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Intervention de Michel Mercier

Réunion du 24 janvier 2012 à 15h00
Droit au rapprochement familial pour les détenus condamnés — Discussion d'une proposition de loi

Michel Mercier, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés :

Monsieur le président, monsieur le rapporteur, mesdames et messieurs les députés, prévenir la récidive est une priorité de notre politique pénale, et le travail de réinsertion auprès des détenus constitue un outil essentiel dans la poursuite de cet objectif. C'est en effet en permettant aux détenus de se former, d'avoir une activité en prison, mais aussi de maintenir des liens familiaux, qu'on leur offrira la possibilité, dans le cadre de l'exécution de leur peine, de se construire un avenir.

La proposition de loi soumise à votre examen vise à approfondir ce dernier objectif de maintien des liens familiaux, en favorisant l'incarcération des détenus condamnés dans un établissement pénitentiaire proche de leur domicile familial.

Avant d'en venir au principe de ce texte et aux précisions apportées par votre commission des lois à la proposition initiale, je voudrais revenir quelques instants sur l'état du droit actuel et sur les avancées de notre politique pénitentiaire ces dernières années.

Je voudrais d'abord rendre hommage à la vigilance de votre assemblée quant aux questions liées à la condition des détenus. Vous avez participé aux progrès de notre action en faveur de conditions dignes de détention, d'une prise en charge toujours mieux adaptée des détenus et d'une réinsertion active des condamnés.

En quelques années, tant en ce qui concerne l'activité en prison que la formation ou le maintien des liens familiaux, de nombreux progrès ont été accomplis. La loi pénitentiaire du 24 novembre 2009 a mis l'accent sur l'activité des détenus, en prévoyant que les condamnés doivent accepter l'activité proposée dès lors qu'elle vise à favoriser l'insertion. Cette disposition oblige l'administration à proposer aux détenus un projet professionnel. La chancellerie a développé ces dernières années des projets de partenariat afin de diversifier les activités proposées aux détenus ; elle a également mis l'accent sur des programmes de formation adaptés à la diversité des profils et qui répondent aussi aux réalités du monde du travail.

Dans ce dispositif en faveur de la réinsertion, les visites familiales revêtent une importance particulière, à la fois pour les détenus, car leur isolement constitue un facteur de désocialisation qu'il faut combattre, mais aussi pour leurs proches. Nous avons donc créé auprès de chaque établissement des lieux pour accueillir les familles. Au-delà des parloirs classiques, nous avons mis en place de nouvelles structures pour faciliter les visites plus prolongées. La loi pénitentiaire du 24 novembre 2009 a ainsi généralisé les unités de vie familiale, et d'importants progrès ont été accomplis dans la conception des parloirs familiaux. Aujourd'hui, quarante-sept unités de vie familiale sont ainsi en fonctionnement dans dix-sept établissements pour peines, permettant aux condamnés qui ne bénéficient pas de permission de sortie de recevoir leur famille, pour plusieurs jours. Les trente parloirs familiaux, qui fonctionnent au sein de sept maisons centrales, leur permettent également de rencontrer leurs proches, dans des conditions d'intimité et de confidentialité acceptables.

L'accueil des familles se fait en partenariat avec les réseaux associatifs, qui sont un formidable soutien dans l'action sociale auprès des détenus. Ces associations jouent un rôle primordial, aux côtés de l'administration pénitentiaire, pour favoriser les moments de rencontres et d'échanges entre le parent incarcéré et ses enfants.

L'article 17-1 des règles pénitentiaires européennes prévoit que les détenus doivent être incarcérés près de leur foyer, ce à quoi l'administration pénitentiaire veille. L'éloignement géographique constitue de toute évidence un frein majeur au maintien du tissu familial et social : les trajets représentent un coût que les familles peinent souvent à assumer, les obligeant à renoncer aux visites ou, à tout le moins, à les espacer. Or, comme vous l'avez souligné, monsieur le rapporteur, la sanction pénale s'applique au condamné ; elle ne saurait s'étendre, même indirectement, à sa famille et à ses proches.

La proposition de loi soumise à votre examen vise à consacrer le droit au rapprochement familial pour les détenus condamnés, droit d'ores et déjà largement mis en oeuvre par l'administration pénitentiaire.

Conformément aux règles pénitentiaires européennes, la loi pénitentiaire a consacré un chapitre entier à la vie privée et familiale des détenus et à leurs relations avec l'extérieur. Elle y reconnaît ainsi, dans son article 35, un droit, pour les personnes détenues, au maintien des liens avec les membres de leur famille. Celui-ci consiste soit en l'exercice du droit de visite, soit en des permissions de sortie. Quant aux prévenus en détention, la loi a prévu qu'ils peuvent bénéficier d'un rapprochement familial, à l'issue de l'instruction jusqu'à leur comparution devant la juridiction de jugement.

Le concept de rapprochement familial dépasse la simple notion de maintien des liens familiaux. Il oblige l'administration pénitentiaire à rechercher une affectation proche du domicile familial, tout en s'assurant que l'établissement d'affectation correspond au profil du détenu ainsi qu'aux caractéristiques de sa personnalité, comme le prévoient aujourd'hui les articles 717-1 et D. 74 du code de procédure pénale. Ce dernier point est essentiel, et je vous remercie, monsieur le rapporteur, d'avoir clarifié la rédaction de cette proposition à cet égard.

Le dispositif, tel qu'établi par la commission des lois, permet de concilier deux nécessités, celle pour le détenu de conserver des liens étroits avec sa famille pendant la durée de sa détention, et celle liée « à la nécessité d'offrir un régime approprié » en fonction de la durée de la peine, des conditions de sécurité, des obligations de suivi médical ou psychologique et des perspectives de réinsertion du condamné.

Je crois que nous sommes parvenus à un bon équilibre. Le texte, enrichi par votre commission, permettra en effet une application réaliste de la proposition généreuse faite par M. Gandolfi-Scheit. Ce texte nous permet de progresser dans la mise en oeuvre des règles pénitentiaires européennes, en instaurant des conditions favorables à la réinsertion des détenus. C'est pourquoi le Gouvernement est favorable à l'adoption du texte tel qu'il a été établi par la commission des lois. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

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