Je ne désespère pas de convaincre nos collègues de la majorité de la pertinence de ces amendements qui, comme l'ont déjà souligné MM. Françaix et Rogemont, ont pour objet d'intégrer les interventions du Président de la République et de ses collaborateurs dans les médias audiovisuels au sein du temps de parole réservé à l'exécutif.
Je rappelle que ces amendements reprennent l'article unique de la proposition de loi n° 852 que notre groupe avait déposé dans le cadre de la réforme de la Constitution et que j'avais eu l'honneur de rapporter devant notre assemblée le 22 mai dernier.
« La communication est libre », comme l'indique l'article 1er de la loi du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication. Ce principe, qui est au coeur de cette loi fondatrice pour les médias français, est un élément essentiel de la garantie des libertés publiques dans notre pays.
Le même article précise que cette liberté doit respecter, notamment, « le caractère pluraliste de l'expression des courants de pensée et d'opinion ».
Le respect de ce principe fait, comme vous le savez, partie des missions confiées au Conseil supérieur de l'audiovisuel. À cet égard, est-il nécessaire de rappeler dans cette assemblée que le pluralisme est un objectif de valeur constitutionnelle, comme l'a relevé le Conseil constitutionnel dans sa décision du 18 septembre 1986, précisant même « que le respect de ce pluralisme est une des conditions de la démocratie », et ce aussi bien dans le cadre du secteur public de l'audiovisuel que dans celui du secteur privé ?
Le Conseil ajoute que « l'objectif à réaliser est que les auditeurs et les téléspectateurs soient à même d'exercer leur libre choix sans que ni les intérêts privés ni les pouvoirs publics puissent y substituer leurs propres décisions, ni qu'on puisse en faire les objets d'un marché ».
De fait, la notion de pluralisme revêt deux aspects.
Le pluralisme peut être externe. Il s'agit là de la pluralité des opérateurs de médias et de la nécessité de lutter contre l'hyperconcentration qui s'opère actuellement au profit d'un petit nombre de groupes industriels et financiers, dont la plupart dépendent des commandes de l'État. Dans une période où la presse vit, nous le savons bien, une mutation économique et technique difficile, il conviendrait que l'indépendance et la liberté éditoriale des équipes rédactionnelles à l'égard des actionnaires des organes de presse soient mieux garanties.
De la même façon, une réforme de la procédure de désignation des membres du CSA associant l'ensemble des groupes parlementaires des deux assemblées s'impose – nous avons eu l'occasion d'évoquer cette question hier soir dans l'hémicycle.
Le pluralisme peut également être interne. Dans cette acception, il tend à ce qu'un opérateur assure, au sein de ses programmes, l'équilibre et la diversité des points de vue et des opinions. Parmi les courants de pensée et d'opinion, le pluralisme politique a une place particulière. En effet, la démocratie repose sur l'exercice du suffrage universel auquel « concourent les partis et groupements politiques », comme le prévoit l'article 4 de la Constitution.
C'est sur ce second aspect que portent nos amendements.
Hormis le cas des périodes électorales pour lesquelles le code électoral prévoit précisément les règles applicables, la mission du CSA en matière de respect du pluralisme est définie de manière peu précise par l'article 13 de la loi du 30 septembre 1986. En effet, cet article prévoit simplement que le CSA « assure le respect » du pluralisme. Ce même article ajoute que le CSA doit relever, mois par mois, le temps de parole des responsables des partis politiques.
Il convient par ailleurs de souligner que la prise en compte de l'équilibre des temps de parole n'a que légèrement évolué dans le temps. La règle dite des « trois tiers » – un tiers pour le Gouvernement, un tiers pour la majorité parlementaire, un tiers pour l'opposition parlementaire – a ainsi disparu en 2000 au profit d'un « principe de référence » qui lui est finalement très proche. Si les « partis non représentés au Parlement » ont alors acquis le droit à « un accès équitable aux programmes audiovisuels », dans les faits, leur temps de parole ne représente que 3,5 % du total du temps d'expression politique.
Le temps de parole du Président de la République n'a, quant à lui, jamais été décompté, que ce soit pour l'application de la règle des trois tiers ou du principe de référence.