionnalisation des agents communaux et d'amélioration de la gestion des ressources humaines, ce qui représentera des gains d'efficacité certains pour chaque commune ; enfin, la création de la fonction publique communale s'accompagnera d'une profonde réorganisation des services des collectivités, dont l'impact ne pourra se révéler que positif sur les finances de ces communes.
Ainsi, les réorganisations d'ores et déjà lancées en prévision de la création de la fonction publique communale ont provoqué une baisse d'environ 3 % des effectifs entre le 1er août 2009 et le 1er février 2010, ce qui représente plus de 4 millions d'euros d'économies.
L'autre effet non négligeable de cette réforme est d'ordre social. Ce statut constitue en effet une avancée incontestable sur ce plan : il garantit aux fonctionnaires des droits, comme la permanence de leur emploi, l'égalité de traitement ou le principe de carrière ; par ailleurs, les agents qui occupent un emploi permanent sont réputés « titulaires d'un contrat à durée indéterminée de droit public » s'ils remplissent un certain nombre de conditions, notamment de durée de service, « à la date de publication de l'ordonnance ».
Certains agents échappent cependant à ce dispositif, principalement ceux qui ont été recrutés sur un contrat à durée déterminée depuis la publication de l'ordonnance du 4 janvier 2005. L'ordonnance prévoit, en effet, pour ces contrats, une durée maximale de deux ans, renouvelable une fois. En d'autres termes, certains de ces agents sont aujourd'hui en fin de contrat et, faute de dispositif réglementaire organisant leur éventuelle intégration dans la fonction publique communale polynésienne, se retrouvent sans perspective réelle.
Cette situation risque de priver les communes de la compétence acquise par ces agents depuis 2005 et constitue une rupture d'égalité de traitement avec les agents recrutés avant 2005, qui sont présumés bénéficier d'un contrat à durée indéterminée.
Je tiens, à cet égard, à souligner la qualité du travail réalisé par votre commission des lois. Les améliorations du texte qu'elle a proposées s'inscrivent dans un esprit de justice et d'apaisement social et recueillent un avis favorable du Gouvernement.
Parmi ces aménagements, je retiens plus particulièrement deux propositions, à savoir la possibilité pour les présidents d'EPCI de recruter des collaborateurs de cabinet, au même titre que les maires, et l'alignement des fonctionnaires titulaires et non-titulaires pour la durée de prolongation d'activité.
Je conclurai mon propos en insistant sur l'engagement fort du Gouvernement qui consiste, depuis la loi organique du 21 février 2004, à donner les moyens juridiques aux communes de Polynésie d'exercer les compétences qu'elle leur confère.
En participant à cet effort de modernisation, cette proposition de loi ne peut que recueillir un avis favorable du Gouvernement. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)
La parole est à M. Didier Quentin, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République.
Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, issue d'un texte déposé sur le bureau du Sénat par M. Richard Tuheiava, sénateur de la Polynésie française, la proposition de loi dont nous sommes saisis a été adoptée à l'unanimité par le Sénat le 27 janvier dernier.
Cette initiative avait, par ailleurs, été relayée à l'Assemblée par une proposition de loi contenant le même dispositif, déposée par notre collègue Bruno Sandras, député de la Polynésie française.
M. Sandras qui est présent, bien sûr.
Malgré leur formation récente, puisqu'à l'exception de quatre d'entre elles, elles ont été instituées par la loi du 24 décembre 1974, les communes de Polynésie sont aujourd'hui pleinement des collectivités territoriales de la République, qui s'administrent librement dans les conditions prévues par la Constitution selon les termes de la loi organique du 27 février 2004 portant statut d'autonomie de la Polynésie française.
Le Conseil constitutionnel a eu l'occasion de réaffirmer ce principe dans le cadre de l'examen d'une question prioritaire de constitutionnalité le 17 mars dernier. Il a jugé que la possibilité laissée au haut-commissaire de la République de déclarer nuls de plein droit les actes des communes de Polynésie, tels que les arrêtés du maire, était contraire au principe de libre administration.
Cependant, les communes de Polynésie française restent aujourd'hui dépourvues de toute fonction publique dédiée et fortement dépendantes sur le plan financier. Aussi ce principe peine-t-il parfois à s'appliquer dans les faits.
Parce que le plein exercice de leurs compétences ne saurait se concevoir sans une fonction publique dédiée et adaptée aux réalités insulaires dans le respect du droit général de la fonction publique, le législateur organique a posé, en 1994 puis en 2004, le principe de la création d'un véritable statut pour les agents des communes polynésiennes,
Dans cette perspective, l'ordonnance du 4 janvier 2005 portant statut général des fonctionnaires des communes et des groupements de communes de la Polynésie française a constitué une première étape. Mais, faute de publication des actes réglementaires nécessaires à son application, elle est aujourd'hui restée lettre morte. Or, dans le même temps, le droit commun de la fonction publique a été profondément réformé, rendant ainsi obsolètes certaines des dispositions de cette ordonnance. L'enjeu du présent texte est donc bien d'actualiser et de rendre enfin applicable le statut de cette future fonction publique, au regard des évolutions intervenues depuis six ans et dans le respect des particularismes locaux.
Depuis 2007, l'État a donc mis fin à la tutelle qu'il exerçait sur les communes de la Polynésie française. En effet, ces dernières étaient auparavant toujours soumises aux dispositions du code des communes, dans la rédaction que la loi du 29 décembre 1977 leur avait rendu applicable. Pendant trente ans, aucune des grandes lois intervenues en matière de décentralisation ne leur avait été appliquée, ce qui a créé d'importantes distorsions entre le droit commun des communes et le régime antérieur toujours applicable aux communes polynésiennes.
Les dispositions jugées inconstitutionnelles par le Conseil constitutionnel étaient d'ailleurs des dispositions de l'ordonnance du 5 octobre 2007, qui a étendu aux communes polynésiennes et à leurs groupements les dispositions pertinentes du code général des collectivités territoriales, en procédant à des adaptations rendues nécessaires par les particularités de ces communes insulaires.
Cependant, ces communes restent handicapées par la faible part de leurs ressources propres. Les seules ressources fiscales à leur disposition sont les centimes additionnels qu'elles peuvent lever sur trois impôts territoriaux et une taxe sur l'électricité. Cela explique que les transferts peuvent constituer jusqu'à 99 % des ressources des petites communes, et 60 % pour la ville de Papeete.
L'ordonnance du 4 janvier 2005 portant statut général des fonctionnaires communaux de Polynésie française, si elle prévoit de donner corps à une fonction publique locale, adaptée aux réalités insulaires, dans le respect du droit général de la fonction publique, n'est toujours pas entrée en application, six ans après, faute de publication des actes réglementaires nécessaires à sa mise en oeuvre.
Votre rapporteur observe, à cet égard, qu'afin de concrétiser un projet inscrit dans la loi il y a dix-sept ans, le Parlement est aujourd'hui conduit à prendre l'initiative d'actualiser et de moderniser une ordonnance prise il y a six ans, qui a été modifiée depuis de façon marginale par deux lois successives, et dont les dispositions n'ont jamais été mises en vigueur par les autorités exécutives. Ce n'est pas, convenons-en, un modèle de bonne administration.
Et non pas vertueuse !
Élaborée sur le modèle du statut de la fonction publique territoriale, l'ordonnance définit le statut et les garanties fondamentales accordées aux fonctionnaires, ainsi que le cadre général de l'organisation de cette fonction publique. Cependant, ses dispositions sont restées lettre morte en l'absence de parution des décrets et arrêtés du haut-commissaire de la République en Polynésie française, textes nécessaires pour les mettre en application.
Ce statut a vocation à s'appliquer « aux personnes nommées dans un emploi permanent et titularisées dans un grade de la hiérarchie administrative » des quarante-huit communes existantes en Polynésie, mais aussi des syndicats de communes, des communautés de communes – seule existe la communauté de communes des Marquises –, ainsi qu'aux futurs établissements publics à caractère administratif.
Les 4 547 agents actuellement employés par ces personnes publiques, sous des statuts disparates, ont ainsi vocation à être intégrés dans la fonction publique mise en place par ce statut, après création des cadres d'emplois correspondants.
Dans l'attente de la publication des mesures réglementaires d'application de l'ordonnance précitée du 4 janvier 2005 – mesures annoncées pour les semaines ou les mois à venir –, il convient, dans le même temps, d'actualiser et d'améliorer le statut de cette fonction publique locale encore en devenir. Tel est l'objet de la présente proposition de loi.
Votre rapporteur note que cette proposition de loi est issue des concertations qui ont associé au représentant de l'État les syndicats et les élus communaux, et qu'elle représente l'expression d'un consensus local sur la nécessité d'aboutir à la mise en place d'une avancée promise par l'État.
C'est ainsi que la commission permanente de l'assemblée de Polynésie a rendu, le 13 janvier 2011, un avis favorable à cette proposition de loi, assorti de réserves mineures.
La mise en application rapide du statut général des agents communaux polynésiens exige que les dispositions de l'ordonnance du 4 janvier 2005 soient non seulement actualisées au regard des réformes de la fonction publique intervenues depuis six ans, mais qu'elles soient également, dans la mesure du possible et dans le respect des spécificités de la Polynésie française, alignées sur le droit commun de la fonction publique territoriale. Ce sont là les quatre objectifs poursuivis par la présente proposition de loi.
Le premier objectif est d'incorporer dans l'ordonnance les dernières réformes qu'a connues le statut général de la fonction publique : la valorisation de l'expérience professionnelle, en consacrant le droit à la formation professionnelle tout au long de la vie et en instituant un droit individuel à la formation ; la mobilité des fonctionnaires au sein de chacune des fonctions publiques et entre celles-ci ; la mise en place d'un entretien professionnel d'évaluation ; le maintien en activité au-delà de la limite d'âge pour les fonctionnaires volontaires. Il conviendrait qu'à l'avenir, les fonctionnaires des communes de Polynésie ne soient pas oubliés par de futures avancées qui pourraient être apportées au droit de la fonction publique.
Deuxième objectif : poursuivre l'alignement du statut général des fonctionnaires des communes de Polynésie française sur le modèle de la fonction publique territoriale, qu'il s'agisse des conditions de recours à des agents contractuels pour des emplois permanents de catégorie A, de l'organisation des concours, du régime d'encadrement des indemnités par référence à celui existant dans la fonction publique d'État, ou encore de l'institution des emplois fonctionnels et des emplois de cabinet.
Troisième objectif : assurer une adaptation des règles applicables à cette future fonction publique des communes polynésiennes, dans le respect des particularismes locaux, en leur permettant de recourir à des agents non titulaires, de réglementer l'exercice du droit de grève pour les services « dont l'interruption porterait atteinte aux besoins essentiels de la population », et en figeant les conditions de rémunération et d'avancement des agents préalablement employés par les communes et qui ne souhaiteraient pas intégrer la future fonction publique.
Quatrième objectif : accélérer la mise en place de la fonction publique, en prenant en compte la situation des agents recrutés depuis 2004. Dans sa version initiale, l'ordonnance avait prévu qu'auraient vocation à être intégrés les agents employés par les communes ayant une ancienneté minimale d'un an à compter de sa publication. Du fait de l'absence de mise en oeuvre de cette disposition, les personnels recrutés depuis 2004 seraient donc exclus du bénéfice de l'intégration directe dans la future fonction publique.
Lors de son examen, le Sénat a modifié la majeure partie des articles de la proposition de loi initiale. À cet égard, votre rapporteur tient à saluer la qualité du travail réalisé par M. Jean-Pierre Vial, rapporteur du texte pour la commission des lois du Sénat, qui a poursuivi l'actualisation et l'alignement de l'ordonnance du 4 janvier 2005 sur le droit commun de la fonction publique, tout en s'attachant au respect des spécificités locales.
Votre commission des lois a estimé, sur la base des améliorations apportées par le Sénat, que la présente proposition de loi assure une adaptation équilibrée et cohérente du droit commun de la fonction publique. Elle a cependant adopté un certain nombre de modifications rédactionnelles pour assurer le caractère opérationnel du texte.
Par ailleurs, elle a modifié, en les simplifiant, trois dispositions du texte adopté par le Sénat. C'est ainsi qu'elle a prévu : à l'article 11, l'alignement sur le droit commun des conditions sociales et familiales ouvrant droit, pour les agents non titulaires, à une prolongation d'activité au-delà de la limite d'âge ; à l'article 12, l'extension au président d'un groupement de communes de la faculté de recruter des collaborateurs de cabinet dans les conditions fixées par un arrêté du haut-commissaire de la République en Polynésie française ; à l'article 13, l'appréciation à la date de promulgation de la présente proposition de loi du critère d'ancienneté des agents en poste, en vue de leur intégration dans les futurs cadres d'emploi.
Sous réserve des quelques ajustements mineurs que je vais vous proposer, j'espère que l'adoption de la présente proposition de loi facilitera la relance d'un processus qui s'est malheureusement enlisé, et qu'elle permettra ainsi à la fonction publique des communes de Polynésie française de réellement voir le jour au cours de l'année 2011. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Dans la discussion générale, la parole est à M. Bruno Sandras, premier orateur inscrit.
Madame la présidente, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, 2011 est l'année des outre-mer, et je veux profiter de cet instant pour saluer cette initiative du Président de la République,…
…et pour remercier Mme la ministre Marie-Luce Penchard pour son engagement. Il s'agit notamment, cette année, d'affirmer que les outre-mer, dont fait partie la Polynésie française avec ses quarante-huit communes, sont aussi « des lieux de solutions et de propositions », pour reprendre les propos du commissaire Daniel Maximin.
C'est dans cette perspective que la Polynésie française bénéficiera de la mise en application d'une réforme importante, celle de la fonction publique communale. En tant que député et en tant que maire, je veux vous dire que cette réforme est attendue depuis longtemps en Polynésie française, même si elle sera difficile à mettre en oeuvre pour les élus, compte tenu de tous les chantiers communaux qu'il faudra conduire en même temps. Cette réforme du fonctionnement de l'institution communale au travers d'un statut public de ses personnels est une belle et nécessaire ambition.
Pourtant, je veux à présent esquisser une mise en perspective de cette réforme, car celle-ci dépasse largement le seul aspect de modernisation juridique de la gestion des personnels. Cette réforme porte en elle quatre particularités qu'il faut, à mon sens, souligner pour mieux cerner l'importance de cette proposition de loi que j'ai déposée, mais également pour contribuer à éclairer les débats et les décisions que nous allons prendre.
Première particularité : nous devons garder à l'esprit que nous ne nous prononçons pas aujourd'hui sur une modernisation supplémentaire de la fonction publique territoriale en métropole et dans les départements de l'outre-mer, statut qui a fêté récemment ses vingt-cinq ans – c'est dire sa maturité. Il est question, en effet, de tout autre chose, à savoir de la création d'un statut des personnels dans les communes polynésiennes. Précisons que le personnel communal relevait auparavant du seul droit privé – ce qui doit certainement choquer mes collègues, mais c'est ainsi –, avec des contrats de travail négociés par le maire, au même titre qu'une entreprise commerciale, à ce détail près, ne l'oublions pas, qu'il s'agissait de leur confier l'exercice des missions de service public, y compris des missions de sécurité publique. L'instauration de la fonction publique communale permettra, en premier lieu, de corriger cela. Dès lors, c'est un changement considérable qui s'amorce.
Cette réforme vise à modifier radicalement les règles de droit et de fonctionnement du personnel communal, pour basculer vers une situation statutaire de droit public : les missions de service public seront désormais exercées par des fonctionnaires, c'est-à-dire des agents soumis à des droits et des obligations réglementaires.
Deuxième particularité : une ordonnance est par nature un texte de portée générale, mais ici la portée générale est « réduite », car cela vient intéresser seulement un périmètre circonscrit, et ce à double titre. Cette limitation est géographique et institutionnelle. D'une part, il s'agit d'une portion des outre-mer français, et, qui plus est, dans un espace régi par l'article 74 de la Constitution. D'autre part, la Polynésie française est, comme vous le savez, largement autonome, même si la fonction publique communale reste de la compétence de l'État, comme le précise la loi organique portant statut d'autonomie de la Polynésie française du 27 février 2004.
Cette réforme s'applique en conséquence, ni plus ni moins, aux seules communes de Polynésie française, y compris à leurs établissements publics. Il n'est pas question, dès lors, d'envisager l'examen des modalités d'extension de la fonction publique territoriale à la Polynésie française. Cette extension simple serait contraire aux principes et à l'esprit de l'autonomie de la Polynésie. Ce texte crée bel et bien une fonction publique à part entière, dotée de lieux de gouvernance et de gestion paritaire propres, à partir de règles de droit spécifiques. Il est donc normal que le texte soit à la confluence du droit commun et de spécificités locales fortes et reconnues.
Troisième particularité : cette réforme s'applique dans des communes jeunes. La majeure partie des communes de la Polynésie française ont vu le jour, en effet, par application de la loi du 24 décembre 1971 relative à la création et à l'organisation des communes dans le territoire de la Polynésie française. La fonction publique communale est une étape dans l'affirmation de cette institution de proximité par excellence. En Polynésie, la commune tient un rôle spécifique, si l'on considère la situation nationale.
Les maires polynésiens doivent assumer cette géographie unique que constitue l'insularité avec 118 îles dans un espace qui s'étend sur neuf fois la superficie de la métropole, qui comprend deux fuseaux horaires, où se répartissent près de 260 000 habitants, et ce à 18 000 kilomètres de l'hexagone. La commune est l'échelon institutionnel et administratif premier, en charge des infrastructures et des services essentiels, pour garantir notamment le ravitaillement des populations. Dans ce contexte vous comprendrez aisément que les 1000 élus communaux, dont les quarante-huit maires, ont des responsabilités toutes particulières. De même, le rôle des personnels est bien particulier.
Quatrième particularité, enfin : Nous avons, depuis 2005, une fonction publique communale. Mais il s'agit d'une fonction publique sans contenu, puisque dépourvue de statut. Ce statut deviendra réalité dès la publication des textes d'application. C'est la raison pour laquelle, au gré des jurisprudences nouvelles du tribunal administratif de Papeete, les élus communaux en Polynésie française sont, d'ores et déjà, dans l'obligation d'appliquer quelques articles de l'ordonnance en matière de recrutement, notamment. Cette situation intermédiaire provisoire entre un droit privé et une future fonction publique dure depuis six années, ce qui, vous en conviendrez, n'est pas satisfaisant. Le calendrier de cette réforme est aussi une originalité en soi et je formule de nouveau le voeu que 2011 soit, en Polynésie française, l'année de la mise en oeuvre de la fonction publique communale.
En gardant à l'esprit l'ensemble des particularités que je viens d'évoquer, nous voyons bien que nous allons nous prononcer sur un texte fondateur, de portée locale qui constitue une source d'innovations majeures.
L'enjeu est considérable, aussi bien pour les élus communaux que pour les personnels. Il est donc nécessaire de veiller à la construction collective et consensuelle de la réforme. Les élus communaux de Polynésie française l'ont compris dès 2004. Il s'agit bien, avant tout, d'une réforme répondant à un enjeu d'intérêt général. C'est la raison pour laquelle, avec mon collègue sénateur polynésien Richard Tuheiava et grâce à l'appui technique du syndicat pour la promotion des communes de la Polynésie française qui réunit les quarante-huit communes, nous avons déposé cette proposition de loi dans chaque assemblée. Ce travail, auquel j'ai personnellement eu l'honneur de participer avec les services de Mme la ministre, est, je tiens à le rappeler, le résultat d'une longue concertation entre les maires.
Pour toutes ces raisons, vous comprendrez qu'en Polynésie française, nous attendons le démarrage de cette réforme. Je ne parlerai par d'impatience, mais d'un besoin d'avancer dans ce mouvement de modernisation. À cet égard, les décrets d'application doivent être publiés dans quelques semaines.
Vous comprendrez également pourquoi il est nécessaire que 2011 soit l'année de la fonction publique dans les communes de Polynésie française. C'est, je l'espère, dans cet état d'esprit que nous allons étudier cette proposition de loi, votée, il est bon de le souligner, à l'unanimité au Sénat qui s'est inscrit pleinement dans cette démarche de consensus.
Je remercie pour son travail précis M. le rapporteur, Didier Quentin, toujours attentif aux évolutions de l'outre mer en général et de la Polynésie française en particulier. La commission des lois a souhaité, en effet, apporter quelques modifications, tout en respectant les objectifs de la réforme que j'ai rappelés. Pour ma part, j'ai déposé quelques amendements, et je remercie mon collègue Michel Buillard, ainsi que l'Assemblée de la Polynésie française, de leur soutien. Ces amendements ont pour finalité d'améliorer à la marge le texte sur quelques points très précis.
Pour terminer, j'espère, tout simplement, mes chers collègues, votre soutien à cette proposition de loi. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
L'ordre du jour du Parlement étant toujours chargé, on a coutume, madame la ministre, s'agissant de l'outre-mer, de légiférer par le biais d'ordonnances, afin d'aller plus vite. C'est la raison pour laquelle, vous avez pris, ou plutôt l'un de vos prédécesseurs a pris – mais il y a continuité de l'État – l'ordonnance du 4 janvier 2005, dont tous les orateurs ont relevé que, six ans après, elle n'est toujours pas applicable. Durant ces six ans, un certain nombre de textes ont modifié et complété le statut de la fonction publique communale. Il était, par conséquent, nécessaire de corriger cette ordonnance. Tel est l'objet de cette proposition de loi. Les propositions de loi, sont, heureusement, quelquefois fort utiles ! Ce sont, naturellement, nos collègues polynésiens – Richard Tuheiava et Bruno Sandras – qui ont travaillé avec les élus polynésiens sur ce texte. Je note, cependant, que c'est grâce au groupe socialiste du Sénat que nous pouvons discuter de ce texte, car il a été inscrit au Sénat dans le cadre de l'ordre du jour réservé à l'opposition. Mais on peut vous remercier, madame la ministre, d'avoir fait inscrire à l'ordre du jour de l'Assemblée cette proposition adoptée à l'unanimité par le Sénat. Dans ces conditions, compte tenu de ce qui a été dit, tant par notre collègue Sandras que par le rapporteur, le groupe socialiste votera naturellement ce texte.
Ceci dit, je tiens, à cette occasion, à souligner le contexte polynésien dans lequel cette discussion a lieu. En effet, on a souvent, en métropole, une image quelque peu déformée de la réalité polynésienne. Nous n'avons pas non plus souvent l'occasion de parler de la Polynésie, encore que ce sera prochainement de nouveau le cas. Il est tout de même utile d'informer l'Assemblée et la population métropolitaine de la situation économique et financière de la Polynésie.
Vous avez parlé d'une situation difficile pour la Polynésie. C'est un euphémisme ! La situation est particulièrement inquiétante et dégradée. Les informations communiquées par l'Institut de la statistique de Polynésie française, dont j'ai consulté le site, sont pour le moins, je dois malheureusement le reconnaître, lacunaires voire anciennes. Je pense que, de ce point de vue, il y a sans doute un certain nombre de progrès à réaliser. Nous sommes très loin des renseignements que l'INSEE peut nous fournir sur la situation économique et financière de la métropole. Mais, fort heureusement, à la demande des autorités polynésiennes, une mission d'assistance conduite par Mme Bolliet a été créée. Dans son rapport d'un millier de pages environ, Celle-ci expose des éléments particulièrement significatifs et inquiétants. En Polynésie, le produit intérieur brut stagne et a même diminué en 2009. Comme le précise l'Institut d'émission des départements d'outre-mer – l'IEDOM – ce n'est pas dû à la situation internationale en 2009, mais aux facteurs endogènes, à savoir une consommation en berne, un investissement freiné par la perte de confiance liée à l'instabilité politique. J'ajoute que votre gouvernement et votre majorité, madame la ministre, ont créé cette instabilité politique en mettant en place, en 2004, un système électoral, corrigé en 2007…
…par un projet de loi visant à créer la stabilité. Nous verrons naturellement ce qu'il en sera avec le projet de loi que le conseil des ministres a récemment adopté et qui viendra en discussion.
Le nombre de chômeurs ne cesse de croître. Il a augmenté, en 2010, de 13 %. L'emploi salarié a diminué, quant à lui, de 2 %. Le nombre de touristes qui, en 2009, atteignait à peine 160 000, soit le plus faible niveau depuis quinze ans, a, quant à lui, encore baissé de 4 % en 2010.
La Polynésie française – je parle, bien entendu, du gouvernement de ce pays – est, on le sait, très autonome et a donc des compétences quasi générales en dehors des compétences régaliennes. La puissance publique polynésienne joue donc un rôle prépondérant en termes de financement et de législation dans le domaine du développement économique et de la fiscalité, entre autres. Ce système d'économie protectionniste, monopolistique, n'a d'ailleurs rien à envier à l'économie soviétique d'avant 1989. Dans cette économie sans concurrence, cette économie administrée, les prix sont particulièrement élevés, ce qui n'est pas sans conséquences pour les consommateurs qui ont les plus faibles revenus.
M. Brard qui connaît également bien le problème aura l'occasion de préciser les choses !
Si l'on examine la situation budgétaire de la collectivité, dont j'ai souligné le rôle fondamental, et si j'en crois la note de synthèse de Mme Bolliet, on observe une progression très forte des dépenses de fonctionnement – de personnels en particulier – la réduction des recettes de la collectivité, une dette qui ne cesse de croître avec, d'ailleurs, une notation en diminution. Ainsi, la Polynésie rencontre-t-elle de plus en plus de difficultés à trouver des prêteurs, et lorsqu'elle y parvient, c'est à un taux de plus en plus élevé. Mme Bolliet signale également que les comptes de la Polynésie sont insincères et qu'il conviendrait de les situer à leur niveau réel pour apprécier totalement la situation financière. Elle parle du déficit des nombreuses sociétés d'économie mixte financées par la Polynésie. Elle relève la difficulté des comptes sociaux et souligne qu'il n'y a plus, du fait de l'instabilité politique, aucune relance s'agissant des grands travaux, la collectivité se trouvant dans l'incapacité de financer l'investissement.
Je ne noircis pas le tableau, je ne m'en félicite pas du tout et j'espère que, dans cette assemblée, personne ne se réjouit que la situation économique et financière de ce territoire soit à ce point dégradée. Le gouvernement de Polynésie a, faut-il le rappeler, rencontré des problèmes de trésorerie et a failli, en dépit des avances nécessaires consenties par l'État pour éviter toute rupture de trésorerie, ne pas pouvoir payer ses fonctionnaires à la fin de 2009. Peut-être en a-t-il été de même en 2010. Aux termes du rapport de Mme Bolliet, qui fait quelques projections, si les autorités locales ne prennent pas des mesures de redressement, la situation risque de se dégrader à nouveau, entraînant très vite de nouveaux déficits.
Mme Bolliet fait un certain nombre de propositions. Il faut d'abord établir la concurrence qui n'existe pas, ce qui suppose de sortir de l'économie administrée, dont on sait d'ailleurs parfaitement qu'elle n'a jamais fonctionné.
Ce n'est pas la première fois que je le dis : dès que j'évoque la situation économique de la Polynésie, je dénonce l'économie administrée que vous défendez, cher collègue ! Il convient également de réaliser des économies et de supprimer un certain nombre de SEM, de sociétés qui permettent de placer les amis politiques ! La masse salariale, c'est-à-dire le nombre des fonctionnaires et la rémunération d'un certain nombre d'entre eux, doit diminuer. Il faut naturellement et je n'y insiste pas, car j'y reviendrai lorsque nous examinerons votre texte sur la Polynésie, que les élus et les institutions de Polynésie soient exemplaires en termes de dépenses ou de rémunérations.
Je ne citerai qu'un exemple. Un ministre en Polynésie a en moyenne quinze personnes à son cabinet, alors que le président du conseil régional d'une région de moins de 500 000 habitants, qui a au moins autant d'activités, n'a pas le droit d'en avoir plus de cinq. On voit bien que les élus polynésiens doivent être exemplaires de ce point de vue. La réalité en est, hélas, fort éloignée.
Il faut également agir sur les recettes. Mme Bolliet propose ainsi, mais ce n'est pas la seule, que l'on crée une fiscalité sur le revenu et le patrimoine. Il faut tout de même savoir que, dans ce territoire, et ce n'est pas le seul comme nous allons le voir ensuite, il n'existe pas d'impôt sur le revenu alors que les rémunérations, celles d'une grande partie de la population en tout cas, sont particulièrement élevées et que de nombreuses professions non salariées échappent totalement à l'impôt.
Faute d'impôt sur le revenu et d'impôt sur le patrimoine, la collectivité est amenée à créer des impôts indirects, donc des impôts sur la consommation. Or l'impôt direct est un impôt progressif, censé frapper plus durement ceux qui gagnent le plus. Il joue un rôle de redistribution, alors que l'impôt indirect, lui, frappe davantage les personnes les moins fortunées et celles qui ont les revenus les plus faibles.
Une véritable révolution fiscale est donc nécessaire. Comme le souligne ce rapport, il faut sans doute prendre le temps nécessaire et faire preuve de pédagogie mais, jusqu'à présent, dès que quelqu'un en Polynésie parle de créer un impôt sur le revenu, on voit immédiatement se lever tous les privilégiés du pays. Une telle situation ne peut pas durer, d'autant plus que l'équilibre financier de ce pays est dû à de grosses dotations des contribuables métropolitains. Il faudra bien qu'à un moment donné, les territoires introduisent un peu plus de justice fiscale.
L'objectif de toutes ces recommandations, c'est bien de permettre un développement économique que l'on ne voit pas depuis quelques années, pour toutes les raisons qui ont été évoquées, de réduire les grandes inégalités sociales dans les revenus et le logement, et de cesser de donner plus à ceux qui ont beaucoup sans rien donner à ceux qui ont de moins en moins.
C'est dans ce contexte, qu'il faut avoir présent à l'esprit, que se situe le texte dont nous discutons. Les avancées sociales qu'il intègre sont bien entendu judicieuses. Il est important de prendre une telle décision. Vous avez souligné, madame la ministre, que, sans ce texte, il y aurait des inégalités entre les agents, 1 500 emplois communaux ayant été créés en six ans, ce qui porte le total à 4500 agents.
J'espère, et vous avez tous été optimistes, que cette fonction publique communale professionnalisée que l'on va mettre en place permettra de réaliser les économies dont ce territoire a un besoin immédiat et que nous n'aurons qu'à nous louer d'avoir permis à ce pays de pouvoir reprendre le chemin du développement. C'est bien la raison pour laquelle, je le répète, le groupe socialiste votera ce texte. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, M. Dosière a fait quelques digressions, mais elles étaient fort intéressantes. Il y aurait beaucoup de choses à dire par exemple sur la formation des prix, que ce soit en Polynésie ou en Nouvelle-Calédonie. Vous connaissez cela par coeur, monsieur Sandras, je ne vous apprendrai donc rien si je vous dis qu'il y a une grande porosité entre les milieux économiques et les milieux politiques et que, si la vie est chère, ce n'est pas par l'opération du Saint-Esprit. Je crois que les tomates valent l'équivalent de sept ou huit euros le kilo, ce que rien ne justifie.
Il y a eu un débat pour savoir si les compléments pour les pensions étaient justifiés ou pas. J'ai eu l'occasion de me rendre chez vous il y a quelque temps déjà et je me suis rendu compte que les voleurs n'étaient pas nombreux. Je pense aux hauts fonctionnaires qui sont censés passer leur retraite là-bas, tel général d'aviation, tel trésorier-payeur général, qui y résident fictivement mais qui encaissent. On a fait payer par tout le monde la remise en ordre partielle. Pourtant, les marins de la marine nationale ayant élu domicile en Polynésie ne sont pas coupables de la situation qui est tolérée et dont vivent certains milieux économiques et politiques quant à la formation des prix.
Madame la ministre, vous le savez comme moi, vous connaissez toutes ces turpitudes, et le gouvernement central, ici, à Paris, a décidé de ne rien faire parce que vous alliez mettre le pied dans un magasin qui n'est pas de porcelaine et qui ne sent pas très bon, il faut le dire. C'est dans mon rapport de l'époque et, puisque vous semblez étonnée, je vous le dédicacerai si vous me promettez de le lire.
Le sujet que nous évoquons aujourd'hui est beaucoup plus neutre – je ne parle pas de Saint-Martin ou de Saint-Barth que nous allons évoquer ensuite, où la situation est encore bien pire qu'en Polynésie ou en Nouvelle-Calédonie.
Cela promet en effet. Accrochez-vous aux branches ou attachez votre ceinture !
Issue d'un texte adopté à l'unanimité par le Sénat le 27 janvier dernier, la proposition de loi intervient six ans après l'adoption de l'ordonnance du 4 janvier 2005 portant statut général des fonctionnaires des communes et groupements de communes de Polynésie française. Que fait donc notre vibrionnant Président de la République, qui nous fait légiférer sans cesse et laisse dans les tiroirs, mangés par les mites, des textes pourtant écrits il y a si longtemps ? Il est vrai que, maintenant qu'il est promu au rang de maréchal trois étoiles, il aura encore moins de temps pour s'occuper de ces lointains territoires.
Les décrets d'application de cette ordonnance n'ont jamais été publiés, alors que le principe d'un statut des agents communaux « adapté à la situation particulière des communes du territoire, et notamment à leurs capacités budgétaires » avait été posé par le législateur dès 1994, dans la loi d'orientation pour le développement économique, social et culturel de la Polynésie française.
Nous ne pouvons que déplorer le peu de diligence dont nous faisons preuve collectivement dès lors qu'il est question des collectivités d'outre-mer. Ce n'est pas une spécialité qu'il faut abandonner à nos collègues d'outre-mer, aussi compétents soient-ils. C'est une compétence qui doit vraiment être assumée par nous tous. Il est invraisemblable que l'outre-mer soit à ce point considéré comme secondaire qu'il faille plus de quinze ans entre l'affirmation de principes et une proposition visant à les mettre en oeuvre concrètement. Nous ne pouvons donc que saluer l'initiative de nos collègues et le travail mené en amont par les élus polynésiens et le syndicat pour la promotion des communes de Polynésie.
Cette initiative nous offre l'opportunité de franchir une étape décisive dans la mise en oeuvre et la consolidation du principe de libre administration des collectivités locales. L'instauration d'une fonction publique communale représente un préalable indispensable, même si le manque d'autonomie fiscale des collectivités considérées demeure un handicap sérieux. N'oublions pas en effet que l'une des spécificités polynésiennes est le manque d'indépendance des communes, tant par rapport à l'État, puisqu'elles sont soumises à sa tutelle administrative, que par rapport à la collectivité du pays, puisqu'elles sont soumises à sa tutelle financière.
Nous ne pouvons non plus ignorer la question des pratiques observées en Polynésie. J'y reviens sur un autre plan. La mise en examen, la semaine dernière, à Tahiti, du président de la Polynésie française, Gaston Tong Sang, pour complicité de favoritisme dans le dossier « Honotua », alors que la justice soupçonne un appel à concurrence faussé portant atteinte à l'égalité d'accès aux marchés publics, est là pour nous rappeler que l'éloignement insulaire et le bricolage institutionnel peuvent être les leviers de développement de pratiques un peu bizarres, pour employer un euphémisme.
C'est dire que nous accueillons avec bienveillance la proposition formulée par nos collègues d'actualiser l'ordonnance du 4 janvier 2005, afin de permettre la création d'une fonction publique communale obéissant aux principes républicains, sans que soient pour autant perdus de vue les spécificités et les besoins locaux.
Si nous sommes bien évidemment en accord sur le principe, nous retrouvons toutefois les divergences qui nous opposent déjà s'agissant de la fonction publique en métropole.
Il en va ainsi de l'application du service minimum dans les communes polynésiennes, ou encore de l'expérimentation de l'entretien annuel d'évaluation pour apprécier le travail accompli par l'agent public, lequel nous fait craindre que l'on ne promeuve ainsi une démarche de management par la performance, qui obligerait les agents à atteindre des objectifs individuels. Nous nous interrogeons aussi sur les recours offerts aux agents en cas de désaccord avec l'administration au sujet du résultat de cet entretien annuel.
Nous partageons par ailleurs les préventions exprimées en commission par René Dosière sur l'encadrement du recrutement discrétionnaire de collaborateurs de cabinet. Nous estimons nous aussi que les habitudes prises sous le gouvernement de M. Flosse soulèvent des interrogations. Il s'agissait de vos amis politiques, madame la ministre ! Rappelons que M. Flosse, dont le procès devrait débuter en avril, est mis en examen dans une affaire de quatre-vingt-quatre emplois présumés fictifs, et qu'il est par ailleurs sous la menace d'une année d'inéligibilité dans le procès en appel dit des « sushis de la Présidence », pour avoir fait régler sur fonds publics une soirée somptueuse où étaient surtout conviés les fidèles de son parti.
Je vois, madame la ministre, que je vous apprends plein de choses. Si vous voulez, nous irons ensemble en Polynésie et je vous ferai découvrir par exemple ce que sont les sucettes ou les bonbons. Cela n'a rien à voir avec la confiserie. Demandez à nos collègues, ils vous l'expliqueront très bien.
Je vous expliquerai ce que c'est. Je suis sûr que, dans votre circonscription, vous n'avez pas de telles sucettes ou de tels bonbons, qui rapportent une certaine somme à ceux qui en profitent.
Nous ne saurions donc nous montrer trop prudents sur l'encadrement des recrutements afin de nous assurer, autant que faire se peut, que nous n'assisterons pas à l'avenir à des dérives analogues dans les communes.
Nous regrettons enfin, comme un grand nombre de nos collègues, que cette proposition de loi n'ait pu donner lieu à une étude d'impact alors que la Polynésie est dans une situation particulièrement difficile, cela a été rappelé tout à l'heure, et qu'elle a connu douze gouvernements depuis 2004. C'est un sujet sur lequel nous aurons d'ailleurs l'occasion de revenir abondamment lors de l'examen du projet de réforme de la loi électorale en Polynésie, dont vous nous avez annoncé la semaine dernière, madame la ministre, qu'il devrait être déposé sur le bureau de notre Assemblée avant l'été.
Pour l'heure, donc, nous voterons la présente proposition de loi – avec ou sans sucettes.
Issue d'un large consensus et du travail approfondi des élus communaux, représentés au sein du syndicat des communes de Polynésie française, elle est l'expression d'une volonté unanime d'aboutir à la mise en place de l'une des avancées promises par l'État depuis 1994, à laquelle nous souscrivons en dépit de quelques réserves.
Cette proposition n'est toutefois qu'une étape : le processus devra être poursuivi. Il sera, en particulier, nécessaire de redéfinir la répartition des ressources financières, dans un double souci de transparence et d'efficacité dans la mise en oeuvre du service public. Mais c'est là un voeu pieux si l'on en juge par l'évolution de la situation en métropole, où dix ans de gouvernement de droite ont gravement fait reculer les services publics, gravement amputé les ressources des collectivités locales et mis à mal le principe d'autonomie des collectivités locales dans des proportions jamais vues depuis les lois de décentralisation.
Souhaitons que l'on ne s'arrête pas en si bon chemin et que la Polynésie puisse enfin bénéficier des outils dont elle a tant besoin pour assurer son développement et s'affirmer véritablement comme une collectivité de la République de plein exercice, dans le respect des règles qui nous sont communes.
Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, durant quelques heures, nous abolissons aujourd'hui les distances et franchissons les océans pour aborder, dans cet hémicycle, les défis de la décentralisation appliqués au cas de la Polynésie française.
La proposition de loi dont nous discutons, issue d'une initiative prise conjointement par M. Richard Tuheiava, sénateur de Polynésie française et par notre collègue député Bruno Sandras – dont nous connaissons le volontarisme –, peut surprendre, puisqu'il s'agit en réalité de relancer un chantier ouvert voici plus de quinze ans par la loi du 5 février 1994, dite d'orientation pour le développement économique, social et culturel de la Polynésie française, consistant à doter les communes, les groupements de communes et les établissements publics administratifs de Polynésie française d'une véritable fonction publique territoriale.
À ce jour, et alors qu'elles constituent pourtant des collectivités territoriales de plein exercice, dont le droit à la libre administration est garanti par la Constitution, les quarante-huit communes qui se répartissent sur les cent dix-huit îles des cinq archipels qui composent la collectivité de Polynésie française ne disposent pas juridiquement de fonction publique dédiée, à même de soutenir et mettre en oeuvre leurs politiques locales.
Ces communes, le plus souvent fortement dépendantes sur le plan financier, se voient contraintes d'employer des agents – 4 547 sur l'ensemble de la collectivité – sous des statuts divers pour remplir les missions et les compétences qu'elles se sont vu confier par la loi organique du 27 février 2004 : police municipale, voirie communale, cimetières, transports communaux, distribution d'eau, collecte et traitement des ordures ménagères, des déchets végétaux et des eaux usées, construction, entretien et fonctionnement des réseaux d'eaux usées.
Loin d'être anecdotique, l'absence de statut pour la fonction publique communale de Polynésie française constitue une raison structurelle des difficultés que peuvent rencontrer certaines de ces communes au quotidien dans la poursuite de leurs missions. La Polynésie présente une spécificité, celle de posséder un territoire s'étendant sur une superficie neuf fois supérieure à celle de la métropole et comportant 4 millions de kilomètres carrés de zone économique exclusive – la plus importante de toute la France. Au sein de la Polynésie, l'unité de déplacement dans l'archipel n'est pas le kilomètre, mais l'heure d'avion ou la journée de bateau. À titre d'exemple, si Tahiti était à la place de Paris, les Marquises seraient à Reykjavik ! Compte tenu de ces particularités géographiques, la nécessité de doter la Polynésie française d'une administration communale de qualité est d'autant plus importante.
Je salue le fait que cette proposition de loi soit inscrite à notre ordre du jour quelques semaines seulement après son adoption au Sénat – lequel, je veux le rappeler, l'avait approuvée à l'unanimité. Pour autant, son existence même peut surprendre les non-initiés : il ne s'agit pas de combler un vide juridique, mais bien de permettre l'application d'une ordonnance, prise le 4 janvier 2005, donc il y a près de sept ans, et qui reste, à ce jour, dépourvue d'effets juridiques faute de textes d'application, décrets et arrêtés du haut-commissaire de la République.
Les concertations constituant un nécessaire préalable à l'adoption de ces textes, menées de manière exigeante et patiente, ont ainsi pris un certain temps avant d'aboutir. Les décrets d'application pris sur la base des résultats de cette concertation vont enfin être adoptés. Vous aviez d'ailleurs indiqué, madame la ministre, lors de l'examen au Sénat de cette proposition de loi, que la parution de ces décrets était désormais prochaine. Je souhaite donc, comme d'autres sans doute, profiter de cette discussion pour vous demander de nous indiquer les délais dans lesquels ces décrets pourront intervenir.
Surtout – c'est le coeur de cette proposition de loi – le texte de l'ordonnance de 2005 était parfois inadapté, parfois excessivement dérogatoire du droit commun, et parfois tout simplement devenu obsolète. En effet, plusieurs réformes majeures étant intervenues depuis 2005 en ce qui concerne le droit de la fonction publique, sans pour autant être transcrites dans le texte de l'ordonnance, que les futurs fonctionnaires des communes de Polynésie française se seraient vus privés de possibilités et d'opportunités reconnues à leurs homologues de métropole – notamment en matière de formation, qui représente un enjeu essentiel. Partant de ce constat, cette proposition de loi vise à traiter plusieurs aspects du problème afin de permettre à ce chantier d'aboutir enfin, pour le plus grand bien des communes polynésiennes : son application devrait permettre également de substantielles économies.
Une fois que le droit commun aura été rétabli, les élus polynésiens pourront s'engager sur un certain nombre de réformes structurelles, sur la rationalisation des outils de gestion des collectivités, sur l'utilisation des moyens au sein de ces collectivités, ainsi que sur les réformes à engager, notamment sur le plan fiscal, pour assurer la permanence fiscale et la pérennité des ressources.
In fine, l'objectif doit être avant tout de doter les collectivités des moyens juridiques adéquats pour assurer une stratégie de développement économique. Il y a là un enjeu essentiel pour l'archipel, car ce développement économique sera la garantie d'une plus grande harmonie et d'une plus grande justice sociale, mais aussi le moyen de mettre en oeuvre une réelle politique d'aménagement du territoire à l'échelle de l'archipel.
Je veux saluer le travail effectué tant par les auteurs de cette proposition de loi que par ses rapporteurs à l'Assemblée nationale – je salue tout particulièrement notre collègue Didier Quentin pour l'implication dont il a fait preuve, dans la rédaction de son rapport comme en commission. Dans un premier temps, l'Assemblée nationale et le Sénat ont travaillé sur le texte de l'ordonnance pour y incorporer les principales réformes intervenues depuis son adoption, qu'il s'agisse du principe de la promotion au mérite ou des perspectives de mobilité au sein de chacune des fonctions publiques.
Il s'agit également, dans un second temps et dans une perspective plus large, de poursuivre l'alignement du statut général des fonctionnaires des communes de Polynésie sur le droit commun de la fonction publique territoriale, tout en prenant soin de parvenir à une adaptation de ce modèle qui soit conforme aux enjeux et aux spécificités de la Polynésie.
Sans revenir sur le détail de ces mesures, je veux insister sur le caractère consensuel que revêt cette proposition de loi aux yeux des principaux intéressés, c'est-à-dire des maires polynésiens eux-mêmes qui, par le biais d'associations, se sont pleinement impliqués en amont dans l'élaboration de ce texte et qui attendent son vote avec impatience. C'est un exemple de travail législatif vertueux : non pas une décision venant d'en haut pour s'appliquer sur le terrain, mais au contraire une prise en compte des préoccupations et des enjeux exprimés à partir du terrain et aboutissant à une réponse législative. Ayant pris attache avec mes collègues et amis élus centristes de l'archipel, je peux affirmer que cette proposition de loi fait consensus.
C'est vrai que votre parti est domicilié en Polynésie, vous faites bien de le rappeler !
Si je ne m'étendrai pas, comme d'autres l'ont fait, sur le caractère décourageant pour les élus que nous sommes, de voir, faute de textes d'application, les dispositions que nous votons dans cet hémicycle rester inappliqués de longs mois – quand ce ne sont pas, comme dans ce cas, de longues années –, je partage l'opinion selon laquelle ce problème est préoccupant.
Pour conclure, je veux saluer l'occasion que nous avons de faire avancer un texte extrêmement attendu de nos concitoyens de Polynésie. Les députés du groupe Nouveau Centre et apparentés se prononceront en faveur de son adoption. L'année 2011 ayant été déclarée année des outre-mer, nous devons saisir cette opportunité pour mettre en avant la chance que représente, pour la France et pour la République, l'ensemble des territoires d'outre-mer.
La discussion générale est close.
La parole est à Mme Marie-Luce Penchard, ministre chargée de l'outre-mer.
Mesdames et messieurs les députés, je veux d'abord vous remercier pour vos propos, qui montrent que cette proposition de loi va dans le bon sens. Je veux ensuite compléter les analyses qui ont été présentées, notamment au sujet de la situation économique de la Polynésie, une situation effectivement préoccupante. Certes, la situation politique de l'archipel n'a pas arrangé les choses, mais indépendamment de ce facteur, l'impact de la crise sur l'activité touristique – la Polynésie restant une destination onéreuse – aurait, de toute façon, rendu inévitable la situation économique actuelle.
Mme Bolliet, dont vous avez cité le rapport, a recommandé à juste titre que la Polynésie puisse engager de vraies réformes.
Au-delà du fait que je ne porte pas de jugement sur la façon dont la Polynésie est gérée actuellement, je veux vous dire que les préconisations formulées par le rapport Bolliet sont actuellement prises en compte…
…puisque, par exemple, la Polynésie a décidé de ne pas renouveler les personnels partant à la retraite et de se séparer d'un certain nombre de biens patrimoniaux. À ce titre, au vu des conditions posées, notamment par l'agence française de développement, pour accorder un prêt à la Polynésie, fondées strictement sur les conditions fixées dans le rapport Bolliet, nous sommes aujourd'hui en capacité d'accorder la première partie de ce prêt.
Il y a eu un effort. Certes, ce n'est pas suffisant, mais cela va dans le bon sens.
J'ajoute que, depuis 2007, le Gouvernement s'est engagé dans la voie de la moralisation de la vie politique.
C'est l'objet de la réforme électorale que l'Assemblée va examiner. Mesdames, messieurs les députés, vous aurez ainsi l'occasion d'apprécier les mesures d'économies que nous préconisons pour limiter les coûts de fonctionnement de cette collectivité. Mais ce n'est pas l'objet du débat d'aujourd'hui.
Tout à fait, monsieur Dosière.
Pour terminer, je ne voudrais pas qu'à cause d'un petit groupe qui, à un moment donné, s'est retrouvé à la tête de la Polynésie, nous en venions à causer du tort à l'ensemble des Polynésiens. Ils ont besoin de notre soutien, vu la précarité dans laquelle ils vivent. Il faut éviter les amalgames. C'est dans ce sens que j'entends aborder avec vous cette proposition de loi.
J'appelle maintenant les articles de la proposition de loi dans le texte de la commission.
La parole est à M. Bernard Lesterlin, inscrit sur l'article, pour une durée qui ne peut dépasser deux minutes.
Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, l'article 1er a pour objet de permettre aux communes situées dans des îles isolées, où les entreprises privées sont structurellement absentes, de réaliser des travaux en régie avec la capacité de recruter sur un emploi temporaire un personnel local qualifié pendant la durée des chantiers. Cela est une très bonne disposition eu égard à la situation de ces communes isolées, très éloignées de Tahiti.
La commission des lois du Sénat a ajouté deux dispositions. L'une d'elles pose un problème juridique qui a induit en erreur notre rapporteur dans sa formulation. En effet, dans son rapport, page 26, il écrit que cette disposition ouvre « la possibilité de recruter des agents contractuels pour une durée maximale d'un an, non renouvelable, en cas de vacance momentanée due soit à l'exercice par un fonctionnaire de ses fonctions à temps partiel, soit à l'accomplissement par celui-ci d'un service civil ». Or, monsieur le rapporteur, vous faites référence à une loi dépassée puisque est entrée en vigueur la loi du 10 mars 2010 portant création du service civique, et non, comme cela figure au deuxième alinéa, le « service civil ». Je ne pense pas que cela justifie un amendement, mais certainement une rectification matérielle pour mettre le texte en conformité avec la loi du 10 mars 2010.
Madame la ministre, il serait tout à fait souhaitable, maintenant que vous avez pris les mesures réglementaires nécessaires pour mettre en application le service civique outre-mer, d'inciter les représentants de l'État dans ces territoires à le mettre en place puisque c'est dorénavant juridiquement possible. Je souligne que mon collègueApeleto Albert Likuvalu avait fait un gros effort, après le passage du cyclone à Futuna, pour que les jeunes se mobilisent.
(L'article1er est adopté.)
Les articles 2 à 3 ter ne faisant l'objet d'aucun amendement, je les mets aux voix successivement.
(les articles 2, 3, 3 bis et 3 ter, successivement mis aux voix, sont adoptés.)
Je suis saisie d'un amendement n° 17 portant article additionnel après l'article 3 ter.
La parole est à M. Bruno Sandras.
Cet amendement, cosigné par mon collègue Buillard, vise à créer une commission d'évaluation des diplômes. Cette disposition n'était pas prévue par l'ordonnance. Pourtant, en Polynésie et plus généralement dans le Pacifique, beaucoup de jeunes vont faire des études en Australie, en Nouvelle-Zélande ou aux États-Unis, et en reviennent avec des diplômes, un bachelor, un master, que notre système ne sait pas trop comment évaluer. Dès lors qu'ils pourront se présenter à des concours de la fonction publique communale, comment faire ? Ont-ils le droit de se présenter à des concours de catégorie A ou seulement de catégorie B ? La commission d'équivalence des diplômes permettrait de répondre à cette question.
La parole est à M. Didier Quentin, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République, pour donner l'avis de la commission sur cet amendement.
Bien que la création d'un tel organisme relève davantage du pouvoir réglementaire que du législateur, l'avis est favorable car cette commission d'équivalence des diplômes permettra de concourir à la professionnalisation de la jeune fonction publique communale de la Polynésie française.
La parole est à Mme Marie-Luce Penchard, ministre chargée de l'outre-mer, pour donner l'avis du Gouvernement.
Avis favorable, et ce d'autant que les conditions de fonctionnement de cette commission seront fixées par un arrêté du haut-commissariat.
(L'amendement n° 17 est adopté.)
Les articles 4 à 6 ne faisant l'objet d'aucun amendement, je les mets aux voix successivement.
(Les articles 4, 5 et 6, successivement mis aux voix, sont adoptés.)
Cet amendement concerne la promotion interne des agents de Polynésie. Il existe trois moyens de procéder : l'examen, le concours et la promotion au choix. Les élus de Polynésie eux-mêmes, bien placés pour savoir quelles sont les traditions de l'archipel, ont préconisé la suppression de la promotion au choix. Ils considèrent qu'il vaut mieux s'en tenir à la promotion par examen ou par concours. Ils ont tout à fait raison.
Au Sénat, le rapporteur a fait préciser dans le texte que la promotion au choix devra prendre en compte la compétence et la validation des acquis, c'est-à-dire la note de l'intéressé. Mais cela ne changerait strictement rien. C'est la raison pour laquelle il m'a semblé utile de revenir à la disposition que les élus polynésiens avaient, dans leur grande sagesse, acceptée. J'ai eu la satisfaction, lors de l'examen de mon amendement au titre de l'article 88, de voir la majorité de la commission, y compris des élus de la majorité présidentielle, l'approuver. J'espère qu'il en sera de même en séance publique.
Je confirme ce que vient de dire l'auteur de l'amendement : ce matin, la commission a en effet rendu, à la majorité, un avis favorable à la suppression de la promotion interne au choix. Je rappelle qu'elle avait été demandée par le syndicat pour la promotion des communes de Polynésie française. Cette suppression se justifie parce que les pratiques locales de gré à gré qui prévalent aujourd'hui ne sont pas toujours susceptibles de favoriser une approche statutaire aussi objective que souhaitable des emplois au sein de la jeune fonction publique communale polynésienne.
Mesdames, messieurs les députés, j'appelle votre attention sur le fait qu'il est prévu trois modes de promotion dans la fonction publique. La voie que M. Dosière veut supprimer constitue un véritable outil de gestion des ressources humaines. Elle existe dans toutes les fonctions publiques. Le Sénat, dans sa sagesse, a jugé utile de compléter la proposition de loi en reprenant les critères fixés par la loi du 26 janvier 1984 sur la fonction publique territoriale. Je comprends la démarche des sénateurs : les Polynésiens sont en effet, avant tout, des citoyens français. Puisque nous considérons que, dans le cadre de la fonction publique territoriale, un avancement peut être obtenu par concours, par examen professionnel ou par la promotion au choix, je ne vois pas pourquoi les fonctionnaires polynésiens n'auraient pas le droit d'être régis par les mêmes principes que les fonctionnaires en métropole. Il est vrai que nous connaissons le fonctionnement de cette collectivité, mais nous devons avoir le souci de l'intérêt des Polynésiens. C'est la raison pour laquelle j'émets un avis défavorable.
Monsieur Dosière, je partage votre préoccupation. Vous savez bien que chaque fois qu'il s'agit de moraliser la vie publique, nous tenons des discours finalement assez proches.
C'est aux actes que l'on juge les hommes politiques, monsieur Diefenbacher !
Mais je crois que, dans le cas présent, les moyens envisagés sont tout à fait disproportionnés par rapport à l'objectif poursuivi. Un avancement au choix n'est pas un avancement arbitraire. Il s'agit de définir les conditions dans lesquelles seront à l'avenir prononcés ces avancements au choix en créant des règles, en instaurant des procédures – consultation des commissions administratives paritaires – et en instaurant un contrôle de légalité qu'il reviendra au haut-commissaire d'exercer. Par conséquent, l'objectif doit être non pas de rendre impossible l'avancement au choix mais, au contraire, de le rendre conforme aux règles de l'intérêt public et de la morale.
J'ajoute qu'adopter l'amendement reviendrait à en accepter deux effets secondaires. Premièrement, l'autorité hiérarchique du maire serait complètement affaiblie, alors qu'il s'agit non pas de la détruire mais de l'encadrer légalement ; deuxièmement, on instaurerait une procédure d'une lourdeur considérable qui ralentirait le fonctionnement des services – puisqu'il n'y aurait plus d'avancement qu'après examen ou concours –, ce qui ne serait conforme ni à l'intérêt public ni à l'intérêt des fonctionnaires.
Enfin, puisque notre objectif consiste pour l'essentiel à rapprocher le dispositif de la fonction publique communale de Polynésie de celui de la fonction publique territoriale, je n'imagine pas que sur un sujet de cette importance, on puisse écarter à ce point des dispositions de droit commun.
Pour toutes ces raisons, je comprends parfaitement la position de la ministre. Je suis très opposé à cet amendement, et je souhaite que le groupe UMP fasse de même.
Monsieur Diefenbacher, vous êtes un ancien préfet. Dès lors, ou vous êtes candide, naïf, ou votre attitude est incompréhensible. Il y a quelque chose qui ne tourne pas rond. Les dispositions prises vis-à-vis des territoires d'outre-mer vont vers des formes d'autonomie de plus en plus importantes qui précisément les différencient, alors que vous, vous proposez d'unifier. Cela ne tient pas la route. En plus, notre collègue René Dosière l'a rappelé : ce sont les élus de Polynésie eux-mêmes qui ont réclamé le recours aux seuls concours et examens.
Madame la ministre, je me demandais si vous étiez polyglotte… J'en ai maintenant la certitude puisque vous parlez la langue de bois.
Vous avez enrobé votre discours d'une manière telle qu'une chatte n'y aurait pas retrouvé ses petits. Heureusement que la conclusion était claire : vous ne voulez pas de l'amendement de notre collègue. Pourtant, nos collègues de Polynésie le savent et je comprends leur position, il s'agit de moraliser les pratiques. Madame la ministre, la promotion au choix, c'est aussi une autre manifestation de ce que les politiciens appellent « les bonbons ou les sucettes ». Si vous le voulez, je vais aller plus dans le détail…
Avant de conclure, je souligne que la proposition permet de moraliser les modalités peu morales dont l'un de nos collègues a fait état tout à l'heure. Monsieur Diefenbacher, il ne suffit pas d'affirmer des principes : c'est au moment du vote que l'on vérifie la conformité de votre engagement moral…
Trois brèves remarques. Merci, madame la ministre, d'avoir fait référence à cette grande loi de 1984, votée par la majorité socialiste de l'époque, qui a créé la fonction publique territoriale.
Deuxièmement, je ne cherche pas du tout à imposer quoi que ce soit puisqu'il s'agit d'une demande des élus polynésiens.
Troisième observation : dès lors qu'il s'agit d'un territoire qui dispose de l'autonomie, qui la souhaite, qui la revendique, il n'est pas justifié que toutes les dispositions soient calquées exactement sur celles de la métropole. Nous allons d'ailleurs examiner un amendement sur les cotisations sociales montrant qu'il peut y avoir un calcul spécifique à la Polynésie, différent de celui appliqué en métropole.
Par conséquent, je pense que l'on peut parfaitement suivre l'avis du rapporteur et adopter cet amendement.
Plutôt d'accord avec la position du Gouvernement, je voudrais vous soumettre une réflexion. Au motif que des pratiques seraient gênantes, délictueuses ou douteuses, il faudrait supprimer un dispositif. Ne vaudrait-il pas mieux sanctionner ceux qui ont recours à ces pratiques plutôt que de supprimer un dispositif ?
(L'amendement n° 4 n'est pas adopté.)
On juge aux actes : vous prêchez la morale mais vous ne la pratiquez pas !
(L'article 7 est adopté.)
Je suis saisie d'un amendement n° 15 rectifié .
La parole est à M. Bruno Sandras.
Le congé lié aux charges parentales qui figurait dans le texte initial – l'ordonnance – a été supprimé par le Sénat pour on ne sait trop quelle raison. Cet amendement vise à le rétablir.
La commission des lois est favorable à l'amendement n° 15 rectifié .
En effet, afin d'éviter toute distorsion majeure entre les fonctionnaires des communes polynésiennes et les fonctionnaires de la Polynésie française, il semble nécessaire de maintenir le congé lié aux charges parentales tel qu'il figurait initialement dans l'ordonnance du 4 janvier 2005.
(L'amendement n° 15 rectifié , accepté par le Gouvernement, est adopté.)
(L'article 9, amendé, est adopté.)
Cet amendement vise à préciser l'assiette des cotisations et la réglementation applicable, tout en ayant la même finalité que l'amendement n° 19 présenté par notre collègue Bruno Sandras. C'est pourquoi j'invite ce dernier à retirer son amendement.
Suite à l'intervention du rapporteur, je retire mon amendement.
(L'amendement n° 19 est retiré.)
Il s'agit d'une question de principe qui, pour l'instant, joue aux dépens de la Polynésie.
Personnellement, je suis favorable à ce que toutes les rémunérations soient soumises aux cotisations : c'est précisément en pratiquant le contraire par le biais de multiples et diverses niches fiscales – même si celle-ci est très particulière – que vous videz les caisses, en particulier les caisses sociales.
Pour ma part, je voterai contre cet amendement. Madame la ministre, il aurait fallu au contraire généraliser le système polynésien à tout le territoire national. Je vois que vous n'y avez pas pensé. N'est-ce pas l'occasion de prendre en compte ma proposition ?
(L'amendement n° 26 est adopté.)
(L'article 10, amendé, est adopté.)
Absolument, madame la présidente. Tous ces amendements ont un même objet : limiter aux communes qui disposent des moyens les plus importants la possibilité de créer des emplois fonctionnels. Ceux-ci sont coûteux pour la collectivité, en particulier lorsqu'on y met fin.
Il n'est peut-être pas nécessaire d'aggraver de façon démesurée les dépenses des collectivités les plus faibles. Sans ressources fiscales propres, ces collectivités n'ont d'autres ressources que celles qui leur sont attribuées par le gouvernement de la Polynésie et par l'État français. Elles peuvent naturellement recruter des fonctionnaires communaux, sachant que les emplois de fonctionnaires titulaires coûtent moins cher que les emplois fonctionnels.
Au passage, je signale que cette mesure de sagesse va dans le sens des recommandations du rapport de Mme Bolliet.
La commission des lois émet un avis défavorable à ces quatre amendements. Cette différence de traitement entre les petites communes des départements et les petites communes de Polynésie française nous semble discriminatoire. Or il convient – c'est un leitmotiv – de ne pas considérer ces dernières comme des communes de seconde zone.
Le rapporteur a raison : il ne faut pas considérer ces communes comme des communes de seconde zone ; au contraire, il faut leur donner les moyens d'exercer leurs compétences à terme. La question du transfert des compétences sera posée à un moment donné. Si les communes rencontrent actuellement des difficultés, il faut trouver le moyen d'améliorer leurs ressources par le biais de la fiscalité.
Les débats m'inspirent une réflexion. On m'explique qu'il faut respecter de principe d'autonomie et faire confiance aux élus, qui proposent eux-mêmes les dispositions concernant la limitation du nombre de leurs collaborateurs, que nous examinerons tout à l'heure, et la promotion par exemple. Pour autant, dans d'autre cas, on n'accepte pas le principe d'autonomie en matière d'économie ou de fiscalité.
Il faut savoir choisir. Accepte-t-on ce principe d'autonomie que le Gouvernement n'a jamais tenté de remettre en cause depuis 2007 ? En même temps, nous essayons de garantir un bon fonctionnement des institutions en nous appuyant sur des dispositifs contenus dans des lois qui ont été portées sur le plan national et qui peuvent être adaptées.
Considérant que nous devons nous appuyer sur la loi de 1984, j'émets un avis défavorable à ces quatre amendements qui remettent en cause ce principe.
Madame la ministre, vous maniez le sophisme : au nom du principe d'autonomie vous prônez la liberté sans règles alors que c'est la règle qui affranchit, contrairement à ce que vous prêchez.
On ne laisse pas la bride sur le cou aux élus en matière de marchés publics. Pourquoi a-t-on fixé des règles ? Par souci de transparence et pour garantir la moralité de la gestion publique. Ma foi, les élus étant aussi des êtres humains, les règles les protègent parfois contre eux-mêmes et évitent que certains, par leur comportement, discréditent la fonction. Ce n'est pas vrai seulement dans les territoires d'outre-mer ou en Polynésie. C'est une règle générale.
Votre argument ne tient donc pas, madame la ministre. D'ailleurs, vous nous avez opposé le même à propos des concours : pas de règles nouvelles. En femme avertie, informée et sage, vous savez pourtant que quelques élus non scrupuleux profitent de cette absence de règles comme de concours pour faire pression sur des fonctionnaires et en faire, dans certains cas qui ne se limitent pas à la Polynésie, des agents électoraux par exemple.
(Les amendements nos 6 , 7 , 8 et 9 , successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.)
M. le rapporteur a présenté un amendement rédactionnel, n° 13, auquel le Gouvernement est favorable.
(L'amendement n° 13 est adopté.)
(L'article 11 bis, amendé, est adopté.)
Avec cet amendement nous abordons le sujet des emplois de cabinet, c'est-à-dire d'emplois qui ont une vocation politique selon la définition que vient d'en donner le Conseil d'État en réponse à une instance de la Polynésie.
Selon le Conseil d'État, des maîtres d'hôtel ou des sténodactylos ne peuvent pas figurer parmi les membres d'un cabinet dont la fonction est politique, mais ils peuvent être fonctionnaires. Rappelons que le président de la Polynésie qui avait plus de 600 personnes à son cabinet, y compris des piroguiers, des miss Tahiti, etc.
Les emplois de cabinet à vocation politique font l'objet de recrutements directs. L'intéressé n'a pas besoin de faire preuve de ses compétences ni de passer un examen, il est recruté directement par l'élu qui en a besoin, ce qui se comprend.
Mon amendement vise à réserver ces emplois de cabinet aux collectivités les plus importantes. On m'objectera qu'en métropole les textes en vigueur autorisent toutes les communes à recruter un emploi de cabinet. Cependant, il existe une différence entre la Polynésie et la métropole : le contrôle de légalité fonctionne en métropole ; je n'irai pas jusqu'à en dire autant en Polynésie. Les tâches du haut-commissaire sont particulièrement délicates, nous en avons eu des preuves par le passé, et le contrôle de légalité y est souvent plus lâche.
Compte tenu de l'histoire, des pratiques et des habitudes prises en Polynésie, on ne peut pas y traiter les emplois de cabinet de la même manière qu'en métropole. Il est souhaitable de les encadrer. Le fait que la Polynésie se situe à 18 000 kilomètres de la métropole se manifeste notamment dans le contrôle de légalité.
Ces amendements tiennent compte de la volonté d'encadrer la faculté de recruter des collaborateurs de cabinet. Sur les quarante-huit communes de Polynésie française, trois seulement ont une population supérieure à 20 000 habitants. De ce fait, l'amendement n° 24 aurait pour effet de limiter la faculté de recrutement à un seul collaborateur de cabinet. Les modalités de recrutement, d'emploi et de rémunération seront précisées par un arrêté du haut-commissaire. L'amendement n° 25 est dans le même esprit.
Sur ces trois amendements, le Gouvernement émet un avis défavorable.
J'ai le sentiment qu'on examine la situation de la Polynésie, non pas au regard du fonctionnement de ses institutions et de ses collectivités mais d'un certain nombre de procédures judiciaires en cours. Cela ne me semble pas une bonne façon d'appréhender le sujet. Il faut plutôt se dire que nous ne sommes pas là pour cela. Demain, la classe politique ou les dirigeants seront amenés à organiser le fonctionnement de leurs institutions d'une autre manière. Il ne faut pas, par le biais d'un texte, pénaliser la Polynésie alors que des dispositions prises au plan national, notamment dans la loi de 1984, encadrent parfaitement la création d'emplois fonctionnels.
Qui plus est, ces amendements auraient pour effet de pénaliser trois communes. Je ne pense pas que le maire de Faa'a apprécie de ne pas pouvoir recruter plus d'un collaborateur. Il faut donner la possibilité aux collectivités de Polynésie de se doter des moyens nécessaires pour assumer leurs compétences.
S'il y a violation des textes, si le contrôle de légalité doit pouvoir s'exercer différemment, il faudra qu'on se donne les moyens pour que la Polynésie fonctionne autrement. Mais ce n'est pas au travers d'un texte portant sur le statut des agents qu'on va régler tous les problèmes.
Il faut garder à l'esprit que nous examinons uniquement la mise en place de la fonction publique communale. Nous ne participons pas à un débat plus global sur le passé de la Polynésie et sur ce qui va se jouer dans les prochains mois.
Il faut vraiment, en bonne gestion, veiller à ne pas pénaliser à terme les communes de la Polynésie.
Madame la ministre, il n'est pas question de la fonction publique communale, mais d'emplois de collaborateurs de cabinet, c'est-à-dire d'emplois politiques. Ils sont sans doute légitimes. Nous n'avons rien contre les emplois de cabinet puisqu'il en existe en France. Mais ils n'ont rien à voir avec la fonction publique communale. D'ailleurs, ils n'y donnent pas accès.
Je rappelle, à titre de comparaison, que les membres de l'Assemblée de Polynésie, qui peuvent d'ailleurs être maires – notre collègue Sandras les connaît beaucoup mieux que moi – ont, au titre de leur mandat à la collectivité territoriale, en moyenne deux collaborateurs.
Madame la ministre, vous avez fait allusion au maire de Faa'a, qui est également président de l'Assemblée de la Polynésie et un de mes amis. Vous voyez que je ne raisonne pas en fonction de l'amitié, mais en fonction du droit. En tant que président de l'Assemblée de la Polynésie, il dispose d'un nombre important de collaborateurs.
Un ministre, qui peut, par ailleurs, être maire, a en moyenne quinze collaborateurs de cabinet. Il faut prendre en compte cette situation afin d'essayer d'éviter les dérives. D'ailleurs, si vous voulez qu'à l'avenir, on n'assiste plus aux dérives qui se sont produites dans le passé, et qui n'ont pas entièrement disparu, votons les amendements qui sont présentés !
(M. Marc Laffineur remplace Mme Catherine Vautrin au fauteuil de la présidence.)
Madame la ministre, nous avons compris que vous aviez un point de vue dont vous avez décidé de ne pas bouger.
Notre rôle est de faire de la pédagogie, pour que les personnes qui nous regardent comprennent. Tout le monde a entendu vos explications embrouillées. Nous ne savions pas trop où vous vouliez en venir, ou plutôt nous ne le savions que trop.
Oui, très clair : il s'agit de maintenir des pratiques qui ont conduit aux dérangements que nous avons connus dans le passé et qui, vous l'avez vous-même reconnu, madame la ministre, continuent actuellement. Les procédures judiciaires que j'ai rappelées montrent que ces dérives ne datent pas de l'antiquité ni de l'histoire lointaine, mais bien d'aujourd'hui.
Voulez-vous que je vous raconte l'histoire du juge qui était en poste à Papeete et qu'il a fallu sanctionner ?
Il a fallu beaucoup de temps pour qu'il soit sanctionné parce qu'il y avait connivence avec les pouvoirs locaux.
Voilà la réalité, à laquelle vous ne voulez pas toucher, madame la ministre ! Pourquoi ? Je vais le dire, non pas pour vous, parce que vous le savez très bien, mais pour les personnes qui nous regardent : c'est parce que la situation concerne tous vos amis politiques !
Ce que je veux vous faire comprendre, c'est que je ne souhaite pas un débat uniquement sur fond d'affaires judiciaires.
Aux termes de la loi de 1984, en métropole, le maire d'une commune de moins de 10 000 habitants peut avoir un collaborateur de cabinet et celui d'une commune de plus de 10 000 habitants peut en avoir deux. Je ne parle pas du Gouvernement, ni de l'Assemblée. Me référant à l'alinéa sur lequel portent les amendements, je parle des communes. Je ne vois pas pourquoi nous pénaliserions les communes de Polynésie au motif qu'il y a des affaires judiciaires en cours.
Nous faisons un texte pour l'avenir, et non pour quelques hommes en fonction. Il faut rétablir la portée de ce débat.
Je n'ai pas d'amis particuliers. Je connais bien l'outre-mer. Je m'étonne du débat d'aujourd'hui sur la Polynésie. Nous pourrions avoir le même pour d'autres régions de la France métropolitaine où nous savons qu'il y a quelques affaires judiciaires. Faut-il pour autant supprimer le nombre de collaborateurs de cabinet dans ces régions ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Favorable.
(L'amendement n° 12 est adopté.)
L'article 15 réduit le délai initial d'intégration des fonctionnaires et fige les conditions d'emploi et de rémunération des agents qui n'intègrent pas la fonction publique.
Dans le texte initial, le délai d'intégration était de six ans. Comme ce texte devait être mis en application à partir de 2007-2008, ces six ans correspondaient à la durée du mandat des nouveaux élus en 2008. Le Sénat a cru bon de réduire ce délai à trois ans. Mon collègue Michel Buillard et moi-même proposons de le maintenir à six ans.
Nous souhaitons également maintenir la situation des agents qui n'intègrent pas la fonction publique et d'en rester au texte de 2005. C'est pourquoi nous demandons la suppression de l'article 15.
Qu'il s'agisse du premier alinéa, qui réduit le délai initial d'intégration à trois ans afin de stabiliser la condition de rémunération des futurs fonctionnaires, ou du second alinéa, je m'en remets à la sagesse de l'Assemblée.
J'appelle simplement votre attention, s'agissant de ce second alinéa, sur le fait qu'il visait à mettre un terme à la différence dans le déroulement de carrière entre les agents qui refusent d'intégrer la fonction publique communale et ceux qui y entrent, et que des difficultés peuvent donc en résulter dans la gestion des ressources humaines.
Je suis un peu surpris, madame la ministre, par votre réponse, qui sera certainement la même sur les amendements nos 2 et 3 qui suivent.
J'ai lu attentivement les débats au Sénat. Le rapporteur de la Haute assemblée, qui a eu à donner son avis sur le même type d'amendements déposés par notre collègue Tuheiava, a fort justement fait remarquer que l'adoption de ceux-ci reviendrait en quelque sorte à nier la proposition de loi que nous sommes en train d'examiner.
De quoi s'agit-il ? De préserver les conditions d'emploi des agents qui ne souhaitent par intégrer la fonction publique communale. Si l'on offre aux contractuels, qui sont actuellement en situation plutôt précaire, toutes les conditions pour rester contractuels, je ne vois pas pourquoi ils choisiraient de devenir titulaires.
Or l'objet de ce texte est bien de rendre la fonction publique polynésienne moins précaire et d'augmenter le nombre des fonctionnaires titulaires. C'est la raison pour laquelle, d'ailleurs, suivant l'avis du rapporteur du Sénat, l'auteur des amendements les avait retirés.
Je comprends que M. Sandras veuille le beurre et l'argent du beurre mais je lui ferai remarquer qu'un texte qui vise l'intégration et la sécurisation des fonctionnaires et qui maintient, en même temps, toutes les conditions privilégiées pour rester précaire n'a pas de cohérence.
Je pense donc que l'Assemblée refusera de voter ces trois amendements afin de garder au texte cette cohérence.
Les amendements déposés par notre collègue Sandras méritent un examen particulièrement attentif et même particulièrement bienveillant, d'abord parce que c'est un excellent collègue et, ensuite, parce que nul ne connaît la Polynésie française mieux que lui. Cela étant dit, je ne pourrai pas voter le présent amendement, pour des raisons assez voisines de celles qui viennent d'être exposées.
Au point où nous en sommes et compte tenu du consensus qui semble exister en Polynésie et dans notre assemblée, je ne vois pas pourquoi il faudrait revenir à un délai de six pour l'élaboration des statuts particuliers. Trois ans doivent permettre de faire cet exercice sans difficultés majeures.
Concernant les fonctionnaires non titulaires, il faut savoir ce que nous voulons. Si nous voulons les pousser à entrer dans les cadres que nous définissons, il faut qu'il y ait une réelle incitation.
S'ils progressent dans leur emploi actuel dans les mêmes conditions, cette incitation n'existe plus et le travail est rendu largement inutile.
Pour ces raisons, je ne voterai pas cet amendement.
(L'amendement n° 16 n'est pas adopté.)
(L'article 15 est adopté.)
L'intégration est un enjeu capital, puisqu'elle va concerner la totalité des agents des communes – soit 4 à 5 000 personnes. Mettez-vous à la place des quarante-huit maires de Polynésie française qui vont avoir à gérer cette procédure en mettant en oeuvre une ordonnance dont la rédaction est quelque peu ambiguë. Le Sénat ne s'y est d'ailleurs pas trompé, qui, mesurant la difficulté, a décidé de créer une commission d'intégration.
Avis défavorable. L'adoption de cet amendement conduirait à intégrer les agents sans référence à leur rémunération passée. Toute différence avec la rémunération – indiciaire et indemnitaire – obligerait à leur verser soit des rémunérations substantiellement supérieures, soit une indemnité différentielle, ce qui ne serait sans doute pas sans effet sur les finances des communes polynésiennes, qui, nous l'avons dit à maintes reprises, connaissent une situation difficile.
(L'amendement n° 21 , rejeté par le Gouvernement, n'est pas adopté.)
(L'article 16 est adopté.)
L'amendement de coordination n° 10, déposé par M. le rapporteur, est défendu.
(L'amendement n° 10 , accepté par le Gouvernement, est adopté.)
Je voudrais remercier nos collègues de Polynésie pour leur contribution. Nous ne parlons pas assez souvent des problèmes de l'outre-mer, quel que soit le groupe auquel nous appartenons. Aujourd'hui, nous avons esquissé le débat et souligné quelques dysfonctionnements. Madame la ministre, vous n'avez naturellement apporté aucune réponse – tel n'était pas l'objet de notre séance – aux questions que j'ai évoquées, qu'elles concernent la formation des prix, la porosité du milieu politique et du milieu économique ou les sucettes et bonbons qui sont distribués. Mais vous savez que tout cela est vrai et il faudra bien, un jour, que tout soit mis sur la table.
Je voudrais remercier particulièrement notre collègue Bruno Sandras pour sa contribution, qui s'est traduite, à propos de certains sujets que j'ai évoqués, par une discrétion coopérative qui valait consentement.
Je mets aux voix l'ensemble de la proposition de loi.
(L'ensemble de la proposition de loi est adopté.)
La parole est à Mme Marie-Luce Penchard, ministre chargée de l'outre-mer.
Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, cette proposition de loi organique a pour objet la validation des accords conclus en matière fiscale entre la France et les collectivités de Polynésie française, de Saint-Martin et de Saint-Barthélemy.
Ce texte poursuit deux objectifs principaux, puisqu'il entend à la fois se conformer aux prescriptions de la loi pour le développement économique de l'outre-mer du 27 mai 2009 et compléter les lois organiques de 2007 et de 2010 sur la question de la répartition des compétences fiscales entre l'État et Saint-Martin.
Je souhaite souligner au passage l'implication, sur ces sujets très techniques, du sénateur Fleming, auteur d'une première proposition de loi organique qui avait pour objet de clarifier la notion de résident de Saint-Martin, au sens fiscal du terme. Elle a ouvert la voie à la négociation d'une convention fiscale entre la France et Saint-Martin, conforme aux intérêts des deux parties. Cette convention est l'un des quatre textes que vous êtes appelés à ratifier.
Dans un avis du 21 janvier 2010, le Conseil constitutionnel a précisé que les lois de validation des conventions fiscales prévues entre Saint-Martin et l'État devaient être prises en la forme organique. En effet, ces conventions sont prises en application d'une compétence reconnue à la collectivité par la loi organique. Aussi, la représentation nationale sera appelée à valider pour la première fois par une loi organique des conventions et accords à caractère fiscal conclus entre la France et des collectivités d'outre-mer relevant de l'article 74. Le texte qui vous est soumis respecte l'équilibre des compétences entre l'État et les collectivités.
Je vous rappelle en effet que, conformément à l'article 74 de la Constitution, la loi organique du 27 février 2004 a donné à la Polynésie française l'exclusivité de la compétence en matière fiscale. De même, la loi organique du 23 février 2007 a accordé à Saint-Martin et à Saint-Barthélemy la compétence en matière d'impôts et taxes.
Au titre de cette compétence, les collectivités recueillent des informations, notamment dans le cadre du traitement des dossiers des contribuables domiciliés sur leur territoire. Les conventions organisent la transmission de ces renseignements à l'État, qui est indispensable pour permettre à la France d'honorer les accords internationaux qu'elle a conclus dans le domaine de la transparence financière et de la lutte contre les paradis fiscaux.
Il s'agit là d'un enjeu essentiel pour l'évaluation de la France par le Groupe d'action financière sur le blanchiment des capitaux. Je veux redire ici avec force que cette démarche de transmission d'informations à caractère fiscal est importante pour notre image internationale. Le Gouvernement a pris des positions sans ambiguïté en matière de lutte contre les paradis fiscaux.
L'article 1er du projet de loi organique est consacré à la convention entre l'État et la collectivité de Saint-Martin en vue d'éviter les doubles impositions. Permettez-moi de m'arrêter quelques instants sur la genèse de ce texte. Dès ma prise de fonctions, j'ai reçu les représentants de la collectivité qui m'ont alertée sur les difficultés d'application de la loi organique de février 2007. Ces difficultés se sont concentrées essentiellement sur la notion de revenus de source.
Le ministère de l'outre-mer a pleinement soutenu la démarche qui tendait à améliorer, dans ce domaine, les dispositions de la loi organique de février 2007. Cette réforme, que vous avez adoptée le 25 janvier 2010, permet désormais à la collectivité d'appréhender l'ensemble des revenus de source saint-martinoise.
L'équilibre issu de cette loi maintient cependant la distinction entre les personnes domiciliées à Saint-Martin depuis plus ou moins de cinq ans. Lorsque les personnes sont domiciliées à Saint-Martin depuis moins de cinq ans, elles ne sont pas considérées comme résidentes fiscales de la collectivité. Pour ces personnes, Saint-Martin ne peut donc taxer que les revenus de source locale. C'est pourquoi les revenus des fonctionnaires de l'État ne pouvaient pas être appréhendés par la collectivité. La convention a réglé cette difficulté. En effet, pour le règlement de la situation des fonctionnaires affectés sur le territoire de Saint-Martin, l'article 14 de la convention précise que, si l'emploi est exercé sur place, les traitements correspondants y sont imposables. Saint-Martin pourra désormais taxer l'ensemble des revenus du travail, y compris ceux des agents publics, lorsqu'ils sont perçus sur son sol.
Je poursuis avec Saint-Martin en évoquant l'accord d'échange de renseignements conclu le 23 décembre 2009, objet de l'article 2 de la proposition de loi. Comme je viens de le rappeler, la France est tenue au niveau international par de nombreuses obligations de coopération et d'échange de renseignements en vue de lutter contre l'évasion et la fraude fiscales, le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme. La ratification de cet accord nous permettra d'assurer le respect des obligations qui s'imposent à nous.
J'en viens maintenant à l'article 3. La Polynésie est liée à la France par une convention fiscale de 1957 qui ne prévoyait pas les modalités d'échange de renseignements pour la lutte contre la fraude fiscale. Il devenait nécessaire et urgent de définir le cadre de la coopération entre l'État et le territoire dans ce domaine. Je veux souligner que c'est avec une grande rapidité que, le 29 décembre 2009, soit six mois à peine après le vote de la LODEOM, les autorités de Polynésie ont négocié l'accord d'échange de renseignements qui est aujourd'hui présenté à votre approbation. Je vois là le signe que les Polynésiens ont la volonté d'améliorer la transparence et l'efficacité de leur système fiscal.
Enfin, en ce qui concerne Saint-Barthélemy, l'article 4 de la proposition de loi de ratification porte approbation de la convention d'échange de renseignements conclue entre la France et cette collectivité, le 14 septembre 2010. La nécessité de cet accord se justifie par les mêmes considérations que pour Saint-Martin, et je ne les répéterai pas. Le contexte est en effet le même. Mais je voudrais insister, à propos de Saint-Barthélemy, sur l'importance de cette convention. Le régime fiscal de Saint-Barthélemy est très spécifique.
Il a été construit pour répondre aux besoins de la collectivité et de ses habitants. En aucun cas, il n'a été voulu comme un instrument d'optimisation fiscale au profit de personnes physiques non résidentes.
L'accord de renseignements traduit bien cette orientation en faisant participer Saint-Barthélemy, au même titre que les autres collectivités françaises, à la lutte contre la fraude fiscale.
C'est le message que nous envoient les autorités locales, en signant cet accord d'échange de renseignements : elles nous rappellent que c'est dans le respect des lois de la République et des engagements de la France que les habitants de Saint-Barthélemy entendent vivre leur autonomie fiscale.
Vous l'avez compris, la proposition de loi organique traduit une démarche responsable qui a deux objectifs : renforcer la transparence et nous donner les moyens de lutter efficacement contre la fraude fiscale et le blanchiment. Elle est aussi le fruit d'un travail exemplaire de collaboration entre l'État et les trois collectivités, et je m'en félicite. C'est pourquoi je vous propose d'adopter la proposition de loi organique qui vous est soumise. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
La parole est à M. Didier Quentin, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République.
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, la proposition de loi organique dont nous sommes saisis est issue d'un texte déposé par MM. Louis-Constant Fleming et Michel Magras, respectivement sénateurs de Saint-Martin et de Saint-Barthélemy, proposition de loi qui a été adoptée par le Sénat en première lecture le 14 février 2011.
Ce texte se propose d'approuver quatre accords de nature fiscale entre l'État et des collectivités territoriales d'outre-mer relevant de l'article 74 de la Constitution : une convention entre l'État et la collectivité territoriale de Saint-Martin en vue d'éviter les doubles impositions et de prévenir l'évasion et la fraude fiscale ; et trois accords conclus entre l'État et les collectivités territoriales de Saint-Martin, de Polynésie française et de Saint-Barthélemy, concernant l'assistance administrative mutuelle en matière fiscale.
Nous devons, dans un premier temps, nous intéresser aux questions de forme, nous demander pourquoi il est nécessaire de conclure des accords fiscaux avec des collectivités d'outre-mer et de les approuver par la loi organique, avant, dans un second temps, de nous pencher sur le contenu de ces accords et sur les enjeux qu'ils soulèvent.
Du fait de leur accession au statut de collectivité d'outre-mer en 2007, Saint-Martin et Saint-Barthélemy ont obtenu une compétence fiscale générale. Ainsi, comme les autres collectivités, elles ont mis en place des régimes fiscaux distincts de celui en vigueur en métropole : les grandes lignes en sont présentées en annexe du rapport de la commission des lois. Aussi se trouvent-elles, au regard du droit fiscal, dans une situation comparable à celle des pays étrangers. C'est pourquoi l'État a été amené à négocier avec ces territoires des accords qui s'apparentent, dans leur contenu sinon dans leur statut, aux conventions fiscales internationales. Ces traités internationaux s'attachent en particulier à définir la notion de résident fiscal de la collectivité concernée, mais également à édicter des règles permettant d'éviter les doubles impositions et d'organiser les échanges de renseignements pour prévenir l'évasion et la fraude fiscales.
Par ailleurs, les dispositions relatives à l'entraide administrative au sein de la convention fiscale de 1957 entre l'État et la Polynésie française nécessitaient d'être complétées, car elles ne prévoient actuellement des échanges d'information que pour les impositions relatives aux revenus de capitaux mobiliers.
Cette situation n'est pas nouvelle, mais l'article 15 de la loi du 27 mai 2009 pour le développement économique des outre-mer, la LODEOM, a permis de relancer les négociations en prévoyant que le bénéfice de l'ensemble des dispositifs de défiscalisation spécifiques à l'outre-mer serait subordonné à la qualité des échanges de renseignements entre l'État et les collectivités d'outre-mer concernées à compter du 1er janvier 2010.
Ensuite, pourquoi recourir à la loi organique pour approuver ces accords ? Le Conseil constitutionnel a été amené à préciser, dans ses deux décisions sur la constitutionnalité des deux lois organiques du 25 janvier 2010, que ces conventions fiscales devraient être approuvées par une loi organique dans la mesure où le texte affecte l'exercice des compétences transférées à cette collectivité par le législateur organique.
En ce qui concerne le contenu, j'observerai simplement que l'ensemble des dispositions de la convention et des trois accords est largement inspiré du modèle de convention fiscale concernant le revenu et la fortune adopté par l'OCDE, en y intégrant les modifications que la France souhaite traditionnellement apporter lorsqu'elle négocie des accords fiscaux avec des pays étrangers.
Si l'on s'intéresse à l'esprit et aux particularités de chacun de ces accords, il convient de remarquer qu'ils relèvent de deux catégories distinctes.
La convention fiscale conclue avec Saint-Martin vise à éviter la double imposition des personnes et des entreprises. En effet, Saint-Martin a largement repris et adapté les impôts directs, tel que prévus par le code général des impôts. La convention définit le lieu d'imposition de chaque catégorie de revenus, afin que le citoyen ou l'entreprise d'un pays résidant dans un territoire et percevant des revenus en provenance de l'autre territoire ne soit pas imposé deux fois.
La principale particularité de la convention fiscale réside dans les modalités d'imposition des fonctionnaires de l'État français sur le territoire de Saint-Martin. Contrairement au modèle de convention prévu par l'OCDE, le millier de fonctionnaires appartenant à la fonction publique d'État en poste à Saint-Martin – ce qui représente 6 % de la population active – sera imposable à la fois par la collectivité et par l'État, un crédit d'impôt rendant cette opération financièrement neutre pour les intéressés.
Cette modification devrait créer une moins-value fiscale pour l'État de l'ordre de deux millions d'euros par an. Ce choix n'est pas inopportun au vu des difficultés économiques et financières que connaît Saint-Martin. En application du modèle de l'OCDE, les pensions versées par l'État seront imposables comme dans un département d'outre-mer, alors que les retraites privées seront imposées dans le lieu de résidence.
Cependant, plusieurs autres adaptations ont été rendues nécessaires et, de manière plus générale, de nombreuses clauses ont été introduites afin d'éviter que ces accords fassent l'objet d'une utilisation abusive. Elles visent à déclarer la présente convention fiscale inapplicable à des structures juridiques ou des pratiques, telles que l'utilisation de prête-nom, auxquelles des contribuables mal intentionnés pourraient recourir uniquement dans le but de bénéficier des dispositions de la convention.
Au contraire de Saint-Martin, Saint-Barthélemy n'a mis en place aucun impôt direct, à l'exception de celui portant sur les plus-values immobilières. En posant le principe d'un crédit d'impôt généralisé, la loi organique du 25 janvier 2010 a rendu sans objet la conclusion d'une convention fiscale avec cette collectivité. En effet, selon l'analyse faite par la direction de la législation fiscale, une éventuelle convention pourrait conduire à devoir supprimer des prélèvements à la source effectués en métropole sur les revenus à destination des résidents de Saint-Barthélemy non imposés sur place, ce qui aboutirait à une situation de double exonération.
J'en viens maintenant aux trois accords d'assistance administrative mutuelle en matière fiscale, qui relèvent d'une logique différente. Ces accords ont pour objectif de lutter contre la fraude et l'évasion fiscales en permettant à chacune des autorités fiscales concernées de demander la communication d'informations pour appliquer sa réglementation fiscale et recouvrer les créances fiscales de contribuables résidents dans une autre partie.
Ces informations peuvent être fournies d'office, comme le prévoit dans l'Union européenne la directive relative aux revenus de l'épargne, ou à la demande d'une autorité fiscale. Dans ce cadre, l'autorité fiscale doit mettre en oeuvre tous les pouvoirs dont elle dispose pour obtenir ces informations, notamment en exigeant des banques, établissements financiers ou mandataires implantés sur son territoire la communication des renseignements demandés, même si elle n'en a pas besoin pour mettre en oeuvre son système d'imposition propre.
Les clauses des trois accords soumis à votre approbation vont plus loin que celles prévues par le modèle de l'OCDE en offrant notamment la possibilité à l'État de contrôler sur place la réalité des opérations ayant ouvert droit à une défiscalisation, ainsi que de procéder à l'imposition des personnes installées à Saint-Martin et Saint-Barthélemy et fiscalement considérées comme résidentes de l'État.
Je souhaite terminer sur certains enjeux que soulèvent ces accords, notamment dans le cadre des efforts internationaux de la France – rappelés par Mme la ministre – pour la transparence et contre l'évasion et la fraude fiscales.
Tout d'abord, j'observe que les collectivités d'outre-mer sont le plus souvent laissées hors du champ d'application géographique des conventions fiscales et accords d'assistance en matière fiscale conclus par la France.
Cependant, la loi organique de 2007 a prévu l'obligation pour Saint-Barthélemy et Saint-Martin, ainsi que pour Saint-Pierre-et-Miquelon et Mayotte, de participer à l'exécution des engagements de la France en matière de coopération fiscale.
Ainsi, un État ou territoire tiers pourra demander par l'intermédiaire de l'État à ces collectivités de fournir des renseignements de nature fiscale en sa possession. Pour autant, cette absence d'accord en matière d'échange international de renseignements ne signifie pas que ces collectivités puissent être considérées comme des territoires non coopératifs.
La commission des lois a adopté ce texte sans modification. En effet, s'agissant d'un texte portant approbation de conventions, comme pour les autorisations de ratification des traités internationaux, le droit d'amendement trouve difficilement matière à s'appliquer.
Pour autant, cela ne signifie pas que la commission des lois, et au-delà notre assemblée, n'est pas attentive aux enjeux soulevés par ces accords et par leur bonne application. Comme l'a rappelé le Conseil constitutionnel, même en approuvant ces textes le législateur organique conservera la compétence pour prendre les mesures nécessaires si ces conventions ne permettent pas d'organiser efficacement la lutte contre l'évasion et la fraude fiscales affectant aussi bien l'État que les autorités fiscales étrangères.
C'est pourquoi, mes chers collègues, je vous propose d'adopter cette proposition de loi approuvant ces accords fiscaux.
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, après l'actualisation de l'ordonnance portant statut général des fonctionnaires de Polynésie française, nous voici à présent saisis, comme un second temps de cet après-midi consacré à nos collectivités d'outre-mer, de quatre accords fiscaux conclus par l'État avec les collectivités de Saint-Martin, Saint-Barthélemy et de la Polynésie française et nécessitant, afin d'entrer en vigueur, l'approbation du législateur organique.
Rappelons que ce texte, adopté en première lecture par le Sénat le 14 février 2011, résulte d'une proposition de loi de nos collègues sénateurs Louis-Constant Fleming et Michel Magras, respectivement sénateurs de Saint-Martin et de Saint-Barthélemy. Il nous propose d'approuver quatre accords de nature fiscale – un accord fiscal de plein exercice et trois conventions d'entraide fiscale – conclus entre l'État et des collectivités territoriales d'outre-mer régies par l'article 74 de la Constitution.
Il s'agit de la convention entre l'État et la collectivité territoriale de Saint-Martin en vue d'éviter les doubles impositions et de prévenir l'évasion et la fraude fiscales, signée à Saint-Martin le 21 décembre 2010 ; de l'accord entre l'État et la collectivité territoriale de Saint-Martin concernant l'assistance administrative mutuelle en matière fiscale, signé à Saint-Martin le 23 décembre 2009 ; de l'accord entre l'État et la collectivité territoriale de Polynésie française concernant l'assistance administrative mutuelle en matière fiscale, signé à Papeete le 29 décembre 2009 ; enfin, de l'accord entre l'État et la collectivité territoriale de Saint-Barthélemy concernant l'assistance administrative mutuelle en matière fiscale, signé à Saint-Barthélemy le 14 septembre 2010.
Ce faisant, nous abordons un débat qui se situe au croisement entre, d'une part, le combat pour la transparence financière et la coopération fiscale internationale, dans la ligne des conclusions du G20, et, d'autre part, la réorganisation du paysage institutionnel des collectivités d'outre-mer, opérée en 2003.
Parmi ces quatre accords, trois concernent donc plus particulièrement deux jeunes collectivités, Saint-Martin et Saint-Barthélemy, qui, de communes rattachées au département de la Guadeloupe, se sont vues érigées en collectivités d'outre-mer régies par l'article 74 de la Constitution, à la faveur de la loi organique du 21 février 2007.
Fortes de la souplesse du cadre juridique fixé par l'article 74, ces collectivités ont ainsi choisi, en décidant de se doter d'un régime fiscal spécifique, conformément à la possibilité ouverte par le législateur organique, de constituer deux nouvelles juridictions fiscales, au sens que donne à ce terme l'Organisation pour la coopération et le développement économique, constituant ainsi des territoires fiscalement autonomes de la métropole.
Ce choix ayant été fait et traduit dans les actes, il appartenait à ces nouvelles autorités fiscales d'organiser leurs relations avec l'État, en fixant notamment l'étendue de leurs assiettes fiscales respectives, ainsi qu'en prévenant les risques de double imposition, à la manière de deux États étrangers négociant une convention fiscale sur la base des préconisations de l'OCDE.
Si le choix opéré par la collectivité de Saint-Barthélemy de ne prévoir aucun impôt direct, à l'exception d'une taxe sur les plus-values immobilières, a rendu sans objet une telle démarche après l'adoption voilà un an de dispositions organiques spécifiques, Saint-Martin a pour sa part emprunté une voie différente en décidant de prélever, sous réserve de certaines adaptations, la plupart des impôts directs prévus par le code général des impôts et s'est ainsi trouvé dans l'obligation de négocier avec l'État la convention fiscale dont l'approbation est proposée à l'article 1er de ce texte.
Si je n'entends pas revenir ici sur le dispositif précis de cette convention, que notre rapporteur Didier Quentin a justement et brillamment exposé, je veux néanmoins saluer l'esprit dans lequel celle-ci a été négociée, en ne se limitant pas à prévenir les cas de double imposition ou à prévenir la fraude et l'évasion fiscales, mais en s'attachant également à définir une répartition équitable de l'assiette fiscale entre l'État et la collectivité de Saint-Martin.
En témoigne ainsi l'entorse faite au principe, constant dans ce type de conventions, selon lequel les revenus versés par un État à ses agents ne peuvent être imposés que par lui. Afin de ne pas priver la collectivité de Saint-Martin d'une part substantielle de ses ressources, les fonctionnaires de l'État y représentant plus de 5 % de la population active, il a ainsi été décidé que les rémunérations versées par l'État à ses fonctionnaires seraient imposées au profit des deux parties à l'accord – l'État, donc, mais également Saint-Martin –, dans une configuration ne se traduisant pas pour ces agents par une perte ou une diminution de leur pouvoir d'achat.
Il s'agit là, me semble-t-il, d'un choix des plus heureux. C'est le signe d'une solidarité permanente avec nos concitoyens de Saint-Martin, où le chômage continue d'être bien plus élevé qu'en métropole ; cela témoigne de l'existence d'un lien fort qui ne saurait être remis en cause par le chemin institutionnel que s'est choisi cette collectivité.
Je voudrais toutefois, madame la ministre, vous poser une question au regard de la spécificité de Saint-Martin, qui dispose d'une frontière de quatorze kilomètres, si ma mémoire est bonne,…
Justement !
Cette frontière, disais-je, sépare Saint-Martin de l'autre partie de l'île, qui est sous juridiction néerlandaise. J'aimerais savoir si, de l'autre côté de l'île, les mêmes efforts sont faits en matière de fiscalité et de transparence. Car s'il s'avérait que nous sommes vertueux du côté français de Saint-Martin, mais que le côté néerlandais l'est moins, cela ne manquerait pas de poser problème, d'autant que, comme notre collègue Dosière l'a fort justement souligné, cette frontière est virtuelle à certains égards. Il ne faudrait pas créer de distorsions entre les deux parties de l'île.
Saint-Martin et, cette fois, Saint-Barthélemy ont d'autre part conclu, de même que la Polynésie française, qui y avait pour sa part été incitée dès 2009 par l'adoption de la LODEOM, des accords de coopération administrative en matière fiscale, destinés à permettre les éventuels échanges d'informations et de renseignements nécessaires pour lutter contre la fraude et l'évasion fiscale.
Alors que le G 20 a fait de la conclusion ou de la mise à jour de ce type d'accords l'un des leviers privilégiés du combat pour la moralisation de la finance internationale et contre ces véritables trous noirs financiers que constituent les paradis fiscaux, lesquels méritent d'être dénoncés avec force, je voudrais, cette fois, saluer le souci d'exemplarité qui marque ces trois accords passés avec nos collectivités d'outre-mer. Certes, quelques points posent problème, notamment en ce qui concerne la réciprocité des échanges d'informations entre ces collectivités et des États ou territoires tiers, et nous formons le voeu que ce soit une interprétation souple de ces accords qui continue de prévaloir, afin de ne pas hypothéquer la qualité de la coopération que nous entendons mener avec l'ensemble de nos partenaires.
Cette remarque étant faite, le groupe Nouveau Centre et apparentés votera en faveur de l'approbation de ces quatre accords.
Toutefois, si l'année 2011 est l'année des outre-mer, elle ne doit pas se limiter au vote de textes comme ceux que nous examinons cet après-midi. Le statut de la fonction publique territoriale en Polynésie ou la ratification de conventions fiscales sont certes des sujets très importants. Mais l'année des outre-mer ne doit pas se limiter à cela, ni au symbole représenté par l'illumination particulièrement réussie du fronton de l'Assemblée nationale. Vous devriez profiter de cette année, madame la ministre, pour nous donner d'autres occasions de débattre de l'importance de l'outre-mer. Nous devons veiller, tous ensemble, à ce que l'Assemblée soit un lieu d'échanges qui nous permette de réfléchir à un véritable projet pour l'outre-mer et d'afficher une ambition et une volonté pour ces territoires. J'espère, madame la ministre, que l'ensemble de la représentation nationale se retrouvera à vos côtés pour poursuivre cet objectif.
La parole est à M. René Dosière.
(Mme Catherine Vautrin remplace M. Marc Laffineur au fauteuil de la présidence.)
Madame la présidente, madame la ministre, chers collègues, je me livrerai d'abord à quelques rappels historiques.
C'est dans le cadre de la loi de 2007, qui a transformé les communes françaises de Saint-Martin et de Saint-Barthélemy en collectivités territoriales, qu'a été créée une obligation de résidence de cinq ans pour ce qui est des impositions locales. Madame la ministre, votre prédécesseur, M. Baroin, ainsi que les rapporteurs du Sénat et de l'Assemblée avaient à l'époque insisté sur l'idée que s'ils inscrivaient dans la loi cette règle d'obligation de résidence de cinq ans, c'était précisément pour éviter la dissimulation fiscale, et que cette disposition était au coeur du sujet.
Certains ont pu être sensibles à ces propos et même y croire. Mais la réalité semble avoir été quelque peu différente. En décembre 2009, deux propositions de loi déposées par les sénateurs « créés » par le texte de 2007, sénateurs dont je rappelle que le corps électoral compte vingt membres à Saint-Barthélemy et vingt-quatre à Saint-Martin, visaient à supprimer cette règle. Trois ans avant, elle était au coeur de la lutte fiscale ; trois ans après, il fallait la supprimer…
Le texte, madame la ministre, avait d'ailleurs été examiné selon la procédure accélérée. À cette époque, vous étiez déjà en charge de l'outre-mer, et l'on nous disait qu'il fallait absolument voter cette proposition de loi organique avant le 1er janvier pour la rendre applicable dès 2010, car elle apporterait des recettes fiscales supplémentaires aux collectivités.
Ce n'était pas non plus tout à fait exact.
D'abord, le Conseil constitutionnel s'est saisi de la proposition de loi. Puis, dans sa décision du 25 janvier, il a considéré que ce texte n'était applicable que moyennant la signature d'une convention et que, s'agissant de l'outre-mer, cette convention devait faire l'objet d'une loi organique. Par conséquent, le texte qu'on nous avait demandé de voter très rapidement pour qu'il entre en vigueur dès 2010 n'est toujours pas applicable à ce jour. À cet effet, il faut attendre le vote de cette nouvelle proposition de loi organique.
Je trouve curieuse cette façon de légiférer, à coup de propositions de loi organique. Car, pour les lois organiques, il n'y a pas d'étude d'impact. Autrement dit, à chacun de ces textes, nous légiférons sans savoir combien de personnes sont concernées et quelles sommes sont en cause. Nous n'avons aucun chiffre ! Vous en conviendrez, il est plutôt curieux de légiférer dans ce domaine sans avoir au moins ces éléments d'information.
Aujourd'hui, la proposition de loi que nous examinons comprend une convention fiscale avec Saint-Martin à l'article 1er, puis trois accords d'entraide fiscale avec Saint-Martin, Saint-Barthélemy et la Polynésie aux articles 2, 3 et 4. Ces accords en matière d'échange de renseignements fiscaux sont nécessaires si ces territoires veulent continuer à bénéficier de la défiscalisation : c'est en effet l'une des conditions posées par la loi sur l'outre-mer. La Polynésie, qui bénéficie depuis longtemps d'une convention fiscale, n'avait pas cet accord en matière de renseignements. Or, si la Polynésie veut continuer à bénéficier de la défiscalisation, il faut que nos agents puissent aller sur place vérifier ce qui se passe.
Et ce sera ma première question, madame la ministre : dans le cadre de la RGPP, y aura-t-il des effectifs suffisants pour que la brigade nationale de répression de la délinquance fiscale puisse contrôler la défiscalisation ? Car si l'on en croit les rapports de la Cour des comptes, et notamment le dernier qui porte sur Wallis-et-Futuna, la défiscalisation réserve des surprises ! Voilà pourquoi je vous demande, madame la ministre, si vous mettrez en place les fonctionnaires nécessaires pour contrôler la défiscalisation.
S'agissant de Saint-Martin, j'aimerais avoir quelques précisions sur sa situation financière. Elle est en difficulté, nous dit-on, depuis qu'elle est devenue une collectivité territoriale, parce qu'il n'y a plus l'octroi de mer. Cela étant, de 1999 à 2007, si j'en crois le rapport de la Chambre régionale des comptes, on ne peut pas dire que la commune ait été réellement gérée ! Depuis, la situation s'est peut-être améliorée – en tout cas, c'est ce que vous dites, madame la ministre. Veolia a dû sans doute payer une forte somme pour réduire le déficit de la régie des eaux qui a été privatisée. Mais nous voudrions savoir quelle est la situation financière de Saint-Martin en la matière. Il est abusif de laisser entendre qu'elle est nouvelle. Elle est ancienne, et, si elle s'est améliorée, j'aimerais savoir comment.
En décembre 2009, vous disiez, madame la ministre, que dès octobre 2009 une mission des inspections générales des finances et de l'administration avait été envoyée sur place, à Saint-Martin, afin d'aider la collectivité à faire face à ses difficultés de trésorerie et à mieux organiser le recouvrement des impôts. Cela fait bientôt deux ans que vous avez tenu ces propos. Je souhaiterais pour ma part pouvoir disposer du rapport de cette mission pour savoir ce qu'il en est. Le rapporteur, à l'occasion de l'examen de ce texte, nous disait qu'une nouvelle mission allait partir. C'est très bien d'avoir en permanence des missions d'inspection à Saint-Martin, mais ce serait encore mieux de pouvoir disposer de leurs rapports et de leurs conclusions.
Cela dit, les articles 1er, 2 et 3 n'appellent pas d'autres observations de notre part et le groupe SRC les votera.
Il n'en est pas de même de l'article 4 qui concerne un accord technique avec Saint-Barthélemy, non une convention fiscale. Pourtant, la proposition de loi organique, déposée par le sénateur de Saint-Barthélemy – et adoptée – disposait que les modalités d'application de son article 1er seraient précisées par une convention conclue entre l'État et la collectivité de Saint-Barthélemy en vue de prévenir les doubles impositions et de lutter contre la fraude et l'évasion fiscale.
La loi organique de 2010 concernant Saint-Barthélemy prévoyait donc bien une convention fiscale. Aujourd'hui, on nous dit que cette convention n'est plus nécessaire. Pourquoi donc fallait-il absolument voter cette loi de 2010 ? Mais est-il si sûr qu'une convention soit inutile ? Je lis les propos d'un expert, M. Michel Collet, qui est allé à Saint-Barthélemy : « A la lecture de la loi organique, il me semble qu'une convention fiscale s'impose. La loi organique prévoit que les modalités d'application des dispositions fiscales seront précisées par une convention fiscale. La révision de loi organique 2010-93 du 25 janvier 2010 proposée par M. le sénateur Michel Magras et tendant à confirmer le droit de Saint Barthélemy d'imposer les revenus de source locale entre les mains de résidents français et néo-résidents a confirmé l'existence d'une double imposition possible entre la fiscalité française et celle de Saint Barth. (…) La convention fiscale devrait prévoir de manière précise les mécanismes de résolution des phénomènes de double imposition par type de revenu et d'impôt, comme en matière de droits de donation et de succession. Elle pourrait également clarifier certains points, voire prévoir des solutions spécifiques et favorables à Saint-Barth en matière de retraite, de rémunération des agents de l'Etat, d'imposition des néo-résidents, d'imposition des entreprises etc., non applicables en l'absence de convention fiscale. Enfin, elle pourrait également clarifier l'application de certains dispositifs anti-abus prévus par le code général des impôts. »
Si j'en crois cet expert, qu'a consulté la collectivité territoriale de Saint-Barthélemy, la convention fiscale est utile et nécessaire. D'ailleurs, selon mes informations, la collectivité territoriale qui, jusqu'à présent, avait refusé cette convention fiscale, a remis à l'ordre du jour son examen en se disant qu'on allait peut-être faire quelque chose, mais qu'on verrait… Le problème, c'est : on verra, mais quand ? Faut-il attendre une nouvelle proposition de loi organique du sénateur de Saint-Barthélemy pour obtenir un nouveau texte qui sera sans doute examiné selon la procédure accélérée ? On ne sait pas, compte tenu de la charge de travail qui est aujourd'hui celle du Parlement si ce genre de convention fiscale pourra être discutée un jour. Il aurait été plus simple de le faire maintenant.
Je vous pose une autre question, madame la ministre : en l'absence de convention fiscale, quelle est, à Saint-Barthélemy, la situation des fonctionnaires et des retraités de la fonction publique au regard de l'impôt ? Il y a, par exemple, une cinquantaine de fonctionnaires dans l'enseignement, ce qui n'est pas un chiffre considérable. Mais ces fonctionnaires, me semble-t-il, sont soumis à l'imposition française, ou du moins à celle qui est en vigueur en Guadeloupe, qui est plus faible qu'en métropole. Il y a donc des citoyens qui travaillent dans le secteur privé et qui ne paient pas d'impôts sur le revenu, puisque le premier acte de la collectivité de Saint-Barthélemy a été de supprimer cet impôt. Il est vrai que, s'il existait théoriquement, personne ne le payait ; mais maintenant, il n'existe plus en droit. En revanche, les fonctionnaires, eux, doivent supporter l'impôt sur le revenu.
Je pense plus légitime de faire payer l'impôt sur le revenu, mais je m'étonne que l'on admette une différence de traitement entre des citoyens français selon qu'ils sont dans le secteur public, ou dans le secteur privé. Cela me pose problème.
Cet accord a d'autre part pour objet de permettre à Saint-Barthélémy de changer de statut au regard des projets européens, afin de devenir un PTOM. Or, avec ce changement, dans les domaines de compétence pour lesquels l'État a transféré son pouvoir législatif à la collectivité de Saint-Barthélemy, c'est-à-dire en matière d'environnement, de tourisme, d'énergie et de transport, les normes européennes ne seront plus applicables. En devenant PTOM, les garde-fous sont supprimés. Plus de cadre à la fixation des normes. Or, l'Europe est plutôt protectrice en matière de droit de l'environnement, de droit des consommateurs ou de la santé.
Je ne suis donc pas convaincu du bien fondé de ce changement de statut qui, de plus, s'est fait en catimini. En effet ce changement, demandé par la collectivité, s'est fait sans réel débat. Le conseil territorial en a débattu pendant une demi-heure pour prendre sa décision. Comme pour l'élection du sénateur de Saint-Barthélemy, que j'avais dénoncée en son temps, le choix a donc été fait par dix-neuf personnes seulement, dont seize issues de la même liste. Ces décisions sont légales, mais sont-elles légitimes ? Sur un sujet aussi important, qui aura des conséquences aussi lourdes pour l'environnement de Saint-Barthélemy, je pense que l'on aurait pu envisager un débat plus vaste, notamment en consultant la population.
Pour conclure, je souhaite évoquer la situation de ces deux collectivités au regard de l'impôt. Que constate-t-on ? Dans ces deux collectivités, la fiscalité directe est faible, c'est le cas à Saint-Martin, ou inexistante, c'est le cas à Saint-Barthélemy. Autrement dit, en l'absence de fiscalité directe, qui est généralement progressive, la fiscalité est indirecte. La fiscalité est un tout : soit l'on fait payer ceux qui ont de l'argent, soit l'on fait payer ceux qui n'en ont pas. Si l'on n'a pas de fiscalité directe, cela revient à faire payer davantage les pauvres, parce que la fiscalité indirecte pèse beaucoup plus sur les gens qui ont les revenus les moins élevés, et qui n'ont pas de capacité d'épargne.
Par conséquent, nous voyons bien qu'il y a une évolution totalement différente. Le sénateur de Saint-Martin le dit explicitement : « À côté de cela, l'objectif central de la politique fiscale de la collectivité est le rééquilibrage de la fiscalité saint-martinoise qui, jusqu'à présent, fait une place disproportionnée à l'impôt direct,… » – il ne manque pas d'humour ! – « …que ne paye qu'un nombre limité de contribuables. L'objectif de rééquilibrage vise à faire une place significative à une imposition indirecte, supportée par tous les consommateurs, résidents ou de passage, comme cela se pratique couramment ailleurs. » Enfin, il y a fort heureusement des pays, notamment l'Allemagne, où la fiscalité directe est un peu plus élevée que la fiscalité indirecte.
Donc, nous voyons bien que dans ces territoires, un système fiscal est clairement affiché : exonérer ceux qui ont de hauts revenus, il en existe, et imposer les revenus moyens et ceux qui ont des revenus très faibles. Il s'agit en quelque sorte d'organiser des territoires à fiscalité faible, avec des niveaux de recouvrement insuffisants. On peut appeler cela des paradis fiscaux, c'est-à-dire des situations dans lesquelles, lorsque l'on a beaucoup de revenus, on est très peu imposé. Voilà pourquoi, en l'absence de cette convention, nous voterons contre l'article 4 pour montrer qu'elle est utile, et nous nous abstiendrons sur l'ensemble du texte.
Je commencerai mon propos en ayant une pensée pour le gendarme qui fut assassiné à Saint-Martin, et dont la dépouille fut violentée ensuite ; ou encore pour les fonctionnaires des services fiscaux qui, voulant faire leur travail à Saint-Barthélemy, furent jetés à la mer, sans que cela incitât à l'époque le Gouvernement à la réaction qui aurait été nécessaire. Mme la ministre parlait des lois de la République qui doivent s'appliquer partout : hélas, nous en sommes encore loin !
La présente proposition de loi organique, déposée par les sénateurs Louis-Constant Fleming et Michel Magras, représentant respectivement les collectivités territoriales de Saint-Martin et de Saint-Barthélemy, dans les conditions que vient de rappeler René Dosière, vise au fond à institutionnaliser le régime fiscal dérogatoire de ces collectivités, auxquelles il faut ajouter la Polynésie française – même si l'on admettra volontiers que la situation de la Polynésie et celles de Saint-Martin et Saint-Barthélemy ne sont pas véritablement comparables.
Il s'agit, selon les promoteurs du texte, d'éviter les doubles impositions et de prévenir l'évasion et la fraude fiscales, d'une part, et de faciliter d'autre part les échanges de renseignement entre l'État et ces collectivités, sur le modèle des conventions fiscales de l'OCDE issues de la résolution prise lors du G 20 de Londres en avril 2009 sur la lutte contre les paradis fiscaux.
Goûtons le paradoxe extraordinaire qu'il y a à affirmer d'un côté, la main sur le coeur, que Saint Barth et Saint Martin ne sont pas des paradis fiscaux, et de l'autre à proposer de leur appliquer les conventions fiscales préconisées par l'OCDE !
Lors de la discussion du texte au Sénat, vous aviez déclaré, madame la ministre : « Il n'y a pas de paradis fiscaux en France, et l'objet des textes qui sont présentés aujourd'hui est justement de disposer d'un cadre juridique conforme aux exigences les plus fortes du droit international en matière de lutte contre le blanchiment des capitaux. »
Il y a là une contradiction dans les termes qui prête à sourire.
Vous reconnaissez en effet que Saint-Martin, Saint-Barthélemy, Tahiti, Wallis-et-Futuna, mais aussi des départements d'outre-mer, peuvent fonctionner comme des paradis fiscaux, voire des places de blanchiment, mais vous affirmez qu'en réalité ils n'en sont pas.
Or, si nous nous référons à la définition proposée par Michel Koutouzis dans le Que-sais-je ? sur le blanchiment, qu'est-ce qu'une place offshore ? « C'est un endroit où existe un système économique et financier qui, pour une raison ou pour une autre, n'est pas régulé par les lois du pays auquel il appartient. »
Qui peut nier aujourd'hui que Saint-Martin ou Saint-Barthélemy fonctionnent comme des places financières ? Les régimes de défiscalisation peuvent y être utilisés pour faire fuir des capitaux ou comme des opportunités de réinvestir dans le circuit légal des fonds illégalement acquis. À Saint-Martin, où la souveraineté de l'île est partagée entre la France et les Pays-Bas, aucune frontière ne sépare les deux territoires, ce qui ouvre la voie à la coopération entre les établissements bancaires des deux parties de l'île.
Vous connaissez comme moi, madame la ministre, la situation de personnes qui, dans la partie française, bénéficient du RSA, et sont salariées de l'autre côté, et réciproquement. Tout le monde le sait mais personne ne fait rien, surtout pas les élus locaux. J'ai eu l'occasion de me rendre là-bas, et je vous renvoie à mon rapport.
Comme le rappelle opportunément Michel Koutouzis, « vous pouvez arriver avec de l'argent noir dans un casino côté néerlandais. Le casino vous fait gagner une somme arrangée au préalable et, une fois vos gains récupérés, vous pouvez aller les investir côté français dans des projets immobiliers ou des marinas. » – ou encore dans le secteur florissant de la navigation de plaisance, qui bénéficie lui aussi de niches fiscales sur mesure.
Bien sûr il serait très injuste de mettre dans le même sac toute la population de ces îles : ce système ne profite qu'à une minorité de nantis qui se goinfrent non seulement sur le dos des contribuables français, par la voie du détournement des niches fiscales, mais aussi sur le dos de la majorité des habitants des territoires considérés.
Les règles fiscales en vigueur sur ces territoires rompent avec les principes élémentaires de justice fiscale. Le changement de statut des deux collectivités a en effet mis fin à l'assujettissement à l'impôt sur le revenu métropolitain. La lecture du code des contributions de Saint-Barthélemy est éclairante. Ce code ne prévoit en effet ni impôt sur le revenu ni ISF. Il accorde aux entreprises locales un forfait fiscal peu élevé en lieu et place de l'impôt sur les sociétés. En revanche, il multiplie les droits indirects sur les biens et marchandises en circulation sur l'île.
Comme la collectivité doit compenser à l'État les pertes de produit fiscal occasionnées par le changement de statut, cela revient pratiquement à faire payer, par le droit de quai, par exemple, c'est-à-dire par tous les habitants de l'île, ce qui, hier, était payé par les plus fortunés des habitants au titre de l'impôt sur le revenu !
Par conséquent, nous sommes certes favorables aux contrôles, mais nous dirons, pour aller vite, que Saint-Barthélemy et Saint-Martin sont presque des paradis fiscaux, à un détail près, ainsi résumé par notre collègue Thierry Foucaud : « Un paradis dont il faut avoir les clefs, c'est-à-dire les biens, la fortune et les revenus qui en découlent pour en jouir pleinement. »
Pour les autres, les plus modestes, les plus nombreux des habitants des deux îles, demeurent les problèmes sociaux, les difficultés d'emploi, de logement, un coût de la vie de 50 % à 150 % plus cher qu'à Paris selon les produits, et les droits indirects, qui accroissent le prix de tous les biens. Sans compter les conséquences de l'appréciation de l'euro par rapport au dollar et la concurrence régionale exacerbée sur le moins-disant social et fiscal dans la zone, qui met en péril les fragiles équilibres de chaque collectivité.
Nous n'ignorons certes pas que l'article 74 de la Constitution prévoit que « les collectivités d'outre-mer [...] ont un statut qui tient compte des intérêts propres de chacune d'elles au sein de la République. » Nous contestons en revanche que ces dispositions puissent dans les faits autoriser les collectivités territoriales concernées à rompre avec les principes républicains et à prendre des libertés avec la notion d'intérêt général.
Vous serez sans doute tentés d'objecter à notre analyse que votre texte tend à remédier aux situations que nous avons décrites mais il n'y a en vérité que trois façons d'attaquer le problème des paradis fiscaux et celui des territoires qui nous occupent : demander aux territoires de mettre fin à l'opacité ; exiger la transparence des utilisateurs ; l'exiger des intermédiaires juridiques et financiers.
Les accords que vous nous proposez sont à cet égard insuffisants. En prenant pour modèle les conventions fiscales de l'OCDE, l'échange d'informations ne présentera aucun mécanisme d'automaticité ou de signalement. Vous avez certes complété ces conventions en prévoyant que les agents des services fiscaux puissent aller contrôler sur place les investissements ayant bénéficié de divers dispositifs de défiscalisation applicables outre-mer et, d'autre part, les personnes vivant à Saint-Martin ou à Saint-Barthélemy mais ayant toujours la qualité de résidents fiscaux de l'État. Mais, compte tenu des faits que j'ai rappelés, il faudra que vous nous disiez s'ils seront protégés pour accomplir leur mission, et pour ne pas subir le sort de ceux que j'ai évoqués tout à l'heure.
D'autre part, pour que ces contrôles soient effectifs, il faut que l'administration fiscale dispose de moyens. Rappelons que le nombre des contrôleurs du fisc a diminué en France de 12 % entre 2002 et 2008. Il aura baissé de 15 % d'ici à la fin de 2011, soit un peu plus de 15 000 agents !
Voter en l'état une telle proposition de loi organique reviendrait finalement, sous prétexte de clarification, à consolider les régimes fiscaux dérogatoires qui ont cours dans ces territoires d'outre-mer, au profit exclusif de quelques privilégiés et au détriment, à l'évidence, du plus grand nombre. Ces accords ne remettent pas en cause le statut fiscal en or de Saint-Barthélemy – qui n'est pas seulement un paradis fiscal au sens que je viens de dire, mais comme vous le savez, madame la ministre, le lieu de repos de certains gros bonnets de la pègre américaine, sans que rien ne leur arrive. Vous le savez comme moi, et on laisse faire.
J'allais le faire, madame la présidente.
Sur le papier, ces accords constituent une avancée, mais n'offrent pas toutes les garanties en termes de contrôle accru sur les pratiques et de lutte contre les effets d'aubaine que génèrent ces statuts fiscaux. Pour l'ensemble de ces raisons, nous voterons contre cette proposition de loi organique.
Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, il appartient aujourd'hui à notre Assemblée de tirer les conséquences de deux réformes. Premièrement, le changement de statut de Saint-Martin et Saint-Barthélemy, qui sont depuis 2007 des collectivités autonomes au titre de l'article 74 de la Constitution et qui disposent à ce titre du pouvoir fiscal.
Deuxièmement, la loi d'orientation pour le développement économique des outre-mer qui subordonne le bénéfice de la défiscalisation à une coopération étroite des services fiscaux de l'État et des collectivités, ce qui nécessite une actualisation de la convention fiscale de la Polynésie française, convention qui date de 1957 et ne répond plus aux nécessités d'aujourd'hui.
Le changement de statut des « îles du Nord » était nécessaire, pas seulement pour des raisons fiscales, mais également pour des raisons fiscales. Chacun sait que dans tous les domaines – l'urbanisme, l'environnement, la concurrence, l'emploi, le social, la fiscalité –, le système juridique français se caractérise par sa complexité et sa lourdeur. Et quelle que soit la volonté de simplification et d'allégement affirmée par les majorités successives, la complexité et la lourdeur continuent de prospérer.
Il en résultait à Saint-Martin et Saint-Barthélemy un décalage croissant entre les règles normatives et la vie réelle. Dans tous les domaines, l'administration d'État rencontrait des difficultés de plus en plus aiguës à faire prévaloir des normes conçues essentiellement pour la métropole.
C'est la réalité, monsieur Brard.
Cette difficulté ne venait pas des hommes, mais des choses : la géographie, l'histoire, l'économie qui créent, dans les îles du Nord, une situation objective profondément différente non seulement de l'Hexagone, mais aussi de la Guadeloupe continentale à laquelle ces îles étalent administrativement rattachées.
Et pourtant, depuis trente ans, des efforts considérables avaient été faits pour renforcer les moyens des services administratifs. Les résultats du recensement de 2007 font apparaître qu'à Saint-Martin, on comptait plus de 1 000 fonctionnaires de l'État pour moins de 36 000 habitants. Cela n'empêchait pas les services chargés non seulement des impôts, mais aussi de l'urbanisme, de la santé, de l'environnement d'avoir de plus en plus de mal à appliquer des règles dont il fallait bien constater qu'elles étaient, trop souvent, manifestement inadaptées à la réalité locale.
Si cette situation avait perduré, il en aurait résulté un décalage de plus en plus marqué entre le droit et les faits. Inadmissible en soi, une telle évolution aurait présenté un danger pour la crédibilité de la loi et, probablement, pour la paix sociale. En matière fiscale, elle aurait ouvert la voie à toutes les dérives. Il fallait y mettre fin.
C'est ce qu'a fait la loi de 2007 en constatant que les modifications du droit national rendues nécessaires par les spécificités locales excédaient le champ des adaptations ouvertes dans les départements d'outre-mer par l'article 73 de la Constitution et qu'il était donc nécessaire de passer à un statut d'autonomie. Seule une réelle autonomie est de nature à permettre une prise en compte satisfaisante des réalités locales. C'est désormais le cas, notamment en matière fiscale, et les autorités élues des deux îles ont instauré un système fiscal plus simple, plus opérationnel, plus adapté aux caractéristiques de l'économie et de la société locales.
Le risque d'une rupture entre l'État de droit et l'état de fait a été comblé. Il faut s'en féliciter. Il faut aussi en tirer les conséquences. C'est l'objet des conventions que nous examinons.
Ces quatre conventions procèdent de la même volonté : créer les conditions d'une application rigoureuse de la loi en évitant les fraudes et les évasions fiscales. Le fait que ces textes soient des conventions, d'ores et déjà approuvées par les assemblées locales, montre clairement que cette volonté n'est pas seulement celle de l'État, c'est une volonté pleinement partagée avec les autorités locales. Ici et là-bas, tout le monde a compris qu'il ne serait de l'intérêt de personne que l'autonomie fiscale ouvre la voie à des paradis fiscaux. Nos collectivités d'outre-mer n'auraient rien à y gagner. Elles en sont parfaitement conscientes.
Les conventions dont nous débattons sont de deux ordres. C'est tout d'abord une convention fiscale avec Saint-Martin, destinée à éviter à la fois que certains contribuables soient imposés deux fois et que d'autres passent à travers les mailles du filet. Ce sont ensuite trois accords d'assistance administrative avec Saint-Martin et Saint-Barthélemy, mais aussi avec la Polynésie française pour les raisons évoquées tout à l'heure.
La convention avec Saint-Martin est directement inspirée par le modèle fixé par l'OCDE, ce qui met les deux signataires à l'abri de toute suspicion de « complaisance fiscale ».
Elle lui apporte toutefois deux types de modifications.
La première modification prend en compte la situation des fonctionnaires de l'État, dont les séjours sur place sont le plus souvent de l'ordre de trois à quatre ans, et auxquels la « règle des cinq ans » se serait donc avérée inapplicable, ce qui par ailleurs aurait été préjudiciable aux intérêts de la collectivité.
Les autres modifications, d'ordre technique, visent non à assouplir, mais au contraire à renforcer les règles de transparence dans les relations fiscales entre l'État et la collectivité, de manière à éviter que les dispositions de la convention puissent être contournées. Si aucune convention de cette nature n'est prévue avec Saint-Barthélemy, ce n'est pas pour soustraire cette collectivité à une contrainte qui serait imposée à sa voisine, c'est parce que l'absence d'impôts directs et les dispositions fixées dans la loi du 25 février 2010 rendent inutile un dispositif de cette nature.
Je regrette que notre collègue Dosière nous ait quittés. Il aurait sans difficulté trouvé la réponse aux questions qu'il posait dans l'excellent rapport commis par le sénateur Doligé lors de la préparation de cette loi. Dans ce rapport, il indique qu'une convention avec Saint-Barthélemy avait été préparée en 2009, mais que l'adoption de la loi organique précitée du 25 janvier 2010 « a rendu obsolète et inutile ce projet de convention ». Le sénateur Doligé ajoute : « L'introduction d'un crédit d'impôt généralisé a suffi à éliminer les situations de double imposition qui, du fait du régime fiscal de cette collectivité, ne sont constatées que lors de la cession d'un immeuble situé à Saint-Barthélemy. Par conséquent, en l'absence de risque de double imposition des contribuables à Saint-Barthélemy, une convention fiscale visant à éviter les doubles impositions est sans objet. Elle risquerait au contraire, d'après les informations recueillies auprès de la Direction de la législation fiscale, d'aboutir à une situation de double imposition. »
Cette précision devrait être de nature à susciter l'adhésion de notre collègue Dosière.
Quant aux trois accords d'assistance administrative, qui visent à lutter contre la fraude et l'évasion fiscale, ils sont intéressants en ce qu'ils sont beaucoup plus contraignants que le modèle de l'OCDE. Ces accords ne se limitent pas à prévoir les échanges d'informations entre les autorités fiscales. Mais ils obligent l'autorité fiscale réceptrice à exiger des banques, des établissements financiers et des mandataires implantés sur son territoire, la communication des renseignements demandés « même si cet autre territoire n'en a pas besoin à ses propres fins ».
Dans le même esprit, ces accords d'assistance technique autorisent l'État à contrôler lui-même, sur place, la réalité des opérations ayant donné lieu à une mesure nationale de défiscalisation.
L'ensemble de ce dispositif fait clairement apparaître l'affirmation d'une triple volonté.
Volonté du Gouvernement de lutter partout contre les paradis fiscaux et d'honorer pleinement les engagements pris par la France sur la scène internationale.
Volonté des autorités locales de mettre leurs territoires à l'abri de la menace que constituent les mouvements incontrôlés de capitaux internationaux.
Volonté partagée de substituer à une relation de méfiance à l'égard de la métropole, une relation confiante fondée sur la transparence et la coopération.
Ce dispositif est donc une avancée majeure dans la lutte contre la fraude et l'évasion fiscale. Il n'en marque sans doute pas le point final et notre excellent rapporteur Didier Quentin a eu raison de souligner qu'il sera sans doute nécessaire de le préciser sur au moins deux points.
D'une part, la possibilité pour les collectivités françaises d'outre-mer de demander à des États ou des territoires tiers des renseignements fiscaux, tout comme ces États ou territoires tiers peuvent d'ores et déjà le faire à l'égard de nos collectivités.
D'autre part, la possibilité pour la Polynésie française de passer elle-même, directement et sur la base de son statut particulier, des conventions fiscales avec des pays ou des territoires tiers.
Ces deux points méritent une étude approfondie. Mais en toute hypothèse, le dispositif tel qu'il est aujourd'hui engagé pour l'ensemble des collectivités françaises d'outre-mer les fait clairement échapper à la définition donnée par l'OCDE des paradis fiscaux et montre d'une manière non ambiguë à la communauté internationale l'existence d'une volonté commune de lutter avec la plus extrême fermeté contre tous les risques de dérive.
Pour toutes ces raisons, le groupe UMP se félicite de constater que les collectivités d'outre-mer, lorsqu'elles sont mises en mesure d'exercer une réelle autonomie, y compris dans le domaine très sensible de la fiscalité, exercent pleinement leurs responsabilités et travaillent main dans la main avec l'État pour faire prévaloir des règles et des pratiques financières plus conformes à la morale internationale.
Ainsi donc, nous démontrons qu'accorder l'autonomie aux collectivités d'outre-mer et déterminer avec elles, par convention, les règles d'une coopération entre les services administratifs, ce n'est pas renoncer à faire prévaloir la loi, c'est au contraire permettre l'émergence d'un droit qui, parce qu'il correspond aux réalités locales, est mieux compris et mieux défendu, tant par les autorités locales que par la population elle-même.
C'est grâce à l'engagement des autorités locales que cette évolution est possible. C'est grâce à elles que la France sera mieux à même de remplir les engagements qu'elle a pris devant la communauté internationale. Je tiens à en remercier chaleureusement les élus d'outre-mer.
Pour toutes ces raisons, le groupe UMP votera sans réserve le texte qui nous est soumis. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Tout d'abord, je souhaite remercier les députés qui ont participé à ce débat et tous ceux qui sont intervenus à la tribune, montrant ainsi l'intérêt qu'ils portent à nos outre-mer.
Même si M. Diefenbacher a, pour partie, répondu aux interrogations de M. Dosière et de M. Brard, je voudrais souligner que selon les quatre critères de l'OCDE – il est très important de le rappeler –, Saint-Barthélemy et Saint-Martin ne sont pas des paradis fiscaux.
En outre, comme vient de le dire M. Diefenbacher, dérogations en matière fiscale ne signifie pas organisation de fraude fiscale.
Si Saint-Barthélemy n'a pas d'imposition directe, c'est parce qu'elle dispose des droits de port qui sont suffisants pour répondre aux besoins de la population. À ma connaissance, ce ne sont pas les classes moyennes qui acquittent ces droits de port. Une imposition directe n'est donc pas nécessaire. La convention fiscale ne se justifie donc pas dans la mesure où il n'y a pas d'imposition directe. Avec une convention fiscale, on prendrait le risque de créer des doubles exonérations, c'est-à-dire d'empêcher l'État d'imposer des revenus sur lesquels Saint-Barthélemy ne prélève aucun impôt. Il est très important de le souligner.
Pour ce qui est de Saint-Martin, il est certain que le fait que l'île soit partagée entre la France et les Pays-Bas pose la question de l'harmonisation de la fiscalité. Le statut de Sint-Maarten s'approche de celui d'un PTOM tandis que Saint-Martin est une région ultra-périphérique. Cette situation rend nécessaire un accord. C'est la raison pour laquelle nous appuyons, avec les autorités néerlandaises, l'idée d'un accord transfrontalier en matière de coopération policière mais aussi en matière fiscale, sachant que Sint-Maarten s'est engagé auprès de l'OCDE à améliorer la transparence et à mettre en place des échanges, notamment en matière de renseignements fiscaux. Tout cela va dans le bon sens même si nous devons être particulièrement prudents s'agissant de la situation actuelle.
Je crois qu'il faut faire confiance à ces territoires. L'autonomie peut être une chance, d'autant qu'elle permet de prendre en compte le nécessaire processus d'adaptation prévu dans la Constitution. C'est tout le sens de l'article 74. Faisons confiance aux hommes et aux femmes qui vivent sur ces territoires. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
J'appelle maintenant les articles de la proposition de loi organique dans le texte de la commission.
Les quatre articles de cette proposition ne faisant l'objet d'aucun amendement, je vais les mettre aux voix successivement.
Dans les explications de vote, la parole est à M. Bernard Lesterlin, pour le groupe SRC.
Je ne reviendrai pas sur l'argumentation développée par nos collègues dans la discussion générale mais, compte tenu du fait que nous avons voté à main levée, nous tenons à ce qu'il soit pris acte de nos positions sur chacun des articles.
Le groupe SRC est tout à fait favorable à la convention qui lie l'État et la collectivité territoriale de Saint-Martin en matière fiscale – article 1er –, à l'accord complémentaire d'assistance administrative avec Saint-Martin – article 2 – et la Polynésie française – article 3. En revanche, s'agissant de l'article 4 relatif à Saint-Barthélemy, les arguments développés par Michel Diefenbacher et par Mme la ministre ne sauraient nous convaincre, pas plus qu'ils n'ont convaincu nos collègues socialistes du Sénat, qui ont voté contre.
Même si l'on peut considérer que les taxes acquittées par les clients du port suffisent à assurer les recettes de la collectivité, nous pensons qu'il est nécessaire que Saint-Barthélemy, qui fait partie de la République française, soit, dans le cadre de l'autonomie que lui confère l'article 74, lié à l'État par une convention fiscale. C'est la raison pour laquelle nous avons voté contre l'article 4.
En conséquence, le groupe SRC s'abstiendra lors du vote sur l'ensemble du texte.
Madame la présidente, madame la ministre, nous venons d'avoir un débat fort intéressant.
M. Diefenbacher est un homme d'expérience, qui connaît l'appareil d'État et l'administration préfectorale. Il sait toutes les turpitudes auxquelles ses collègues qui ont exercé leurs fonctions là-bas ont été confrontés. Je vois d'ailleurs que vous opinez du chef, cher collègue. Je pourrais vous citer quelques-uns de vos collègues qui m'ont raconté comment se passaient les choses.
Quant à vous, madame la ministre, si je ne fais pas erreur, il me semble bien que vous êtes de la région Guadeloupe. Tout ce qui se dit, vous le savez donc parfaitement.
Avant les modifications de statut qu'ont connues ces territoires, il existait déjà des anomalies invraisemblables. Voulez-vous que je vous raconte comment se déroulait l'envoi d'avertissements fiscaux aux habitants de Saint-Martin ? Envoyés sous enveloppe à en-tête du ministère des finances, ils revenaient à l'expéditeur avec la mention « N'habite pas à l'adresse indiquée » alors qu'envoyés dans une enveloppe sans en-tête, ils parvenaient à leurs destinataires. Voulez-vous encore que je vous explique la forme d'apartheid très habile qui existe à Saint-Barthélemy, territoire – paraît-il – de la République française ?
Le nouveau statut de ces territoires aggrave tout cela. Ces conventions vous donnent bonne conscience au même titre que les classements de l'OCDE qui, vous le savez bien, a blanchi les listes sans réduire significativement le nombre de paradis fiscaux.
Il y a un problème fondamental qui se pose pour ces collectivités, qu'il serait injuste de comparer aux autres territoires d'outre-mer. En votant cette proposition de loi, on ferme d'une certaine manière les yeux sur une réalité que tous connaissent, en particulier ceux qui exercent des responsabilités et qui feignent de ne rien voir car, en fin de compte, l'omerta qui règne, et à l'abri de laquelle se développent des pratiques parfaitement inadmissibles, les arrange.
Je ne veux pas le faire aujourd'hui, à moins que vous me le demandiez explicitement, mais je pourrais citer le nom des familles qui exercent le pouvoir dans ces deux territoires. Je vois que vous tremblez déjà que je le fasse, madame la ministre.
Nous voterons donc contre ce texte.
Madame la présidente, je n'avais pas l'intention d'intervenir mais M. Brard m'y a en quelque sorte invité.
Je voudrais insister sur deux points.
Le premier concerne les turpitudes. M. Brard a fait allusion à mon passé administratif. J'ai servi, comme vous le savez peut-être, en Polynésie mais également en Guadeloupe. Par conséquent, je connais bien les Îles du Nord. Que ces turpitudes aient existé, on ne peut le nier.
De même qu'elles existent un peu partout, y compris sur le territoire métropolitain.
Nul n'est plus attaché que moi à la départementalisation qui constitue, dans l'ensemble, un remarquable succès. Mais je crois qu'il fallait bien reconnaître que dans les Îles du Nord, elle ne convenait pas. Nous y avions les pires difficultés à appliquer les législations d'État. Par conséquent – je pensais l'avoir expliqué très clairement tout à l'heure –, une sorte d'abîme était en train de se créer entre le pays légal et le pays réel, ce qui est toujours une situation très dangereuse.
Je suis convaincu, de mon côté, que le choix fait par le Gouvernement d'accorder une large autonomie à ces deux îles aura des conséquences positives.
Premièrement, cela conduira à impliquer directement les élus et la population locale dans la mise au point d'une législation et d'une réglementation qui correspondent aux besoins du territoire et qui lui soient adaptées.
Deuxièmement, cela incitera les autorités locales à contrôler elles-mêmes la mise en oeuvre des règles qui auront été adaptées localement.
Ce dispositif légal, assorti des conventions que nous sommes sur le point d'approuver, permettra aux services fiscaux de fonctionner dans des conditions infiniment meilleures et plus efficaces que par le passé.
Il s'agit par conséquent d'un progrès très important.
Le fait que le Gouvernement ait voulu durcir les règles prévues par l'OCDE, et que les autorités locales l'aient accepté, montre bien qu'il existe une volonté commune de maîtriser cette situation.
J'en viens à mon deuxième point, auquel l'intervention de M. Lesterlin m'a amené. J'estime que cet ostracisme à l'encontre de Saint-Barthélemy a quelque chose d'odieux. Il faut savoir que cette île a été pendant longtemps, et jusqu'à une époque récente, l'île la plus pauvre de toute la Caraïbe. Pourquoi ? Parce que faute d'eau, il n'y avait pas d'agriculture et qu'aucune population n'était attirée.
Face à cette situation, qui a imaginé le développement de l'île et réalisé les investissements nécessaires ? Les Saint-Barths eux-mêmes. Il faut bien reconnaître que dans cette oeuvre immense, ils n'ont été aidés à l'origine ni par l'État ni par la Guadeloupe. Ce sont eux qui ont conçu ce développement touristique et qui l'ont mené à bien avec une intelligence que je trouve absolument remarquable.
Aujourd'hui, que viennent-ils nous dire ? Qu'ils désirent gérer la richesse qu'ils ont eux-mêmes créée et qu'en contrepartie, ils ne demandent pas d'intervention financière à l'État.
C'est le sens même de l'autonomie selon l'article 74. Nous sommes dans un système parfaitement logique. Encore faut-il en assurer la moralisation, comme nous le disions avec notre collègue Dosière. C'est ce que prévoit cette convention d'assistance administrative.
Sur ce point, je suis en désaccord total avec mon collègue Bernard Lesterlin avec lequel j'ai eu pourtant de nombreuses occasions de travailler dans le passé. En matière d'autonomie comme en matière de décentralisation, donner et retenir ne vaut. Si l'on donne à un territoire une autonomie, il faut le laisser fixer ses règles. Que les règles soient différentes d'un territoire à l'autre, c'est dans la logique même de l'autonomie.
Pour toutes ces raisons, nous voterons sans réserve la présente proposition de loi. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Je mets aux voix l'ensemble de la proposition de loi organique.
(L'ensemble de la proposition de loi organique est adopté.)
Prochaine séance, ce soir, à vingt et une heures trente :
Débat sur l'actualité de l'« espace Schengen ».
La séance est levée.
(La séance est levée à dix-neuf heures quarante.)
Le Directeur du service du compte rendu de la séance de l'Assemblée nationale,
Claude Azéma