Monsieur le président monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, il aura donc fallu attendre cinq ans pour qu'un texte fixe les conditions de mise en oeuvre de la procédure de destitution du chef de l'État, introduite par la réforme constitutionnelle du 23 février 2007. Le Président sortant aura ainsi bénéficié pendant tout son mandat du volet protecteur de la réforme de 2007, c'est-à-dire l'immunité, sans que soient définies en contrepartie les modalités d'application de la procédure de destitution.
Cette procédure n'aura d'ailleurs, en réalité, qu'une faible portée pratique. Le dispositif proposé requiert en effet une résolution des deux assemblées prise à la majorité des deux tiers, dans les mêmes conditions que le vote du Parlement constitué ultérieurement en Haute Cour, de sorte que celle-ci ne pourra être réunie que lorsque la destitution sera pratiquement acquise. Dans le même esprit, et contrairement, par exemple, au dispositif en vigueur aux États-Unis, la réforme de 2007 a consacré le principe d'irresponsabilité et d'inviolabilité du chef de l'État.
Ce qui est aujourd'hui présenté comme une innovation ne se traduira pas par un rééquilibrage des pouvoirs car la destitution du chef de l'État n'aura aucune chance d'aboutir, non seulement à cause du verrou de la majorité qualifiée et de la lourdeur de la procédure, mais aussi en raison du déséquilibre institutionnel de la Ve République.
La présidentialisation du régime s'est encore accrue ces dernières années avec l'instauration du quinquennat et l'inversion du calendrier électoral. Cette dérive a de graves conséquences, avec l'accentuation du fait majoritaire et le renforcement de la bipolarisation de la vie politique, ce qui creuse encore plus le fossé entre gouvernants et gouvernés.
Dans un régime où la séparation et l'équilibre des pouvoirs sont garantis – comme aux États-Unis –, la procédure de destitution a un sens. Dans nos institutions, elle n'en a aucun. La situation serait évidemment tout à fait différente dans le cadre d'une VIe République fondée sur un véritable régime parlementaire, que les députés du Front de gauche appellent de leurs voeux.
La question du statut pénal du chef de l'État ne soulèverait alors ni le problème du privilège de juridiction, ni celui de l'inviolabilité. Pour les actes sans rapport avec ses fonctions, le Président de la République serait un justiciable comme n'importe quel autre citoyen ; il ne pourrait échapper aux juridictions de droit commun. La réforme de 2007 et ce projet de loi organique vont dans le sens inverse, à l'encontre de la volonté des Français, qui souhaitent que le Président de la République ne soit plus au-dessus des lois.
C'est pour toutes ces raisons que les députés communistes, républicains, citoyens et du parti de gauche voteront contre ce projet de loi organique. (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR.)