La séance est ouverte.
(La séance est ouverte à neuf heures trente.)
L'ordre du jour appelle la discussion du texte de la commission mixte paritaire sur les dispositions restant en discussion du projet de loi de finances pour 2010 (n° 2154).
La parole est à M. Gilles Carrez, rapporteur de la commission mixte paritaire.
Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, à l'issue de la première lecture à l'Assemblée nationale, le projet de loi de finances comptait 108 articles. Le Sénat en a adopté 63 et en a ajouté 60. La CMP a donc été saisie de 105 articles. Elle est parvenue à un accord sur 83 d'entre eux et en a supprimé 22, au terme d'un débat très riche qui a duré huit heures.
Cet accord peut être qualifié d'historique, car nous devions en particulier examiner une réforme très importante, qui occupe à elle seule 160 pages de la loi de finances que nous allons définitivement adopter ce matin, ce qui constitue un record : je veux parler de la réforme de la taxe professionnelle. Celle-ci, je le rappelle, était attendue depuis très longtemps. Elle a été engagée il y a dix ans par la suppression de la part salaires de l'assiette de cet impôt ; il s'agit cette fois d'en supprimer la part investissement.
Messieurs les ministres, je ne crains pas de dire que, sur ce point, l'Assemblée comme le Sénat ont sensiblement amélioré la copie présentée par le Gouvernement, grâce à un travail tout à fait complémentaire, dicté par une première préoccupation : la protection de nos finances locales, dont chacun sait combien elles sont tributaires de la taxe professionnelle.
Nous avons poursuivi trois objectifs. Il s'agissait tout d'abord de préserver le lien fiscal territorial, qui unit l'impôt acquitté par l'entreprise et le territoire où elle est implantée.
Nous avons ensuite voulu renforcer l'autonomie financière des collectivités locales, donc veiller à assurer une péréquation satisfaisante, qui en constitue le pendant. En effet, la territorialisation de l'impôt entraîne des disparités qui imposent la péréquation. Ces deux principes d'autonomie financière et de péréquation, que les deux assemblées ont renforcés par rapport au texte initial du Gouvernement, fondaient du reste la réforme constitutionnelle de 2003.
Enfin, nous n'avons pas oublié que cette réforme, au-delà des collectivités locales, était d'abord destinée à nos entreprises. Nous avons donc appliqué de bout en bout le principe auquel l'Assemblée s'était conformée, et qui consistait à faire porter l'effort de baisse de la taxe professionnelle sur les entreprises industrielles, les plus vulnérables vis-à-vis de la concurrence internationale.
Le texte auquel nous sommes parvenus, fruit des efforts convergents des deux assemblées, est donc un bon texte.
Voici les principales décisions de la CMP s'agissant de la réforme de la taxe professionnelle.
Tout d'abord, nous avons augmenté la part de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises destinée au bloc communal et intercommunal. Vous vous en souvenez, nous avions décidé ici même de la porter de 0 à 20 %, tout en précisant qu'il faudrait certainement accroître l'effort. Nos collègues sénateurs nous ont relayés sur ce point, la fixant à 26,5 %.
Ensuite, nous avions souhaité lier à son territoire le produit de cette cotisation sur la valeur ajoutée, dès lors qu'une partie en était transmise au niveau local. C'est ce que l'on avait appelé la territorialisation. La commission mixte paritaire a adopté ce principe d'affectation territoriale de la cotisation sur la valeur ajoutée, au niveau des régions, qui en percevront 25 %, des départements, qui en toucheront 48,5 % – selon le texte du Sénat, que nous avons repris – et du bloc communal et intercommunal, qui en recevra donc 26,5 %.
Le Sénat a instauré le dispositif qui nous avait manqué en première lecture – sans doute vous souvenez-vous du débat difficile sur le barème.
Le barème étant progressif, la cotisation versée par les petites entreprises était sensiblement inférieure à la contribution des grandes, ce qui créait une distorsion de la répartition territoriale en fonction du tissu des entreprises : les territoires comprenant essentiellement des petites et des moyennes entreprises étaient défavorisés par rapport à ceux où les grandes entreprises prédominent.
Le Sénat a donc adopté un dispositif très intéressant, qui consiste à calculer la ressource que la cotisation sur la valeur ajoutée procure aux collectivités locales sur la base d'un taux unique de 1,5 %, ce qui égalise la répartition.
Le raccordement au barème de l'impôt effectivement acquitté par les entreprises repose sur un système de dégrèvement. Ce dispositif a l'immense mérite de supprimer l'injection massive de dotation budgétaire – qui atteignait plus de deux milliards d'euros dans les départements et un milliard dans les régions, et qui était contraire au principe d'autonomie financière des collectivités – au profit d'une véritable assiette fiscale. Nous l'avons naturellement repris.
En outre, nous avons préféré concentrer l'abattement sur les locaux industriels, à hauteur de 30 %, sur la cotisation foncière des entreprises, plutôt que de le répartir en deux fois 15 %, comme le faisait le texte de l'Assemblée nationale, afin de favoriser l'industrie par l'intermédiaire et de la cotisation foncière et du foncier bâti.
Enfin, nos collègues sénateurs avaient obtenu de haute lutte une petite amélioration de la compensation relais. L'année 2010 étant neutre, les collectivités locales pouvaient soit choisir de reconduire en 2010 le produit 2009 – le taux de 2009 étant alors multiplié par la base au 1er janvier 2009 –, soit opter pour les bases les plus fraîches possibles, celles du 1er janvier 2010, auquel cas le taux de 2008 s'appliquait. Nos collègues sénateurs ayant obtenu une majoration de 1 % de ce dernier, la CMP a très légèrement accentué l'effort, messieurs les ministres, pour atteindre 1,2 %. La compensation relais devient ainsi plus équitable.
D'autre part, vous ne serez pas surpris de constater que nous avons maintenu le célèbre dispositif Scellier, absolument indispensable à la relance de la construction, notamment en zone tendue, comme on l'a vu ces derniers mois.
Nous en avions longuement parlé ici même, et nous avions convaincu le Gouvernement : il s'agissait en particulier de ne pas remettre en cause le taux de 25 % applicable en 2010. Nous sommes donc revenus au barème fixé par l'Assemblée nationale, qui distingue après 2010 les taux respectivement applicables aux bâtiments à basse consommation et aux logements ne relevant pas de cette catégorie. Ce dispositif est satisfaisant : il préservera l'efficacité de cet outil dans le contexte de relance de la politique du logement.
Toutefois – je le dis en particulier à M. Scellier –, nous avons accepté, au nom de notre politique générale de révision des dépenses fiscales au cours des trois ou quatre ans à venir, de ne pas le prolonger après 2012 afin de pouvoir procéder à une évaluation. C'est parfaitement logique.
Nous avons par ailleurs accepté le durcissement du plafonnement des niches fiscales voté par le Sénat. J'ai néanmoins appelé l'attention, en commission mixte paritaire, sur le problème de l'outre-mer. Je m'adresse en particulier à notre collègue Gaël Yanno : le plafond de 25 000 euros auxquels s'ajoute 10% du revenu imposable avait été défini au terme d'un travail d'orfèvre sur les articles 199 undecies A et B du code général des impôts, relatifs aux investissements outre-mer dans le logement ou dans l'industrie. De mon point de vue, il sera donc nécessaire de recourir à des mesures de raccordement afin de ne pas pénaliser l'outre-mer.
Nous avons ensuite accepté le dispositif du Sénat visant à encadrer les investissements dans les PME au titre de la réduction d'ISF. Pour éviter que les apports des particuliers ne restent gelés dans des fonds qui mettraient une éternité à les réinvestir dans les entreprises, nous avons fait en sorte qu'ils puissent alimenter le plus rapidement possible les fonds propres des PME. C'est pourquoi nous avons accepté de ramener le délai global d'investissement de trente à seize mois ainsi que de rendre obligatoire l'information des souscripteurs sur les commissions prélevées afin d'assurer une plus grande transparence. Ces modifications seront opérées par décret.
J'en viens aux modifications apportées aux crédits.
La CMP a accepté de réduire les crédits prévus pour la HALDE.
J'insiste sur ce point car nos collègues du Sénat avaient supprimé la réduction de crédits, d'un montant d'environ 300 000 euros, votée par notre assemblée. Il nous a paru indispensable de donner un signal. La CMP a donc adopté une réduction qui représente la moitié de celle initialement votée.
Nous avons par ailleurs rétabli, mais seulement pour moitié, les crédits dédiés à la préservation des grands prédateurs. Je pense que M. Bouvard voit de quoi je parle… (Sourires.)
Pour conclure, je voudrais vous remercier, monsieur le ministre des comptes publics, ainsi que Mme Lagarde, aujourd'hui en visite à l'étranger, et vos collaborateurs.
Ce projet de budget a nécessité un très long travail : la matière était dense et complexe. Nous sommes parvenus à un texte de qualité, après de nombreux dialogues et concertations, mais aussi des périodes plus conflictuelles.
Je remercie tous ceux de nos collègues qui ont pris part à cette discussion. Je suis rapporteur général du budget depuis 2002 et jamais les débats n'ont atteint une telle intensité : nous avons véritablement pu aller au fond des choses. Je tiens à saluer l'opposition, particulièrement le président Didier Migaud, Jérôme Cahuzac et Jean-Pierre Balligand. Au-delà de nos divergences naturelles, nous avons pu arriver à des convergences sur les aspects techniques, qui sont décisifs en ce domaine. Le souci d'aider les établissements industriels a été partagé dès l'origine dans le cadre du groupe de travail auquel participe également Marc Laffineur, que je salue également.
Merci à vous, chers collègues : vos apports ont été très importants, comme le montre l'évolution du texte.
Je remercie les présidents de séance qui se sont succédé pour nous aider dans l'organisation de nos débats.
Je remercie également la presse.
Je n'oublie pas, bien sûr, les administrateurs qui ont travaillé pendant des mois, jour et nuit, et l'ensemble des personnels de notre assemblée.
Au terme de ce parcours, nous sommes parvenus à un texte monumental, comme il n'y en avait pas eu depuis des lustres. Et comme c'est un bon texte, je vous invite à voter l'ensemble des conclusions de la commission mixte paritaire. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)
La parole est à M. Éric Woerth, ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'État.
Madame la présidente, monsieur le président de la commission des finances, monsieur le rapporteur général, mesdames, messieurs les députés, comme l'a souligné Gilles Carrez, ce texte est un monument. Il a fait l'objet d'un travail considérable et a été nourri par les apports des parlementaires, particulièrement pour les dispositions relatives à la réforme professionnelle qui ont bénéficié d'un véritable travail collectif dont nous pouvons tous nous féliciter.
Il ne s'agit pas d'un budget comme les autres, compte tenu du contexte de crise dans lequel il prend place. Cela en a compliqué l'examen, car évaluer des prévisions budgétaires dans une conjoncture très changeante est ardu. Cela a également imposé une exigence : faire de la politique budgétaire une arme pour lutter contre la crise et en sortir.
Permettez-moi d'en venir directement à la réforme de la taxe professionnelle, qui est une des mesures clefs de ce budget.
Elle passe d'abord par la suppression d'un impôt qui pèse lourdement sur les investissements de nos entreprises et qui, pour ne rien arranger, n'existe nulle part ailleurs dans le monde, ce qui pèse sur la compétitivité de notre pays.
Le 5 février dernier, le Président de la République avait pris l'engagement qu'au 1er janvier 2010 la taxe professionnelle serait supprimée.
Aujourd'hui, après plus de dix mois de concertation et de débats, d'inquiétudes, de tergiversations, – tout ce qui nourrit un débat quand un changement profond intervient –, vous allez, je l'espère, concrétiser cet engagement et mettre un point final à une réforme de très grande ampleur des finances locales, qui permettra aux collectivités de bénéficier durablement de recettes dynamiques, moins nocives pour le tissu économique local et plus adaptées aux besoins des collectivités locales.
Le texte auquel nous sommes parvenus, au terme de débats terriblement techniques mais aussi terriblement politiques, est équilibré. Il répond à l'objectif premier de la réforme, qui est d'améliorer la compétitivité des entreprises et qu'il ne fallait pas perdre de vue, et traduit l'engagement que nous avions pris de garantir les ressources des collectivités locales, en assurant leur territorialisation et en faisant en sorte que la dynamique des implantations économiques continue de leur bénéficier.
Vos contributions ont été majeures, et ce n'est pas une simple formule, monsieur le rapporteur général, car ce texte vous doit beaucoup.
Le texte du projet initial issu de la concertation menée par Christine Lagarde était très largement inspiré des propositions du rapporteur général, de Marc Laffineur et de Jean-Pierre Balligand, dont je tiens à saluer le travail. C'est vous qui avez proposé le découplage entre la cotisation foncière des entreprises et la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises.
Ce dialogue s'est poursuivi, avec quelques phases de tension – ce qui est bien compréhensible s'agissant d'une réforme de cette ampleur – et l'Assemblée nationale et le Gouvernement sont parvenus à un texte qui a du sens pour les entreprises et qui rassure les collectivités locales.
Vous avez en particulier décidé d'attribuer une fraction de la valeur ajoutée au bloc communal alors, qu'elle n'était initialement attribuée qu'aux départements et aux régions.
Vous avez également mis en place un nouveau mode de répartition de cette cotisation, qui repose sur le principe de la territorialisation et permet de renforcer le lien fiscal entre les entreprises et les territoires.
Vous avez, enfin, adopté un mécanisme de péréquation puissant afin de faire en sorte que la croissance des ressources fiscales des zones les plus dynamiques puisse bénéficier à tous. Il s'agissait d'une innovation majeure que les élus locaux appelaient de leurs voeux depuis de très nombreuses années.
Les sénateurs ont également fait évoluer le projet, en respectant le plus souvent les acquis principaux du texte issu de votre assemblée.
Ils sont notamment parvenus à résoudre les problèmes de répartition de la valeur ajoutée inhérents au barème progressif de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises, en optant pour un système de dégrèvement particulièrement habile. Ce résultat, vous le savez, n'a été obtenu que grâce à l'étroite collaboration de vos deux assemblées, et tout spécialement de Gilles Carrez et de Philippe Marini.
Le Sénat a également proposé l'adoption de clauses de réexamen, qui permettront de préparer les évolutions du texte, ce qui concourt à lever les inquiétudes des élus. À cet égard, je ne doute pas que vous contribuerez aux travaux qui vont s'engager et que vous ferez preuve du même esprit constructif que celui qui a jusqu'à présent guidé nos débats.
Au terme de plusieurs heures d'un débat parfois difficile où la réforme de la taxe professionnelle a certainement occupé une part importante, la commission mixte paritaire a su définir un compromis intelligent et équilibré, retenant les meilleures solutions proposées par chacune des deux chambres.
Les amendements que le Gouvernement soumet au vote ce matin s'inscrivent dans le prolongement de ce travail de synthèse.
Pour une fois, nous ne sommes pas dans une position de rupture : nous prolongeons les travaux de la CMP.
Concernant le volet de la réforme relatif aux entreprises, le Gouvernement est en phase avec le texte élaboré par la CMP, à l'exception de quelques aménagements limités sur lesquels j'aurai l'occasion de revenir.
Concernant le volet relatif aux finances locales, les modifications que nous proposons sont un peu plus substantielles, j'en conviens, mais elles sont inspirées du même souci d'équilibre que celui qui a guidé l'ensemble de vos travaux : équilibre entre les intérêts financiers des collectivités territoriales et ceux de l'État ; équilibre, ensuite, entre la nécessaire territorialisation de l'impôt et l'objectif de mutualisation, vers lequel nous devons tendre si nous voulons faire en sorte que les ressources des collectivités territoriales soient en adéquation avec leurs dépenses.
J'aurai l'occasion de revenir en détail sur la taxe professionnelle au moment de l'examen des amendements.
Bien sûr, ce texte comporte bien d'autres éléments. Je tiens à remercier particulièrement votre assemblée pour le travail qu'elle a mené, en dehors des dispositions relatives à la réforme de la taxe professionnelle, sur les rapports entre l'État et les collectivités locales. Sur cette question complexe, nous continuerons, je l'espère, à progresser.
Nos débats se sont déroulés dans une ambiance que j'ai trouvée plus apaisée que l'année dernière, même si elle n'a pas été sans difficultés. La conférence sur les finances publiques, qui se tiendra au mois de janvier conformément au voeu du Président de la République, nous permettra de revenir sur ces questions et bénéficiera des acquis sur les relations entre l'État et les collectivités.
Je rappelle enfin que ce projet de loi de finances comporte de très importantes mesures de pilotage et de maîtrise de la dépense publique, fondées notamment sur la règle du non – remplacement d'un fonctionnaire sur deux partant à la retraite, ce qui est une bonne politique. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)
La parole est à M. Didier Migaud, président de la commission mixte paritaire.
Madame la présidente, messieurs les ministres, monsieur le rapporteur général, mes chers collègues, nous sommes parvenus à la fin du long processus que constitue l'examen du projet de loi de finances. Je veux également m'en réjouir et m'associer aux remerciements qui ont été exprimés, tant par le rapporteur général que par le ministre. Un travail extrêmement important a été accompli dans le respect des convictions des uns et des autres.
Cela dit, les critiques de fond que nous pouvions formuler à l'encontre de ce projet de loi de finances restent les mêmes à la fin de la discussion qu'à son début.
Ce projet de loi de finances nous paraît traduire une vision incomplète de la situation de nos finances publiques en 2010. Le Parlement se prononce sur un budget partiel, qui fait l'impasse sur les mesures présentées dans le cadre du collectif budgétaire du mois de janvier, lequel autorisera vraisemblablement près de 35 milliards d'euros de dépenses supplémentaires.
Il y a une certaine incongruité à discuter de ce projet de loi de finances sans avoir eu de précisions suffisantes quant au contenu et aux modalités de financement de cet emprunt.
Deuxième critique de fond : la réforme de la taxe professionnelle n'est pas financée et ne le sera que par une aggravation du déficit. Pour l'année 2010, elle représente un coût de 11,7 milliards pour s'élever progressivement, à partir de 2011, entre 4 à 5 milliards, la contrepartie de l'allégement consenti aux entreprises risquant d'alourdir la fiscalité sur les ménages.
Troisième critique : la taxe carbone se révélera probablement inefficace en matière de protection de l'environnement, de l'écologie, tout en étant injuste socialement.
Les modalités de cette contribution carbone ne permettront pas une juste redistribution en direction des ménages.
Quatrième critique : les choix fiscaux sont dans la continuité d'une certaine injustice – ou d'une injustice certaine. Je pense à la fiscalisation des indemnités des accidentés du travail, ou au refus d'indexer le tarif de la prime pour l'emploi, déjà gelé lors de la création du RSA.
Cinquième et dernière critique : le refus d'une véritable prise en compte de la nécessité de faire contribuer les banques au rétablissement des comptes publics et de faire jouer à la fiscalité un rôle régulateur s'agissant des rémunérations extravagantes de certains de leurs salariés. Je veux parler, bien sûr, des bonus, sur lesquels nous aurons l'occasion de revenir, soit à l'occasion du collectif de fin d'année, soit à l'occasion du collectif de janvier prochain.
Comme le rapporteur général, je considère que le Parlement a été fortement utile dans l'examen de la réforme de la taxe professionnelle. Le texte qui nous est présenté aujourd'hui est meilleur que le texte initial. C'est le résultat d'un travail approfondi des commissions des finances de l'Assemblée nationale et du Sénat.
De même, la CMP a beaucoup travaillé sur ce texte. Il aura fallu plus de huit heures de débats en CMP pour parvenir à un compromis que le ministre a estimé intelligent et équilibré. Toutefois, je regrette que le travail réalisé, tant en commission des finances qu'en CMP, soit pour partie remis en cause, voire plutôt dégradé, par les amendements du Gouvernement, alors que certaines avancées avaient pu être obtenues sur quatre sujets, et notamment sur le ticket modérateur.
Alors que l'Assemblée nationale avait rejeté le ticket modérateur, le Gouvernement nous l'a imposé en seconde délibération. Ensuite, ce fut au tour du Sénat puis de la CMP de le rejeter. Or vous le réintroduisez aujourd'hui.
Vous allez plafonner la valeur ajoutée, y compris pour les grandes entreprises, ce qui va à l'encontre de ce que la CMP avait souhaité.
Vous nous proposez, pour 2010, un calcul défavorable de la compensation, revenant sur le pourcentage de 1,2 % sur lequel l'Assemblée nationale et le Sénat s'étaient mis d'accord. Je trouve cela mesquin (« Oh ! » sur les bancs du groupe SRC.), pour ne pas employer de mot plus dur. Nous avions même trouvé une recette supplémentaire pour le financer.
Cette disposition aura pour conséquence de conforter le sentiment qu'auront les élus que, y compris dès 2010, la réforme de la taxe professionnelle aura un coût pour eux, ce qui pourrait les conduire à ne pas réaliser tous les investissements qu'ils auraient pu prévoir sur l'année 2010. C'est une erreur, y compris par rapport à la situation économique de notre pays et à la nécessité de conforter l'activité.
Enfin, le rapporteur général s'était bien battu, proposant un mécanisme intelligent de territorialisation qui concernait les départements et les régions. Or vous réintroduisez des éléments « macro » dans le dispositif, ce qui aurait dû être évité afin de respecter les travaux de la commission mixte paritaire.
Pour conclure, je tiens à saluer le travail de chacun et à exprimer un regret. En effet, les amendements du Gouvernement ne sont pas de simple forme, de coordination, mais bien des amendements de fond. Ce n'est jamais une bonne méthode que de présenter des amendements après une CMP. Aller à l'encontre de ce qu'ont décidé députés et sénateurs dans le cadre d'une proposition équilibrée ne correspond pas à ma conception des relations qui doivent exister entre le Parlement et le Gouvernement. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
Madame la présidente, messieurs les ministres, mes chers collègues, nous arrivons aujourd'hui, comme l'a dit le rapporteur général, au terme de l'examen d'une des lois de finances les plus importantes de ces vingt-cinq ans dernières années, puisqu'elle comprend deux dispositifs majeurs : la réforme de la taxe professionnelle et l'instauration de la taxe carbone. Elle intervient au moment où, avec le sommet de Copenhague et le lancement du grand emprunt, ce qui est en jeu est la transformation radicale de notre modèle de développement économique, et ce alors que la situation de nos finances publiques est la plus difficile depuis cinquante ans.
La montée en puissance, dans le débat public, de la question de la maîtrise des dépenses et des déficits, en un mot de la croissance de la dette publique, traduit une prise de conscience salutaire de la gravité de la situation. C'est un combat que le Nouveau Centre a toujours mené, et qui va jouer un rôle majeur dans le débat sur la transition de notre modèle économique vers un modèle de croissance durable.
Car il n'est pas de croissance durable et solidaire sans maîtrise de nos dépenses de fonctionnement ni maîtrise de notre dette. Aussi suis-je heureux de constater que nos propositions sont aujourd'hui relayées par le Président de la République lui-même, qui a récemment évoqué une possible inscription dans la Constitution de la règle d'or interdisant de présenter un budget en déficit de fonctionnement, car nous ne pouvons plus continuer ainsi.
Il faut tout d'abord réduire les dépenses. Nous avions d'ailleurs proposé des mesures permettant la réalisation d'économies de l'ordre de 5 milliards d'euros, parmi lesquelles un coup de rabot général de 5 % sur l'ensemble des niches fiscales. Et je prends le pari, mes chers collègues, que nous parviendrons tôt ou tard à cette solution de sagesse.
Ce combat n'est en aucun cas un combat partisan, car il y va de la gouvernance économique de notre pays. Il dépasse les clivages politiques, les clivages générationnels, mais également les clivages sociaux puisque la dette et les déficits sont l'affaire de tous. Le Nouveau Centre aura d'ailleurs l'occasion de le redire avec force lors de la conférence sur les déficits publics que le chef de l'État vient d'annoncer.
J'en viens maintenant au texte proprement dit. Au nom du groupe Nouveau Centre, je formulerai trois remarques.
La première concerne l'indispensable réforme de la taxe professionnelle. Indispensable puisque entamée en 2000 par Dominique Strauss-Kahn, elle permettra, j'en suis certain, de libérer les énergies de nos territoires, de lutter contre les délocalisations, de stimuler l'investissement, donc de contribuer à la sortie de crise et de ne plus pénaliser bêtement les investissements matériels.
Néanmoins, j'aimerais insister sur trois aspects de cette réforme que le groupe Nouveau Centre et moi-même jugeons non négociables au regard de la mise en oeuvre d'une véritable démocratie locale, idée que nous avons toujours portée.
Premièrement, cette réforme doit s'accompagner du maintien d'un lien fort entre l'entreprise et les collectivités locales, ce qui n'était pas le cas, monsieur le ministre, dans le projet du Gouvernement. Nous nous sommes battus pour renforcer la capacité d'attraction de nos collectivités et pour faire de leur fiscalité un outil dynamique au service de l'investissement. Je suis donc heureux de voir que le bloc communal recevra, comme nous l'avions proposé, une fraction non négligeable – 26,5 % – de la cotisation sur la valeur ajoutée, qui sera un impôt dynamique. Pour mémoire, le groupe Nouveau Centre avait déposé un amendement portant ce taux à 30 %.
Surtout, je suis heureux que la commission mixte paritaire ait accepté d'étendre la territorialisation de l'assiette aux départements et aux régions, comme nous l'avions demandé. Il aurait en effet été incohérent que ces deux échelons soient exclus du dispositif. De plus, le texte adopté par le Sénat posait un grave problème constitutionnel car il aurait eu pour effet de faire chuter le taux d'autonomie financière des départements et des régions.
Je déplore cependant les pas en arrière que vient de faire le Gouvernement pour revenir sur la territorialisation. Si j'ai bien compris, les amendements qu'il va déposer visent en quelque sorte à renationaliser une partie du dispositif, ce qui est très regrettable. À cet égard, je salue le travail de notre rapporteur général, militant inlassable de la territorialisation, qui a préservé l'essentiel.
Un mot maintenant sur le barème d'assujettissement à la cotisation sur la valeur ajoutée, dont la définition finale est très proche de la proposition que nous avions faite initialement et qui a été rejetée ici – mais la sagesse vient à un moment ou un autre !
Surtout, et c'est essentiel, le texte que nous allons voter aujourd'hui exclut les petites entreprises de cette cotisation, puisque l'État prendra en charge la différence entre les deux barèmes par voie de dégrèvements. Il s'agit là d'une mesure de sagesse, monsieur le ministre, puisque cette réforme doit être l'occasion d'alléger la charge fiscale qui pèse sur toutes les entreprises, y compris les plus petites.
Deuxième aspect : la réforme ne doit pas se faire au détriment de la solidarité entre les territoires, d'où la nécessité d'instaurer un puissant système de péréquation. Je me félicite d'ailleurs que la CMP ait également retenu la proposition de mes collègues Charles de Courson et Marc Laffineur, visant à instaurer un système de péréquation des droits de mutation, qui sera mis en oeuvre dans le texte d'ajustement prévu pour la mi-2010.
J'en profite également pour redire ma satisfaction qu'ait été adoptée une clause de « revoyure », qui permettra de réaliser les ajustements nécessaires. C'est une réponse forte à l'incertitude dans laquelle sont aujourd'hui plongés les élus locaux.
Enfin, il est un autre point que j'aimerais aborder : celui de la garantie de l'autonomie financière et fiscale de nos collectivités.
La garantie financière, tout d'abord. Le principe de stricte compensation des ressources en 2010, comme le disait à l'instant le président de la commission des finances, n'est respecté que dans une certaine limite, celle des taux 2008 majorés de 1,2 %, ce qui représente un manque à gagner de l'ordre de 600 millions d'euros pour les collectivités qui ont augmenté leur taux 2009 au-delà de 1,2 %.
L'autonomie fiscale, ensuite. Le groupe Nouveau Centre défend de longue date la responsabilisation des élus locaux, qui passe par la mise en oeuvre du principe d'autonomie fiscale des collectivités territoriales, donc par une véritable politique de décentralisation.
À ce titre, si nous avons obtenu satisfaction pour le bloc communal, le taux d'autonomie fiscale des régions et des départements est ramené respectivement à 10 et à 18 %, ce qui est inacceptable. Vous verrez que nous en viendrons à la seule solution d'avenir, celle que nous proposons avec constance, et qui consiste à affecter à ces deux collectivité une taxe additionnelle à la CSG nationale, seul impôt véritablement moderne et juste, et dont l'assiette est la plus large. Cette réforme se traduirait par une baisse du taux de CSG nationale et donnerait aux départements et aux régions le pouvoir de fixer un taux additionnel plafonné.
Vous verrez, monsieur Chartier, que nous avons raison.
S'agissant par ailleurs de la mise en oeuvre de la taxe carbone, dont personne ne conteste la nécessité absolue, je rappelle que nous avons fait deux propositions pour que cette contribution ne soit pas une simple taxe supplémentaire. En effet, elle est avant tout un outil au service de la modification de nos comportements quotidiens.
Notre première proposition visait à ce que les entreprises soient elles aussi incitées à modifier leurs comportements, ce qui n'est pas le cas en l'état actuel du texte : dès lors qu'elles s'engageraient, par voie de contrat avec l'État, à réduire de manière significative leurs émissions de gaz à effet de serre, la taxe carbone leur serait remboursée.
Notre seconde proposition, qui avait d'ailleurs fait réagir M. le ministre du budget, tendait à rendre cette mesure plus juste et à faire en sorte qu'elle ne décourage pas les gens d'aller travailler, en remboursant le surcoût lié à la taxe carbone, à l'instar des frais professionnels, aux contribuables – et ils sont nombreux – qui ne peuvent se passer de leur véhicule pour se rendre sur leur lieu de travail.
Enfin, notre dernière proposition, adoptée contre l'avis du Gouvernement, avait pour objet d'exonérer les biocarburants. C'est une mesure de bon sens, car comment expliquer, monsieur le ministre, que la taxe carbone s'applique à une énergie totalement renouvelable ? C'est indéfendable et il y a là, à mon sens, un grave problème de lisibilité de la politique gouvernementale.
Une taxe carbone plus efficace, plus efficace et plus juste, tel était le sens de nos propositions.
J'en viens à la taxation des indemnités journalières, mesure injuste à laquelle nous sommes opposés pour trois raisons. Tout d'abord, il est illusoire de s'attaquer aux niches fiscales par un dispositif en particulier. Le groupe Nouveau Centre avait proposé, pour sa part, un coup de rabot général sur l'ensemble des 469 niches existantes. J'en profite pour dire combien le renforcement du plafonnement des niches – 20 000 euros au lieu de 25 000, plus 8 % du revenu imposable au lieu de 10 % – démontre, une nouvelle fois, que les propositions que nous formulons depuis plus de deux ans sont justes, et je remercie nos amis sénateurs d'avoir repris l'un de nos 170 amendements.
Rappelons que les gens qui perçoivent des indemnités journalières n'ont pas souhaité être dans cette situation : nous ne sommes pas ici dans un cas d'optimisation fiscale délibérée. Rappelons également que la défiscalisation de ces indemnités ne constitue qu'une juste compensation, puisqu'il s'agit d'un revenu de remplacement limité à 60 % du revenu d'activité le premier mois et à 80 % les mois suivants.
Compte tenu de ces éléments et des importantes modifications apportées à ce projet au Sénat et en CMP, et sous les réserves que je viens de formuler, le groupe Nouveau Centre votera le texte issu de la CMP. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
J'allais commencer mon propos en saluant le travail très consensuel de la commission mixte paritaire, mais après avoir entendu son président, Didier Migaud, évoquer les travaux de la CMP et les amendements du Gouvernement, je voudrais lui dire, très cordialement, qu'il serait dommage de jeter le bébé avec l'eau du bain.
Gilles Carrez l'a dit, la disparition de la taxe professionnelle, remplacée par un dispositif budgétaire de compensation et par un dispositif fiscal, est une réforme monumentale, dont l'origine, ainsi que l'a rappelé le ministre, est à la fois gouvernementale et parlementaire. Pendant des mois, de façon très consensuelle, les parlementaires, et en particulier les députés, ont travaillé à un dispositif idéal de compensation. Ce dispositif est, je le crois, équilibré. Il a été présenté, discuté, débattu, finalement voté.
Le Gouvernement proposera quelques améliorations. Nous aurons l'occasion d'en reparler au moment où il défendra ses amendements, mais, au fond, quel en est l'esprit ? Respecter la décision de la commission mixte paritaire qui, s'agissant par exemple de la territorialisation, s'est traduite par une adhésion particulièrement massive.
Si, finalement, le Gouvernement propose une renationalisation, elle n'est que partielle et confirme le fait que, pour les départements et les régions, la contribution sur la valeur ajoutée restera majoritairement territoriale. Cette disposition ne traduit pas la volonté de départements ou de régions riches et oublieux des départements ou des régions pauvres, mais le fait que les élus et leurs équipes administratives sont les moteurs de la dynamique économique territoriale, dynamique qu'il ne faut pas remettre en cause. Tel est l'esprit de la territorialisation, dont nous avons débattu pendant près d'une heure et demie en commission mixte paritaire…
…au cours d'un débat très riche, nourri – je parle sous le contrôle du président de la CMP –,débouchant sur cette territorialisation tant attendue et qui sera, j'en suis certain, confirmée tout à l'heure.
Par ailleurs, si les débats ont essentiellement porté sur la suppression de la taxe professionnelle, mesure qui a également focalisé l'attention des médias, n'oublions pas que ce budget consacre toutes les priorités fixées par la majorité, le Gouvernement, le Premier ministre et le Président de la République, et en particulier l'aide à l'emploi, qui reste l'une des principales préoccupations du Gouvernement.
Didier Migaud a rappelé le montant de la suppression de la taxe professionnelle pour l'an prochain : 11,7 milliards d'euros, c'est-à-dire, à 100 millions près, le même montant qui sera consacré l'an prochain aux mesures en faveur de l'emploi. Deux des priorités majeures du Gouvernement sont ainsi respectées : aider les entreprises grâce à la suppression d'un impôt qui, incontestablement, freinait l'investissement, et consacrer un effort budgétaire sans précédent à l'emploi – 650 000 emplois ayant été détruits cette année, nous avions besoin d'une action massive, ce que le Gouvernement a bien compris.
Bien sûr, pour les raisons que l'on connaît, le budget reste en déficit – de 116 milliards –,mais il aurait été très imprudent de réduire les dépenses dès cette année pour les ajuster aux recettes réelles, comme le souhaitait le Nouveau Centre, car nous sommes encore en situation de crise. Une telle démarche aurait été prématurée.
En revanche, le ministre l'a rappelé, la conférence des finances publiques qui aura lieu en janvier à la demande du Président de la République sera l'occasion d'engager, je le souhaite, une démarche de désendettement massive, afin de rééquilibrer le plus rapidement possible les finances publiques. C'est en 1980 qu'a été voté le dernier budget en équilibre. Le déficit ne date pas d'hier, ni de 2002 ni de 2007, mais bel et bien de 1980, et nous fêterons l'an prochain son trentième anniversaire !
Depuis trente ans, la France est en déficit, il est plus que temps de s'y attaquer, mais tel ne pouvait être l'objet de ce budget qui doit rester un budget de sortie de crise – en tout cas un budget d'espoir de sortie de crise.
Je rappellerai cordialement à Philippe Vigier, qui évoquait une proposition ancienne du Nouveau Centre consistant à augmenter encore le produit de la CSG, que plus de 80 % de l'assiette de la CSG est constituée par les salaires. La France a adopté une stratégie de réduction de la fiscalité des charges sociales pesant directement ou indirectement sur la part salariale. Il serait imprudent de s'engager dans une voie contraire, tant la concurrence mondiale est rude sur le marché de l'emploi. Cette proposition mérite sans doute que l'on y réfléchisse, mais je ne suis pas certaine qu'elle soit la bonne.
Mes chers collègues, les amendements du Gouvernement me donneront l'occasion de m'exprimer à nouveau tout à l'heure, mais je voudrais vous dire non seulement que le groupe UMP votera les conclusions de la commission mixte paritaire, mais encore qu'il salue très chaleureusement le travail du rapporteur général Gilles Carrez. Comme disait ce dernier tout à l'heure, la suppression de la taxe professionnelle est une réforme monumentale, mais s'il n'y avait pas des hommes comme lui pour engager le débat afin que cette suppression soit compensée de manière juste et équitable, nous ne serions sans doute pas parvenus à un résultat aussi satisfaisant.
Je tiens à lui dire combien le groupe UMP est solidaire de son action, et j'invite l'Assemblée à voter massivement les conclusions de la commission mixte paritaire. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
La réforme de la taxe professionnelle aurait mérité de faire l'objet d'un projet de loi à elle seule, mais le Gouvernement a décidé de l'inclure dans le projet de loi de finances. Je ne suis pas sûr que ce soit la bonne méthode. Cela dit, le Gouvernement est évidemment libre de donner au projet de la loi de finances le contenu qu'il veut.
Pour autant, ce que je viens d'entendre, notamment de la part de M. Chartier, sur le travail censément conjoint du pouvoir exécutif et du pouvoir législatif sur ce texte, relève d'une vision quelque peu euphorique de la situation.
Nous aurons tout entendu à propos de la taxe professionnelle, y compris un hommage aussi tardif que surprenant de nos collègues de l'UMP au président François Mitterrand, soudain paré des vertus que l'on attribue généralement aux hommes dont on respecte le talent et la vision économique.
Ainsi donc, pour l'occasion, François Mitterrand est devenu la figure de référence pour avoir été, semble-t-il, le premier à qualifier la taxe professionnelle d'« impôt imbécile ». Attendons-nous donc, mes chers collègues, à ce que les prochains projets lois de finances soient l'occasion de supprimer beaucoup d'impôts car tous pourraient relever du même qualificatif dès lors qu'ils pénalisent dans l'immédiat les agents économiques que sont, au choix, les consommateurs, les ménages ou les entreprises.
S'agissant des entreprises, en quoi la TVA serait-elle un impôt non imbécile, étant donné qu'elle pénalise la consommation qui contribue pour moitié, sinon pour les deux tiers, ou les deux tiers à la croissance de notre pays ? Je suppose donc que vous nous proposerez bientôt de la supprimer, monsieur le ministre...
À cette même aune, l'impôt sur le revenu est sans doute également un impôt imbécile, puisqu'il consiste à prélever au profit de l'État une partie de la richesse produite par le travail des agents économiques, bien meilleurs juges que l'État de l'utilisation de la partie de leur revenu ainsi prélevée.
…notamment celui sur l'investissement que vous avez décidé de supprimer puisqu'il prélève une partie de la richesse produite lors même que les entreprises s'efforcent d'investir et donc de doter les territoires d'outils économiques plus compétitifs.
Taxer l'emploi est évidemment une erreur et même la pire des stupidités, surtout si l'on songe que le chômage a explosé en 2009 et continuera de s'aggraver en 2010. Au nom de l'UMP, notre collègue Chartier vient donc de reprocher à notre collègue Vigier, du Nouveau Centre, de proposer une augmentation la CSG pour doter les collectivités locales, au motif qu'il s'agirait d'une taxation supplémentaire du travail puisque, en effet, la CSG repose pour l'essentiel sur les salaires.
Mais alors, pourquoi taxer la valeur ajoutée, étant donné que l'essentiel de la valeur ajoutée est précisément constituée des salaires ? En quoi serait-il intelligent de ne plus taxer les investissements mais de taxer les salaires, c'est-à-dire l'emploi, au moment même où, j'y insiste, la situation de celui-ci se dégrade ?
Je peux comprendre le raisonnement consistant à taxer d'imbécillité tous les impôts, mais je ne comprends pas l'intelligence d'un nouvel impôt sur la valeur ajoutée, qui s'apprête à taxer l'emploi, quand notre pays connaît une considérable aggravation du chômage.
Pousser cette logique jusqu'à son terme permet de montrer que justifier la suppression de la taxe professionnelle, qualifiée d'imbécile, par la suppression de la taxation des investissements, ne tient pas. Il aurait probablement fallu supprimer la taxation des investissements des entreprises risquant de délocaliser leur activité, mais rien ne justifiait de le faire pour celles qui ne menacent pas de le faire – je pense aux principales banques, aux compagnies d'assurance ainsi qu'à la grande et moyenne distribution.
Votre première erreur date du moment où vous avez décidé d'aider des entreprises qui ne justifient en rien qu'on les aide davantage, sans parler de l'erreur de forme consistant à intégrer ce dispositif dans un projet de loi de finances.
Sans doute avait-on à l'esprit les entreprises industrielles, trop taxées ces trente dernières années – en gros, depuis la réforme de la patente réalisée dans les années 1970 par un premier ministre nommé Jacques Chirac –, mais toujours est-il que la réforme du financement des collectivités locales ne nous semble pas avoir été autant pensée autant que la réforme de la taxation des entreprises.
Sans nous inscrire dans la même perspective, nous sommes un certain nombre ici – je pense en particulier au député-maire de Chartes – à pressentir l'un des effets de votre réforme de la taxe professionnelle : les collectivités locales vont moins investir non seulement en 2010 mais aussi en 2011, même s'il y aura des exceptions car, globalement, elles n'auront plus de visibilité financière et budgétaire.
Je rappelle que les collectivités locales assurent de 70 à 75 % de l'investissement civil et que c'est sur elles que s'appuie la stratégie gouvernementale de sortie de crise par l'investissement. Proposer au Parlement, qui va la voter, une réforme aboutissant à diminuer, voire à supprimer toute visibilité financière et budgétaire pour les collectivités à partir de 2010 ou 2011, c'est prendre le risque de voir ces collectivités ne pas investir comme elles en avaient l'habitude, c'est donc prendre le risque de compromettre la sortie de crise par l'investissement dont le Gouvernement a fait l'alpha et l'oméga de sa stratégie.
C'est pour nous une raison de plus de ne pas voter ce projet de loi de finances. J'en ajouterai une autre.
Nos huit heures de débat en commission mixte paritaire ont été animées, riches et empreintes de respect mutuel. Or voici qu'in fine le Gouvernement propose une cinquantaine d'amendements qui ne sont pas, tant s'en faut, que de coordination puisqu'ils reviennent sur des décisions majeures de la CMP. Une telle démarche est certes constitutionnelle, mais n'est pas correcte dès lors qu'on prétend respecter l'esprit des travaux parlementaires.
Correct, cela l'est d'autant moins qu'on peut s'interroger sur la sincérité d'un Gouvernement qui accepte une clause de rendez-vous pour le 1er juin 2010, clause demandée et votée par le Sénat et acceptée en CMP. De deux choses l'une, en effet : soit ces amendements pouvaient attendre cette clause de rendez-vous – et, dans ce cas, pourquoi humilier, il n'y a pas d'autre terme, le Parlement à travers sa commission mixte paritaire en demandant qu'ils soient votés dès à présent ? –, soit ils sont décisifs et il n'a jamais été dans l'intention du Gouvernement d'accepter une quelconque remise en cause de ce qu'ils recèlent, y compris lors de la clause de rendez-vous, et la déloyauté du pouvoir exécutif vis-à-vis du pouvoir législatif est évidente.
Rien ne justifie, ni sur la forme ni sur le fond, cette cinquantaine d'amendements qui reviennent sur les conclusions de la commission mixte paritaire. Si le Gouvernement les maintient et si sa majorité les vote, la clause de rendez-vous, qui a rassuré de nombreux élus locaux, ne sera qu'un jeu de dupes. Certains peuvent s'y prêter, règle majoritaire oblige, mais tous, dans le secret de leur conscience, savent parfaitement ce qu'il en est et nous ne manquerions pas alors de dénoncer ce jeu, l'opposition étant, pour sa part, libre de sa parole.
Ce projet de loi de finances prévoit par ailleurs l'instauration d'une taxe carbone, qui revêt l'apparence d'un impôt écologique mais a la réalité d'une taxe supplémentaire, additionnelle à la taxe intérieure sur les produits pétroliers, et déjà battue en brèche par le Gouvernement qui en a amoindri les effets.
Je reviens sur l'accord passé avec les transporteurs routiers, qui allège de 100 millions d'euros les charges sur les heures supplémentaires. Je soulignerai d'abord qu'il s'agit de 100 millions d'euros de dette publique en plus, étant donné que la situation budgétaire de l'État ne lui permet pas de financer cet allégement. En second lieu, c'est encore l'État qui va mettre la main à la poche pour financer la hausse des rémunérations des chauffeurs routiers – tant mieux pour eux –, se substituant aux chefs d'entreprises qui, probablement, ne pouvaient l'assumer. Si cette règle doit se généraliser, on se demande bien comment envisager une quelconque réduction de la dépense publique ! Enfin, je trouve étrange que, au moment où la politique de sécurité routière connaît quelques ratés, on incite aux heures supplémentaires dans un secteur où l'on sait que la fatigue n'est pas gage de sécurité.
Si l'on peut se réjouir que les fêtes de fin d'année ne soient pas gâchées par un blocage des routes – à moins que la neige ne soit en train d'y pourvoir –, le fait que le Gouvernement ait sacrifié à l'urgence certains principes qui auraient mérité d'être respectés, laisse un goût d'amertume.
La fiscalisation des indemnités journalières des accidentés du travail serait, à en croire le président Jean-François Copé qui en a été à l'origine, d'une mesure de justice fiscale. Nous ne sommes pas contre la justice fiscale, et nous pouvons comprendre que, dès lors que les revenus du travail sont fiscalisés, des revenus substitutifs au travail le soient également.
Mais, si le Gouvernement et sa majorité soutiennent que la justice fiscale constitue l'alpha et l'oméga de leur politique, il ne nous semble pas que la fiscalisation des indemnités journalières des accidentés du travail soit d'une telle urgence qu'il faille commencer par là. Ce n'était pas une urgence au regard des recettes escomptées : 150 millions d'euros dans le texte voté par l'Assemblée, 130 millions dans celui adopté par le Sénat. Nous connaissons des niches fiscales nettement plus coûteuses pour les finances publiques !
Nous avons ainsi dénoncé la désormais célèbre niche fiscale Copé qui, en deux ans, a coûté à l'État 20 milliards d'euros, au bénéfice d'entreprises qui ne nous semblaient pas devoir être aidées en priorité : les grandes banques, Danone, Lagardère, entre autres. Ce sont ces entreprises qui ont profité des 20 milliards et non, bien sûr, des PME ou des start-up, contrairement à ce à quoi était supposé aboutir le dispositif Copé. Vingt milliards d'euros, c'est beaucoup pour des entreprises qui peuvent délocaliser lorsqu'elles ne l'ont pas déjà fait, et dont la politique à l'intérieur de nos frontières ne sera en rien modifiée par ce cadeau inutile.
La fiscalisation des indemnités journalières des accidentés du travail ne relève donc pas de la justice, et si tant est que telle ait été votre intention, mes chers collègues, convenez qu'il y avait tout de même mieux à faire !
Une seconde précaution a été ignorée aussi bien par les concepteurs de cette taxe que par ceux qui en ont approuvé le principe : s'il est exact que les indemnisations pour maladie professionnelle, une fois celle-ci reconnue, ne seront pas taxées, nous savons aussi que, tant qu'elle n'est pas reconnue, il peut se passer deux, trois, quatre ou cinq années durant lesquelles ses victimes – je pense en particulier aux victimes de l'amiante – seront bel et bien taxées sur leurs indemnités journalières. Je trouve cela indécent, alors que l'on constate tant d'injustices fiscales par ailleurs.
Dernière remarque, et non des moindres : vous avez refusé de taxer les profits réalisés en 2009 par les institutions bancaires et financières, alors même que ces profits n'ont été réalisés que grâce à la béquille en or massif que leur ont fournie les pouvoirs publics.
Jean-François Lamour avait initialement permis, par son vote, l'adoption d'un amendement allant dans ce sens. Il lui a beaucoup été reproché de s'être trompé de bouton. Si l'on en croit certaines déclarations récentes, il semble en vérité, non pas que notre collègue se soit trompé de touche, mais qu'il en ait eu une d'avance... (Sourires.)
Évidemment, comme il s'agissait d'une initiative de l'opposition, le Gouvernement ne l'a pas acceptée, et l'on entend aujourd'hui des déclarations alambiquées sur le fait de savoir si ces profits seront taxés, et si les bonus des traders le seront aussi. Encore faudrait-il d'ailleurs, monsieur le ministre, que vous donniez une définition juridiquement correcte du métier de trader, car le risque serait grand, devant la perspective d'une taxation, que l'activité reste, mais que l'appellation se raréfie…
Refuser cette taxation et faire passer votre réforme de la taxe professionnelle, refuser de supprimer des niches fiscales injustifiables et taxer les indemnités journalières des accidentés du travail, tout cela ne fait pas une politique de nature à susciter l'adhésion de nos concitoyens. Nombreux sont, du reste, ceux qui n'y adhèrent pas.
Le déficit budgétaire et l'encours de la dette, en cette fin d'année, sont connus. Nous savons aussi quelle sera l'ampleur du déficit l'an prochain puisque le projet de loi de finances pour 2010 prévoyait initialement un déficit de 115 milliards d'euros. Si le projet de loi de finances rectificative est adopté, il passera à 117 milliards, auxquels il conviendra d'ajouter les 35 milliards de l'emprunt.
Ainsi, mes chers collègues, avant même que l'année 2010 n'ait commencé, le déficit budgétaire sera supérieur au déficit constaté cette année. Et quand on sait l'aggravation massive d'un déficit constaté par rapport à un déficit voté, les voeux pieux de certains de nos collègues de la majorité sur la nécessité de réduire les déficits publics et les déclarations martiales – comme il se doit – du Président de la République apparaissent pour ce qu'elles sont : des propos dénués de la moindre sincérité, et faisant l'impasse sur les générations futures qui devront payer les dettes que vous êtes en train de leur laisser. (Applaudissement sur les bancs du groupe SRC.)
Madame la présidente, messieurs les ministres, mes chers collègues, le Gouvernement ne cesse d'expliquer, depuis le mois de septembre, que notre pays est sorti de la crise et que les mauvais jours sont désormais derrière nous. C'est sous cet éclairage artificiel que la CMP a travaillé. Un tel excès d'optimisme contraste avec l'examen des faits : une aggravation sans précédent de la situation de nos finances publiques ; une grande inquiétude quant à la solidité de la reprise ; une aggravation, sans précédent elle non plus, du chômage.
Quatre millions de nos concitoyens sont aujourd'hui à la recherche d'un emploi. Huit millions vivent aujourd'hui sous le seuil de pauvreté, du fait notamment de la progression du nombre de travailleurs pauvres, qui sont plus de 2 millions, soit près de 8 % de l'ensemble des travailleurs. Cette situation n'est pas seulement socialement douloureuse et alarmante, elle est encore économiquement périlleuse. Elle pourrait bien, en effet, venir contrarier les hypothèses par trop favorables sur lesquelles se fondent le présent projet de loi de finances.
Je ne reviendrai pas en détail sur l'état de nos finances publiques. Chacun connaît les chiffres et sait que le déficit atteindra cette année le niveau record de 141 milliards d'euros, soit la moitié des dépenses du budget général !
Ce déficit contribue, qui plus est, à aggraver la dette publique, laquelle approche aujourd'hui les 1 500 milliards d'euros, soit 77 % du PIB, et devrait atteindre l'an prochain, selon vos propres estimations, 84 % de ce même PIB !
Pour une part, cette situation résulte évidemment de la profondeur de la crise, qui affecte négativement les recettes fiscales, mais se traduit aussi par une augmentation des dépenses sociales. C'est ainsi que le produit de l'impôt sur les sociétés devrait reculer de 43 % cette année, tandis que le coût des allocations chômage progresserait de 18 %. La crise aura ainsi creusé en 2009 un trou dans les comptes publics équivalant à 3,6 points de PIB.
Mais la crise n'est pas seule en cause dans la détérioration des comptes publics. Rien n'a été entrepris, en effet, depuis 2007, alors que le déficit flirtait déjà avec les 3 % du PIB, pour reconstituer les marges de manoeuvre budgétaires de l'État.
Votre majorité en porte la responsabilité. C'est vous qui avez multiplié ces dernières années les cadeaux fiscaux aux entreprises et aux particuliers les plus fortunés, et aggravé ainsi le déficit structurel.
Ces dépenses fiscales somptuaires sont restées sans effet notables sur la croissance et l'emploi. Vous n'en avez dressé aucun bilan. La Cour des comptes a parlé à leur propos d'effets « incertains » sur la croissance et l'emploi. J'irai même plus loin : des mesures telles que celles adoptées en 2007 dans le fameux « paquet fiscal » n'ont pas seulement été inefficaces, elles ont exercé un effet négatif.
Nous en voulons pour preuve le fait que chez nos voisins allemands, qui avaient abordé la crise avec des finances publiques équilibrées, sans paquet fiscal à la clé, le déficit devrait se limiter, d'après la Commission européenne, à 5 % du PIB en 2010, et ce malgré un plan de relance plus massif que celui mis en oeuvre en France. Chez nous, le déficit atteindra, lui, 8,2 % du PIB cette année et 8,5 % l'an prochain, sans compter le coût du grand emprunt.
Vous vous êtes, bien entendu, engagés à réduire le déficit public dans les prochaines années, en vous fixant l'objectif d'un point par an. Le problème, c'est que les solutions que vous préconisez sont insuffisantes, quand elles ne sont pas contre-productives.
Vous décidez ainsi, au nom de la lutte contre je ne sais quels gaspillages, de diminuer encore dans les prochaines années le montant des dépenses publiques. Comme les années précédentes, vous proposez cette année la suppression massive de postes de fonctionnaires : 33 754 équivalents temps plein, dont 16 000 dans l'éducation nationale.
Il faut ici dire aux Français combien cette politique de non-remplacement d'un fonctionnaire sur deux partant à la retraite est dérisoire et dangereuse. Dérisoire, car elle ne permet qu'une économie annuelle de 500 millions, soit moins d'une journée du déficit de l'État. Dérisoire encore au regard des 73 milliards d'euros d'exonérations fiscales que vous avez consenties sans vous assurer de leur efficacité. Dangereuse, enfin, car la suppression de ces postes pose de nombreux problèmes, notamment dans la santé, la sécurité ou l'éducation.
Cette obsession de la réduction des dépenses publiques désorganise nos services publics, fragilise notre modèle social, remet en cause des pans entiers des politiques publiques.
Tout cela nuit en profondeur à ce qui fait l'attractivité de notre territoire : ses services publics, son système de protection sociale, la qualité de ses infrastructures, le niveau de formation de ses salariés.
Vous gardez l'oeil vissé sur le niveau de prélèvements obligatoires, comme s'il constituait l'unique facteur d'attractivité de notre pays. Vous êtes engagés avec nos voisins européens dans une course au moins-disant fiscal dont il faudra bien un jour sortir, tant en France qu'en Europe.
C'est cette logique dévastatrice qui vous conduit à vouloir à présent amputer l'autonomie financière des collectivités locales. Vous les mettez sous la tutelle étatique en supprimant la taxe professionnelle.
Alors que les finances de nos collectivités sont quasiment équilibrées, qu'elles rendent des services appréciés tant de la population que des entreprises, qu'elles réalisent à elles seules, ne l'oublions jamais, 73 % des investissements publics, vous n'avez rien trouvé de mieux que de leur casser les pattes pour les mettre à terre. L'objectif de votre réforme est de consentir 11,6 milliards d'euros d'allégements de charges aux entreprises. Vous allez donc aggraver d'autant le déficit public : pour quels résultats ? Pouvez-vous seulement chiffrer les créations d'emplois qui en résulteront ? Non ! Pouvez-vous garantir que cet argent ira à l'investissement, à la recherche, à la formation ? Non !
Pour donner un chiffre parlant, alors que les actionnaires, dans les années soixante et encore au début des années soixante-dix, recevaient environ la moitié du revenu distribuable des entreprises, c'est-à-dire ce qui reste de l'excédent brut d'exploitation une fois décomptées toutes les charges, ils en ont reçu 106 % en 2008. Autrement dit, il est patent que les entreprises ne consacrent ni à l'emploi ni à l'investissement les parts de bénéfice disponibles. Pour le dire encore autrement, ce sont les actionnaires qui raflent la mise.
Par ailleurs, aurai-je la cruauté de rappeler ce qu'il est advenu des 2,7 milliards d'euros de cadeaux fiscaux consentis cette année au profit des patrons de la restauration ? Ont-ils embauché ? Ont-ils augmenté les salaires de leurs employés ? Leur ont-ils garanti de meilleures conditions de travail ? Une seule et même réponse à ces trois questions : non !
Pour faire des économies, pour redresser nos finances publiques, mais aussi pour revenir à plus de justice fiscale, il faut mettre fin à ces politiques de réductions d'impôt conduites sans discernement et de cadeaux fiscaux aux plus fortunés.
Il faut en finir, car c'est de cela, au fond, qu'il s'agit, avec le clientélisme généralisé, et revenir à une conception plus saine de la politique économique, guidée par le souci de l'intérêt général.
Mais vous persistez, contre vents et marées, à emprunter la voie inverse, à aggraver l'injustice fiscale. Contrairement, en effet, à ce que vous affirmez, les impôts des Français n'ont pas baissé : le taux de prélèvement obligatoire est stable depuis des années. Par contre, notre pays détient grâce à vous le triste record du nombre de niches fiscales : près de 470, qui bénéficient largement aux plus aisés de nos concitoyens. C'est ainsi que le taux d'imposition moyen des mille plus gros revenus est aujourd'hui de 25 %, quand il devrait être de 40 % si s'appliquait réellement le taux marginal de l'impôt sur le revenu, lui-même très faible. Si l'on s'en tient aux dix plus gros revenus, le taux d'imposition réel chute même sous la barre des 20 % !
Vous avez prétendument plafonné ces niches. Mais il s'agit, dans les faits, d'un plafond de théâtre, bricolé afin de donner le change, mais qui ne corrige qu'à la marge le déséquilibre profond de notre fiscalité. Vous avez, depuis des années, de remis en cause le caractère redistributif de l'impôt et sapé sa progressivité, de sorte que la fiscalité pèse aujourd'hui beaucoup plus lourdement sur les ménages modestes que sur les ménages les plus aisés. Les impôts indirects amputent de près de 12 % les revenus des ménages les moins favorisés, mais représentent à peine 3,5 % de celui des plus riches !
Déjà accablant, le bilan de votre politique budgétaire va s'aggraver encore cette année. Si l'on s'en tient à ce projet de loi de finances, la suppression de la taxe professionnelle réduira, à elle seule, les recettes de l'État de 11,6 milliards d'euros, l'équivalent de tout ce que l'État consacre à l'environnement, au logement et aux transports réunis. La baisse de la TVA dans la restauration coûtera 3,5 milliards l'an prochain, et les exonérations de cotisations sur les heures supplémentaires 4 milliards.
Au total, les seules mesures décidées en 2009 et 2010 vont priver l'État d'une quarantaine de milliards d'euros. Et le cumul des baisses d'impôt décidées au cours des dix dernières années approchera les 100 milliards d'euros, soit l'équivalent des trois quarts du déficit, sans même y inclure les dépenses liées au futur grand emprunt !
En dépit de l'opposition réaffirmée du chef de l'État à l'augmentation des impôts, il faudra bien, un jour ou l'autre, mettre fin à cette folle hémorragie et dégager de nouvelles recettes. Ne serait-ce que pour éviter de payer chaque année des sommes colossales en intérêts : 43 milliards d'euros l'an prochain, soit bientôt l'équivalent du produit de l'impôt sur le revenu des Français, et déjà l'équivalent des budgets de la recherche, de l'enseignement supérieur et de l'écologie réunis.
En matière de fraude fiscale, l'évasion vers les paradis fiscaux est évaluée, pour 2007, entre 30 et 40 milliards d'euros par le Conseil des prélèvements obligatoires. En cette matière aussi, votre laxisme est patent. Vous vous refusez à prendre toute mesure d'ampleur, tout comme vous refusez de considérer comme une priorité la reconquête d'une fiscalité juste et efficace.
Les Français sont en droit de réclamer des comptes sur l'utilité sociale des réductions d'impôt que vous n'avez cessé d'accroître, de reconduire et d'empiler au bénéfice des plus riches.
La plupart de nos concitoyens ne voient pas la situation de l'emploi s'améliorer. Ils ne voient pas non plus leurs salaires progresser. Ils peuvent donc légitimement se demander où vont les réductions d'impôt consenties aux entreprises.
Ce qu'ils voient chaque jour, c'est le déclin des services publics, le recul de leur droits sociaux, la fragilité grandissante de notre système de protection sociale, la précarisation de l'emploi, la dégradation de leurs conditions de travail, la fiscalisation scandaleuse des indemnités journalières des accidentés du travail, l'injuste et inopérante taxe carbone.
Vous êtes engagés dans une politique qui présente de nombreuses similitudes avec celle poursuivie par Reagan au début des années quatre-vingts : des baisses faramineuses d'impôts au profit des plus aisés, quitte à laisser se creuser les déficits.
Ce faisant, non seulement les moins favorisés vont demeurer durablement les laissés-pour-compte de votre politique, mais vous prenez en otage l'avenir de tous.
Nous voterons bien évidemment contre votre projet de loi de finances. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, au terme de l'examen de ce projet de loi de finances, je voudrais tout d'abord, comme ceux qui m'ont précédé à cette tribune, saluer la qualité du travail mené par notre rapporteur général, ainsi que la bonne maîtrise des débats de la commission des finances, sous l'autorité de son président.
La réforme de la taxe professionnelle, cela a été dit avant moi, a un immense mérite, celui de ne plus taxer les investissements des entreprises avant même que ceux-ci aient produit le moindre effet positif sur leur activité ni dégagé la moindre rentabilité. Cette réforme était attendue, notamment par l'industrie confrontée à la concurrence internationale et par celle qui est au premier rang des secteurs d'activité économique souffrant aujourd'hui de la crise générée par la crise financière.
L'accord intervenu en commission mixte paritaire permet, dans la continuité de l'engagement de l'Assemblée nationale, d'obtenir la territorialisation des bases de la valeur ajoutée. C'est là un point extrêmement important, monsieur le ministre, puisque cela garantit une dynamique des ressources dont disposent les collectivités territoriales pour accueillir les entreprises. Je ne pense pas seulement aux zones d'activité, mais aussi à tout ce qui est autour, par exemple les logements locatifs ou les infrastructures permettant la desserte de ces zones. L'implication des collectivités territoriales – non pas seulement les communes et leurs groupements, mais aussi les départements et les régions – dans le développement des zones d'activité devait être maintenue. Le retour dont elles disposeront sur la valeur ajoutée dans le cadre du dispositif « micro » est une très bonne chose.
Nous avons bien compris qu'un certain nombre d'aménagements étaient proposés par le Gouvernement pour donner une signification immédiate à la péréquation entre collectivités territoriales d'un même niveau. La péréquation est légitime. Nous l'avons d'ailleurs inscrite dans des lois antérieures. Jusqu'à présent, elle s'exprimait d'une manière relativement limitée. Les dispositions adoptées en CMP pour territorialiser les bases étant respectées, je me réjouis qu'on ait pu trouver un dispositif équilibré, permettant de donner une signification immédiate à la péréquation.
La répartition entre les différentes collectivités est un débat qu'il faudra poursuivre en 2010 car, lorsqu'on parle de péréquation, il faut tenir compte de manière objective des ressources des collectivités, mais aussi de leurs charges. Le dispositif proposé par le Sénat comportait un équilibre savant entre la population, le nombre de bénéficiaires des minima sociaux et le nombre de kilomètres de voirie : ce n'étaient sans doute pas les critères les plus pertinents, ni les plus exhaustifs. Mais je veux bien reconnaître la complexité de cette affaire…
Nous avons prêté une attention toute particulière à la fiscalité des établissements exceptionnels de production d'énergie, qu'il s'agisse des centrales nucléaires ou des ouvrages hydrauliques. J'ai bien compris qu'un certain nombre d'aménagements étaient proposés en vue d'en garantir la constitutionnalité, ainsi que pour tenir du compte du fait que les collectivités accueillant ces établissements supportent les risques qui s'y attachent. Il convenait également de permettre que cette fiscalité continue à jouer un rôle de péréquation des ressources. Ces aménagements vont dans le bon sens, et je m'en réjouis.
Monsieur le ministre, je souhaite exprimer ma satisfaction en ce qui concerne la solution trouvée pour maintenir les fonds départementaux de taxe professionnelle. Quelques collègues ont formulé des réserves vis-à-vis de ces fonds, mais la péréquation intradépartementale reste une nécessité. Tous les rapports rédigés dans le passé sur la gestion des fonds de péréquation montrent qu'ils jouent un rôle irremplaçable. Il reste à trouver le moyen d'abonder leurs ressources, qui se trouvent cristallisées par ce texte et par la réforme de la taxe professionnelle. Des problèmes peuvent se poser, moins du fait de la disparition d'établissements exceptionnels que de l'évolution du nombre de salariés. Des aménagements sont nécessaires pour préserver la pérennité des fonds.
Enfin, je pense qu'il était important de conforter les dispositions relatives aux opérateurs de l'État. Le rapport récemment publié par la Cour des comptes sur l'évolution de leurs effectifs donne raison à ceux qui se battent sur ce sujet depuis de nombreuses années et conforte les dispositions que vous avez présentées, monsieur le ministre, la semaine dernière.
Nous en venons au texte de la commission mixte paritaire.
Conformément à l'article 113, alinéa 3, du règlement, je vais appeler l'Assemblée à statuer d'abord sur les amendements dont je suis saisie.
En application de l'article 95, alinéa 5, du règlement, le Gouvernement demande la réserve de la discussion des amendements aux articles 5, 12 ter, 13 quinquies, 23 A, 34 et état A.
La réserve est de droit.
Je suis saisie, sur les articles 2, 43 B, 43 C, 43 E, 43 bis et43 ter, d'un certain nombre amendements nos 7 , 28 , 14 , 6 , 43 , 15 , 17 , 8 , 24 , 25 , 29 , 30 , 18 , 16 , 19 , 20 , 21 , 22 , 23 , 34 rectifié , 37 , 31 , 38 , 10 , 11 , 12 , 13 , 27 , 35 , 33 , 26 , 32 , 36 , 9 , 41 , 42 et 5 .
La parole est à M. le ministre du budget, pour présenter l'ensemble de ces amendements.
Madame la présidente, je vais en effet, présenter dans un souci de simplicité et de cohérence l'ensemble des amendements concernant la taxe professionnelle. Je suis conscient que cela représente, d'un point de vue optique, beaucoup d'amendements, mais c'est uniquement dû, que chacun se rassure, au respect des règles de procédure.
Des avancées majeures ont eu lieu en commission mixte paritaire ; elles sont respectées, et le travail de la CMP n'est en aucun cas remis en cause. Le Gouvernement souhaite simplement procéder à un certain nombre de réglages, afin de parachever le travail de synthèse.
En ce qui concerne le volet « entreprises », deux points nous paraissent devoir évoluer. Le premier concerne le plafonnement de la valeur ajoutée à 80 % du chiffre d'affaires. C'est un enjeu essentiel pour les entreprises de main-d'oeuvre. Votre assemblée a souhaité limiter cette mesure aux PME dont le chiffre d'affaires est inférieur à 7,6 millions d'euros, tandis que le Sénat a privilégié une règle uniforme. Nous proposons une solution de compromis : un taux de 80 % pour les PME et de 85 % pour les autres entreprises.
Le second point, monsieur Bouvard, concerne l'IFER – imposition forfaitaire sur les entreprises de réseaux – applicable aux éoliennes, que nous proposons d'aligner sur celui des autres modes de production d'électricité, …
…soit 2 913 euros par mégawatt installé, afin, comme vous le souhaitiez, de ne pas pénaliser les énergies renouvelables.
Les amendements au volet relatif aux finances locales sont marqués par un souci d'équilibre entre les intérêts financiers des collectivités territoriales et de l'État. Nous proposons de restaurer le ticket modérateur voté par votre assemblée, en simplifiant sa rédaction et en corrigeant l'essentiel des effets pervers que Gilles Carrez avait très justement décrits dans son rapport. C'est une question de principe à laquelle le Gouvernement est très attaché, car la responsabilité des élus est indissociable de la décentralisation.
Nous vous proposons également d'en rester, pour 2010, au mode de calcul de la compensation relais tel que voté par le Sénat, et qui est très favorable aux collectivités territoriales. Chaque collectivité bénéficierait ainsi de la compensation la plus favorable entre le produit 2009 et les bases 2010, multiplié par le taux 2009, dans la limite du taux 2008 majoré de 1 %. Nous étions partis de 0,6%, l'Assemblée a proposé 0 %,...
…le Sénat a proposé 1,1 %, la CMP a abouti à 1,2 %.
Nous proposons de revenir à 1 %. Nous devons tendre vers l'équilibre entre la nécessaire territorialisation de l'impôt et l'objectif de mutualisation, si nous voulons que les ressources des collectivités soient en adéquation avec leurs dépenses.
S'agissant des régions et des départements, nous proposons de conserver la clef de répartition micro-économique de la valeur ajoutée adoptée par l'Assemblée et confirmée par la CMP. Toutefois, deux fonds de péréquation – l'un régional, l'autre départemental – seraient créés, afin de répartir le quart du produit de la taxe en fonction des critères de mutualisation proposés par le Sénat : minima sociaux, voirie, population. Ainsi, l'adéquation des ressources aux besoins serait mieux assurée, notamment pour les territoires ruraux.
Nous proposons également d'en revenir aux mécanismes de péréquation dynamique que vous aviez votés en première lecture, en leur apportant un correctif afin que seuls les départements et régions dont le potentiel fiscal ou financier dépasse la moyenne nationale soient mis à contribution.
Enfin, nous proposons quelques aménagements techniques qui visent notamment : à laisser davantage de temps aux élus locaux pour modifier, le cas échéant, la répartition de la valeur ajoutée entre EPCI et communes membres, à prévoir les cas particuliers de fusions d'EPCI qui interviendraient en 2010 ; à encadrer plus précisément les règles de répartition de la valeur ajoutée de certains établissements exceptionnels ; à renforcer les sanctions pécuniaires applicables en cas de non-déclaration des éléments nécessaires à la répartition de la valeur ajoutée ; à transférer en première partie la revalorisation des bases locatives foncières, étant donné qu'elle aura une incidence sur le budget 2010 à travers la compensation relais.
Ces amendements préservent, je crois, l'équilibre de la réforme. Ils s'inspirent de l'état d'esprit des travaux des derniers mois. Ils sont nécessaires si nous voulons que le nouveau système fiscal issu de la réforme fonctionne correctement et que soient sécurisées les ressources de chaque collectivité, quelles que soient sa taille ou ses caractéristiques.
Je demande à votre assemblée, en application de l'article 44, alinéa 3 de la Constitution, de se prononcer par un seul vote sur l'ensemble des amendements que je viens de présenter, c'est-à-dire l'ensemble des amendements portant sur les articles 2, 43 B, 43 C, 43 E, 43 bis et43 ter.
Je voudrais examiner un par un ces amendements, car ils méritent des explications. Je désire notamment expliquer pourquoi ils sont nombreux.
Comme le M. le ministre l'a dit, beaucoup de ces amendements sont rédactionnels ou de coordination. La réforme de la taxe professionnelle est très complexe. Nous avons passé huit heures en commission mixte paritaire, mais un certain nombre de correctifs restaient à réaliser. C'est d'ailleurs pourquoi le Gouvernement, à la demande de M. le président de la commission des finances, a renvoyé l'examen du texte à ce matin. Je voudrais m'en excuser auprès de nos collègues, mais je constate, pour m'en réjouir, qu'ils sont venus nombreux pour un vendredi matin.
M. le ministre a eu raison de demander un vote unique, car ces amendements découlent les uns des autres. Je vais donner ma position sur chacun, pris dans l'ordre.
L'amendement n° 7 est rédactionnel et n'appelle donc pas de commentaire.
L'amendement n° 28 consiste à renvoyer en première partie l'actualisation des valeurs locatives. Chaque année, nous actualisons ces valeurs à raison de l'inflation. Nous avons choisi cette année le taux de 1,2 % . D'habitude, l'actualisation figure dans la seconde partie, car elle n'a pas d'incidence sur le budget de l'État. Mais cette année, du fait de la réforme, elle peut avoir une incidence sur la compensation relais, qui jouera dès 2010. Il fallait donc l'inscrire en première partie.
L'amendement n° 14 est rédactionnel.
L'amendement n° 6 mérite une explication. Dans le texte initial, en première lecture, figurait, pour toutes les entreprises, un plafonnement de la valeur ajoutée à 80 % du chiffre d'affaires. En effet, il y a des entreprises dont la valeur ajoutée est énorme par rapport à leur chiffre d'affaires – les entreprises d'intérim par exemple. Nous avions convaincu le Gouvernement, en première lecture, qu'il ne fallait pas modifier le régime pour les entreprises qui font plus de 7,6 millions d'euros de chiffres d'affaires, car il n'y a pas actuellement de plafonnement de la valeur ajoutée dans le cadre de la contribution minimale que paient les entreprises dépassant ce seuil.
Le Gouvernement, au Sénat, a fait observer que le découplage que nous avions obtenu, à force de persuasion, en juillet dernier, risquait de créer un différentiel.
L'amendement que nous avions déposé à l'Assemblée allait dans le sens des préoccupations du Gouvernement. Il rendait en effet la réforme moins coûteuse pour l'État – il s'en fallait d'une bonne centaine de millions d'euros. Vous nous proposez maintenant un plafonnement à 85 %, ce qui, il faut le savoir, rapportera un peu moins au budget de l'État. Cela signifie que l'effet sera atténué pour les entreprises qui auraient dû payer plus, ou qui auraient bénéficié d'une baisse un peu plus importante. Je suis favorable à cet amendement qui est, comme l'a dit M. le ministre, un compromis. Le Sénat avait supprimé le dispositif voté par notre Assemblée, la CMP l'a maintenu. Le Gouvernement nous propose un point d'équilibre.
L'amendement n° 43 traite des « établissements exceptionnels ». Le dispositif nous avait été proposé par M. Michel Bouvard, qui songeait aux barrages. Il nous a été fait observer qu'un risque juridique existait, puisque l'article 34 de la Constitution dispose que la loi fixe le taux et l'assiette de l'impôt. J'espère que notre collègue Bouvard sera d'accord avec la nouvelle rédaction.
Les amendements nos 15 et 17 sont rédactionnels.
L'amendement n° 8 mérite que l'on s'y arrête un instant. Il tend à alourdir l'amende que paieront les entreprises qui ne déclareraient pas chaque année la répartition de leurs effectifs. La valeur ajoutée s'entend au niveau global. Or il peut arriver qu'une entreprise ait plusieurs établissements, localisés dans plusieurs communes, départements ou régions. Il faut pouvoir répartir la valeur ajoutée le plus équitablement possible entre ces établissements ; pour ce faire, il nous a paru plus approprié de prendre en compte les effectifs et non la masse salariale.
Prenons l'exemple d'une banque comme la Société générale ou autre. Si, pour répartir sa valeur ajoutée, vous considérez la masse salariale, vous avantagerez la commune où sont implantés les services centraux ou les salles de marché : un trader est davantage payé qu'un employé de banque dans une petite ville de province. Il paraît donc plus opportun de prendre en considération les effectifs ; sur ce point, la convergence entre le Sénat et l'Assemblée nationale a été totale.
Encore faut-il que ces effectifs soient correctement déclarés : c'est la seule contrainte déclarative supplémentaire pour les entreprise – au demeurant, elles sont déjà tenues de remplir chaque année ce que l'on appelle la DADS, au titre de la sécurité sociale. Le problème ne se pose évidemment pas pour les entreprises mono établissement.
L'amendement n° 24 a trait aux éoliennes : il nous est proposé de fixer le tarif de la composante forfaitaire sur entreprises de réseaux à 2,9 euros par kilowatt, celui-là même qu'avait retenu à l'Assemblée.
L'amendement n° 25 est rédactionnel.
L'amendement n° 29 est un amendement important.
L'Assemblée nationale, monsieur Cahuzac, avait voté un taux zéro. Le Sénat a obtenu 1 %. En commission mixte paritaire, un progrès supplémentaire a été réalisé puisque le calcul de la compensation relais devait prendre en un compte le taux 2009 dans la limite du taux 2008 majoré de 1,2 %. Le Gouvernement demande de revenir à 1 %. L'enjeu est de 40 ou 50 millions d'euros. Cette proposition est toujours plus avantageuse que celle que nous avions votée en première lecture à l'Assemblée.
Je passe sur l'amendement n° 30 , qui porte sur un problème d'ajustement pour les communes et EPCI, de même que sur les amendement nos 18 et 16 et 19 à 23 , purement rédactionnels. Les amendement nos 34 et 37 sont de simplification ou de coordination.
L'amendement n° 31 tire les conséquences des derniers ajustements introduits en commission mixte paritaire et des propositions qui nous sont faites, dans les répartitions de TSCA entre les départements. C'est en fait un amendement de coordination.
L'amendement n° 38 traite de la TASCOM, l'ancienne TACA. Le Sénat l'avait remontée au niveau de l'État, à la suite de l'adoption d'un excellent amendement qui a retenu un taux de valeur ajoutée de 1,5 % pour toutes les entreprises au-dessus de 152 000 euros de chiffre d'affaires : l'assiette fiscale devenant suffisante, il n'était dès lors plus besoin de faire descendre des impôts du budget de l'État vers les collectivités locales.
Toutefois, eu égard à l'autonomie financière, à laquelle nous sommes très attachés, il a été décidé en CMP de faire redescendre la TASCOM du budget de l'État sur le bloc communes-intercommunalités, ce qui en renforce l'autonomie fiscale. Il s'agit à présent de modifier légèrement les modalités de paiement de la TASCOM pour la période de transition.
Les amendements nos 10 , 11 , 12 et 13 sont de coordination et de précision.
L'amendement n° 27 réintroduit le fameux ticket modérateur – mais avec modération. (Sourires.) L'Assemblée l'avait maintenu le ticket modérateur sous une forme atténuée, en laissant la possibilité de voter une fois une augmentation de taux sans être pénalisé. Nous avons toujours estimé que le ticket modérateur avait une certaine légitimité, et le Gouvernement, y compris au cours des travaux conduits au sein du groupe de travail, s'y est constamment déclaré attaché.
Néanmoins, nous avons toujours considéré que ce ticket modérateur devait rester « comestible », autrement dit acceptable. À cet égard, l'amendement n° 27 nous donne satisfaction : nous refusions notamment qu'une commune soit pénalisée par un ticket modérateur découlant d'une l'augmentation de taux décidée par une autre collectivité territoriale. Il convenait donc de neutraliser toute augmentation dont l'origine serait extérieure aux décisions de la collectivité concernée.
Les amendements nos 35 , 33 et 26 sont de coordination.
Les deux amendements nos 32 rectifié et 36 sont particulièrement importants. Il nous est demandé de revenir à la proposition que nous avons faite ici en première lecture concernant le dispositif de péréquation.
À partir du moment où l'on territorialisait l'impôt, il fallait accepter, nous semblait-il, l'idée qu'il puisse y avoir des disparités entre les territoires, dans la mesure où l'impôt des entreprises est réparti en fonction de la densité d'entreprises : c'est le principe de l'autonomie financière. Toutefois, aux termes de la Constitution, l'autonomie financière appelle des correctifs : c'est ce que l'on appelle la péréquation. Nous avons donc créé en octobre deux fonds de péréquation, l'un pour les régions et l'autre pour les départements, étant entendu que la péréquation au niveau communal continue de passer par les fonds de péréquation départementaux et les EPCI.
Le Gouvernement nous propose de revenir à la proposition de l'Assemblée, que nous avions, à l'issue de la commission mixte paritaire, prévu de reprendre en considération dans le cadre de la clause de revoyure, en juin prochain. Malgré les difficultés de rédaction, nous avons mis à profit ces derniers jours pour parvenir à un bon texte. Je suis pour ma part tout à fait favorable à l'intégration dès à présent de ces deux dispositifs de péréquation.
Ainsi, pour les régions, on commence par mesurer l'évolution de la valeur ajoutée au plan national à une année donnée, en prenant pour base l'année 2010. On obtient un taux d'évolution moyen, que l'on décline ensuite par région. Si, dans une région, le taux est supérieur à l'évolution moyenne nationale, et si le potentiel fiscal de la région en question est supérieur à la moyenne de l'ensemble, on opèrera un prélèvement de 50 % au bénéfice du fond de péréquation. Autrement dit, ce dispositif ne s'appliquera qu'aux seules régions ayant dont le potentiel fiscal est plus élevé que la moyenne.
Prenons le cas d'une région comme la Corse, par exemple : ce n'est pas la plus riche, même si ce n'est pas non plus la plus pauvre. Imaginons que, telle année, des entreprises viennent s'y installer en très grand nombre et qu'elle voie fortement progresser sa valeur ajoutée. Elle pourrait être obligée de payer : dans le dispositif proposé, elle ne paiera pas puisque son potentiel fiscal est inférieur à la moyenne. Il en ira de même pour les départements. Le dispositif est donc bien équilibré.
L'amendement n° 36 mérite également quelques explications. Nos collègues sénateurs sont à juste titre très soucieux des caractéristiques ou de la structure des dépenses des départements. Nous savons tous en effet que le budget des départements présente une vulnérabilité qui tient aux dépenses sociales, en particulier aux dépenses liées au vieillissement de la population, par le biais de l'APA, et à celles liées à l'exclusion, par le biais de l'ensemble RMI-RSA. L'idée des sénateurs était de faire fonctionner la part de cotisations à la valeur ajoutée des départements un peu comme une dotation, comme la DGF, répartie selon des critères définis ex ante. Nous estimons quant à nous qu'il vaut mieux conserver l'essence de l'impôt, sa territorialisation, au nom de l'autonomie financière, quitte à y apporter une correction par la péréquation.
Le dispositif proposé par le Gouvernement consiste à conserver cette territorialisation, mais en redescendant un quart du produit ainsi réalisé selon les critères retenus par le Sénat dans son dispositif dit « macro » – pour les départements, la population, les kilomètres de voirie et le nombre de personnes bénéficiaires des minima sociaux, et, pour les régions, la population, le nombre d'élèves…
…et la superficie. Je pense que avons là un bon équilibre.
Je crois avoir évoqué l'ensemble des amendements concernant la taxe professionnelle. Ils sont tous liés les uns aux autres, et je suggère donc, comme le ministre, que nous émettions un vote – positif, évidemment – sur l'ensemble de ces amendements.
Sur la forme, j'ignore s'il faut émettre un vote sur l'ensemble de ces amendements ; au demeurant, le règlement de notre assemblée laisse toute latitude au ministre pour en décider. Au demeurant, cela ne changerait pas grand-chose car, à l'exception peut-être du rapporteur et du président de la commission des finances, c'est seulement maintenant que nous prenons connaissance de ces amendements. Certains nous sont présentés comme rédactionnels, j'en donne volontiers acte au rapporteur et au ministre ; d'autres ont évidemment une importance tout autre. Si nous voulions vraiment voter en toute connaissance de cause, il faudrait pratiquement, sur chacun des dix amendements vraiment importants, que l'un ou l'autre des responsables des groupes demande une suspension de séance afin de les examiner. Mais s'il n'est pas d'usage d'amender à ce point le texte issu d'une commission mixte paritaire, il n'est pas non plus d'usage de faire durer le plaisir éternellement. Il y a des délais constitutionnels et il n'a jamais été dans les intentions de l'opposition de mettre le Gouvernement hors délais : que l'on approuve ou pas ce projet de budget, la France a évidemment besoin d'un budget.
Cela étant, en raison même de ce que je viens de dire, on comprendra qu'il soit impossible aux députés de l'opposition d'émettre en toute connaissance de cause un vote sur ces amendements – nous voterons probablement contre –, et qu'il ne le soit pas davantage possible pour nos collègues de la majorité – qui voteront évidemment pour. Autrement dit, tous les députés présents sur ces bancs s'apprêtent à émettre un vote sur ces amendements sans avoir eu le temps de les examiner un par un.
Ce débat montre les limites de l'exercice et remet à sa juste valeur la notion d'hyper-Parlement que certains tentent de faire prospérer et dont la pratique quotidienne démontre le contenu totalement vain et prétentieux.
J'en viens au contenu des amendements.
Établir un plafonnement de l'assiette à 80 % ou 85 % de la valeur ajoutée selon qu'il s'agit de PME ou d'autres entreprises revient à remplacer le critère du chiffre d'affaires – que nous défendions – par un critère basé sur les effectifs. Je ne suis pas sûr que les collectivités y gagnent vraiment, malgré ce que nous a dit le rapporteur. Mais je veux bien le croire : autant je connais sa loyauté à l'égard du Gouvernement, autant je lui donne acte de sa sincérité quand il s'exprime devant nous. Si représente un coût supplémentaire pour l'État, cela signifie a priori une ressource plus importante pour les collectivités.
Pour ce qui est de la majoration de 1 % de la compensation relais en 2010, il faut savoir quel est le critère. Si c'est ce qu'ont souhaité les députés, en ce cas l'amendement ne convient pas ; si c'est ce que propose la CMP, passer de 1,2 % à 1 % est une mesquinerie, pour reprendre le terme du président de la commission des finances. La volonté gouvernementale ne peut être jugée autrement que mesquine. À moins qu'il s'agisse, mais alors c'est encore plus grave, de montrer au Parlement et notamment à l'Assemblée nationale que tout ce qui est demandé à la majorité, c'est de voter – après avoir protesté le cas échéant – et que le ministre et ses collaborateurs décident du reste. Ce problème relève plus de la majorité que de l'opposition, quelles qu'elles soient, mais je maintiens que cet amendement est inutile parce qu'inélégant et mesquin.
En ce qui concerne le fonds de péréquation, il avait été décidé en commission mixte paritaire que le texte final mettrait en oeuvre la territorialisation, mais que l'on travaillerait sur le dispositif pour décider en connaissance de cause lors de la désormais célèbre clause de rendez-vous, le 1er juin 2010. Nous aurions eu le temps, mes chers collègues, de travailler ensemble sur ce sujet, tous groupes et toutes assemblées confondus. Le Gouvernement ne l'accepte pas et je le regrette. Cela renforce l'impression donnée par les amendements que je viens d'évoquer : le pouvoir exécutif actuel se méfie davantage du Parlement qu'il ne souhaite travailler utilement avec lui. Ce n'est pas une méthode originale, d'autres gouvernements ont déjà eu une telle attitude. Il est rare que cela se termine heureusement, sinon pour la majorité qui l'accepte, en tout cas pour le pays.
En outre, je constate que s'il est question de la péréquation des régions et des départements, les communes et les intercommunalités sont ignorées.
La clause de rendez-vous devra donc, de toute façon, traiter de la péréquation. Je ne comprends pas pourquoi le Gouvernement a une telle attitude à l'égard du Parlement : il lui impose une mutualisation dont nous estimions qu'elle nécessitait quelques mois supplémentaires de travail, tout en n'allant pas jusqu'au bout du chemin puisque communes et intercommunalités n'ont pas été comprises dans cette nouvelle action de mutualisation. J'y vois une vexation que je juge totalement inutile à l'égard du Parlement – à tout le moins, ce n'est pas un gage de cohérence.
Par ailleurs, même si le rapporteur a voulu s'exprimer surtout sur les amendements relatifs à la taxe professionnelle, je tiens à souligner l'importance de l'amendement n° 41 à l'article 43 bis.
J'ignore si le pouvoir exécutif choisira ou non la procédure du vote bloqué mais, quoi qu'il en soit, nous savons tous que nous allons voter sans avoir eu le temps d'examiner au fond les amendements. Nous devons nous contenter de ce que disent le ministre et le rapporteur. C'est probablement satisfaisant pour certains, mais évidemment insatisfaisant en réalité. Voilà un exemple de plus, je le répète, que l'hyper-Parlement du président Copé est une chimère.
Je constate, comme mon collègueJérôme Cahuzac, qu'il n'est pas question de péréquation pour le bloc communal alors que tout le monde reconnaît qu'il y a des différences notoires entre les ressources des différentes communes. Quant au système de péréquation retenu pour les régions et les départements, il maintient les inégalités puisque l'on ne touche en rien à l'existant : c'est simplement le supplément de valeur ajoutée qui abondera les fonds de péréquation. Cette stabilisation des situations acquises n'est pas de bon aloi pour le bloc communal. J'espère que nous pourrons mener, avant le rendez-vous prévu par la clause de revoyure, un véritable travail sur les effets péréquateurs des dotations de l'État et du transfert des ressources.
Le groupe UMP apporte son soutien à l'ensemble des amendements du Gouvernement et aux positions du rapporteur. Toutefois, je souhaite apporter quelques éléments supplémentaires parce que je ne voudrais pas que l'on puisse croire que le Gouvernement ne s'inscrit pas dans le prolongement du travail effectué par la commission mixte paritaire.
La territorialisation a fait l'objet d'un débat très important en CMP. Il a duré plusieurs heures et s'est conclu par un vote massif en faveur de sa préservation. Mais le choix présenté était entre tout ou rien. Et entre les deux, les parlementaires ont légitimement rappelé que les acteurs de la dynamique du développement économique s'inscrivaient avant tout dans une logique territoriale, et qu'une nationalisation de la ressource destinée aux départements et aux régions serait donc une mauvaise idée.
Prenons l'exemple de la plate-forme aéroportuaire de Paris Charles-de-Gaulle, située à l'intersection des départements de Seine-et-Marne, de Seine-Saint-Denis et du Val-d'Oise. Voilà un endroit qui, apparemment, n'aurait pas besoin d'une aide territoriale pour pouvoir croître. Certes, Aéroport de Paris, qui gère l'ensemble de cette plate-forme, a su développer les pistes mais également l'ensemble des activités économiques connexes.
Monsieur Cahuzac, les problèmes de déneigement sont communs à tous les aéroports soumis à ce risque climatique : il est tout aussi difficile de décoller aujourd'hui de Washington que de décoller de Paris.
Mais revenons au sujet. Le développement économique aux abords de la plate-forme aéroportuaire supposait de créer des axes routiers importants, un réseau de transport en commun pour pouvoir acheminer les employés, en bref des infrastructures. Ce qui a été fait, et qui a donné lieu à un développement économique et hôtelier sans précédent. Et sans l'action conjointe des conseils généraux de Seine-Saint-Denis et du Val-d'Oise pour développer cette plate-forme, jamais il n'y aurait eu 150 000 emplois localisés à cet endroit. S'il n'y avait pas eu aussi une envie d'investir, jamais la ressource fiscale n'aurait pu générer des investissements supplémentaires et jamais nous n'aurions pu développer cette plate-forme de façon aussi remarquable. Or le Val d'Oise est un département plutôt richement doté, avec beaucoup d'industries et beaucoup de facteurs de développement : si la territorialisation n'existait pas, je doute que les choix d'investissement aient joué en faveur d'une telle dynamique économique –il y a tant de choses à faire et si peu d'argent pour y parvenir ! La territorialisation constitue donc un élément décisif de développement.
Cela étant, qu'il y ait un élément de péréquation national pour établir une justice et une équité entre les territoires richement dotés – de par leur position géographique bien souvent – et les territoires moins favorisés, cela nous semble parfaitement légitime, pour peu que la partie majeure de la ressource reste territorialisée. Tel est bien l'objet des amendements présentés par le Gouvernement. C'est la raison pour laquelle nous pouvons dire que celui-ci s'inscrit dans une démarche de continuité par rapport aux travaux de la CMP. Le groupe UMP votera donc majoritairement et unanimement en faveur du dispositif proposé.
Je reconnais avoir commis un lapsus : je voulais dire que si l'Assemblée allait voter majoritairement, le vote du groupe UMP sera quant à lui, unanime. Le voilà rectifié !
Quant au plafonnement de l'assiette à 85 % de la valeur ajoutée, il renvoie eu problème des agences d'intérim.
C'est une question importante. Jérôme Cahuzac a dit qu'en taxant la valeur ajoutée, on taxait essentiellement l'emploi, mais ce n'est pas vrai : on taxe d'abord la marge de l'entreprise.
Certes, l'emploi est un élément constitutif de la marge, mais ce n'est pas le seul. La masse salariale représente l'essentiel de l'activité des agences d'intérim, à ceci près qu'elle est mise à disposition. Le fait qu'elle entre dans le calcul de la valeur ajoutée pose un problème et le plafonnement s'impose. Reste à préciser le bon niveau de plafonnement. À cet égard, la clause de revoyure est tout à fait utile : elle nous permettra d'examiner la situation et d'ajuster la mesure de sorte qu'aucun secteur d'activité ne soit lésé, tout en garantissant la justice fiscale.
M. Cahuzac a parlé de mesquinerie à propos de la majoration de 1 % de la compensation relais. Le terme est à tout le moins inapproprié : nous avions voté un taux de 0,2 %, le Sénat avait opté pour 1 % et que la CMP a finalement choisi 1,2 %. Le Gouvernement propose de revenir à 1 %, largement supérieur à celui que nous avions voté. On ne peut parler de mesquinerie. Certains ne manqueront pas de dire qu'à l'échelle du budget et malheureusement du déficit budgétaire, 40 millions ou 50 millions d'euros, c'est l'épaisseur du trait : mais c'est déjà énormément d'argent, énormément de ressources. Il est bon de ne pas solliciter supplémentairement le déficit. Le taux proposé représente tout de même cinq fois ce que nous avions voté.
Voilà pourquoi, sur cette disposition comme sur les autres, le groupe UMP soutiendra unanimement l'ensemble des amendements présentés par le Gouvernement pour ce qui touche à la taxe professionnelle. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
À la demande du Gouvernement et en application de l'article 44, alinéa 3, de la Constitution, je mets aux voix par un seul vote les amendements nos 6 à 38 et l'amendement n° 43 .
(Les amendements nos 7 , 28 , 14 , 6 , 43 , 15 , 17 , 8 , 24 , 25 , 29 , 30 , 18 , 16 ,19 , 20 , 21 , 22 , 23 , 34 , 37 , 31 , 38 , 10 , 11 , 12 , 13 , 27 , 35 , 33 , 26 , 3 , 36 et 9 sont adoptés.)
Sur l'article 5, précédemment réservé, je suis saisie d'un amendement n° 1 .
La parole est à M. le ministre du budget.
Cet amendement tend à lever le gage.
Monsieur Cahuzac, vous vous souvenez qu'en commission mixte paritaire nous avons eu un long débat sur le cabotage maritime. Il a été décidé d'aligner le cabotage maritime sur le régime du transport fluvial ou routier, à savoir de lui accorder un abattement de 35 % sur la taxe carbone.
Le trafic maritime, au-delà de 24 milles nautiques, passe dans des eaux internationales – c'est le cas pour aller en Corse, par exemple. Comme le transport aérien, ce trafic maritime se voit appliquer le régime international d'exonération.
S'est posée la question de la desserte des îles plus proches du continent que la Corse, type Belle-Île ou autres, et du cabotage qui peut permettre de faire du transport de voitures par mer de Bayonne à Saint-Nazaire, par exemple.
Il nous a semblé tout à fait légitime de ne pas pénaliser ce type de transport et de le traiter comme le transport par la route ou sur les canaux.
C'est pourquoi il faut lever le gage concernant l'abattement de 35 %, ce que le Gouvernement accepte de faire.
(L'amendement n° 1 est adopté.)
Nous en venons à l'article 12 ter, précédemment réservé.
La parole est à M. le ministre du budget, pour présenter l'amendement n° 2 .
Cet amendement tend lui aussi à lever le gage, à propos de la question de la fluidification des transmissions d'entreprises.
(L'amendement n° 2 , accepté par la commission, est adopté.)
Sur l'article 13 quinquies, précédemment réservé, je suis saisie d'un amendement n° 3 .
La parole est à M. le ministre du budget.
Il s'agit d'un amendement rédactionnel sur le fonds de compensation de la TVA.
(L'amendement n° 3 , accepté par la commission, est adopté.)
Je suis saisie d'un amendement n° 4 à l'article 23A, précédemment réservé.
La parole est à M. le ministre du budget.
Il s'agit encore d'une levée de gage.
Sur l'article 34 et l'état A annexé, précédemment réservés, le Gouvernement a présenté un amendement n° 40 .
La parole est à M. le ministre du budget.
Cet amendement a pour objet de traduire dans le tableau relatif à l'équilibre du budget de l'État et dans l'état A annexé, l'ensemble des incidences sur l'équilibre budgétaire des mesures prises en commission mixte paritaire, des amendements adoptés au cours de la nouvelle lecture du présent projet de loi de finances et de deux corrections techniques.
S'agissant de la taxe professionnelle, les travaux de la CMP ont conduit à augmenter les recettes de l'État de 164 millions d'euros. Cette hausse est due notamment au rétablissement des frais d'assiette et de recouvrement sur la cotisation sur la valeur ajoutée.
À l'inverse, le produit de la cotisation sur la valeur ajoutée est minoré de 18 millions d'euros, sous l'effet de la modification du mécanisme de plafonnement de la valeur ajoutée en proportion du chiffre d'affaires, et de l'impact des autres modifications opérées sur le plafonnement en fonction de la valeur ajoutée.
S'agissant de la contribution carbone, la baisse de l'exonération de 100 % à 35 % de contribution carbone des transports maritimes effectués exclusivement dans les eaux territoriales françaises conduit à un gain de recettes de 21 millions d'euros.
Enfin, cet amendement apporte quelques clarifications rédactionnelles à l'état A que nous n'avions pas apportées jusqu'à présent. Une nouvelle ligne de recettes est créée au sein du compte d'affectation spéciale « Gestion et valorisation des ressources tirées de l'utilisation du spectre hertzien ».
La ligne n° 1421 de l'état A – « Cotisation nationale de péréquation de taxe professionnelle. Cotisation nationale de péréquation sur la cotisation locale d'activité » est supprimée à partir de 2010, car elle a été transformée en deux transferts directs aux collectivités locales.
Au total, à l'issue de cette deuxième lecture et après ces mesures de reclassification ou de prise en compte, les recettes de l'État augmentent de 185 millions d'euros. Le solde négatif, c'est-à-dire le déficit, diminue de 185 millions d'euros et passe ainsi à 117,4 milliards d'euros.
Je vous rappelle que le Sénat avait augmenté ce solde par rapport à celui qui avait été adopté par l'Assemblée nationale. Le tableau de financement est ajusté en conséquence.
La commission est favorable à tous ces ajustements.
En ce qui concerne le gage précédent, je voudrais préciser qu'il s'agit de l'abattement de deux euros sur le droit sur les passeports, lorsque le demandeur apporte sa photo. Le droit passerait ainsi de 88 à 86 euros.
C'est une vieille histoire qui avait émergé lors de l'examen de la loi de finances rectificative pour 2008, il y a exactement un an.
Le Parlement est utile, nous le démontrons avec cette mesure sur les passeports : nous ne travaillons donc pas toujours pour rien…
Cela étant, je voudrais faire deux remarques supplémentaires. La première en réponse à l'intervention de mon collègue Jérôme Chartier sur la valeur ajoutée. Il va de soi que la masse salariale n'est pas la seule composante de la valeur ajoutée, mais elle en est la composante majoritaire, puisqu'elle en représente de 55 à 60 %...
Sur une base nationale de 100 de valeur ajoutée, la masse salariale représente 55 à 60. Je maintiens donc que passer d'une taxation des investissements à une taxation sur la valeur ajoutée revient à passer d'une taxation des investissements à une taxation au moins en partie de l'emploi.
Deuxième remarque : par rapport au texte voté en première lecture, le déficit budgétaire s'alourdit donc d'un peu moins de deux milliards d'euros. Là n'est pas l'élément le plus grave : nous savons qu'en début d'année prochaine ce déficit budgétaire s'aggravera de 35 milliards d'euros dont 22 milliards de grand emprunt.
J'en profite pour poser une question au ministre qui me répondra probablement lors d'une prise de parole ultérieure : les 13 milliards d'euros remboursés par les banques et utilisés à cet effet passent donc d'un déficit « non-maastrichtien » à un déficit « maastrichtien ». Autrement dit, notre déficit budgétaire passera l'an prochain de 117 milliards d'euros – si la majorité vote l'état ainsi présenté – à 152 milliards d'euros si, comme nous le pensons, le grand emprunt – 25 milliards plus 13 milliards – devient du déficit « maastrichtien ».
Bien sûr, Jérôme Cahuzac, la valeur ajoutée est constituée de 60 % de masse salariale, mais il ne faut pas tout globaliser car la réalité de l'entreprise est parfois de nature bien différente.
Par conséquent, si 60 % c'est important, cela ne reste qu'un peu plus de la moitié, donc pas la totalité. Encore une fois, la réalité des entreprises varie selon des territoires et les secteurs d'activité.
Deuxième remarque : Didier Migaud et Jérôme Cahuzac s'étonnent – j'ai même entendu le mot « incongru » – que nous débattions d'une loi de finances alors même que le grand emprunt va être discuté au début du mois de janvier.
Je voudrais rappeler deux chiffres : le grand emprunt est de 35 milliards d'euros alors que cette loi de finances porte sur 380 milliards d'euros. Dans une loi de finances rectificative, nous allons débattre très normalement de moins de 10 % du budget national. Voilà une loi de finances rectificative tout à fait logique… Il n'y a rien de surprenant à renvoyer le débat du grand emprunt à un collectif. La démarche me semble d'autant plus parfaitement légitime qu'il s'agit de deux sujets différents. Le Président de la République a voulu sacraliser le grand emprunt…
C'est une sacrée dette, en effet ! Trente-cinq milliards d'euros, ce n'est plus rien !
…car il s'agit d'investissements pour l'avenir. C'est très bien qu'il fasse l'objet d'une loi de finances spécifique, même s'il s'agit d'un collectif budgétaire.
Quant au fait d'en discuter dès le mois de janvier, je fera remarquer à Jérôme Cahuzac que c'est devenu une habitude d'avoir une loi de finances rectificative dès le début de l'année.
(L'amendement n° 40 est adopté.)
Nous en venons à l'examen de l'article 43 bis.
La parole est à M. le ministre du budget, pour défendre l'amendement n° 41 .
Le Sénat a adopté un amendement abaissant le plafonnement global des niches fiscales à 20 000 euros plus 8 % du revenu.
Afin de ne pas pénaliser les décisions d'investissement engagées avant l'adoption de cette mesure par les contribuables concernés par ce durcissement, des dispositions d'entrée en vigueur spécifiques sont prévues pour certains investissements locatifs et ultramarins, sur le modèle des mesures prises lors de l'adoption du plafonnement global.
Pour ces raisons, je vous demande, mesdames et messieurs les députés, de bien vouloir adopter cet amendement qui concerne les nouveaux investissements.
La commission est favorable à cet amendement.
Petit rappel : c'est notre majorité qui, l'an dernier, a introduit le plafonnement des niches fiscales…
C'est un point extrêmement important, monsieur le président Migaud : je vous rappelle que personne ne l'avait fait auparavant.
Nous sommes les premiers à avoir plafonné globalement les niches fiscales.
Nous l'avons fait en tenant compte des plafonds particuliers, notamment outre-mer. Nous avions adopté un plafond global à 25 000 euros plus 10 % du revenu imposable du contribuable.
Il est vrai que certains amendements, qui n'émanaient pas seulement de l'opposition, ont été présentés à l'Assemblée dans le but de durcir le dispositif. J'ai répondu à leurs auteurs qu'il me paraissait plus sage d'attendre l'évaluation du niveau du plafond global fixé l'an dernier avant de le modifier dès cette année, sachant que cet instrument dont nous nous sommes dotés est tout de même très efficace pour réguler la dépense fiscale.
Nos collègues sénateurs ont souhaité durcir le dispositif dès cette année, abaissant le plafond à 20 000 euros plus 8 % du revenu imposable.
En commission mixte paritaire, nous avons accepté la proposition du Sénat à une condition : qu'il y ait des mesures de transition. Nous devons rester fermes sur le principe de la non-rétroactivité.
Je suis donc favorable à cet amendement qui propose des mesures de transition.
Notre rapporteur général a raison d'indiquer que ce plafonnement a été adopté par cette majorité. Quand il est en séance, il indique que c'est à l'initiative de la majorité ; quand nous sommes en commission, il ne manque jamais de rendre hommage à l'opposition...
La vérité commanderait de rappeler que nous y avons tous contribué, ne serait-ce que sur le plan technique et en commission – ce n'était tout de même pas une mince affaire, monsieur le rapporteur général… Puisque vous avez la loyauté et la sincérité d'indiquer ce que fut la contribution de l'opposition quand nous sommes en commission, j'aimerais que vous teniez le même discours quand nous sommes en séance. Je comprends que le ministre ne soit pas tenu par cette obligation, notamment lors des séances de questions au Gouvernement ; mais vous, monsieur le rapporteur général, dites quand même ce qu'il en fut.
Deuxième remarque : il est finalement normal que ce soit cette majorité qui ait accepté ce plafonnement dans la mesure où c'est elle qui a augmenté la dépense fiscale de pratiquement 50 % depuis 2002, la faisant passer de 50 à 75 milliards d'euros environ, via les niches… Le plafonnement devenait vraiment urgent !
Je vous remercie, monsieur le rapporteur général, de bien vouloir tenir compte de ces remarques dans vos interventions ultérieures.
Le groupe UMP est tout à fait favorable à cet amendement du Gouvernement. Dans la situation actuelle de crise, même si nous sommes en train d'en sortir, il est impératif de ne pas donner un mauvais signal à l'investissement privé qui complète l'investissement public massif.
Toucher aux dispositifs, tel que c'était prévu avant l'amendement gouvernemental, aurait été préjudiciable à cet investissement privé.
(L'amendement n° 41 est adopté.)
Sur l'article 45 ter, je suis saisie d'un amendement n° 42 .
La parole est à M. le ministre du budget.
Cet article porte sur les résidences de tourisme, autrement dit le dispositif dit « Demessine ».
Le Gouvernement propose de le supprimer car il ferait double emploi avec les dispositions applicables aux investisseurs qui acquièrent des logements destinés à être loués meublés, adoptées en loi de finances pour 2009.
C'est ainsi que je résumerai l'objet de cet amendement, sans reprendre les débats techniques que nous avons déjà eus en séance. À terme, le dispositif applicable aux résidences de tourisme doit impérativement être revu.
Hier soir, fort tard, j'étais au Sénat où de nouveaux amendements tendent à modifier ce dispositif ; il y en a eu à l'Assemblée cette année et l'année dernière. Chaque année, des amendements tentent de retricoter ce dispositif en soulevant tel ou tel aspect : le type de gestion, les délais, les problèmes de faillite et de remplacement des gestionnaires, la situation des autres résidences, les zones rurales, etc.
Il devient urgent de clarifier le dispositif, de le consolider là où c'est nécessaire et d'en finir avec ce débat qui n'a pas de sens. Cela suppose de nous tous un travail collectif ; tel est l'autre message que je tenais à délivrer.
Je suis défavorable à cet amendement de suppression. Un travail collectif a été effectué, notamment avec Henri Nayrou et Michel Bouvard. Vous dites, monsieur le ministre, que l'on ne cessera de revenir sur le dispositif ; mais je crois que ce n'est pas exact. La reprise de l'avantage fiscal que, compte tenu des problèmes de gestion, nous avons prévue me semble en effet adaptée : l'article traite des constructions nouvelles, de la réhabilitation et des travaux ; un point d'équilibre a été trouvé. Mais je préfère laisser la parole à Michel Bouvard, qui est l'auteur du dispositif proposé.
Le Gouvernement considère que le dispositif, qui reste en effet incertain quant à son interprétation, pourrait faire l'objet d'un rescrit ; c'est en tout cas ce que l'on m'a proposé. Cependant, des discussions étant en cours entre des associations de propriétaires et de nouveaux gestionnaires, des questions de délais se posent : il faut une réponse immédiate, précise et sécurisante pour les intéressés ; c'est précisément ce que la loi nous permet de faire, puisque celle-ci entrera en vigueur sitôt que le Conseil constitutionnel aura statué.
S'agissant des dispositifs de défiscalisation applicables aux résidences de tourisme, sans rouvrir le débat à cette heure, un équilibre a été trouvé. Certes, quelques défaillances demeurent , liées à la crise et à des opérateurs peu scrupuleux ou peu performants, mais l'essentiel était d'encadrer le système. Nous l'avons fait dans le projet de loi relatif au tourisme pour ce qui concerne l'analyse et la validation des projets ; je regrette à cet égard que nos amendements obligeant à la présentation des projets devant les conseils municipaux n'aient pas été retenus, à l'époque, par le Gouvernement : loin d'alourdir le travail desdits conseils, cette mesure aurait éclairé les maires avant la signature des permis de construire pour ce type d'équipements.
Les dispositions fiscales ont été également clarifiées, non seulement pour résoudre les défaillances, mais aussi pour mieux encadrer les nouveaux projets et éviter certaines dérives, y compris en termes de publicité et d'information de ceux qui souhaitent investir dans les produits défiscalisés.
Certains intermédiaires ne délivrent pas toutes les informations sur les risques inhérents à ce type d'opérations.
Bref, le dispositif a été complété, et il me semble plutôt équilibré : nous ne gagnerions rien, me semble-t-il, à le réécrire intégralement. Je suis d'accord pour qu'il soit expertisé en profondeur, mais n'oublions pas qu'il a permis de développer les capacités d'hébergement grâce auxquelles notre pays est devenu la première destination touristique mondiale. Bref, autant j'approuve l'expertise, autant la réécriture du dispositif au moment où nous l'avons stabilisé me semble plutôt risquée.
Je ne veux pas rouvrir, à cette heure, le débat sur l'avantage fiscal lié aux résidences de tourisme, et d'autant moins que nous avons, ensemble, fait beaucoup de progrès ce matin. Je retire donc cet amendement technique, et je lève le gage prévu dans l'article : c'est Noël ! (Sourires et applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Dans les explications de vote sur l'ensemble du texte de la commission mixte paritaire tel qu'il a été amendé, la parole est à M. Jérôme Cahuzac, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.
Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous ne voterons pas le texte tel qu'il ressort de l'examen par notre assemblée. Si nous pouvions en effet comprendre certains objectifs de la réforme de la taxe professionnelle – éviter la délocalisation de secteurs entiers de notre industrie –, nous persistons à penser qu'elle se réalise dans des conditions qui ne sont pas satisfaisantes au regard de l'état des finances publiques, des besoins des collectivités et de ceux des entreprises concernées.
Pour ce qui est des finances publiques, cette réforme est entièrement financée par un endettement supplémentaire de 10 à 12 milliards d'euros l'an prochain, puis d'environ 5 milliards par an en vitesse de croisière ; au surplus, aucune recette n'est prévue en contrepartie, ni d'économies de dépenses de fonctionnement, que les récentes annonces aggraveront encore.
La réforme n'est pas non plus satisfaisante pour les collectivités, dont le financement perd la lisibilité qu'il avait acquise au cours des dernières années. Conséquence : les collectivités locales seront moins enthousiastes – et le mot est faible – pour investir dans les années à venir, alors que l'investissement sera plus que jamais nécessaire pour permettre à notre pays de sortir de la crise.
Enfin, si l'industrie a évidemment besoin de cet allégement de charges sur les investissements, nous maintenons que les secteurs de la banque, de la finance, de l'assurance et de la distribution, grande ou moyenne, n'en avaient aucunement besoin pour continuer à prospérer sans menacer de délocaliser leurs centres de décision.
Cette réforme est également critiquable en ce qu'elle déséquilibre notre fiscalité. Je l'ai déjà dit : si le critère pour supprimer un impôt était son imbécillité, il faudrait supprimer tous les impôts… En vérité, c'est l'équilibre de ces derniers au regard de leurs assiettes respectives qui décide de la justesse et de la performance du système, et de la compétitivité fiscale de notre pays. Or, en taxant, non pas uniquement, mais majoritairement l'emploi via la valeur ajoutée, la présente réforme risque de compromettre, sinon la reprise, en tout cas la croissance de la consommation, composante essentielle de la croissance économique dans notre pays. La taxation de la masse salariale, qui représente encore 55 % à 60 % de la valeur ajoutée, ne nous semble donc pas heureuse dans la conjoncture actuelle.
Par ailleurs, les collectivités locales auront besoin de ressources ; or le système proposé entraînera inévitablement un déport vers les ménages, ce qui sera néfaste à la consommation.
Quant aux autres mesures – taxe carbone et fiscalisation des indemnités journalières pour les accidents du travail notamment –, elles ne nous paraissent acceptables ni dans le contexte actuel, ni dans leur principe même.
Un dernier mot au sujet du grand emprunt, cette dette supplémentaire pour notre pays, que nous examinerons prochainement. M. le rapporteur général a accepté l'amendement du Gouvernement relatif aux niches fiscales au nom du refus de toute mesure rétroactive. Si le Gouvernement allait au bout de ses intentions s'agissant de la taxation des bonus accordés à certaines professions du secteur bancaire – mais nous continuons d'en douter –, cette taxation serait rétroactive : M. le rapporteur général l'acceptera-t-elle ? Bref, l'argument de la rétroactivité doit donc être fortement relativisé. Si, comme je ne saurais trop vous y engager, chers collègues de l'UMP, vous décidez de taxer les bonus au titre de l'année 2009, vous contreviendrez, avec cette mesure rétroactive, à un principe que vous nous opposez systématiquement lorsque nous essayons de rétablir un peu de justice fiscale.
La parole est à M. Jérôme Chartier, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.
Je ne veux pas trop prolonger nos débats, mais tiens à exprimer le soutien du groupe UMP au projet de budget pour l'année 2010 tel qu'il ressort du texte amendé de la CMP et des mesures présentées par le Gouvernement. Je remercie d'ailleurs Éric Woerth d'avoir retiré l'amendement, à mon sens malheureux, relatif aux résidences de tourisme : en ces temps de sortie de crise, les Français ont avant tout besoin, comme je l'ai dit, de stabilité fiscale. Néanmoins, je rejoins M. le ministre sur la nécessité de réexaminer ce dispositif – et je ne le dis pas parce que Michel Bouvard a provisoirement quitté l'hémicycle…
Oh ! Le montagnard a pris de la hauteur, et a donc entendu ce que je viens de dire ; dommage pour moi ! (Sourires.)
Quant au budget dans son ensemble, on peut en effet regretter le montant du déficit, 116 milliards d'euros.
La somme est en effet très élevée ; elle s'inscrit dans la continuité du déficit de 2009 – 141 milliards ; encore faut-il en expliquer les causes. Le Gouvernement et la majorité ont choisi une stratégie : ne pas augmenter les prélèvements obligatoires, qui sont déjà les plus élevés d'Europe et parmi les plus élevés du monde, afin de ne pas pénaliser les familles et les entreprises françaises. Si le Gouvernement et la majorité ont une volonté, c'est de ne pas imposer davantage les Français. En ces temps de crise, cette stratégie me semble utile et l'on peut donc s'en féliciter.
La stabilité fiscale est l'une des autres priorités, car elle permet de maintenir les investissements privés productifs. Je me félicite à cet égard de la position finale du Gouvernement sur le dispositif Scellier, dont l'auteur est d'ailleurs présent parmi nous : cela donnera confiance aux investisseurs, et soutiendra, en 2010, la reprise des opérations immobilières constatée en 2009, notamment en Île-de-France. Le groupe UMP se félicite donc de ce dispositif qui complétera l'investissement public. Jean-Pierre Gorges, ici présent, a indiqué à ce sujet que sa ville de Chartres allait investir 38 millions d'euros, ce qui constitue, au regard du nombre d'habitants, l'un des investissements les plus importants de France. Voilà une mesure de dynamisation des territoires, qui montre que l'on sort de la crise par l'investissement public national, mais aussi et surtout local. Le groupe UMP se félicite à ce titre du prolongement en 2010 de la mesure relative au FCTVA, qui aura permis une forte accélération des investissements locaux en 2009. Nous espérons seulement que les collectivités suivront l'exemple de la ville Chartres, qui, malgré ses efforts d'investissements, a stabilisé sa fiscalité…
N'en faites pas trop quand même ! Tirez-lui la manche, monsieur Xavier Bertrand !
…et l'a même rendue dégressive s'agissant de la taxation des ménages comme des entreprises. Bref, madame la présidente, mes chers collègues, ce projet de loi de finances soutient les investissements et l'emploi. Comme je l'ai dit tout à l'heure, il comporte autant d'aides au titre de la disparition de la taxe professionnelle que d'aides en faveur de l'emploi. Rappelons que 650 000 emplois ont, hélas, été détruits en 2009. Une aide massive et urgente s'imposait : c'est chose faite avec les 11,8 milliards d'euros que ce texte consacre à l'emploi.
C'est donc un budget d'espoir, un budget de sortie de crise ou en tout cas – restons prudents – un budget qui met en place toutes les conditions qui vont permettre à la France de sortir de la crise, alors même que, grâce à la réactivité du Président de la République et du Gouvernement, notre pays est l'un de ceux qui, en 2009, s'en sont le mieux tirés face à la crise mondiale. C'est aussi un budget de stabilité fiscale.
Mais il se distingue surtout par une création monumentale : la suppression de la taxe professionnelle au profit d'une fiscalité équitable de l'entreprise. Saluons les acteurs de la réforme – notamment Gilles Carrez (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP) –, grâce auxquels ce projet de budget pour 2010 s'inscrira dans les annales des lois de finances. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Je mets aux voix l'ensemble du projet de loi, compte tenu du texte de la commission mixte paritaire, modifié par les amendements adoptés par l'Assemblée.
(L'ensemble du projet de loi est adopté.)
Prochaine séance, lundi 21 décembre 2009 à dix-sept heures :
Deux propositions de loi organiques sur Saint-Barthélemy et Saint-Martin.
La séance est levée.
(La séance est levée à douze heures quinze.)
Le Directeur du service du compte rendu de la séance de l'Assemblée nationale,
Claude Azéma