La séance est ouverte.
(La séance est ouverte à quinze heures.)
L'ordre du jour appelle la suite de la discussion, après déclaration d'urgence, du projet de loi relatif à la communication audiovisuelle et au nouveau service public de la télévision (nos 1209, 1267).
Hier soir, le vote sur l'amendement n° 1209%2C1267/804">804 portant article additionnel avant l'article 1er a été reporté en application de l'article 61, alinéa 3, du règlement.
Madame la présidente, madame la ministre de la culture et de la communication, mes chers collègues, hier, on a remis en cause le rôle du CSA en considérant que cette instance de régulation n'était plus nécessaire ni même utile et qu'il fallait que le Président de la République décide de tout. Nous avons essayé d'affirmer au contraire qu'une instance de régulation pouvait avoir un sens depuis la création de la Haute autorité voulue par François Mitterrand. Hélas, nous ne sommes pas arrivés à vous convaincre.
J'essaierai aujourd'hui de le faire d'une façon à la fois indirecte et humoristique. Vous connaissez tous les personnages de Marius et de César et vous vous rappelez l'acteur Raimu. César, pour faire un pastis, explique qu'il faut un tiers d'eau, un tiers d'anis, un tiers de gingembre et un quatrième tiers !
Son fils Marius lui fait alors remarquer qu'il ne peut pas y avoir quatre tiers dans un verre, à quoi César répond que tout dépend de la grosseur des tiers. (Sourires.)
Nous voudrions, quant à nous, revenir à la règle des trois tiers. À l'heure actuelle, en effet, si un tiers du temps de parole est réservé au Gouvernement, un tiers à la majorité et un tiers à l'opposition, malheureusement, un quatrième grand tiers est attribué au Président de la République.
C'est pourquoi, dans le souci de revenir à une démocratie plus raisonnable et plus normale, notre amendement vise à ramener les proportions à trois tiers : le temps de parole du Président de la République devrait être décompté avec celui du Gouvernement, le temps restant étant réparti entre la majorité et l'opposition. Cela permettrait peut-être au CSA de retrouver, à travers sa fonction de régulation, un rôle plus intelligent, plus coordonné et, somme toute, plus utile.
Comme vous êtes – nul n'en doute – de véritables démocrates, deux tiers du temps de parole à la télévision devraient largement vous suffire. C'est la raison pour laquelle je ne doute pas un seul instant que vous accepterez ces amendements identiques, d'autant que je sais que le rapporteur ne saurait rester insensible à l'évocation de Raimu.
L'argumentation de mon amendement n° 284 n'est pas exactement celle de l'amendement n° 283 , défendu par Michel Françaix.
La question de la présence du Président de la République sur les chaînes de la télévision publique n'est pas sans nous préoccuper. Nous voudrions en effet l'y rencontrer moins souvent, tandis qu'il veut être à lui tout seul le Président de la République, le Gouvernement et tous les partis politiques à la fois ! (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) En quelque sorte, il voudrait faire la pluie et le beau temps.
Cette situation nous indispose parce qu'elle est anormale. Les institutions de la Ve République connaissent actuellement une dérive inadmissible pour la démocratie. Nous y reviendrons lorsque nous examinerons la façon dont le Président de la République tente, au moyen du projet de loi, de gouverner à lui tout seul la télévision publique. Pour l'heure, ces amendements ne concernent que le temps de parole, à savoir l'expression simple de la démocratie, laquelle veut que l'opposition puisse s'exprimer dans les médias. Aussi ne doivent-ils pas être accaparés par le seul pouvoir en place et par un seul parti politique, plus exactement même par une seule personne, le Président de la République vous remplaçant gaillardement, mes chers collègues, puisque vous n'êtes là que pour le servir féalement.
Oui, féalement !
Si mes propos sont effectivement nuancés, monsieur Martin-Lalande, c'est qu'il est intolérable d'avoir en permanence devant les yeux le Président de la République, d'autant qu'il ne cesse de nous annoncer une chose et son contraire.
Vous qui avez fait sa campagne présidentielle, vous savez qu'il voulait à l'époque augmenter la publicité sur France Télévisions ! Pourquoi ne l'a-t-il pas fait ? Parce qu'il a rencontré un jour un ami – Alain Minc, m'a-t-on dit – et qu'au sortir d'un déjeuner, il a décidé de casser la télévision publique pour faire plaisir à tel ou tel !
Mais nos amendements identiques concernent simplement la démocratie : ils visent à garantir l'indépendance des médias en assurant une expression normale de la majorité, du Gouvernement et du Président de la République, ainsi que de l'opposition. Actuellement, ce n'est pas le cas.
Nous avons posé à plusieurs reprises des questions à ce sujet au Conseil supérieur de l'audiovisuel : pour lui, le Président de la République serait un arbitre au-dessus des partis et de la vie politique. Alors qu'il est à lui tout seul la vie politique, comment voulez-vous qu'un tel argument puisse nous satisfaire ?
C'est la raison pour laquelle nous souhaitons avec force que le temps de parole du Président de la République soit décompté sous une forme précise. Cela concerne toutes les chaînes françaises, même France Ô.
Je ne désespère pas de convaincre nos collègues de la majorité de la pertinence de ces amendements qui, comme l'ont déjà souligné MM. Françaix et Rogemont, ont pour objet d'intégrer les interventions du Président de la République et de ses collaborateurs dans les médias audiovisuels au sein du temps de parole réservé à l'exécutif.
Je rappelle que ces amendements reprennent l'article unique de la proposition de loi n° 852 que notre groupe avait déposé dans le cadre de la réforme de la Constitution et que j'avais eu l'honneur de rapporter devant notre assemblée le 22 mai dernier.
« La communication est libre », comme l'indique l'article 1er de la loi du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication. Ce principe, qui est au coeur de cette loi fondatrice pour les médias français, est un élément essentiel de la garantie des libertés publiques dans notre pays.
Le même article précise que cette liberté doit respecter, notamment, « le caractère pluraliste de l'expression des courants de pensée et d'opinion ».
Le respect de ce principe fait, comme vous le savez, partie des missions confiées au Conseil supérieur de l'audiovisuel. À cet égard, est-il nécessaire de rappeler dans cette assemblée que le pluralisme est un objectif de valeur constitutionnelle, comme l'a relevé le Conseil constitutionnel dans sa décision du 18 septembre 1986, précisant même « que le respect de ce pluralisme est une des conditions de la démocratie », et ce aussi bien dans le cadre du secteur public de l'audiovisuel que dans celui du secteur privé ?
Le Conseil ajoute que « l'objectif à réaliser est que les auditeurs et les téléspectateurs soient à même d'exercer leur libre choix sans que ni les intérêts privés ni les pouvoirs publics puissent y substituer leurs propres décisions, ni qu'on puisse en faire les objets d'un marché ».
De fait, la notion de pluralisme revêt deux aspects.
Le pluralisme peut être externe. Il s'agit là de la pluralité des opérateurs de médias et de la nécessité de lutter contre l'hyperconcentration qui s'opère actuellement au profit d'un petit nombre de groupes industriels et financiers, dont la plupart dépendent des commandes de l'État. Dans une période où la presse vit, nous le savons bien, une mutation économique et technique difficile, il conviendrait que l'indépendance et la liberté éditoriale des équipes rédactionnelles à l'égard des actionnaires des organes de presse soient mieux garanties.
De la même façon, une réforme de la procédure de désignation des membres du CSA associant l'ensemble des groupes parlementaires des deux assemblées s'impose – nous avons eu l'occasion d'évoquer cette question hier soir dans l'hémicycle.
Le pluralisme peut également être interne. Dans cette acception, il tend à ce qu'un opérateur assure, au sein de ses programmes, l'équilibre et la diversité des points de vue et des opinions. Parmi les courants de pensée et d'opinion, le pluralisme politique a une place particulière. En effet, la démocratie repose sur l'exercice du suffrage universel auquel « concourent les partis et groupements politiques », comme le prévoit l'article 4 de la Constitution.
C'est sur ce second aspect que portent nos amendements.
Hormis le cas des périodes électorales pour lesquelles le code électoral prévoit précisément les règles applicables, la mission du CSA en matière de respect du pluralisme est définie de manière peu précise par l'article 13 de la loi du 30 septembre 1986. En effet, cet article prévoit simplement que le CSA « assure le respect » du pluralisme. Ce même article ajoute que le CSA doit relever, mois par mois, le temps de parole des responsables des partis politiques.
Il convient par ailleurs de souligner que la prise en compte de l'équilibre des temps de parole n'a que légèrement évolué dans le temps. La règle dite des « trois tiers » – un tiers pour le Gouvernement, un tiers pour la majorité parlementaire, un tiers pour l'opposition parlementaire – a ainsi disparu en 2000 au profit d'un « principe de référence » qui lui est finalement très proche. Si les « partis non représentés au Parlement » ont alors acquis le droit à « un accès équitable aux programmes audiovisuels », dans les faits, leur temps de parole ne représente que 3,5 % du total du temps d'expression politique.
Le temps de parole du Président de la République n'a, quant à lui, jamais été décompté, que ce soit pour l'application de la règle des trois tiers ou du principe de référence.
Qui, pourtant, pourrait contester que le rôle du président de la République a évolué dans sa nature et donc dans la manière que le chef de l'État a d'apparaître dans ses interventions télévisées ? La parole présidentielle n'est manifestement plus empreinte d'une rareté qui lui donnerait un caractère particulier.
Du reste, chers collègues de la majorité, le comité constitutionnel présidé par M. Édouard Balladur a lui-même constaté cette évolution. En proposant que les interventions du chef de l'État soient prises en compte dans le temps de parole de l'exécutif, le rapport du comité constitutionnel a ainsi pointé l'« anomalie » que représentait le décompte actuel des temps de parole et, en soulignant que « cette situation [était] la traduction d'une conception dépassée du rôle du chef de l'État », il nous a invité, de fait, à modifier la loi du 30 septembre 1986.
Ce constat est largement corroboré par l'analyse statistique des temps de parole du président de la République. Il ressort ainsi des données publiques du CSA que le temps de parole du Président de la République entre 1989 et 2005 se situait, en moyenne, à 7 % du temps global des interventions politiques. Ces mêmes données pour le deuxième semestre 2007 indiquent que Nicolas Sarkozy a disposé de 13,3 % – voire de 15 % avec les interventions de ses collaborateurs – du temps de parole politique dans les journaux télévisés, les magazines d'information et les programmes de divertissement. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
C'est bon signe, cela montre que c'est un président actif ! C'est bon signe.
Cette proportion atteint même 21,4 % – 23 % avec les interventions de ses collaborateurs – si on ne prend en compte que les journaux télévisés.
Ces chiffres ne suffisent-ils pas à eux seuls à justifier le vote de nos amendements ?
J'ajoute enfin…
…que la mise en oeuvre de cette disposition ne causerait pas de difficultés pratiques au CSA qui relève déjà, à titre informatif, le temps de parole de la Présidence de la République en distinguant même, tenez-vous bien, les propos du Président de ceux de ses collaborateurs.
La parole est à Mme Aurélie Filippetti, pour soutenir l'amendement n° 287 .
La non-prise en compte de l'expression du Président de la République et de ses proches collaborateurs dans le temps de parole de l'exécutif comptabilisé par le CSA constitue bien une anomalie démocratique.
Il s'agit d'une anomalie renforcée par l'hyper-présidentialisation du régime et l'hyper-médiatisation de Nicolas Sarkozy.
Le temps de parole de Ségolène Royal doit-il être comptabilisé avec celui du parti socialiste ?
L'exposé des motifs du présent texte définit un certain nombre de valeurs que devrait promouvoir la télévision publique : défendre la culture, l'environnement ; inciter aux bonnes pratiques en matière d'hygiène et de sécurité… Ce texte décline donc toute une litanie de bons sentiments, de bonnes intentions, parmi lesquels on note un manque cruel : la défense du pluralisme démocratique, de la liberté d'opposition, de la diversité des opinions et des courants de pensée. Veiller au respect de l'expression pluraliste des courants de pensée et d'opinion relève d'ailleurs des attributions du CSA.
Les statistiques du CSA font penser aux statistiques du PIB telles que les définissait, dans les années quatre-vingt, le grand économiste Robert Solo, selon lequel les ordinateurs sont partout sauf dans les statistiques du PIB. Ici, le Président de la République et ses collaborateurs sont partout sauf dans les statistiques du CSA ! C'est un comble au moment où vous avez fait passer une réforme de la Constitution qui va permettre au Président de la République de s'exprimer devant le Parlement.
Ainsi, alors qu'il disposera de cette faculté, on considère qu'à la télévision, ses collaborateurs et lui-même sont invisibles, qu'ils n'existent pas. Ils forment sans doute une illusion d'optique… Pourtant, comme l'a fort justement rappelé Patrick Bloche, la commission Balladur n'avait-elle pas préconisé la prise en compte par le CSA dans le temps de parole de l'exécutif des interventions du Président de la République et de ses fort nombreux collaborateurs ?
Il conviendrait donc de compléter le premier alinéa de l'article 13 de la loi du 30 septembre 1986 en redéfinissant la règle des trois tiers afin de permettre la comptabilisation du temps de parole du Président de la République et de ses collaborateurs, à moins que vous ne nous acculiez à faire nôtre la proposition du président, pardon du secrétaire général de l'UMP, notre collègue Patrick Devedjian, selon laquelle le Président de la République devrait devenir président du parti majoritaire. Faut-il que nous en soyons réduits à soutenir cette idée pour qu'enfin le temps de parole du Président de la République à la télévision soit comptabilisé au même titre que le temps de parole de l'opposition.
La parole est à Mme la ministre de la culture et de la communication, pour donner l'avis du Gouvernement sur ces quatre amendements identiques.
Comme je l'ai dit hier soir, le Gouvernement émet un avis défavorable.
Le Président de la République, en effet, selon la Constitution, est au-dessus des partis (Rires sur les bancs du groupe SRC),…
…il représente la nation. La réforme constitutionnelle n'a en rien modifié ce principe. En outre, le principe de référence tel qu'il est mis en oeuvre par le CSA en donnant une possibilité d'expression aux groupements non-représentés au Parlement, nous paraît assurer le pluralisme de manière suffisante.
La parole est à M. le rapporteur de la commission spéciale chargée d'examiner le projet de loi organique relatif à la nomination des présidents des sociétés de l'audiovisuel public et le projet de loi relatif à la communication audiovisuelle et au nouveau service public de la télévision.
Puis-je indiquer à notre excellent collègue Michel Françaix, à propos de César exposant à Marius la question des trois tiers, que le défaut d'humilité des hommes du Sud les dispense de l'emploi du gingembre ? Ils se contentent de l'anis.
Pour le reste, l'article 13 de la loi de 1986 dispose, je le rappelle, que le Conseil supérieur de l'audiovisuel assure le respect de l'expression pluraliste des courants de pensée et d'opinion dans les programmes des services de radio et de télévision, et en particulier dans les émissions d'information politique et générale. Je pense, monsieur Francaix, que cela devrait répondre un peu à vos préoccupations.
La loi de 1986 avait également institué la fameuse règle des trois tiers qui prévoyait une répartition quantitative du temps de parole. En 2000, le CSA l'a rénovée en instaurant le principe de référence – notion qualitative – pour la prise en compte du temps de parole des personnalités politiques. Les conditions de programmation doivent donc désormais être comparables et l'équilibre entre le temps d'intervention des ministres, celui des représentants de la majorité parlementaire et celui des représentants de l'opposition parlementaire doit être respecté. En outre, les chaînes doivent assurer un temps d'intervention équitable à des formations politiques non-représentées au Parlement.
Enfin, la position du CSA a été confirmée par le Conseil d'État le 13 mai 2005, tout simplement parce que l'on considère que le Président de la République ne représente pas le Gouvernement mais, ce qui est autrement plus noble, l'ensemble de la nation.
Je vous remercie, monsieur le rapporteur, d'avoir argumenté la réponse de la commission. J'ai en revanche trouvé un peu courte la réponse de Mme la ministre. Comment peut-on affirmer sans rire que le Président de la République est au-dessus des partis alors que tout le monde sait qu'il préside toujours l'UMP depuis l'Élysée ?
Plus sérieusement,…
…je souhaite reprendre l'argument sans doute le plus pertinent que j'aie fait valoir et auquel je suis étonné que ni Mme la ministre ni M. le rapporteur n'aient répondu. Il s'agit de la référence aux conclusions de la commission Balladur. L'ancien Premier ministre, chargé par le Président de la République de conduire une réflexion préparatoire à la réforme constitutionnelle, avait estimé dans son rapport que le changement de nature de la fonction de chef de l'État devait inévitablement conduire à la prise en compte de son temps de parole dans celui de l'exécutif.
Nous avions repris cette recommandation dans la proposition de loi que j'ai mentionnée. Visiblement, les statistiques que je vous ai données à l'instant ne vous ont pas suffi ; elles montraient pourtant que Nicolas Sarkozy intervient en moyenne trois fois plus que ses prédécesseurs François Mitterrand et Jacques Chirac.
C'est parce qu'il est plus actif qu'eux ! Il a des choses à dire, lui !
Je vais donc prendre des exemples statistiques encore plus précis, qui concernent le mois de janvier 2008. Les membres du Gouvernement se sont alors exprimés 11 minutes et 9 secondes dans les journaux télévisés de TF1, tandis que le Président de la République s'y exprimait pendant 18 minutes et 36 secondes, majorant ainsi le temps de parole de l'exécutif de 167 %. On pouvait du reste observer la même situation sur France 2, dans de moindres proportions, certes, si l'on peut dire, puisque les propos du Président de la République ne majoraient le temps de parole de l'exécutif « que » de 113 %. Sur LCI, le Président, en janvier toujours, s'est exprimé – tenez-vous bien ! – pendant 3 heures et 55 minutes, contre « seulement » 1 heure et 3 minutes pour le Gouvernement. La non-prise en compte du temps de parole du Président de la République a donc conduit à majorer le temps de l'exécutif sur LCI de 372 % – et encore n'ai-je pas tenu compte des 19 minutes et 54 secondes d'interventions des collaborateurs du Président. Il s'agit-là de données publiques du CSA.
Sortons donc de l'hypocrisie, et que la majorité se rassure : si le temps de parole du Président de la République était intégré au tiers dévolu à l'exécutif, l'essentiel, pour ce qui la concerne, serait préservé, puisqu'elle conserverait les deux tiers du temps de parole contre un tiers seulement pour l'opposition.
Nous avons compris que M. le rapporteur ne croyait qu'à demi aux arguments qu'il a développés,…
En effet, voulant rassurer Michel Françaix, il a espéré l'avoir seulement « un peu » converti, ce qui signifie que lui-même n'est pas du tout certain de ses propos.
Le Président de la République représente, nous dit-il, l'ensemble de la nation. Aux termes du texte constitutionnel, c'est incontestable. Le problème n'est toutefois pas dans le texte mais dans la pratique de l'actuel Président, qui n'a absolument rien à voir avec celle du général de Gaulle, ni avec celle de Valéry Giscard d'Estaing, qui pourtant était un homme de communication, ni encore avec celle de François Mitterrand ou de Jacques Chirac. Ces présidents successifs laissaient le Gouvernement gouverner et se tenaient à distance même s'ils pouvaient éventuellement orienter son action. Seulement, entre orienter et décider de tout, il y a une différence. Ce que nous condamnons, par le biais de ces amendements identiques qui revendiquent seulement un minimum d'équité dans l'expression démocratique, c'est l'hyper-présence du Président de la République, qui rend atone la majorité et qui vise à rendre atone l'opposition.
Nous demandons donc simplement un droit démocratique à être reconnus dans cette République, ce qui n'est pas le cas dès lors que le Président se permet, au prétexte qu'il représente l'ensemble de la nation, de s'exprimer en lieu et place de l'ensemble de la classe politique, faisant les questions et les réponses, et au hasard de ses propos parfois erratiques, parlant même au nom de l'opposition.
(Les amendements identiques nos 283 , 284 , 285 et 287 ne sont pas adoptés.)
Plusieurs orateurs sont inscrits sur l'article 1er.
La parole est à M. Michel Françaix.
Je vais essayer d'expliquer à nos collègues à quel point le service public de l'audiovisuel est en danger.
L'article 1er tend à donner force de loi à une idée nouvelle – il aurait fallu la commission Copé pour la trouver – selon laquelle il vaudrait mieux que le service public audiovisuel soit une entreprise. Je suis heureux que nous nous soyons concertés pendant un certain temps pour conclure qu'il fallait que ce soit une entreprise ; comme si, d'ailleurs, le président de France Télévisions n'y avait pas quelque peu songé lui-même auparavant, comme s'il n'essayait pas, depuis un certain temps, de restructurer la maison dont il a la responsabilité. Nous avions déjà, pour notre part, affirmé avec force que les choses devaient changer et que le service public de l'audiovisuel devait prendre la forme d'une entreprise.
Quelles sont toutefois nos divergences ? S'il s'agit de poursuivre une rationalisation intelligente, s'il s'agit d'éviter les doublons, s'il s'agit de rendre les structures plus souples, plus légères, alors nul besoin des parlementaires puisque le président de France Télévisions agit en ce sens.
S'il s'agit, en revanche, d'annoncer la réalisation d'économies, la suppression de 1 000, 1 500 ou 2 000 emplois, une diminution des moyens accordés aux chaînes, alors, en effet, nous ne pouvons plus être d'accord avec vous.
S'il s'agit de faire en sorte que les choses deviennent uniformes, parce que, d'un seul coup, les producteurs ne pourraient plus avoir en face d'eux les responsables des programmes de France 2, ceux de France 3, ceux de France 4, mais une seule personne organisant l'ensemble de façon totalement centralisée, nous ne sommes pas d'accord non plus. En effet, et j'espère que beaucoup de collègues de la majorité partagent cette position, nous sommes évidemment pour la diversité, pour une réflexion plurielle. Nous ne voulons pas de la pensée unique et du politiquement correct. Nous voulons que la télévision de service public puisse aller bien au-delà.
Voilà pourquoi cet article n'a pas de raison d'être. Soit il s'agit de permettre à un patron d'entreprise de gérer son entreprise, auquel cas c'est à lui de le faire, sans qu'il ait besoin pour cela d'un article de loi. Soit il y a derrière cet article quelque mauvais coup que nous n'avons pas prévu et que vous essayez de rendre possible, auquel cas nous ne pouvons pas être d'accord.
Oui, France Télévisions est une entreprise, mais ce n'est pas tout à fait une entreprise comme les autres, justement parce qu'elle s'adresse aux citoyens et n'a pas pour seul objet la rentabilité. Hubert Beuve-Méry expliquait qu'on n'achète pas Le Monde comme on achète un chapeau. Il expliquait pendant une demi-heure pourquoi un journaliste avait telle vocation, pourquoi il devait aller dans tel sens, pourquoi ce journal n'était pas une entreprise comme les autres. Et il concluait son propos en précisant que, par ailleurs, Le Monde était aussi une entreprise. Vous, vous inversez la démarche. Vous ne parlez que de la puissance économique – sur la nécessité de laquelle nous sommes tous d'accord – et vous finissez par oublier l'essentiel, à savoir que le service public ne s'adresse pas à des clients, à des consommateurs, mais à des citoyens. Cet aspect des choses est totalement gommé dans l'article 1er. C'est pourquoi je m'y oppose avec force et conviction, comme l'ensemble de mes collègues.
Que les choses soient claires : le groupe SRC n'est en rien opposé à ce que France Télévisions se voie renforcée dans ses missions et surtout dans son organisation en devenant une entreprise unique. Et je dis volontairement « entreprise unique », car je ne voudrais pas que l'on se paie de mots en parlant, au choix, de « média global » ou de « global media », laissant ainsi entrevoir quelque horizon merveilleux pour l'audiovisuel public.
La loi du 1er août 2000, qui avait été adoptée par une autre majorité, celle que nous représentons ici dans l'opposition, portait d'ailleurs en germe l'entreprise unique. Nous avions même, dans plusieurs de ses articles, créé les conditions visant à rendre possible cette dynamique d'unification. Ce qui nous choque, aujourd'hui, c'est autre chose.
On va un peu plus loin dans le sens de l'entreprise unique par le biais d'une méthode très classique de fusion-absorption qui visera à la fois France 2, France 3, France 4, France 5 et RFO. Or chacun sait – je dirai même que cela relève du b.a.-ba économique – que toute entreprise qui se réorganise dans le cadre d'une fusion-absorption doit disposer, au moins à court terme, des moyens nécessaires pour en assumer pleinement et complètement, non seulement les conséquences juridiques – elles sont finalement secondaires –, mais aussi les conséquences organisationnelles, celles-ci comportant inévitablement une dimension financière. Et c'est à cet égard que nous nourrissons les plus grandes inquiétudes.
Je pourrais reprendre les propos du rapporteur général du budget, M. Carrez, comme je pourrais me faire l'écho des inquiétudes exprimées par M. Balladur, que nous citions à l'instant lors de l'examen de notre amendement portant sur le temps de parole du Président de la République. M. Balladur a récemment demandé un moratoire sur ce projet de loi.
En référence aux propos éclairés de M. Balladur et de M. Carrez, nous sommes fondés à considérer que la démarche est anti-économique. Car cette fusion-absorption se déroule dans des conditions telles que le financement pérenne de l'audiovisuel public, et tout particulièrement de France Télévisions, n'est en rien assuré.
J'ai encore à l'oreille les propos ô combien lyriques du président Copé : cette logique d'entreprise unique visait à s'inscrire dans le XXIe siècle technologique et à permettre la diversification. Mais où le groupe France Télévisions va-t-il pouvoir trouver les moyens de sa diversification et de sa présence sur les multiples supports numériques ?
Je voudrais revenir, puisqu'il ne m'a pas été possible de le faire hier, aux propos qu'a tenus Mme la ministre en réponse aux orateurs qui se sont exprimés dans la discussion générale. Comment peut-on dire que ce projet de loi est une chance pour les créateurs ? Tout le monde sait que leur inquiétude est vive. D'abord pour des raisons qui tiennent au financement de la production audiovisuelle ou cinématographique, mais aussi parce que cette fusion-absorption comporte un risque évident d'uniformisation éditoriale, d'uniformisation des programmes. Le spectre du « guichet unique », comme on dit, est suffisamment présent pour que les créateurs nous alertent, comme ils l'ont fait à plusieurs reprises.
Et puis, derrière tout cela, il y a la dimension sociale. Cette fusion-absorption, ce renforcement d'une entreprise unique, a pour objectif, nous dit-on pudiquement, de faire des économies d'échelle. Cela entraîne évidemment des conséquences en termes d'emplois. M. Lefebvre a d'ailleurs ouvertement présenté la note. Je voudrais ici relayer une fois de plus la légitime inquiétude des 11 000 salariés de France Télévisions.
Comme l'a rappelé Patrick Bloche, nous ne sommes pas opposés par principe à l'entreprise unique, puisque la loi de 2000 portait déjà en elle la dynamique d'une unification. Mais nous sommes opposés aux conditions dans lesquelles vous voulez qu'elle se fasse.
En effet, comment envisager un service public de qualité sans un financement pérenne, durable et important ? Les économies d'échelle que vous voulez réaliser devraient être réinvesties dans la diversification. Or, on sait que celle-ci, dans les conditions actuellement prévues pour le financement de France Télévisions, ne pourra pas être assurée.
Dans ces conditions financières et budgétaires extrêmement précaires, la transformation de France Télévisions en entreprise unique peut avoir des effets redoutables. Je pense par exemple aux conséquences sur son organisation, qui suscitent beaucoup d'interrogations de notre part quant au maintien de lignes éditoriales différentes, propres à chaque chaîne, qui font la richesse et la diversité du service public.
Nous nous interrogeons également sur le maintien de deux rédactions nationales, celle de France 2 et celle de France 3, qui risquent de voir leurs identités respectives se diluer au sein de la nouvelle entité. Cette inquiétude est d'autant plus criante que les amendements présentés hier par deux collègues de la majorité visaient à faire disparaître purement et simplement la rédaction nationale de France 3. C'est absolument scandaleux ! On sait très bien que la rédaction nationale de France 3, c'est le poil à gratter. De par son impertinence et son indépendance, c'est aujourd'hui la rédaction qui gêne le plus le pouvoir en place.
Nous sommes attachés, pour notre part, à l'indépendance et à la spécificité des deux rédactions nationales, celle de France 2 et celle de France 3.
Il y aura aussi des conséquences sociales majeures pour tous les personnels, et à plusieurs niveaux. La disparition de la convention collective de l'audiovisuel public suscite chez les salariés, et à juste titre, de grandes inquiétudes, de même que la perspective d'un plan social annoncé à cor et à cri par notre collègue Frédéric Lefebvre. Nous ne savions pas qu'il était chargé des ressources humaines à France Télévisions. Visiblement, cela fait partie de ses nouvelles attributions, comme cela fait partie de la réforme du service public audiovisuel. Nous n'avions pourtant pas vu cela dans le projet de loi au moment où nous l'avons examiné.
Autre conséquence : la standardisation des chaînes publiques, l'uniformisation des programmes. Les créateurs sont inquiets face à la perspective d'un guichet unique, qui appauvrirait considérablement la diversité de notre création. On sait que 100 millions d'euros doivent provenir d'économies internes à France Télévisions : le risque est grand que ces économies se fassent sur le dos de la création, qui est pourtant, normalement, la vocation du service public.
C'est pour toutes ces raisons, madame la ministre, que nous demanderons la suppression de l'article 1er.
Mes collègues l'ont déjà dit : une entreprise unique, pourquoi pas ? Mais je peux aussi poser la question : pourquoi ? Pourquoi l'entreprise unique aujourd'hui ? Je maintiens que toutes les réflexions qui ont pu être menées à partir du 8 janvier dernier n'ont été qu'un rideau de fumée visant à dissimuler l'acte majeur de cette réforme, à savoir l'accentuation du sous-financement de la télévision publique.
Créer une entreprise unique, pourquoi pas ? Mais alors, il aurait fallu se donner le temps de la réflexion, une réflexion que la holding France Télévisions avait d'ailleurs entreprise. Hervé Bourges, lorsqu'il en était le président, avait mis en place, dès sa nomination, des synergies entre les différentes chaînes de France Télévisions. Ce travail ne date donc pas d'aujourd'hui. Mais il s'est fait, jusqu'à présent, à l'échelle de l'entreprise.
Et tout ce travail, vous choisissez maintenant de l'ignorer en prenant une décision hâtive. Or une décision hâtive a toujours des conséquences.
S'agissant des 140 millions d'économies qu'il attend de cette réorganisation, que fait le Gouvernement ? Il commence par dire : cet argent, il est pour moi ! Dans les 800 millions en moins pour la télévision publique, 140 correspondent aux économies. Ce n'est pas une façon de mobiliser les salariés d'une entreprise que de leur dire en substance : vous allez faire des économies, et celles-ci ne serviront pas à l'entreprise, elles serviront à autre chose. Par exemple aux dépenses de l'Elysée, qui ont augmenté très fortement ces derniers temps. Il y a là un vrai problème de management de France Télévisions. On est en train d'attacher un boulet au pied d'une entreprise qui pourtant se transformait chaque jour.
Deuxièmement, les créateurs se disent – et nous partageons leur crainte – que puisqu'il y aura une entreprise unique, il y aura un guichet unique.
Vous nous dites, monsieur le rapporteur, que le contrat d'objectifs et de moyens va organiser tout cela. C'est comme pour le temps de parole du Président de la République, qui est au-dessus de l'ensemble des partis, comme chacun sait. Mais cela, ce sont les textes. La réalité, c'est que le guichet unique va s'imposer, tout simplement en raison du sous-financement de France Télévisions. L'audiovisuel public aura nécessairement moins d'argent pour faire vivre la création. Le COM pourra certes contenir des dispositions visant à répondre à cette crainte, mais l'argent manquera. Même si ce n'est pas ce que vous souhaitez, monsieur le rapporteur, cela se traduira dans la réalité pour France Télévisions.
Voilà pourquoi cet article 1er est révélateur de l'approche qui est la vôtre. Vous voulez faire avancer la télévision publique à marche forcée. Vous voulez, à marche forcée, procéder à des réformes au forceps pour pénaliser plus encore son fonctionnement. L'avenir que vous voulez pour France Télévisions, ce n'est pas le développement mais la régression.
Nous ne sommes pas à la télévision, vous ne pouvez pas nous interdire de parler ! C'est tout votre problème !
Je sens que la majorité aimerait être seule dans l'hémicycle ; les conditions du débat lui conviendraient certainement mieux !
Ce n'est pas un débat, c'est une litanie d'arguments répétés à l'envi !
Nous sommes inscrits sur les articles dans le strict respect de la procédure.
Le projet de loi en comporte cinquante-quatre, alors soyez patients. M. Gilard aura tout le temps de finir son journal.
L'entreprise unique, qui est l'objet de l'article 1er, ne suscite pas dans notre groupe d'hostilité de principe. La holding créée par la loi d'août 2000 portait en germe des formes d'unification de France Télévisions. J'ai d'ailleurs le souvenir précis qu'à l'époque, certains de nos collègues déjà présents – Christian Kert, Michel Herbillon et d'autres – nous accusaient de vouloir reconstituer l'ORTF. Que devrions-nous dire aujourd'hui, alors qu'on s'apprête à fusionner et à faire disparaître les sociétés de programme qui constituaient jusqu'à présent France Télévisions !
Certains aspects de l'entreprise unique nous paraissent positifs, voire indispensables. Il est par exemple anormal, inacceptable, que France 2 puisse, comme on a pu le constater récemment, acheter des caméras différentes de France 3. La nécessité d'une rationalisation est donc une évidence.
Mais on a également entendu tout et n'importe quoi à propos de l'entreprise unique. Ainsi, le « global media » –mélange de latin et d'anglais qui fait plus chic que « média global » –, l'un des grands thèmes de la commission Copé, a totalement disparu du projet de loi. On ne sait pas où il est passé.
De façon surprenante, le global media avait d'ailleurs entretenu beaucoup de « buzz » au moment de la commission Copé, alors que ce n'était rien d'autre que ce que font tous les médias de France et du monde entier aujourd'hui : se préparer aux migrations sur le net et au séquençage des offres d'information et de divertissement selon les supports. Il n'y avait donc là rien de bien révolutionnaire, en tout cas pas de quoi faire un projet de loi sur cette base. D'autant que c'est là le travail ordinaire, et elles l'avaient déjà largement engagé, des sociétés de programme.
Reste que l'entreprise unique pose deux vraies questions. D'abord, la fusion-absorption des chaînes France 2, France 3, RFO, France 5, France 4, donne un poids considérable au cahier des charges et au COM, puisque, au bout du compte, plus rien ne sera décidé par la loi, plus rien ne sera affecté. C'est le patron de France Télévisions qui décidera de tout. D'une certaine façon, l'identité même des chaînes risque d'être mise en question puisqu'elle dépendra de l'exécution du cahier des charges par l'exécutif de l'entreprise. Des changements de stratégie, voire des disparitions de chaîne, pourront donc intervenir sans que le Parlement ait à se prononcer.
Je rappelle qu'en 1994, lorsque M. Balladur a eu la volonté de créer La Cinq, qui est devenue France 5 aujourd'hui, un débat a eu lieu ici même et nous avons longuement discuté de l'utilité d'avoir une chaîne de la connaissance. C'était légitime. Demain, nous ne serons plus consultés puisque, avec l'entreprise unique, l'identité éditoriale même des chaînes aura la géométrie que voudra bien lui donner le président de France Télévisions.
Cela pose d'autant plus problème que les moyens vont être affectés directement par France Télévisions. En fonction des objectifs poursuivis, telle chaîne pourra se voir attribuer plus d'argent que telle autre. À cet égard, nous sommes très inquiets pour France 3 en particulier, dont on voit bien que les mises en cause de la rédaction nationale sont destinées à affaiblir la chaîne. Depuis longtemps circule dans la majorité l'idée qu'on pourrait envisager la privatisation de France 3 par « appartements régionaux », c'est-à-dire des sociétés régionales un peu plus grandes que celles d'aujourd'hui au capital desquelles des partenaires pourraient être associés.
Mais le point le plus problématique de l'article 1er, c'est la question de la créativité de la télévision.
L'existence de plusieurs chaînes a certes des inconvénients, mais vouloir homogénéiser tout cet ensemble comporte des risques pour la capacité de création. Jusqu'à présent, il y avait non pas une concurrence mais une émulation qui était positive pour la créativité de la télévision publique. Demain, ce ne sera plus le cas puisqu'il n'y aura plus qu'une direction centrale et une inévitable standardisation des produits. Les producteurs s'en inquiètent. Ce n'est pas tant la logique de guichet qui compte que la capacité à entretenir la flamme de la création.
Alors, l'entreprise unique, pourquoi pas ? Mais sûrement pas dans les conditions où elle est aujourd'hui engagée. Si la mise en commun des fonctions transversales de la société France Télévisions est positive, certains aspects sont extrêmement inquiétants, pas seulement pour l'entreprise et ses personnels, mais pour la création télévisuelle.
Je demande aux orateurs inscrits de respecter le temps qui leur est imparti.
La parole est à Mme Élisabeth Guigou.
À mon tour, je dirai qu'il ne s'agit pas pour nous de nier l'intérêt d'une entreprise unique. Nous sommes tous comptables, ici en particulier, d'une gestion efficace des deniers publics, et opérer des synergies par la mise en commun des fonctions transversales entre les différentes chaînes de télévision y participe. En dépit des caricatures présentées ici ou là, nous ne sommes pas dans une opposition de principe.
Ce qui est en cause, c'est le regard que l'on porte sur ce qu'est une entreprise de télévision. Certes, c'est une entreprise qui doit être gérée de façon aussi efficace que possible. Mais parce qu'elle est aussi une entreprise culturelle, elle n'est pas comme les autres. On ne peut pas la considérer du seul point de vue économique et financier, comme vous voudriez nous le faire croire. On ne peut faire abstraction de ses aspects culturel et social. La nécessité de préserver la diversité et la créativité des chaînes selon leur personnalité récuse absolument l'idée d'uniformisation. Elle exige des garanties que ne présente pas le projet de loi.
L'autre risque que comporte l'uniformisation, qui ne manquera pas de se confirmer si malheureusement le texte est adopté, c'est le rétrécissement du champ d'action de la télévision publique. Si l'on ampute la diversité, donc la gamme de l'offre, ce sera inévitablement au profit de la télévision privée qui verra, elle, son influence s'accroître. Outre des conséquences sur le plan culturel, notamment en matière de diversité de l'offre à nos citoyens, il y aura aussi des effets sur le plan social. On conçoit que les personnels de France Télévisions et du service public en général soient très inquiets, car cette incertitude sur les moyens et sur la nature juridique pèse terriblement.
Le risque que je viens de souligner serait écarté si vous garantissiez un financement pérenne et indépendant des pressions politiques pour la télévision et le service public.
Mais ce n'est pas le cas. Le principal problème auquel vous ne vous attaquez pas, c'est le sous-financement du service public. Lorsqu'un service public est sous-financé, il ne s'agit pas de lui retirer une ressource mais au contraire de lui en rajouter. Vous ne donnez aucune garantie sérieuse sur la compensation de la diminution puis de la disparition de la publicité par des ressources pérennes financées par l'État, en tout cas sans pression sur les programmes. À ce sujet, il y a un refus que je trouve légitime.
Quel est votre but pour le service public ? Telle est la question fondamentale qui est posée de façon récurrente à tous les articles et à laquelle il n'est pas répondu. Pour ma part, je crois que votre unique objectif est de faire des économies sur le dos du service public. Nous sommes dans une situation budgétaire très préoccupante. Il y a un an, M. Fillon parlait déjà de faillite. Depuis, le déficit s'est creusé d'une dizaine de milliards supplémentaires et cela ne va pas s'arranger avec la crise économique qui s'annonce. Selon les dernières prévisions de l'OCDE, nous avons la perspective de voir une véritable récession s'installer et durer. Dès lors, nous savons que les finances publiques vont devenir ingérables. Qui en paiera le prix ? Les services publics fragilisés, dont, parmi d'autres, la poste, l'école et la télévision. Voilà pourquoi nous récusons fondamentalement votre projet, parce que son véritable objectif n'est pas celui que vous nous présentez. (« Très bien ! » sur plusieurs bancs du groupe SRC.)
Je commencerai mon intervention sur l'article 1er en partant de la brillante conclusion de Mme Guigou. Le premier vice de ce projet de loi, c'est en effet le sous-financement du service public – et c'est un euphémisme. En réalité, il s'agit d'une véritable exécution du service public au profit des chaînes privées, amies du Président de la République.
Depuis le début de la discussion, nous dénonçons une réforme de complaisance, menée à la va-vite. C'est à la surprise générale, souvenez-vous, que le Président de la République a annoncé le 8 janvier la fin de la publicité, comme un mauvais coup qu'il aurait voulu faire à une partie de la gauche qui en avait demandé la suppression. Sans aucune consultation, sans aucune évaluation de l'impact de la disparition de la publicité, voilà qu'en quelques mois on demande à une commission, qui porte le nom d'un de nos collègues, de préparer une grande réforme de l'audiovisuel public. La réflexion a démarré en janvier, nous sommes en novembre. Pas même un an s'est écoulé quand il en a fallu quatre à la BBC, qui est un exemple pour l'ensemble de l'Union européenne et au-delà, pour mettre en place, en 2007, le BBC Trust, grand service public de l'audiovisuel dont le périmètre a été défini après maintes discussions, y compris avec les téléspectateurs, et au terme de vingt-six séminaires gouvernementaux.
Aujourd'hui, la BBC est un grand service public de l'audiovisuel, dont le patron est protégé et ne risque pas les foudres du pouvoir si des émissions de fiction ou des documentaires déplaisent à ce dernier.
En Belgique, le service public fonctionne exactement de la même manière. Au cours de l'émission de fiction Bye Bye Belgium, présentée à vingt heures – heure de grande écoute –, on a fait croire à la population que la Belgique était éclatée en deux parties. Un problème politique s'est posé. Les présentateurs, animateurs et producteurs de cette émission se sont vu protéger et ils n'ont pas été renvoyés.
Dois-je rappeler ce que j'ai dit hier soir ? Sans doute, en la circonstance, n'est-il pas inutile de le répéter quand Mme la ministre de la culture et de la communication, quand le Gouvernement et ses supporteurs de la majorité nous expliquent qu'il n'y a aucune inquiétude à avoir sur le financement de la télévision publique puisque 450 millions d'euros, qui seront demain 800 millions, sont inscrits dans la loi de finances et qu'il n'y aura donc pas de problème pour financer le service public. Aussi voudrais-je rappeler comment, en 1994, alors que M. Sarkozy était ministre du budget et M. Balladur Premier ministre, une émission ayant déplu au Premier ministre, lequel a été contraint de retirer un mauvais projet qui s'appelait le CIP – avant le CPE de M. de Villepin –, la rallonge de 120 millions de francs, prévue et inscrite dans la loi de finances pour le service public de l'audiovisuel, a été purement et simplement retirée. On ne peut donc pas croire en vos engagements.
L'article 1er crée l'entreprise unique. On pourrait penser que c'est très bien. Vous avez démantelé l'ORTF en 1974 et il serait grand temps de restaurer une entreprise unique. Mais quand on regarde dans le détail, on constate, comme l'a fort bien dit notre collègue Didier Mathus, que l'entreprise unique s'accompagne d'un guichet unique, c'est-à-dire d'une uniformisation, en fait de la disparition de ce qui fait la qualité du service public à travers la diversité de ses chaînes. C'est aussi la politique éditoriale qui est en cause, et je reviens ainsi aux trois véritables menaces que fait peser ce projet de loi, aux trois tares qui l'entachent : la dépendance politique, la dépendance économique et la dépendance éditoriale. Nous aurons l'occasion d'y revenir.
Ce n'est pas pour rien qu'aujourd'hui certains originaux qui ne savent pas quoi inventer pour se faire remarquer dans la majorité, proposent la disparition du journal national de FR 3. Dans la mesure où le service public sera de plus en plus fragilisé – c'est déjà le cas –, nous trouverons toujours de bons esprits pour nous expliquer qu'il faut en réduire le périmètre et par exemple vendre à la découpe FR 3 à la presse quotidienne régionale, qui attend cela avec grande impatience, comme un rapace prêt à fondre sur sa proie.
Cet article 1er qui crée une entreprise unique à guichet unique démontre la volonté de casser encore un peu plus le service public en l'uniformisant, en niant sa diversité, en portant le plus grand préjudice à la création et aux émissions d'information. C'est tout à la fois une atteinte au pluralisme et une manière de saper un peu plus la démocratie, puisque, nous le savons, un grand service public de l'audiovisuel, c'est aussi un élément constitutif du débat démocratique.
La parole est à M. Jean-Marie Le Guen. (Protestations sur les bancs du groupe UMP.)
Madame la présidente, nous pouvons demander une suspension de séance si certains collègues considèrent que nos interventions nuisent au travail parlementaire.
Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, je me suis impliqué depuis longtemps, au sein de notre assemblée, dans les dossiers de l'audiovisuel. J'ai cependant dû prendre un peu de temps avant de croire que l'ensemble de ce projet de loi viendrait réellement devant le Parlement.
Nul besoin, en effet, d'être expert en matière d'économie de l'audiovisuel pour comprendre, après les déclarations et les premières intentions annoncées par le Président de la République sur le projet de réforme de l'audiovisuel public, que la situation économique et sociale de l'année dernière rendait déjà non crédible, voire impossible la réalisation de cette réforme.
Déséquilibrer aussi massivement l'économie de l'audiovisuel public, en le privant de la ressource publicitaire et en laissant croire – je me demande bien à qui – que les finances de l'État viendraient pallier un manque aussi important me semblait absolument non crédible, surtout lorsque, dans le même temps, le Président de la République expliquait qu'il n'y aurait ni augmentation de la redevance, ce qui peut se comprendre, ni modification du périmètre. Allons donc ! Comment était-il possible de trouver dans la situation des finances publiques et dans le cadre du fonctionnement de France Télévisions les éléments permettant de réaliser un tel modèle économique pour la télévision publique ?
Certes, notre collègue Frédéric Lefebvre a proposé la solution du plan social. Ce pourrait être une variable d'ajustement. Je suis d'ailleurs persuadé qu'il s'agit d'un des éléments cachés de ce projet de loi et qu'il y aura inéluctablement et très rapidement des plans sociaux à France Télévisions. Mais cela ne suffira pas.
L'article 1er laisse penser que l'on pourra, grâce à ce nouveau cadre juridique, gagner des marges de productivité. Nous ne sommes pas hostiles à l'idée que l'on puisse améliorer la productivité de l'audiovisuel public, mais croire que ces progrès, même complétés par un plan social, suffiront à assurer l'équilibre économique de France Télévisions est une pure illusion.
Qui peut croire, parmi vous, mes chers collègues, que d'ici à quelques mois, j'allais dire au début de l'été, lorsque nous devrons procéder à des régulations budgétaires aussi importantes que celles qui se profilent, en investissant un argent public aussi peu abondant, mais aussi nécessaire dans des domaines stratégiques, les parlementaires que nous sommes pourront demander quelques centaines de millions supplémentaires pour financer le service public de l'audiovisuel ? Pratiquement personne dans cet hémicycle ne le croit.
Dans la conjoncture actuelle, cet affaiblissement du service public de l'audiovisuel, vous ne nous l'imposez pas pour dans quelques années : c'est dans quelques mois que nous assisterons à un véritable infarctus de financement et donc de fonctionnement de l'audiovisuel, que vous aurez, de surcroît, vraisemblablement transformé en marasme social. C'est donc à juste titre que les salariés sont profondément inquiets et démobilisés. L'ensemble que vous créez fera de l'audiovisuel public un véritable chaos.
Vous intitulez ce projet de loi « nouveau service public de la télévision ». Je vais conclure en ouvrant des pistes de réflexion que je soumettrai au Gouvernement. Croyez-vous qu'il soit possible aujourd'hui de mettre de côté la réflexion sur les missions du service public ? Croyez-vous, comme le propose en quelque sorte le projet de loi, que l'Assemblée nationale doive se débarrasser de la question de l'identité du service public, de sa vocation, de la conception de sa ligne éditoriale, et tout cela au profit du développement – au travers de l'article 1er – d'une structure France Télévisions que vous savez déjà condamnée au plan économique, financier et social ?
Il eût été intéressant pour la commission Copé comme pour vous, madame la ministre, de proposer une véritable réflexion sur l'adaptation ou sur les priorités des missions du service public aujourd'hui. Mais tout cela est complètement mis de côté, monsieur Copé, au profit d'une tuyauterie non crédible, d'un nouveau modèle économique et organisationnel qui conduira, avant longtemps, le service public à la faillite.
Madame la présidente, convenez que la majorité n'abuse pas de son temps de parole. À seize heures dix déjà, nous n'avons fait qu'entendre toute une litanie – il ne s'agit pas d'un débat – de l'opposition. Je trouve cela regrettable.
Je comprends parfaitement l'embarras de l'opposition devant l'article 1er. Il se traduit pas des pudeurs sémantiques auxquelles nous n'étions pas habitués, y compris de la part de M. Mamère. Des pudeurs de jeunes filles que traduisent l'ensemble des propos : « Nous ne sommes pas opposés par principe à l'entreprise unique » ; « Pas d'hostilité de principe à l'entreprise unique ». Notre collègue Elisabeth Guigou a même reconnu qu' « il ne faut pas nier l'intérêt de l'entreprise unique ».
Quel embarras, vraiment ! Pour s'en convaincre, il suffit d'ouvrir, comme le dit Marius, la « boîte à souvenirs »
Qu'y a-t-il à l'intérieur ? Nous avons abordé tous ces sujets au sein de la commission sur la nouvelle télévision publique, présidée par Jean-François Copé. Mes chers collègues de l'opposition, un certain nombre d'entre vous ont participé à ses débats. Vous y êtes restés trois mois et ne l'avez quittée que trois semaines avant la remise du rapport, et cela, vous le savez, sur ordre du groupe socialiste (Protestations sur les bancs du groupe SRC), alors que vous étiez d'accord sur de nombreux points, en particulier sur le concept de l'entreprise unique et du média global.
Monsieur Mathus, vous êtes trop avisé et trop fin connaisseur de ces questions pour prendre la parole pendant trois minutes afin de nous expliquer que « média global » et « global media », ce n'est pas tout à fait la même chose, en parlant d'un sabir de latin et d'anglais ! Vous n'avez là d'autre intention que de faire durer le temps de parole !
Comment ne pas être d'accord sur la nécessité de transformer cette myriade de sociétés – 49 – en une entreprise unique de France Télévisions, en donnant à son président un vrai rôle, et non une vague fonction de coordinateur ? La première communication publique de la commission portait sur l'entreprise unique et le « média global ». Je ne me souviens pas que vous ayez manifesté un quelconque désaccord.
Pour vous sortir de cet embarras, vous misez sur la peur en caricaturant le projet de loi. Vous voulez faire peur aux créateurs,...
…en parlant du guichet unique, alors que cette question est réglée. Nous avons affirmé que la création était au coeur de ce projet de loi et que la priorité était donnée aux créateurs. Nous avons répété qu'il ne s'agissait en aucun cas de créer un guichet unique, mais de maintenir, au contraire, la diversité de création au sein du groupe France Télévisions.
Vous voulez faire peur aux 11 000 salariés de France Télévisions, en parlant de plan social et en confondant cette notion avec l'application de la pyramide des âges, qui n'a strictement rien à voir avec un plan social.
Vous caricaturez cette loi dès le premier article alors qu'il avait obtenu un accord de votre part. Comment pourrait-il en être autrement quand on sait qu'en créant cette entreprise unique, en favorisant la mutualisation d'un certain nombre de métiers, on permet effectivement l'émergence d'un média global ? Et tout le monde s'accorde à penser que celui-ci est adapté à la généralisation des techniques numériques.
En vérité, il serait préférable d'en revenir à un examen normal des articles. Loin de moi l'idée de refuser le débat et de ne pas respecter l'opposition : il est légitime qu'elle s'exprime et j'ai trop d'estime pour Jean-Marie Le Guen pour avoir besoin de le préciser. Mais le débat parlementaire n'a rien à voir avec la litanie de slogans que vous ne cessez d'égrener, laquelle n'est rien d'autre que de l'obstruction. Depuis le début, vous n'avez fait que ressasser vos obsessions, qui tournent autour du Président de la République et de caricatures qui n'ont rien à voir avec l'objet du texte. Je souhaite que nous débattions maintenant de manière sereine, dans le respect de la procédure parlementaire et des temps de parole. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
À ce stade du débat, permettez-moi de vous livrer quelques remarques personnelles et de vous dire à quel point l'angle d'attaque choisi par l'opposition sur la réforme de la télévision publique me navre.
Avec de nombreux collègues, de droite comme de gauche, nous nous sommes beaucoup impliqués dans ce dossier.
Nous avons appréhendé le monde très particulier de la télévision avec sa diversité de métiers – créateurs, producteurs, auteurs, diffuseurs, sans oublier les spectateurs – en faisant preuve de la plus grande objectivité possible, sans préjugés et animés par un seul souci : permettre à la télévision française en général et à la télévision publique en particulier de prendre le virage de la modernité. Cela vingt ans que l'on parle de réforme de la télévision publique sans que jamais l'on ait eu le courage de dépasser le stade des colloques, des débats ou des dîners en ville !
Inutile de protester, chers collègues, vous savez très bien de quoi je parle !
Ensemble, nous avons essayé d'imaginer la télé de demain. Nous avons procédé à des centaines d'auditions et nous avons écouté les uns et les autres.
Mais vous, vous vous opposez systématiquement à toutes nos propositions !
Remettons les choses en perspective. Nous proposons que France Télévisions devienne une entreprise unique. Qui peut s'opposer à cette idée de bon sens ? Je vous rappelle tout de même que France Télévisions est composée de quarante-neuf sociétés différentes, qui ne se parlent pas et n'opèrent aucune synergie qui irait dans le sens d'une modernisation, à l'instar de ce qui se passe dans d'autres télévisions publiques européennes.Qui peut, raisonnablement, s'opposer au principe de l'entreprise unique ?
Aucun de vos arguments ne tient la route et au fond de vous-mêmes, vous le savez !
Il m'est arrivé de débattre avec vous, monsieur Bloche, y compris à la télévision. Or j'ai dû constater que, sur ces sujets, vous aviez moins de souffle que moi ! (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)
Merci, madame la présidente, de rééquilibrer le débat.
Lorsque l'on a rendez-vous avec la modernité, on ne peut donc décemment prétendre qu'une entreprise unique pour la télévision publique est une mauvaise idée.
Deuxième remarque : vous bataillez – paradoxe invraisemblable – contre la suppression de la publicité sur France Télévisions alors que vous n'avez cessé, ces dernières années, de vous plaindre qu'il y en avait trop. (Protestations sur les bancs du groupe SRC.)
Même vous, monsieur Bloche ! En 2000, vous déclariez, je vous cite : « Vous avez raison d'estimer que les missions de service public ne sont pas remplies et qu'elles le sont parfois, par défaut, par les chaînes du privé, et que, de ce fait, le service public a un problème d'identification. »
« Il est vrai aussi, ajoutiez-vous, que la publicité est trop présente sur les chaînes de télévision publique, ce qui nuit à la qualité des programmes. »
Ce ne sont pas mes propos, monsieur Bloche, je n'ai fait que reprendre les vôtres !
Soit, mais alors pourquoi expliquez-vous, depuis le début, que la suppression de la publicité serait l'horreur intégrale ? (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)
Vous êtes en complète contradiction, chers collègues. Je déplore, à nouveau, votre angle d'attaque, aussi brutal et paradoxal. Il semble que vous n'ayez toujours pas réussi, même depuis Reims,…
Allons, messieurs, laissez s'exprimer le président de la commission spéciale !
Merci, madame la présidente. On ne va pas passer trois plombes là-dessus !
Troisième remarque : nous proposons…
Laissez-moi poursuivre !Non contents d'utiliser 90 % du temps de parole, vous ne me laissez même pas terminer mes phrases !
Comme vous n'arrivez pas à maintenir le calme, madame la présidente, nous venons à la rescousse !
Troisième remarque : nous proposons un projet de développement culturel comme il n'en a jamais existé.Nous sommes les seuls à avoir préconisé un projet aussi global et ambitieux pour la télévision publique française.
Sur ces sujets qui touchent à la création, à l'innovation et à la définition de vraies missions de service public, il y avait de quoi nous retrouver. Que vous ne vouliez pas voter telle ou telle disposition,…
…comme les conditions de nomination du président ou l'organisation du financement, ne me choque pas. Mais que vous soyez aussi hostiles à ce projet de loi parce que vous êtes incapables de proposer un projet alternatif – sur la télévision publique ou sur tout autre sujet d'ailleurs – est révélateur du malaise profond qui touche l'opposition française. J'irai jusqu'à dire que l'opposition nous manque, à nous majorité ! (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)
Si vous cherchez une opposition, regardez du côté de M. Dionis du Séjour !
Nous devrions, vis-à-vis du monde de la création, être capables d'assumer une réforme moderne pour une télévision publique dont le principal objectif est d'apporter aux téléspectateurs une autre vision que celle des télévisions privées.
Cette réforme permettra de changer la vie quotidienne des téléspectateurs. Pouvoir accéder à des programmes dès vingt heures trente et, en deuxième partie de soirée, à vingt-deux heures quinze, voilà qui permettra à l'audiovisuel public de montrer d'autres émissions que le privé. Quel paradoxe que ce ne soit pas dit par quelqu'un de gauche, mais par un membre de la majorité !
C'est la preuve que les temps ont bien changé, mes chers collègues. (Rires sur les bancs du groupe SRC.) Heureusement que nous sommes là pour porter la réforme car, de ce côté de l'hémicycle, les conservatismes sont à tous les étages ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Nous allons à présent examiner une série d'amendements de suppression de l'article 1er. Je rappelle que vous êtes nombreux, chers collègues, à vous être déjà largement exprimés sur l'article.
Plusieurs députés du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche. Et alors ?
Monsieur Copé, la commisération suffisante ne tient pas lieu de hauteur de vue.
La patience est le courage de la vertu, disait Cicéron. Il vous faudra donc, cher Michel Herbillon, faire preuve de beaucoup de patience et accepter l'idée que l'opposition ne soit pas toujours d'accord avec vous.
Je relèverai quelques contrevérités proférées par le président de la commission spéciale et par Michel Herbillon. Nous sommes trois, au groupe socialiste, à avoir participé loyalement à la commission Copé, parce que nous estimions que c'était notre devoir, jusqu'au jour où, au petit matin, sur une radio périphérique, nous avons entendu le Président de la République expliquer que les choix étaient faits et que la commission Copé n'avait plus à s'en occuper. C'est précisément ce jour-là que nous avons estimé qu'il était largement temps de quitter ce navire en perdition, dont la fonction manifeste était de tromper l'opinion et de servir de subterfuge aux yeux des professionnels, qui s'y sont d'ailleurs laissé prendre, ce qu'ils regrettent amèrement aujourd'hui. Vous avez, comme moi, pu lire les tribunes libres publiées ces derniers jours dans la presse nationale sous la plume de M. Chabalier et de quelques autres. Dans un premier temps, ils y avaient cru, estimant même que nous avions fait preuve de pessimisme et que nous n'aurions pas dû quitter la commission. Aujourd'hui, ils admettent que nous avions raison et ils ont pris conscience d'avoir été trompés, roulés dans la farine par la commission Copé, qui a abouti à un projet de loi visant à euthanasier le service public de la télévision.
Notre amendement de suppression de l'article se comprend de fait, et M. Copé, avec ses rodomontades ridicules, est à côté du sujet !
En l'état, nous sommes opposés à ce projet de loi et à la manière dont y est conçue l'entreprise publique, je l'ai déjà expliqué. La représentation nationale n'aura plus de droit de regard sur la géométrie du service public. Je vous donne un exemple. Nous sommes quelques-uns à avoir milité en faveur d'une chaîne Enfance-jeunesse du service public, sans aucune publicité.
Selon nous, une chaîne Enfance-jeunesse aurait été plus légitime que France 4. Eh bien, un tel débat ne pourra plus avoir lieu dans cet hémicycle, car France 4 n'est plus une société éditrice de programmes. C'est la direction de France Télévisions qui décidera de la géométrie du service public. Des sujets essentiels échapperont donc au Parlement.
En matière de publicité, nous avons toujours été en faveur d'une limitation. C'est du reste ce que nous avons mis en oeuvre avec la loi d'août 2000. Patrick Bloche s'était exprimé à l'époque pour défendre cette position. Que n'a-t-on alors entendu de la part de nos collègues qui ont combattu avec vigueur cette loi !
Permettez-moi de vous rafraîchir la mémoire, monsieur Copé : la seule loi novatrice qui ait vu le jour en vingt-cinq ans a été réalisée par la gauche. C'est nous qui avons, en effet, permis l'émergence de la télévision numérique terrestre. En matière d'audiovisuel, le seul souci de la droite au pouvoir, c'est de faire en sorte qu'il y ait moins de chaînes, moins d'émetteurs, moins d'information !
Nous, nous avons créé des espaces de liberté, des chaînes nouvelles. Nous avons permis l'émergence de la TNT, qui est un grand succès : on compte aujourd'hui des dizaines de chaînes gratuites, mais c'est un sujet qui nous divisait à l'époque !
Nous y sommes parvenus malgré les tentatives du gouvernement Raffarin en 2002 pour freiner au maximum le dispositif d'application et de montée en puissance de la télévision numérique terrestre. Ce succès est à mettre au crédit d'un gouvernement de gauche.
Voilà pourquoi nous sommes hostiles à l'article 1er qui, en dépit de quelques éléments positifs, jette le bébé avec l'eau du bain !
La parole est à M. Michel Françaix, pour soutenir l'amendement n° 269 .
J'attendais que Mme la ministre réponde aux questions que nous venons de lui poser, mais peut-être se réserve-t-elle pour plus tard, de même que le rapporteur…
Je crains que, dans cinq ans, on ne fasse dire à Didier Mathus le contraire de ce qu'il a dit. Il a clairement déclaré qu'il appelait de ses voeux des émissions pour la jeunesse sans publicité ; un jour, M. Copé prétendra que M. Mathus s'est opposé à toute publicité sur le service public ! Ainsi a-t-il intenté tout à l'heure un procès d'intention à M. Bloche…
… qui insistait simplement sur la nécessité de concilier publicité et redevance et sur la part excessive réservée à l'époque à la publicité, part que nous avions réduite. Mais nous n'avons jamais dit qu'il fallait anéantir la publicité !
En outre, il est quelque peu malhonnête de présenter la publicité comme la seule forme de dépendance. Notre collègue l'a bien expliqué : la dépendance politique ou éditoriale est bien plus puissante. Ainsi, au nom de la pureté d'intentions qu'affichent désormais M. Copé et d'autres parmi vous, vous érigez la publicité en mal absolu, alors qu'elle peut être une source de création et comprend de nombreux autres atouts. Du reste, la jeunesse ne s'y retrouverait pas si la publicité ne faisait aucune place à la créativité.
Revenons à l'essentiel : oui, nous sommes favorables à une entreprise unique. Ce faisant, je l'ai dit, nous n'avons pas l'impression d'être révolutionnaires ! En outre, la personne désignée pour diriger cette entreprise a pour mission de la gérer le mieux possible. Mais pourquoi l'inscrire aussi fortement dans la loi, sinon pour cacher quelque chose ? C'est là ce qui nous inquiète : la volonté d'homogénéiser France Télévisions dissimule des arrière-pensées. Or, si j'apprécie les courants de pensée, je n'aime pas les courants d'arrière-pensées ! (Sourires.)
On pourrait utiliser la formule ailleurs ; mais elle vous va tellement bien ! (Rires.)
Pour ma part, je suis favorable à la diversité ; je ne pense pas qu'une seule eau doive nous désaltérer, et je n'ai rien contre ceux qui préfèrent d'autres boissons. (Sourires.) Or vous proposez une entreprise rabougrie, qui ne permettra plus aux créateurs de s'exprimer, ni à la diversité d'exister pleinement.
Les choses sont claires : aux yeux du Président de la République, les entreprises de demain sont une marque. Pour nous, en revanche, elles se caractérisent d'abord par une vision éditoriale. Peut-être est-ce là le fondement de nos divergences.
Pour nous, la marque doit être précédée par la vision éditoriale ; de votre côté, vous êtes si attachés à la marque que vous vous désintéressez et du pluralisme, et de la vision éditoriale.
La parole est à M. Marcel Rogemont, pour soutenir l'amendement n° 270 .
Je souhaite revenir aux propos que vient de tenir le président Copé. Il nous a servi la messe : à l'entendre, vous ne chercheriez qu'à défendre la qualité éditoriale et à faire progresser la télévision publique pour en faire un média global, un global media, que sais-je encore ?
Mais cette éloquence dissimule une réalité. Pourquoi légiférons-nous aujourd'hui ? Parce qu'un beau matin, après avoir discuté avec un tel ou un autre, le Président de la République s'est réveillé et a décrété qu'il allait supprimer la publicité sur France Télévisions…
Dès lors, toutes les bonnes intentions dont M. Copé vient de faire état ne sont qu'un rideau de fumée destiné à masquer le véritable problème auquel la télévision publique est confrontée.
Je le répète : nous réclamons du temps. Il n'est pas normal que l'on en vienne, en quelques semaines, à légiférer sur France Télévisions, prenant tout le monde à revers – même vous, madame la ministre ! Si l'on avait vraiment voulu résoudre les problèmes soulevés tout à l'heure par le président Copé, il aurait fallu les dissocier de la question de la suppression de la publicité et débattre dans d'autres conditions que celles qu'a imposées le Président de la République. Tel est le péché capital de cette réforme.
En instaurant l'entreprise unique, vous cherchez tout simplement à supprimer un millier d'emplois à France Télévisions et à faire des économies. Un point, c'est tout ! C'est dommage, car nous sommes plutôt favorables à l'entreprise unique.
Nous envisagions d'ailleurs déjà cette réforme lorsque nous avons créé France Télévisions.
Si l'on peut discuter du reste, le problème principal que pose la présente réforme est le financement de l'entreprise.
Non : dès l'article 1er, l'argumentation en faveur de l'entreprise unique prévoit 140 millions d'économies. Voilà qui vide les propos du président Copé de leur sens. En effet, quand on veut transformer une entreprise, il faut commencer par investir avant d'appliquer la réforme. Or la réflexion actuelle dont France Télévisions fait l'objet n'en tient pas compte. Pour réaliser des économies, il faut d'abord investir, sans quoi le fonctionnement même de France Télévisions et son personnel en pâtiront. C'est là le problème majeur.
Étant donné les conditions dans lesquelles vous proposez aujourd'hui de la créer, nous sommes donc défavorables à l'entreprise unique, et nous nous opposons à l'expression unique du Président de la République au sein de cette entreprise unique.
Pour préparer l'avenir, encore faut-il ne pas avoir la mémoire courte et faire la lumière sur le passé. Je ne peux donc laisser M. Copé prétendre qu'en dehors du présent projet de loi, rien n'aurait été fait en matière d'audiovisuel depuis vingt-cinq ans.
Dois-je vous rappeler que c'est en 1982 que la gauche a enfin libéré les ondes en autorisant les radios libres ? Que c'est en 1984 qu'elle a créé Canal Plus ? Que c'est en 1985 qu'elle a autorisé la création des chaînes privées qu'étaient La Cinq et M6 ? Que le traité franco-allemand créant Arte date de 1991 ? Enfin, faut-il vous rappeler, après mes collègues du groupe SRC, la grande loi Trautmann-Tasca de 2000, qui a permis, malgré l'opposition des grands groupes privés, de lancer la TNT et d'en assurer la diversité et la gratuité, qui en font aujourd'hui le succès ?
De votre côté, qu'avez-vous fait depuis 2002, depuis que le suffrage universel vous a rendus majoritaires, notamment dans cet hémicycle ?
Rien, absolument rien – si l'on excepte, ici ou là, par voie d'amendement et de manière subreptice, des petits cadeaux aux amis du club du Fouquet's ou les quelques verrous anti-concentration que vous avez levés. M. Lefebvre, notamment s'en est fait une spécialité… Dieu sait pourtant s'il en faudrait d'autres aujourd'hui, bien plus efficaces !
Peut-être devrais-je également vous rappeler la suppression, en 2004, de la perception de la redevance pour les résidences secondaires. Quelle grande loi ! On en rirait presque, d'autant que c'est par ailleurs sous votre responsabilité que la redevance a été bloquée à 116 euros, et même réduite de 0,50 centimes, depuis 2002. C'était une grave erreur de gouvernance : il eût fallu au moins…
… indexer la redevance sur l'évolution du coût de la vie.
S'agissant du concept d'entreprise unique, c'est la grande loi de 2000 voulue par la gauche qui en a esquissé la perspective et qui a fixé le cadre de son développement. Ce n'est donc pas sur le principe que nous nous opposons à votre projet de loi, en particulier à son article 1er, mais au nom de ses modalités d'application et de ses conséquences. Ainsi, dans l'exposé des motifs, la justification de la fusion-absorption que permettra, s'il est voté, ce funeste projet est aussi inquiétante que déroutante : il s'agit de « favoriser les économies d'échelle et la mutualisation d'un certain nombre de métiers ». « Économies » : le mot est lâché !
De fait, il ne s'agit pas de prendre parti pour ou contre la publicité à la télévision, en particulier publique. Voici la véritable question à laquelle nos concitoyens attendent que nous répondions : l'audiovisuel public disposera-t-il d'un financement pérenne, comme l'exigent ses missions et alors que, devenant entreprise unique, France Télévisions doit être présente et diffuser ses contenus sur les différents supports numériques, c'est-à-dire assurer sa diversification ?
J'insiste enfin sur le fait que les parlementaires de l'opposition comme de la majorité ont été interpellés par le Mouvement du 2 juin pour que vive la télévision, composé de quarante-six organisations essentielles à la structuration des politiques culturelles en France. Elles nous ont notamment demandé que soient maintenus la diversité éditoriale de chaque chaîne du groupe ; les unités indépendantes de programmes – fiction, documentaire, jeunesse, magazine, cinéma, spectacle vivant et divertissement – dirigées par des professionnels ; la dimension régionale de France 3 dans sa diffusion nationale.
Or le principal risque que présente ce projet de loi est l'assimilation, pour des raisons budgétaires, entre entreprise unique et guichet unique. Les créateurs de ce pays insistent pourtant, au nom de la diversité et du pluralisme, pour que l'on rejette cette uniformisation.
Au-delà de la question du pluralisme de l'information, il me semble que regarder le journal de 20 heures de France 2, ce n'est pas la même chose que regarder le Soir 3 de France 3. Nos collègues Luca et Myard ont été bien mal inspirés en demandant la suppression du journal de France 3. Par ailleurs, dans le domaine des documentaires et des fictions télévisées, il faut à tout prix maintenir une multiplicité de prescripteurs, parce que les fictions de France 2 ne ressemblent pas non plus à celles de France 3. Oui au pluralisme et à la diversité, non à l'uniformisation !
Je remercie Patrick Bloche : grâce à la sagacité qui le caractérise, il a réussi à débusquer dans le texte touffu d'un exposé des motifs, tous aussi ronflants les uns que les autres, le seul et unique but de ce projet de loi, à savoir la réduction du service public audiovisuel.
Selon vous, il s'agirait rien de moins que de refonder la télévision publique française et d'inventer la télévision de service public du XXIe siècle. Chers collègues, laissez-moi vous dire que vous avez une vision bien triste du XXIe siècle : étriqué, uniformisé, avec une télévision publique soumise à la volonté d'un seul, un président de France Télévisions nommé par le Président de la République lui-même, révocable à l'envi, toujours à la merci d'une manifestation d'humeur provoquée par la manière de traiter un sujet, de présenter une rubrique, de mener une investigation ou par la simple présence d'un journaliste à une manifestation.
Quelle vision du service public audiovisuel !
Rien ne vous arrête, et vous allez jusqu'à prétendre, dans ce même exposé des motifs, que la réforme permettra au service public audiovisuel de toucher tous les publics et d'accéder enfin à la dimension de média global dont il est tant question alors qu'on ne lui donne aucun moyen, qu'on lui en retire même.
Comme mes collègues du groupe SRC l'ont souligné, la TNT avait été prévue dès l'été 2000 par la majorité d'alors.
C'est faux ! Elle a été anticipée en 2000 par un amendement d'un sénateur RPR, M. Hugot ! Ne nous racontez pas d'histoires !
Mais vous, qu'avez-vous prévu pour le basculement vers le numérique et son développement ?
Qu'avez-vous prévu pour donner aux chaînes – et pas seulement celles de France Télévisions, je pense aussi à Arte – des moyens suffisants pour affronter les enjeux auxquels elles sont confrontées ?
Parmi ces enjeux, il y en a un qui est considérable : la télévision à la demande. Elle représente l'avenir en termes d'usage de la télévision, permettant aux téléspectateurs de visionner un programme de leur choix à toute heure du jour et de la nuit. Si vous souhaitez que les chaînes de France Télévisions, du moins celles que vous n'avez pas encore condamnées, touchent tous les publics, il faut donner les moyens au groupe et à ses sociétés d'entrer de plain-pied dans ce nouveau dispositif technique. Or il semble que vous y ayez renoncé.
De surcroît, vous habillez par d'aimables intentions un texte qui condamne purement et simplement la diversité et le pluralisme, au détriment non seulement des chaînes de l'audiovisuel public mais aussi de tous les secteurs de la création audiovisuelle.
Lorsque l'on s'attaque aux capacités de commandes, qui font tout le prix du pluralisme du service public audiovisuel, c'est la création même qui est affectée. L'ambassadeur de France en Grande-Bretagne a d'ailleurs reçu des protestations formulées par des scénaristes britanniques, qui s'inquiètent de la manière dont ce projet de loi a été préparé et de ses conséquences.
Alors, chers collègues, ne nous accusez pas d'obstruction quand nous cherchons seulement à vous alerter sur les intentions réelles qui sous-tendent ce projet de loi. Mais peut-être vous échappent-elles tout simplement ? Car je crois que vous êtes nombreux à vouloir, en toute sincérité, un service public de qualité.
Vérifiez même la teneur de certains amendements subrepticement déposés par vos collègues : ils vont jusqu'à imposer le contenu du prime time, enfin libéré de la publicité, en proposant des émissions ennuyeuses, qui décourageront à coup sûr le public de regarder les chaînes du service public à vingt heures trente-cinq.
Voilà pourquoi nous vous invitons à voter les amendements que nous avons déposés. Non à l'uniformité, oui au pluralisme et à la liberté d'expression, oui au grand service public de l'audiovisuel dont notre pays a besoin.
La parole est à M. Patrick Braouezec, pour soutenir l'amendement n° 849 .
J'aurais aimé revenir sur certains arguments développés par M. le président de la commission et par M. Herbillon, mais je ne peux m'adresser directement à eux, puisqu'ils sont absents.
Il n'y a pas, d'un côté, des conservateurs qui ne voudraient rien changer et, de l'autre, des modernes, qui voudraient tout changer, ou du moins pas là où les rangeait tout à l'heure M. Copé.
Si nous sommes rassemblés ici, c'est parce que, un certain 8 janvier, le Président de la République a annoncé tout à trac la suppression de la publicité sur France Télévisions. Mme la ministre elle-même n'était pas prévenue – j'en ai la ferme conviction –, et les responsables de France Télévisions ont été les premiers surpris : ils étaient au contraire en train de réfléchir à une relance de la publicité sur les télévisions publiques et même à un éventuel accroissement de la durée des écrans publicitaires, comme certains ont pu nous le dire lors d'auditions ou de rencontres.
Aujourd'hui, il y a donc, d'un côté, ceux qui exécutent un ordre venu d'en haut et, de l'autre, ceux qui – n'en déplaise à M. Herbillon – argumentent pour démontrer que ce projet de loi est néfaste pour la télévision publique et les téléspectateurs.
Je voudrais rappeler à M. Copé, qui se gargarise des auditions de la commission spéciale, qu'auditionner des personnes, ce n'est pas forcément les entendre.
Ainsi, après avoir été, dans un premier temps, étroitement associées aux réflexions de la commission, certaines personnes auditionnées se désolidarisent à présent totalement du projet de loi, ce qui prouve qu'elles ont été dupées.
Nous assistons à une véritable opération de déstabilisation de la télévision publique. Certes, nous pourrions être en accord avec certaines dispositions du projet de loi. La création d'une holding ne nous paraît pas mauvaise en elle-même. Encore faut-il définir le rôle de chacune des chaînes de télévision – je dis bien des « chaînes » et non pas des « filiales ». De même, personne dans cet hémicycle n'est hostile à l'idée de diminuer le nombre de publicités sur France Télévisions. Encore faut-il que cette réduction soit graduelle et qu'il soit prévu, suffisamment à l'avance, une pérennisation des recettes,…
… par exemple, sur dix ans, à l'instar de la solution retenue par la BBC, si souvent citée en exemple. Il faudrait qu'une véritable garantie soit inscrite dans la loi pour permettre à France Télévisions de répondre à sa mission de service public.
Cela étant, nous souhaitons que cet article 1er soit supprimé. Et, si nos amendements ne sont pas adoptés, nous proposerons des amendements de repli visant à préciser les missions de chacune des chaînes. Il nous paraît important de ne pas tout confondre et de ne pas tout mêler dans cette holding : les spécificités de chaque chaîne doivent être respectées.
La commission a donné un avis défavorable à ces amendements, ce qui n'étonnera personne. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)
D'abord, la suppression de cet article reviendrait à saper les fondements mêmes du projet de loi.
Ensuite, malgré ce que vos approximations laissent penser, vous avez été pleinement associés à la réflexion sur l'entreprise unique. Durant la période où vous avez siégé à la commission, …
…il était déjà question de manière explicite de la création d'un tel groupe et je ne me souviens pas que vous l'ayez contestée.
Si, nous avons tout de suite protesté contre les conséquences d'une telle décision !
En outre, vous nous reprochez de n'avoir pas fait grand-chose depuis 2000 et, lorsque nous présentons un projet ambitieux, vous le contestez immédiatement, remettant en cause ses fondements mêmes. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)
Cependant, nous avons été attentifs à vos arguments. Selon vous, une société unique fait courir le risque d'un guichet unique : rien de plus faux ! Et pour dissiper toutes les inquiétudes qui pourraient se faire jour à ce sujet, Frédéric Lefebvre et moi-même avons déposé un amendement n° 615 .
À vous entendre, le problème viendrait de la décision prise par le Président de la République un beau matin.
Est-ce à dire que vous reprochez au Président de la République de se lever plus tôt que vous et d'avoir des idées avant vous ? (Protestations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
Ce que nous lui reprochons, c'est de faire opération de communication sur opération de communication !
La transformation en une entreprise unique était réclamée par beaucoup. Rappelons que, actuellement, France Télévisions comprend quarante-neuf structures différentes…
TF1 étant devenu votre référence, vous m'expliquerez son fonctionnement. Pour ma part, je n'en suis pas spécialiste.
Il était grand temps d'y mettre un peu d'ordre. C'est ce que nous faisons et il serait malvenu que vous nous le reprochiez.
Enfin, à Mme Mazetier qui évoquait le risque de programmes ennuyeux, je rappelle que les programmes culturels ne sont pas forcément synonymes d'ennui.
Le Gouvernement émet également un avis défavorable. Ces amendements ont quelque chose d'étonnant, car l'idée d'une entreprise unique est approuvée par un grand nombre d'intervenants. C'est un projet ancien, réclamé depuis longtemps par les dirigeants de France Télévisions, qui souhaitent exercer un management plus direct et dynamique, soutenu par les mutualisations et les synergies qui ne manqueront pas de se créer.
Vous prétendez que l'emploi du mot « entreprise » sous-entend que nous avons des arrière-pensées.
Je ne sais pas comment on peut vouloir l'entreprise unique sans écrire ce mot.
Vous craignez également qu'on aboutisse à une espèce de raréfaction des commandes. Au contraire, les différentes antennes qui vont être maintenues, sur le modèle de Radio France, ont un besoin considérable de programmes. Aussi allons-nous faire en sorte que les commandes passées auprès des producteurs et des créateurs soient plus ambitieuses et plus intéressantes, ce qui sera possible dès lors que l'exigence d'audience, calculée chaque jour, heure par heure, aura disparu. Nous pourrions donc, je crois, nous retrouver sur ces objectifs communs.
Quant aux producteurs et créateurs anglais, je doute qu'ils soient désespérés par ce que nous mettons en place.
Il n'y a pas un seul pays européen qui mobilise autant de moyens pour ses créateurs et ses producteurs. En ce qui concerne le cinéma, secteur qui se porte bien, nous mettons à contribution toutes nos chaînes. France Télévisions devra diffuser 420 films par an, dont 200 en première partie de soirée, et passer de 365 millions d'euros à 420 millions d'euros d'ici à trois ans. Ce sont des engagements très forts et les signatures récentes des accords interprofessionnels en sont la preuve.
Je pense donc que la création de l'entreprise unique est une bonne idée et qu'il s'agit là d'une réforme ambitieuse, comme l'avait été à l'époque celle concernant la TNT dont le cadre juridique avait été créé par le sénateur RPR Jean-Paul Hugot en 2000, comme l'a rappelé M. Martin-Lalande. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Le groupe Nouveau Centre, qui est resté discret jusqu'à présent, considère qu'il y a une autre possibilité que l'opposition globale ou l'adhésion totale au projet de loi.
Ainsi, nous proposons de réformer tout de suite France Télévisions en entreprise unique, contrairement à nos collègues de gauche. D'autre part, nous souhaitons le report de l'arrêt de la publicité en 2012. Sur ce point, chers collègues de la majorité, il y a pour le moins une erreur de calendrier. Enfin, nous considérons que la suppression de la publicité se prépare par une hausse progressive de la redevance et par son élargissement.
J'en viens maintenant à l'article 1er. Contrairement à nos collègues de l'opposition – qui, c'est vrai, ont une position nuancée –, nous soutenons la transformation de France Télévisions en entreprise unique, pour trois raisons de fond.
Premièrement, ne soyons pas hypocrites, nous sommes face à un enjeu d'économies d'échelle puisque ce sont 140 millions d'euros qui seront dégagés. On peut se demander si cette somme sera réinvestie ou injectée dans le budget de l'État. En tant que gestionnaires, nous ne pouvons pas balayer d'un revers de main cette économie d'échelle sur laquelle un consensus avait été dégagé.
Je vais faire comme M. Copé et monter au perchoir pour discuter avec Mme la présidente ! (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
La deuxième raison de fond a trait au média global. Didier Mathus nous dit souvent qu'il faut résister à l'ivresse technologique, et il a sans doute raison.
Lors des travaux de la commission spéciale, nous avons montré qu'il n'y aurait pas transformation en média global si deux conditions de réalisation n'étaient pas remplies, dont la réorganisation de la gouvernance. Tant que ce seront les chaînes qui décideront de tout plutôt que les unités d'information et tant qu'il n'y aura pas ce fonctionnement matriciel, comme c'est le cas à la BBC où des unités d'information sont capables de produire les formats que veut chacune des chaînes, le basculement au média global sera difficile.
Nous sommes donc pour l'entreprise unique qui permettra le passage au média global.
Troisième raison, nous voulons une marque forte. Actuellement, France Télévisions n'est pas une marque mais le nom d'un holding. Si on compare France Télévisions et la BBC, on voit bien le chemin qu'il nous reste à parcourir pour atteindre ce niveau de notoriété et d'efficacité commerciale.
En conclusion, nous soutenons la réforme de l'entreprise unique qui doit être faite maintenant. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Madame la présidente, je me suis demandé si nous ne devions pas tous venir vous voir pour plaider notre cause...
..plutôt que d'écouter la très intéressante intervention de M. Dionis du Séjour.
Le président d'un groupe n'aurait donc plus le droit d'aller voir la présidente ?
Il faut respecter la présidence, et ce principe doit prévaloir sur tous les bancs.
Monsieur Lefebvre, je ne suis pas encore licencié ! Aussi, laissez-moi parler ! Vous voulez vous occuper de tout, des plans sociaux, de nous interdire de parler, mais vous ne pouvez pas imposer votre dictature partout !
Mes chers collègues, vous êtes, pour la plupart, des parlementaires expérimentés. Quand ce projet de loi a été élaboré, vous saviez qu'il serait combattu dans cette Assemblée et que nous ne pouvions pas laisser passer quelque chose d'incroyable, tant du point de vue de la conception que nous nous faisons du service public que des libertés publiques. Nous serons donc présents pour vous demander d'arrêter le massacre de la télévision publique.
Quand on fait un texte provocateur, il ne faut pas s'étonner que l'opposition réagisse !
Monsieur Le Guen, j'ai le droit de parler avec les députés présents dans l'hémicycle...
..y compris avec le président Copé. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
La parole est à M. Noël Mamère.
..qui a stigmatisé, à juste titre, l'attitude du président du groupe UMP qui est venu exercer des pressions sur la présidente. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
M. Le Guen débarquait dans la discussion. Aussi fallait-il qu'il montre qu'il était présent !
Or celle-ci a besoin de sérénité pour pouvoir arbitrer nos débats.
Il est normal que l'opposition fasse son travail. Sur ce sujet, nous ne nous opposons pas pour la forme et nous défendons à la fois la télévision et les téléspectateurs qui seront doublement victimes puisque, à un service public au rabais, s'ajoutera une augmentation des abonnements des opérateurs de télécoms.
Chaque jour, on invente un nouvel amendement, ici sur la santé publique, là sur l'environnement ou l'Union européenne. Et pendant ce temps, TF1 se gave du gâteau publicitaire que vient de lui offrir la majorité. Ces largesses vont bien au-delà des deux coupures – qui passent de six à neuf minutes – puisque s'y ajoutent le placement de produits dans les fictions ou les publicités à l'heure d'horloge. Il est normal que nous réagissions quand nous voyons l'ampleur de votre projet qui n'est rien d'autre que la mise à mort du service public. En tant que représentants du peuple, il est de notre devoir d'exprimer, en leur nom, le mépris que ressentent nos concitoyens.
J'en viens à l'article 1er, qui vise à uniformiser le service public. J'approuve M. Dionis du Séjour quand il dit que cette réforme n'était pas urgente, comme je suis d'accord avec l'un des ténors de la majorité actuelle, M. Carrez,...
Monsieur Copé, ne considérez-vous pas M. Carrez comme un ténor de la majorité ? Que je sache, il est rapporteur général du budget !
Je suis d'accord, disais-je, avec M. Carrez qui nous a expliqué qu'il faudra compenser la perte de 450 millions d'euros consécutive à la suppression de la publicité – pour notre part, nous estimons que le montant de la compensation pourrait atteindre jusqu'à 800 millions d'euros –, alors que vous considérez qu'il n'y a pas de problème.
Alors que le Premier ministre nous dit que l'État est en faillite et le Président de la République qu'il n'y a plus d'argent – pourtant, ne promettait-il pas, pendant la campagne présidentielle, qu'il serait le président du pouvoir d'achat et qu'il irait chercher la croissance avec les dents ? –, alors que vous faites, avec le bouclier fiscal, un cadeau de 15 milliards d'euros par an aux privilégiés...
Nous sommes complètement dans le sujet puisqu'il s'agit de financer l'audiovisuel public ! Vous allez ajouter du déficit au déficit et alourdir la fiscalité, ce que M. Carrez désapprouve.
M. Dionis du Séjour a raison : avant de supprimer la publicité, il faudrait d'abord en mesurer l'impact en termes économique, social, éditorial, de programme, de création et de production, et augmenter progressivement la redevance pour parvenir à des niveaux équivalents à ceux de l'Angleterre et de l'Allemagne.
Avec l'article 1er, vous voulez casser le service public. Voilà pourquoi j'aurais souhaité que M. Dionis du Séjour fasse preuve de cohérence en disant qu'il ne votera pas ce projet de loi si la majorité ne répond pas favorablement à ses amendements.
Vous avez pu constater, mes chers collègues, que, jusqu'à présent, l'écoute n'est pas la première vertu de la majorité et du président de la commission spéciale, mais que c'est plutôt le mépris, le dédain et une certaine manière d'humilier l'opposition.
Quant à notre ministre qui siège provisoirement sur ces bancs pour nous écouter, nous ne l'entendons pas beaucoup, et quand nous l'entendons nous ne pouvons pas dire qu'elle exprime une très grande conviction. Je crois que Mme la ministre a été aussi surprise que nous, le 8 janvier 2008, lorsqu'elle a entendu le Président de la République annoncer son intention de supprimer la publicité et demander à ses troupes de se mettre aussitôt au travail pour bricoler – car il ne s'agit que de bricolage – une réforme qui vise à faire des cadeaux à ses amis du Fouquet's et à les payer en cash le plus rapidement possible pour les remercier des efforts qu'ils ont déployés afin de lui permettre d'accéder aux plus hautes marches du pouvoir.
Je suis étonné du silence de nos collègues de la majorité. On dirait que le sujet ne les intéresse pas.
Nous sommes tous sans voix devant le caractère honteux de tels propos !
C'est la teneur du débat qui ne nous intéresse pas ! Parlez plutôt de l'audiovisuel !
..comme des permanenciers ordinaires, alors qu'ils doivent avoir une opinion sur la question, en tout cas nous l'espérons. À moins qu'ils aient honte de ce projet et qu'ils préfèrent ne pas en parler et attendre silencieusement que le temps passe.
Pour notre part, nous ne sommes pas dans cet état d'esprit.
Tout à l'heure, on a entendu l'un de vos collègues dire que les journalistes de France Télévisions étaient tous des gauchistes.
Il serait intéressant qu'il nous explique pourquoi il a tenu de tels propos.
Nous regrettons donc que le débat démocratique soit tronqué par ce silence inattendu de nos collègues de la majorité.
Madame la ministre, il faut faire preuve d'un minimum d'élégance dans la vie publique et politique. Essayer de créditer un sénateur UMP de l'émergence de la télévision numérique terrestre est une performance qui mérite d'être saluée !
La TNT a été créée par la loi Trautmann-Tasca d'août 2000 et par la majorité de gauche qui, à l'époque, siégeait sur ces bancs.
Nous avons créé la TNT, car nous pensions que la télévision française avait besoin de diversité et pour en finir avec un certain monolithisme. Or, aujourd'hui, vous faites le contraire, notamment avec l'article 1er, qui vise à créer une entreprise unique. Est-ce indispensable ? Les dirigeants de France Télévisions n'ont-ils pas les moyens de diriger l'entreprise comme ils le souhaitent ?
Je vais vous poser une colle : qui, sur ces bancs, connaît le nom du directeur général de France 2 ou de RFO ? Personne ! C'est bien la preuve que les chaînes ont déjà, aujourd'hui, une existence mineure. La coquille juridique de la holdingpermet aux dirigeants actuels de France Télévisions d'imposer leur stratégie et leur politique.
Vous comprendrez donc pourquoi l'opposition ne peut voter cet article, d'autant que demeure une inconnue majeure : le plan social. Il ne se passe pas un jour sans que nous ayons une version différente. Le PDG de France Télévisions parle de 900 suppressions d'emplois par départs volontaires. M. Lefebvre affirme le lendemain que, au contraire, il faudra supprimer de nombreux emplois. Mme la ministre, quant à elle, ne s'est pas exprimée sur le sujet devant la représentation nationale. Nous souhaiterions, avant de nous prononcer, qu'elle nous éclaire.
Je demande, madame la présidente, une suspension de séance, afin que nous puissions consulter quelques archives.
Rappels au règlement
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-sept heures quinze, est reprise à dix-sept heures trente-cinq.)
Cette suspension de séance nous ayant permis de nous informer, j'aimerais demander quelques éclaircissements au Gouvernement. Je suis, en effet, assez troublé par la logique de sa politique.
L'objectif premier de ce texte – qui n'est d'ailleurs jamais totalement exposé – tend à supprimer la publicité sur les chaînes du service public, car ce serait un élément déterminant pour l'environnement des téléspectateurs.
Or j'aimerais vous lire un article du journal Les Échos de ce matin, intitulé : « La publicité alimentaire ne sera pas interdite à la télévision. » « Au point mort depuis l'été, le dossier sur la limitation des publicités alimentaires à la télévision afin de lutter contre l'obésité infantile, marque une évolution positive. Selon “La Correspondance de la presse” d'hier, le ministère de la santé vient de transmettre aux différentes parties prenantes (annonceurs, diffuseurs, producteurs et publicitaires) une réponse à la charte proposée avant l'été par les professionnels. Il n'est plus question d'interdiction ou de limitation de la publicité alimentaire à la télévision. Le texte ne cantonne plus les dispositions sur le contenu des publicités alimentaires aux seuls écrans de jeunesse mais les élargit à l'ensemble de la publicité. Enfin, il demande “une réévaluation d'ici à six mois des règles déontologiques”. »
Pouvez-vous, madame la ministre, confirmer cette affirmation ?
De plus, comment peut-on, au regard des missions générales du service public et du fonctionnement de notre société, faire l'apologie d'un projet qui se construit à partir de la suppression de la publicité, en nous expliquant qu'elle est le mal absolu pour le service public de la télévision, et ne pas avoir le courage de prendre des mesures qui s'imposent – ou d'être incapable de les appliquer à sa propre action – alors qu'elles sont de plus en plus majoritaires chez les industriels eux-mêmes ?
Comment pouvez-vous ne pas répondre à la demande de tous les spécialistes de la lutte contre l'obésité infantile et nous faire, ici, le coup de la bonne mesure que représenterait la suppression de la publicité ?
Je suis saisie d'un amendement n° 31 .
La parole est à M. le rapporteur.
Monsieur Le Guen, vous n'avez pas fait de rappel au règlement, mais vous avez interpellé Mme la ministre en marge de la discussion. Elle vous répondra le moment venu !
L'amendement n° 31 , cosigné par M. Copé et M. Herbillon, propose une nouvelle rédaction plus précise du I de l'article 1er afin de clarifier l'objet, le périmètre et les obligations de France Télévisions. Il précise, ainsi, les grandes missions de cette société, que sont la conception et la programmation d'émissions de télévision et de radio, l'édition et la diffusion de services de médias audiovisuels à la demande et la prise en compte de tout autre nouveau média. L'idée générale est d'affirmer que l'on veut faire de France Télévisions un média global dont les programmes seront accessibles à tous les publics au fur et à mesure du développement des technologies numériques. Il s'agit donc d'une remise en ordre d'un article dont nous avions tous jugé la rédaction insuffisante.
J'ajoute que, si cet amendement est adopté, il fera tomber un certain nombre d'amendements. Leurs auteurs n'ayant pas déposé de sous-amendement, comme cela avait été envisagé, ils ne s'offusqueront donc pas que leurs amendements ne soient pas examinés, mais ils pourront se rallier à celui de la commission.
Le Gouvernement est favorable à cet amendement qui précise que France Télévisions pourra développer de nouveaux services de communication en plus des services de télévision traditionnels.
Il dispose, par ailleurs, que les émissions de télévision diffusées par France Télévisions ont un caractère national et local, mais également régional. Le risque d'ambiguïté, qui n'existait guère, est, en conséquence, levé, et j'en suis ravie.
Pourrait-on nous préciser quels amendements sont susceptibles de tomber, si cet amendement n° 31 est adopté ?
Le débat est quelque peu tronqué.
Nous discutons de l'article 1er, qui concerne l'entreprise unique, chère à la majorité actuelle – et je dis bien actuelle ! Or, par cet amendement, vous ouvrez la possibilité de diffuser plusieurs services de communication audiovisuelle par l'intermédiaire de filiales. Le principe de l'entreprise unique est certes évoqué dans les textes, mais je maintiens que, dans la réalité, la fonction économique de France Télévisions commandera nécessairement l'existence de filiales, même s'il est vrai que France Télévisions compte de nombreuses entreprises et qu'il convient probablement d'organiser plus savamment ce groupe. Je réponds donc ici à l'argument précédemment soulevé par M. le rapporteur lorsqu'il dénombrait l'ensemble des différentes sociétés de cette holding.
Dans l'ensemble des entreprises de France Télévisions que vous avez dénombrées, monsieur le rapporteur, il en est plusieurs qui subsisteront. À combien d'entreprises différentes devons-nous nous attendre ? Il serait intéressant de le savoir. J'ai bien compris qu'une filiale doit servir à intégrer tel ou tel service de télévision. Il n'en demeure pas moins qu'il est ici question de diffusion de services de médias par l'intermédiaire de filiales et que cette notion n'est donc pas étrangère à votre projet. J'aimerais savoir le nombre d'entreprises qui vous paraîtraient nécessaires au fonctionnement de France Télévisions.
Effectivement, monsieur Kert, si votre amendement est adopté, il en fera tomber vingt-cinq autres. Je vous concède qu'il rend plus claires et plus précises les missions de France Télévisions, mais il reste néanmoins suffisamment ambigu pour laisser tout loisir par la suite de supprimer des chaînes alors que l'amendement que nous proposons détaille l'ensemble des chaînes avec leurs spécificités.
Il précise que la chaîne France 2 est chargée de concevoir et de programmer des émissions de télévision à caractère généraliste destinées à être diffusées sur l'ensemble du territoire métropolitain, qu'elle propose une programmation de référence et diversifiée, que la chaîne France 3 est chargée de concevoir et de programmer des émissions de télévision à caractère national mais aussi régional et local, que la chaîne France 4 est chargée de concevoir et de programmer des émissions destinées à être diffusées sur l'ensemble du territoire métropolitain, en direction notamment des jeunes et des jeunes adultes, en favorisant l'émergence de talents, que la chaîne France 5 est chargée de concevoir et de programmer des émissions de télévision à caractère éducatif et favorisant l'accès au savoir, à la connaissance, à la formation, et que la chaîne Réseau France Outre-mer est chargée de concevoir et de programmer des émissions destinées à être diffusées dans les collectivités françaises d'outre-mer.
En reprécisant les missions de chacune de ces chaînes, on est fidèle à l'esprit de ce projet qui, si l'on vous croit, n'aboutira pas à supprimer une chaîne ou à renier une mission de service public.
Votre amendement représente sans doute une amélioration, monsieur Kert, mais il ne va pas assez loin. C'est pourquoi je vous demande d'adopter plutôt notre amendement qui reprend l'ensemble des missions de service public des chaînes de France Télévisions et qui interdira de supprimer l'une ou l'autre au bon gré de votre gouvernement ou de ceux qui suivront.
L'amendement de notre rapporteur est intéressant surtout parce qu'il réintroduit la notion de caractère régional des émissions de télévision qui avait été totalement effacée dans le projet de loi gouvernemental, d'une façon assez surprenante et même un peu mystérieuse, pourrait-on dire, puisque le projet ne parlait que d'information locale. Force est de constater que cela a suscité une grande inquiétude parmi les personnels de France 3, qui se sont demandé ce que devenaient les stations régionales.
Je crois que cela mérite un minimum d'explications et je vous demande, madame la ministre, de nous en dire un peu plus sur le sort de France 3. Depuis quelques jours, les effets pervers du projet de loi se font déjà sentir sur les antennes de France 3. La direction de la chaîne est en effet obligée d'utiliser ce qu'on appelle l'access prime time, les quelques minutes avant vingt heures, comme des aspirateurs à publicité puisque ce sont les dernières minutes qui lui restent. Ainsi, très récemment, on a remplacé par de la publicité le rappel des titres des journaux régionaux de France 3, aux alentours de dix-neuf heures cinquante ou cinquante-cinq, ce qui montre bien d'ailleurs que ce projet de loi met en cause la nature de France 3 comme chaîne régionale.
Je me félicite que le rapporteur ait réintroduit la notion de caractère régional, mais j'aimerais que le Gouvernement nous dise un peu plus précisément ce qu'il a en tête et, surtout, qu'il nous dise pourquoi il avait fait disparaître cette notion dans le projet de loi original, parce que cela recouvre quelque chose de sensible. Sur tous les bancs de cette assemblée, nous sommes attachés, je crois, au caractère et aux missions de France 3 régions. Quand on parle des programmes régionaux, on pense d'abord à l'information régionale. Or cette information est remise en cause mécaniquement par les effets pervers de la loi. Je souhaite donc que le Gouvernement s'explique et nous dise quelle est sa façon de voir sur la mission régionale de France 3.
J'ai l'habitude des textes qui suscitent les passions, j'ai participé à la discussion du texte sur GDF-Suez, avec 56 000 amendements. Nous sommes donc là dans des eaux moyennes et sympathiques. Franchement, monsieur le rapporteur, j'ai beaucoup de respect et d'amitié pour vous,…
…mais je vous conseille de ne pas abuser de la pratique qui consiste à réécrire une partie du projet, ce qui fait tomber un certain nombre d'amendements. S'il y a une pratique qui entraîne de la crispation, c'est bien celle-là, et, finalement, on perd plus de temps qu'on ne pense en gagner. C'est un conseil d'ami, mais vous en faites bien entendu ce qui vous semble bon.
J'en viens au fond. Un certain nombre de syndicalistes nous avaient expliqué qu'il faudrait tout de même pouvoir produire. C'est une vraie question. Quelle est notre vision du service public ? A-t-on uniquement des acheteurs et des diffuseurs ou a-t-on des gens qui gardent une force de frappe de production ? Quel est le rapport de force entre diffuseurs publics et producteurs ? En fin de projet, nous avons un tas d'amendements qui, de manière un peu impressionniste, changent un peu les lignes par rapport aux décrets Tasca. C'est une question extrêmement grave. Est-on, oui ou non, décidé à changer les lignes ? Je rappelle qu'il n'y aura pas de média global si l'on ne donne pas aux diffuseurs une meilleure maîtrise des émissions et des films qu'ils auront contribué à financer.
Où en est-on, madame la ministre, sur cette importante question de la modification des rapports entre éditeurs et producteurs ? Êtes-vous en mesure de nous faire une synthèse qui puisse nous rassurer ? Quelques petites touches ont été apportées en commission, mais il nous manque une image d'ensemble. C'est la raison pour laquelle j'avais accepté de déposer l'amendement du mouvement syndical relatif à la production. Si vous pouviez nous éclairer sur ce point, nous vous écouterions avec plaisir.
Je vais mettre aux voix l'amendement n° 31 . (Protestations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
Nous avons posé des questions. Quel mépris de la part du Gouvernement !
N'ayez pas peur de parler, madame la ministre : nous n'allons pas vous manger !
(L'amendement n° 31 est adopté.)
Nous questionnons précisément le Gouvernement, il ne souhaite même pas s'exprimer. Je demande donc une suspension de séance.
Monsieur Mathus, Mme la ministre venait de me demander la parole. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)
Plusieurs députés du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche. C'est avant le vote qu'il faut répondre !
Je ne souhaite apporter que quelques précisions, car nous ne sommes pas dans le cadre de l'amendement de Christian Kert ni même directement du projet de loi.
Je ne vais pas décrire la totalité des accords interprofessionnels.
L'économie générale, c'est un recentrage des obligations des diffuseurs, c'est-à-dire des chaînes, vers la production patrimoniale, avec des règles différentes pour chacune.
Les obligations patrimoniales de France Télévisions en la matière sont considérables. Pour TF1, cela représente actuellement 13,5 % du chiffre d'affaires. M6, dernière à signer puisque cela date de mardi, s'est engagée à consacrer 15 % de son chiffre d'affaires à la production dans son ensemble, en faisant passer la production patrimoniale de 8,5 à 10,75 %, ce qui représente tout de même un effort considérable.
C'est la raison pour laquelle tous les syndicats de producteurs et la SACD, dont nous n'ignorons pas les exigences puisque nous connaissons tous Pascal Rogard, ont signé, ce qui montre bien qu'il y a une satisfaction globale. Ainsi, il était bon que des accords interprofessionnels s'imposent, plutôt que des décrets. C'est vraiment une évolution.
Sur la publicité alimentaire, notre position, depuis le début, est très simple. Il y a effectivement un enjeu, nous le savons. Je crois beaucoup aux chartes, aux démarches pédagogiques, aux spots, à l'information, à des programmes spécifiques qui donnent vie à des personnages susceptibles de porter des messages convaincants.
La publicité alimentaire, pour l'ensemble des chaînes, cela représente 1,4 milliard, et c'est une très grande part du financement, y compris pour l'animation, secteur où nous sommes numéro un et qui nous permet d'exporter dans le monde entier.
Nous préférons avoir une démarche pédagogique plutôt que d'interdire totalement la publicité.
Le nombre de sociétés, monsieur Rogemont, ce n'est pas à moi de le dire. Il ne faut pas tout confondre. Il y a l'échelon politique, qui est le nôtre, et l'échelon opérationnel, qui sera celui du président de France Télévisions.
Si l'on ne retient pas votre amendement, monsieur Braouezec, c'est parce qu'il fait référence à des notions qui figurent dans le cahier des charges. En outre, en réinventant les unités de programme, il est contraire à l'esprit de notre texte.
Cela dit, nous nous retrouvons sur le caractère régional et sur l'ensemble des missions.
Avec la même amitié, monsieur Dionis du Séjour, je vous rappelle que nous sommes en séance publique et que tout peut être sous-amendé, ce qui n'est pas le cas en commission. Si l'on avait conservé tous les amendements, nous aurions eu huit ou dix conversations successives sur le même thème, alors que mon amendement avait un caractère rédactionnel. Il n'y aura qu'un autre cas, je crois, où nous risquons d'avoir le même scénario. Deux fois, cela me paraît acceptable.
Monsieur Mathus, maintenez-vous votre demande de suspension de séance ?
Oui, madame la présidente, mais après le rappel au règlement de M. Mamère.
Rappel au règlement
Mme la ministre nous a parlé des oeuvres patrimoniales et de l'accord passé avec la SACD et son président, M. Rogard. Or nous nous apercevons que les amendements présentés par M. Dionis du Séjour et M. Apparu étendent cette notion d'oeuvre patrimoniale, ce qui ne correspond pas du tout à l'accord de 2005 signé par la SACD.
Monsieur Mamère, ce n'est pas un rappel au règlement. Il y a encore de nombreux amendements sur lesquels vous pourrez vous exprimer.
Madame la présidente, nous avons attendu la réponse de Mme la ministre, qui est intervenue, à rebours de l'ordre habituel des choses, après le vote de l'amendement, c'est-à-dire une fois que tout était terminé. Nous sommes tout de même en droit d'attendre d'un ministre qu'il s'exprime au préalable, afin que nous puissions pleinement déterminer notre vote.
Dans la réponse qu'elle nous a donnée, la ministre a fait l'impasse sur la réaction exprimée aujourd'hui même par la SACD sur la question des oeuvres patrimoniales. Il est question d'oeuvres audiovisuelles traduisant le regard original de leur auteur : j'attends que l'on m'explique quelle est la définition et le périmètre que l'on entend donner à ce regard original de l'auteur dans un produit documentaire de télévision.
Je maintiens ma demande de suspension de séance puisque Mme la ministre ne m'a pas répondu.
Rappel au règlement
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-huit heures, est reprise à dix-huit heures quinze.)
La séance est reprise.
Je suis saisie de sept amendements identiques, nos 303 à 309 .
La parole est à M. Victorin Lurel.
Avant d'évoquer le sort infligé à RFO, permettez-moi de revenir sur la conception qui est celle du Gouvernement en matière de libertés et de démocratie.
Il me semble qu'il y a des gens éclairés d'un côté comme de l'autre, et que, tous, nous défendons un corpus philosophique fondé sur la liberté. Mais lorsque vous créez, non pas l'entreprise unique mais « l'unique entreprise », pour reprendre l'expression de Jean-Marie Le Guen, et que vous visez à en faire un média global, vous cherchez en fait à créer un bloc monolithique de pouvoirs, un bloc détenu par une seule et même personne : le Président de la République. Or, sur les bancs de l'université, on apprend que la démocratie, c'est la séparation des pouvoirs, ce sont les contre-pouvoirs, et que, dans une démocratie, l'information n'est pas une marchandise quelconque, qu'elle ne peut se réduire aux biens marchands car elle véhicule des idées. L'information, c'est la démocratie. Nous n'admettons donc pas que, pour des raisons de concentration et de surdensification du pouvoir, vous présentiez cette mesure comme une avancée, et ce contre vos propres principes de libéralisme politique. Nous vous le répétons une fois de plus : c'est une régression, on revient vingt-cinq ans en arrière. Nous vous le disons sans esprit de provocation. Lorsque nous nous battons pour cette conception éclairée de la démocratie qui, somme toute, est fort vieille et que le Parlement incarne, souffrez que nous défendions nos principes.
Vous supprimez la définition, la mission et l'identité de RFO – vous faites ainsi disparaître allègrement l'article 44 de la loi de 1986 – en la diluant dans ce grand vase sans fond qu'est l'unique entreprise. Je viens de recevoir des nouvelles du personnel de RFO, toutes catégories et tous syndicats confondus, techniciens, administratifs, journalistes : ils sont actuellement dans la rue et sur le parvis de RFO pour protester contre la conception qui est la vôtre et contre la diffusion centralisée depuis RFO. En effet, en créant l'unique entreprise, vous allez supprimer les chaînes, transformées en simples services.
C'est déjà tout un programme de faire disparaître ainsi des chaînes, notamment celles qui sont dédiées à la création – je pense à France 2 Cinéma et à France 3 Cinéma –, mais, au-delà de la remise en cause des missions qui étaient bien définies à l'article 44 de la loi de 1986, je souligne que RFO pose un problème spécifique : il y a neuf stations, voire dix avec le siège à Malakoff. Je reconnais qu'à Malakoff il y a peut-être un problème de gestion, d'efficacité et de performance, mais on pouvait le régler autrement que par la disparition pure et simple de cet ensemble. Vous justifiez un tel changement par la nécessité d'un traitement égal. Les républicains que sont les socialistes sont sensibles au traitement égalitaire, mais tous mes collègues savent que le fait de traiter de manière égale des situations qui sont différentes, ne serait-ce qu'en raison de contraintes géographiques, mais aussi en raison des particularités des diverses cultures françaises, est une discrimination. Cela commande au contraire une spécificité organisationnelle, que ce texte fait disparaître allègrement et avec beaucoup de légèreté. Madame la ministre, nous sommes bien obligés d'insister là-dessus, de le marteler pour que vous finissiez par l'entendre. Ce n'est pas une perte de temps.
En plus de la centralisation à Malakoff, vous allez transformer les neuf autres stations, celles de Guadeloupe, de Martinique, de la Guyane, de La réunion, de Nouvelle-Calédonie, de Polynésie, de Mayotte, de Saint-Pierre-et-Miquelon et de Wallis et Futuna en simples centres d'actualité télévisée. Il y a manifestement là un projet de centralisation de mauvais aloi.
En outre, vous n'hésitez pas à faire disparaître l'identité et les missions, mais sans donner à RFO les moyens d'évoluer puisque, par un amendement subrepticement présenté hier, à seize heures, vous supprimez la publicité : ce sont 18 millions de recettes qui disparaissent. Il vous faudra donc trouver, en plus des 450 millions pour France Télévisions, 18 millions supplémentaires. Ce sont donc 478 millions qui manquent, et vous ne mettez rien en place !
Nous avons un combat à mener et nous voulons être entendus, madame la ministre ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
La parole est à M. Michel Françaix, pour défendre l'amendement n° 304 .
Je voulais dire : « compléter ». Votre projet de loi est si compliqué qu'il nous conduit parfois à des erreurs de vocabulaire !
À ce stade de notre débat, faisons le point : on se rend compte que, à force de concentration et de centralisation, plus personne ne s'y retrouve. Ainsi, tout à l'heure, à propos de France 3, le rapporteur a déclaré qu'il vaudrait mieux ajouter le qualificatif « régional », tandis que d'autres parlementaires de la majorité disent qu'il faudrait abandonner définitivement la télévision nationale pour n'avoir que la télévision régionale. Le rapporteur s'inquiète qu'il n'y ait pas assez de régional, et d'autres ont peur qu'il n'y ait pas assez de national. Quand on en arrive à RFO, l'on se rend bien compte que ce qui est vrai pour France 3 l'est dix fois plus pour elle.
Ainsi, madame la ministre, vous ne pouvez pas, d'un revers de main, supprimer la publicité sur RFO alors que vous vous étiez engagée à ce que cela n'arrive pas. Si votre engagement tient toujours, nous allons entendre votre douce voix répondre, pour une fois, aux parlementaires de l'opposition.
C'est ce que je fais.
Vous pourrez au moins nous rassurer sur ce point.
En tout cas, il est évident que le flottement actuel est la conséquence de la volonté immuable du Gouvernement de centraliser, de concentrer au maximum. Du reste, ces concentrations sont mauvaises pour la diversité, et ne sont même pas bonnes sur le plan économique. C'est un double échec : certains croient que ces mesures rapporteront de l'argent alors que ce n'est pas vrai ; et, sur le plan de la diversité culturelle – que Mme la ministre défend, j'en suis persuadé –, on fait chou blanc.
Je ne reviendrai pas sur les arguments que mes collègues ont développés, mais je souhaite obtenir des précisions sur certains points de la part du rapporteur et du Gouvernement.
Nos amendements visent à faire reconnaître dans le nouveau dispositif la diversité des programmes locaux. Chacun a bien conscience de cette nécessité. Je souhaite que le rapporteur nous précise comment France Télévisions pourra garantir la réalisation de programmes locaux.
Voici une question qui s'adresse à la fois à la ministre et au rapporteur, voire au président de la commission spéciale, et, en la posant, je me fais l'écho des inquiétudes de mon collègueVictorin Lurel : qu'en est-il des amendements déposés par des députés de la majorité et qui visent à supprimer la publicité sur RFO ? J'ai l'impression qu'ils sont le fruit de pressions médiatiques d'origine bien connue. Je crois que le groupe Hersant est très présent par là-bas.
On finirait par croire que certains de nos collègues prêtent une oreille trop attentive aux préoccupations de certains groupes de médias au lieu d'être attentifs au développement de la télévision publique, notamment pour RFO.
Nous le redisons avec force et conviction, puisque nous en avons posé les fondements dans la loi de 2000 : nous sommes pour le principe de l'entreprise unique. Ce que nous refusons, ce sont les modalités d'une réorganisation dans laquelle vous souhaitez nous entraîner à travers votre projet de loi : sans ressources ni moyens suffisants, elle aboutira, à terme, à un démantèlement. Vous nous préparez, hélas, une petite télévision publique, qui ne pourra remplir les nouvelles missions que ce texte lui confie.
Que l'on parle d'entreprise unique – ou de « média global » si l'on veut se payer de mots –, il faut tenir compte de l'acquis, de la mémoire, parce qu'il y a toute une histoire derrière ces mots, celle de l'audiovisuel dans notre pays, tout particulièrement l'histoire de l'audiovisuel public. Évoquer l'identité des chaînes, ce n'est pas évoquer seulement des abstractions ou des marques, mais c'est reconnaître qu'au fil du temps se sont constituées des spécificités que nous souhaitons préserver.
C'est pourquoi nous estimons que la spécificité des télévisions et radios locales de RFO doit être à tout prix préservée. Tel est l'objet de cet amendement qui vise à reprendre en partie l'article 44 de la loi en vigueur, supprimé de façon dommageable par l'article 1er du projet. Il s'agit de préserver l'identité de RFO et les missions qui lui sont confiées, et l'amendement propose à ce titre que l'entreprise unique France Télévisions remette chaque année à son actionnaire principal un rapport sur les moyens engagés afin d'assurer la réalisation des programmes locaux diffusés dans les DOM-TOM.
Pour nous, cette série d'amendements vaut test : si vous estimez, mes chers collègues de la majorité, que, dans l'entreprise unique que vous vantez tant, l'identité des chaînes devra être préservée, donnez-nous la preuve de votre bonne volonté en votant ces amendements. À l'époque de la globalisation, il faut plus que jamais créer le lien entre le local et le global. Dans ce cadre, RFO, à laquelle nous sommes tous attachés, doit particulièrement jouer son rôle.
La défense de cet amendement me permet de revenir sur l'amendement no 682 , malheureusement tombé par suite de l'adoption de celui de notre excellent rapporteur, M. Kert.
L'examen de cet amendement nous aurait permis de traiter d'un sujet qui n'a pas du tout été évoqué pour le moment. En effet, il tendait à compléter l'alinéa 4 par la phrase suivante : « Elle ne peut concéder de droits exclusifs de diffusion ou de distribution de ces services. » Je rappelle que, par le passé, des accords de distribution exclusifs ont été concédés par France Télévisions pour des services de vidéo à la demande. De tels accords semblent contraires à la mission de service public qui lui est assigné. Mais il ne nous a même pas été possible de le maintenir sous la forme d'un sous-amendement à l'amendement du rapporteur alors que celui-ci aurait certainement accepté une discussion sur ce sujet.
J'en viens à l'amendement n° 309 . J'entends à mon tour, aux côtés de mes collègues du groupe SRC et du groupe GDR, souligner la nécessaire diversité du service public audiovisuel. Puisque vous êtes très affirmative, dans vos déclarations, pour la garantir, pourquoi ne pas l'inscrire dans la loi ? Pourquoi, comme le suggérait à l'instant Patrick Bloche, ne pas faire du soutien à nos amendements la preuve de votre volonté de garantir la diversité du service public audiovisuel, en particulier à travers RFO ?
Mais cela vaut pour toutes les chaînes de France Télévisions. Il y a quelques années, avant la création de France Télévisions, un président de chaîne avait pour slogan : « Osons, osons toutes les couleurs du service public ! » Eh bien, osons voter cet amendement !
Quel est l'avis de la commission sur l'ensemble de ces amendements identiques ?
La commission donne un avis défavorable à ces amendements, j'en suis désolé.
Pas du tout, nous allons y arriver ! Je voudrais juste rappeler que nous sommes aussi attachés que vous à RFO,…
… à son destin que nous sommes prêts à défendre bec et ongles, bien entendu. Néanmoins, au nom de la commission, je dois soulever un argument de forme : il semble difficile de justifier une exception dans la loi pour la seule RFO.
Dans ce cas, nous aurions dû réintroduire aussi dans la loi les autres services de France Télévisions : France 2, France 3, etc. Ce que nous ne voulons par faire puisque ce serait en contradiction avec l'esprit du texte. Que dire alors des services nouveaux susceptibles d'être créés et qui ne seraient pas prévus dans la loi ? Nous ne voulons pas laisser libre cours à ce genre d'inconnues. Voilà pour l'argument de forme.
Sur le fond, nous comprenons évidemment les inquiétudes de nos collègues, comme nous avons compris celles de notre collègue Ueberschlag à propos du destin de France 3.
Cependant, nous avons tous pris connaissance du cahier des charges de France Télévisions dont l'article 2 – que vous n'avez sûrement pas manqué de lire – est extrêmement clair vis-à-vis de RFO. Sans vous infliger sa lecture intégrale, je vous citerai un passage essentiel et de nature à nous rassurer : « RFO désigne un ensemble de services de télévision et de radio diffusés dans les collectivités françaises d'outre-mer et sur les territoires métropolitains. RFO assure également la continuité territoriale des programmes des services de télévision et de radio édités par les sociétés nationales de programme. À travers la programmation de RFO, la société diffuse quotidiennement sur les services destinés aux populations d'outre-mer, des journaux d'information concernant l'actualité locale, régionale, nationale et internationale. Elle programme des émissions traitant de la vie des collectivités françaises d'outre-mer, à travers leur culture, leur histoire, leurs traditions, les caractéristiques économiques et sociales. »
Sans doute, mais ce serait tellement redondant avec le cahier des charges que nous ne retiendrions évidemment pas un tel amendement. En revanche, à l'article 15 du projet de loi, j'ai déposé un amendement proposant que le rapport annuel sur l'exécution de ce cahier des charges auquel je fais référence soit systématiquement transmis à la commission chargée des affaires culturelles, c'est-à-dire à certains d'entre nous qui y appartiennent.
Avec toute l'attention que nous portons à RFO, nous avons donc donné un avis défavorable à ces amendements.
Je m'associe bien sûr aux propos de votre rapporteur Christian Kert. En effet, ces amendements proposent la mise en valeur du patrimoine culturel et linguistique dans sa diversité régionale et locale. Or cette mission figure en toutes lettres dans le projet de cahier des charges dont Christian Kert vient de vous donner lecture.
Si nous partageons les mêmes objectifs et le même attachement à RFO, notre méthode permet plus de précision et de souplesse. Si nous retenions votre proposition, il ne serait plus possible de diffuser France Ô, chaîne qui permet l'exposition des cultures ultramarines en métropole, et qui n'est donc pas couverte par la formulation que vous nous proposez. Donc avis défavorable.
S'agissant de la publicité dont il a été question plusieurs fois, je tiens à préciser qu'elle est maintenue sur RFO comme en métropole jusqu'au 30 novembre 2011, date à laquelle elle sera supprimée à une condition : l'existence d'une offre privée suffisante pour absorber le transfert de la publicité. Bien entendu, la publicité reste sur RFO.
Madame la ministre, notre amendement étant global, nous n'en avons pas déposé sur la spécificité de chacune des chaînes de télévision et sur l'identité de RFO. Cependant, malgré les arguments développés par M. le rapporteur, vous me permettrez d'insister sur la grande inquiétude des personnels de RFO, très bien décrite par notre collègue Victorin Lurel. Monsieur le rapporteur, vous nous rétorquez que tout est dans le cahier des charges, et que nos propositions seraient redondantes. Vous savez fort bien qu'un cahier des charges n'a pas valeur prescriptive, et qu'on peut en changer. Quand les dispositions sont inscrites dans la loi, c'est autre chose : il vaut revenir ici pour en rediscuter et convaincre de la nécessité de modifier la loi. C'est pour cela que nous avions défendu l'amendement rappelant la spécificité de chacune des différentes chaînes – et non pas des filiales, j'insiste sur le terme. Quant à RFO, je pense qu'il serait bon de montrer, et dans la loi, notre attachement à son caractère tout à fait spécifique.
Cette discussion montre le défaut de construction de cet article : nous sommes toujours renvoyés au cahier des charges quand il s'agit de définir l'identité des différentes chaînes composant France Télévisions.
C'est un vrai problème bien exposé par Patrick Braouezec : le cahier des charges n'est pas un document législatif, et il peut être changé demain. Dans six mois ou un an, on peut modifier ce qui figure aujourd'hui dans le projet de cahier des charges et en faire tout autre chose.
Contrairement aux affirmations de Christian Kert, RFO n'est pas comparable aux autres sociétés de programme qui composent France Télévisions, j'en veux pour preuve que la nation a hésité sur la place de RFO dans le dispositif audiovisuel du pays. Dans un premier temps, en 1999, RFO n'avait pas été intégré dans la holding. Après débat sur la nature de RFO, l'idée qu'elle devait conserver une vie spécifique l'avait emporté. En 2004, lors de la modification de la loi, RFO a été intégrée dans la holding. Cependant, on ne peut la comparer aux autres sociétés de programme – France 2, France 3, France 5 – parce qu'il est évident qu'elle a des missions spécifiques rappelées avec beaucoup de force par Victorin Lurel. Au-delà même de ces missions, RFO incarne une vision particulière dans les DOM-TOM. Vouloir régler cette question par le seul cahier des charges n'a pas beaucoup de sens. Nous savons tous ce que représente RFO dans les territoires ultramarins, et il serait assez légitime qu'elle fasse l'objet d'un traitement particulier dans la loi, contrairement à ce qu'affirme le rapporteur.
Dans la foulée de Didier Mathus, je tiens à m'inscrire en faux contre les propos tenus par M. le rapporteur et Mme la ministre. En effet, un cahier des charges existe. Mais quel est le résultat des recommandations sur la diversité dans l'audiovisuel, par exemple ? Le CSA vient de publier un rapport sur les écrans dits « pâles » et qui le restent – particulièrement dans l'audiovisuel public – malgré l'existence de recommandations qui restent facultatives en l'absence de sanctions. Vous prêtez au cahier des charges une force qu'il n'a pas.
Qu'en est-il aussi de l'obligation de mobilité pour RFO, partie intégrante de France Télévisions ? Prévue dans le cahier des charges existant, la mobilité ne s'est pas traduite dans la réalité. Nous voulons la force normative et prescriptive de la loi, et c'est la raison de notre défiance à l'égard de vos propositions qui n'aboutissent pas à une simple dilution, mais à une disparition. Croyez-moi, madame la ministre, nous ne demandons pas de communautarisme audiovisuel.
En outre, dans l'unique entreprise dont vous parlez, RFO Radio est maintenue. Quelle est la synergie ? D'après moi, la synergie fonctionne quand deux plus deux ne font pas quatre, mais cinq ou six. Pour le moment, on en est loin ! Son rattachement au groupe Radio France serait plus indiqué. Il y a une erreur de conception manifeste.
Comme vous ne l'ignorez pas, la publicité sur RFO Radio a été supprimée. Savez-vous quel a été le résultat ? On a considérablement renforcé l'entreprise de presse écrite locale, le groupe Hersant. Si ce n'est les spécialistes, personne ne s'interroge ici sur la disparition de la démocratie, du pluralisme dans les régions de France où il ne reste qu'un seul organe de presse, en raison de la concentration croissante.
Chez nous, nous avons déjà ce type de monopole, et vous allez le renforcer. Nous avons des radios privées nombreuses mais qui vivotent. En tant que président de région, je le dis publiquement : vous êtes en train de renforcer considérablement le pouvoir d'influence du président que je suis ! Ce n'est pas ma conception de la démocratie ! Je n'ai jamais voulu la « flossisation » de l'audiovisuel !
Lorsqu'on a voulu transformer RFO en serpillière et endescente de lit parce que la rédaction était rétive, on a créé une télévision docile et domestiquée. Nous luttons contre cela. Nous affirmons que votre projet repose sur une erreur conceptuelle, qu'il constitue une faute esthétique, une faute de goût contre la démocratie. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
Monsieur Lurel, l'outre-mer c'est la France. Ce thème de « francisation » m'étonne.
Ah, j'avais mal compris ! Monsieur Lurel, je vous redis qu'une société unique avec différentes antennes aux identités très fortes, c'est très bien. Certaines dispositions relèvent du cahier des charges ce qui donne de la souplesse et des capacités d'adaptation ; d'autres relèvent de la loi. Cette dernière peut être renforcée, et des amendements vont dans ce sens afin d'apporter des précisions. Cependant, il n'y a pas de raison de faire un sort particulier à RFO. Le projet de loi tel qu'il est me semble équilibré.
(Les amendements identiques nos 303 à 309 ne sont pas adoptés.)
Je suis saisie d'un amendement n° 615 .
La parole est à M. Frédéric Lefebvre.
Cet amendement porte sur une question essentielle et largement évoquée, notamment sur les bancs socialistes et en commission spéciale : l'entreprise unique doit-elle dériver vers un guichet unique en matière de programmes ? En commission spéciale, avec Patrick Bloche et Marcel Rogemont notamment, nous avons exprimé une volonté commune d'aboutir à un dispositif qui permette de préserver la diversité.
Marcel Rogemont et moi-même coprésidons le groupe « cinéma, production audiovisuelle ». Nous avons travaillé sur ce sujet avec le rapporteur, les auteurs, les producteurs et aussi le groupe France Télévisions. Ce dernier a parfaitement accepté l'idée de travailler avec nous, afin de trouver une rédaction qui permette de maintenir cette diversité des programmes.
Cet amendement n° 615 permettra d'atteindre l'objectif très bien décrit par Patrick Bloche tout à l'heure : à France 2 ou France 3, les unités de programmes ne sont pas les mêmes ; les hommes et les stratégies non plus. Il s'agit de maintenir cette diversité, en veillant à ce qu'entreprise unique ne rime pas avec uniformité et formatage des oeuvres, dans l'esprit des producteurs et des créateurs.
Cet amendement correspond aux souhaits des membres de la commission spéciale, qui ont tous participé à la réflexion. J'y associe d'ailleurs Jean Dionis du Séjour, qui avait lui-même déposé un amendement sur ce sujet.
La rédaction proposée fait consensus et répond aux vraies attentes du monde de la création.
Très favorable, dès lors que l'amendement complète utilement le dispositif introduit via un amendement avant l'article 1er.
Favorable également.
Malgré les propos de M. Lefebvre, je suis déçu.
Nous souhaitons en effet renforcer la diversité, comme le montrent nos nombreux amendements à l'article 1er qui n'ont pu être discutés. Toutefois, non seulement le présent amendement est purement déclaratif, mais il ajoute à la confusion. De deux choses l'une : soit le cahier des charges règle tout, comme vous le répétez, et alors il règle la question de l'identité ; soit il ne règle rien, et ce n'est pas cet amendement déclaratif qui y changera quelque chose. Vous proposez que « France Télévisions veille à ce que sa nouvelle organisation garantisse l'identité des lignes éditoriales de ses services », mais cela est déjà prévu par la loi. Pourquoi donc le répéter, sinon par crainte que ce ne soit pas appliqué ? Mais alors il faut que l'amendement ait force de contrainte, ce qui n'est absolument pas le cas en l'espèce.
Je suis d'accord avec Didier Mathus.
Ce ne sont que bluettes ou mesurettes. Pourquoi ne pas écrire : « France Télévisions garantit l'identité […] » ? La rédaction controuvée de l'amendement conduit, pour ainsi dire, à une aporie philosophique. Vous parlez de diversité mais, curieusement, vous créez une entreprise unique. À moins de faire vivre la devise américaine E pluribus unum – Out of many, one, comme dirait Al Gore –, à moins de créer l'unité à partir de la diversité, comment transformer le président de France Télévisions en démiurge ? Comment faire vivre la diversité dans une entreprise globale, où les chaînes sont assimilées à de simples services audiovisuels ou à des centres d'actualité télévisée ? Bref, l'amendement est incantatoire et déclaratif : il ne va pas assez loin et ne peut donc nous satisfaire.
J'ajoute que, en matière de diversité, il fallait aller plus loin et ne pas se limiter à la création. Pour parler de ce que je connais, les sommes allouées à RFO pour la production sont, rapportées à un budget global de quelque 267 millions d'euros, négligeables. Vous savez très bien que, pour produire une fiction ou une oeuvre à dimension patrimoniale, on s'adresse aux collectivités : sans la contribution de la région Guadeloupe, La Baie des flamboyants – dont je ne garantis pas la qualité esthétique –, par exemple, n'aurait jamais vu le jour. Et l'on a refusé, au titre de l'article 40 de la Constitution, des moyens supplémentaires en faveur du Centre national de la cinématographie.
Comment faire vivre la diversité dans un bloc dont l'organisation l'empêche ? La contradiction est plus que sémantique : elle est philosophique et politique.
Pourriez-vous confondre, monsieur Lurel, France culture et France info ?
Mais peut-être les écoutez-vous quand vous êtes en métropole.
Savez-vous que ces deux radios ne sont pas inscrites dans la loi, laquelle ne mentionne que le groupe Radio France ? Or l'amendement prévoit d'inscrire dans le cahier des charges de France Télévisions l'identité de chaque service – puisque tel est le nom d'usage –, afin des les différencier aussi précisément que possible.
Vous pourriez donc voter cet amendement qui, loin de constituer une menace, conforte l'idée que vous vous faites de la diversité : pas de guichet unique et respect des identités. Nous pourrions tous nous retrouver sur un tel souci de spécification.
Je suis saisie d'un amendement n° 772 .
La parole est à M. Frédéric Lefebvre.
Avant d'en venir à cet amendement relatif à la diversité ethnoculturelle, je rappelle que le dispositif que nous venons d'adopter a été défini avec les auteurs, notamment Pascal Rogard et la SACD, et les producteurs : notre objectif à tous était en effet de protéger la diversité.
En ce sens, l'amendement n° 772 s'inscrit dans le droit fil de celui, symbolique, avec lequel nous avons entamé nos débats, à savoir la présentation annuelle d'un rapport sur la diversité par le CSA. Un autre amendement similaire de M. Kert a d'ailleurs été adopté au sujet de la HALDE. Mais encore faut-il que ces rapports s'appuient sur des obligations législatives : d'où le présent amendement.
J'ai déposé deux autres amendements sur ce sujet – Françoise de Panafieu et Patrick Braouezec en ont aussi déposé chacun un –, lesquels viendront en discussion plus tard : notre discussion s'en trouve un peu éclatée. Je me permets donc de les présenter dès à présent, ce qui accélérera nos débats le moment venu (« Non, ! » sur les bancs des groupes SRC et GDR), en tout cas pour ce qui nous concerne, puisque nous voulons discuter du texte, et non faire de l'obstruction.
Dans l'un de mes amendements à venir, disais-je, figure l'expression : « action positive ». Le moment me semble en effet venu d'engager une véritable rupture en matière de diversité : le rapport du CSA montre que nous ne pouvons nous satisfaire de la situation actuelle. Le cahier des charges contient déjà certaines dispositions, et, je tiens à le souligner, beaucoup de progrès ont été faits : une fondation a ainsi été créée à France Télévisions, avec un délégué dont les travaux portent leurs fruits.
Il est néanmoins essentiel d'aller plus loin.
C'est paradoxalement mon amendement de repli qui vient en discussion d'abord, amendement auquel la commission s'était déclarée favorable. Je tenais néanmoins à évoquer mon amendement initial, car notre pays a besoin d'« action positive », même s'il est d'usage de faire peur avec cette expression, que l'on prétend inspirée du modèle américain. Or l'action positive est possible en France, puisqu'une directive européenne de 2000 nous donne tous les moyens de la mettre en oeuvre.
L'amendement n° 772 vise donc à ce que la programmation reflète la diversité ethnoculturelle de la société française, et que France Télévisions engage une action adaptée pour cela. Dans le même esprit, je défendrai un autre amendement sur les effectifs. S'agissant des programmes, puisque l'on nous reproche souvent de vouloir des quotas, la question est, plutôt que le nombre, celle des rôles offerts aux personnes issues de la diversité et de l'image que l'on en donne. Trop souvent, ces personnes sont cantonnées dans certains rôles : il convient de faire un effort, tant le poids des images est lourd dans notre société. Pour que la télévision remplisse sa mission éducative, les fictions et les programmes doivent donc offrir aux intéressés des rôles qui mettent en avant leur capacité à réussir.
Avant de conclure, je veux rappeler un exemple qui m'est cher, celui de Sciences po, que peu d'hommes politiques soutenaient dans son initiative, qui avait fait scandale, en faveur d'une action ou d'une discrimination positive – que l'on peut appeler autrement si les mots heurtent les oreilles. Il est temps de suivre cette voie, par exemple dans les écoles de journalisme : je vous l'avais dit, madame la ministre, lorsque vous étiez venue au club parlementaire sur l'avenir de l'audiovisuel et des médias. Pouvoirs publics et parlementaires doivent s'engager avec force pour que cette évolution se traduise dans les faits.
Favorable : l'amendement va dans le sens des dispositions que la commission préconise.
J'ajoute que ses membres, toutes tendances politiques confondues, ont souligné les efforts de France Télévisions en faveur de la diversité, et ce depuis quelques années déjà, puisque la délégation à l'intégration et à la diversité a été créée sous la présidence précédente. L'amendement s'inscrit dans la continuité de ces efforts, qui commencent à porter leurs fruits.
Je tiens à souligner les efforts consentis par France Télévisions.
En effet, les chaînes publiques produisent un certain nombre de séries célèbres et très suivies, témoignant clairement de l'évolution de notre société. Cela étant, il faut aller plus loin : avis favorable.
Permettez-moi d'abord de revenir à l'amendement n° 615 : confier à la loi l'édiction de principes généraux et laisser au cahier des charges le détail de l'identité de chacune des chaînes publiques est tout à fait envisageable. Le cahier des charges, que j'ai en main, précise en effet plusieurs orientations intéressantes qui me satisfont et sur lesquelles nous pourrons revenir. Néanmoins, je n'y trouve pas trace de la diversité de la création, de la production et de l'acquisition des oeuvres audiovisuelles et cinématographiques d'expression française et européenne. Dès lors, sauf erreur de ma part, l'amendement n° 615 est utile.
Par contre, je ne voterai pas l'amendement n° 772 , car la notion de diversité ethnoculturelle ne m'a jamais mis à l'aise. Je m'abstiendrai donc sur cette question de discrimination positive. Le débat est immense, entre République du mérite et promotion de telle ou telle communauté, et il n'y a pas lieu de l'avoir ici.
Les mots ont un sens. À l'amendement précédent, M. Lurel vous proposait de remplacer une simple vigilance par une véritable garantie. C'est précisément ce que fait l'amendement n° 772 , en engageant France Télévisions non pas à veiller à refléter la diversité, mais à la refléter tout court. Nous sommes donc au-delà de la simple déclaration d'intention.
Certes, le débat sur la discrimination positive n'a sans doute pas sa place dans cette discussion. Toutefois, Mme la ministre a eu un mot presque malheureux : elle a parlé des « efforts » que consentirait France Télévisions. Or un effort n'est pas naturel : il est consenti par celui qui se force.
L'accès à l'égalité de traitement doit précisément devenir naturel, à France Télévisions comme ailleurs. D'aucuns estiment que la discrimination positive revient à accorder toujours davantage aux mêmes personnes. Or ces personnes ne réclament rien d'autre que l'accès à l'égalité de traitement.
Permettez-moi de vous relater une brève anecdote pour illustrer mon propos. Voici une dizaine d'années, j'ai reçu à Saint-Denis le nouveau directeur départemental de La Poste, qui arrivait de Versailles. Au cours de notre conversation, j'ai appris que Versailles et ses 78 000 habitants disposaient de 8 agences postales, soit deux fois plus qu'à Saint-Denis, qui compte pourtant 86 000 habitants. Est-ce une mesure de discrimination positive d'augmenter le nombre d'agences postales à Saint-Denis, ou bien une mesure d'accès à l'égalité ?
M. Lefebvre évoque l'expérience menée à Sciences-Po, dont j'ai été l'un des premiers à recevoir le directeur, M. Descoings, pour évoquer son intéressante proposition. Néanmoins, il ne s'agissait pas là non plus de discrimination positive, mais de permettre à une grande école d'étendre sa présence au-delà de Paris.
Enfin, je suis très réservé quant à l'adjectif « ethnoculturel ». Certes, on ne saurait voter contre cet amendement qui va dans le bon sens et permet à la majorité de se donner bonne conscience, après les amendements qu'elle a adoptés précédemment. Nous prenons acte de cette avancée, en espérant que vous pourrez reproduire cette même démarche dans d'autres domaines.
Lorsque cette question a été évoquée en début de discussion, l'opposition a été unanime à souligner la bonne conscience que se donnait à peu de frais la majorité, par le biais d'une démarche qui n'est guère davantage que de l'affichage.
Certes, nous avons dépassé le stade du rapport du CSA.
Nous examinons les missions qui sont confiées à France Télévisions. J'en profite pour rendre hommage à celles et ceux qui font ces chaînes…
… et pour vous inviter à regarder un peu la télévision – publique ou privée, d'ailleurs. Le mouvement est en marche et l'on n'a pas attendu que nous écrivions la loi en ce sens pour le déclencher. Jour après jour, les professionnels illustrent déjà cette diversité sur leurs antennes. (M. Marcel Rogemont applaudit.)
M. Lefebvre l'a dit : son amendement n° 772 est directement lié à son amendement n° 436 rectifié , dont nous discuterons un peu plus tard. À notre sens, il soulève deux questions essentielles. Tout d'abord, la référence à la race n'est plus de mise dans les textes de loi – même si, pour ce qui est de l'amendement n° 772 , elle n'apparaît qu'à l'exposé des motifs. À cet égard, les députés du groupe SRC ont déposé une proposition de loi visant à supprimer le mot « race » de la Constitution.
Nous avons d'ailleurs déjà défendu cette suppression lors du débat sur la révision constitutionnelle. Il nous a été répondu que le mot « race » ne devait figurer dans nos lois qu'assorti d'une connotation négative visant précisément à éviter qu'il ne soit pris en compte. En l'occurrence, monsieur Lefebvre, vous faites exactement le contraire : le mot « race » n'a aucune connotation négative ; il est évoqué comme une référence devant permettre de développer la diversité.
D'autre part, cet amendement fait référence à la directive européenne du 29 juin 2000, qui vise à lutter contre les discriminations.
Il rappelle plus précisément un article de cette directive qui autorise la mise en oeuvre de mesures d'action positive pour lutter contre les discriminations. Or, dans le projet de loi de transposition de cette directive qu'il nous a soumis, le Gouvernement – celui-là même que vous soutenez – s'est refusé à inclure cet article. Mme la ministre pourra-t-elle donc éclairer l'Assemblée quant à la position réelle du Gouvernement, qui vient d'accepter cet amendement ? Pourquoi, s'il y est favorable, n'a-t-il pas adopté le principe de l'action positive au moment le plus opportun, c'est-à-dire lors de la transposition de la directive ?
De nombreux orateurs ont demandé la parole sur cet amendement. Je ne peux pas leur donner satisfaction à tous mais, exceptionnellement, je permets à un orateur par groupe de s'exprimer, avant d'entendre une dernière fois son auteur et de passer au vote.
La parole est à Mme Françoise de Panafieu.
L'un de nos collègues a manifesté sa réticence à l'égard de l'action positive.
Je conçois que l'on s'étonne de tels procédés, alors que nous sommes en 2008. Cela étant, nul n'adopte ce genre de démarche par passion, mais bien plutôt par raison.
Faute de passer par là, rien n'aura changé dans une, deux, voire trois décennies.
Se contenter de naviguer au fil des rapports dénonçant un état de fait ne suffira pas à y remédier.
Souvenez-vous de la loi sur la parité, que la gauche a voulue, et que la droite a votée – non par passion, mais par raison, consciente que seule cette méthode permettrait de progresser. À défaut de l'aimer, il fallait l'imposer, de peur de stagner plus longtemps.
L'intervention de M. Bloche est pleine de bon sens. Je l'ai dit : j'ai d'abord déposé un autre amendement qui, paradoxalement, viendra plus tard en discussion. J'y employais les mots « action positive » et « race », et j'y faisais référence à la directive susmentionnée, y compris à l'article écarté. Je sais bien que mon opinion en la matière n'est sans doute pas majoritaire ici, mais je suis convaincu qu'il faut aller plus loin.
Nous avons débattu en commission spéciale, et j'ai écouté les avis des uns des autres, qu'il s'agisse de M. Bloche, de Mme de Panafieu ou de M. le rapporteur. C'est la raison pour laquelle je vous soumets un second amendement qui ne fait plus référence à ces termes. Cela étant, il est désormais indispensable, comme l'ont dit Mme de Panafieu et M. Braouezec, d'engager une action résolue et volontariste afin d'aller plus loin. Je crois que la commission s'est accordée sur la rédaction de l'amendement en l'état, que je vous propose d'adopter. Il me semble, monsieur Bloche, que vous pouvez le soutenir – contrairement à celui que nous examinerons plus tard.
Vous m'avez interrogée sur l'action positive. Ce débat n'a pas lieu d'être maintenant. J'y répondrai lorsque nous y viendrons.
Vous pourriez tout de même avoir la correction de me répondre !
(L'amendement n° 772 est adopté.)
Je suis saisie d'un amendement n° 678 .
La parole est à M. Didier Mathus.
Cet amendement vise, comme les précédents, à combattre la logique de l'article 1er, puisqu'il propose la suppression de l'alinéa 6, dont la rédaction est suffisamment confuse pour laisser entendre que les filiales France 2 cinéma et France 3 cinéma pourraient disparaître. Cette disparition, pour être moins visible que celle des sociétés de programmes, n'en serait pas moins fâcheuse.
Nous sommes en effet opposés à la suppression de ces filiales qui ont joué leur rôle et prouvé leur utilité dans le circuit économique du cinéma et la création cinématographique depuis de nombreuses années.
….mais de souligner un malentendu, l'alinéa 6 de l'article 1er n'étant qu'un alinéa de coordination rédactionnelle.
Comme vous l'avez rappelé, monsieur Mathus, France Télévisions dispose de deux filiales de coproduction qui sont des sociétés par actions simplifiées intégrées au groupe : France 2 cinéma et France 3 cinéma. Demain, comme aujourd'hui, les sociétés nationales de programme auront toujours la possibilité d'investir en parts de coproducteur dans le financement d'une oeuvre cinématographique par l'intermédiaire de filiales ayant cet objet social exclusif.
Les filiales ne dépendront plus directement des chaînes mais de France Télévisions, ce qui explique la rédaction de l'alinéa 6. Votre demande est donc satisfaite puisque rien n'interdit la création de plusieurs filiales cinéma.
Le mot « filiales » est bien au pluriel à l'alinéa 6.
France Télévisions nous a confirmé qu'elle entendait évidemment conserver ses deux filiales.
Vos amendements relancent d'autant mieux le débat qu'il s'agit d'un sujet sensible pour les producteurs, auxquels la représentation nationale est très attentive. Nous souhaitons en effet préserver la diversité du financement du cinéma dans notre pays et éviter le guichet unique, que nous avons déjà évoqué et que, me semble-t-il, nous refusons tous.
La commission a donc émis un avis défavorable formel à cet amendement comme aux deux suivants.
Défavorable.
Comme l'a dit M. le rapporteur, l'alinéa 6 est un alinéa de coordination qui vise à maintenir les différentes filiales cinéma des chaînes. Si on le supprimait, l'obligation de maintenir ces différentes filiales disparaîtrait. Il s'agit donc bien d'un malentendu.
Si je comprends bien le rapporteur, ces deux filiales ne sont pas inscrites dans la loi mais France Télévisions a l'intention de les conserver. Il me paraîtrait dès lors plus simple de les mentionner dans la loi si vous pensez, comme nous, que la conservation de ces deux filiales, qui jouent de manière très positive chacune leur rôle, est utile. En effet, monsieur le rapporteur, ne vaut-il pas mieux inscrire explicitement dans la loi ce qui y est compris implicitement ?
Sans vouloir entamer un débat sémantique, monsieur Mathus, la suppression de l'alinéa 6 serait contreproductive car elle entraînerait celle de la possibilité de conserver les filiales cinéma. Je le répète : il s'agit d'un malentendu. C'est la raison pour laquelle, si j'étais à votre place, je retirerais cet amendement de suppression qui va à l'encontre de notre souhait commun.
Tout à fait.
(L'amendement n° 678 n'est pas adopté.)
Comme nous considérons que les deux filiales cinéma de France 2 et de France 3 sont utiles mais que la rédaction actuelle du projet de loi est ambiguë – ce que le rapporteur a d'une certaine façon confirmé en déclarant qu'on ne saurait inscrire les filiales dans la loi et qu'il faut s'en remettre à France Télévisions –,…
…ces deux amendements visent, pour sortir de cette ambiguïté, à récrire l'alinéa 6 de manière précise en mentionnant les filiales de France 2 et de France 3. Les malentendus seront ainsi évités, d'autant que les professionnels ont vu comme nous dans la rédaction actuelle de l'alinéa un danger pour les filiales cinéma de France 2 et de France 3.
La commission et le Gouvernement ont déjà émis un avis défavorable à ces deux amendements.
La parole est à M. Marcel Rogemont.
Le rapporteur a, me semble-t-il, compris quelles avaient été nos intentions lorsque nous avons déposé ces trois amendements. La préoccupation dont ils témoignent reste forte, même si nous pouvons reconnaître que les amendements nos 679 et 680 sont mal placés.
Dès lors que le rapporteur est favorable à l'existence de France 2 cinéma et de France 3 cinéma, peut-il, pour ces deux amendements, suggérer une autre place dans le projet de loi ? Nous nous rangerons à son avis.
Nous souhaitons en effet que cette préoccupation que nous partageons – je vous donne acte de vos propos, monsieur le rapporteur – trouve sa concrétisation dans le texte car il convient de donner ce signe important à la création audiovisuelle en vue de lutter contre le guichet unique.
Nous attendons une suggestion de votre part, monsieur le rapporteur.
Je veux bien ne pas avoir compris cet alinéa, mais ce qui m'ennuie, c'est que ni les créateurs ni les producteurs non plus ne l'ont compris. C'est la raison pour laquelle ils jugent ces ajouts indispensables. M. de Talleyrand ne disait-il pas que ce qui va sans dire va encore mieux en le disant ?
C'est la raison pour laquelle je demande, moi aussi, à notre rapporteur de suggérer une autre place pour ces deux amendements, ce qui devrait être relativement facile si, comme il le prétend, il tient autant que nous à la conservation de ces deux filiales.
Il est en effet plaisant d'entendre que France Télévisions est d'accord avec nous !
Qui sera le prochain président de France Télévisions ? Seul le Président de la République le sait peut-être.
C'est la raison pour laquelle je préfère, à une attitude assez vague, que le projet de loi garantisse la conservation de ces deux filiales.
Si le rapporteur pense vraiment ce qu'il nous a dit, ces deux amendements pourront être adoptés à l'endroit exact du texte, ses compétences nous permettant de le trouver.
Je tiens sur ce point précis à défendre le projet de loi.
Monsieur le rapporteur, si, comme moi, on est favorable à l'entreprise unique, on ne va pas interdire à la nouvelle entreprise unique de mutualiser les moyens des deux filiales !
Nous gagnerions à avoir un débat d'idées plus frontal sur le sujet !
Le texte me paraît clair. Nos collègues socialistes émettent un point de vue qui a, lui aussi, le mérite de la clarté. Il faut qu'à notre tour nous soyons clairs sur l'entreprise unique.
Le projet de loi permet d'ouvrir une voie à la mutualisation : il faut l'assumer.
Pour éclairer le débat, je tiens à rappeler les textes. En ce qui concerne les sociétés composant France Télévisions, la loi de 1986 précise à l'article 44 qu'« elles ne peuvent investir en parts de coproducteur dans le financement d'une oeuvre cinématographique que par l'intermédiaire d'une filiale, propre à chacune d'elles » – France 2 et France 3 – « et ayant cet objet social exclusif ». Le projet de loi met « elles » au singulier, puisqu'il n'y a plus qu'une société unique, et précise : « elle ne peut investir en parts de coproducteur dans le financement d'une oeuvre cinématographique que par l'intermédiaire » non plus d'une filiale, puisqu'il n'y a plus deux sociétés indépendantes, mais « des filiales ». Le seul fait que « filiales » soit au pluriel indique que la filiale de France 2 et la filiale de France 3 continueront d'exister.
Bien sûr que si ! C'est inscrit dans le cahier des charges et les accords professionnels qui viennent d'être signés.
Monsieur Françaix, l'assaut de compliments comme de critiques à l'égard du rapporteur m'inquiète pour la suite des débats. Les explications de Mme la ministre ont été suffisamment claires.
Je suis saisie de trois amendements, nos 32 , 442 et 683 rectifié , pouvant être soumis à une discussion commune.
Les amendements nos 32 et 442 sont identiques.
L'amendement n° 32 fait l'objet de deux sous-amendements, nos 763 et 765 .
La parole est à M. le rapporteur, pour soutenir l'amendement n° 32 .
Cet amendement, qui a été adopté par la commission à l'instigation de MM. Loos et Ueberschlag, vise à réaffirmer la vocation régionale de France Télévisions. Comme je l'ai déjà précisé, nous avons pris acte de l'inquiétude de notre collègue alsacien relative à cette vocation.
Nous avons toutefois précisé que nous n'accepterions qu'une version sous-amendée de cet amendement, ce à quoi tendent les sous-amendements nos 763 et 765 du Gouvernement, qui précisent avec sagesse la philosophie générale de l'amendement.
La parole est à Mme Aurélie Filippetti, pour soutenir l'amendement 683 rectifié .
La rédaction actuelle de l'article 1er suscite notre inquiétude quant au devenir des chaînes régionales de France 3. En effet, la réorganisation de l'entreprise en média global pourrait conduire à d'éventuels regroupements, voire à des disparitions de chaînes régionales.
Or les décrochages régionaux de France 3 sont, de l'avis de tous, en voie de disparition, d'autant que – fait aggravant – la chaîne, pour tenter de gagner de l'espace publicitaire avant vingt heures, heure fatidique de la suppression de la publicité sur les chaînes nationales, a récemment supprimé le décrochage de fin de journal national, qui reprenait les titres du journal régional.
L'amendement vise donc à renforcer la vocation de France 3 en inscrivant dans le projet de loi la mise en place d'une grille de programmes de proximité ayant vocation à permettre leur diffusion aux heures de grande écoute. L'amendement permet également de rappeler que la grille de programmes de France 3 contribue fortement, s'il y a lieu, à l'expression des langues et cultures régionales.
La parole est à Mme la ministre, pour soutenir les sous-amendements nos 763 et 765 et donner l'avis du Gouvernement sur les amendements nos 32 , 683 rectifié et 442 .
L'amendement n° 32 ne présente pas de difficulté pour le Gouvernement qui n'a aucunement l'intention de remettre en cause l'existence et la spécificité de France 3, chaîne généraliste à caractère national, régional et local. Sur la forme, néanmoins, cet amendement réintroduit dans la loi une référence explicite à France 3, contrairement à la logique qu'impose la création d'une entreprise unique.
L'identité des caractéristiques de chaque service de communication audiovisuelle édité par France Télévisions sera en effet précisée dans le cahier des charges de la nouvelle société et fixée par décret.
Le Gouvernement présente donc deux sous-amendements. Le n° 763 supprime la référence expresse à France 3 et a pour objet de répondre aux préoccupations parlementaires tout en respectant la philosophie de la réforme de la structure du groupe France Télévisions.
Quant au second sous-amendement, n° 765 , il vise à rectifier la mention selon laquelle France 3 et, demain, France Télévisions, diffuse le décrochage « spécifique à chaque région ». France 3 diffuse aujourd'hui vingt-quatre décrochages régionaux que le projet ne remet naturellement pas en cause. On ne peut toutefois pas affirmer que cette chaîne diffuse un décrochage spécifique à chaque région.
Je suis cosignataire de l'amendement identique n° 442 . J'ai pu par ailleurs constater qu'il était aussi identique à un amendement présenté par Mme Filipetti, signe que les esprits peuvent se rencontrer dans cet hémicycle.
Je ne puis que souscrire au sous-amendement n° 763 , de pure logique puisque nous nous situons dans une démarche de création d'une entreprise unique.
En revanche, je nourris quelque inquiétude à la lecture du sous-amendement n° 765 . Nous avions pris soin de préciser « dans chaque région ». Vous comprendrez qu'en tant que député alsacien je veuille être certain que les chaînes régionales de France Télévisions se sentent vraiment le devoir de faire écho à la forte identité culturelle de notre région. D'autres députés expriment d'ailleurs un souhait identique.
J'éprouve donc vis-à-vis de cet amendement quelque réticence mais je fais confiance au Gouvernement…
…pour que cette prise en compte des réalités régionales demeure et soit même réaffirmée puisque l'on a senti un réel fléchissement de la part de France 3, ces derniers temps, en tant que relais de la culture locale.
Enfin, je me félicite que l'on n'ait pas touché au dernier alinéa de l'amendement n° 32 . La question linguistique nous tient en effet particulièrement à coeur, d'autant qu'à la faveur de la dernière révision constitutionnelle, nous avons inscrit dans la Constitution que les expressions linguistiques régionales contribuaient fortement à la richesse de la France.
Aussi, je me range à l'avis de la commission et à la proposition de Mme le ministre.
Madame la ministre, je souhaite obtenir une précision au sujet du sous-amendement n° 763 et du maintien de la référence à France 3 au début du premier alinéa de l'amendement n° 32 . Le sous-amendement vise en effet à modifier le début de l'alinéa 2 de l'amendement. À mes yeux, l'alinéa 2 en question correspond au texte suivant : « Elle conçoit et diffuse à travers des décrochages spécifiques à chaque région, etc. ». Or, si j'ai bien compris, en proposant de modifier le début de l'alinéa 2, vous maintenez la référence à France 3 dans le premier alinéa.
Si tel est le cas, je comprends d'autant mieux pourquoi vous avez refusé l'amendement que j'ai proposé tout à l'heure sur la spécificité de chacune des chaînes. En gros, vous nous dites : c'est France 3 qui assure pour le moment une mission que remplira France Télévisions à l'avenir. Dès lors, quid de France 3 ? Vous semblez ne pas vouloir prendre de risques et l'inquiétude des salariés de France 3 est d'autant plus fondée que, pour l'avenir, vous ne parlez plus de cette chaîne mais de France Télévisions.
Que signifient des décrochages si l'on ne précise pas qu'ils sont spécifiques à chaque région ? Notre inquiétude à propos du destin de France 3, et en particulier au sujet de la tranche horaire du 19-20, s'en trouve avivée.
J'ai déjà évoqué le sort réservé aux cinq minutes quotidiennes de rappel des titres régionaux vers 19 h 50, qui ont discrètement disparu il y a quelques semaines sous prétexte que France Télévisions ne peut pas se permettre de « gaspiller » les quelques minutes précédant vingt heures, tant elles sont rentables en termes de recettes publicitaires. L'on voit bien que, à terme, la pression va également s'exercer sur le journal régional de 19 h 30 puisque des amendements de nos collègues du groupe UMP prévoient la disparition de la rédaction nationale de France 3 et que la mécanique financière amorcée par le projet va pousser France Télévisions à essayer de rentabiliser au maximum la demi-heure qui précède vingt heures. On sait bien, en effet, que les publicités de l'après-midi ne rapportent pas grand-chose et qu'elles rapporteront d'autant moins si l'on tient compte du dumping que vont exercer TF1 et M6, lequel a d'ailleurs déjà commencé puisque le prix des publicités de l'après-midi sur ces deux chaînes privées a baissé de 20 %.
Donc, mécaniquement – je ne soutiens pas que c'est l'intention des dirigeants de France Télévisions, impuissants face à ce phénomène –, une pression va s'exercer sur cette tranche horaire et se mettent en place tous les éléments qui vont conduire à la mise en cause du journal national de France 3 de 19 h 30, tranche horaire particulièrement menacée.
C'est pourquoi cet amendement, certes déclaratif à certains égards, a son importance car il rappelle la nécessité de s'accrocher au décrochage, si j'ose dire.
Monsieur Braouezec, l'alinéa que le sous-amendement n° 763 modifie est celui qui commence ainsi : « IV. – Chaîne des régions, » et non pas, comme vous le pensiez, le paragraphe commençant par les mots : « Elle conçoit et diffuse ».
Je souhaite préciser à nouveau qu'il est bien question, dans ce texte, de remplacer les mots « France 3 » par « France Télévisions » puisqu'il s'agit de créer une société unique. Ce qui n'empêche pas que les missions régionales de France 3 figurent dans l'exposé des motifs et que, dans cet esprit, les décrochages régionaux, dont nous reconnaissons l'importance, sont maintenus. Ces missions régionales figurent également, d'ailleurs, au cahier des charges. Seulement, l'entité juridique France 3 disparaît puisque le texte crée la société unique France Télévisions.
En ce qui concerne le journal national de France 3, je précise qu'il ne fait pas l'objet d'amendements, mais seulement de l'expression d'opinions.
Si j'ai bien compris, le sous-amendement n° 763 ne vise pas à modifier la rédaction du début de l'alinéa 2, mais bien de l'alinéa 1. (« Non ! » sur divers bancs.)
L'amendement n° 32 précise : « Compléter cet article par les trois alinéas suivants : ». Ensuite, le sous-amendement n° 763 entend modifier la rédaction de l'alinéa 2. C'est donc bien l'alinéa 1 qui est concerné et non le suivant.
Monsieur Braouezec, dans votre décompte, vous oubliez l'alinéa chapeau.
En fait, monsieur Braouezec, les mots « IV. – Chaîne des régions, » sont le début de l'alinéa 2 de l'amendement si l'on considère que le chapeau – « Compléter cet article par les trois alinéas suivants » – forme le premier alinéa.
(Le sous-amendement n° 763 est adopté.)
(Le sous-amendement n° 765 est adopté.)
(L'amendement n° 32 , sous-amendé, est adopté.)
Cet amendement prévoit un dispositif très important pour les personnels de l'audiovisuel public et, d'une façon générale, pour les relations entre l'État et l'audiovisuel public. Vous savez que, depuis de nombreuses années, les personnels de France 2, France 3, France 4, France 5 et RFO adhèrent à la convention collective de la communication et de la production audiovisuelle, ainsi qu'à l'avenant audiovisuel de la convention collective nationale de travail des journalistes.
Or, dans le cadre de la présente procédure de fusion-absorption des sociétés de programme par France Télévisions, la question de la convention collective n'est pas évoquée, ce qui peut poser un sérieux problème pour les personnels.
C'est pourquoi l'amendement précise que France Télévisions adhère à la convention collective. Il paraît plus utile de l'expliciter plutôt que de rester dans l'ambiguïté comme c'est le cas pour d'autres dispositions de l'article 1er. La question est donc simple : maintenez-vous les personnels de l'ensemble des sociétés de programme actuelles, qui demain seront personnels de France Télévisions, au sein la convention collective de l'audiovisuel public ?
La parole est à M. Patrick Braouezec, pour soutenir l'amendement n° 853 .
Il s'agit en effet d'un amendement essentiel. Des conventions collectives régissent le sort des salariés de chacune des chaînes de télévision et il importe que le texte garantisse à l'ensemble de ces personnels, dans une nouvelle structure, le respect de ces conventions ; et cela d'autant plus si, par malheur, les prédictions de M. Lefebvre qui, à chaque séance, nous annonce des charrettes de licenciements supplémentaires, s'avéraient fondées.
Je demande à M. le rapporteur et à Mme la ministre de prendre en considération cet amendement. Son adoption serait de nature à rassurer l'ensemble des personnels des chaînes du service public.
S'il n'était pas retenu, j'aimerais que l'on me dise ce qui justifierait que ces conventions collectives ne soient pas respectées au sein de la future entreprise unique.
La commission spéciale a rejeté ces amendements.
Sur la forme, il est apparu à la commission que ces amendements n'avaient pas leur place à l'article 1er, puisque celui-ci modifie l'article 44 de la loi de 1986 relatif au périmètre et aux missions de France Télévisions. Préoccupé comme vous de ces problèmes sociaux, j'ai pour ma part déposé des amendements à l'article 51, qui tendent à rassurer les salariés de France Télévisions. Nous y reviendrons donc lors de l'examen de cet article, c'est-à-dire dès lundi après-midi.
Sur le fond, je comprends, comme nous tous ici, les inquiétudes des salariés de France Télévisions. Je vous rappelle que les conséquences sociales de la transformation du groupe France Télévisions en une entreprise unique par le biais de la fusion-absorption prévue à l'article 51 sont de deux ordres. Il est extrêmement important de comprendre cela pour répondre aux préoccupations de notre collègue Braouezec.
D'une part, les contrats de travail des personnels des sociétés absorbées seront transférés à France Télévisions, en application de l'article L. 1224-1 du code du travail.
D'autre part, les conventions collectives ou accords d'entreprise des sociétés absorbées tomberont dans les conditions prévues par l'article L. 2261-14 du même code.
Je rappellerai, enfin, que le rapport de la commission pour la nouvelle télévision publique indiquait très clairement que « le dialogue social au sein de cette entreprise doit prendre en compte la situation actuelle des agents pour aboutir à un cadre conventionnel respectueux des salariés et adapté aux nouveaux défis techniques et économiques. »
J'ajoute qu'en réalité, c'est le texte qui apportera le plus de protections. Car si vous faites référence à France 2, France 3 et RFO, vous oubliez France 4 et France 5.
France 4 applique la convention collective nationale des chaînes thématiques adhérant à l'ACCES, l'Association des chaînes conventionnées éditrices de services. Quant à France 5, elle applique un accord d'entreprise conclu en 1996. Par conséquent, les salariés de ces deux chaînes ne sont pas actuellement couverts par la convention que nous voulons, ensemble, protéger.
Tout cela justifie assez amplement, me semble-t-il, que nous ayons émis un avis défavorable, tout en comprenant, évidemment, le bien-fondé général de ce qui est proposé dans ces amendements et qui correspond en réalité à l'esprit du texte.
Je m'associe bien sûr à ce que vient de dire M. le rapporteur. En effet, les conventions et accords collectifs au sein des sociétés qui seront absorbées vont continuer à produire leurs effets, selon les dispositions du code du travail.
Il reviendra ensuite au dialogue social de déterminer si c'est le système conventionnel qui sera applicable à l'avenir au sein de la société unique.
S'agissant du cas particulier des contrats de travail des salariés des sociétés absorbés, ils sont transférés automatiquement, ainsi que le prévoit l'article L. 1224-1 du code du travail.
Bien sûr, il est très important de sécuriser toujours davantage les modalités de transfert des personnels. Je peux d'ores et déjà vous dire que je serai donc favorable à l'amendement n° 145 de la commission, sur lequel nous reviendrons à l'occasion de l'examen de l'article 51.
Avis défavorable aux deux amendements, donc.
Nous avons un rapporteur extraordinaire. À chaque amendement que nous proposons, il commence par nous dire qu'il comprend notre point de vue, il poursuit en nous disant qu'il est d'accord avec nous, et il conclut en nous expliquant pourquoi il va voter contre.
Nous avons eu droit à cette réponse au sujet de RFO, puis en ce qui concerne les spécificités de France 3, que nous aurions souhaité voir précisées. Et sur cet amendement, on nous explique que moins on en mettra dans la loi, plus le personnel aura de garanties. Il se trouve quand même que nous ne sommes pas à ce point innocents et naïfs !
Nous estimons qu'il y a un grand risque pour les personnels de France Télévisions. Les amendements que nous avons proposés tendent à mieux les protéger. Puisque vous partagez ce souci, monsieur le rapporteur – car vous êtes en désaccord avec ce qu'a dit votre collègue Lefebvre –, prouvez-le nous au moins une fois en soutenant cet amendement.
J'irai dans le même sens que mon collègue Françaix. En fait, monsieur le rapporteur, vous nous renvoyez au droit commun du code du travail. S'agissant des personnels de France 4 et de France 5, ce que vous dites est sans doute vrai. Mais nous pourrions justement profiter de ce projet de loi pour améliorer leur statut.
Quant aux conventions collectives qui s'appliquent à France 2, France 3 et RFO, elles sont plus avantageuses que le droit commun du code du travail. Êtes-vous prêts à tenir compte de ces spécificités, qui ont fait l'objet de négociations entre les salariés et la direction de France Télévisions, ou bien allez-vous remettre tout le monde dans le même moule ?
Ce serait en effet un nivellement par le bas. Je rappelle que, dans le cadre de ces conventions collectives, un certain nombre de journalistes ont des contrats particuliers.
Je précise que si la création de la société unique fait en effet tomber les conventions collectives, les dispositions présentes continuent à s'appliquer. Une période de négociation, entre quinze et dix-huit mois, va s'ouvrir. C'est la négociation entre les partenaires sociaux qui débouchera sur une nouvelle convention collective. Si aucun accord n'était trouvé, c'est la convention collective de la holding qui s'appliquerait, et elle est en effet moins favorable que certaines autres.
Ce n'est pas du tout un aveu. Je dis simplement qu'il y aura une période de négociation entre les partenaires sociaux. C'est à eux qu'il appartient de trouver les voies d'une nouvelle convention collective. Je ne fais que préciser le cadre législatif.
Prochaine séance, ce soir, à vingt et une heures trente :
Suite de la discussion, après déclaration d'urgence, du projet de loi relatif à la communication audiovisuelle et au nouveau service public de la télévision.
La séance est levée.
(La séance est levée à dix-neuf heures cinquante-cinq.)
Le Directeur du service du compte rendu de la séance de l'Assemblée nationale,
Claude Azéma