Cette vieille rengaine resurgit avec les mêmes éléments de langage répétés en boucle et que nous avons malheureusement encore entendus tout à l'heure : la prise en otage des passagers. Il faut vraiment que vous n'ayez jamais pensé au sort d'une femme ou d'un homme réellement pris en otage pour vous abaisser à de telles expressions.
Finalement cette proposition de loi réécrite en profondeur depuis son dépôt par quelques visiteurs du soir n'a qu'une portée médiatique, d'affichage préélectoral. Après la loi sur les halls d'immeubles, voilà la loi sur les halls d'aéroports, tout aussi destinée à rassurer à grand renforts d'expressions bien senties dans les médias, tout aussi inapplicable dans les faits.
Quelle est la réalité du monde de l'aérien que vous voulez aujourd'hui réglementer ? Sachant qu'il y a environ 150 aéroports, ce texte s'adresse de la même manière à des personnels soumis à préavis en cas de mouvement social et à des personnels auxquels cette obligation ne s'applique pas, comme les employés des compagnies aériennes et des entreprises sous-traitantes.
Le champ d'application de cette proposition de loi est large et diversifié : le transport aérien compte près de 100 000 salariés et 600 entreprises, dont Air France est la plus importante ; les activités de sûreté emploient environ 10 000 salariés ; les missions d'assistance 4 000 à 5 000 salariés. On peut ainsi considérer que cette proposition de loi toucherait près de 1 000 entreprises différentes, avec une très forte proportion d'entreprises sous-traitantes, et près de 120 000 salariés – dont une très grande majorité subit une précarisation accrue – relevant de conventions collectives différentes.
Les missions régaliennes de l'État, elles, sont assurées par des agents de sûreté et nous avons dit ce que nous en pensons dans le rapport que j'ai cité.
La différence majeure entre ce texte et la loi du 21 août 2007 réside dans ce constat que visiblement vous méconnaissez : il n'y a pas ici deux entreprises publiques aux procédures connues, au dialogue social sans doute imparfait mais qui préexistait à la loi. Il s'agit d'un secteur très diversifié, avec des personnels aux statuts différents auxquels vous voulez appliquer une même logique, sans avoir pris le temps d'en discuter ni avec les entreprises, ni avec les salariés.
Vous nous expliquez qu'il faut maintenant décliner dans l'aérien ce qui a été fait dans les transports terrestres par la loi du 21 août 2007. Si vous habillez votre texte d'un dialogue social préventif et du droit à l'information du passager, le coeur de votre dispositif est la déclaration individuelle du salarié « quarante-huit heures avant le début de chaque journée de grève » et pendant tout le mouvement.
La différence entre transport terrestre et transport aérien, c'est que, en dehors de quelques destinations très précises, notamment pour la desserte de l'outre-mer, il n'y a pas d'obligation de service public.
Le Conseil constitutionnel a rappelé à plusieurs reprises la valeur constitutionnelle du droit de grève. Aux termes de sa jurisprudence constante, le législateur est habilité à tracer les limites du droit de grève « en opérant la conciliation nécessaire entre la défense des intérêts professionnels, dont la grève est un moyen, et la sauvegarde de l'intérêt général, auquel la grève peut être de nature à porter atteinte », mais seulement afin « d'assurer la continuité du service public ».
Puisque la notion de service public n'est pas applicable en l'espèce, vous avez cherché à vous protéger par un autre principe, celui de la sauvegarde de l'ordre public, en particulier de la protection de la santé et de la sécurité des personnes, notamment dans le cas d'un afflux massif de passagers. Je dois dire que le parallèle entre droit de grève et maintien de l'ordre public fait appel à des souvenirs peu glorieux dans notre histoire nationale.