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Intervention de Marc Dolez

Réunion du 24 janvier 2012 à 15h00
Droit au rapprochement familial pour les détenus condamnés — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMarc Dolez :

La commission présidée, en 1999, par le premier président de la Cour de cassation concluait ainsi : « Pour résoudre le paradoxe qui consiste à réinsérer une personne en la retirant de la société, il n'y a d'autre solution que de rapprocher autant que possible la vie en prison des conditions de vie à l'extérieur, la société carcérale de la société civile ».

Le détenu a droit au respect de sa dignité en prison et ce respect est la garantie d'une véritable et efficace démarche de réinsertion sociale après sa libération.

L'objectif de réinsertion doit être la finalité prioritaire de la peine. Purger une peine n'a de sens que si le condamné est préparé à réintégrer la société. À cet égard, le maintien des liens familiaux est une donnée essentielle pour réinsérer les condamnés et éviter la récidive.

Il y a déjà plus de dix ans, le rapport de la commission d'enquête de notre assemblée sur la situation dans les prisons françaises insistait sur la nécessité de ne pas traiter la famille du détenu comme si elle était responsable au même titre que lui de l'infraction commise et mettait en lumière les « obstacles matériels souvent démesurés pour des familles défavorisées », à commencer par l'éloignement du détenu.

Quant à la Cour européenne des droits de l'homme, elle a reconnu à plusieurs reprises la nécessité de maintenir les liens familiaux de la personne détenue en dénonçant notamment « le fait de détenir une personne dans une prison éloignée de sa famille à tel point que toute visite s'avère en fait très difficile, voire impossible ».

Les règles pénitentiaires publiées le 11 janvier 2006 par le Conseil de l'Europe reconnaissent également l'importance de maintenir les liens familiaux des détenus.

Malheureusement, et notre rapporteur le souligne, « rien, dans notre droit actuel, ne favorise le rapprochement familial des détenus condamnés ». En effet, les personnes condamnées sont affectées à un établissement pénitentiaire en fonction d'une série de critères énumérés dans le code de procédure pénale dont est absente la question des liens familiaux.

Si la réforme pénitentiaire de 2009 a représenté une avancée en reconnaissant explicitement « le droit des personnes détenues au maintien des relations avec les membres de leur famille », elle n'a pas consacré le droit au rapprochement familial ni prévu de moyens pour compenser les difficultés engendrées par l'éloignement.

Dans sa rédaction initiale, la proposition de loi que nous examinons visait à consacrer le droit au rapprochement familial des détenus condamnés, ce que nous soutenons pleinement. Nous aurions voté ce texte si la commission des lois ne l'avait modifié. Arguant de la nécessaire prise en compte des « autres exigences et contraintes de la politique pénitentiaire », le texte ne consacre plus un droit au rapprochement familial mais entend simplement « favoriser le rapprochement familial des détenus condamnés ».

Il est regrettable que le critère du rapprochement familial ne soit pas le critère prioritaire d'affectation de la personne détenue. Il est pris en considération parmi un ensemble d'éléments dont on sait combien l'appréciation peut être arbitraire.

Pour l'administration pénitentiaire, l'affectation dans l'établissement le plus proche du domicile ne serait qu'une obligation de moyens, ayant vocation à être satisfaite « chaque fois que c'est possible ».

Au final, les conditions et exceptions posées sont telles qu'en pratique les dispositions prévues ne permettront pas un rapprochement familial effectif. Pour notre part, nous considérons, à l'instar de la Commission nationale consultative des droits de l'homme, que les décisions d'affectation des condamnés doivent prioritairement être dictées en considération des exigences de stabilité de leur situation familiale – spécialement s'ils ont des enfants – et que les décisions relatives à l'affectation et au transfert doivent relever de l'autorité judiciaire.

Nous regrettons également qu'aucune disposition ne prévoie une prise en charge par l'État du coût des visites lorsque le détenu n'est pas affecté dans un établissement proche de son domicile. Réalisées par le Centre de recherche pour l'étude et l'observation des conditions de vie, le Credoc, et par l'Union nationale des fédérations régionales des associations de maisons d'accueil de familles et de proches de personnes incarcérées, l'Uframa, trois enquêtes révèlent combien les coûts des visites sont difficilement supportables pour les familles.

Nous estimons pour notre part que si le droit au rapprochement familial n'est pas absolu, la garantie du droit de visite est obligatoire, et il revient à chaque État de prendre les mesures nécessaires pour l'assurer. Certains pays européens se sont engagés dans cette voie, comme l'Espagne et la Grande-Bretagne.

Dans son rapport 2010, le contrôleur général des lieux de privation de liberté invite d'ailleurs l'État à réfléchir à la manière de prendre en compte les surcoûts qui sont liés à la distance et pèsent sur les familles.

Vous l'aurez compris, nous regrettons vivement que la proposition de loi modifiée renonce à consacrer un véritable droit au rapprochement familial et se contente de prendre en considération la situation familiale comme critère, parmi d'autres, de la décision d'affectation dans un établissement pénitentiaire. Pour ces raisons, le groupe GDR s'abstiendra sur ce texte.

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