Consultez notre étude 2010 — 2011 sur les sanctions relatives à la présence des députés !

Séance en hémicycle du 24 janvier 2012 à 15h00

Résumé de la séance

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Sommaire

La séance

Source

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quinze heures.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

(Mmes et MM. les députés et les membres du Gouvernement se lèvent.) Aux familles et aux camarades des quatre soldats français qui ont trouvé la mort, j'adresse, en votre nom, les condoléances de la représentation nationale. Je rends également hommage, au nom de l'Assemblée nationale, à la mémoire de tous les militaires français tombés en Afghanistan.

Ces pertes tragiques illustrent le courage de ces hommes dans l'accomplissement de leur devoir et témoignent de la difficulté et du danger de la mission qui leur a été confiée pour défendre la liberté.

Je vous invite à marquer notre émotion en observant une minute de silence. (Mmes et MM. les députés et les membres du Gouvernement observent une minute de silence.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à M. Patrick Lebreton, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.

Debut de section - PermalienPhoto de Patrick Lebreton

Monsieur le Premier ministre, dimanche dernier, à moins de trois mois de la présidentielle, le Président de la République a présenté ses derniers voeux aux Français d'outre-mer. En fait de voeux, les ultramarins ont davantage assisté à l'énième discours d'un candidat masqué plutôt que d'un président qui les respecte (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC. – Protestations sur les bancs du groupe UMP), d'un président qui a été celui de la dégradation des outre-mer français, du largage des populations les plus défavorisées de la République. (Nouvelles Protestations sur les bancs du groupe UMP.)

En cinq ans, un milliard d'euros a été détourné des économies d'outre-mer : un milliard ! Les seuls chiffres à la hausse sont ceux du chômage, qui ont explosé : plus 37 %, et même plus 49 % chez les jeunes ! Aucun levier de développement économique n'a été défini et encore moins soutenu. Les états généraux de l'outre-mer ont été une farce. Le CIOM est une coquille vide, une tromperie. Avec un bilan aussi effroyable, le Président de la République aurait dû faire preuve de retenue dans son discours de Cayenne, mais il a préféré nous insulter, une fois de plus (Vives protestations sur les bancs du groupe UMP), présentant les ultramarins comme des « drogués à la subvention » ! (Même mouvement..)

Mais, monsieur le Premier ministre, les véritables drogués à la subvention sont les plus riches de ce pays ! Ce sont eux, les assistés de votre politique ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC. – Protestations sur les bancs du groupe UMP.) Vous leur avez donné 75 milliards d'euros de cadeaux fiscaux, 1,8 milliard de réduction d'impôt sur la fortune et 3 milliards d'euros de subvention grâce au bouclier fiscal depuis 2007 ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Dimanche, j'ai entendu un homme, au Bourget, parler à la nation (Vives exclamations sur les bancs du groupe UMP) et dire cette phrase : « La solidarité, c'est aider les territoires les plus démunis. » (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.) Je vous demande d'entendre cette phrase, à défaut de vouloir la comprendre ! (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe SRC. – Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

Je vous remercie, mes chers collègues, de rester attentifs et modérés !

La parole est à M. le ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration.

Debut de section - PermalienClaude Guéant, ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration

Monsieur le député, contrairement à ce que vous voulez faire croire, le gouvernement de François Fillon met en oeuvre une politique ambitieuse et volontariste en faveur des outre-mer. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP. – Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

Debut de section - PermalienClaude Guéant, ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration

J'en citerai deux illustrations. Premièrement, en dépit des difficultés que nous connaissons, les crédits budgétaires en faveur de l'outre-mer ont augmenté de 2007 à 2012, et sont passés de 12,3 à 13,4 milliards d'euros.

Debut de section - PermalienClaude Guéant, ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration

Quant au Conseil interministériel de l'outre-mer, il a déjà pris 137 mesures, dont 90 % sont déjà appliquées ou le seront à court terme.

Le Président de la République a adressé, dimanche dernier, ses voeux à nos compatriotes d'outre-mer depuis Cayenne. Il a redit ce qu'était la relation de la France avec nos compatriotes de l'outre-mer : une relation de solidarité et une relation de confiance. Confiance dans la capacité des outre-mer, parce qu'ils sont divers, à choisir dans la Constitution de la République les modalités les mieux adaptées à leur gouvernance.

Debut de section - PermalienClaude Guéant, ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration

C'est ainsi que le Gouvernement de la République accompagne, par exemple, la Guyane et la Martinique vers la création d'une collectivité unique. Confiance aussi dans la capacité de nos compatriotes d'outre-mer à valoriser leurs atouts. C'est une grande différence, c'est vrai, avec le parti socialiste ! À Cayenne, M. Hollande a dénoncé notre volonté d'un développement endogène. Le développement endogène n'est ni plus ni moins que la confiance dans les intelligences et dans le talent de nos compatriotes d'outre-mer. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP. – Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienClaude Guéant, ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration

Il a aussi réaffirmé que l'outre-mer faisait partie de la France comme si cela n'allait pas de soi, mais il est vrai aussi que le parti socialiste a quelque chose à se faire pardonner à cet égard. Il n'y a pas si longtemps, en effet, l'outre-mer était au chapitre international du programme du parti socialiste. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP. – Protestations sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à M. Jacques Remiller, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Remiller

Monsieur le président, mes chers collègues, ma question s'adresse à M. le Premier ministre, et j'y associe mes collègues Georges Colombier, aujourd'hui à Bruxelles, et Alain Moyne-Bressand, député de l'Isère.

Monsieur le Premier ministre, vendredi dernier, la France a perdu quatre de ses fils, ce qui porte à quatre-vingt-deux le nombre de soldats morts en Afghanistan. Trois d'entre eux faisaient partie du 93e régiment de montagne de Varces en Isère, dont nous sommes les députés, le quatrième servait dans le 2e régiment étranger de génie de Saint-Christol, dans le département de Vaucluse. Ils ont été lâchement mitraillés par un soldat afghan alors que, sans armes ni protection, ils faisaient leur jogging dans la province de Kapisa.

Ces décès tragiques pour leurs familles, pour notre armée, pour notre patrie, ne sont pas vains. Ces héros sont morts pour la paix et la liberté, au service de la France, et la nation tout entière s'incline devant eux, comme nous venons de le faire.

D'autres jeunes soldats ont été, hélas, gravement blessés dans le même attentat, et douze d'entre eux ont été rapatriés dès samedi.

Pouvez-vous nous dire ce que la nation reconnaissante met en oeuvre pour soutenir les familles et camarades de nos soldats décédés, ainsi que pour nos blessés ? (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC, et sur de nombreux bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienFrançois Fillon, Premier ministre

Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, l'assassinat qui a coûté la vie à quatre de nos soldats et qui en a blessé quatorze autres est d'abord un choc pour leurs familles, pour nos armées et pour la nation tout entière.

Notre devoir, c'est de respecter l'honneur de ces hommes qui sont tombés ou qui ont été blessés pour notre sécurité. C'est ensuite d'agir avec sang-froid, parce que nos adversaires misent sur notre fébrilité.

Le Président de la République présidera demain une cérémonie nationale d'hommage, qui aura lieu à Varces, au 93e régiment d'artillerie de montagne.

Pour nos soldats en Afghanistan, nous avons immédiatement pris les mesures qui s'imposaient, d'abord en suspendant les activités de formation aux côtés de l'armée afghane, ensuite en dépêchant le ministre de la défense, Gérard Longuet, ainsi que le chef d'état-major des armées, afin qu'ils évaluent les conditions de sécurité de nos soldats. Le Président de la République annoncera les conclusions qu'il tire de cette évaluation, après les avoir partagées avec le Président Karzaï, qui sera en France vendredi.

Mesdames, messieurs les députés, même si l'acte d'un individu infiltré ne doit pas conduire à remettre en cause l'intégrité de l'ensemble de l'armée afghane, nous ne pouvons pas accepter que des militaires français soient tués par des soldats qu'ils sont venus former et soutenir dans leur combat au service du peuple afghan.

Dans le même temps, aucun doute n'est permis sur la volonté de la France d'accomplir sa mission, en coordination avec les quarante-sept autres pays qui forment la force internationale d'assistance et de sécurité. Cette mission n'est pas terminée.

Depuis le début, la France et ses partenaires poursuivent deux objectifs, qui sont en fait liés : combattre le foyer terroriste qui s'était créé en Afghanistan à la faveur du règne des talibans, et recréer en Afghanistan les conditions de stabilité nécessaires pour permettre aux Afghans de vivre en paix et d'assumer eux-mêmes leur sécurité.

C'est ainsi que nous avons pu transférer l'an dernier aux forces afghanes la responsabilité de la sécurité dans plusieurs régions, y compris le district de Surobi, l'une des deux zones de déploiement des forces françaises. Nous allons procéder à ce transfert dans l'autre région qui est sous notre responsabilité, la Kapisa, dès que les conditions le permettront.

Dans ce contexte, nous avons élaboré un plan de retrait des troupes françaises, qui s'est déjà traduit par le départ de 400 militaires à la fin de l'année dernière. Ce plan se poursuivra cette année, comme nous l'avons annoncé, avec le retour d'environ 600 militaires supplémentaires.

Tout doit être fait dans l'ordre et en étroite concertation avec nos partenaires, mais, nul ne doit s'y tromper, la volonté de servir de nos combattants est intacte. Ce dont ils ont besoin aujourd'hui, c'est de l'hommage de la nation, du soutien des Français et de l'assurance que leur mission est remplie. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC, et sur de nombreux bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à M. André Gerin, pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine.

Debut de section - PermalienPhoto de André Gerin

Monsieur le président, mes chers collègues, ma question s'adresse au Premier ministre.

Tout le monde semble se rallier à la nécessité de produire français, ce que les communistes défendent depuis longtemps, mais comment s'y prendre si nous ne voulons pas que ce soit seulement du vent électoral ?

Lejaby est aujourd'hui vendu à 1 euro symbolique à un fonds de pension qui impose la dictature du moindre coût dans une concurrence déloyale. C'est inacceptable.

Autre exemple d'une production française menacée, le PVC produit par le groupe Arkema, que l'on veut abandonner à un fonds de pension américain, Klesch, implanté en Suisse et en Angleterre. On nous dit que c'est un grand industriel de l'aluminium et du raffinage. Or tout cela est faux. En 2007, ce groupe a racheté pour un prix dérisoire une usine d'aluminium performante, ZALCO, en Hollande. Aujourd'hui, cette fonderie est fermée. Cela s'appelle plutôt un démolisseur industriel.

Monsieur le Premier ministre, j'ai trois propositions à vous faire, dans un esprit républicain (« Très bien ! » sur plusieurs bancs du groupe UMP), mais je voudrais d'abord vous montrer un produit PVC made in France produit à Arkema.

Voici mes propositions : premièrement, obtenir d'Arkema, dirigé par M. Thierry Le Hénaff, la suspension du projet de cession du PVC ; deuxièmement,…

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

Je crois, monsieur Gerin, que M. le ministre de l'industrie a bien compris votre question.

La parole est à M. le ministre chargé de l'industrie, de l'énergie et de l'économie numérique.

Debut de section - PermalienÉric Besson, ministre chargé de l'industrie, de l'énergie et de l'économie numérique

En matière industrielle, monsieur Gerin, si l'on avait un regard objectif, on devrait voir que la situation actuelle présente à la fois des forces et des faiblesses. (« Assis, monsieur Gerin ! » sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

Vous avez parlé de plusieurs restructurations. Disons aussi que, pour la première fois depuis vingt-cinq ans, notre pays a cessé de détruire de l'emploi industriel et que nous venons même d'en créer légèrement. (Exclamations sur les bancs du groupe GDR et sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

Plusieurs députés du groupe UMP. Assis, monsieur Gerin !

Debut de section - PermalienÉric Besson, ministre chargé de l'industrie, de l'énergie et de l'économie numérique

Un certain nombre de politiques – suppression de la taxe professionnelle, triplement du crédit d'impôt recherche, pôles de compétitivité, fonds stratégique d'investissement, investissement d'avenir – sont en train de porter leurs fruits, mais l'innovation, vous le savez, n'est pas une tige sur laquelle vous pouvez tirer pour qu'elle pousse plus vite.

Pour ce qui concerne Lejaby, c'est le tribunal de commerce qui a tranché et qui a décidé de donner la société au groupe qui protégeait le plus les emplois. Nous allons nous mobiliser sur Yssingeaux pour engager une réindustrialisation.

Pour ce qui concerne Arkema, auquel vous êtes attaché, c'est effectivement le groupe Klesch qui va racheter les activités vinyliques. C'est un groupe familial américain, qui a des titres de noblesse dans un certain nombre de secteurs,…

Plusieurs députés du groupe UMP. Assis !

Debut de section - PermalienÉric Besson, ministre chargé de l'industrie, de l'énergie et de l'économie numérique

…qui va investir dans ces activités, complémentaires de ce qu'il fait actuellement…

Plusieurs députés du groupe GDR. Non !

Debut de section - PermalienÉric Besson, ministre chargé de l'industrie, de l'énergie et de l'économie numérique

…et qui s'est engagé à conserver des contrats de travail pour l'ancienneté et la rémunération.

Debut de section - PermalienÉric Besson, ministre chargé de l'industrie, de l'énergie et de l'économie numérique

Le Gouvernement sera extrêmement vigilant. Le secteur de la chimie est un secteur clé qui emploie 170 000 personnes. C'est la raison pour laquelle nous avons mobilisé tous les moyens que je viens d'évoquer. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à M. Michel Hunault, pour le groupe Nouveau Centre.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Hunault

Monsieur le ministre de la défense, ma question concerne la mort de nos soldats tués en Afghanistan.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

Monsieur Gerin, vous n'avez plus la parole. Je vous adresse un rappel à l'ordre, qui sera, si vous ne vous rasseyez pas, inscrit au procès-verbal. Vous aurez un entretien avec M. le ministre à la fin de la séance.

Plusieurs députés du groupe UMP. Assis, Gerin !

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Hunault

Au nom de mes collègues du groupe Nouveau Centre, je voudrais à mon tour exprimer notre solidarité envers les familles endeuillées, qui étaient réunies il y a quelques heures aux Invalides.

Plusieurs députés du groupe UMP. Assis, Gerin !

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Hunault

Nous sommes tous, dans cet hémicycle, dépositaires, depuis la récente réforme constitutionnelle, de la responsabilité partagée de l'envoi de troupes en Afghanistan. Comme M. le Premier ministre vient de le rappeler, il nous appartiendra, sous l'autorité du Président de la République, de fixer le calendrier et les conditions du retrait de nos soldats, de prendre la décision adéquate en concertation avec les États membres de la coalition.

Au nom de mes collègues, je souhaite, monsieur le ministre, vous interroger sur les mesures prises afin de garantir la sécurité de nos soldats sur le terrain ainsi que sur les moyens qu'entend mettre en oeuvre la communauté internationale, la France au premier chef, pour aider les forces afghanes à assurer seules leur défense et leur sécurité.

Debut de section - PermalienPhoto de André Gerin

Le ministre est un voyou ! (Protestations sur les bancs du groupe UMP.)

Plusieurs députés du groupe UMP. Assis !

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Hunault

Cette question est suffisamment grave et je crois qu'elle méritait un peu plus d'attention ! (Applaudissements sur les bancs des groupes NC et UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

Monsieur Gerin, si vous ne regagnez pas votre place, le rappel à l'ordre sera inscrit au procès-verbal, avec les sanctions qui s'ensuivent. Et si vous continuez, vous serez expulsé.

Debut de section - PermalienPhoto de André Gerin

Je n'accepte pas la réponse du ministre ! (M. Gerin veut se diriger vers le banc du Gouvernement ; il en est empêché par les huissiers. M. le président rappelle M. Gerin à l'ordre avec inscription au procès-verbal.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à M. le ministre de la défense et des anciens combattants.

Debut de section - PermalienGérard Longuet, ministre de la défense et des anciens combattants

Cher Michel Hunault, à l'image de la totalité des membres de la commission de la défense nationale, vous êtes attentif à l'engagement de nos forces en Afghanistan. Je vous remercie de poser cette question, à laquelle je vais m'efforcer de répondre clairement.

Nos troupes sont en Afghanistan pour qu'émerge une armée afghane. C'est le rôle de plus de cinq cents de nos militaires qui forment les officiers et sous-officiers, dont cent cinquante gendarmes. Une fraction importante de ces militaires sont engagés dans la vie quotidienne aux côtés des forces afghanes dispersées sur le territoire dont nous avons la charge. Ils vivent en confiance avec ces soldats, et il n'y a pas eu pour eux à ce jour d'incident, car ils appliquent des mesures de sécurité extrêmes.

Les 2 500 combattants qui, en Kapisa et en Surobi, ont eu la satisfaction, ces dix-huit derniers mois, de voir les forces afghanes passer de 1 000 à 3 000 hommes et assurer la responsabilité du combat, nos soldats s'engageant à apporter un soutien, ont aujourd'hui la certitude que l'« afghanisation » est une réalité, dont ils sont responsables par la formation qu'ils ont assurée et les liens de confiance qu'ils ont su nouer.

J'ajoute que des mesures strictes de sécurité nous ont mis à l'abri de tout incident avec les personnels civils, et que nous allons demander au président Karzaï que les officiers et sous-officiers que nous avons formés soient à la disposition de la troisième brigade, celle, justement, avec laquelle nous coopérons sur le terrain. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à M. Laurent Fabius, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.

Debut de section - PermalienPhoto de Laurent Fabius

Monsieur le Premier ministre, à plusieurs reprises, et encore tout à l'heure, nous avons abordé dans cette assemblée les questions relatives à l'Afghanistan. Nous l'avons fait, les uns et les autres, dans un esprit de responsabilité et en rendant hommage – je veux le faire de nouveau aujourd'hui – au courage, et même à l'abnégation, de l'ensemble de nos soldats présents là-bas.

En 2001, nous avons décidé d'un commun accord qu'il y avait lieu d'intervenir. L'Amérique était attaquée sur son sol, la nécessaire légitime défense était caractérisée. Des hommes ont donc été envoyés, avec un objectif : lutter contre Al-Qaïda en Afghanistan.

En 2007 et 2008, les choses ont changé. Le président Sarkozy a décidé d'envoyer un nombre important de troupes supplémentaires, à la demande du président Bush, et l'on peut dire que les objectifs fixés étaient beaucoup moins précis. Un certain nombre d'avancées ont eu lieu mais, en même temps, de nombreuses difficultés sont apparues.

Aujourd'hui, chacun comprend qu'il n'y a pas de solution militaire en Afghanistan. Le choix du Gouvernement, qui a annoncé le départ de nos troupes, mais à petits pas, est le plus difficile pour nos soldats.

Le président Karzaï vient dans quelques jours à Paris. Nous vous demandons de tirer toutes les conséquences de la situation en Afghanistan, après plus de dix ans de présence militaire, et de prendre les dispositions nécessaires pour qu'à la fin de l'année 2012, et non pas en 2014 (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe UMP), il n'y ait plus de troupes françaises dans ce pays. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC et sur quelques banc du groupe GDR.)

Un député du groupe UMP. Que dit François Hollande là-dessus ?

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à M. le ministre d'État, ministre des affaires étrangères et européennes.

Debut de section - PermalienAlain Juppé

Monsieur le Premier ministre, vous avez rappelé dans quelles conditions la France s'est engagée en Afghanistan, il y a maintenant dix ans. Notre stratégie dans ce pays est cohérente ; nous l'avons définie à nouveau en novembre 2010, avec nos alliés, dans le cadre du sommet de l'OTAN. Elle s'articule autour de trois axes.

Le premier objectif, c'est le transfert progressif à l'armée afghane de la responsabilité d'assurer la sécurité du peuple afghan. Ce processus est en marche : nous aurons retiré 400 hommes depuis l'année dernière et un millier à la fin de cette année. Le Premier ministre vient de rappeler la réflexion qui est en cours pour savoir quelles conséquences nous allons tirer du récent assassinat de nos soldats, assassinat qui a été l'occasion, à l'ouverture de cette séance, d'un moment d'unité nationale dans votre assemblée.

Le deuxième objectif est d'aider l'Afghanistan à se développer. Nous avons déjà beaucoup fait en ce sens, et ce sera l'objet du traité d'amitié et de coopération que le Président de la République signera vendredi avec le président Karzaï.

Enfin, le troisième objectif est d'appuyer la réconciliation nationale entre Afghans et d'assurer un système de sécurité collective autour de l'Afghanistan.

Voilà ce que nous faisons là-bas, avec des objectifs très clairs : défendre nos intérêts – c'est la lutte contre le terrorisme – et défendre nos valeurs, c'est-à-dire aider le peuple afghan à affirmer sa liberté et à conquérir la démocratie.

Debut de section - PermalienAlain Juppé

Cela étant dit, je crois qu'il ne convient pas de céder à la panique. Il ne faut pas confondre retrait ordonné et retraite précipitée. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.) Quand j'entends parler de retrait immédiat ou à la fin de 2012, je ne suis pas sûr que cela ait été mûrement réfléchi et étudié. Il y a d'abord des conditions militaires à respecter, pour la sécurité même de nos soldats. (Mêmes mouvements.) C'est la ligne que la France s'est fixée ; c'est notre honneur et notre responsabilité ! (Mêmes mouvements.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à M. Jean-Marc Roubaud, pour le groupe de l'Union pour un mouvement. populaire

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marc Roubaud

Ma question s'adresse à M. Xavier Bertrand, ministre du travail, de l'emploi et de la santé.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marc Roubaud

Monsieur le ministre, la période électorale dans laquelle nous sommes se prête, et c'est bien normal, à un certain nombre de propositions, pour certaines sérieuses, pour d'autres plus ou moins farfelues. C'est ainsi que, sur la question des retraites, le parti socialiste n'est pas à un revirement près : il y a quelques semaines à peine, le candidat Hollande proposait de pouvoir partir à la retraite à soixante ans à condition d'avoir commencé à travailler à dix-huit ans et d'avoir cotisé à taux plein. Dimanche dernier – patatras ! –, il propose que l'on puisse partir à soixante ans, mais à condition d'avoir cotisé quarante et un ans. Ainsi, sans compter les mesures d'âge, il propose de diminuer immédiatement la durée de cotisation de six mois, ce qui compromettrait le paiement des retraites de nos concitoyens. De plus, cela aurait un coût : il l'estime de 4 à 5 milliards d'euros par an à l'horizon 2017. Ce chiffrage vous semble-t-il raisonnable, monsieur le ministre ? Une telle décision vous paraît-elle compatible avec l'état actuel des finances publiques de la France ?

Je pense très sérieusement que le candidat socialiste fait preuve de beaucoup d'irresponsabilité (Exclamations sur les bancs du groupe SRC), car, ce qui est en jeu, c'est le paiement de la retraite de nos concitoyens. Monsieur le ministre, pouvez-vous donc nous dire ce qu'il en est exactement ? (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Lefait

Votre réforme des retraites n'est pas financée !

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à M. le ministre du travail, de l'emploi et de la santé.

Debut de section - PermalienXavier Bertrand, ministre du travail, de l'emploi et de la santé

Monsieur le député, les socialistes auraient bien aimé que l'événement que vous avez évoqué passe inaperçu (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe SRC), mais les propos que François Hollande a tenus dimanche soir nous amènent à nous poser une question : a-t-il, une fois de plus, changé d'avis sur le dossier des retraites ou s'est-il trompé ? S'il a changé d'avis, il faut qu'il s'en explique ; s'il s'est trompé, il faut qu'il se corrige. (Protestations sur de nombreux bancs du groupe SRC.) Dimanche soir, il a dit que tous ceux et toutes celles qui ont cotisé quarante et un ans pourraient partir à soixante ans, ajoutant que cela ne coûterait que 4 à 5 milliards d'euros par an en 2017. Ce que je vais répondre est facile à vérifier : en 2017, ce ne sont pas 4 à 5 milliards d'euros qui manqueraient dans les caisses des régimes de retraite, mais 17 milliards d'euros ! Voilà la vérité ! (Protestations sur les bancs du groupe SRC.)

Non seulement François Hollande veut revenir sur la réforme de 2010 portée par Éric Woerth, mais aussi sur une partie de la réforme de 2003 portée par François Fillon, parce que, aujourd'hui, il faut le savoir, la durée de cotisation pour la classe née en 1952, c'est déjà quarante et un ans et demi. Si l'on ajoute à l'irresponsabilité, l'incapacité à maîtriser des dossiers comme celui-ci, je le dis : c'est d'une inconséquence sans pareil.

Si, comme le propose François Hollande, on revient sur la réforme, il manquera en cumulé, entre 2011 et 2018, 81 milliards d'euros dans les caisses des régimes de retraite ! (Rires et exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Il faut donc bien savoir ce qui est proposé. Les chiffres sont vérifiables. Est-ce là proposer une autre réforme des retraites ? Jamais le parti socialiste n'a eu le courage de porter une réforme des retraites. (Mêmes mouvements.) Un Livre blanc, peut-être ; une réforme, jamais ! Des socialistes courageux, il y en a en Allemagne, en Espagne, mais pas en France ! (Protestations sur les bancs du groupe SRC.) Quand il s'agit d'augmenter les cotisations, les socialistes français sont champions, mais nous, nous mettons en oeuvre les réformes courageuses ! (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC. – Vives exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à M. Jean-Pierre Brard, pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Brard

Monsieur le Premier ministre, votre ministre a omis de préciser que l'origine de toutes ces difficultés, c'est que vous avez vidé les caisses. En effet, vous et le Président de la République aimez faire des cadeaux. La preuve : en 2010, les quarante plus grandes sociétés cotées à paris, celles du CAC 40, ont réalisé un bénéfice de 83 milliards d'euros, et 86 milliards en 2011. Comment cela se peut-il ? C'est rendu possible par l'allégement des prélèvements, en particulier des cotisations sociales, et par la mise en cause des services publics. Dans le même temps, votre politique, c'est 4,2 millions de chômeurs, la pauvreté et la misère qui s'étendent (Exclamations sur les bancs du groupe UMP), la souffrance qui touche des dizaines de millions de Français et la gêne dans des millions de familles des couches moyennes.

Mais, comme cela ne suffit pas, vous préparez un nouveau cadeau, et vous décidez de créer ce que vous appelez la TVA sociale pour le financer. Cette TVA sociale est une arnaque.

Un député du groupe UMP. C'est faux !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Brard

Je vais donner deux exemples pour les Français qui nous regardent : Martine D., qui habite Bagnolet, dans la cité des Malassis, et qui travaille à la chaîne à l'usine PSA d'Aulnay où elle gagne 1 253 euros par mois, aura 37 euros de TVA à payer en plus ; Habib M., qui habite Montreuil et touche une retraite de 873 euros, va perdre du pouvoir d'achat à hauteur de 26 euros.

Monsieur le Premier ministre, assez de cadeaux pour les privilégiés. Pensez à ceux qui travaillent et à ceux qui ont travaillé : cessez de les ponctionner, renoncez à la TVA sociale qui va augmenter le chômage et appauvrir davantage les Français ! Vous avez la parole. (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR et sur de nombreux bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à Mme la ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'État, porte-parole du Gouvernement.

Debut de section - PermalienValérie Pecresse, ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'état, porte-parole du Gouvernement

Monsieur Jean-Pierre Brard, ce que vous venez de dire est totalement faux (Vives exclamations sur les bancs du groupe GDR et sur de nombreux bancs du groupe SRC) puisque le Président n'a pas encore fait connaître sa réforme du financement de la protection sociale. (Mêmes mouvements.) Si vous êtes honnête, vous devez donc reconnaître que tous les chiffres que vous venez de citer sont faux, mensongers, inexacts, et que vous avez parlé à partir de conjectures et de présupposés idéologiques. (Exclamations sur les bancs du groupe GDR.)

Je vais vous dire quelle est la vision du Gouvernement : il considère que la première des injustices,…

Debut de section - PermalienValérie Pecresse, ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'état, porte-parole du Gouvernement

…c'est le chômage. C'est d'ailleurs la première préoccupation des Français. Monsieur Brard, considérez-vous juste que l'essentiel des dépenses de solidarité soit financé par les salaires, c'est-à-dire par l'emploi ? Trouvez-vous juste que les produits importés des pays à bas coûts de production et qui n'ont pas du tout la même protection sociale que nous ne soient pas taxés ? Nous, nous ne trouvons cela ni juste ni efficace. Nous voulons produire en France, éviter que les usines se délocalisent pour produire à l'étranger et faire revenir ainsi les produits aujourd'hui détaxés. À cet effet, nous allons baisser le coût du travail pour pouvoir baisser le coût des produits français, exporter et créer de l'emploi en France.

Debut de section - PermalienValérie Pecresse, ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'état, porte-parole du Gouvernement

Les Français seront les bénéficiaires de cette réforme. Voilà ce que nous ferons et que le Président de la République annoncera ce week-end. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP et sur quelques bancs du groupe NC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à M. Christophe Sirugue, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et. divers gauche

Debut de section - PermalienPhoto de Christophe Sirugue

Monsieur Sarkozy devait être le président du pouvoir d'achat : échec. Il devait être le président de l'emploi : échec. Il devait être le président de la croissance ; échec. Il devait être le président de la baisse des prélèvements : échec. Mais il restera assurément le président des injustices fiscales, sociales et économiques. Comme si cela ne suffisait pas, voilà qu'il suggère la mise en place d'une TVA sociale, ajoutant encore de l'injustice à l'injustice.

À vous qui n'avez de cesse de démolir les propositions de François Hollande (Exclamations sur les bancs du groupe UMP) faute de pouvoir défendre les vôtres et votre candidat, et qui en êtes finalement réduits à employer des petits mots aussi dérisoires que grotesques, y compris ceux de M. le Premier ministre sur les aspects « criminels » – j'insiste sur le qualificatif – des propositions de François Hollande, je veux dire combien cela traduit un état de panique. (Même mouvement.)

Vous avez conscience que les Français savent que vous êtes à l'origine de ces injustices, qu'ils ont envie de changer car ils ne veulent pas se voir imposer cette TVA « sociale » que vous n'avez même pas le courage de porter dans votre programme présidentiel et que vous voulez leur infliger en la faisant endosser par la majorité finissante de cette assemblée.

Vous attaquez les pauvres, les classes moyennes et les familles, mais jamais vous n'attaquez celles et ceux à qui vous avez fait des cadeaux pendant tout ce mandant.

Madame Pécresse, vous disiez à l'instant qu'il fallait attendre les annonces du Président de la République. Il serait temps que vous informiez la représentation nationale et donc tous les Français. Quand interviendra cette nouvelle hausse des prélèvements demandés aux Français ? Quel sera le montant de cette hausse qui amputera une nouvelle fois leur pouvoir d'achat ?(Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à Mme la ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'État, porte-parole du Gouvernement.

Debut de section - PermalienValérie Pecresse, ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'état, porte-parole du Gouvernement

Monsieur le député, alors que la finance est l'ennemi absolu de certains, c'est le chômage qui est le nôtre. (Vives exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marcel Rogemont

Avec des ennemis comme vous, il n'a pas besoin d'amis !

Debut de section - PermalienValérie Pecresse, ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'état, porte-parole du Gouvernement

Pour lutter contre le chômage,…

Plusieurs députés du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche. Dix ans !

Debut de section - PermalienValérie Pecresse, ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'état, porte-parole du Gouvernement

…nous n'allons pas augmenter les impôts, contrairement à ce que vous faites croire. Nous allons changer le mode de financement de notre protection sociale.

Nous allons déplacer des charges qui pèsent actuellement sur le travail et l'emploi vers d'autres types d'impôts (Exclamations continues sur les bancs du groupe SRC), tels ceux qui frappent les produits importés en franchise de taxes depuis des pays à bas coûts qui pratiquent le dumping social. C'est cela, la justice ! C'est cela, lutter contre le chômage !

Vous êtes allé plus loin, monsieur Sirugue, en remettant en question le bilan de ce Gouvernement.

Plusieurs députés du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche. Zéro !

Debut de section - PermalienValérie Pecresse, ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'état, porte-parole du Gouvernement

Moi, je vous le dis : le bilan de ce Gouvernement, c'est le bilan du courage, de la réforme et des engagements tenus. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Et je vous le prouve ! Nous avions promis de protéger le pouvoir d'achat des Français pendant la crise. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienValérie Pecresse, ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'état, porte-parole du Gouvernement

Malgré la crise la plus dure que la France ait connue, le pouvoir d'achat des Français a augmenté de 4 %, c'est l'INSEE qui le dit. (Brouhaha sur les bancs du groupe SRC.)

Nous avons protégé les plus fragiles : nous avons augmenté le minimum vieillesse de 25 % ; nous avons revalorisé de 25 % l'allocation adulte handicapé ; nous avons revalorisé le travail de 9 millions de Français qui font des heures supplémentaires et qui touchent 450 euros de plus par an.

Debut de section - PermalienValérie Pecresse, ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'état, porte-parole du Gouvernement

Oui, nous avons tenu nos engagements, y compris en matière de réduction des déficits, réduction que vous n'êtes pas en mesure de poursuive. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à M. Jean-Claude Bouchet, pour le groupe de l'Union pour un mouvement. populaire

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Bouchet

Ma question s'adresse à M. le ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration.

Monsieur le ministre, les Français constatent au quotidien la montée du communautarisme et s'en inquiètent. Les évolutions du monde arabo-musulman renforcent encore leurs craintes. Dans ces conditions, il faut, sans réserve, lutter contre l'islamisme et ses revendications qui nous éloignent de la République et de notre héritage commun.

C'est ce que fait le Gouvernement avec le soutien de cette majorité. C'est notre majorité – et elle seule – qui a mis fin au voile intégral dans la République. Il était intolérable que l'on bafoue des principes fondamentaux de la République comme la laïcité et l'égalité entre les hommes et les femmes.

C'est ce que fait le Gouvernement en engageant une procédure d'expulsion contre un imam qui prône la polygamie, les violences faites aux femmes, l'antisémitisme ou encore la haine de l'Occident.

C'est ce que fait aussi le Gouvernement en engageant la procédure de dissolution du groupe islamiste Forsane Alizza, ou « Les cavaliers de la fierté », qui veut établir rien moins que le califat en France et faire ainsi prévaloir la loi islamique sur les lois de la République.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Bouchet

Monsieur le ministre, les Français attendent du Gouvernement qu'il protège les valeurs de la République, qu'il défende nos traditions face aux extrémistes, qu'il soit d'une sévérité absolue à l'encontre des communautarismes islamistes.

Monsieur le ministre, pouvez-vous rappeler la position du Gouvernement en la matière ? (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à M. le ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration.

Debut de section - PermalienClaude Guéant, ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration

Vous avez raison, monsieur le député, il faut être d'une vigilance de tous les instants à l'égard des communautarismes, car ceux-ci représentent un risque considérable pour notre République et la cohésion de notre société : le risque que des communautés vivent en marge de nos lois, avec leurs règles qui ne sont pas les nôtres.

C'est pourquoi le Gouvernement met en oeuvre une politique d'immigration dont les flux sont régulés…

Debut de section - PermalienClaude Guéant, ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration

…en fonction de notre capacité à intégrer les nouveaux venus dans notre société.

Debut de section - PermalienClaude Guéant, ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration

Le premier devoir d'un Gouvernement est de faire respecter la Constitution et les lois de la République. Il le doit d'autant plus que, en l'espèce, ce sont une fois de plus nos compatriotes musulmans qui souffrent d'amalgames insupportables.

Debut de section - PermalienClaude Guéant, ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration

Depuis le funeste jour du 11 septembre 2001, 146 mesures d'éloignement d'islamistes ont été prononcées en France, dont 31 concernaient des imams et des prédicateurs. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

Quand nous apprenons qu'un imam prône que les femmes adultères doivent être fouettées jusqu'à la mort, nous estimons qu'il n'a pas sa place dans notre société et nous prenons une mesure d'expulsion. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Quand nous apprenons qu'une association de fait veut installer en France la charia et entraîne des groupes de combat, nous estimons que cette association ne doit pas avoir pignon sur rue dans notre société et c'est pour cela que nous entreprenons une procédure de dissolution. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienClaude Guéant, ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration

Soyez-en sûr, monsieur le député, nous resterons vigilants. Il n'y a place en France ni pour l'islamisme ni pour les communautarismes. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à M. Alain Vidalies, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Vidalies

Madame Pécresse, je pense que le million de chômeurs supplémentaires et leurs familles seront heureux de d'apprendre aujourd'hui que le chômage est le principal ennemi de ce Gouvernement !

Debut de section - PermalienValérie Pecresse, ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'état, porte-parole du Gouvernement

Eh oui !

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Vidalies

On n'ose imaginer ce qui se serait passé si ce n'avait pas été le cas… (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Ma question s'adresse à M. le Premier ministre. Dans une tribune du 29 août 2007, M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des affaires sociales, écrivait : « Le Gouvernement se trompe : pour réduire le poids des cotisations sociales sur le coût du travail, l'augmentation de la TVA est une mauvaise solution. C'est une illusion de croire que la hausse de la TVA sera sans impact sur les prix à la consommation. De plus, de nombreuses études en France et à l'étranger montrent que les gains de croissance et d'emploi liés à une baisse des cotisations patronales sont très limités à court terme et négatifs à moyen terme ». (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

Aujourd'hui, le Président sortant persiste à vouloir imposer ce troisième plan de rigueur en frappant le pouvoir d'achat des Français et d'abord des plus modestes et des classes moyennes. Un troisième plan d'austérité qui viendrait s'ajouter à la taxe sur les mutuelles, à la hausse du gaz, de l'électricité, de l'essence, à la précédente hausse de la TVA qui a déjà ponctionné 2 milliards sur les consommateurs.

Porter la TVA à 22, 23 ou 24 %, c'est une faute sociale et une erreur économique.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Vidalies

Ce sera moins de pouvoir d'achat pour les Français, moins d'activité pour les entreprises et, en définitive, plus de déficit pour les finances publiques.

Nicolas Sarkozy se trompe d'analyse et de solutions. Dans l'industrie manufacturière, le coût horaire du travail est de 33,16 euros en France et de 33,37 euros en Allemagne. La productivité des salariés français est supérieure. En revanche, l'impôt sur le revenu représente 9,6 % du PIB allemand et seulement 2,6 % en France – 7,2 % avec la CSG.

Voilà pourquoi François Hollande propose une réforme fiscale…

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Vidalies

…qui redonnera du pouvoir d'achat aux classes populaire et moyenne, une réforme juste, celle que les Français choisiront le 22 avril et le 6 mai. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC. – Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

Mes chers collègues, calmez-vous un peu, car l'image que nous donnons n'est vraiment pas valorisante. (Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

La parole est à M. Xavier Bertrand, ministre du travail, de l'emploi et de la santé.

Debut de section - PermalienXavier Bertrand, ministre du travail, de l'emploi et de la santé

Monsieur Vidalies, lorsque vous parlez de l'emploi et du pouvoir d'achat, s'agit-il, pour vous, d'un oral de rattrapage ? (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Dimanche, au Bourget, il n'a été question ni de l'emploi ni du pouvoir d'achat. (Mêmes mouvements.) Votre priorité à vous, dimanche, c'était la nomination du président de France Télévisions – les Français apprécieront. Votre priorité, c'était le non-cumul des mandats – les Français apprécieront. Votre priorité, c'est le droit de vote des étrangers aux élections locales : ce n'est pas notre position, les Français apprécieront.

Debut de section - PermalienXavier Bertrand, ministre du travail, de l'emploi et de la santé

Aujourd'hui, vous nous parlez de l'emploi et du pouvoir d'achat, alors que vos amis socialistes, dans les régions, ont matraqué fiscalement les Français : vous ne manquez pas de toupet ! (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC. – Vives protestations sur les bancs du groupe SRC.)

Vous parlez des classes moyennes : nous l'avons compris, la cible fiscale de François Hollande et des socialistes, ce sont les classes moyennes. Vous parlez de fusionner la CSG et l'impôt sur le revenu, mais qui va en faire les frais ? Les classes moyennes ! (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienXavier Bertrand, ministre du travail, de l'emploi et de la santé

Vous parlez du prix du gaz et de l'électricité. S'ils sont fixés en fonction des revenus des consommateurs, qui va en faire les frais ? Les classes moyennes ! (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Vous avez oublié de le dire dans votre intervention. Vous parlez de la suppression du quotient familial : qui va en faire les frais ? Les classes moyennes !

Parler de l'emploi, quand on est, aux côtés de M. Emmanuelli, élu d'un département – les Landes – qui compte près de 16 000 demandeurs d'emplois et où vous n'avez proposé que trente-trois contrats aidés pour sortir les Landais du chômage ! Oui, vous ne manquez pas de toupet ! (Très vives protestations sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Henri Emmanuelli

Monsieur le président, j'ai été mis en cause !

Debut de section - PermalienXavier Bertrand, ministre du travail, de l'emploi et de la santé

Vous soutenez un candidat qui est à la tête de la Corrèze, un département parmi les plus dépensiers,… (Protestations continues sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienXavier Bertrand, ministre du travail, de l'emploi et de la santé

…les plus endettés, l'un de ceux qui connaît la plus forte progression du chômage. Alors, je suis désolé, les leçons des socialistes, gardez-les pour vous, balayez devant votre porte ! (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC. – Vives protestations sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

Mes chers collègues – et cela s'adresse également aux membres du Gouvernement –, je vous demande de la mesure et de l'équilibre dans vos propos : il faut que l'on puisse se parler simplement et directement.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à M. Alain Marty, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Marty

Monsieur le président, mes chers collègues, ma question s'adresse à M. le ministre de l'intérieur, ministre de l'outre mer, des collectivités territoriales et de l'immigration, et je la poserai avec mesure.

Le candidat socialiste à l'élection présidentielle a déclaré dimanche dernier au Bourget qu'« il inscrirait la loi de 1905 – celle qui sépare l'Église et l'État – dans la Constitution ». Il y a sûrement là une manière d'exprimer à peu de frais un attachement à la laïcité.

Le candidat socialiste fait souvent des propositions qui ont déjà été réalisées par le Gouvernement. Il oublie que le code de la laïcité, que le Gouvernement a récemment publié, rappelle que le principe de laïcité est déjà de valeur constitutionnelle.

L'article 1er de notre Constitution dispose que « la France est une République indivisible, laïque, démocratique et sociale. Elle assure l'égalité devant la loi de tous les citoyens sans distinction d'origine, de race ou de religion. »

Cet attachement subit à la laïcité serait plus convaincant si lui et le parti socialiste avaient voté un texte aussi laïc que l'interdiction du voile dans l'espace public. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Derrière ce projet de constitutionnalisation de la loi de 1905, il y a des interrogations fortes. Le flou et l'approximation ne sauraient être de mise.

Quel sera demain le statut de l'Alsace-Moselle, de son droit local, de l'application du concordat, hérité de notre histoire douloureuse – je rappelle les différentes annexions.

Le candidat socialiste veut-il sortir du concordat comme on sort du nucléaire ? (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Marty

Veut-il supprimer cet héritage républicain comme l'accord Verts-PS veut supprimer le siège de la France à l'ONU ? Les Alsaciens-Mosellans jugeront en heure et en temps.

Monsieur le ministre, pouvez-vous rappeler la position du Gouvernement sur ce sujet ? Les slogans ne suffisent pas, nous attendons des actes ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à M. le ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration.

Plusieurs députés du groupe SRC. Au revoir, Guéant !

Debut de section - PermalienClaude Guéant, ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration

Comme vous, monsieur Marty, je me demande encore pourquoi M. François Hollande propose d'insérer dans la Constitution la loi de 1905.

La Constitution dispose – c'est même son article 1er – que la France est une République laïque et la loi de 1905 a été reconnue par le Conseil constitutionnel comme ayant valeur constitutionnelle.

Y aurait-il des intentions cachées ? Celle, par exemple, de mettre un terme au concordat auquel sont attachés nos compatriotes alsaciens et mosellans ? Celle, peut-être, de donner à la laïcité une nouvelle définition que celle qui figure dans la loi de 1905 ? Car, après tout, nous pouvons entendre sur les bancs de gauche de cette assemblée des conceptions qui sont parfaitement contradictoires avec celles exprimées par la loi de 1905, des conceptions antireligieuses. (Protestations sur les bancs du groupe SRC.) Au contraire, la loi de 1905 protège les cultes et le dit de façon tout à fait expresse.

Si c'est pour s'en tenir aux textes qui sont en vigueur, je ne vois vraiment pas pourquoi les introduire dans la Constitution de la République.

Les textes en vigueur, je l'affirme, permettent de faire vivre la laïcité. Il ne suffit pas d'affirmer des principes, encore faut-il leur donner du contenu. Ces textes ont permis par exemple à notre majorité d'interdire le port du voile à l'école. Ces textes ont permis – mais les socialistes n'ont pas souhaité participer au vote – d'interdire le port de la burqa sur la voie publique. Ces textes ont permis – et c'est l'honneur de ce Gouvernement de l'avoir fait – d'interdire les prières dans les rues. Certains, sur les bancs de cette assemblée, appartenant au parti socialiste, estimaient que ces prières dans les rues ne gênaient personne (Vives protestations sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienClaude Guéant, ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration

Le Gouvernement, lui, dit que ça gêne la laïcité ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à M. Jean-Marc Ayrault, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marc Ayrault

Monsieur le président, je n'avais pas prévu d'intervenir, mais je remercie ma collègue Sandrine Mazetier de m'avoir laissé la parole, car je voulais dire que le discours de François Hollande, dimanche dernier, a été un succès. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC. – Exclamations sur les bancs du groupe UMP) que vous en êtes réduits à la caricature et à transformer cette séance de questions au Gouvernement : ce n'est plus une séance de questions aux ministres en exercice et en responsabilité qui ont des comptes à rendre au Parlement, mais une séance de démolition et de caricature d'un programme dont vous avez peur, car il intéresse les Français et prépare le changement dont notre pays a besoin !(Mmes et MM. les députés du groupe SRC se lèvent et applaudissent longuement. – Vives exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Vous pouvez toujours essayer de caricaturer, d'insulter, de blesser, mais vous ne pourrez pas résister.

Plusieurs députés du groupe UMP. La question !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marc Ayrault

Le temps va vite et vous, mesdames et messieurs les députés de l'UMP, vous devriez dire au contraire qu'il est bon que la France rappelle avec solennité qu'elle est une République laïque et qu'elle veut inscrire dans la Constitution le titre premier de la loi de 1905 qui rappelle la séparation des Églises et de l'État, exception faite de l'Alsace-Moselle. Voilà la proposition de François Hollande ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC. – Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) N'essayez pas de tromper les Français !

Quant au reste, je suis obligé de vous dire que vous avez un triste bilan. Vous en êtes tellement malades que vous êtes angoissés à l'idée de ce que le Gouvernement va vous imposer de voter, c'est-à-dire, avec l'augmentation de la TVA, une nouvelle baisse du pouvoir d'achat des classes populaires et des classes moyennes. (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Nous vous souhaitons bon courage, mesdames et messieurs les députés de l'UMP, pour aller, avec votre tract ridicule, dire : « Voilà notre bilan ! » Car votre bilan, c'est 10 % de chômeurs, 70 milliards de déficit du commerce extérieur, c'est une France abaissée, une France affaiblie que nous, avec François Hollande, nous voulons redresser. (Mmes et MM. les députés du groupe SRC se lèvent et applaudissent longuement. – Huées sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienFrançois Fillon, Premier ministre

Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, en entendant que Jean-Marc Ayrault voulait poser une question, j'imaginais qu'il allait réclamer, à la veille de l'élection présidentielle, un débat démocratique et apaisé, et j'aurais été prêt à lui tendre la main et à le suivre. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Mais, pour que nous ayons un débat démocratique et apaisé, encore faudrait-il respecter quelques principes simples.

Le premier de ces principes, c'est dire la vérité et ne pas nier les réalités qui sont celles de l'économie française, de la société et de la crise que nous traversons. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP. – Nouvelles exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Quand Valérie Pécresse indique, chiffres de l'INSEE à l'appui, que le pouvoir d'achat des Français a progressé, vous devriez vous en réjouir plutôt que de le nier !

Quel est l'apport d'un discours politique qui consiste depuis quatre ans à décrire toutes les actions du Gouvernement et de la majorité comme des actions négatives pour le pays, à nier l'ensemble des initiatives qui ont été prises, à refuser de reconnaître ce que nous avons fait pour l'université, la recherche, la modernisation du dialogue social, la mise en place du service minimum, du revenu de solidarité active et à nier les succès européens que nous avons remportés ? (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Bien sûr, nous avons des divergences ; bien sûr, vous êtes fondés à défendre votre programme. Mais, pour ma part, je suis triste de voir la manière dont vous abaissez en permanence notre pays : vous ne vous rendez pas plus service que vous ne rendez service à la France ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Votre conception du débat politique, monsieur Ayrault, c'est que vous avez le droit de critiquer toutes les actions du Gouvernement, mais que le Gouvernement et la majorité, eux, n'ont pas le droit de dire que le candidat socialiste a fait, dimanche, un discours d'illusion ; il a posé, notamment avec la question des retraites – que Xavier Bertrand a eu raison de pointer tout à l'heure – une imprécision qui dure dans la présentation de son projet et qui est préoccupante pour le fonctionnement de notre démocratie.

Vous voulez un débat démocratique et apaisé, vous voulez moderniser notre pays : chiche ! changeons de ton et faisons-le ensemble en respectant la vérité ! (Mmes et MM. les députés du groupe UMP se lèvent et applaudissent longuement. – Protestations sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à M. Jean-Pierre Door, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Door

Ma question s'adresse à M. le ministre du travail, de l'emploi et de la santé.

On le sait, la mise en place des 35 heures a eu des conséquences dévastatrices pour l'économie française (Exclamations sur les bancs du groupe SRC)…

Debut de section - PermalienPhoto de Roland Muzeau

Au bout de dix ans, vous pourriez changer de disque !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Door

…et pour un certain nombre d'institutions, en particulier l'hôpital. À cause de Mme Aubry, nos hôpitaux ont connu un véritable bazar et une désorganisation sans pareille, d'autant qu'ils sont tenus de rester ouverts vingt-quatre heures sur vingt-quatre et 365 jours par an.

Les RTT accumulées par les médecins hospitaliers ont atteint une telle importance qu'il est véritablement impossible de les poser. Il y a plus de 2 millions de journées de RTT accumulées depuis 2002. (« Ça fait dix ans ! » sur plusieurs bancs du groupe SRC.) Le coût estimé est loin d'être négligeable puisqu'on évoque même 600 millions d'euros.

Hier, monsieur le ministre, vous vous êtes employé à endiguer ces conséquences et vous avez signé, semble-t-il, un accord-cadre visant à régler la question des journées de RTT accumulées par ces praticiens.

Aussi, afin de garantir le bon fonctionnement de notre système de soins et pour trouver une issue à cet épineux dossier, pouvez-vous nous dire quelles mesures sont prévues dans cet accord ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et sur plusieurs bancs du groupe NC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à M. le ministre du travail, de l'emploi et de la santé. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Mes chers collègues, je vous en prie ! Nous écoutons la réponse de M. le ministre.

Debut de section - PermalienXavier Bertrand, ministre du travail, de l'emploi et de la santé

Il n'y a pas qu'à l'hôpital que l'on paie chèrement la facture des 35 heures ! (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienXavier Bertrand, ministre du travail, de l'emploi et de la santé

Il est vrai que notre économie a failli complètement sombrer (Nouvelles exclamations sur les bancs du groupe SRC), mais à l'hôpital il eut été intelligent, à l'époque, de se dire qu'appliquer uniformément les 35 heures dans un établissement ouvert 365 jours sur 365 et vingt-quatre heures sur vingt-quatre, cela entraînait une facture.

Un accord conclu en 2002 indiquait que, pendant dix ans, il y aurait des règles. Nous sommes au bout de ces dix ans et c'est à nous d'assumer nos responsabilités. Alors, nous le faisons. Nous réparons, d'une certaine façon, les erreurs des autres. (Nouvelles exclamations sur les bancs du groupe SRC.) C'est notre responsabilité.

J'ai lu dans la presse des chiffres faramineux – 460 millions600 millions –, j'ai lu aussi que nous étions en train de faire un cadeau. Je vous le dis, les hospitaliers ne demandent pas de cadeau.

Debut de section - PermalienXavier Bertrand, ministre du travail, de l'emploi et de la santé

Les hospitaliers demandent simplement que les heures qu'ils ont pu faire leur soient, soit payées, soit récupérées, soit portées sur leur retraite. C'est exactement ce que nous avons fait.

Certains disent qu'il s'agit de 600 millions. Si vous voulez être proches de la réalité, divisez ce chiffre par deux, ensuite, divisez-le par cinq années ! Car, les fois précédentes, tous les hospitaliers n'ont pas demandé à se faire payer les heures. Ils ont, pour certains, souhaité les récupérer et les placer sur un compte épargne-temps pour la retraite et la retraite complémentaire. Ce sont les termes de l'accord signé hier par sept syndicats de praticiens hospitaliers.

Debut de section - PermalienXavier Bertrand, ministre du travail, de l'emploi et de la santé

C'est du jamais vu et je veux souligner leur esprit de responsabilité.

Pour le reste, quand je vois certains socialistes poser la question des moyens, franchement, je me dis qu'il faut ne pas manquer de toupet ! Mais, en ce qui concerne les hospitaliers, ces budgets sont déjà prévus. Il faut savoir que les dépenses de personnel, au sein de l'ONDAM hospitalier, c'est 50 milliards d'euros par an. Les sommes sont donc bien budgétées. Il n'y aura pas de déficit supplémentaire des hôpitaux,…

Debut de section - PermalienXavier Bertrand, ministre du travail, de l'emploi et de la santé

…il n'y aura pas de déficit supplémentaire pour le budget de l'État et le budget de la sécurité sociale. La différence, c'est que nous, nous savons pratiquer le dialogue social (Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR) et que nous faisons preuve d'esprit de responsabilité, comme les hospitaliers ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et sur plusieurs bancs du groupe NC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à Mme Sandrine Mazetier, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.

Debut de section - PermalienPhoto de Sandrine Mazetier

Monsieur le Premier ministre, il arrive aux membres de votre gouvernement et de votre majorité de dire des choses justes. (« Ah ! » sur les bancs du groupe UMP.) Ainsi, il y a un an, M. Copé écrivait à propos de la TVA sociale qu'« elle éroderait le pouvoir d'achat des Français, à commencer par celui des retraités ». C'est juste. Ainsi, M. Baroin se déclarait lui aussi contre la TVA sociale, en disant : « Qui peut imaginer qu'une augmentation de cinq points de la TVA n'aurait pas des conséquences dramatiques sur notre activité économique ? » C'est juste.

Ma question est donc : que vous ont fait, depuis un an, les ouvriers, les employés, les chômeurs, les retraités, pour que vous vous acharniez sur leur pouvoir d'achat avec une telle brutalité ? Que vous ont fait les catégories populaires et les classes moyennes pour que, après avoir augmenté en décembre la TVA sur les services à la personne, sur les transports publics, sur le logement social, vous envisagiez froidement de l'augmenter encore, dans quelques semaines, sur toute la consommation ?

Monsieur le Premier ministre, aujourd'hui, une femme retraitée ne touche en moyenne, dans ce pays, que 1 102 euros par mois. Sachez-le, sa vie est déjà dure. Ne savez-vous pas qu'elle renonce déjà à se soigner, à se chauffer, à acheter de la viande ?

Sachez-le encore, monsieur le Premier ministre, aujourd'hui, pour un couple gagnant deux SMIC et ayant deux enfants, traverser un centre commercial est devenu un supplice, parce qu'il faut sans arrêt refuser à ces enfants des gâteaux, un jeu, un tour de manège. C'est ça, la vie des Français !

Avec la TVA Sarkozy, avec la TVA sociale, chaque jour, tout coûtera plus cher, 5 % plus cher. À quoi devront encore renoncer les retraités, les chômeurs, les salariés, les familles ? Poser cette question, ce n'est pas criminel,…

Debut de section - PermalienPhoto de Sandrine Mazetier

…pas plus qu'il n'est criminel de désigner l'adversaire. Ce qui est criminel,…(Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à Mme la ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'État, porte-parole du Gouvernement.

Debut de section - PermalienValérie Pecresse, ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'état, porte-parole du Gouvernement

Madame la députée, ce n'est pas en répétant des mensonges qu'ils deviennent des vérités. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienValérie Pecresse, ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'état, porte-parole du Gouvernement

Vous venez de dire que la TVA augmenterait de 5 %. Qu'en savez-vous, madame Mazetier ? Où avez-vous lu cela ? Vous l'avez inventé ! Vous l'avez inventé pour faire peur aux Français.

Voyez plutôt ce qui s'est passé au Danemark ou en Allemagne. Quel est le taux de chômage en Allemagne, madame Mazetier ? Quel est son taux de croissance ? Combien exporte-t-elle ? Est-ce que l'économie allemande va mieux, est-ce qu'elle va moins bien ? Est-ce que la TVA sociale est une bonne réforme ? Oui, c'est une bonne réforme. C'est une TVA anti-délocalisations. Et si vous regardez l'exemple allemand, vous verrez que ce transfert de charges sociales du coût du travail sur la TVA ne s'est pas traduit par une hausse des prix. Non, madame Mazetier, la réforme allemande ne s'est pas traduite par une hausse des prix. Elle s'est traduite, en revanche, par une hausse des exportations allemandes, par une hausse de l'emploi en Allemagne. Et l'emploi, madame Mazetier, c'est la clé du pouvoir d'achat.

Mais ce mot « emploi », vous ne l'utilisez pas, parce que l'économie, cela ne vous intéresse pas. Ce qui vous intéresse, c'est la dépense publique. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Ce qui vous intéresse, c'est de démolir notre modèle social. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

TVA sociale

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à seize heures, est reprise à seize heures vingt-cinq, sous la présidence de M. Louis Giscard d'Estaing.)

Debut de section - PermalienPhoto de Louis Giscard d'Estaing

La Conférence des présidents, réunie ce matin, a arrêté, pour la semaine du 13 février 2012, les propositions d'ordre du jour suivantes :

Le lundi 13 février, soir :

Proposition de loi relative aux Français rapatriés.

Le mardi 14 février, après-midi et soir :

CMP sur la proposition de loi relative à l'exploitation numérique des livres indisponibles du xxe siècle ;

Nouvelle lecture du projet de loi relatif à l'exécution des peines ;

Deuxième lecture de la proposition de loi portant diverses dispositions d'ordre cynégétique.

Le mercredi 15 février, après-midi et soir :

Sous réserve de leur dépôt, deux projets de loi de ratification de traités européens ;

Proposition de loi sur l'enfance délaissée et l'adoption.

Il n'y a pas d'opposition ?...

Il en est ainsi décidé.

Debut de section - PermalienPhoto de Louis Giscard d'Estaing

J'informe l'Assemblée que M. le président du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche a fait opposition à la discussion selon la procédure d'examen simplifiée du projet de loi autorisant l'approbation d'un accord entre la France et l'Inde en matière nucléaire, inscrit à l'ordre du jour du jeudi 9 février (4021).

Debut de section - PermalienPhoto de Louis Giscard d'Estaing

L'ordre du jour appelle les explications de vote et le vote, par scrutin public, sur l'ensemble du projet de loi organique portant application de l'article 68 de la Constitution (nos 3071, 3948).

Debut de section - PermalienPhoto de Louis Giscard d'Estaing

Dans les explications de vote, la parole est à M. Patrice Calméjane, pour le groupe UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Patrice Calméjane

Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, comme j'ai eu l'occasion de le dire lors du débat sur ce texte la semaine dernière, l'article 68 de notre Constitution prévoit, depuis la révision constitutionnelle du 23 février 2007, une nouvelle procédure de destitution du chef de l'État.

Le chef de l'État continuera de bénéficier d'un régime protecteur, parce qu'il est le représentant de la nation et qu'il participe directement à l'exercice de la souveraineté. Il doit pouvoir pleinement exercer le mandat dont il est investi.

Cependant, le constituant a souhaité assortir ce régime protecteur d'un dispositif de sauvegarde, qui permet la mise en cause de la responsabilité du Président de la République dans l'hypothèse absolument exceptionnelle où il aurait manqué à ses devoirs de manière tellement grave et manifeste qu'il se rendrait, par là même, indigne de poursuivre l'exercice du mandat que lui a confié le peuple français.

La principale innovation apportée par la loi constitutionnelle du 23 février 2007 est la suppression de la Haute Cour de justice, remplacée par la Haute Cour ; c'est désormais au Parlement seul, constitué en Haute Cour, que l'article 68 confie le pouvoir de mettre en oeuvre la procédure de destitution.

La procédure retenue est totalement parlementaire, et ne présente plus aucun caractère juridictionnel. Contrairement au dispositif antérieur, les parlementaires ne sont pas des juges politiques, mais des représentants prenant une décision politique, afin de préserver les intérêts supérieurs de la nation.

La mise en cause du Président devra faire l'objet d'un accord de la majorité des deux tiers des membres de chaque assemblée. Après quoi, la décision du Parlement réuni en Haute Cour interviendra dans le mois suivant, à nouveau à la majorité des deux tiers de ses membres, à l'issue d'un vote à bulletins secrets.

Le projet de loi organique que nous nous apprêtons à voter permet de préciser la procédure applicable, qui se devait de respecter l'équilibre et l'indépendance des institutions. L'examen du texte par la commission des lois et les modifications qu'elle y a apportées ont permis de prendre en compte les exigences particulières liées au statut du Président de la République, mais également de laisser la procédure suivre efficacement son cours, en n'étant ni lancée à des fins partisanes, ni bloquée par la volonté d'une majorité politique.

Ainsi, à l'initiative de Jean-Jacques Urvoas, nous avons institué une limite supplémentaire à la mise en cause du chef de l'État en prévoyant qu'un député ou un sénateur ne peut être signataire de plus d'une proposition de résolution tendant à la réunion de la Haute Cour au cours d'un même mandat présidentiel.

Dans le même temps, nous avons décidé de supprimer le mécanisme de filtrage initialement prévu, qui consistait en une appréciation par la commission des lois du « caractère sérieux » de la proposition de résolution tendant à réunir la Haute Cour. Nous l'avons remplacé par un simple contrôle de la recevabilité de la proposition de résolution confié au Bureau de l'assemblée devant laquelle la proposition de résolution a été déposée. Le Bureau présente en effet l'avantage d'offrir une composition politique pluraliste.

Au final, nous ne pouvons que nous satisfaire de l'équilibre qu'apportera ce projet de loi. La nouvelle procédure de destitution qu'instaurera son adoption ne permettra la mise en cause du chef de l'État par la représentation nationale que dans des circonstances exceptionnelles. Mais, dans le même temps, des garanties d'efficacité, de pluralisme et de transparence sont également apportées. Le groupe UMP votera donc ce texte sans réserve. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Urvoas

Le statut pénal du Président de la République est, depuis 2007, organisé par deux articles de la Constitution.

L'article 67 élève une muraille totalement étanche entre le Président de la république et l'autorité judiciaire. Il n'a ainsi à répondre de rien pendant la durée de son mandat. Dès lors, dans notre pays, le premier responsable politique est aussi le premier irresponsable juridique.

L'article 68, dont il est question aujourd'hui, pose un principe applicable au Président : destituer plutôt que juger. Ainsi, l'expression soit trop restrictive, soit trop large de « haute trahison » a été remplacée par celle, imprécise mais plus pertinente, de « manquement incompatible avec l'exercice de son mandat ».

En cela, la procédure de destitution imaginée constitue non pas une condamnation de l'homme ou de la femme, mais une mesure de protection de la fonction dont la dignité a été mise en cause. Une faute non pénale du chef de l'État pourra donc aboutir à une sanction purement politique : la destitution. Le Président pourra en quelque sorte faire appel en se présentant devant la nation, puisque la procédure laisse le dernier mot au suffrage universel.

Il y a cinq ans, lors du Congrès tenu à Versailles le 19 février 2007, notre groupe s'était abstenu. En effet, si nous approuvions le contenu de l'article 68 et le mécanisme de la destitution, nous étions hostiles à l'immunité absolue qu'instaure l'article 67.

Ce président Janus est en réalité comme la chauve-souris de la fable qui parle aux deux belettes : « Voyez mes pouvoirs, je suis capitaine ; voyez ma responsabilité, je suis arbitre, neutre et inviolable. » (Sourires.) C'est un président qui gouverne et qui est, en même temps, irresponsable.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Urvoas

Aujourd'hui encore, nous voulons réaffirmer que le Président de la République doit répondre pénalement des actes détachables de sa fonction devant les juridictions de droit commun. Naturellement, demain, comme il l'a annoncé, François Hollande proposera de modifier la Constitution en ce sens.

Le texte sur lequel nous allons nous prononcer avait pour unique fonction de préciser les conditions d'application de l'article 68. La tâche était d'autant moins difficile que la Constitution est très précise et que la commission présidée par Pierre Avril avait, en 2002, articulé des propositions à cette fin.

Ainsi, les conditions de délai pour l'engagement de la procédure, les modalités de fonctionnement de la Haute Cour et même les précisions sur les votes figurent dans le texte constitutionnel. Le chemin s'annonçait donc a priori sans embûche. Mais c'était compter sans l'imagination du Gouvernement, jamais prise en défaut lorsqu'il s'agit de rogner les pouvoirs du Parlement.

Ainsi, la version du texte déposée devant notre assemblée le 22 décembre 2010 contenait-elle une facétie provocatrice. Elle prévoyait un droit de vetode la commission des lois, c'est-à-dire concrètement de donner le pouvoir à la majorité du moment de s'opposer à toute démarche non validée par l'exécutif. Une fois de plus – cela aura été une constante dans cette législature –, derrière de prétendues avancées en faveur du Parlement, ce gouvernement tentait de saisir une occasion pour resserrer son étreinte. Nous nous félicitons d'avoir été pour une fois entendus et que notre rapporteur se soit opposé à cette disposition.

Sur les autres modalités, le contenu du texte recoupe à peu de choses près celui que nos collègues du Sénat, sur la proposition de François Patriat, ont adopté le 18 novembre dernier. Nous n'avons qu'un doute : la recevabilité confiée au Bureau ne doit pas être un contrôle de l'opportunité. L'accessoire qui nous est proposé et les modalités d'engagement d'une procédure ne peuvent masquer l'insupportable statut d'« injusticiabilité » du Président de la République. Nous sommes donc contraints de nous abstenir sur ce texte. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC. – Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Louis Giscard d'Estaing

Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.

La parole est à M. Michel Hunault, pour le groupe Nouveau Centre.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Hunault

Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, cinq ans après l'adoption de la réforme constitutionnelle modifiant le titre IX de la Constitution, le projet de loi organique soumis à notre examen vient parachever l'ensemble des dispositions adoptées en février 2007.

Contrairement à ce qui est souvent dit, loin d'instaurer l'impunité du Président de la République, cette réforme aura permis de clarifier le statut pénal du chef de l'État. En effet, parce qu'il n'est pas et ne doit pas être un justiciable comme les autres, le chef de l'État doit bénéficier de cette double protection que prévoit la Constitution, assortie néanmoins d'un dispositif de sauvegarde permettant de mettre en cause sa responsabilité en cas de manquement à ses devoirs manifestement incompatible avec l'exercice de son mandat.

Rappelons que, sans revenir sur le statut pénal du chef de l'État, le projet de loi organique vise à mettre en application la procédure de destitution prévue par l'article 68 de notre loi suprême.

En faisant dépendre la procédure de destitution d'une initiative parlementaire, le constituant a clairement fait le choix d'une procédure parlementaire dénuée de tout caractère juridictionnel. De ce fait, il nous appartient d'entourer cette procédure de garanties suffisantes, afin d'éviter qu'elle ne donne lieu à une motion de censure politique, susceptible de mettre à mal l'équilibre de nos institutions.

L'exposé des motifs du présent projet de loi rappelle à ce titre que cette procédure « n'a ni pour objet ni pour effet de conférer à une minorité de parlementaires le droit de contester en toute circonstance ou à des fins partisanes l'action du Président de la République ».

C'est donc dans la droite ligne de ces exigences que le présent projet de loi organique, inspiré du rapport de la commission Avril et enrichi par les travaux de notre commission des lois, a su, selon les députés du groupe Nouveau Centre, instaurer un texte équilibré, fidèle à la volonté des constituants et garant de l'équilibre de nos institutions.

D'abord, la proposition de résolution devra être signée par un dixième des membres de l'assemblée. Ensuite, au stade de l'examen de la proposition de résolution, le rôle de filtrage initialement confié à la commission des lois est remplacé par un contrôle de recevabilité par le Bureau de l'assemblée. Enfin, le projet de loi prévoit des délais de transmission et d'examen de la proposition de résolution.

C'est pourquoi, au nom de mes collègues du groupe Nouveau Centre, je considère que le projet de loi organique met en place un mécanisme équilibré, entouré des garanties nécessaires et fidèle à l'équilibre de nos institutions. Pour ces raisons, nous voterons ce texte. (Applaudissements sur les bancs du groupe NC et sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Dolez

Monsieur le président monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, il aura donc fallu attendre cinq ans pour qu'un texte fixe les conditions de mise en oeuvre de la procédure de destitution du chef de l'État, introduite par la réforme constitutionnelle du 23 février 2007. Le Président sortant aura ainsi bénéficié pendant tout son mandat du volet protecteur de la réforme de 2007, c'est-à-dire l'immunité, sans que soient définies en contrepartie les modalités d'application de la procédure de destitution.

Cette procédure n'aura d'ailleurs, en réalité, qu'une faible portée pratique. Le dispositif proposé requiert en effet une résolution des deux assemblées prise à la majorité des deux tiers, dans les mêmes conditions que le vote du Parlement constitué ultérieurement en Haute Cour, de sorte que celle-ci ne pourra être réunie que lorsque la destitution sera pratiquement acquise. Dans le même esprit, et contrairement, par exemple, au dispositif en vigueur aux États-Unis, la réforme de 2007 a consacré le principe d'irresponsabilité et d'inviolabilité du chef de l'État.

Ce qui est aujourd'hui présenté comme une innovation ne se traduira pas par un rééquilibrage des pouvoirs car la destitution du chef de l'État n'aura aucune chance d'aboutir, non seulement à cause du verrou de la majorité qualifiée et de la lourdeur de la procédure, mais aussi en raison du déséquilibre institutionnel de la Ve République.

La présidentialisation du régime s'est encore accrue ces dernières années avec l'instauration du quinquennat et l'inversion du calendrier électoral. Cette dérive a de graves conséquences, avec l'accentuation du fait majoritaire et le renforcement de la bipolarisation de la vie politique, ce qui creuse encore plus le fossé entre gouvernants et gouvernés.

Dans un régime où la séparation et l'équilibre des pouvoirs sont garantis – comme aux États-Unis –, la procédure de destitution a un sens. Dans nos institutions, elle n'en a aucun. La situation serait évidemment tout à fait différente dans le cadre d'une VIe République fondée sur un véritable régime parlementaire, que les députés du Front de gauche appellent de leurs voeux.

La question du statut pénal du chef de l'État ne soulèverait alors ni le problème du privilège de juridiction, ni celui de l'inviolabilité. Pour les actes sans rapport avec ses fonctions, le Président de la République serait un justiciable comme n'importe quel autre citoyen ; il ne pourrait échapper aux juridictions de droit commun. La réforme de 2007 et ce projet de loi organique vont dans le sens inverse, à l'encontre de la volonté des Français, qui souhaitent que le Président de la République ne soit plus au-dessus des lois.

C'est pour toutes ces raisons que les députés communistes, républicains, citoyens et du parti de gauche voteront contre ce projet de loi organique. (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR.)

Debut de section - PermalienPhoto de Louis Giscard d'Estaing

Nous allons maintenant procéder au scrutin public sur l'ensemble du projet de loi organique.

(Il est procédé au scrutin.)

Debut de section - PermalienPhoto de Louis Giscard d'Estaing

Voici le résultat du scrutin :

Nombre de votants 471

Nombre de suffrages exprimés 326

Majorité absolue 164

Pour l'adoption 294

Contre 32

(Le projet de loi organique est adopté.)

Vote sur l'ensemble

Debut de section - PermalienPhoto de Louis Giscard d'Estaing

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à seize heures quarante-cinq, est reprise à seize heures cinquante.)

Debut de section - PermalienPhoto de Louis Giscard d'Estaing

L'ordre du jour appelle la prestation de serment devant l'Assemblée nationale d'un juge suppléant de la Cour de justice de la République.

Aux termes de l'article 2 de la loi organique sur la Cour de justice de la République, les juges parlementaires « jurent et promettent de bien et fidèlement remplir leurs fonctions, de garder le secret des délibérations et des votes, et de se conduire en tout comme dignes et loyaux magistrats ».

J'invite M. Dominique Raimbourg à bien vouloir se lever et, levant la main droite, à prononcer les mots : « Je le jure ». (M. Dominique Raimbourg se lève et dit : « Je le jure ».)

Acte est donné par l'Assemblée nationale du serment qui vient d'être prêté devant elle. (Applaudissements.)

Debut de section - PermalienPhoto de Louis Giscard d'Estaing

L'ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi de M. Sauveur Gandolfi-Scheit visant à consacrer le droit au rapprochement familial pour les détenus condamnés (nos 2282, 4161).

La parole est à M. Sauveur Gandolfi-Scheit, rapporteur de la commission des loisconstitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République.

Debut de section - PermalienPhoto de Sauveur Gandolfi-Scheit

Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, notre assemblée est saisie d'une proposition de loi que j'ai eu l'honneur de déposer en février 2010 avec de nombreux collègues aujourd'hui présents dans l'hémicycle, ce dont je les remercie. Cette proposition de loi vise à favoriser le rapprochement familial des détenus condamnés.

Il s'agit d'un problème récurrent et bien connu, qui s'est souvent posé, notamment pour les détenus originaires de Corse. Leur incarcération sur le continent, loin de leur domicile, rend beaucoup plus difficile le maintien de liens avec leur famille et leurs proches.

Debut de section - PermalienPhoto de Sauveur Gandolfi-Scheit

Non seulement cela complique leurs futures possibilités de réinsertion, mais en plus cela étend de manière indirecte la sanction pénale aux familles. Or les familles ne sauraient être les victimes de l'incarcération d'un de leurs membres.

Debut de section - PermalienPhoto de Sauveur Gandolfi-Scheit

Ce sont surtout des jeunes en perte de repères qui commettent les erreurs qui les conduisent en prison. Et ce sont ces mêmes familles dans le besoin qui doivent faire face à des dépenses insupportables pour garder une cohésion déjà bien mise en péril.

Cette préoccupation du rapprochement familial est loin d'être spécifique aux territoires insulaires : le maintien des liens familiaux est un enjeu qui concerne l'ensemble des détenus, sur tout le territoire national. Le dernier rapport de l'Observatoire international des prisons sur les conditions de détention en France indique d'ailleurs, à propos des visites des familles, que près d'un visiteur sur deux habite à plus de 100 kilomètres des établissements pour peines concernés.

Pourtant, je rappelle que l'article 8 de la Convention européenne des droits de l'homme garantit le droit au respect de la vie privée et familiale, et que ce droit continue de s'appliquer en cas de privation de liberté.

La proximité du lieu de détention avec le lieu de résidence est également l'un des objectifs fixés par les « règles pénitentiaires européennes » établies dans le cadre du Conseil de l'Europe. Ces règles n'ont certes pas de valeur normative, elles n'en constituent pas moins des lignes directrices que chaque État devrait s'efforcer de suivre. Ainsi, la règle pénitentiaire européenne 17.1 prévoit que « les détenus doivent être répartis autant que possible dans des prisons situées près de leur foyer ou de leur centre de réinsertion sociale ».

Dans le même sens, la Commission nationale consultative des droits de l'homme considère que les décisions d'affectation des condamnés devraient « prioritairement être édictées en considération des exigences de stabilité de leur situation familiale, spécialement s'ils ont des enfants ».

Quant au Contrôleur général des lieux de privation de liberté, il écrivait en 2009 que « le droit à une vie privée et familiale comporte le droit de rester aussi proche que possible des siens ».

Or, malgré toutes ces préconisations, notre droit positif reste notoirement insuffisant pour garantir le maintien des liens familiaux des détenus et, plus précisément, pour favoriser une incarcération dans un lieu proche de la famille de la personne condamnée.

Certes, la loi pénitentiaire du 24 novembre 2009 a permis plusieurs avancées en la matière.

Cette loi consacre notamment les droits de visite des détenus, ainsi que les unités de vie familiale et les parloirs familiaux. Surtout, son article 34 dispose que « les prévenus dont l'instruction est achevée et qui attendent leur comparution devant la juridiction de jugement peuvent bénéficier d'un rapprochement familial jusqu'à leur comparution devant la juridiction de jugement ». Mais cette consécration par le législateur de la notion de « rapprochement familial » ne concerne que les prévenus en attente de jugement, non les détenus condamnés.

Or il n'y a pas lieu de priver les personnes condamnées du bénéfice du rapprochement familial. Pire, la loi pénitentiaire de 2009 peut désormais conduire à des situations pour le moins étranges, dans lesquelles un prévenu serait incarcéré loin de sa famille durant l'instruction, puis rapproché de celle-ci dans l'attente de son jugement, avant d'être de nouveau éloigné en cas de condamnation.

L'adoption de la proposition de loi que nous examinons aujourd'hui permettrait donc de pallier cette lacune de notre législation en étendant aux détenus condamnés la préoccupation du rapprochement familial.

Au départ, la rédaction initiale de cette proposition de loi était très précise et prévoyait notamment que les détenus condamnés devaient être incarcérés « dans un établissement pénitentiaire situé à moins de 200 kilomètres de leur lieu de résidence au moment de leur arrestation ».

Toutefois, à la réflexion, cette rédaction est apparue excessivement rigide et très difficile à mettre en oeuvre en pratique.

Il faut en effet tenir compte de la répartition sur le territoire des différentes catégories d'établissements pénitentiaires – maisons centrales, centres de détention, maisons d'arrêt ou autres – ainsi que des exigences de sécurité propres à chaque catégorie de personnes condamnées.

Par ailleurs, d'autres critères que la proximité du détenu avec sa famille ou son domicile doivent également être pris en compte pour déterminer l'affectation dans un établissement pénitentiaire : par exemple, l'âge, l'état de santé ou la personnalité du détenu.

C'est pourquoi, à mon initiative, la commission des lois a adopté une nouvelle rédaction de cette proposition de loi, afin d'inscrire dans le code de procédure pénale un dispositif plus souple et plus réaliste que le texte initial.

Plus précisément, il s'agit d'élever au niveau législatif la procédure dite « d'orientation » des personnes condamnées par l'administration pénitentiaire, aujourd'hui prévue dans la partie réglementaire du code de procédure pénale. Cette proposition de loi vient donc ajouter au dispositif actuel d'orientation une prise en compte de la situation d'éloignement du détenu par rapport à son domicile.

En effet, à la différence du droit actuel, cette procédure d'orientation devrait viser à « favoriser le maintien des liens familiaux de la personne condamnée ». Concrètement, l'administration pénitentiaire devrait proposer, « chaque fois que c'est possible », une affectation dans l'établissement correspondant au profil du condamné et le plus proche de son domicile.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Paul Bacquet

Il faudra s'en souvenir, monsieur le ministre, !

Debut de section - PermalienPhoto de Sauveur Gandolfi-Scheit

Pourraient toutefois y faire obstacle les exigences de sécurité des personnes et des biens, ainsi que le projet d'exécution de la peine.

Cette proposition de loi permettra donc de rationaliser la procédure d'affectation des détenus dans les établissements pénitentiaires et de favoriser en particulier le maintien des liens entre les personnes condamnées et leur famille. Elle poursuit les efforts du législateur, qui oeuvre depuis des années pour humaniser les conditions de détention dans notre pays et pour préserver les familles des conséquences d'une privation de liberté d'un de leurs membres.

Pour toutes ces raisons, loin de toute polémique, dans un esprit de consensus, de justice sociale et afin de favoriser la réinsertion des détenus, je vous invite, mes chers collègues, au nom de la commission des lois, à adopter cette proposition de loi. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Louis Giscard d'Estaing

La parole est à M. Michel Mercier, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés.

Debut de section - PermalienMichel Mercier, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés

Monsieur le président, monsieur le rapporteur, mesdames et messieurs les députés, prévenir la récidive est une priorité de notre politique pénale, et le travail de réinsertion auprès des détenus constitue un outil essentiel dans la poursuite de cet objectif. C'est en effet en permettant aux détenus de se former, d'avoir une activité en prison, mais aussi de maintenir des liens familiaux, qu'on leur offrira la possibilité, dans le cadre de l'exécution de leur peine, de se construire un avenir.

La proposition de loi soumise à votre examen vise à approfondir ce dernier objectif de maintien des liens familiaux, en favorisant l'incarcération des détenus condamnés dans un établissement pénitentiaire proche de leur domicile familial.

Avant d'en venir au principe de ce texte et aux précisions apportées par votre commission des lois à la proposition initiale, je voudrais revenir quelques instants sur l'état du droit actuel et sur les avancées de notre politique pénitentiaire ces dernières années.

Je voudrais d'abord rendre hommage à la vigilance de votre assemblée quant aux questions liées à la condition des détenus. Vous avez participé aux progrès de notre action en faveur de conditions dignes de détention, d'une prise en charge toujours mieux adaptée des détenus et d'une réinsertion active des condamnés.

En quelques années, tant en ce qui concerne l'activité en prison que la formation ou le maintien des liens familiaux, de nombreux progrès ont été accomplis. La loi pénitentiaire du 24 novembre 2009 a mis l'accent sur l'activité des détenus, en prévoyant que les condamnés doivent accepter l'activité proposée dès lors qu'elle vise à favoriser l'insertion. Cette disposition oblige l'administration à proposer aux détenus un projet professionnel. La chancellerie a développé ces dernières années des projets de partenariat afin de diversifier les activités proposées aux détenus ; elle a également mis l'accent sur des programmes de formation adaptés à la diversité des profils et qui répondent aussi aux réalités du monde du travail.

Dans ce dispositif en faveur de la réinsertion, les visites familiales revêtent une importance particulière, à la fois pour les détenus, car leur isolement constitue un facteur de désocialisation qu'il faut combattre, mais aussi pour leurs proches. Nous avons donc créé auprès de chaque établissement des lieux pour accueillir les familles. Au-delà des parloirs classiques, nous avons mis en place de nouvelles structures pour faciliter les visites plus prolongées. La loi pénitentiaire du 24 novembre 2009 a ainsi généralisé les unités de vie familiale, et d'importants progrès ont été accomplis dans la conception des parloirs familiaux. Aujourd'hui, quarante-sept unités de vie familiale sont ainsi en fonctionnement dans dix-sept établissements pour peines, permettant aux condamnés qui ne bénéficient pas de permission de sortie de recevoir leur famille, pour plusieurs jours. Les trente parloirs familiaux, qui fonctionnent au sein de sept maisons centrales, leur permettent également de rencontrer leurs proches, dans des conditions d'intimité et de confidentialité acceptables.

L'accueil des familles se fait en partenariat avec les réseaux associatifs, qui sont un formidable soutien dans l'action sociale auprès des détenus. Ces associations jouent un rôle primordial, aux côtés de l'administration pénitentiaire, pour favoriser les moments de rencontres et d'échanges entre le parent incarcéré et ses enfants.

L'article 17-1 des règles pénitentiaires européennes prévoit que les détenus doivent être incarcérés près de leur foyer, ce à quoi l'administration pénitentiaire veille. L'éloignement géographique constitue de toute évidence un frein majeur au maintien du tissu familial et social : les trajets représentent un coût que les familles peinent souvent à assumer, les obligeant à renoncer aux visites ou, à tout le moins, à les espacer. Or, comme vous l'avez souligné, monsieur le rapporteur, la sanction pénale s'applique au condamné ; elle ne saurait s'étendre, même indirectement, à sa famille et à ses proches.

La proposition de loi soumise à votre examen vise à consacrer le droit au rapprochement familial pour les détenus condamnés, droit d'ores et déjà largement mis en oeuvre par l'administration pénitentiaire.

Conformément aux règles pénitentiaires européennes, la loi pénitentiaire a consacré un chapitre entier à la vie privée et familiale des détenus et à leurs relations avec l'extérieur. Elle y reconnaît ainsi, dans son article 35, un droit, pour les personnes détenues, au maintien des liens avec les membres de leur famille. Celui-ci consiste soit en l'exercice du droit de visite, soit en des permissions de sortie. Quant aux prévenus en détention, la loi a prévu qu'ils peuvent bénéficier d'un rapprochement familial, à l'issue de l'instruction jusqu'à leur comparution devant la juridiction de jugement.

Le concept de rapprochement familial dépasse la simple notion de maintien des liens familiaux. Il oblige l'administration pénitentiaire à rechercher une affectation proche du domicile familial, tout en s'assurant que l'établissement d'affectation correspond au profil du détenu ainsi qu'aux caractéristiques de sa personnalité, comme le prévoient aujourd'hui les articles 717-1 et D. 74 du code de procédure pénale. Ce dernier point est essentiel, et je vous remercie, monsieur le rapporteur, d'avoir clarifié la rédaction de cette proposition à cet égard.

Le dispositif, tel qu'établi par la commission des lois, permet de concilier deux nécessités, celle pour le détenu de conserver des liens étroits avec sa famille pendant la durée de sa détention, et celle liée « à la nécessité d'offrir un régime approprié » en fonction de la durée de la peine, des conditions de sécurité, des obligations de suivi médical ou psychologique et des perspectives de réinsertion du condamné.

Je crois que nous sommes parvenus à un bon équilibre. Le texte, enrichi par votre commission, permettra en effet une application réaliste de la proposition généreuse faite par M. Gandolfi-Scheit. Ce texte nous permet de progresser dans la mise en oeuvre des règles pénitentiaires européennes, en instaurant des conditions favorables à la réinsertion des détenus. C'est pourquoi le Gouvernement est favorable à l'adoption du texte tel qu'il a été établi par la commission des lois. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Louis Giscard d'Estaing

Dans la discussion générale, la parole est à M. Paul Giacobbi.

Debut de section - PermalienPhoto de Paul Giacobbi

Monsieur le président, mes chers collègues, je voudrais brièvement faire le point du droit et des faits sur ce sujet qui intéresse l'ensemble du territoire mais dont vous savez qu'il est plus sensible en Corse pour des raisons géographiques évidentes, car la Corse est une île et, comme l'avait dit notre illustre prédécesseur Emmanuel Arène, député de la Corse, il y a bien longtemps, « une île entourée d'eau de toutes parts ».

S'agissant d'abord du droit, les principes existent et au plus haut niveau de la hiérarchie des normes. Ils devraient normalement garantir un véritable droit au rapprochement familial des détenus condamnés. Ces principes sont d'abord celui de l'égalité des citoyens devant la loi, l'article 6 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 précisant que la loi doit être « la même pour tous soit qu'elle protège, soit qu'elle punisse ».

En réalité, l'application de ce principe à la question qui nous occupe aujourd'hui ne laisse aucun doute sur l'anomalie constitutionnelle devant laquelle nous nous trouvons. Prenons un exemple simple : deux personnes sont condamnées à la même peine pour les mêmes faits ; l'une a son principal établissement à Paris, l'autre en Corse ; elles sont toutes deux incarcérées dans la région parisienne, et l'on voit bien que la peine sera plus dure pour celle qui est séparée de sa famille que pour celle qui en est proche, que la famille de l'une aura à subir sur le plan affectif, mais aussi matériel, une situation beaucoup plus difficile que celle de l'autre, et que rien ne saurait justifier une telle discrimination, qui viole à l'évidence le principe que je viens de rappeler, selon lequel la loi est la même pour tous, soit qu'elle protège, par exemple la vie familiale, soit qu'elle punisse, par exemple les détenus emprisonnés.

Le second principe juridique qui doit être ici rappelé, c'est celui du droit à mener une vie familiale normale, droit dont la valeur constitutionnelle a été affirmée dans une décision du Conseil constitutionnel du 13 août 1993. Dans le domaine qui nous occupe, la loi a tiré assez peu de conséquences de ces principes, si ce n'est, en ce qui concerne les prévenus, l'article 34 de la loi pénitentiaire, qui permet aux prévenus dont l'instruction est achevée et qui attendent leur procès de bénéficier d'un rapprochement familial jusqu'à leur comparution devant le tribunal.

Je rappelle d'ailleurs que le Conseil constitutionnel, dans une décision de novembre 2009, a invité le législateur à mieux faire en rappelant que « l'exécution des peines privatives de liberté en matière correctionnelle et criminelle a été conçue non seulement pour protéger la société et assurer la punition du condamné, mais aussi pour favoriser l'amendement de celui-ci et préparer son éventuelle réinsertion ; qu'il appartient dès lors au législateur, compétent en application de l'article 34 de la Constitution pour fixer les règles concernant le droit pénal et la procédure pénale, de déterminer les conditions et les modalités d'exécution des peines privatives de liberté dans le respect de la dignité de la personne ».

Nous vivons malheureusement dans un pays où, pour un citoyen, les possibilités pratiques de bénéficier de la loi sont en raison inverse du niveau de la règle applicable dans la hiérarchie du droit. Que peut en effet faire le détenu, bien que ces principes soient reconnus à la fois par le droit constitutionnel français et par le droit communautaire, pour se les voir appliquer ? J'ai interrogé sur ce point le professeur Myriam Carabot, professeur à l'université de Paris X, spécialiste des questions de libertés individuelles.

Dans la consultation qu'elle m'a adressée, elle estime impossible la saisine du Conseil constitutionnel, même par la voie nouvelle de la question prioritaire de constitutionnalité, pour la simple raison que le Conseil constitutionnel estimerait certainement qu'il ne lui appartient pas de légiférer en l'absence de loi et dirait sans doute, comme il l'a fait dans une décision du 20 novembre 2003, au sujet de la vie familiale des étrangers, qu'il appartient au législateur « d'assurer la conciliation entre la sauvegarde de l'ordre public […] et les exigences du droit de mener une vie familiale normale ».

Le même professeur a estimé qu'il serait possible de saisir la Cour européenne des droits de l'homme, mais vous comprenez bien que c'est une procédure complexe qui suppose d'avoir épuisé toutes les voies de recours internes et qui, en tout état de cause, n'aboutirait que de très longues années après les faits, sans doute bien après la libération du prisonnier éventuellement requérant.

On peut donc résumer la situation juridique dans ce domaine en disant que les principes existent à des niveaux très élevés mais que, ces principes ayant reçu fort peu d'applications dans la loi, leur effet pratique, en l'absence de déclinaisons législatives et réglementaires suffisantes, est tout à fait hypothétique.

Si l'on en vient maintenant aux faits, je voudrais rappeler que les représentants de la Corse, notamment les députés de la Corse qui sont ici présents, ont depuis longtemps plaidé en faveur d'une prise en compte du respect du droit des personnes détenues originaires de la Corse à ne pas faire l'objet, du fait du lieu de leur détention, d'une discrimination géographique et d'une atteinte anormale à leur vie familiale.

Sans remonter plus loin, différentes initiatives ont été prises au cours de cette mandature et votre serviteur, agissant en qualité de président du conseil exécutif de la Corse, a demandé que les représentants de l'Assemblée de Corse soient reçus par le garde des sceaux, ce qui a été fait le 13 septembre 2010, du temps de Mme Alliot-Marie, qui avait annoncé un certain nombre d'améliorations, réitérant des annonces déjà faites par nombre de ses prédécesseurs et même avant 2007 par le ministre de l'intérieur de l'époque, sans que cela ait eu beaucoup d'effet, sans doute faute de temps.

À la suite de cette première étape, M. le garde des sceaux nous a reçus à nouveau le 2 mars 2011, date à laquelle un certain nombre de décisions individuelles ont été prises, rendues possibles par l'augmentation des capacités du centre de détention de Borgo, de telle sorte que nous avons les uns et les autres reconnu une amélioration considérable de la situation qui, si elle n'est sans doute pas parfaite aujourd'hui, semble être allée aussi loin qu'il était possible compte tenu des possibilités pratiques de transfert en Corse, en raison en particulier de la situation de la maison d'arrêt d'Ajaccio.

Je rappelle à cet égard que cette maison d'arrêt est particulièrement vétuste – M. le garde des sceaux l'a visitée –, que le projet de construction d'un nouveau centre de détention, annoncé en décembre 2002, a été abandonné au profit de travaux de rénovation qui paraissent à beaucoup d'entre nous bien coûteux pour un bénéfice relativement limité, en tout cas en termes de capacité.

S'agissant donc des faits, on peut dire aujourd'hui que, si des difficultés subsistent, ce n'est pas parce que le Gouvernement est réticent comme il a pu l'être dans le passé, mais parce que des questions matérielles se posent encore.

S'agissant enfin de la proposition qui nous est présentée aujourd'hui et que j'ai cosignée avec trois autres députés de la Corse, il convient de poser plusieurs questions.

La première est de savoir si cette proposition introduit un droit nouveau.

J'aurais tendance à dire que la version initiale, décrite par le rapporteur, telle que nous l'avons cosignée, aurait sans doute introduit un droit nouveau puisqu'elle était rédigée en termes très clairs, impératifs, qui prévoyaient tous les cas de figure pratiques pour assurer effectivement le respect d'un droit à être incarcéré quoi qu'il arrive à moins de 200 kilomètres du lieu de résidence au moment de l'arrestation du détenu.

Elle posait un certain nombre de problèmes, notamment au regard de l'article 40, puisqu'elle introduisait nécessairement des charges nouvelles. La commission a modifié ce texte. À vrai dire, celui que nous avons aujourd'hui devant nous n'a pratiquement plus rien à voir. Il témoigne davantage d'un esprit positif qu'il n'introduit un droit. Il est à présent écrit : « en vue de favoriser chaque fois que c'est possible ». Nous sentons bien qu'il ne s'agit plus d'un droit, que la formulation s'apparente davantage à la pétition de principe qu'à la loi et que l'adoption de ces dispositions, même si je les voterai bien volontiers, n'aura pas de conséquences en termes d'évolution du droit positif applicable.

De ce fait, et c'est la seconde question qu'il faut poser, il est clair que l'adoption de cette loi ne changera pas grand-chose, pour ne pas dire rien, aux possibilités pratiques d'un recours devant une quelconque juridiction. Il vaudrait mieux aujourd'hui profiter de la bonne volonté manifeste du Gouvernement en la matière – je n'hésite pas à le dire – pour améliorer la situation actuelle des prisons en Corse. J'ai suffisamment dénoncé ce qui n'allait pas pour ne pas reconnaître que la situation s'est améliorée aujourd'hui.

En conclusion, je voterai pour l'adoption de cette proposition tout en soulignant que les principes fondamentaux applicables existent déjà, qu'à la suite des initiatives prises par l'Assemblée de Corse les décisions et la politique mise en oeuvre par le garde des sceaux ont apporté autant d'améliorations que la situation matérielle des prisons en Corse le permettait, que l'adoption de cette proposition n'aura pas d'effets juridiques par elle-même, qu'elle est seulement l'occasion de poser les problèmes devant vous et qu'enfin j'attends plutôt du Gouvernement, au-delà de la probable adoption de ce texte, qu'il prenne des mesures concrètes pour améliorer la capacité d'accueil des prisons en Corse. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Hunault

Qui peut s'opposer au rapprochement familial des détenus condamnés ? Personne. Rappelons d'ailleurs à l'auteur de cette proposition de loi que cet objectif figure dans la loi pénitentiaire.

Monsieur le garde des sceaux, vous avez eu raison de rappeler, comme le rapporteur, les travaux du Conseil de l'Europe. Pour y avoir modestement contribué à travers l'adoption de plusieurs recommandations, à la fois sur la situation des prisons et la charte pénitentiaire, vous avez eu raison de souligner que les règles pénitentiaires n'ont pas de force normative, mais qu'elles prévoient le rapprochement familial quand c'est possible.

Monsieur le garde des sceaux, au nom de mes collègues du Nouveau Centre, dont le soutien ne vous a pas fait défaut au cours de cette législature, je vous suivrai pour atteindre l'objectif mais je poserai des questions.

M. Giacobbi vient de déclarer qu'une telle proposition n'avait pas de force juridique : ce sont des objectifs fixés à l'administration pénitentiaire. Or la liste des orateurs inscrits pourrait laisser penser que le problème du rapprochement ne concernerait qu'une partie des détenus. Non, il concerne tous les détenus, qu'ils soient sur le continent ou en Corse. Une question se pose dès lors : cette proposition relève-t-elle du domaine législatif ou règlementaire ? Vous avez en effet rappelé la partie règlementaire du code de procédure pénale.

Si nous pouvons nous rassembler sur l'objectif du rapprochement familial, c'est à la condition qu'il concerne l'ensemble des détenus.

Enfin, faut-il faire la différence entre les détenus en attente de jugement et ceux jugés ? Vous le savez, l'administration pénitentiaire, une fois la condamnation définitive, a pour objectif d'assurer les liens familiaux. Nous avons créé des lieux d'unité familiale qui représentent un réel progrès, et je salue à cet égard la vigilance du contrôleur général des lieux de privation de liberté. Le maintien du lien familial tout comme le travail en prison sont des éléments essentiels d'une bonne réinsertion.

Nous ne pouvons pas être contre les objectifs mais prenons garde à la façon de légiférer. Je ne voudrais pas que, demain, le Conseil Constitutionnel nous reproche d'avoir légiféré dans le domaine règlementaire, et d'avoir distingué les détenus en Corse de ceux sur le continent.

Rassemblons-nous pour l'exécution de la loi pénitentiaire qui, une nouvelle fois, est à mettre au crédit de cette majorité. Nous avons pris un certain nombre de mesures pour assurer la dignité de la personne privée de liberté. Nous avons voulu être exemplaires dans l'application des règles pénitentiaires européennes, publiées par le Conseil de l'Europe.

Vous nous avez demandé il y a huit jours, monsieur le garde des sceaux, de vous soutenir pour l'application des peines. Nous avons décidé de créer de nouvelles places de prison : il s'agissait bien, là aussi, d'éviter d'éloigner les personnes condamnées de leur famille.

Pour toutes ces raisons, si nous nous retrouvons sur les objectifs, je souhaiterais que, d'ici la fin de la discussion générale, le rapporteur ou le garde des sceaux rappelle bien que cet objectif vaut pour tous les détenus et qu'aucun traitement particulier ne sera réservé aux personnes détenues en Corse.

Certaines précisions ne sont pas inutiles à rappeler dans cet hémicycle. (Applaudissements sur les bancs du groupe NC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Dolez

La commission présidée, en 1999, par le premier président de la Cour de cassation concluait ainsi : « Pour résoudre le paradoxe qui consiste à réinsérer une personne en la retirant de la société, il n'y a d'autre solution que de rapprocher autant que possible la vie en prison des conditions de vie à l'extérieur, la société carcérale de la société civile ».

Le détenu a droit au respect de sa dignité en prison et ce respect est la garantie d'une véritable et efficace démarche de réinsertion sociale après sa libération.

L'objectif de réinsertion doit être la finalité prioritaire de la peine. Purger une peine n'a de sens que si le condamné est préparé à réintégrer la société. À cet égard, le maintien des liens familiaux est une donnée essentielle pour réinsérer les condamnés et éviter la récidive.

Il y a déjà plus de dix ans, le rapport de la commission d'enquête de notre assemblée sur la situation dans les prisons françaises insistait sur la nécessité de ne pas traiter la famille du détenu comme si elle était responsable au même titre que lui de l'infraction commise et mettait en lumière les « obstacles matériels souvent démesurés pour des familles défavorisées », à commencer par l'éloignement du détenu.

Quant à la Cour européenne des droits de l'homme, elle a reconnu à plusieurs reprises la nécessité de maintenir les liens familiaux de la personne détenue en dénonçant notamment « le fait de détenir une personne dans une prison éloignée de sa famille à tel point que toute visite s'avère en fait très difficile, voire impossible ».

Les règles pénitentiaires publiées le 11 janvier 2006 par le Conseil de l'Europe reconnaissent également l'importance de maintenir les liens familiaux des détenus.

Malheureusement, et notre rapporteur le souligne, « rien, dans notre droit actuel, ne favorise le rapprochement familial des détenus condamnés ». En effet, les personnes condamnées sont affectées à un établissement pénitentiaire en fonction d'une série de critères énumérés dans le code de procédure pénale dont est absente la question des liens familiaux.

Si la réforme pénitentiaire de 2009 a représenté une avancée en reconnaissant explicitement « le droit des personnes détenues au maintien des relations avec les membres de leur famille », elle n'a pas consacré le droit au rapprochement familial ni prévu de moyens pour compenser les difficultés engendrées par l'éloignement.

Dans sa rédaction initiale, la proposition de loi que nous examinons visait à consacrer le droit au rapprochement familial des détenus condamnés, ce que nous soutenons pleinement. Nous aurions voté ce texte si la commission des lois ne l'avait modifié. Arguant de la nécessaire prise en compte des « autres exigences et contraintes de la politique pénitentiaire », le texte ne consacre plus un droit au rapprochement familial mais entend simplement « favoriser le rapprochement familial des détenus condamnés ».

Il est regrettable que le critère du rapprochement familial ne soit pas le critère prioritaire d'affectation de la personne détenue. Il est pris en considération parmi un ensemble d'éléments dont on sait combien l'appréciation peut être arbitraire.

Pour l'administration pénitentiaire, l'affectation dans l'établissement le plus proche du domicile ne serait qu'une obligation de moyens, ayant vocation à être satisfaite « chaque fois que c'est possible ».

Au final, les conditions et exceptions posées sont telles qu'en pratique les dispositions prévues ne permettront pas un rapprochement familial effectif. Pour notre part, nous considérons, à l'instar de la Commission nationale consultative des droits de l'homme, que les décisions d'affectation des condamnés doivent prioritairement être dictées en considération des exigences de stabilité de leur situation familiale – spécialement s'ils ont des enfants – et que les décisions relatives à l'affectation et au transfert doivent relever de l'autorité judiciaire.

Nous regrettons également qu'aucune disposition ne prévoie une prise en charge par l'État du coût des visites lorsque le détenu n'est pas affecté dans un établissement proche de son domicile. Réalisées par le Centre de recherche pour l'étude et l'observation des conditions de vie, le Credoc, et par l'Union nationale des fédérations régionales des associations de maisons d'accueil de familles et de proches de personnes incarcérées, l'Uframa, trois enquêtes révèlent combien les coûts des visites sont difficilement supportables pour les familles.

Nous estimons pour notre part que si le droit au rapprochement familial n'est pas absolu, la garantie du droit de visite est obligatoire, et il revient à chaque État de prendre les mesures nécessaires pour l'assurer. Certains pays européens se sont engagés dans cette voie, comme l'Espagne et la Grande-Bretagne.

Dans son rapport 2010, le contrôleur général des lieux de privation de liberté invite d'ailleurs l'État à réfléchir à la manière de prendre en compte les surcoûts qui sont liés à la distance et pèsent sur les familles.

Vous l'aurez compris, nous regrettons vivement que la proposition de loi modifiée renonce à consacrer un véritable droit au rapprochement familial et se contente de prendre en considération la situation familiale comme critère, parmi d'autres, de la décision d'affectation dans un établissement pénitentiaire. Pour ces raisons, le groupe GDR s'abstiendra sur ce texte.

Debut de section - PermalienPhoto de Camille de Rocca Serra

Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, nous sommes aujourd'hui réunis à l'initiative de M. Sauveur Gandolfi-Scheit pour débattre d'une proposition de loi tendant à assurer un droit que la loi n'avait jusqu'à présent pas suffisamment précisé. J'avais prévu à cet effet d'aborder certains points, mais j'ai dû modifier mon intervention après avoir entendu l'interprétation que Michel Hunault et d'autres collègues, tel Paul Giacobbi, ont faite du texte.

S'il est vrai que la Corse exprime au plus haut point l'absence de réponse à une question prégnante, ce n'est pas pour autant que la proposition de loi ne s'adresserait qu'aux détenus d'origine corse et résidant dans l'île. Il s'agit, avec ce texte, de répondre à la question – d'ailleurs soulevée par le Président de la République à l'occasion d'une rencontre en 2002 en Corse lorsqu'il était encore ministre de l'intérieur – de savoir pourquoi les textes actuels de procédure pénale ne précisent pas suffisamment ce qui doit favoriser le rapprochement des détenus, qu'il s'agisse des simples prévenus, des prévenus dont l'instruction est close ou des condamnés.

C'est donc à l'initiative de Nicolas Sarkozy que nous avons essayé d'élaborer avec la Chancellerie – avec vous-même, monsieur le garde des sceaux, et avec vos prédécesseurs – le moyen de régler le problème, afin que ce que le peuple français exige, c'est-à-dire condamner le coupable, ne conduise pas également à condamner ce dernier et sa famille à la double peine. Si, comme le demandent notre société et le Parlement avec elle, la réinsertion doit être favorisée et la récidive évitée, il ne faut pas que le fossé se creuse entre celui qui, condamné, va être incarcéré, et sa famille. Le lien familial est en effet ce qui est peut-être le plus utile pour éviter la récidive et pour favoriser la réinsertion.

Il est vrai que, dans notre société, un problème de responsabilité se pose : ne dit-on pas, en parlant même de tout petits, que les parents ont démissionné et que l'école doit satisfaire aux besoins d'éducation ? Non, l'école ne peut pas tout faire ! Les parents doivent être responsables. Eh bien, il en va de même, quels que soient le niveau atteint, l'âge, les qualités dont on a pu faire preuve au service de la société, pour ceux qui encourent des peines : la société ne peut tout résoudre à elle seule. Il faut bien à un moment donné un partenaire pour l'individu qui a eu une défaillance et qui a commis un crime ou un délit : la famille. Cette famille, qui doit être responsable, nous devons lui accorder les moyens d'intervenir pour aider à se reconstruire quelqu'un qui a commis une faute, un délit. C'est vrai partout sur le territoire de la République, en Corse comme ailleurs.

Mais, ainsi que nous avons pu le vérifier avec tous les élus de Corse ici présents, l'éloignement, du fait de l'existence d'un bras de mer, devient un fossé considérable, la famille subissant de ce fait une double peine aux conséquences sociales, financières et économiques permanentes. Serait-il insupportable que la famille garde un quelconque lien ? Non, ce dernier est même nécessaire. Un tel lien serait-il contraire à la décision du peuple français de condamner celui qui est coupable ? Non plus.

Nous voyons donc bien que si, d'un côté, nous avons ce qui est nécessaire pour satisfaire la justice de la République, qu'il s'agisse de défendre la victime ou de demander réparation sociale, pénale, judiciaire voire financière, il faut, d'un autre côté, donner du temps à l'accusé, devenu coupable et incarcéré, et à sa famille.

Le problème que la Corse a soulevé est donc d'ordre national : nous devons favoriser partout le rapprochement et tout mettre en oeuvre à cet effet, au-delà même des textes européens si c'est nécessaire.

Ces dernières années, nous avons pu nous heurter avec vous, monsieur le garde des sceaux, et avec d'autres avant vous, sur le quantum de la peine ou encore sur l'interprétation des fins de peines. Or ce que le texte apporte, justement, c'est un regard sur l'ensemble de la peine : peut-on davantage réinsérer dans la société quelqu'un en s'y prenant au bout de dix, quinze ou vingt ans, ou faut-il l'envisager dès le départ ? Existe-t-il plus de chances d'y parvenir dès le départ, ou seulement à la fin ? Selon moi, la chance est à saisir dès le départ.

Il ne s'agit pas pour autant d'empêcher l'incarcération. Je le dis depuis très longtemps, nous devons, partout sur le territoire de la République – cette République que nous aimons et que nous servons ici en légiférant au nom du peuple français –, pouvoir, dans le cadre de nos lois républicaines, interpeller, juger, condamner et incarcérer. Il ne doit pas y avoir de zone de non-droit où l'on ne puisse pas assumer l'ensemble des devoirs et des droits de la République. Cela est vrai sur une île comme sur l'ensemble du territoire, qu'il soit métropolitain ou d'outre-mer. Tel est bien ce que nous sommes en train de faire avec mon ami Sauveur Gandolfi-Scheit et tous ceux qui ont cosigné la proposition de loi : apporter une réponse claire et définitive en la matière pour tous ceux qui sont condamnés, sans qu'il y ait d'interprétation possible.

La loi pénitentiaire du 24 novembre 2009 avait déjà, par son article 34, répondu à un souci concernant les prévenus en fin de parcours d'instruction et qui vont donc pouvoir « bénéficier » d'un procès. À ceux-là, pour qui l'instruction est close, une réponse a été apportée, contrairement aux autres prévenus – qui d'ailleurs le restent souvent trop longtemps. Permettez-moi à cet égard, monsieur le garde des sceaux, une digression : nous avons réformé beaucoup de choses avec la loi pénitentiaire ou la loi relative à la garde à vue, mais nous n'avons pas encore apporté de réponse à la longueur de l'instruction, ce qui explique que la détention préventive dure parfois autant.

Il est en tout cas une question que je vous pose souvent à propos de la qualification des peines : ne devrait-on pas pouvoir utiliser d'autres outils pour l'instruction, comme l'audioconférence ? Nous avons suffisamment de moyens pour que l'incarcération soit, comme le demandent la justice et le peuple français, mise en oeuvre, mais pas au détriment de la famille du fait de l'éloignement. Sur ce plan, la proposition de loi apporte une réponse essentielle.

Nous avons aussi parfois buté sur le problème immobilier. Certes, il ne relève pas non plus du domaine de cette future loi, mais, récemment, grâce au texte d'Éric Ciotti, nous avons pu l'aborder en permettant, dans la durée, l'ouverture de 24 000 places dans la décennie qui vient. Paul Giacobbi l'a rappelé tout à l'heure, nous sommes passés de la construction d'un centre de détention à Ajaccio à l'amélioration de la maison d'arrêt. Mais si nous nous heurtons aujourd'hui à une gestion contrainte, vous savez très bien, monsieur le garde des sceaux, que l'on peut mieux gérer encore la disponibilité des places.

En tout état de cause, s'il faut répondre à l'exigence du peuple français de justice et de réparation, il n'est pas nécessaire de condamner la famille. Cette dernière est, je le répète, un lien essentiel pour reconstruire la vie de ceux qui, à un moment donné, ont commis une faute – un délit ou un crime. Ce que nous proposons à cet égard est important – et je remercie mon collègue Sauveur Gandolfi-Scheit d'avoir déposé ce texte, dont je suis moi-même cosignataire.

Aussi est-ce sans hésitation que le groupe UMP votera cette proposition de loi qui, si elle ne résout pas tout, apporte des réponses essentielles. Je me réjouis que nous soyons ainsi capables de donner partout les mêmes réponses en matière d'égalité de droits et de devoirs des citoyens, c'est-à-dire aussi bien sur le continent qu'en Corse et sur tous les territoires de la République. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Simon Renucci

Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, le rapprochement familial des détenus d'origine corse comme de tous les détenus est un engagement de l'État. Il est donc de notre devoir d'élus de la nation, mais c'est aussi une exigence de notre conscience, de le rappeler au Gouvernement au nom des familles et des détenus qui vivent, dans la souffrance, cette séparation imposée. Les liens familiaux se délitent et la vie sociale s'émiette. Le détenu devient alors un sacer esto, c'est-à-dire un être qui n'est plus social.

Nous ne pouvons nous y résoudre. Et c'est à juste titre que la loi pénitentiaire du 24 novembre 2009 a consacré le principe du rapprochement familial des détenus. Ce principe représente incontestablement une avancée majeure. Il constitue pour de nombreuses familles une étape décisive dans la préservation des liens familiaux.

Cette exigence que je porte est avant tout un combat mené par celles et ceux qui vivent cette situation pénible. Si la privation de liberté peut évidemment être légitime, elle ne saurait cependant s'accompagner d'un bannissement au sein de sa propre famille. Pour les familles, en effet, l'exercice du droit de visite représente une lourde charge qui, bien souvent, obère le budget des ménages. La reconnaissance de ce droit est donc légitime.

De nombreux détenus d'origine corse étaient maintenus sur le territoire métropolitain. Certains d'entre eux sont retournés en Corse, et il faut vous en remercier, monsieur le garde des sceaux

La prison doit être un lieu où les relations familiales se perpétuent, et cela dans les meilleures conditions possibles, notamment dans le respect de l'intégrité et de la dignité de l'homme. La démarche engagée doit être poursuivie et être satisfaisante pour tous. On ne le redira jamais trop : le lien familial est capital dans le processus de réinsertion et dans la lutte contre la récidive – qui est aussi un objectif majeur.

C'est pourquoi il est indispensable que la situation des détenus fasse l'objet d'une attention particulière prenant en compte la spécificité de la séparation géographique d'avec leur famille. Une telle prise en compte est non seulement nécessaire, mais également fondamentale.

Disons-le, en effet, l'exercice par ces familles de leur droit de visite est semé de difficultés multiples, tant matérielles que financières, mais aussi psychologiques.

Devant cette situation, une solution rapide a été envisagée : le transfèrement des détenus du continent vers les établissements pénitentiaires de Casabianda ou de Borgo, en Corse. Cette solution est conforme à l'article 34 de la loi pénitentiaire selon lequel « les prévenus dont l'instruction est achevée et qui attendent leur comparution devant la juridiction de jugement peuvent bénéficier d'un rapprochement familial jusqu'à leur comparution devant la juridiction de jugement ».

De nombreux prisonniers sont rentrés et ce texte n'apporte pas un nouveau droit. Il ne s'agit pas de droit positif, mais d'un rappel, d'un souhait de justice à un moment où la misère est grandissante ; et nous savons tous que la misère et l'injustice font le lit de la violence.

Ce rapprochement doit se faire dans de bonnes conditions. C'est aussi pour cette raison que la construction d'un centre de détention supplémentaire permettrait de répondre aux attentes des détenus, mais également à celles du personnel pénitentiaire, dont les conditions de travail se dégradent en raison de la surpopulation carcérale.

Debut de section - PermalienMichel Mercier, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés

C'est vrai.

Debut de section - PermalienPhoto de Simon Renucci

Ainsi, en Corse, si le centre pénitentiaire de Borgo et la maison d'arrêt d'Ajaccio peuvent recevoir des personnes en attente de jugement, le centre de détention de Casabianda, en revanche, ne peut accueillir que des détenus condamnés et affectés à l'issue d'une procédure d'orientation.

Or ces centres sont déjà surpeuplés, ce qui rend nécessaire de prévoir une politique à long terme pour l'accueil des détenus. Les surveillants pénitentiaires estiment pour leur part indispensable de relancer le projet de construction d'un centre pénitentiaire – maison d'arrêt et centre de détention – à Ajaccio, projet sur lequel, au demeurant, s'était engagé, en 2002, le garde des sceaux de l'époque, M. Dominique Perben. Aujourd'hui, monsieur le ministre, la possibilité d'agrandir et de réhabiliter la maison d'arrêt d'Ajaccio est à l'étude, comme vous nous l'avez indiqué lors de votre dernière visite, et je vous en remercie.

Debut de section - PermalienPhoto de Simon Renucci

C'est vrai, et il faut avoir le courage de dire la vérité.

Ainsi, l'Union interrégionale des syndicats pénitentiaires Force ouvrière, qui représente environ 80 % des gardiens de prison dans l'île, a tenu à nous signaler la dégradation des conditions de travail des surveillants dans les établissements insulaires. Borgo qui, avec l'extension du centre de détention décidée par M. le garde des sceaux pour le rapprochement des détenus, a généré un phénomène de surpopulation carcérale de plus en plus difficile à gérer, ne répond plus à cette attente.

Le droit au rapprochement familial devrait également être appliqué aux détenus condamnés, pour lesquels il constitue, au-delà du respect de la vie privée et familiale, un moyen irremplaçable de réinsertion et de lutte contre la récidive. Il existe en effet une disposition réglementaire qui autorise ce rapprochement.

Ce droit relève d'une responsabilité politique qui exige des consciences éveillées, exigeantes et actives. Nous avons voté une loi pénitentiaire qui doit aujourd'hui être mise en application de manière effective. Derrière le respect de ses prescriptions, il y a une attente humaine forte, celle de centaines de familles qui espèrent pouvoir un jour renouer des liens familiaux avec leurs proches, au nom de la justice, de la dignité et de l'équité.

Je ne manquerai pas de m'impliquer dans le suivi de ce projet afin que les droits fondamentaux de ces familles soient absolument pris en compte, et de veiller à l'application, de manière efficiente et juste, du principe du rapprochement familial.

Ces engagements et les rencontres à venir sont les prémices d'un processus créateur, ou facilitateur, d'une vie démocratique apaisée et rénovée. Nous avons le courage et la force d'y croire profondément.

Pour terminer, je vous exhorte, mes chers collègues, à tout faire, sur tout le territoire, pour que la prison cesse enfin d'être, ce que déjà déplorait le grand écrivain américain Nathaniel Hawthorne, « cette fleur noire de la société civilisée ». (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Grenet

Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues la proposition de loi que nous examinons consacre désormais au niveau législatif la procédure dite « d'orientation » des détenus condamnés, qui est jusqu'à aujourd'hui seulement prévue dans la partie réglementaire du code de procédure pénale. Elle y ajoute l'objectif de maintien de liens familiaux, qui doit conduire à ce que les détenus condamnés soient affectés dans l'établissement le plus proche de leur domicile, correspondant à leur profil.

Je m'associe avec conviction à ce texte car ce maintien des liens familiaux des personnes détenues constitue un enjeu majeur de la bonne exécution des peines

À ce sujet, député-maire de Bayonne, capitale du pays Pays basque, depuis quinze ans, permettez-moi d'évoquer la question du rapprochement des prisonniers basques, aujourd'hui détenus dans des prisons disséminées sur le territoire français. Cette question doit nous interpeller sur deux plans, aussi différents qu'essentiels, sans interférence dans l'oeuvre de justice.

En premier lieu, sur le terrain des droits fondamentaux que la France reconnaît aux personnes condamnées par les juridictions de notre pays, je veux rappeler que ces personnes, qui se sont parfois engagées dans l'impasse de la violence, et qui sont condamnées pour cette raison, doivent en tout état de cause pouvoir bénéficier d'un traitement pénitentiaire adapté, car c'est précisément ce droit qui fait l'honneur et la force de notre démocratie.

Condamnés par les tribunaux et accomplissant leur peine, ces prisonniers n'en sont pas moins des hommes et des femmes qui ont besoin de ne pas couper tous leurs liens familiaux. À ce titre, ils doivent pouvoir bénéficier du droit de voir leur famille, leurs enfants, leurs amis, sans que l'on se croie obligé d'ajouter à la peine pénale la double peine de l'isolement pour eux et pour leurs proches.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Grenet

Pour comprendre que la vraie justice et la réinsertion sont à ce prix, sans faiblir pour autant sur l'application de la peine, il suffit de songer aux kilomètres accomplis chaque semaine par ces familles pour un simple moment de parloir, et au coût humain et matériel que cela représente.

En second lieu, sur le plan politique, à l'instant où la disparition du terrorisme au Pays basque espagnol et le cessez-le-feu de l'ETA laissent entrevoir des perspectives durables de paix, il convient, par ce geste d'apaisement, de faciliter la transition en cours.

Traiter humainement ces prisonniers, en leur donnant grâce à ce geste l'occasion de comprendre que la page se tourne, est une opportunité qu'il faut saisir et dont un État de droit pourrait s'honorer.

Pour en terminer, dans ce contexte d'apaisement et de volonté partagés d'en finir avec ce conflit en Pays basque qui n'a que trop duré, la justice de notre pays s'honorerait également de mettre un terme définitif à certaines procédures d'extradition qui n'ont plus lieu d'être. Je pense notamment à la militante basque Aurore Martin : elle n'a pas de sang sur les mains et la tentative pour l'interpeller à Bayonne il y a quelques mois a tourné court dans des circonstances peu glorieuses.

Ces raisons me conduisent à voter en faveur de la proposition de loi et, en tant que parlementaire du Pays basque, à l'appuyer avec d'autant plus d'engagement et de conviction qu'elle peut constituer un signe fort d'apaisement adressé à ceux qui souhaitent oeuvrer pour y conforter la paix ; et je ne doute pas, mes chers collègues, que vous soyez de ceux-là.

Monsieur le ministre, je conclus en vous rappelant le problème de surpopulation carcérale que connaît la prison de Bayonne. J'ai rencontré tous les gardes des sceaux successifs depuis une dizaine d'années, et l'on m'avait promis que l'ouverture du centre pénitentiaire de Mont-de-Marsan réglerait la question. Cela n'a pas été le cas du tout : aujourd'hui, la maison d'arrêt de Bayonne, obsolète et en centre ville, accueille deux fois plus de détenus que sa capacité le permet. Je me tiens à votre disposition pour essayer de trouver les solutions qui permettraient de régler efficacement ce problème. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Noël Mamère

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je ne peux que m'associer aux propos tenus à l'instant par Jean Grenet au sujet des conditions de détention des militants basques emprisonnés et concernant ceux qui sont menacés d'extradition.

Une fois n'est pas coutume, je me réjouis de cette proposition de loi qui favorise le rapprochement familial des détenus. Si elle a été approuvée par l'ensemble des députés de l'île de beauté, quelle que soit leur appartenance politique, et si elle suscite une grande attente de Bastia à Ajaccio, la question du rapprochement familial ne se limite pourtant pas à la Corse. La préoccupation est loin d'être spécifique aux territoires insulaires : le maintien des liens familiaux est un enjeu qui concerne l'ensemble des détenus, sur tout le territoire national. Je rappelle à cet égard que le droit au respect de la vie privée et familiale, garanti par l'article 8 de la Convention européenne des droits de l'homme, continue de s'appliquer en cas de privation de liberté.

En incarcérant des gens loin de leur terre, on condamne les familles de très nombreux détenus à parcourir des milliers de kilomètres en dépensant des sommes importantes pour les voir quelques minutes après avoir attendu longtemps dans les dédales d'une prison. Pourtant, incarcérer une personne signifie qu'on la prive de liberté ; cela ne veut pas dire que l'on réduit ses possibilités de réinsertion, et encore moins que l'on détruit ses liens familiaux ou que l'on saigne à blanc sa famille. C'est pourquoi cette proposition de loi est bienvenue, car elle rompt avec la prise en compte des dossiers au cas par cas.

Le maintien des liens familiaux est reconnu comme facteur essentiel pour favoriser la réinsertion des personnes incarcérées et pour lutter contre la récidive. C'est aussi un facteur de prévention du suicide. Il revêt en outre une importance particulière pour les enfants dans leur construction psychologique et identitaire. Les rapports des commissions d'enquête du Sénat et de l'Assemblée sur les conditions de détention dans les établissements pénitentiaires insistaient sur l'importance de ces liens.

L'isolement géographique des nouveaux établissements, dont la construction vise à augmenter la capacité pénitentiaire française est, de ce point de vue, inquiétant. Les visites, essentielles au maintien des liens familiaux et sociaux, risquent de se faire plus rares, car elles seront plus compliquées et plus coûteuses pour les familles. Ces dernières sont souvent de condition modeste et elles ont vu leurs ressources encore réduites avec l'incarcération de l'un des leurs.

Selon une enquête réalisée en 2008 par l'UFRAMA, l'Union nationale des fédérations régionales des associations de maisons d'accueil de familles et proches de personnes incarcérées, auprès de 2 100 personnes proches de personnes incarcérées, dans 58 % des cas, les familles dépensaient plus de cinquante euros par personne et par mois et, une fois sur quatre, plus de cent euros. Il faut y ajouter les personnes qui renoncent aux visites en raison de leur coût et de la durée du trajet, ou encore pour des raisons de handicap ou de garde d'enfants. Ce problème est encore accru s'agissant des familles de détenus étrangers.

Or les dispositifs législatifs actuels relatifs aux visites de détenus ne posent pas le principe du rapprochement familial. Ni l'article 35 de la loi pénitentiaire du 24 novembre 2009 ni son article 36 n'évoquent la question du rapprochement familial, pas plus, a fortiori, que celle de son effectivité. Quant à l'article D.402 du code de procédure pénale, il précise simplement qu'il « doit être particulièrement veillé au maintien et à l'amélioration de leurs relations avec leurs proches ».

La jurisprudence européenne considère qu'en rendant les visites difficiles, l'éloignement géographique peut porter atteinte au droit à la vie familiale. La proximité du lieu de détention avec le lieu de résidence est également l'un des objectifs fixés par les « règles pénitentiaires européennes » établies dans le cadre du Conseil de l'Europe. Ces règles n'ont certes pas de valeur normative, mais elles n'en constituent pas moins des lignes directrices que chaque État devrait s'efforcer de suivre. J'avais d'ailleurs déposé plusieurs amendements reprenant ces éléments lors de l'examen de la loi de 2009 : ils n'avaient pas été retenus.

Cependant, certains pays européens se sont engagés dans cette voie. L'Espagne, par exemple, finance des visites aux personnes gardées à vue. En Grande-Bretagne, il existe un programme dit de « visite assistée ». Il consiste en une aide ouverte aux parents et aux partenaires du détenu. Celle-ci couvre les frais de transport et, le cas échéant, l'hébergement et le coût de la garde d'enfant, ainsi que les rafraîchissements légers. Elle est accordée sous conditions de ressources.

Dans son rapport relatif à l'année 2010, le contrôleur général des lieux de privation de liberté invite l'État à réfléchir à la manière de prendre en compte les surcoûts liés à la distance qui pèsent sur les familles, en particulier dans les établissements pour peines et les établissements éloignés des réseaux de transport en commun. En la matière, notre droit positif reste notoirement insuffisant.

Cette proposition de loi vise à traiter des lacunes que je viens d'évoquer. Je regrette que la commission des lois n'ait pas envisagé le financement des frais de déplacement et d'hébergement qu'entraînent les visites au parloir d'un proche incarcéré – une telle prise en charge pourrait être accordée sous condition de ressources.

Ce texte de rattrapage nous permettra de nous mettre en conformité avec la législation européenne, de résoudre un des principaux problèmes de la Corse et de régler de nombreuses situations de tensions dans les prisons françaises. C'est pourquoi les députés écologistes voteront en faveur de ce qui représente une avancée dans les droits des détenus, même si elle est tardive et peut-être quelque peu liée au contexte électoral.

Debut de section - PermalienMichel Mercier, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés

Certainement pas ! Vous divaguez !

Debut de section - PermalienPhoto de Sandrine Mazetier

Monsieur le ministre, permettez-moi de saluer la patience de l'auteur et rapporteur de la belle proposition de loi que nous examinons : M. Sauveur Gandolfi-Scheit.

Je parle de patience car il est étonnant de constater le délai particulièrement long qui a couru entre le dépôt de ce texte et son inscription à l'ordre du jour, si on le compare à la rapidité avec laquelle ont été examinées d'autres propositions de loi sur des sujets pénitentiaires ou sécuritaires émanant de députés du groupe UMP.

Je ne m'interrogerai pas, contrairement à notre collègue Michel Hunault, sur les origines corses des cosignataires du texte qui pourraient expliquer un tel délai ; j'y vois plutôt une application de la maxime italienne : « Chi va piano va sano e chi va sano va lontano » – autrement dit : qui avance lentement avance sûrement et qui avance sûrement va loin.

Les familles de personnes détenues subissent des dommages très importants du fait de l'incarcération d'un proche. Au-delà du choc psychologique provoqué par l'incarcération, de la séparation qui en résulte, de la stigmatisation sociale dont les personnes concernées sont l'objet, ainsi que des conséquences matérielles occasionnées par une diminution des revenus du foyer, ces familles doivent faire face à des dépenses supplémentaires non négligeables liées aux visites au parloir.

Les actuels plans de construction d'établissements à capacité importante et à vocation régionale amènent la disparition progressive de nombre de maisons d'arrêt de proximité qui existaient dans les départements. La situation s'aggrave donc de ce point de vue et elle va malheureusement à l'encontre du principe de personnalité des peines visant à limiter les conséquences d'une sanction à l'auteur d'un délit, d'un crime ou d'une infraction afin de prémunir la famille ; elle nuit au maintien des liens familiaux. Elle constitue donc parfois une forme de double peine pour les familles et je parlerai même de triple peine, puisqu'il existe relativement peu, et vous le savez, monsieur le garde des sceaux, d'établissements pénitentiaires accueillant des femmes, donc des mamans, des conjointes.

Cette situation pose aux familles de graves problèmes d'éloignement et constitue un handicap supplémentaire pour la réinsertion, comme cela a été souligné par des commissions d'enquête ou dans des rapports au Sénat et à l'Assemblée. En 2000, nos collègues sénateurs Jean-Jacques Hyest et Guy-Pierre Cabanel ont précisé, dans un rapport de commission d'enquête portant sur les conditions de détention dans les établissements pénitentiaires en France, qu'il était indispensable de permettre aux familles de rejoindre les prisons en empruntant les transports en commun. À cet égard, la commission d'enquête a rappelé que, sur les six établissements prévus dans le programme pénitentiaire 4000 inscrit dans la loi de programme de 1995 relative à la justice, un seul site était directement desservi par les transports en commun. L'isolement géographique des nouveaux établissements constitue un obstacle au maintien des liens sociaux et familiaux et pénalise les familles modestes, qui doivent engager des dépenses importantes pour leur budget afin de pouvoir visiter un proche. Dans ces conditions, Marc Dolez et Noël Mamère l'ont dit, les visites se font plus rares.

Debut de section - PermalienPhoto de Sandrine Mazetier

Elles deviennent compliquées et très coûteuses pour les proches, issus la plupart du temps d'un milieu modeste. Or le maintien des liens familiaux est reconnu comme essentiel parce qu'il favorise la réinsertion des personnes incarcérées, réinsertion qui passe d'abord et de loin par le maintien des liens familiaux, et parce que c'est un facteur de prévention du suicide, l'incarcération rompant la plupart du temps les liens sociaux et amicaux, seuls les liens familiaux résistant, en général, à cette rupture. Enfin, Simon Renucci vient de l'évoquer, c'est un facteur important de prévention de la récidive. Ne serait-ce que pour cela, la société devrait être attentive au rapprochement familial des détenus condamnés. Par ailleurs, comme plusieurs orateurs l'ont souligné avant moi, il est indispensable à la construction psychologique et identitaire des enfants de détenus.

Pour toutes ces raisons, et aussi parce que la commission des lois a apporté des modifications à sa rédaction initiale, ce qui a permis d'éviter certaines difficultés, le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche votera cette proposition de loi, tout en regrettant qu'elle n'ait pas pu être examinée plus tôt. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Louis Giscard d'Estaing

La discussion générale est close.

La parole est à M. le rapporteur.

Debut de section - PermalienPhoto de Sauveur Gandolfi-Scheit

Je tiens à remercier tous les orateurs.

Contrairement à ce que certains d'entre eux ont pu penser, ce texte s'applique bien sûr à l'ensemble du territoire national.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Paul Bacquet

Il n'y a pas que la Corse ! Qui a pu imaginer cela ?

Debut de section - PermalienPhoto de Sauveur Gandolfi-Scheit

Oui, ce texte a bel et bien force juridique. Il est, pour l'administration pénitentiaire, une obligation nouvelle consistant à prendre en compte le rapprochement familial.

Je regrette que M. Paul Giacobbi ait précisé que cette proposition de loi n'avait pas de raison d'être.

Debut de section - PermalienPhoto de Paul Giacobbi

Non ! Je parlais de sa portée juridique, c'est différent !

Debut de section - PermalienPhoto de Sauveur Gandolfi-Scheit

Ce n'est pas grave ! On se comprend parfois moins bien entre Corses !

Certes, il ne s'agit pas d'une obligation de moyens, mais il est préférable de voter un dispositif réaliste et effectif plutôt que de voter une loi trop contraignante dans sa lettre et, finalement, inapplicable en pratique. Oui, les mesures prévues dans la proposition de loi sont bien du domaine de la loi et ne relèvent donc pas du règlement. Elles touchent en effet directement aux libertés publiques que sont le droit au respect de la vie privée et le droit à une vie familiale normale. Certes, ce texte ne prétend pas régler l'ensemble des difficultés posées par les questions pénitentiaires, mais il s'agit d'une nouvelle étape dans l'humanisation des conditions de détention dans notre pays.

Debut de section - PermalienMichel Mercier, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés

Je répondrai en quelques mots aux orateurs.

En 1974, alors qu'il visitait les prisons de Lyon, le Président Valéry Giscard d'Estaing a posé le principe tout clair et tout net que la condamnation prive le condamné de liberté, mais d'aucun autre de ses droits. Le texte que nous présente aujourd'hui M. Gandolfi-Scheit va tout à fait dans ce sens. Il existe un droit constitutionnel pour tout Français : celui de vivre avec sa famille. Nous essayons de le mettre en oeuvre sur l'ensemble du territoire national : en Corse, en Auvergne, à Marseille, partout !

Debut de section - PermalienMichel Mercier, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés

Ce principe clairement posé voici quelques années a été repris dans la loi pénitentiaire et il fait aujourd'hui l'objet de la proposition de loi de M. Gandolfi-Scheit.

Un problème particulier se pose bien entendu pour la Corse. En effet, comme l'ont rappelé les intervenants, il y a un bras de mer et la géographie corse est très particulière. Nous devons prendre tout cela en compte. La Corse compte trois établissements pénitentiaires, même si seuls deux d'entre eux ont été évoqués. L'un, très intéressant, ne s'adresse d'ailleurs pas qu'aux gens qui sont nés ou habitent en Corse. Deux établissements, l'un situé à Ajaccio et l'autre à Borgo, sont, en quelque sorte, des prisons de droit commun. Nous avons veillé à ce que tous les prisonniers incarcérés sur le continent, sauf deux pour lesquels il convient, comme cela a été clairement indiqué, d'attendre la fin de la période de sûreté avant d'examiner leur cas, puissent revenir en Corse s'ils le désirent. Tous ceux qui ont voulu retourner en Corse ont donc pu le faire. J'ai pris cet engagement devant l'ensemble des élus corses et je l'ai tenu. Il n'y a aucun problème de ce point de vue. Il convient toutefois d'adapter les établissements d'Ajaccio et de Borgo. Je regrette cependant que l'on se soit contenté de rénover l'établissement d'Ajaccio en l'exhaussant d'un étage. Cette prison est en effet très pratique puisqu'un tunnel la relie au magnifique palais de justice d'Ajaccio ! Mais il est ennuyeux que l'immeuble situé derrière la prison appartienne au département de la Haute-Corse…

Debut de section - PermalienMichel Mercier, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés

Je suis du continent, je ne peux pas tout savoir en un jour !

Debut de section - PermalienMichel Mercier, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés

Si vous m'invitez une deuxième fois, j'accepterai volontiers de m'y rendre ! Cet immeuble aurait pu être utilisé, mais on ne parvient malheureusement pas à changer sa destination actuelle.

Debut de section - PermalienMichel Mercier, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés

Nous envisageons un quartier spécial à Vienne, monsieur Remiller !

La prison de Borgo, qui a l'avantage d'être plus moderne, est située sur un terrain suffisamment grand pour construire un centre de semi-liberté. De plus, de trop nombreuses places étant réservées aux mineurs, elles ont été réduites, et les locaux qui leur étaient théoriquement affectés se trouvant vides, toutes les demandes ont pu être satisfaites. Il est vrai qu'il y a encore une surpopulation pénale en Corse, mais elle est plutôt moins élevée que sur le continent. En effet, la moyenne nationale est de 128 %, alors qu'elle est de 112 % à Borgo et de 120 % à Ajaccio.

Debut de section - PermalienMichel Mercier, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés

Cela dépend des régions !

Plusieurs orateurs ont évoqué les droits proclamés et les droits concrètement donnés. Je fais cette distinction traditionnelle entre les droits concrets et les droits théoriques à l'attention de M. Dolez, afin qu'il puisse s'y retrouver et qu'il vote ainsi ce texte. Je fais ce que je peux pour rappeler les vieilles théories, pour ne pas dire les vieilles lunes !

Nous avons un vrai problème. Il convient aussi d'accepter de construire les prisons là où il y a la population. Aujourd'hui, je reçois de nombreuses demandes d'élus qui veulent des prisons participant à l'aménagement du territoire, à la création d'emplois, mais je dois aussi faire face à des refus. Il est parfois impossible de construire une prison dans certaines capitales de région.

Plusieurs députés du groupe SRC. Lesquelles ? Des noms !

Debut de section - PermalienMichel Mercier, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés

Vous chercherez, il n'y en a que vingt-trois ! Il est donc facile de voir où il n'y en a pas !

En revanche, on réclame une prison dans la Creuse, on veut garder la prison d'Aurillac, on veut la remplacer à Cahors pour en créer une à Sauzet. À Bayonne, on est prêt à faire un effort.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Door

À Orléans, on en a construit une toute neuve !

Debut de section - PermalienMichel Mercier, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés

Il en existe certes des neuves.

Nous rencontrons donc de véritables difficultés pour qu'il y ait une prison près des grandes concentrations d'hommes et de femmes, parce qu'on nous oppose parfois des refus. Cela nécessite très naturellement des transports, ce qui a un certain coût. J'ai bien entendu que certains demandaient que le coût du déplacement soit pris en charge. Cela ne me paraît honnêtement pas très raisonnable. Il faudrait ainsi prendre en compte les familles qui ont une personne âgée placée dans un établissement éloigné de leur domicile…

Debut de section - PermalienMichel Mercier, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés

…les personnes divorcées et les visites des enfants, ceux qui ont un proche handicapé... Nous devons éviter de créer des classifications. Payer de tels déplacements ne me paraît pas très raisonnable, compte tenu de toutes les autres catégories qu'il conviendrait peut-être de considérer d'abord.

Le texte proposé par Sauveur Gandolfi-Scheit apporte des précisions à la loi pénitentiaire. Il organise un droit. Cette proposition de loi est donc la bienvenue. Elle bénéficiera non seulement aux détenus corses, mais également à tous les détenus sur l'ensemble du territoire de la République.

Il est vrai qu'il nous manque encore des places de prison, vous l'avez tous souligné dans vos interventions. Je ne peux donc que vous inviter à voter le projet de loi de programmation actuellement en discussion au Parlement, texte qui vise justement à créer un certain nombre de places de prison pour que la situation s'améliore dans notre pays. Je ne doute pas, madame Mazetier, que le souci de cohérence intellectuelle qui vous habite en permanence vous conduira à voter cette proposition de loi et le projet de loi de programmation ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Louis Giscard d'Estaing

J'appelle maintenant, dans le texte de la commission, l'article unique de la proposition de loi.

Je suis saisi d'un amendement n° 1 .

La parole est à M. Jacques Remiller, pour le soutenir.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Remiller

Je ne développerai pas l'objet de cet amendement car, en accord avec le premier signataire, je le retire.

Debut de section - PermalienPhoto de Sandrine Mazetier

Je regrette d'avoir à reprendre ce bon amendement. J'en donne lecture à mes collègues qui ne l'auraient pas sous les yeux. Il propose de compléter l'alinéa 4 par la phrase suivante : « Le refus de la demande du détenu par l'administration pénitentiaire est motivé par écrit. » Motiver par écrit le refus d'un rapprochement familial ne me semble de nature ni à déséquilibrer les comptes publics, ni à mettre en danger la société. Cela aurait été un ajout utile, qui irait d'ailleurs dans le sens des propos tenus cet après-midi dans l'hémicycle par le rapporteur et les orateurs. Je vous propose donc de mettre cet amendement aux voix, monsieur le président.

Debut de section - PermalienPhoto de Sauveur Gandolfi-Scheit

Cet amendement vise à obliger l'administration pénitentiaire à motiver sa décision d'affectation d'un détenu dans un établissement pénitentiaire, mais son adoption n'est pas souhaitable, pour plusieurs raisons.

Du point de vue technique, il fait référence à la demande d'un détenu, ce qui n'est pas prévu dans le texte de la proposition de loi.

Sur le fond, pourquoi inscrire une telle exigence pour la seule décision relative à l'affectation des détenus dans tel ou tel établissement mais pas pour toutes les autres décisions de l'administration pénitentiaire ? Ce serait ouvrir un débat qui dépasse manifestement le champ de cette proposition de loi.

Debut de section - PermalienMichel Mercier, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés

Si une décision notifiée à un détenu porte atteinte à un droit fondamental, si elle a par exemple pour objet de l'éloigner sans fondement de sa famille, il peut faire un recours devant le tribunal administratif. Cet amendement n'apporterait donc rien de plus. Je vous rappelle qu'en cas de réaffectation, la décision est systématiquement motivée et notifiée au détenu.

Cet amendement ne me semble donc avoir aucune utilité pratique. C'est la raison pour laquelle je vous demande de le rejeter.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Soisson

J'ai écouté toute la discussion et je suis favorable à l'adoption de la proposition de loi. Je comprends les positions qu'ont exprimées les députés corses et d'autres comme le député de Bayonne. Il y a dans l'Assemblée une très large unanimité pour voter cette proposition.

Un tel amendement est étranger à ce texte, car il ne relève pas du domaine de la loi.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Soisson

Il y a le domaine législatif et le domaine réglementaire. Vous évoquez la Cour européenne. Restons-en au texte de la proposition de loi qui nous rassemble tous et n'essayons pas d'aller au-delà. Ce serait contraire à l'esprit qui nous a animés les uns et les autres. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Sandrine Mazetier

Monsieur le rapporteur, ce n'est pas parce que l'administration pénitentiaire ne motive pas grand-chose qu'elle ne doit pas commencer à le faire. Le progrès est un long, un lent chemin, et j'ai rendu hommage à votre patience dans mon intervention. Ce n'est pas parce que cet amendement ne concerne pas toutes les décisions de l'administration pénitentiaire qu'il n'est pas bon alors lorsqu'il s'agit du refus par l'administration pénitentiaire d'une demande d'un détenu.

Même si cela rime, monsieur le ministre, une notification n'est pas une motivation. La notification du refus d'une demande à un détenu n'oblige en rien l'administration pénitentiaire à motiver les raisons de ce refus, et je pense que ce serait un progrès, qui devrait être suivi par d'autres avancées. Chaque chose en son temps, mes chers collègues. Ajouter une pierre à l'édifice me semble être de bonne pratique dans cet hémicycle.

Debut de section - PermalienMichel Mercier, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés

Je partage le point de vue de M. Soisson.

Vos propos, madame Mazetier, montrent une certaine méconnaissance de la façon dont agit l'administration pénitentiaire, qui motive beaucoup ses décisions. Il y a des commissions qui siègent, le détenu est entendu, et tout ne se fait pas n'importe comment, au contraire. Un grand nombre de décisions sont écrites et notifiées.

Debut de section - PermalienMichel Mercier, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés

Beaucoup d'entre elles sont motivées et, lorsqu'elles portent atteinte à un droit qui est garanti, le tribunal administratif est saisi. Il suffit de consulter la jurisprudence des tribunaux administratifs pour voir que d'assez nombreux jugements sont rendus en matière pénitentiaire. On ne peut donc pas dire que l'administration agisse dans l'arbitraire. Lorsque des détenus sont particulièrement signalés, c'est une commission qui prend la décision. Si la demande est renouvelée, trois personnes entendent le détenu, et la décision est notifiée et motivée.

J'ai découvert ce milieu que je ne connaissais pas avant d'être nommé à mes fonctions et, très honnêtement, il y a dans l'administration pénitentiaire un formalisme qui préserve les libertés. C'est la raison pour laquelle je ne peux que renouveler mon opposition à cet amendement.

Debut de section - PermalienPhoto de Camille de Rocca Serra

Il y a un consensus et il me paraît nécessaire de le préserver. Nous allons adopter un texte qui impose à l'administration pénitentiaire notre définition du rapprochement familial, c'est suffisant. Nous avons fait un geste important et il serait anormal de vouloir nous distinguer les uns des autres. Le groupe UMP suivra le rapporteur et le ministre.

(L'amendement n° 1 n'est pas adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Louis Giscard d'Estaing

Dans les explications de vote, la parole est à M. Paul Giacobbi, pour le groupe SRC.

Debut de section - PermalienPhoto de Paul Giacobbi

Ainsi que l'a souligné le rapporteur, ce texte s'applique bien entendu à l'ensemble du territoire.

La question du domaine de la loi a été tranchée par une décision du Conseil constitutionnel. Il n'y a donc pas de doute. Le Conseil constitutionnel dit textuellement qu'il appartient au législateur, « compétent en application de l'article 34 de la Constitution pour fixer les règles concernant le droit pénal et la procédure pénale, de déterminer les conditions et les modalités d'exécution des peines privatives de liberté dans le respect de la dignité de la personne ». C'est tout à fait clair.

Monsieur le rapporteur, vous avez cru comprendre, à tort, que je trouvais ce texte nul et non avenu. J'ai simplement constaté qu'il n'ajoutait rien au droit positif. Le texte initial créait incontestablement un droit mais la rédaction finale ne contient qu'une intention. Cela dit, s'il suffisait qu'un texte n'ait pas de portée juridique pour ne pas pouvoir être discuté dans cette assemblée, notre travail législatif serait considérablement facilité car je connais un grand nombre de textes qui ne seraient plus en discussion.

Cette proposition a tout de même été l'occasion pour le Gouvernement et pour le Parlement de s'exprimer, et je remercie l'ensemble des députés qui ont participé au débat. Le Gouvernement a pu préciser un certain nombre de points. J'ai été très attentif aux propos de M. le garde des sceaux, notamment sur la capacité des prisons et sur ses intentions.

Ainsi que l'a indiqué Mme Mazetier, nous voterons cette proposition.

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Dolez

Je confirme que le groupe GDR s'abstiendra, pour les raisons que j'ai indiquées. Nous aurions voté le texte initial. Le texte final est en recul, il ne consacre plus le droit que nous aurions souhaité voir introduire.

Debut de section - PermalienPhoto de Louis Giscard d'Estaing

Personne ne demande plus la parole ?...

Je mets aux voix l'article unique de la proposition de loi.

(L'article unique de la proposition de loi est adopté.)

(Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et SRC.)

Vote sur l'article unique

Debut de section - PermalienPhoto de Louis Giscard d'Estaing

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-huit heures vingt-cinq, est reprise à dix-huit heures trente-cinq.)

Debut de section - PermalienPhoto de Louis Giscard d'Estaing

L'ordre du jour appelle la discussion, après engagement de la procédure accélérée, de la proposition de loi de M. Éric Diard et de plusieurs de ses collègues relative à l'organisation du service et à l'information des passagers dans les entreprises de transport aérien de passagers (nos 3991, 4157).

La parole est à M. Éric Diard, rapporteur de la commission du développement durable et de l'aménagement du territoire.

Debut de section - PermalienPhoto de Éric Diard

Monsieur le président, madame la ministre de l'écologie, monsieur le ministre chargé des transports, monsieur le président de la commission, mes chers collègues, nous abordons l'examen de la proposition de loi que j'ai déposée le 22 novembre, après en avoir cosigné une première mouture avec quatre-vingt-dix de mes collègues le 20 octobre.

Cette proposition de loi concerne l'organisation du transport aérien et l'information des passagers. Il s'agit de mettre en place un service garanti et non un service minimum. En effet, le transport aérien de personnes ne constitue pas une mission de service public, contrairement au train, au métro ou au RER. Nous sommes dans le cadre d'une activité fortement concurrentielle ; il n'y a donc pas de mission de service public, sauf pour les sociétés qui assurent la sécurité aéroportuaire et pour le contrôle aérien.

La présente proposition repose sur trois piliers.

Tout d'abord, je me suis appuyé sur la loi du 21 août 2007 relative au service minimum, en reprenant le mécanisme de prévention des conflits : l'alarme sociale. Si un conflit est latent, le salarié, le syndicat ou la compagnie pourront tirer l'alarme sociale et demander que chacun se mette autour de la table pour engager une négociation.

Je pense, mes chers collègues, que la grève est la dernière des solutions. Elle n'arrange ni les compagnies ni les salariés, qui perdent tous de l'argent.

Debut de section - PermalienPhoto de Éric Diard

Il est normal que, dans notre pays, la négociation salariale soit encouragée.

Avec le deuxième pilier, il s'agit d'obliger la personne qui veut se mettre en grève à le déclarer quarante-huit heures à l'avance. Quel est l'intérêt d'une telle mesure ?

Debut de section - PermalienPhoto de Éric Diard

Je vous rappelle que, dans le transport aérien, il est actuellement possible de se mettre en grève à la dernière seconde de la dernière minute.

Debut de section - PermalienPhoto de Éric Diard

Or il y a également des passagers. Ma motivation, c'est le respect des passagers et l'amélioration de la prévisibilité et de l'organisation du transport aérien.

Le troisième pilier est la contrepartie du deuxième. Les compagnies, mises au courant quarante-huit heures à l'avance du mouvement de grève et du personnel qui entend le suivre, doivent informer les passagers vingt-quatre heures à l'avance du service qui sera assuré. Aussi la proposition de loi ne fait-elle aucunement obstacle au droit de grève, constitutionnellement garanti. Si, dans un aéroport, le mouvement de grève est suivi et si aucun avion ne peut décoller, les compagnies préviendront les passagers et leur demanderont de ne pas se rendre à l'aéroport.

L'aéroport, mes chers collègues, est un lieu de transit. Ce n'est pas un endroit pour dormir. Nous sommes nombreux à avoir en tête des images de personnes bloquées dans un aéroport, qui dorment à même le sol,…

Debut de section - PermalienPhoto de Éric Diard

…qui essaient de savoir si leurs vols sont maintenus ou non. Les capacités hôtelières autour des aéroports, vous le savez, sont parfois insuffisantes, et les aéroports sont des lieux plutôt anxiogènes.

Debut de section - PermalienPhoto de Éric Diard

Tels sont les trois piliers de cette proposition de loi. La grève, comme je l'ai dit, est la dernière des solutions. Le mécanisme de prévention rendra possible l'alarme sociale. Le fait que les compagnies seront informées à l'avance représente même, selon moi, une seconde alarme sociale, car elles ont alors quarante-huit heures pour essayer de trouver un accord et d'éviter la grève.

Ce qui est visé, c'est le respect du passager, qui n'a rien à voir avec la grève et ne doit pas être utilisé lorsqu'elle a lieu. Dès lors qu'elles sauront qui fait et qui ne fait pas grève, les compagnies pourront et devront informer leurs passagers vingt-quatre heures à l'avance, par e-mail ou SMS, que les vols sont annulés ou maintenus. Les clients sauront donc s'ils doivent ou non se rendre à l'aéroport.

Le secteur aéroportuaire reste conflictuel : 360 conflits en moyenne ont lieu chaque année dans les aéroports. Dans ces lieux travaillent une dizaine de professions différentes, qui assurent une chaîne. Il suffit qu'un seul chaînon soit défaillant pour que toute la chaîne s'arrête. C'est une situation très particulière : la grève d'une catégorie de personnel peut complètement bloquer un aéroport.

Debut de section - PermalienPhoto de Éric Diard

Tel est l'esprit de la présente proposition de loi, qui a pour vocation d'améliorer l'information des passagers. Il est important que ceux-ci soient respectés, à la fois par les compagnies et par les salariés.

Je serai très attentif aux amendements, dont certains ont retenu l'intérêt de la commission du développement durable. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Mallot

Le rapporteur a été aussi succinct que son rapport !

Debut de section - PermalienPhoto de Louis Giscard d'Estaing

La parole est à Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, ministre de l'écologie, du développement durable, des transports et du logement.

Debut de section - PermalienNathalie Kosciusko-Morizet, ministre de l'écologie, du développement durable, des transports et du logement

Monsieur le président, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur et auteur de cette proposition de loi, mesdames et messieurs les députés, mes chers collègues Xavier Bertrand et Thierry Mariani, la proposition de loi qui vous est présentée vise à mieux faire respecter nos droits, tous nos droits, et en particulier à concilier deux droits fondamentaux afin de remédier aux conséquences engendrées par plusieurs événements récents survenus dans les aéroports français.

Il y a tout d'abord le droit d'aller et venir, de circuler librement, le droit pour les clients des compagnies aériennes de bénéficier des prestations pour lesquelles ils ont payé, le droit pour nos concitoyens de partir en vacances et d'en revenir. Aucun de ces droits n'est contestable et chacun d'eux doit être garanti.

S'il est légitime de se préoccuper de la libre circulation de nos concitoyens, il l'est aussi et tout autant de respecter les droits des travailleurs, notamment le droit constitutionnel de faire grève. La proposition de loi répond à cette double préoccupation.

Mesdames et messieurs les députés, le transport aérien est marqué par ce que l'on appelle dans notre administration, à M. Mariani et moi-même, une « conflictualité importante ».

Debut de section - PermalienThierry Mariani, ministre chargé des transports

Absolument !

Debut de section - PermalienNathalie Kosciusko-Morizet, ministre de l'écologie, du développement durable, des transports et du logement

Durant les trois dernières années, nous avons vécu 1 131 grèves dans ce seul secteur. Le trafic a été affecté presque 175 jours, quasiment la moitié d'une année.

Certaines grèves ont particulièrement frappé l'opinion. Vous vous souvenez du début du mois d'août 20l1 : le préavis de grève des personnels navigants commerciaux n'a été levé qu'à la dernière minute, et c'est donc à la dernière minute que les passagers ont pu être fixés sur leur départ. Nous avons eu aussi le week-end de la Toussaint : la grève s'est étalée, bien au-delà du week-end, sur cinq jours, provoquant l'annulation de 10 à 20 % des vols. Plus récemment, à Noël, en raison de la grève des personnels de sûreté aéroportuaire, les voyageurs ont été bloqués en masse aux postes de filtrage.

Au-delà même de ces mouvements de grève qui ont beaucoup marqué l'opinion, il faut aussi évoquer les préavis qui, même s'ils ne vont pas jusqu'au conflit, perturbent le transport aérien et donnent une image négative de nos compagnies, ce qui est particulièrement dommageable dans le contexte de très vive concurrence internationale auquel elles sont confrontées.

Thierry Mariani et moi-même considérons que l'économie française et les Français ne peuvent pas subir des grèves à répétition qui paralysent le transport aérien et prennent en otage nos concitoyens, le plus souvent au moment des grands départs. Cette situation n'est pas tolérable, en premier lieu pour nos concitoyens qui ne peuvent plus se déplacer librement à l'occasion d'un congé bien mérité, pour retrouver leur famille ou encore pour travailler. C'est aussi une situation difficile à vivre pour nos entreprises car les déplacements professionnels en avion sont souvent indispensables à l'exercice de leur activité, et ces grèves nuisent donc à leur développement. Ce n'est pas tolérable non plus pour l'image de la France : notre pays doit pouvoir donner des signes de son professionnalisme et de son dynamisme économique dans le contexte de la mondialisation. Enfin, c'est intolérable pour les compagnies aériennes, qui sont fragilisées par ces conflits à répétition alors même, je le répète, qu'elles sont soumises à une concurrence extrêmement rude.

Les passagers ont le droit de voyager en toute sécurité ; ils ont aussi droit à une information fiable sur l'état du trafic lorsqu'un mouvement social perturbe le transport aérien. C'est pourquoi je me suis engagée avec Xavier Bertrand et Thierry Mariani en faveur de la mise en place d'un dispositif qui prévoie la négociation collective afin de prévenir les conflits et impose aux grévistes éventuels de déclarer préalablement leur intention de cesser le travail.

Je reviens à une expérience qui n'est pas complètement similaire mais s'avère néanmoins intéressante dans le cadre de notre débat : le service minimum dans les transports terrestres de voyageurs,…

Debut de section - PermalienNathalie Kosciusko-Morizet, ministre de l'écologie, du développement durable, des transports et du logement

…promesse tenue du Président de la République avec la loi du 21 août 2007, qui constitue l'une des grandes réformes du quinquennat.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Mallot

Ce n'est pas un service minimum ! Lisez le texte !

Debut de section - PermalienNathalie Kosciusko-Morizet, ministre de l'écologie, du développement durable, des transports et du logement

Faisons rapidement le bilan de l'expérience : elle a permis des avancées indiscutables en termes de dialogue social mais aussi d'information des passagers dans les transports ferroviaires et les transports urbains. Cela fait plus de quatre ans maintenant que les mesures de négociation préalable au conflit, de déclaration individuelle des personnels et d'information des passagers sont appliquées à la RATP, à la SNCF et dans les entreprises de transports urbains, à Paris et en province.

Debut de section - PermalienNathalie Kosciusko-Morizet, ministre de l'écologie, du développement durable, des transports et du logement

J'en profite pour saluer le sens de l'intérêt collectif dont font preuve les organisations syndicales de ces secteurs depuis quelques années, car cela se passe bien, de manière beaucoup plus fluide.

Contrairement aux prophéties habituelles de nos Cassandre et autres augures, il ne s'agit pas de procéder à un quelconque copier-coller de ce dispositif pour les entreprises du secteur aérien, secteur concurrentiel et libéralisé. Les choses ne sont pas totalement transposables. Il ne s'agit pas non plus, je le redis car il y a des vérités qu'il faut marteler, de toucher de quelque manière au droit de grève…

Debut de section - PermalienNathalie Kosciusko-Morizet, ministre de l'écologie, du développement durable, des transports et du logement

…qui, je le rappelle, est un droit constitutionnel. Le droit de grève est tout aussi sacré pour le Gouvernement que pour les salariés, il constitue pour ceux-ci une forme d'expression inaliénable. La proposition de loi d'Éric Diard prévoit la faculté de signer des accords-cadres régissant le dialogue social ; elle impose seulement, en cas d'échec des négociations, que les salariés déclarent individuellement leur intention de faire grève quarante-huit heures à l'avance.

Ainsi, la proposition de loi fait les choses dans l'ordre : primauté au dialogue social, à la négociation entre les entreprises et les organisations syndicales représentatives, car l'objectif est, et restera toujours, de prévenir les conflits. C'est uniquement à défaut que ce texte crée, pour les salariés qui veulent néanmoins faire grève, une obligation de se déclarer.

Je tiens à préciser, car cela a été trop peu souligné, que le dispositif ne mettra en aucune manière en difficulté les salariés face à leurs employeurs puisqu'il est expressément prévu que les informations contenues dans les déclarations individuelles ne pourront pas être utilisées à d'autres fins que pour organiser l'activité au cours du conflit. Elles sont couvertes par le secret professionnel.

Debut de section - PermalienNathalie Kosciusko-Morizet, ministre de l'écologie, du développement durable, des transports et du logement

La proposition de loi n'empêchera pas les personnels qui concourent à l'activité des transports aériens de passagers de faire grève pour porter leurs revendications. En revanche, leurs déclarations permettront aux entreprises de connaître à l'avance l'état des effectifs pour organiser le planning des vols, ce qui permettra aux passagers de savoir si leur vol est assuré la veille de leur départ. C'est, me semble-t-il, la moindre des choses !

Veiller au respect du principe de libre circulation des personnes est l'une des missions régaliennes de l'État. Nous faisons en sorte que ce principe n'entre aucunement en contradiction avec le droit de grève. La réforme qui vous est proposée constitue un nouvel équilibre, longtemps attendu, entre droit de grève, sauvegarde de l'ordre public et continuité du service dans les aéroports. Elle ouvre la possibilité d'un dialogue social apaisé sans pénaliser des millions de Français. Je souhaite vraiment que cette possibilité devienne réalité. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Louis Giscard d'Estaing

La parole est à M. Xavier Bertrand, ministre du travail, de l'emploi et de la santé.

Debut de section - PermalienNathalie Kosciusko-Morizet, ministre de l'écologie, du développement durable, des transports et du logement

Dans vos rêves, monsieur le député ! (Sourires.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Mallot

Pas du tout : lui connaît la loi de 2007 !

Debut de section - PermalienXavier Bertrand, ministre du travail, de l'emploi et de la santé

Monsieur le président, mesdames, messieurs les députés, la proposition de loi que nous examinons aujourd'hui est indispensable parce qu'elle répond à une attente des Français,…

Debut de section - PermalienXavier Bertrand, ministre du travail, de l'emploi et de la santé

…nombre d'entre eux ne supportant plus d'être pris en otages…

Debut de section - PermalienXavier Bertrand, ministre du travail, de l'emploi et de la santé

…lors des conflits sociaux dans le transport aérien, surtout quand ils partent en vacances. Je ne crois pas aux coïncidences : les mouvements de grève au moment des départs en vacances ne relèvent en rien de la coïncidence, la grève des agents de sûreté l'a montré récemment – est-il besoin d'une autre démonstration ? –, même si le droit de grève, chacun le sait, a valeur constitutionnelle.

Aux côtés de Nathalie Kosciusko-Morizet et de Thierry Mariani, l'ensemble du Gouvernement soutient fortement ce texte qui s'inscrit dans le prolongement de la loi du 21 août 2007 sur le dialogue social et la continuité du service public dans les transports terrestres, que j'avais eu l'honneur de défendre au début du quinquennat et que vous, députés de la majorité, aviez votée. Cette loi, nous en sommes fiers. Cela faisait vingt ans que l'on parlait de la nécessité d'un service minimum dans les transports, vingt ans qu'on l'attendait, vingt ans que ce n'était pas fait.

Debut de section - PermalienXavier Bertrand, ministre du travail, de l'emploi et de la santé

Nous avons pris nos responsabilités. Nous avons répondu à l'attente de nos concitoyens. Cela n'a pas été simple : que n'a-t-on entendu à l'époque de la part de l'opposition ! On nous disait que cette loi ne serait pas constitutionnelle, qu'elle ne réglerait strictement rien, qu'il s'agissait d'un texte de façade qui ne changerait pas la réalité de notre pays. La réalité a été totalement différente car, quand il y a une grève aujourd'hui dans notre pays, il n'est plus paralysé comme cela a été le cas à différentes reprises.

Debut de section - PermalienThierry Mariani, ministre chargé des transports

Absolument !

Debut de section - PermalienXavier Bertrand, ministre du travail, de l'emploi et de la santé

Bien évidemment, quand il y a moins de trains, de métros ou de bus, les usagers subissent des perturbations, mais il n'y a plus cette paralysie, cette absence totale de transports que nous avons connue à différentes époques. Il n'y a plus, vous le savez bien, de tels blocages, c'est une vraie réussite. Nous avions donc besoin de prolongements : c'est le cas avec cette proposition de loi, que je remercie Éric Diard d'avoir présentée.

Pourquoi la loi de 2007 est-elle une réussite ? Tout d'abord parce qu'elle a permis de développer le dialogue social et de toujours privilégier la discussion par rapport à la confrontation. Elle a instauré une procédure de négociation préalable avant le dépôt d'un préavis de grève et, dans de très nombreux cas, cette procédure a permis aux partenaires sociaux de remédier aux causes du conflit par la négociation et d'éviter ainsi le recours à la grève. Selon les entreprises et les secteurs, cette procédure a permis d'éviter le déclenchement de grèves dans 40 à 80 % des cas. Mécaniquement, le nombre de préavis de grèves déposés est donc en baisse constante depuis 2008.

Cette loi est aussi une réussite parce qu'elle a permis aux passagers d'être mieux informés des prévisions de trafic en cas de mouvement social. Cette information était essentielle.

C'est encore une réussite parce qu'elle a imposé de mettre en oeuvre des plans de prévisibilité qui permettent aux entreprises de transport terrestre d'assurer le service que les voyageurs sont en droit d'attendre : ce système leur permet d'établir des niveaux de service pertinents et surtout d'informer leur clientèle à l'avance. Dans la très grande majorité des cas, les grandes entreprises de transport ont respecté cet engagement de service auprès de leur clientèle ou, lorsque ce n'était pas possible, appliqué les modalités prévues par la loi.

Il fallait relever le défi de la conciliation entre le droit de grève, de valeur constitutionnelle, et le principe de continuité du service public. Les deux, pour nous, chacun le sait, sont compatibles ; les deux ont une valeur on ne peut plus forte. On nous avait annoncé qu'ils seraient inconciliables et incompatibles. Or le Conseil constitutionnel a dit tout le contraire. Ce défi, nous l'avons donc relevé en nous appuyant sur le dialogue social et, j'en suis persuadé, nous avons trouvé le bon équilibre parce que nous n'avons pas fait le choix de l'idéologie, mais celui du bon sens dans l'intérêt des Français.

C'est ce choix du bon sens qu'avec la présente proposition de loi nous étendons aux transports aériens. Nous le faisons bien sûr dans un cadre précis, distinct de celui du transport terrestre, mais dans le même esprit de dialogue et de prise de responsabilité par tous les acteurs sans exception.

La discussion des articles permettra d'examiner plusieurs amendements qui sont pour le Gouvernement d'une grande pertinence.

Debut de section - PermalienXavier Bertrand, ministre du travail, de l'emploi et de la santé

Je voudrais revenir à un point évoqué la semaine dernière lors des questions d'actualité et sur lequel Thierry Mariani avait eu l'occasion de répondre : nous avons constaté, notamment dans la Loire, que certains agents, considérés comme jusqu'au-boutistes par les organisations syndicales, qui se sont retirées du mouvement, avaient trouvé le moyen de contourner la loi en déposant des déclarations d'intention de faire grève puis en changeant d'avis, dans le seul but d'empêcher l'entreprise de prévoir une organisation adaptée aux besoins. Qui en pâtit ? Ce sont les usagers. Il est possible de changer d'avis, nous en avions beaucoup parlé au cours des débats, mais quand c'est dans le but de désorganiser le service, ce n'est plus pareil. Ceux-là veulent contourner la loi ; nous, nous complétons la loi. Voilà pourquoi nous réserverons un avis favorable aux amendements en question. Compléter la loi est en effet pour nous essentiel parce que si quelqu'un dit qu'il va faire grève, il en a la possibilité, mais s'il y a abus, il doit y avoir des sanctions disciplinaires.

Debut de section - PermalienXavier Bertrand, ministre du travail, de l'emploi et de la santé

Une fois de plus, nous prenons nos responsabilités.

Mesdames, messieurs les députés, ce qui fonctionne aujourd'hui dans les transports terrestres, nous devons l'étendre au secteur aérien ; ce n'est pas parce que les deux secteurs présentent évidemment des différences que nous ne pouvons pas nous inspirer pour l'un de ce qui marche et a fait ses preuves dans l'autre. C'est même indispensable.

Je sais bien que tout le monde, sur tous les bancs de l'hémicycle, va dire : « Il faut respecter le droit de grève », certains reconnaissant bien sûr qu'il faut prendre en compte les usagers. Mais en politique, parfois, c'est comme en amour : il y a les déclarations et il y a les actes.

Debut de section - PermalienXavier Bertrand, ministre du travail, de l'emploi et de la santé

Nous prenons nos responsabilités et c'est par des actes que nous montrons notre prise en compte des attentes des usagers. Les Français, face aux problèmes qu'ils peuvent rencontrer, attendent des réponses et le Gouvernement apporte donc tout son soutien à cette proposition de loi qui est, je le souligne à nouveau, indispensable. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et NC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Louis Giscard d'Estaing

La parole est à M. Serge Grouard, président de la commission du développement durable et de l'aménagement du territoire.

Debut de section - PermalienPhoto de Serge Grouard

Monsieur le président, madame et messieurs les ministres, mes chers collègues, nous abordons la discussion d'une proposition de loi dont les médias se sont largement fait l'écho depuis plusieurs semaines, ce qui constitue à tout le moins la preuve que l'initiative d'Éric Diard répond à une difficulté réelle dans le secteur du transport aérien de passagers. C'est l'occasion pour moi de l'en féliciter et de lever une suspicion que j'ai entendue s'exprimer insidieusement : on a reproché au rapporteur et à travers lui au groupe UMP et au Gouvernement…

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Mallot

Et à travers le Gouvernement au Président de la République !

Debut de section - PermalienPhoto de Serge Grouard

…d'endosser les habits d'un fossoyeur du droit de grève. C'est une accusation que nous avons déjà entendue à maintes reprises au cours de la législature.

Debut de section - PermalienPhoto de Serge Grouard

Cette accusation n'a pas plus de vérité aujourd'hui qu'elle n'en avait hier. Elle est tout aussi erronée pour le secteur aérien qu'elle l'était pour le secteur ferroviaire.

Je souhaiterais tout d'abord dire quelques mots sur le calendrier de la procédure. Parce que nous discutons ce texte en janvier, certains soutiennent qu'il aurait été conçu en réaction aux grèves de décembre. Chacun se souvient de ces deux semaines au cours desquelles les employés des sociétés de sûreté aérienne ont cessé le travail dans plusieurs aéroports, entraînant des perturbations importantes du trafic aérien. Cette proposition de loi viendrait donc, paraît-il, en réaction à ce mouvement social.

Hélas pour ceux qui l'expriment, cette critique n'a pas de fondement. Chacun peut consulter le site internet de l'Assemblée nationale et découvrir que cette proposition de loi a été déposée le 22 novembre 2011,…

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Vidalies

Et quand a-t-elle été inscrite à l'ordre du jour ?

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Mallot

C'est donc la proposition de loi qui aurait déclenché le mouvement…

Debut de section - PermalienPhoto de Serge Grouard

Les dates sont éloquentes. Ce texte répond uniquement à une défaillance de notre droit, que les faits ont révélée à tous et plus cruellement encore aux passagers !

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Vidalies

Répondez à ma question : quand a-t-elle été inscrite ?

Debut de section - PermalienPhoto de Serge Grouard

Exit donc l'accusation de présenter un texte de circonstance.

Lors de la réunion de la commission du développement durable, certains ont adapté l'accusation : nous examinons ce texte juste après la grève et c'est une manière de la politiser. Bien mieux, nous serions responsables des mouvements de grève à venir dont certains ont déjà été annoncés pour le 6 février prochain.

À ceux qui l'auraient oublié, je rappelle que l'article 42 de la Constitution prescrit un délai de six semaines entre la date du dépôt d'une proposition de loi et celle de sa discussion.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Vidalies

Quand a-t-elle été inscrite ? Nous allons ressortir les déclarations du Gouvernement !

Debut de section - PermalienPhoto de Serge Grouard

Le texte déposé le 22 novembre 2011 est discuté en séance publique le 24 janvier 2012. La suspension programmée de nos travaux parlementaires et la nécessité d'organiser la navette entre les deux assemblées ont conduit à inscrire maintenant ce texte à l'ordre du jour. Ce n'est pas de l'opportunisme politique, mes chers collègues, que de respecter la Constitution et le règlement.

Debut de section - PermalienPhoto de Serge Grouard

Mais il ne faudrait pas que ces faux arguments nous dissuadent de nous intéresser aux dispositions mêmes du texte, car c'est bien ce qui importe à nos concitoyens.

Comme l'a indiqué notre rapporteur, la proposition de loi contient trois dispositifs.

En premier lieu, le mécanisme de prévention des conflits, inspiré de l'alarme sociale instaurée par la loi du 21 août 2007 dans les transports terrestres ferroviaires.

En second lieu, l'information des passagers sur l'état du trafic dans un délai de 24 heures.

Je ne m'attarderai pas sur ces deux premiers éléments. D'abord, parce que le rapporteur les a excellemment présentés. Ensuite, parce que M. Daniel Goldberg, s'exprimant au nom du groupe SRC en commission, le 11 janvier dernier, a estimé qu'ils « n'appellent pas de longues discussions » et indiqué que son groupe était favorable au dispositif préventif de l'alarme sociale. Telle était sa position, sauf erreur de ma part, et il aura l'occasion d'y revenir tout à l'heure.

C'est donc sur le troisième élément que se concentrent les feux de l'accusation : l'obligation d'une déclaration individuelle de participation au mouvement de grève quarante-huit heures à l'avance.

À l'évidence, ce n'est en rien une remise en cause ou une limitation du droit de grève. Ce n'est en rien une atteinte à ce droit car chaque salarié sera libre de faire grève s'il estime que la défense de ses droits l'impose, comme actuellement. Du reste, la proposition de loi n'interfère aucunement dans les relations qui s'établissent entre salariés et entrepreneurs.

L'objectif est simple et de bon sens : épargner aux passagers le calvaire de se trouver bloqués, parfois durant des jours et des nuits, dans des aéroports qui ne sont pas conçus pour les accueillir dans de telles conditions, loin de leurs proches et loin de tout confort.

Debut de section - PermalienPhoto de Serge Grouard

Nous leur offrons simplement la possibilité de s'organiser, de prendre leurs dispositions pour éventuellement rester chez eux ou envisager de se déplacer autrement.

Pour cela – c'est toujours du bon sens – il faut qu'ils soient prévenus et informés correctement de l'état des vols. Nous pouvons en être tous d'accord. Pour que les passagers soient informés, il faut des prévisions et donc des données sur la grève à venir et sur le nombre de grévistes. CQFD.

Debut de section - PermalienPhoto de Serge Grouard

D'ailleurs, les maîtres mots du titre de la proposition de loi font référence à « l'organisation du service » et à « l'information des passagers ». L'ordre des nouveaux articles à insérer dans le code des transports n'est pas dû à un simple décalque du dispositif existant pour les transports terrestres ; il correspond à une logique que vous avez rappelée à l'instant, madame la ministre et monsieur le ministre.

Notre collègue Jacques Kossowski, qui a été le rapporteur de la loi du 21 août 2007 sur le dialogue social et la continuité du service public dans les transports terrestres de voyageurs,…

Debut de section - PermalienPhoto de Serge Grouard

…nous a rappelé, lors des réunions de la commission, qu'il avait reçu les organisations syndicales ainsi que les présidents des différentes institutions concernées. Il nous a indiqué que les syndicats lui avaient fait part de leur satisfaction d'avoir été écoutés même s'ils regrettaient encore un manque de dialogue social.

Dans des délais restreints, notre rapporteur a mené un certain nombre d'auditions et a rencontré un grand nombre des acteurs du transport aérien. C'est une première étape que nous souhaitons voir se poursuivre pour que des négociations s'instaurent et que, grâce au dialogue social, les choses puissent évoluer favorablement, même dans le cadre d'une entreprise privée. En prévoyant des accords pour sa mise en oeuvre, cette proposition de loi fait appel au dialogue social et lui permet d'aménager ses modalités. Nous provoquons la négociation, nous la proposons, nous ne la contraignons pas.

À terme, nous espérons voir le nombre des arrêts de travail se réduire. Comme vous l'avez rappelé, madame la ministre, la situation actuelle est en effet loin d'être satisfaisante parce qu'elle est préjudiciable à l'économie nationale et nuit à ses capacités de lutte contre la concurrence. Qui peut dire que tout cela est superflu, voire superfétatoire ? Qui oserait le prétendre ?

Nous pensons donc que les activités pourront être mieux organisées en cas de conflit social, non pas parce que nous aurions restreint le droit de grève mais parce que nous aurons amélioré la prévisibilité. Ce dispositif fonctionne d'ailleurs correctement dans les services publics de transports terrestres depuis 2007.

Mes chers collègues, en adoptant cette proposition de loi, la commission du développement durable et de l'aménagement du territoire a montré sa volonté de ne pas laisser perdurer davantage une absence d'information préjudiciable à nos concitoyens. Je vous invite donc à l'adopter à votre tour. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Louis Giscard d'Estaing

J'ai reçu de M. Jean-Marc Ayrault et des membres du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche une motion de rejet préalable déposée en application de l'article 91, alinéa 5, du règlement.

La parole est à M. Daniel Goldberg.

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Goldberg

Monsieur le président, madame la ministre, messieurs les ministres, chers collègues, il me revient de présenter devant vous cette motion de rejet préalable déposée par le groupe SRC.

Il ne s'agit pas d'une argutie liée à la procédure parlementaire. Nous avons en effet décidé de répondre à ce qui constitue une remise en cause profonde du principe constitutionnel du droit de grève dans un domaine économique où les obligations de service public sont très minoritaires. Ce texte est, par là même, un cheval de Troie pour des mises à mal de ce droit fondamental de notre République dans tous les secteurs de la production et des échanges. Que personne ne soit dupe ! Au-delà des paroles parfois rassurantes – parfois seulement ! – de notre rapporteur, vous avez une idée fixe, chers collègues de la majorité, et certains d'entre vous, qui n'ont de populaire que l'adjectif, la proclament même à voix haute : vous voulez mettre à bas les possibilités de mobilisation des salariés dans tous les domaines de l'économie.

Vous voulez appliquer les règles propres au service public à un secteur où toutes les fonctions ont été externalisées et en grande partie sorties de la sphère publique, au fil des ans. C'est en cela que ce texte vous amène à des impasses constitutionnelles.

Revenons d'abord au contexte. Au mois de décembre, les agents de la sûreté aéroportuaire, excédés par leurs conditions de travail et par le manque d'espace de dialogue social, déposent un préavis de grève. C'était le 13 décembre, exactement le jour où, notre excellent collègue Didier Gonzales et moi-même, nous remettions notre rapport sur la sûreté aéroportuaire.

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Goldberg

Au passage, je tiens à remercier Didier Gonzales pour son absence d'a priori et les services de l'assemblée pour le soutien qu'ils nous ont apporté.

Dans ce rapport, fruit d'un travail en commun de plusieurs mois, nous émettions des préconisations portant notamment sur le statut des agents de sûreté, leur reconnaissance au travail, la nécessité de mieux prendre en compte leur formation initiale et continue, et les difficultés liées aux conditions de passation des marchés entre les gestionnaires d'aéroport et les sociétés privées de sûreté.

Cette profession est, elle, soumise à préavis car elle remplit des missions de service public. Le préavis du 13 décembre a été déposé cinq jours avant le début d'un conflit annoncé pour le 18.

Avant de condamner ce mouvement d'agents qui gagnent à peine le SMIC, qui sont souvent des mères célibataires acceptant n'importe quels horaires parce qu'elles doivent travailler, vous êtes-vous interrogés, chers collègues de la majorité, sur l'action préalable au mouvement qui a été engagée tant par les employeurs que par les gestionnaires d'aéroports pour ouvrir des négociations ? Quel rôle ont joué ces différents acteurs et l'État pendant ces cinq journées qui auraient pu éviter le mouvement de grève, si elles avaient été utilisées à bon escient ?

Non, la majorité parlementaire, le Gouvernement et le Président de la République n'ont apporté qu'une seule réponse à ce mouvement : nous allons faire céder à tout prix, aujourd'hui par le renfort de gendarmes et de policiers pour briser le mouvement et demain en empêchant tout recours possible à la grève, celles et ceux qui choisissent un jour de relever la tête ensemble parce qu'ils n'en peuvent plus de leurs conditions de travail délétères, de la précarité de leur emploi et de la faiblesse de leurs rémunérations qui les empêche de vivre dignement.

Sur l'opportunité de cette proposition de loi, je citerai Thierry Mariani, qui nous a quittés sans doute pour quelques instants seulement.

Debut de section - PermalienNathalie Kosciusko-Morizet, ministre de l'écologie, du développement durable, des transports et du logement

Moi, je suis là !

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Goldberg

Interrogé sur l'opportunité de cette proposition de loi, le 27 décembre dernier sur Europe 1, il répondait au journaliste : « Je suis d'accord avec vous. C'est pour cela d'ailleurs que la proposition de loi d'Éric Diard que l'on s'apprête à soutenir avec Nathalie Kosciusko-Morizet et Xavier Bertrand permet un service garanti, mais elle impose un dialogue avant. » C'est donc bien en réaction à ce mouvement que la proposition de loi est discutée aujourd'hui.

Tout cela in fine pour contenter les actionnaires des différentes activités de l'aérien, qui poussent partout et tout le temps au moins-disant dans les rapports sociaux.

Debut de section - PermalienPhoto de Robert Lecou

Et le passager, qu'en faites-vous ? Il a disparu ?

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Goldberg

Voilà la réalité du contexte de cette proposition de loi, déposée certes avant le début du mouvement, mais défendue depuis par la majorité comme lui apportant une réponse.

C'est le vieux thème du service minimum dans les transports, jamais mis en place car impossible à organiser tant dans l'aérien que dans les transports terrestres, y compris par la loi de 2007.

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Goldberg

Pas le service minimum, cher collègue ! En effet, le concept de service minimum implique, en cas de mouvement social particulièrement suivi, de réquisitionner des personnels grévistes, si besoin par la force. Imaginez-vous de réquisitionner par la force les agents de nettoyage des avions ? Ou bien encore de réquisitionner celles et ceux qui aident à l'embarquement des personnes à mobilité réduite, dépendant parfois de micro-entreprises au bout d'une chaîne de sous-traitance ?

L'appellation « service minimum » dans les transports aériens comme dans les transports terrestres est tout simplement démagogique, car nullement réalisable.

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Goldberg

Cette vieille rengaine resurgit avec les mêmes éléments de langage répétés en boucle et que nous avons malheureusement encore entendus tout à l'heure : la prise en otage des passagers. Il faut vraiment que vous n'ayez jamais pensé au sort d'une femme ou d'un homme réellement pris en otage pour vous abaisser à de telles expressions.

Finalement cette proposition de loi réécrite en profondeur depuis son dépôt par quelques visiteurs du soir n'a qu'une portée médiatique, d'affichage préélectoral. Après la loi sur les halls d'immeubles, voilà la loi sur les halls d'aéroports, tout aussi destinée à rassurer à grand renforts d'expressions bien senties dans les médias, tout aussi inapplicable dans les faits.

Quelle est la réalité du monde de l'aérien que vous voulez aujourd'hui réglementer ? Sachant qu'il y a environ 150 aéroports, ce texte s'adresse de la même manière à des personnels soumis à préavis en cas de mouvement social et à des personnels auxquels cette obligation ne s'applique pas, comme les employés des compagnies aériennes et des entreprises sous-traitantes.

Le champ d'application de cette proposition de loi est large et diversifié : le transport aérien compte près de 100 000 salariés et 600 entreprises, dont Air France est la plus importante ; les activités de sûreté emploient environ 10 000 salariés ; les missions d'assistance 4 000 à 5 000 salariés. On peut ainsi considérer que cette proposition de loi toucherait près de 1 000 entreprises différentes, avec une très forte proportion d'entreprises sous-traitantes, et près de 120 000 salariés – dont une très grande majorité subit une précarisation accrue – relevant de conventions collectives différentes.

Les missions régaliennes de l'État, elles, sont assurées par des agents de sûreté et nous avons dit ce que nous en pensons dans le rapport que j'ai cité.

La différence majeure entre ce texte et la loi du 21 août 2007 réside dans ce constat que visiblement vous méconnaissez : il n'y a pas ici deux entreprises publiques aux procédures connues, au dialogue social sans doute imparfait mais qui préexistait à la loi. Il s'agit d'un secteur très diversifié, avec des personnels aux statuts différents auxquels vous voulez appliquer une même logique, sans avoir pris le temps d'en discuter ni avec les entreprises, ni avec les salariés.

Vous nous expliquez qu'il faut maintenant décliner dans l'aérien ce qui a été fait dans les transports terrestres par la loi du 21 août 2007. Si vous habillez votre texte d'un dialogue social préventif et du droit à l'information du passager, le coeur de votre dispositif est la déclaration individuelle du salarié « quarante-huit heures avant le début de chaque journée de grève » et pendant tout le mouvement.

La différence entre transport terrestre et transport aérien, c'est que, en dehors de quelques destinations très précises, notamment pour la desserte de l'outre-mer, il n'y a pas d'obligation de service public.

Le Conseil constitutionnel a rappelé à plusieurs reprises la valeur constitutionnelle du droit de grève. Aux termes de sa jurisprudence constante, le législateur est habilité à tracer les limites du droit de grève « en opérant la conciliation nécessaire entre la défense des intérêts professionnels, dont la grève est un moyen, et la sauvegarde de l'intérêt général, auquel la grève peut être de nature à porter atteinte », mais seulement afin « d'assurer la continuité du service public ».

Puisque la notion de service public n'est pas applicable en l'espèce, vous avez cherché à vous protéger par un autre principe, celui de la sauvegarde de l'ordre public, en particulier de la protection de la santé et de la sécurité des personnes, notamment dans le cas d'un afflux massif de passagers. Je dois dire que le parallèle entre droit de grève et maintien de l'ordre public fait appel à des souvenirs peu glorieux dans notre histoire nationale.

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Goldberg

Cela ne suffisant pas, dans l'exposé des motifs, vous faites appel au « principe de la continuité du service dans les aéroports », principe flou qui ne saurait concerner que les agents assermentés de l'État.

Tout cela pour revenir à des principes juridiques plus établis, notamment celui de la liberté de circulation. Mais nous sommes dans un cadre parfaitement concurrentiel, dans lequel ce principe ne peut s'appliquer pleinement.

Par ailleurs, dans sa décision du 16 août 2007, le Conseil Constitutionnel a validé la déclaration préalable de quarante-huit heures dans le transport terrestre, à condition qu'elle ne concerne pas l'ensemble des salariés. Vous avez donc tenté de faire usage de l'article R 216-1 du code de l'aviation civile afin de préciser quels agents seraient touchés par ce dispositif. Vous venez encore, il y a quelques minutes, de récrire cette disposition, afin d'en exclure par voie d'amendement le fret et la poste.

On le voit bien, l'ensemble des mécanismes par lesquels vous voulez agir ne respectent pas les principes constitutionnels sur lesquels vous prétendez vous appuyer.

Ce que vous proposez poussera finalement à des mouvements sociaux longs, plus durs et plus difficiles à éteindre.

Certes, nous comprenons l'exaspération des usagers du transport aérien devant l'annulation de leurs vols.

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Goldberg

Pour nous, dans tous les secteurs et pas seulement le transport aérien, la grève est un échec. Un échec pour le chef d'entreprise, qui connaît des perturbations dans son activité. Un échec pour les grévistes, qui vont perdre des journées de salaire. Un échec pour les usagers, qui n'ont pas le service qu'ils attendaient.

Mais, vous qui prônez le dialogue social, vous faites le choix de plaquer ici, sans négociation préalable, le dispositif de la loi du 21 août 2007. En outre – il me semble bien que Xavier Bertrand l'a dit tout à l'heure – vous êtes incapables d'imposer dans le présent texte l'accord-cadre qui était prévu pour le transport terrestre car, encore une fois, vous confondez les missions de service public et celles du transport aérien.

Le président de la commission vient de faire allusion à notre excellent collègue Jacques Kossowski. En commission le 11 janvier dernier, ce dernier a comparé votre méthode avec celle utilisée lors de la loi de 2007. Je le cite : « À l'époque, nous avions. reçu toutes les organisations syndicales, ainsi que les présidents de la SNCF et de la RATP. Ayant constaté un manque de dialogue social, nous avons continué à les recevoir. Les syndicats nous ont d'ailleurs fait part de leur sentiment d'avoir été écoutés. [...] C'est grâce au dialogue social que les choses pourront évoluer favorablement, même dans le cadre d'une entreprise privée. » Je partage entièrement ces propos. Reprenez cette méthode : écoutez, dialoguez, plutôt que de vouloir imposer un dispositif qui ne sera pas accepté car il aura été plaqué sur une réalité que manifestement vous méconnaissez ! Et même si vous pensez avoir raison, prenez le temps de la discussion, comprenez que, dans nos sociétés complexes, le chemin compte parfois autant que le point d'arrivée.

Malgré tout, vous avez visiblement décidé de passer en force avec un beau résultat : l'ensemble des métiers de l'aérien, l'ensemble des confédérations syndicales sont réunis pour appeler à un mouvement de grève début février. Il est vrai que vous n'avez absolument pas cherché à discuter avec elles avant de vouloir imposer votre texte. Aucune réunion préalable à son dépôt officiel n'a eu lieu. Vous n'avez même pas saisi le Conseil supérieur de l'aviation civile, qui aurait pu être consulté et donner un avis autorisé.

Vous appelez au dialogue social dans les métiers de l'aérien et, pour notre part, nous faisons effectivement nôtre, monsieur Grouard, la demande d'une alarme sociale. Mais pourquoi ne laissez-vous pas les salariés, leurs organisations, les professionnels du secteur discuter d'un tel dispositif au lieu de vouloir à tout prix plaquer le mécanisme qui existe déjà ?

Résultat, le 22 décembre, les organisations syndicales ont annoncé une grève pour le 6 février. C'est sans doute aussi pour cela qu'hier vous avez engagé la procédure accélérée sur ce texte…

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Goldberg

…afin qu'il y ait encore moins de dialogue possible, cette fois entre parlementaires.

De même, vous avez méconnu le protocole agréé par notre assemblée, en particulier à l'initiative de Pierre Méhaignerie, président de la commission des affaires sociales, protocole qui veut – Jean Mallot y reviendra – qu'aucun texte portant sur une modification du droit du travail ne soit examiné avant une consultation préalable des partenaires sociaux, notamment des organisations syndicales représentatives. Contournant ce principe en soumettant directement ce texte à la commission du développement durable, vous créez de fait une nouvelle cause de rejet préalable au regard de l'article 91 de notre règlement.

Chers collègues, vous le voyez, les raisons sont multiples de rejeter ce texte dès maintenant. Vous cherchez constamment à diviser les Français, les jeunes et les moins jeunes, les chômeurs et ceux qui sont en activité, les retraités et le reste de la population, ceux qui ont des racines en France depuis des générations et ceux dont les grands-parents et les parents sont venus apporter leur force de travail à notre pays.

Ici, il s'agit d'opposer les salariés de l'aérien aux passagers. Vous jouez avec le fantasme de la grève qui bloquerait régulièrement des millions de passagers. Ce fantasme a même parfois l'air de vous rassurer dans vos croyances libérales.

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Goldberg

Pour notre part, nous ne méconnaissons pas les difficultés de celles et ceux qui ne peuvent prendre l'avion à l'heure du fait des mouvements sociaux. Mais, concrètement, pouvez-vous quantifier le nombre de ceux qui ne sont pas partis en raison d'un mouvement de grève ?

Pouvez-vous, ici et maintenant puisque vous déclarez l'urgence de ce texte que vous voulez adopter à la va-vite, mettre le nombre de ceux qu'un mouvement social a empêchés de prendre l'avion en rapport avec celui des passagers bloqués du fait d'avaries techniques, d'aléas climatiques ou encore parce que les vols sont, comme l'on dit par un anglicisme affreux, « surbookés ». En fait chacun sait que les mouvements sociaux, dans des entreprises très différentes et aux activités très diverses, n'ont souvent que peu de conséquences sur le trafic des passagers.

Mais vous n'avez pas encore compris que nous pouvons, que nous devons, être à la fois solidaires des premiers : les passages de l'aérien, et des seconds : les salariés de ce secteur. Vous n'avez pas encore admis que le vrai changement que nous proposons, c'est une société plus apaisée,…

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Goldberg

…qui ne soit pas bousculée par des coups de menton successifs liés à l'actualité. La grande majorité des Français peuvent comprendre les revendications des salariés tout en souhaitant être le moins possible gênés par une grève des transports aériens. Cela s'organise. Cela se discute. En aucun cas, cela ne s'impose par le haut, sans négociation.

Cette manière de faire, de diviser pour mieux imposer restera finalement comme la marque de fabrique de cette majorité, celle du sarkozysme triomphant de 2007 comme celle du sarkozysme finissant de 2012.

Pour toutes ces raisons d'inconstitutionnalité et de manquement aux règles de notre assemblée, je vous demande, chers collègues, d'approuver cette motion de rejet préalable afin d'engager un vrai dialogue social dans le monde de l'aérien et de prévenir autant que faire se peut les conflits qui peuvent s'y produire. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

Debut de section - PermalienPhoto de Louis Giscard d'Estaing

Nous en venons aux explications de vote.

La parole est à M. Pierre Gosnat, pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Gosnat

Quelques mots seulement car Daniel Goldberg a bien cerné le sujet.

Cette proposition qui nous est soumise à la va-vite ne semble guère pouvoir apporter un apaisement en ces temps troublés par des mouvements sociaux extrêmement importants. Contrairement à ce qu'a dit Mme la ministre, ce texte va exacerber les tensions.

Daniel Goldberg a bien décrit ce mécanisme que vous voulez instaurer, soi-disant pour défendre les voyageurs et, en réalité, pour les opposer aux salariés.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Gosnat

Cette volonté de diviser est préoccupante.

Pas plus que le rapporteur, les ministres ne se sont posé cette question qui devrait pourtant nous tarauder : pourquoi en arrivons-nous à des situations extrêmes dans un certain nombre d'entreprises où il n'y a pas de dialogue social ? Il est aujourd'hui fréquent que des chefs d'entreprise, des hiérarchies, se refusent systématiquement à engager le dialogue avec les salariés, persuadés que c'est toujours par le passage en force que l'on parvient à imposer les décisions. Nous ferions mieux de nous poser sérieusement cette question plutôt que d'examiner la présente proposition de loi.

Un mot, enfin, de la tartufferie que constitue la déclaration individuelle préliminaire. Vous savez fort bien que, quarante-huit heures avant, le chef d'entreprise et la hiérarchie peuvent faire jouer de nombreux éléments de pression vis-à-vis de salariés qui sont souvent pauvres, parfois des femmes seules,…

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Gosnat

…des personnes en grande difficulté, d'autant que la précarité est de plus en plus importante dans le secteur de l'aviation. Évidemment, quarante-huit heures avant la grève, tous les éléments existent pour faire pression sur les salariés et les empêcher de se mettre en mouvement. Tel est le fond du problème.

Pour toutes ces raisons, je suis en plein accord avec la motion défendue par Daniel Goldberg.

Debut de section - PermalienPhoto de Louis Giscard d'Estaing

La parole est à M. Charles de Courson, pour le groupe Nouveau Centre.

Debut de section - PermalienPhoto de Charles de Courson

L'argumentaire de notre collègue Daniel Goldberg n'est absolument pas convaincant. On peut être pour ou contre cette proposition de loi. On peut regretter que ce à quoi elle tend ne se réalise pas spontanément et que l'on n'en fasse pas figurer les dispositions dans un accord collectif ou dans une convention, ce qui serait tout à fait possible dans le cadre juridique actuel. Mais en quoi y a-t-il là inconstitutionnalité ?

Debut de section - PermalienPhoto de Charles de Courson

Puis-je vous rappeler qu'aux termes de la Constitution, le droit de grève est garanti « dans le cadre des lois qui le réglementent ».

Vous êtes, je trouve, d'un conservatisme total. Vous ne voulez jamais rien changer.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Vidalies

Pour vous, le progrès, c'est revenir en arrière !

Debut de section - PermalienPhoto de Charles de Courson

En quoi déclarer que vous êtes gréviste quarante-huit heures avant d'exercer votre droit de grève serait-il contraire à une disposition de valeur constitutionnelle selon laquelle « le droit de grève s'exerce dans le cadre des lois qui le réglementent » et aussi de l'intérêt public ?

Monsieur Goldberg, puisque vous vous intéressez à ces questions sur lesquelles vous avez rédigé un rapport avec un de nos collègues, vous savez qu'il y a de très gros problèmes en cas de grève des transports aériens, par exemple lorsque des familles entières sont bloquées et ne savent absolument pas quand elles vont pouvoir partir ou lorsque certains salariés perdent ainsi leur travail.

Dans une société bien organisée, la liberté des uns s'arrête où commence celle des autres. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.) Il faut donc trouver un accord, un équilibre entre les droits.

Je trouve votre argumentaire excessif car, constitutionnellement, il ne tient pas ; en outre, il ne prend en compte la situation que d'un seul côté. Nous sommes des représentants de la nation et nous devons trouver une solution équilibrée.

Voilà pourquoi, mes chers collègues, le groupe Nouveau Centre ne votera pas la motion de rejet préalable. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Yanick Paternotte

Monsieur le président, madame la ministre, chers collègues, j'ai écouté attentivement notre collègue Daniel Goldberg qui nous a parlé d'une impasse constitutionnelle. Pour reprendre ce que vient de dire Charles de Courson, si la Constitution reconnaît le droit de grève ; elle prévoit également que la loi peut faire évoluer le droit au travail et que le droit de grève s'arrête là où le droit au travail et à la libre circulation des biens et des personnes s'impose aux citoyens. C'est un règlement européen, et je rappelle que les principes européens ont valeur constitutionnelle.

Quant à expliquer que nous serions hors du champ de la Constitution, je relisais cet après-midi les débats que nous avons eu en août 2007. On peut changer le nom de l'orateur, mais l'argumentaire est le même, mes chers collègues ! Vous développiez les mêmes arguments : « vous allez contraindre le droit de grève », « vous allez empêcher le dialogue social ». Or qu'a-t-on observé depuis la loi d'août 2007 ? L'alarme sociale fonctionne mieux à la SNCF et à la RATP…

Debut de section - PermalienPhoto de Yanick Paternotte

…et le service garanti satisfait les usagers. Je précise que je suis un usager quotidien de la SNCF et de la RATP. Enfin, il y a moins de conflits et les deux entreprises sont apaisées. Vous voyez, monsieur Goldberg, je vous fais plaisir : grâce à nous – et pour reprendre votre argumentaire –, les sociétés de transport aérien vont être apaisées.

C'est avec une grande sérénité que nous examinons ce texte présenté par Éric Diard et de nombreux collègues. Et c'est avec beaucoup de gravité que nous défendons les passagers qui sont en difficulté, alors qu'ils ont payé pour circuler ; je pense notamment à tous ceux qui partent en famille au moment des vacances…

Debut de section - PermalienPhoto de Yanick Paternotte

…et qui sont pris en otages par quelques organisations qui ont cassé un maillon de la chaîne logistique. Or si vous cassez un maillon, toute la chaîne s'effondre !

Le débat a largement eu lieu en commission lors des auditions préalables, et l'application de la loi de 2007 a démontré que lorsqu'elle est bien faite, la réforme peut être sereine. Il n'y a là aucun fantasme de notre part. C'est peut-être de votre côté qu'il faut chercher !

Le groupe UMP, très sereinement, rejettera donc cette motion. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Vergnier

Monsieur le président, madame la ministre, chers collègues, pour notre part, nous soutiendrons la motion soutenue par Daniel Goldberg.

De votre côté, la méthode est toujours la même…

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Vergnier

…et cela devient franchement désagréable. Vous profitez de chaque incident pour déposer une proposition ou un projet de loi. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) La grève existe depuis des décennies et on n'a jamais vu personne légiférer comme vous le faites !

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Vergnier

À chaque fois, votre position est claire : vous profitez du durcissement d'un conflit pour montrer que vous arrivez au bon moment et que vous réglez les choses – à votre façon. Parce que vous pensez régler les choses ! En réalité, cela ne marchera pas sur le terrain…

Plusieurs députés du groupe UMP. Mais si !

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Vergnier

…parce que vous confondez service public et secteur privé. Mais passons ! Le Conseil constitutionnel s'exprimera et l'on ne peut pas anticiper ce qu'il dira.

Il n'est pas bon de légiférer dans l'urgence. Oui, notre méthode est aussi toujours la même, même si cela ne vous convient pas. Nous préférons le dialogue avec l'ensemble des gens,…

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Bur

À vous écouter, il ne faut rien faire, rien décider !

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Vergnier

…pas seulement avec les salariés, mais aussi avec les usagers.

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Bur

Tout le monde il est beau, tout le monde il est gentil !

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Vergnier

Méfiez-vous, car cela se retournera contre vous ! Lorsque j'écoute les usagers, une fois qu'ils ont été informés, ils n'accusent pas les salariés de faire grève…

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Vergnier

…mais ils regrettent la situation et ils accusent l'employeur d'avoir refusé préalablement le dialogue pour discuter de l'amélioration de leur condition sociale. Croyez-vous que le salarié payé au SMIC ou au-dessous du SMIC fait grève et perd des journées de travail et de salaire par plaisir, pour que sa condition sociale soit encore plus mauvaise qu'elle ne l'est ? Vous vous trompez de cible. Je ne vous ai pas entendu prendre la défense des salariés, je n'ai au contraire entendu que des attaques.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Vergnier

Non seulement le dialogue social est mis à mal mais, en plus, vous allez le supprimer.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Vergnier

Pourquoi les employeurs, lorsqu'ils pourront organiser les choses autrement, en viendraient-ils au dialogue social ? Ils s'en passeront, tout simplement !

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Vergnier

Je regrette ces grèves qui pénalisent tout le monde. Mais les mesures que vous préconisez seront totalement contre-productives et se retourneront contre vous, car, une fois de plus, c'est une décision d'opportunité. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

(La motion de rejet préalable, mise aux voix, n'est pas adoptée.)

Debut de section - PermalienPhoto de Louis Giscard d'Estaing

Dans la discussion générale, la parole est à M. Charles de Courson.

Debut de section - PermalienPhoto de Charles de Courson

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, cette proposition de loi vise à concilier le droit de grève - droit constitutionnel qui s'exerce, selon les termes du préambule de 1946, « dans le cadre des lois qui le réglementent » - et la liberté d'aller et venir, liberté publique garantie par la Constitution, mais aussi d'autres impératifs qui sont la protection de l'ordre public et de la santé publique.

Les trois objectifs que se sont donnés les auteurs de cette proposition de loi ont clairement pour but de permettre une meilleure fluidité et une meilleure information des passagers des compagnies aériennes.

Concernant la mise en place d'un mécanisme de prévention des conflits, inspiré de l'alarme sociale instaurée par la loi du 21 août 2007 dans les transports terrestres ferroviaires, les députés du groupe Nouveau Centre estiment que cette disposition favorisera une négociation préalable entre syndicats, salariés et employeurs. C'est utile, car le dialogue doit être le préalable à tout mouvement social. Tous y gagneraient, c'est certain : les employeurs, les salariés et les usagers.

Dans le transport terrestre, ces mesures ont fait leurs preuves. La loi de 2007 sur le service minimum, à laquelle le Nouveau Centre s'était associé, a permis des avancées significatives. À la SNCF, désormais, tous les préavis sont précédés d'une demande de concertation immédiate. Cependant, il est dommage qu'il faille une loi là où des syndicats et des entreprises socialement responsables auraient pu inscrire cette disposition dans un accord collectif.

Concernant l'obligation d'une déclaration individuelle de participation à un mouvement de grève quarante-huit heures à l'avance, nous y voyons une forme de rationalisation de tout mouvement de grève. Cette disposition a été bien comprise et fonctionne aujourd'hui dans les transports terrestres ferroviaires.

Concernant, enfin, l'obligation pour les compagnies aériennes d'informer vingt-quatre heures à l'avance les passagers de l'état du trafic, nous vous proposerons, par voie d'amendement, un dispositif rappelant que des sanctions doivent être appliquées en cas de défaut d'information. La proposition de loi prévoit en effet des sanctions disciplinaires dans le cas de non-respect du délai de quarante-huit heures, mais ne préconise aucun dispositif concernant le non-respect de l'obligation d'information des usagers, renvoyant en fait à la jurisprudence. Là encore, on pourrait inclure ce dispositif dans le contrat de transport – un billet d'avion étant un contrat de transport. Il préciserait que les compagnies doivent informer les usagers, sous peine de sanction si elles ne le font pas, les usagers pouvant alors demander des dommages et intérêts.

Je tiens toutefois à apporter une précision au débat. Avec ce texte, il ne s'agit pas de définir un service minimum pour le transport aérien. Ce ne serait d'ailleurs pas possible au regard du statut des entreprises opérant au sein d'un aéroport, car il ne s'agit pas de services publics.

Debut de section - PermalienPhoto de Charles de Courson

Ces entreprises relèvent du droit privé et le transport aérien n'est pas un service public.

Par ailleurs, la proposition de loi ne règle ni les cas où la grève serait massivement suivie, car elle n'introduit pas de droit de réquisition, ce qui serait contraire à la Constitution, ni les situations illégales d'arrêts du travail, qui relèvent de la réglementation existante.

Lors du colloque sur la sûreté aéroportuaire que j'ai organisé il y a une semaine à l'Assemblée nationale, le ministre chargé des transports, Thierry Mariani, a repris quelques-unes des propositions contenues dans le rapport d'information sur la sûreté aérienne et aéroportuaire rédigé, au nom de la commission du développement durable, par Daniel Goldberg et Didier Gonzales, notamment en matière de qualification, de formation, de certification par l'État des agents de sûreté et s'agissant également de la possibilité d'assermenter certains cadres de la sûreté aéroportuaire. Les agents de sûreté sont en effet les premiers maillons de la chaîne de sûreté des aéroports, dans laquelle l'humain est au centre du dispositif : les contrôles effectués ne reposent pas simplement sur des outils techniques comme les détecteurs, dont on connaît les failles. Et ce texte de loi va dans le bon sens, car il donne à ces agents un moyen d'expression autre que la paralysie du trafic aérien.

Cette proposition de loi se voulant l'écho de la loi du 21 août 2007 sur le service minimum dans les transports terrestres, qui s'est révélée globalement positive, elle doit pouvoir connaître le même destin.

La loi de 2007 a été adoptée avec l'ambition de concilier le droit de grève et la continuité du service public ; nous adopterons cette proposition de loi avec le même objectif transposé au transport aérien – qui n'est pas un service public.

La démarche de M. Diard est louable et je souligne que le Nouveau Centre a soutenu dès octobre 2011 sa première proposition de loi par la cosignature de notre président de groupe, M. Lachaud. Dans la mesure, mes chers collègues, où vous accepterez très certainement nos amendements, nous réitérons, ce jour, notre soutien. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Gosnat

Monsieur le président, madame la ministre, chers collègues, cette proposition de loi vise à instaurer l'obligation de déclaration individuelle de grève pour les salariés du secteur des transports aériens. Elle appelle une opposition totale de notre part.

Les syndicats et les salariés du secteur sont en état d'alerte. Avec eux, les députés communistes, républicains et du parti de gauche considèrent que ce texte est une nouvelle entaille, extrêmement grave, dans le droit de grève.

Tout d'abord, pourquoi une telle loi, et pourquoi maintenant ?

À l'évidence, les motifs de l'UMP sont électoralistes, même s'ils s'inscrivent dans une démarche permanente contre le droit de grève. Son objectif est de jeter le discrédit sur les salariés qui défendent leurs droits et d'opposer les voyageurs aux personnels du transport aérien, qu'ils soient au sol ou dans les airs.

Existe-t-il aujourd'hui une difficulté particulière pour anticiper un mouvement de grève sur les lignes aériennes ? En aucun cas. En effet, un certain nombre de professions sont déjà tenues de déposer un préavis avant toute mobilisation – agents de sûreté, contrôleurs aériens, salariés d'Aéroports de Paris etc. –, ce qui permet de prévoir les conflits. Les hiérarchies n'ont donc aucune difficulté à anticiper ces mobilisations.

Le dialogue social est-il impossible aujourd'hui dans le secteur du transport aérien ? Nullement. Des négociations de branche ont lieu régulièrement, les rencontres entre organisations représentatives des salariés et patronat figurent déjà dans le code du travail. Certaines sont d'ores et déjà à l'ordre du jour, notamment pour discuter de ce projet de loi. Si vous considérez qu'il y a trop de mouvements sociaux, et notamment de grèves, peut-être devriez-vous vous interroger sur l'intransigeance de certains chefs d'entreprise. Il est donc parfaitement superfétatoire d'instaurer ce dispositif. Il s'agit là d'un prétexte, avancé pour masquer la finalité réelle de la réforme : empêcher les salariés de faire grève. Qui est dupe de la manoeuvre ?

Votre proposition de loi prétend d'ailleurs s'inscrire dans le cadre de l'objectif constitutionnel de « sauvegarde de l'ordre public ». Comment pouvez-vous affirmer que les mouvements sociaux des personnels navigants et autres entraînent des troubles à l'ordre public ? Chacun sait que ce n'est pas le cas, à moins de considérer que la grève en soi pourrait nuire à l'ordre public, et c'est bien cela qui est antirépublicain dans votre position.

J'ajoute que l'observatoire des retards du transport aérien, dans ses publications annuelles, a établi que 50 % des avions accusent un retard supérieur à 15 minutes. Or, dans l'écrasante majorité des cas, ce sont des « problèmes structurels », d'ordre technique, qui sont à l'origine de ces dysfonctionnements. Et là aussi, on retrouve des voyageurs entassés dans les halls des aéroports.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Gosnat

De tels dysfonctionnements ne proviennent pas de mouvements sociaux, mais bien de la dégradation du service, et de l'enchevêtrement généré par la jungle de la concurrence « libre et non faussée » – du libéralisme économique, en quelque sorte.

Les retards, les blocages et le manque d'information des voyageurs que vous diagnostiquez devraient vous conduire, non pas à accuser les salariés, mais à faire le procès des privatisations et à prendre de véritables mesures pour améliorer cette information. Il est donc particulièrement malvenu d'attaquer comme vous le faites les travailleurs du transport aérien.

Cette proposition de loi repose sur l'instauration d'un accord-cadre aux termes duquel l'exercice du droit de grève ne pourra intervenir qu'après négociation préalable entre l'employeur et les syndicats. C'est en cas d'échec de ces négociations qu'interviendra l'autodéclaration individuelle de grève, quarante-huit heures à l'avance.

J'ai déjà souligné que ce double mécanisme était inutile puisque aucun problème de prévisibilité des conflits ne se pose à l'heure actuelle et que rien ne confirme une hypothétique impossibilité du dialogue social, impossibilité qui sera bien plutôt la conséquence de l'adoption de ce texte.

Cette proposition appelle également plusieurs autres commentaires, et d'abord sur la déclaration individuelle de grève. Les organisations syndicales sont très inquiètes, car elles estiment dans leur majorité – et il faut en tenir compte – que l'obligation de se déclarer individuellement comme gréviste vise en réalité à empêcher tout mouvement de grève futur. Vous le savez, les salariés des entreprises du secteur aérien sont soumis à une forte précarité et à des pressions énormes des employeurs. Le recours massif aux contrats précaires et à la sous-traitance se conjugue avec des plans sociaux qui interviennent de plus en plus fréquemment – Air France en apporte malheureusement l'illustration. Sachez aussi que, tout récemment, la compagnie française Air Méditerranée a délocalisé les contrats de travail de ses personnels en Grèce. De cette façon, ses salariés sont moins protégés, alors même que les avions décollent de Roissy ! Dans ce contexte de contrainte extrême des salariés, croyez-vous que quiconque osera facilement se déclarer en grève de façon individuelle ?

Il faut préciser que le mécanisme proposé ne garantit en rien la confidentialité de la déclaration – les propos que nous avons entendus tout à l'heure à ce sujet constituent une véritable aberration –, pour la bonne et simple raison que les services de comptabilité des entreprises doivent connaître l'identité des salariés en grève afin d'effectuer les retenues sur salaire. Les difficultés économiques actuelles sont d'ailleurs suffisamment dissuasives, car peu nombreux sont les salariés qui peuvent diminuer leur salaire dans la période de crise que nous connaissons. On sait qu'ils gagnent 1 000, 1 200, 1 300 euros par mois.

Quelle peut être la justification d'une entaille aussi exorbitante dans le droit de grève ? Vous avez instrumentalisé le principe de continuité du service public pour restreindre le droit de grève dans l'éducation et les transports terrestres en instaurant le service minimum, lui-même en rupture avec le droit fondamental à la grève. Cette manoeuvre ne peut s'appliquer en ce qui concerne l'aérien. En effet, les entreprises concernées sont des entreprises privées, les contrats des salariés sont des contrats de droit privé. Le principe de continuité du service public ne peut donc être invoqué. La validité juridique de votre texte se heurte à un véritable écueil. Nous souhaiterions, avec nos collègues du groupe SRC, que la présente proposition de loi puisse être déférée devant le Conseil constitutionnel au cas où elle serait votée.

J'en viens à un autre aspect du problème : ce texte a moins pour finalité d'informer les voyageurs, comme vous le prétendez, que d'empêcher qu'un mouvement social puisse voir le jour et ait la moindre conséquence sur la fluidité du trafic. La hantise de l'UMP, c'est que les salariés, pour défendre leurs droits, puissent retarder quelques vols. Car cela pourrait leur donner plus de poids dans la négociation avec le patronat. Vous nous dites que « c'est la période des vacances », celle où les gens voyagent le plus. La vérité c'est que, pour vous, on devrait faire grève entre deux heures et cinq heures du matin. Évidemment, ce ne serait pas trop gênant !

Debut de section - PermalienPhoto de Lionnel Luca

Ce qui n'est pas trop gênant pour vous, c'est qu'il y ait 300 jours de grève sur 365 !

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Gosnat

Oui, les mouvements sociaux vous font peur, vous les craignez. D'ailleurs, vous n'êtes jamais du côté des travailleurs en lutte, comme on peut le voir actuellement pour SeaFrance ou Lejaby.

Avec ce texte, vous prolongez le vieux rêve du patronat : que les salariés ne puissent faire valoir leurs droits collectivement. L'acharnement qui vous anime a été parfaitement résumé par Nicolas Sarkozy lorsqu'il a déclaré : « Désormais, quand il y a une grève en France, plus personne ne s'en aperçoit. » Quel mépris ! Tout dans votre politique est voué à la satisfaction des intérêts du MEDEF et de la bande du Fouquet's.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Gosnat

Pour notre part, nous avons toujours été du côté des travailleurs en lutte, et nous le resterons. Nous ne sommes pas du même côté du combat. Nous défilons avec les grévistes quand vous leur envoyez les CRS ! C'est d'ailleurs ce que j'ai connu voilà quelques semaines lors du déplacement du Président Sarkozy dans le Val-de-Marne. Très franchement, c'était un état de siège !

L'objectif de cette offensive, c'est bien de rendre invisibles les revendications sociales. Est-ce un hasard si un autre député UMP, Claude Bodin, a déposé une proposition de loi visant à empêcher le droit de retrait dans les services publics de transport ?

C'est la même logique qui est à l'oeuvre dans votre manoeuvre visant à interdire aux salariés des transports terrestres, donc ferroviaires, de se déclarer en grève quarante-huit heures à l'avance et d'aller finalement travailler.

Il importe d'affirmer que le droit de grève ne peut exister que si les salariés peuvent décider individuellement et collectivement, jusqu'à la dernière minute, s'ils prennent part ou non au mouvement social. L'obligation de « mûrir » la décision deux ou trois jours avant est foncièrement incompatible avec la liberté de se mettre en grève.

Pour les députés communistes, républicains, citoyens et du Parti de gauche, le droit de grève ne peut souffrir une telle remise en cause. Vous l'avez compris, ils voteront contre le présent texte. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Louis Giscard d'Estaing

Prochaine séance, ce soir, à vingt et une heures trente :

Suite de la discussion de la proposition de loi relative à l'organisation du service et à l'information des passagers dans les entreprises de transport aérien de passagers.

La séance est levée.

(La séance est levée à dix-neuf heures cinquante.)

Le Directeur du service du compte rendu de la séance de l'Assemblée nationale,

Nicolas Véron