La séance est ouverte.
(La séance est ouverte à quinze heures.)
La parole est à M. Jean-Pierre Door, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.
Monsieur le Premier ministre, la commission Marescaux initiée par le Président de la République en novembre dernier sur la réforme des CHU a rendu hier sa copie. Elle édicte de nouvelles préconisations pour la gouvernance des CHU, et évoque aussi parfaitement les secteurs en les individualisant : soins, enseignement, recherche.
L'Assemblée nationale, après de longs débats et de nombreux amendements, a voté le texte « Hôpital patients, santé, territoires ». Aujourd'hui, c'est au tour du Sénat d'ouvrir les débats sur ce projet, et nous savons déjà que de nombreux amendements seront soumis à discussion, notamment sur la gouvernance du secteur hospitalier public.
Il est vrai que l'hôpital public appelle une réforme depuis longtemps. Il suffit de rappeler le rapport de René Couanau, il y a quelques années, et celui de Gérard Larcher, l'an dernier. Il est donc bien entendu grand temps d'agir, car les hôpitaux en ont un réel besoin, et c'est grâce à votre initiative et à celle du Gouvernement qu'est lancé depuis des mois le projet de loi HPST.
Le Président de la République s'est engagé hier à reprendre des propositions de la commission Marescaux, qu'il s'agisse d'améliorer la gouvernance, de rendre l'hôpital public plus attractif ou de favoriser le développement de la recherche biomédicale. Envisagez-vous d'intégrer certaines de ces préconisations sur les CHU lors du débat au Sénat et comment ? (Applaudissements sur divers bancs du groupe UMP.)
L'objectif de la réforme de l'hôpital, monsieur le député, c'est de garantir la qualité des soins partout et pour tous.
Chacun comprend bien que, pour y parvenir, on a besoin d'améliorer en permanence la gestion de l'hôpital. C'est le sens de la réforme que vous avez votée en première lecture. Elle prévoit ainsi la clarification des responsabilités, le directeur devant être en mesure de conduire le projet de l'établissement et d'assumer pleinement ses responsabilités. Elle prévoit ensuite le renforcement des coopérations, seule manière de concilier présence sur le territoire de l'offre de soins et qualité, et, enfin, une meilleure coordination entre tous les acteurs de la santé. Personne ne pourra contester qu'il y a encore de nombreux progrès à faire en ce domaine.
Sur tous ces points, le Gouvernement ne déviera pas de sa route, et je suis convaincu que le Sénat saura tenir le cap qui a été fixé par le Gouvernement et par l'Assemblée nationale.
Pour autant, il n'est pas question de marginaliser les médecins dans la gestion de l'hôpital. Ils ont naturellement leur mot à dire dans leur domaine de compétence, et c'est particulièrement vrai pour les centres hospitaliers universitaires, qui sont à la fois des hôpitaux, des universités et des centres de recherche.
Conformément aux recommandations du rapport Marescaux, le Gouvernement déposera au Sénat un amendement tendant à placer à côté du directeur, pour l'assister dans les décisions qu'il prend, un représentant de chacune des communautés que je viens d'évoquer. De la même façon, le Gouvernement souhaite que les directeurs de CHU soient nommés de façon conjointe par le ministre de la santé et par le ministre en charge de l'enseignement supérieur et de la recherche.
Ces décisions ne remettent en rien en cause la volonté du Gouvernement de faire en sorte que le directeur soit bien le patron de l'hôpital demain, parce que nous avons besoin d'une gouvernance efficace pour améliorer l'offre de soins.
Aujourd'hui, ceux qui défendent l'hôpital, ce sont ceux qui défendent l'amélioration permanente de la gestion de l'hôpital, parce qu'il n'y aura jamais d'amélioration de la qualité des soins sans une gestion hospitalière optimale. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)
La parole est à Mme Catherine Génisson, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.
Monsieur le Premier ministre, je parlerai moi aussi de l'hôpital, votre réponse ne nous ayant pas convaincus.
Après notre assemblée, le Sénat commence aujourd'hui l'examen du projet de loi « Hôpital, patients, santé, territoires », dans un contexte où nos hôpitaux, quelle que soit leur taille, achèvent leurs arbitrages budgétaires en opérant de nombreuses coupes sombres aboutissant à de lourdes réductions de personnel.
Les chiffres sont éloquents : 800 millions d'euros de déficit, 20 000 suppressions d'emplois.
Un déficit budgétaire que vous organisez quand vous ne reconnaissez pas à sa juste valeur l'activité de nos hôpitaux ; vous l'avez d'ailleurs reconnu en modifiant les critères d'évaluation de la tarification à l'activité et en reportant aux calendes grecques la convergences des tarifs du secteur public et du secteur privé.
Ce projet de loi, c'est la vente à la découpe de l'hôpital public, qui en perd même sa dénomination d'hôpital. Vous saucissonnez le service public pour distribuer des missions de service public tant au secteur public qu'au secteur privé, sous l'arbitrage du directeur de l'agence régionale de santé, courroie de transmission directe avec le Gouvernement – directeur qui privilégiera une logique de rentabilité comptable
Ce projet de loi, c'est l'entrée du secteur de la santé dans une logique marchande, telle que définie dans le programme du PPE au niveau européen.
Ce projet de loi, c'est une logique de gestion d'entreprise : conseil de surveillance, directoire, vocabulaire directement emprunté au monde de l'entreprise.
Au nom du diktat « tous derrière le chef », c'est-à-dire derrière le directeur de l'hôpital, vous déstabilisez l'équilibre actuel de la relation entre communauté soignante et communauté administrative.
Enfin, ce projet de loi, suite aux conclusions de la commission Marescaux, dessinera l'avenir de nos centres hospitalo-universitaires dans la seule enceinte du Sénat, sans que notre assemblée puisse en délibérer…
Merci, madame, votre temps de parole est écoulé. (Mouvements sur les bancs du groupe SRC.)
La parole est à M. Luc Chatel, secrétaire d'État chargé de l'industrie et de la consommation, porte-parole du Gouvernement.
Madame la députée, je vous prie d'excuser Mme Roselyne Bachelot, qui accompagne le Président de la République pour un déplacement concernant, justement, l'avenir de l'hôpital public.
Le Premier ministre vient de l'évoquer : l'objectif du projet de loi « Hôpital, patients, santé, territoires » est de consolider l'hôpital public et d'assurer sa pérennité. L'hôpital a besoin qu'un certain nombre de ses missions soient clarifiées ; il a également besoin d'une gouvernance simplifiée et de moyens renforcés.
C'est précisément le sens de l'action du Gouvernement. Tout d'abord, la gouvernance sera simplifiée. C'était nécessaire car les responsabilités sont aujourd'hui trop diffuses.
Ce projet de loi a fait l'objet d'une large concertation avec l'ensemble des acteurs de la santé, et les débats qui débutent aujourd'hui au Sénat permettront de parvenir à un équilibre satisfaisant. Jamais les médecins n'auront eu autant de responsabilités dans l'organisation et le fonctionnement de l'hôpital.
En matière de financement, comme le Premier ministre l'évoquait à l'instant, il ne faut pas confondre une gestion comptable de l'hôpital et le souci de bien gérer les établissements. Quand les comptes ne sont pas à l'équilibre, c'est l'ensemble de la collectivité qui supporte le déficit.
Nous avons des comptes à rendre à nos concitoyens. L'expérience montre que les établissements où les patients sont le mieux soignés sont souvent ceux qui sont le mieux gérés.
Je rappelle enfin que le Gouvernement a mis cette année deux milliards d'euros supplémentaires à la disposition des hôpitaux.
Madame la députée, le débat qui s'engage aujourd'hui au Sénat doit permettre de parvenir à un équilibre. En tout état de cause, l'objectif du projet est de renforcer l'attractivité de l'hôpital public.
Madame la ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales, nous venons d'apprendre que l'examen du projet de loi relatif à la gendarmerie nationale serait une nouvelle fois reporté alors qu'en toute logique il aurait du être adopté avant le transfert plein et entier des crédits budgétaires de la gendarmerie au ministère de l'intérieur, effectif depuis le 1er janvier.
Au-delà des problèmes de forme que cela pose quant au rôle et à la place du Parlement dans ce processus, cette période transitoire, qui a trop duré, suscite de lourdes inquiétudes dans la gendarmerie.
En effet, si la poursuite du rapprochement de nos deux forces de sécurité, police et gendarmerie, engagé positivement depuis 2002, devrait être un gage de plus grande efficacité, il ne sera pertinent que dans un cadre d'équilibre et d'équité. Nous sommes nombreux sur les bancs de notre assemblée à être foncièrement et fondamentalement attachés à nos gendarmes, au professionnalisme, au courage et à la disponibilité avérés.
Profitant de cette période transitoire, certaines organisations syndicales de policiers demandent ouvertement une fusion des deux forces, donc, de fait, une absorption de la gendarmerie par la police. Pouvez-vous, madame la ministre, nous apporter sur ce sujet quelques garanties ?
La dualité de forces de sécurité, si importante dans toute démocratie, sera-t-elle, comme le statut militaire des gendarmes, préservée dans la durée ?
Le spectre missionnel de la gendarmerie – police judiciaire, lutte contre la délinquance, lutte contre le terrorisme interne et renseignement, police scientifique – sera-t-il intégralement maintenu ?
L'objectif de parité équitable entre une force civile légitimement syndiquée et une force militaire soumise à une moindre capacité d'expression pourra-t-il à terme être respecté ?
Avec moi, le président Sauvadet et les membres du groupe Nouveau Centre, comme nos gendarmes, aimeraient, madame la ministre, être rassurés. (Applaudissements sur les bancs des groupes NC et sur quelques bancs du groupe UMP.)
La parole est à Mme Michèle Alliot-Marie, ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales.
Monsieur le député Folliot, je l'ai dit et je le redis, très calmement : je suis opposée à tout nouveau report de la loi sur la gendarmerie nationale. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)
Le poids des missions de sécurité intérieure de la gendarmerie a entraîné en 2002 son rattachement pour emploi au ministère de l'intérieur. Il est logique d'en tirer toutes les conséquences quant aux moyens servant à cet emploi. C'est bien l'objet du projet de loi, qui a été adopté par le Sénat et qui vous sera soumis.
Pour autant, je répète très clairement – c'est d'ailleurs inscrit dans le projet – qu'il n'est pas question de toucher au statut militaire des gendarmes. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.) Il n'est pas question de fusionner la gendarmerie et la police ; la gendarmerie conservera d'ailleurs une direction générale distincte. Il n'est pas non plus question de porter atteinte à l'ensemble des missions de la gendarmerie nationale.
Je suis chargée de faire en sorte que cette arrivée de la gendarmerie nationale au ministère de l'intérieur se passe dans les meilleures conditions, ce qui signifie que chacun doit s'en trouver bien et qu'un équilibre entre les deux forces soit réalisé.
Vous le voyez, et vous le verrez grâce au texte : je veillerai personnellement au maintien du statut militaire et à la garantie de l'identité militaire de la gendarmerie, en faveur desquels le Président de la République s'est à nouveau prononcé il y a peu.
Je veillerai à donner à la gendarmerie les moyens nécessaires à sa pleine efficacité au service de la protection des Français. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)
La parole est à M. Michel Vaxès, pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine.
Monsieur le Premier ministre, selon l'INSEE, entre 2002 et 2006, le nombre de personnes pauvres en France a augmenté de un million, atteignant près de huit millions.
Depuis, il ne cesse de s'accroître.
En parallèle, la croissance extrêmement faible des salaires durant ces vingt dernières années contraste scandaleusement avec une très forte augmentation des plus hauts revenus et une explosion des dividendes versés aux actionnaires.
Pourtant, dans son dernier rapport sur la France, l'OCDE vous suggère d'accélérer encore ce processus, au risque de creuser des inégalités sociales déjà insupportables. Elle préconise notamment « d'assouplir la législation sur les licenciements », et d'aller donc au-delà des 3 000 licenciements quotidiens ! Allez-vous le faire ?
Elle conseille également « de relever l'âge légal de la retraite » – donc de travailler plus longtemps pour gagner moins ! –, « d'abaisser le coût du travail pour les moins qualifiés, et de diminuer encore les charges fiscales et sociales des entreprises », ce qui aboutirait à mieux servir les actionnaires ! Allez-vous le faire ?
Pour elle, il faut « aller plus avant dans la réforme des universités », avec notamment l'objectif de « renforcer la sélection et d'augmenter les frais d'inscription ». Allez-vous le faire ?
En outre, l'OCDE prescrit « de diminuer les dépenses de sécurité sociale », c'est-à-dire de réduire encore l'accès aux soins et d'asphyxier financièrement les hôpitaux publics ! Allez-vous le faire ?
De plus, elle préconise « d'obtenir une réduction drastique des dépenses des collectivités locales et une augmentation significative de leurs impôts locaux », ce qui signifierait moins de réponses aux besoins des populations et moins de pouvoir d'achat pour nos concitoyens ! Allez-vous les y contraindre ? (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR.)
La parole est à Mme Christine Lagarde, ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi. (« Et du chômage ! » sur plusieurs bancs du groupe SRC.)
Monsieur Michel Vaxès, nous avons clairement lu le même rapport : celui de l'OCDE. Le Gouvernement en a tiré un certain nombre d'enseignements. Que nous dit l'OCDE dans son rapport ?
Premièrement, s'agissant du plan de relance de la France, elle indique que ce plan fonctionne et qu'il commencera à produire ses effets à la mi-2009.
Deuxièmement, elle estime que les fondamentaux de l'économie française sont sains, et plus sains que ceux de ses voisins dans le secteur bancaire, dans le secteur des ménages et dans celui de l'immobilier.
En outre, l'OCDE souligne que le crédit impôt-recherche fonctionne mieux en France que partout ailleurs dans les trente pays qu'elle a recensés.
Cela étant, son rapport nous invite à aller plus loin en ce qui concerne la compétitivité des entreprises : c'est ce que nous faisons en augmentant le crédit impôt-recherche.
Il nous enjoint à diminuer les charges des entreprises :…
…la loi de modernisation de l'économie a permis aux petites entreprises de bénéficier d'allégements de charges.
Il indique que nous devons améliorer l'emploi en France. Que faisons-nous pour cela ? Il y a le RSA, les allégements de charges, en particulier pour les entreprises de moins de dix salariés qui recruteront pendant l'année 2009. Tous ces plans, nous les mettons en oeuvre.
Par ailleurs, en ce qui concerne les chiffres, je constate, au vu du graphique publié dans la presse internationale, avec la courbe la plus favorable qui montre l'économie qui descend le moins et celle qui remonte le plus vite, que la France fait mieux que ses voisins (Exclamations sur les bancs du groupe GDR), mieux que les États-Unis, mieux que la Chine. (Applaudissements sur de nombreux bancs des groupes UMP et NC.– Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
La parole est à M. Robert Lecou, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.
Monsieur le secrétaire d'État chargé des affaires européennes, à Nîmes, mardi dernier, le Président de la République a prononcé un discours à l'adresse des Françaises et des Français afin de leur faire part de sa vision de l'Europe. Après ce discours très volontariste, dimanche dernier, les célébrations du 8 mai achevées, le Président français et la Chancelière allemande ont souhaité exprimer, ensemble, leur vision du couple franco-allemand dans le concert européen : « L'amitié entre la France et l'Allemagne est le trésor le plus précieux pour l'Europe et le monde entier », a affirmé Nicolas Sarkozy ; Angela Merkel a assuré, pour sa part : « La France et l'Allemagne sont le moteur de l'Europe ».
À moins d'un mois de l'élection européenne, ces deux démonstrations du Président de la République expriment la volonté de l'exécutif français de s'engager pour une élection importante, mais qui, à ce jour, n'a pas beaucoup mobilisé la France et les Français, lesquels voient souvent l'Europe comme distante et contraignante.
Monsieur le secrétaire d'État, comment, dans un contexte socio-économique très marqué par la crise, le Gouvernement entend-il rendre le projet européen plus attractif ? Comment effacer ses effets nocifs auprès des Français qui n'acceptent pas que Bruxelles puisse définir des réglementations aussi proches de leur quotidien sans prendre en compte les cultures, les traditions et les spécificités de notre histoire et de nos régions ?
À cet égard je tiens à évoquer la fixation des dates de chasse (Exclamations sur les bancs du groupe GDR) ainsi que, par exemple, la fabrication du rosé à partir d'un mélange de vin blanc et de vin rouge ! Telle est ma première question.
Ma seconde question porte sur le couple franco-allemand.
On sait, depuis Adenauer et De Gaulle – et cela s'est confirmé dimanche – qu'il a toujours été et qu'il demeure l'un des socles de la construction européenne. À Berlin, est d'ailleurs apparue clairement une harmonie entre les deux pays sur la nécessaire ratification du traité de Lisbonne et sur la nécessité pour l'Europe d'avoir des frontières ; sinon, elle sera sans identité et sans valeur…
La parole est à M. Bruno Le Maire, secrétaire d'État chargé des affaires européennes.
Monsieur Robert Lecou, nous sommes à un moment de vérité pour l'Union européenne : soit nous nous résignons à une Europe sans règles, sans identité et sans frontières ; soit nous construisons, sur le modèle de ce qui a été fait pendant la présidence française de l'Union sous la direction du Président de la République et du Premier ministre, une Europe politique forte, capable de jouer pleinement son rôle entre les grandes puissances du monde de demain. C'est ce modèle que nous défendons, tant en France qu'en Allemagne.
Nous disons « oui » à une Europe avec des frontières,…
… « oui » à une Europe avec une identité, « oui » à une Europe qui cesse de s'élargir indéfiniment. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)
Nous disons « oui » à une Europe de la politique industrielle et de la politique économique commune, à une Europe qui crée des emplois, investit dans l'innovation et dans la recherche, et qui devient ainsi l'un des continents les plus compétitifs au monde.
Nous disons « oui » à une Europe de la solidarité qui fait une place aux droits sociaux pour chaque citoyen de l'Union européenne.
Nous disons « oui » à une Europe de la responsabilité politique, une Europe où chaque citoyen sait ce que chaque institution fait et où chacune d'entre elles, Commission comprise, lui rend des comptes. À cet effet, nous avons demandé que la prochaine Commission présente une déclaration de politique générale avant d'être investie par le Parlement européen. Il s'agit de savoir ce qu'elle compte faire, dans quels délais, sur la base de quel calendrier et avec quels objectifs.
Nous voulons construire cette Europe politique avec l'Allemagne. Cependant elle appartient d'abord aux citoyens, et c'est pourquoi je profite de votre question pour les appeler, une nouvelle fois, à voter le plus nombreux possible, le 7 juin prochain, aux élections européennes. (Applaudissements sur de nombreux bancs des groupes UMP et NC.)
La parole est à M. Pierre Cohen, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.
Monsieur le Premier ministre, depuis deux ans, avec le Président de la République, vous avez choisi de soutenir les plus forts et les plus fortunés, au détriment des plus démunis et des précaires, en conduisant une politique symbolisée par le bouclier fiscal protégeant les fortunés, et par le démantèlement organisé des services publics au profit de nouveaux concepts comme « l'université entreprise » et « l'hôpital entreprise ».
Il en va de même pour la politique industrielle. Le faible plan de relance que vous proposez pour la France s'adresse principalement aux banques et aux grands groupes. Jamais l'emploi n'a été votre préoccupation principale. Les entreprises se délocalisent ; elles ferment sans vergogne et sans se soucier des dégâts humains que cela génère, comme le démontrent cruellement les exemples de Freescale ou Molex à Toulouse. Freescale, entreprise soutenue par des financements des collectivités locales pour la recherche, a décidé de licencier plus de mille personnes.
Les entreprises de haute technologie subissent de plein fouet les stratégies financières des capitaux étrangers, sans que votre gouvernement ne mette en place une politique industrielle digne de ce nom.
Pourtant, l'industrie des composants semi-conducteurs est un secteur clé de l'innovation technologique dans les domaines de l'automobile et de la téléphonie évidemment, mais aussi dans ceux de l'aéronautique, du spatial, de l'informatique et même du développement durable – bref, dans l'économie du XXIe siècle.
Au moment où les salariés négocient avec leur direction, il est urgent que l'État s'engage fermement afin que l'argent injecté auprès des grands groupes ou des banques, constitue enfin un levier efficace pour soutenir les entreprises, particulièrement celles qui opèrent dans la sous-traitance à haute qualification et savoir-faire technologique.
Monsieur le Premier ministre, allez-vous enfin mettre en place une politique industrielle de soutien en direction des salariés en difficulté, ainsi qu'au bénéfice de l'emploi ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
La parole est à M. Luc Chatel, secrétaire d'État chargé de l'industrie et de la consommation, porte-parole du Gouvernement. (Protestations sur les bancs du groupe SRC.)
Monsieur le député Cohen, la crise d'une violence inouïe qui touche l'industrie réclame moins d'invectives et de caricatures que de solidarité entre l'État et les collectivités locales. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC. – Protestations sur les bancs du groupe SRC.)
S'agissant de la situation de l'industrie, notamment dans la région Midi-Pyrénées, je ne peux vous laisser dire que le Gouvernement se désintéresse du sort des salariés. Toute la politique du Gouvernement est basée sur le maintien du lien entre les industries, les entreprises et les salariés. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)
C'est pourquoi nous avons mis en place une politique d'accompagnement qui permet notamment de débloquer des liquidités pour les entreprises en difficulté, grâce à l'augmentation de la garantie OSEO qui peut désormais atteindre jusqu'à 90 % des prêts. C'est pourquoi nous avons aussi augmenté les quotas de chômage partiel…
…afin de maintenir ce lien entre les salariés et les entreprises, et éviter des plans massifs de licenciements.
Monsieur Cohen, vous interrogez le Gouvernement sur la situation des entreprises hautement qualifiées, notamment celles qui produisent des semi-conducteurs dans votre région. Gravement touché, ce secteur accuse une baisse d'activité de 30 % en moyenne. Fin janvier, j'avais d'ailleurs réuni les représentants des salariés de ces entreprises, à Bercy. La situation justifie des mesures exceptionnelles : cette année l'État va accompagner à hauteur de 400 millions d'euros, à Crolles, dans un pôle de compétitivité, toutes les entreprises qui travaillent dans ce domaine.
Dans votre région, monsieur Cohen, l'entreprise Freescale rencontre des difficultés. Avec le commissaire à la réindustrialisation que nous avons nommé, nous ferons en sorte que le plan de sauvegarde de l'emploi soit le plus efficace, le plus bénéfique possible pour les salariés. Nous allons explorer toutes les hypothèses d'essaimage, de start-up, de reconversion dans le photovoltaïque (Exclamations sur les bancs du groupe SRC) et, monsieur Cohen, toutes les bonnes volontés, de toutes les collectivités locales...
Ma question s'adresse à Mme Christine Lagarde, ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi.
L'Observatoire national de la délinquance a indiqué en avril que les atteintes aux biens ont baissé de 4,3 % en un an, tandis que les atteintes à l'intégrité physique ont progressé de plus de 3 %. Quant aux infractions économiques, elles ont augmenté de plus de 8,5 %.
Ces chiffres témoignent d'une évolution de la délinquance française complexe, dans la mesure où les actes de violence s'accroissent dans une proportion inférieure aux escroqueries. La crise économique n'est pas étrangère à l'augmentation des abus de confiance, malversations, contrefaçons et emplois d'étrangers sans titre.
Le Parlement a souhaité interdire le versement de stock-options et d'actions gratuites aux dirigeants des entreprises aidées par l'État dans ce contexte difficile. Parallèlement, il a soutenu les plans de relance élaborés par le Gouvernement. Cet engagement en faveur de l'emploi et des salariés les plus exposés va provoquer un doublement du déficit budgétaire de la France pour l'année à venir.
Or, on estime que les activités qui échappent au fisc privent l'État de près d'un cinquième de ses recettes. Je ne peux m'empêcher de mettre en parallèle ces chiffres avec le taux d'élucidation des infractions financières qui, à ce jour, dépasse à peine les 50 % !
Aussi, madame la ministre, mes collègues centristes et moi-même aimerions savoir si vous allez activer un programme spécifique de lutte contre les infractions économiques au cours des prochains mois. Les scandales à répétition dans une banque dont je tairai le nom montrent que le secteur bancaire n'a pas forcément tiré tous les enseignements de la crise systémique que nous subissons depuis l'été 2007. (Applaudissements sur les bancs du groupe NC.)
La parole est à Mme Christine Lagarde, ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi.
Mme Christine Lagarde, ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi. Monsieur le député Benoit, vous souhaitez combattre les infractions financières ? Nous aussi.
Vous souhaitez assainir le système financier ? Nous aussi. Vous souhaitez rétablir la mesure ? Nous aussi.
Je voudrais vous donner deux exemples d'actions menées à la demande du Premier ministre et en suivant les grandes lignes qui nous avaient été données par le Président de la République. Au niveau international, à l'occasion du G20, nous avons demandé et obtenu que certains excès soient combattus.
Qu'il s'agisse des paradis fiscaux, des agences de notation, des fonds alternatifs ou de la rémunération des opérateurs de marché, nous avons obtenu que les pays du G20 proposent, chacun dans leur domaine et sur leur territoire, des mesures de nature à assainir les relations financières à l'échelon international.
Sur le plan national, qu'avons-nous fait ? À la demande du Premier ministre, vous avez voté la loi de modernisation de l'économie. Les gendarmes de la finance – l'Autorité des marchés financiers et la Commission bancaire – ont pu, grâce à cette loi, multiplier par dix les sanctions financières prises à l'encontre de ceux qui ne respectent pas la règle.
Voilà deux exemples très précis des dispositions que nous avons prises.
Une autre a fait l'objet de nombreux débats sur les bancs de cette assemblée : celle prévue par la loi de finances rectificative, et développée par le décret publié le 20 avril – le même jour que la loi –, qui prévoit l'encadrement des rémunérations des dirigeants et en particulier l'interdiction d'attribuer des stock-options, des actions gratuites et des bonus dans les sociétés bénéficiant de l'aide de l'État.
À ma demande, la DGCCRF a été chargée d'une mission visant trois types d'actions : la protection des consommateurs en cas de comportements abusifs, les relations commerciales entre les opérateurs, et enfin tout ce qui concerne le caractère….
La parole est à M. André Vallini, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.
Madame la garde des sceaux, le 2 décembre dernier l'association Transparence-international France a déposé une plainte contre MM. Sassou Nguesso, Bongo et Obiang, présidents respectifs du Congo, du Gabon et de la Guinée équatoriale. Cette plainte, qui vise des faits de détournement de fonds publics, de corruption ou encore de blanchiment, concerne la façon dont ces trois chefs d'État ont acquis un patrimoine mobilier et, surtout, immobilier très important dans notre pays.
Mardi dernier, la doyenne des juges du pôle financier de Paris a jugé cette plainte recevable et autorisé l'ouverture d'une enquête. Or, deux jours plus tard, le parquet a fait appel de cette décision, estimant qu'il n'y avait pas lieu à engager des poursuites.
Depuis que vous êtes en fonction, madame la garde des sceaux, vous revendiquez le lien hiérarchique entre vous et les parquets, vous présentant même, à plusieurs reprises, comme la « chef des procureurs ». Ma question est donc simple : nul ne pouvant croire que le parquet a agi sans vos instructions, quelles sont celles que vous lui avez données ? Êtes-vous intervenue et, si oui, de quelle façon ? D'autres autorités de l'État sont-elles également intervenues dans ce dossier ? (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe SRC.- Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe GDR.)
La parole est à Mme Rachida Dati, garde des sceaux, ministre de la justice.
Je commence par quelques éléments de chronologie, monsieur le député.
En mars 2008, trois associations ont déposé plainte auprès du parquet de Paris pour des faits de recel et de détournement de biens publics visant des chefs d'État africains. Une enquête préliminaire du parquet a eu lieu, à l'issue de laquelle la plainte a été classée pour absence d'infractions pénales. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)
Une autre association a déposé une nouvelle plainte en juillet 2008, laquelle, sur la base des mêmes faits et des mêmes arguments, a été classée à son tour par le parquet.
En décembre 2008, l'association que vous avez citée ainsi qu'un contribuable gabonais ont déposé plainte pour ces faits auprès du doyen des juges d'instruction, avec constitution de partie civile, contre trois chefs d'État africains.
Vous avez raison de rappeler que le garde des sceaux a autorité sur les parquets – on l'a trop longtemps oublié ! (Protestations sur les bancs du groupe SRC – Applaudissements sur quelques bancs du groupe UMP) de sorte que la même justice est assurée sur l'ensemble du territoire pour tous les Français. J'ajoute que, dans notre système judiciaire, le parquet juge de l'opportunité des poursuites et de leur éventuel classement, en fonction des faits qui lui sont soumis.
En l'occurrence une plainte a été déposée auprès du doyen des juges d'instruction, qui a jugé, contrairement au parquet, que l'association et le contribuable gabonais avaient qualité à agir : cette divergence repose donc sur un élément purement juridique. (Rires et exclamations sur les bancs du groupe SRC.)
Le juge d'instruction a maintenu la plainte ; le parquet a fait appel en toute opportunité, sans que nous n'intervenions
…à moins de vouloir changer l'organisation judiciaire, on ne saurait lui contester ce droit. La chambre de l'instruction, composée de trois magistrats indépendants, statuera…
La parole est à M. Gérard Hamel, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.
Monsieur le ministre chargé de la mise en oeuvre du plan de relance, le plan de relance commence à porter ses fruits dans l'ensemble des dispositifs qu'il soutient. (Rires et exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.) Les premières étapes ont été franchies avec un certain succès, et ce quelques mois seulement après nos débats sur les textes législatifs que nous avons eu à coeur de soutenir et d'enrichir.
Le plan de relance a une priorité claire : investir massivement en 2009. Je souhaite à cette occasion apporter le témoignage de la réussite de son volet ANRU.
Si près de quatre cents conventions, pour un montant de travaux de plus de 38 milliards d'euros, ont été validées depuis 2004, le plan de relance que vous conduisez reconnaît à son tour le caractère prioritaire de la rénovation urbaine, à laquelle vous attribuez en 2009 une enveloppe supplémentaire de 350 millions d'euros. La mobilisation générale de nombreux acteurs publics et privés est d'ailleurs exemplaire ; elle constitue un formidable effet de levier permettant, avec ces 350 millions d'aides, de générer plus de 4 milliards d'euros de travaux.
Monsieur le ministre, le plan de relance adapté à la rénovation urbaine est une opportunité sans précédent pour amplifier et accélérer la modification en profondeur de nos quartiers. Aussi les acteurs du secteur respecteront-ils leurs engagements pour que les travaux supplémentaires financés soient mis en oeuvre en 2009.
Favorable, comme vous, à une évaluation partagée des politiques publiques, je souhaite que vous m'indiquiez le processus et le calendrier que votre ministère entend adopter en la matière,…
…ainsi que les conditions de fongibilité des crédits du plan de relance éventuellement inutilisés.
La parole est à M. Patrick Devedjian, ministre en charge de la mise en oeuvre du plan de relance.
Vous avez raison, monsieur Hamel de souligner que l'ANRU, que vous présidez, constitue un vecteur important du plan de relance. Je me félicite que l'enveloppe supplémentaire de 350 millions d'euros produise un effet de levier considérable, en générant 4,4 milliards d'euros de travaux, soit un multiplicateur 13 environ. Ces investissements, outre qu'ils représentent 50 000 emplois, restructurent nos quartiers en profondeur et débloquent un certain nombre de chantiers dont on déplorait, sur tous les bancs de cette assemblée, qu'ils fussent en panne.
C'est donc là un succès.
Je suis également sensible au fait que l'ANRU ait installé un comité national de suivi, grâce auquel les chantiers peuvent être mis en oeuvre au plus vite, ce qui est, avec son caractère massif, la vocation même du plan de relance.
J'ajoute que, grâce au remboursement de 4 milliards du fonds de compensation de la TVA, l'action de toutes les collectivités locales, qu'elles soient de droite ou de gauche, générera, dès cette année, 48 milliards d'investissements, soit un effet de levier considérable, de coefficient 12.
S'agissant de l'ANRU, je vous demande, monsieur le député, de consommer au plus vite les crédits prévus ; faute de quoi ils seront redéployés, naturellement dans le cadre de l'ANRU. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe UMP.)
La parole est à M. Patrick Bloche, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.
Ma question s'adresse à M. le Premier ministre.
La semaine dernière, alors même que notre Assemblée poursuivait l'examen du projet de loi HADOPI, un vote massif du Parlement européen faisait pour le moins désordre, en le rendant tout simplement caduc. (« C'est faux ! » sur plusieurs bancs du groupe UMP.) Par 407 voix contre 57, les eurodéputés nous rappelaient de manière éclatante que l'accès à Internet était devenu si fondamental dans la vie de nos concitoyens que toute coupure ne pouvait être opérée sans une décision préalable d'un juge.
Force est de reconnaître que le gouvernement français aura déployé une énergie considérable pour empêcher ce vote, quitte à prendre en otage de manière irresponsable le « paquet télécoms ».
Rien n'y a fait, pas même la lettre de Nicolas Sarkozy à son ami M. Barroso, qui a fait l'objet d'une fin de non-recevoir.
Niant l'évidence, faisant fi du vote de Strasbourg, le Gouvernement, droit dans ses bottes, a poursuivi de manière imperturbable, dans cet hémicycle, l'édification de cette ligne Maginot qu'est Hadopi.
Plus grave encore : M. Copé a tenté de faire diversion en déclarant, de manière incroyable, que le vote à une écrasante majorité des eurodéputés, dont 40 de ses amis du PPE, était « une petite manip des socialistes ». (« C'est vrai ! » sur de nombreux bancs du groupe UMP.)
De fait, monsieur le Premier Ministre, ma question est double : pourquoi la discussion du projet de loi HADOPI ne s'est-elle pas interrompue dès le vote de Strasbourg connu, afin d'éviter de légiférer pour rien ? (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe SRC.)
Par ailleurs, cautionnez-vous les déclarations d'un des principaux responsables de la majorité qui ont porté gravement atteinte à l'image et à la légitimité d'un Parlement, qui sera renouvelé dans moins d'un mois ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
La parole est à Mme Christine Albanel, ministre de la culture et de la communication.
Je l'ai dit, monsieur Bloche : j'ai regretté que l'amendement Bono ait été soumis au vote du Parlement européen au lieu de l'amendement de compromis que devait présenter Mme Catherine Trautmann. Je l'ai regretté parce que, je le rappelle, cet amendement avait été rejeté à l'unanimité par le conseil télécoms, avec lequel il n'a rien à voir. En outre, il est précisément présenté – je dis bien présenté, et non pas voté – pour cette raison : pour peser sur les débats du Parlement français qui examine le projet de loi « Création et Internet ». (« C'est faux ! Mensonges ! » sur de nombreux bancs du groupe SRC. – Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe UMP et sur quelques bancs du groupe NC.)
Je regrette cet amendement, mais je ne le crains pas car je le répète : la loi « Création et Internet » ne porte atteinte à aucun droit fondamental. (Exclamations sur de nombreux bancs du groupe SRC.)
Ensuite, la liberté d'utilisation d'Internet, aussi respectable soit-elle, doit se concilier avec d'autres droits : le droit de propriété, le droit des auteurs, le droit des créateurs, ces droits que nous défendons depuis Beaumarchais, et nous en sommes fiers ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Enfin, la France a, comme chaque État, le droit de mener des expérimentations pour défendre ses créateurs. C'est ce qu'a approuvé à Bruxelles le conseil des ministres, en novembre dernier.
Je continue donc de porter la loi « Création et Internet » avec confiance, fierté et volonté ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
La parole est à M. Alain Suguenot, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.
Ma question s'adresse à Mme la ministre de l'intérieur.
L'actualité récente, et singulièrement l'arrestation de deux ressortissants français en Italie dans le courant du mois de novembre – que nous venons seulement d'apprendre il y a quarante-huit heures –, nous prouve que les menaces terroristes sont toujours aussi présentes, même si nous l'avions quelque peu oublié.
Cela démontre qu'elles peuvent intervenir à tout moment sur le sol européen, et notamment sur le sol national, comme l'arrestation de ces deux membres présumés d'Al-Qaïda en témoigne, alors qu'ils projetaient d'intervenir directement en Angleterre et en France.
Le terrorisme, qu'il soit d'origine intégriste ou autonomiste, est un fléau majeur, dont nous avons encore en tête les images d'épouvante d'un passé récent. Des rumeurs insistantes font état de propositions d'organisations terroristes afin d'enrôler des kamikazes. Lorsque l'on connaît la folie meurtrière et les actions similaires déjà menées par Al-Qaïda, l'on peut raisonnablement s'inquiéter et il me semble qu'il ne faut surtout pas relâcher notre vigilance.
Nous connaissons tous ici votre engagement, madame la ministre. Pouvez-vous nous indiquer quelles sont les menaces qui pourraient concerner l'Europe et notre pays en particulier ? Quels sont les moyens mis en oeuvre dans la lutte contre le terrorisme ? Quels sont les résultats – nous savons qu'il y en a – déjà obtenus par la lutte anti-terroriste sur notre territoire ? Enfin, quelles sont les mesurés que vous entendez prendre dans les prochains jours contre cette nouvelle manière de faire la guerre, véritable épée de Damoclès sur nos démocraties ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
La parole est à Mme Michèle Alliot-Marie, ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales.
Monsieur le député, si la France n'est pas plus menacée que d'autres pays, il va de soi qu'elle ne l'est pas moins. En 2008, 80 activistes islamistes ont été interpellés, ainsi que 39 membres ou proches de l'ETA. Depuis le début de l'année, 11 activistes islamistes et 30 individus en lien avec le mouvement terroriste ETA ont également été interpellés.
Il est évident que cela doit susciter notre vigilance, laquelle repose sur deux éléments : la sécurisation, bien entendu, et aussi le renseignement. Nous oeuvrons à la sécurisation par le biais du plan Vigipirate qui, chaque jour, mobilise 3 400 policiers, gendarmes et militaires. À l'heure actuelle, nous sommes toujours en Vigipirate rouge.
Quant au renseignement, la DCRI dispose aujourd'hui d'un maillage territorial qui lui permet d'agir avec beaucoup d'efficacité. Il s'agit avant tout de déceler les filières de recrutement de djihadistes. Il s'agit également de surveiller Internet, que les islamistes utilisent de plus en plus pour recruter ou pour mener des opérations. Le projet de LOPSI que je vous soumettrai prochainement donnera aux services de renseignement de nouveaux moyens juridiques, techniques et financiers pour remplir leur rôle.
S'agissant de l'opération que vous évoquiez à l'instant, les individus en question sont connus, pour des opérations de propagande, de recrutement, et pour leur appartenance à des filières. Pour autant, je puis vous indiquer que nous n'avons aucun élément nous permettant de penser sérieusement à une menace d'attentat sur Roissy. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
La parole est à M. Michel Françaix, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.
Monsieur le Premier ministre, je vais vous raconter une histoire (« Ah ! » sur les bancs du groupe UMP), une histoire affligeante « Oh ! » sur les bancs du groupe UMP.)
Il était une fois un citoyen honnête, spécialiste d'Internet. Cet homme trouvait que votre loi HADOPI était pour le moins inappropriée. Croyant au dialogue républicain et à la liberté d'expression, il fait part de ses doutes par mail à sa députée, Mme de Panafieu. Celle-ci, pourtant spécialiste de ces questions et très présente dans les débats, est mystérieusement à court d'arguments. Elle appelle donc au secours la ministre de la culture et fait suivre le mail perturbateur.
Dès réception, un proche de Mme la ministre de la culture s'indigne : « Mais qui est cet homme qui ose remettre en question une de nos plus belles lois ? Il paraît que cet esprit pernicieux travaille à TF1 ! Mais TF1 c'est nous ! Ah ! il va voir ce qu'il va voir, ce rebelle ! » Et de ce pas, il envoie un mail vengeur à la direction de TF1. (Murmures sur les bancs du groupe UMP.)
Là-bas, c'est la stupeur ! « Un de nos salariés en désaccord avec notre bien-aimé Président Sarkozy ? Convoquons-le sur-le-champ et licencions-le pour faute lourde ! » C'est qu'il n'est pas bon à TF1 de ne pas marcher au pas sarkoziste !
Monsieur le Premier ministre, cette histoire est arrivée en France et elle en dit long sur la complicité entre votre gouvernement et TF1. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR. – Vives exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
Madame Albanel, êtes-vous fière d'appartenir à un gouvernement qui prône la collusion avec les médias ? Monsieur le Premier ministre, est-ce votre conception de la démocratie que de demander la tête d'un salarié pour divergence d'opinion ? Enfin, monsieur le Premier ministre, de vous à moi, cette histoire de dénonciation, de punition, de soumission exigée, cette histoire-là, monsieur le Premier ministre, la trouvez-vousdigne de vous, la trouvez-vous digne du pays des droits de l'homme ? (Vifs applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR. – Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
La parole est à Mme Christine Albanel, ministre de la culture et de la communication. (Huées sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
Je vous en prie !
Vous avez la parole, madame la ministre.
Monsieur le député, un mail a bien été envoyé par un responsable Web de TF1 à Mme Françoise de Panafieu, effectivement très présente lors de nos débats sur la loi Internet, ce dont je la remercie.
Elle l'a envoyé au ministère pour avoir des éléments techniques de réponse (« Balance ! » sur plusieurs bancs du groupe SRC), ce qui se fait couramment.
Copie de ce mail a été adressée à la chaîne TF1, ce que j'ignorais. J'ai demandé des renseignements et le fait s'est trouvé avéré. J'ai déclaré publiquement que je regrettais cet envoi qui, d'ailleurs, a été fait sans aucune demande de sanction, mais pour information. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)
J'ai précisé qu'il s'agissait d'une erreur regrettable…
Plusieurs députés du groupe SRC. Il est au chômage, maintenant !
…et j'ai pris des sanctions à l'encontre du collaborateur en question.
Si je l'ai fait, c'est tout simplement parce que j'ai le plus grand respect pour la liberté et pour l'autonomie des chaînes, pour leur liberté de décision et de gestion, ainsi que pour la liberté d'expression des journalistes. (Vives exclamations sur les bancs du groupe SRC.) J'ai pris mes responsabilités dans cette affaire et je crois que nul, sans mentir, ne peut m'accuser du contraire. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP. – Les députés du groupe SRC scandent longuement : « Démission ! Démission ! ».)
La parole est à M. Yves Censi, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.
Monsieur le ministre de l'agriculture et de la pêche.
Le 6 mai dernier, la Commission est parvenue à un accord avec les États-Unis sur le contentieux qui les opposait à l'Union européenne, concernant l'interdiction d'importation de la viande aux hormones en Europe.
Cet accord permet de diminuer les sanctions appliquées contre un certain nombre de produits français. Il permet surtout de sauver notre roquefort de la taxation de 300 % qui avait été envisagée par les États-Unis de façon totalement arbitraire. En tant qu'élu de l'Aveyron, tout comme mon collègue Alain Marc, vous comprendrez la satisfaction qui a été la mienne en apprenant cette victoire, qui tient beaucoup à votre détermination personnelle, monsieur le ministre.
Cet accord est positif. Il répond aux demandes que nous avions formulées. Reste, et vous le savez, monsieur le ministre, une inquiétude, celle des éleveurs bovins français engagés sur la qualité depuis de longues années : je pense évidemment à mes amis éleveurs de l'Aubrac, à la veille de la transhumance. Cette inquiétude porte sur ce qui est présenté comme la contrepartie de cet accord, c'est-à-dire l'accès du boeuf sans hormones américain au marché européen.
Monsieur le ministre, pouvez-vous faire un point précis sur ce qui a été négocié et sur ses implications pour les différents secteurs concernés ? (Applaudissements sur quelques bancs du groupe UMP.)
La parole est à M. Michel Barnier, ministre de l'agriculture et de la pêche.
Monsieur Censi, le 20 janvier dernier, je répondais sur ce sujet à Philippe Folliot. C'était le jour de l'investiture de Barack Obama, au lendemain de ces mesures insensées de rétorsion des Américains contre beaucoup de produits traditionnels, parce que nous refusons d'importer de la viande de boeuf aux hormones.
J'avais dit deux choses devant l'Assemblée nationale : premièrement, que nous ne transigerions jamais sur notre modèle alimentaire et que nous ne céderions pas sur l'interdiction d'importation du boeuf aux hormones ; deuxièmement, que nous allions rechercher avec la nouvelle administration américaine un terrain d'entente. C'est comme cela qu'il faut comprendre – je me suis d'ailleurs rendu à Washington quelques jours plus tard – l'accord auquel est parvenue la Commission européenne.
Ainsi que vous l'avez rappelé, il permet de diminuer, tout de suite, de 68 % ces pénalités. Les exportations de roquefort seront donc traitées de manière équitable. L'Assemblée sera heureuse d'apprendre que le foie gras ne sera pas non plus surtaxé et que la moutarde de Dijon ne subira pas de mesures de rétorsion. (Rires et applaudissements sur plusieurs bancs du groupe NC.)
En échange de cet accord équilibré, nous avons accepté, au plan européen, d'augmenter immédiatement de 20 000 tonnes les exportations américaines vers l'Europe de boeuf sans hormones. Je rappelle simplement, pour mesurer l'impact de cette importation supplémentaire, qu'il y a déjà un contingent américain de 11 500 tonnes, lequel n'est pas complètement utilisé par les Américains. Nous allons surveiller de très près les conséquences de ce double accord, notamment pour la filière bovine, à laquelle je suis très attentif.
Mesdames et messieurs les députés, comprenez cet accord auquel est parvenue la Commission en notre nom comme la preuve que nous tenons – et que nous tiendrons – à la préférence communautaire, qu'elle a un sens et que nous ne nous excuserons jamais de préférer l'Europe et de défendre notre modèle alimentaire et de sécurité alimentaire. (Applaudissements sur de nombreux bancs des groupes UMP et NC.)
La parole est à M. Gérard Bapt, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.
Madame la ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi, ma question porte sur votre mesure phare en matière économique votée en urgence quelques semaines après l'élection de Nicolas Sarkozy. Il s'agit de la loi TEPA, c'est-à-dire du paquet fiscal, de votre péché originel très coûteux, inefficace et injuste.Je comprends que ce rappel soit douloureux pour ceux qui, ici, l'ont votée et regrettent aujourd'hui de l'avoir fait. (Protestations sur les bancs du groupe UMP.)
Concernant votre bouclier fiscal, une fois n'est pas coutume, je veux citer le Président de la République, dans son discours du 24 mars à Saint-Quentin, réitéré le 5 mai à Nîmes. Que disait Nicolas Sarkozy ? Je le cite : « J'en appelle à votre bon sens ! Ne pas prendre plus de 50 % du revenu d'un ménage est un principe de liberté inscrit dans la constitution en Allemagne… »
Plusieurs députés du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche. C'est faux !
« Il ne viendrait à l'idée d'aucun socialiste allemand de revenir sur cet engagement ! »
Madame la ministre, cette idée viendrait d'autant moins à un Allemand que le principe du bouclier fiscal n'existe pas dans la Constitution allemande ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
Pourquoi alors, madame la ministre, une telle contrevérité réitérée au plus haut sommet de l'État, si ce n'est parce que vous persistez dans cette erreur originelle et majeure ?
De la même façon, s'agissant de la défiscalisation des heures supplémentaires, vous aviez affirmé qu'un gain moyen de 150 euros par mois irait aux salariés concernés. Or l'INSEE vient de confirmer ce que vous avait, à l'époque, opposé le président de la commission des finances, M. Didier Migaud. Le gain moyen est de 30 euros par mois, à comparer aux 4 milliards de coût prévus en 2008 pour un dispositif qui dissuade à l'embauche au profit des heures supplémentaires !
Quand allez-vous vous décider, madame la ministre, à demander à M. le Président de la République la permission de revenir sur ces dispositifs coûteux et inefficaces ? (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
La parole est à Mme Christine Lagarde, ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi.
Monsieur le député Gérard Bapt, je commencerai par les heures supplémentaires afin de clarifier les éléments d'information dont nous disposons tous. Les heures supplémentaires ont bénéficié, depuis qu'elles sont mises en place, à environ cinq millions de salariés qui ont tous en commun, pour la plupart d'entre eux, d'avoir des rémunérations modestes. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)
Par ailleurs, le gain net, c'est-à-dire rémunération supplémentaire plus cotisations sociales, s'élève effectivement, si vous consultez les données de la DARES, à 150 euros par mois.
Ce n'est pas le chiffre évoqué par une journaliste de La Tribune, qui a repris celui de l'INSEE, lequel faisait référence aux 90 euros par trimestre, correspondant au bénéfice des exonérations sociales stricto sensu sans faire état de la rémunération complémentaire liée au paiement des heures supplémentaires. Donc, le gain net par salarié s'élève bien à 150 euros par mois pour environ cinq millions de salariés. Cette bonne mesure a bénéficié aux salariés les plus modestes. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)
Quelques mots maintenant sur ce bouclier fiscal, objet de toutes vos foudres ! (Protestations sur les bancs du groupe SRC.)
Revenons aux chiffres. Vous promettiez des milliards avec le coût de ce bouclier fiscal. Or il est, en 2008, à peine supérieur à 450 millions d'euros. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)
Autres chiffres : 15 % de Français de plus sont rentrés en France grâce au bouclier fiscal (Protestations sur les bancs du groupe SRC) et 9 % de Français « riches » ne sont pas partis de France grâce au bouclier fiscal ! Voilà les chiffres de la réalité ! (Exclamations sur les mêmes bancs.)
L'objectif du Gouvernement n'est pas d'avoir moins de riches, nous en avons besoin pour investir en France, c'est tout simplement d'avoir moins de pauvres ! (Protestations sur les bancs du groupe SRC.) Cessons donc les hypocrisies ! On taxait les riches, on laissait les niches : cette majorité a supprimé les niches, les a plafonnées et a rétabli ainsi la moralité ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP. – Protestations sur les bancs du groupe SRC.)
La parole est à M. Jean Roatta, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.
Monsieur le président, ma question s'adresse à M. le ministre des affaires étrangères et européennes ; j'y associe mon ami Renaud Muselier et les parlementaires de Marseille.
Lorsque, en 2007, le Président Nicolas Sarkozy a engagé le projet d'une Union pour la Méditerranée, pour relancer le processus de Barcelone passablement en panne, il était porté par une volonté : celle de faire de la Méditerranée un grand laboratoire de développement partagé, avec comme ciment, la grandeur de la civilisation méditerranéenne. Ce projet, réunissant les pays de l'Union européenne et ceux du pourtour méditerranéen, est une démarche qui s'inscrit dans le sens de l'histoire.
Les réunions de juillet et novembre 2008 ont permis de jeter les bases de ce nouvel espace qui doit prendre corps à travers des outils concrets en termes de structure, comme notamment la création d'un secrétariat permanent. Mais la réalité politique de cette région du monde est complexe et les crises politiques sont nombreuses. Il n'est pas possible de le nier ou de mettre entre parenthèses ces dossiers politiques, car il en va de la crédibilité de l'adhésion de nos sociétés civiles à ce grand chantier.
Or la plus récente de ces crises – la guerre de Gaza de janvier 2009 – semble avoir donné un coup de frein à cette Union pour la Méditerranée. S'il n'est pas pensable de faire de l'Union pour la Méditerranée l'otage du conflit israélo-palestinien, les derniers événements ont néanmoins fortement ralenti ce processus. Depuis lors, les contacts entre ses membres sont a minima et le secrétariat permanent, outil central de l'Union, n'est toujours pas en place.
Je sais que M. le ministre des affaires étrangères est intervenu devant l'Assemblée parlementaire euro-méditerranéenne, le mois dernier, et qu'il a évoqué, avec son homologue égyptien, les moyens de relancer ce processus avec toujours la même volonté de bâtir l'Union pour la Méditerranée. Où en sommes-nous ? À quelle échéance est prévue la prochaine réunion des représentants des quarante-trois pays membres de l'Union pour la Méditerranée, réunion à plusieurs reprises reportée ? (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)
La parole est à M. Bruno Le Maire, secrétaire d'État chargé des affaires européennes.
Monsieur le député Jean Roatta, qu'est-ce que nous voulons pour l'Europe ?
Nous voulons que l'Europe soit un ensemble politique fort et cohérent avec des frontières et une identité. C'est pourquoi nous avons indiqué à plusieurs reprises que nous souhaitions arrêter l'élargissement après l'intégration des Balkans.
Cet ensemble politique fort et cohérent avec des frontières devra naturellement établir les relations les plus solides et les plus sereines possible avec ses voisins : avec la Russie d'abord, qui est un des grands ensembles stratégiques avec lesquels nous devons consolider nos relations, la crise du gaz l'a montré encore récemment ; avec les pays de l'Est, d'Europe centrale et orientale, c'est ce qu'a fait le Premier ministre en participant à la réunion des pays d'Europe centrale et orientale à Prague, la semaine dernière ; et naturellement, avec nos grands voisins du Sud – vous êtes directement concerné étant le président du groupe d'amitié France-Maroc.
Il est vrai que le projet d'Union pour la Méditerranée s'est heurté à la guerre de Gaza. Ce n'est pas une raison pour baisser les bras.
Nous avons eu une première réunion de travail, le 23 avril dernier, sous la présidence de Javier Solana à Bruxelles où nous avons commencé à étudier avec nos partenaires arabes et israéliens les projets sur lesquels nous pouvions avancer.
Nous avons eu une nouvelle réunion, le 30 avril dernier, à Alexandrie entre Égyptiens et Français pour étudier, là encore, des projets concrets susceptibles de progresser. Nous aurons, je l'espère, avec les quarante-trois États membres de l'Union pour la Méditerranée, fin juin, sous la coprésidence de Jean-Louis Borloo, une réunion destinée à étudier les moyens de poursuivre le développement durable entre l'Union européenne et les pays riverains de la Méditerranée.
L'UPM reste un beau projet européen, un projet de paix, un projet de développement. Il continuera à avancer ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Union pour la Méditerranée
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à seize heures, est reprise à seize heures vingt.)
Mes chers collègues, la conférence des présidents, réunie le mardi 12 mai, a arrêté, pour les séances du mardi 26 mai au jeudi 4 juin, les propositions d'ordre du jour suivantes.
Le mardi 26 mai, l'après-midi après les questions au Gouvernement et le soir, éventuellement, suite de la discussion de la proposition de résolution tendant à modifier le règlement de l'Assemblée nationale ; proposition de loi pour faciliter le maintien et la création d'emplois.
Le mercredi 27 mai, l'après-midi après les questions au Gouvernement et le soir, suite de l'ordre du jour de la veille ; proposition de loi visant à faciliter la saisie et la confiscation en matière pénale.
Le jeudi 28 mai, jour de séances réservées à un ordre du jour proposé par le groupe de la Gauche démocrate et républicaine, matin, après-midi et soir, proposition de loi visant à prendre des mesures urgentes de justice sociale en faveur de l'emploi, des salaires et du pouvoir d'achat ; proposition de loi relative à la transformation écologique de l'économie ; proposition de loi tendant à promouvoir une autre répartition des richesses ; proposition de résolution sur la société privée européenne et les services sociaux d'intérêt général.
Le mardi 2 juin, après les questions au Gouvernement, questions à Mme Christine Boutin, ministre du logement.
Le mercredi 3 juin, après les questions au Gouvernement, débat sur la politique énergétique.
Le jeudi 4 juin après-midi, débat sur le bilan de l'application de la loi du 11 février 2005 pour l'égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées.
Il n'y a pas d'opposition ?
Il en est ainsi décidé.
L'ordre du jour appelle les explications de vote et le vote, par scrutin public, sur l'ensemble du projet de loi, en nouvelle lecture, favorisant la diffusion et la protection de la création sur Internet (n° 1626).
Dans les explications de vote, chaque orateur disposera au plus de cinq minutes.
La parole est à M. Patrick Bloche, pour le groupe SRC.
Monsieur le président, madame la ministre de la culture et de la communication, monsieur le secrétaire d'État chargé des relations avec le Parlement, mes chers collègues, notre groupe votera contre ce texte pour trois raisons majeures. C'est un texte perdant-perdant : perdant pour les artistes, perdant pour les internautes et même perdant pour un cadre dirigeant de TF1. C'est un texte inefficace, dépassé et inapplicable. C'est enfin un texte qui, telle la ligne Maginot, retarde stérilement l'indispensable adaptation du droit d'auteur à l'ère numérique.
C'est d'abord un texte perdant pour les artistes. Nous le rappelons avec force, en cette fin de débat : il n'apportera pas un euro de plus à la création.
D'ailleurs, le monde culturel a bougé, et nombreux sont les auteurs et les artistes qui, ayant compris qu'on les leurrait, manifestent leur opposition grandissante à HADOPI : artistes interprètes de musique et de danse ; acteurs, réalisateurs et producteurs de cinéma ; acteurs du monde de la science-fiction ; exploitants de salles de cinéma indépendantes ; producteurs de musique indépendants. La liste s'allonge chaque jour.
Après le coup de tonnerre du 9 avril, cette nouvelle lecture aura eu l'immense avantage de montrer qu'il existe une solution alternative. Avec la contribution créative, notre groupe a défendu une nouvelle rémunération du droit d'auteur pouvant atteindre plusieurs centaines de millions d'euros et adaptée aux réalités de l'Internet. C'est en fait la seule solution – oui, la seule – qui, tout en prenant en compte les usages de nos concitoyens, permette de rassembler les créateurs et les internautes, c'est-à-dire les artistes et leur public.
C'est ce que vous auriez dû rechercher en priorité, madame la ministre, plutôt que de créer un Meccano hasardeux et inutile qui constitue, de plus, une épée de Damoclès au-dessus de la tête de nos concitoyens. Car ce texte est aussi perdant pour les internautes sur lesquels pèsera désormais une présomption de culpabilité. Le caractère manifestement disproportionné de la sanction qu'ils encourent est aggravé par le fait qu'ils ne pourront pas bénéficier des garanties procédurales habituelles. L'absence de procédure contradictoire, la non-prise en compte de la présomption d'innocence, le non-respect du principe de l'imputabilité et la mise en place d'une surveillance généralisée du Net sont autant d'éléments que nous jugeons contraires à la Constitution. (« Démago ! » sur les bancs du groupe UMP.)
À cet égard, nous considérons comme une provocation le rétablissement en seconde lecture de la triple peine – sanction pénale, sanction administrative et sanction financière – avec obligation pour l'internaute de continuer à payer son abonnement après la coupure de son accès à internet. Et que dire de la suppression de l'amnistie, pourtant votée à l'unanimité en première lecture par l'Assemblée, des sanctions prises à l'encontre des internautes en vertu des dispositions de la loi DADVSI de 2006 ?
Ces derniers jours, nous avons assisté à un durcissement du projet de loi comparable à celui qui avait en partie expliqué le rejet du texte issu de la CMP, il y a plus d'un mois, par une majorité de députés allant au-delà de la seule opposition. Mais il est vrai que, désormais, le seul objectif du Gouvernement et de sa majorité est d'en finir au plus vite. M. Copé l'a écrit dans la lettre qu'il a adressée aux membres de son groupe : « Ce n'est désormais plus la teneur de ce texte qui est en cause. » Permettez à notre groupe de rester, quant à lui, attaché au fond du projet de loi.
Cette nouvelle lecture nous aura permis de constater la soudaine discrétion de Mme Albanel quant au rendement attendu de la HADOPI, qui se traduira chaque jour par 10 000 courriels d'avertissement, 3 000 lettres recommandées et 1 000 coupures de l'accès à internet. Mme la ministre nous a expliqué in fine que cette loi avait pour seul but de créer « un cadre psychologique », avouant ainsi que, une fois votée et sous réserve de la censure du Conseil constitutionnel, elle n'avait pas pour but d'être appliquée.
Il est vrai qu'au moment même où nous débattions, autre utilité de cette nouvelle lecture, le Parlement européen a rendu ce texte caduc, par un vote acquis à une écrasante majorité, en rappelant que toute coupure de l'accès à internet ne pouvait se faire sans la décision préalable d'un juge. Tout au long de notre débat, les artistes auront donc été doublement trompés. Non seulement le texte ne rapportera pas un euro de plus à la création, mais il risque en outre de ne jamais être mis en oeuvre.
Pour toutes ces raisons, le groupe socialiste, radical et citoyen votera contre cette loi d'exception et d'intimidation. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
Monsieur le président, madame et monsieur les ministres, mes chers collègues, je commence par remercier tous nos concitoyens qui, pendant notre discussion, nous ont apporté leur aide technique, ainsi que ceux qui ont pu être présents dans les tribunes réservées au public. Il n'est pas si courant que des artistes de renom suivent nos débats. J'espère qu'ils auront pu appréhender les différentes facettes du texte.
En l'occurrence, il ne s'agit pas d'opposer ceux qui défendent les droits d'auteur aux méchants internautes qui ne pensent qu'à piller films et morceaux de musique. (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR.)
Les artistes qui soutiennent cette loi devraient se demander pourquoi tous les acteurs de l'informatique sans exclusive critiquent sévèrement ses dispositions techniques.
Il s'agit en fait d'un débat transversal entre ceux qui s'arc-boutent sur un modèle dépassé et ceux qui essaient de trouver des solutions au respect du droit d'auteur, dans le cadre d'un nouveau modèle numérique. En effet, on ne peut plaquer sur un support dématérialisé des solutions imaginées pour des supports physiques. Puisque internet est un outil fantastique de diffusion, de création et d'accès à la culture, nous devons repenser les droits d'auteur dans ce nouveau contexte.
S'il est juste que ceux-ci soient respectés, vous ne pouvez vous désintéresser, madame la ministre, des dispositions de cette loi attentatoire aux libertés. Vous ne pouvez ignorer qu'il n'existe aucune méthode fiable pour relier le titulaire de l'abonnement à internet à l'adresse IP qui aura été relevée par les sociétés d'ayants droit. Vous ne pouvez admettre sereinement que 30 à 40 % des abonnés puissent être mis en cause sans s'être rendus coupables d'aucune atteinte aux droits d'auteur. Vous ne pouvez accepter que des internautes se voient couper leur connexion à internet, désormais indispensable dans la vie courante, sans décision d'un juge et sans suspension du paiement de l'abonnement. Ce point ouvre la porte à tous les arbitraires, puisque, en fonction de leur situation professionnelle, les uns verront leur abonnement suspendu et pas les autres.
Au final, cette loi n'apportera pas un centime aux artistes, puisque le maintien du paiement des abonnements suspendus ne profitera ni à la création culturelle ni aux auteurs, mais aux fournisseurs d'accès, comme les revenus supplémentaires dégagés par la baisse des coûts de production et de diffusion consécutive au passage au support numérique ont été intégralement empochés par les majors.
Beaucoup de ceux qui critiquent aujourd'hui la gauche avaient de même approuvé aveuglément la loi DADVSI. Mais le temps a montré que nos évaluations étaient justes : votre obstination à vouloir protéger les parts de marché de quelques sociétés n'a pas incité les consommateurs à utiliser les plateformes de téléchargement. Aujourd'hui, on nous propose une nouvelle solution miracle, tout aussi absurde techniquement, technologiquement dépassée et inutilement coûteuse.
Cette loi ne sanctionne pas le téléchargement, mais le défaut de sécurisation par l'abonné de sa connexion internet. Elle impose aux simples particuliers et aux petits entrepreneurs comme les artisans de maîtriser leur système informatique, alors même que les administrations ou les entreprises disposant d'un service informatique n'en sont pas toujours capables. Il faudra donc installer un mouchard, dont la désactivation pourra être sanctionnée, sur chaque ordinateur connecté ou sur chaque box utilisée par les fournisseurs d'accès à internet. Ceci, ajouté à la volonté de faire labelliser par une autorité administrative des sites proposant des oeuvres musicales ou cinématographiques, met gravement en danger la neutralité de l'internet.
Le fantasme de contrôle du réseau conduit à étendre l'application de dispositions destinées à lutter contre le terrorisme à la défense d'un droit de propriété. Les sanctions proposées sont tout à fait démesurées et s'apparentent à des sanctions collectives, puisque c'est l'abonné qui sera sanctionné et non l'auteur de l'infraction. « Si ce n'est toi, c'est donc ton frère », disait le loup à l'agneau. Les poursuites pour contrefaçon et celles pour défaut de sécurisation de la connexion pourront se cumuler. Ces sanctions permettent, sans contrôle du juge, non seulement une suppression de l'accès à internet, mais aussi à la messagerie. Madame la ministre, vous persistez à refuser l'intervention de l'institution judiciaire, alors même que le Parlement européen a réaffirmé une nouvelle fois à une large majorité de 407 voix contre 57 qu'aucune restriction ne peut être imposée aux droits fondamentaux des utilisateurs finaux sans décision préalable de l'autorité judiciaire.
Votre défense des droits d'auteur est fluctuante, puisque, lorsqu'il s'agit des journalistes, à la demande de certains patrons de presse, vous ne respectez pas les engagements pris, y compris par le Président de la République, et vous imposez le droit de ne plus rémunérer les articles reproduits sur divers supports.
Cette loi est donc tout sauf une réponse satisfaisante pour les droits d'auteur. Elle a déjà fait une victime, en la personne du journaliste de TF1 licencié suite à une dénonciation par un membre de votre cabinet ministériel, certes mis à pied, mais seulement pour une durée d'un mois, alors que le journaliste, lui, se retrouve au chômage. Cet épisode montre que votre ministère n'a rien à refuser à TF1.
Pour notre part, nous soutenons la démarche des assises de la création et de l'internet annoncées pour l'automne afin d'associer à la réflexion nécessaire sur les droits d'auteur l'ensemble des parties, artistes, consommateurs et internautes : c'est la démarche inverse de celle des accords de l'Élysée. Vous aurez compris que les députés Verts, communistes, ultramarins et du parti de gauche du groupe GDR voteront contre cette loi. (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et SRC.)
Avant de donner la parole à M. François Sauvadet pour le groupe NC, j'indique que le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
Onze mars, 12 mai : nous voici enfin parvenus au terme de la discussion du projet de loi sur la diffusion et la protection de la création sur internet, après deux mois de débats, ce qui est assez rare, et après un retour du texte devant l'Assemblée assez inattendu. Je ne reviens pas sur les circonstances du vote du 9 avril dernier, qui nous a conduits à revoir ce texte en nouvelle lecture. Il nous a fait perdre un temps précieux, alors que de nombreuses réformes prioritaires pour les Français attendent d'être examinées. Je tiens à le dire alors que nous allons entamer la réforme de notre règlement, le fonctionnement de notre assemblée mérite mieux que des coups de dernière minute qui font plaisir à leurs auteurs mais desservent l'objectif, que nous devons partager, d'organiser nos travaux de façon démocratique.
Sur ce projet, nous avons eu des débats engagés et légitimes. Mais la question qui nous est posée aujourd'hui est la suivante : voulons-nous protéger la création face au téléchargement illégal ? Tel est bien le vrai sujet, et si la mobilisation des artistes a été si forte en faveur de ce texte, c'est que les conséquences de la piraterie sont lourdes. Elle fait peser une menace sur la création et sur l'emploi des 130 000 Français qui travaillent dans le secteur de l'audiovisuel et du spectacle vivant. De ce fait, selon nous, il fallait bien légiférer.
Le débat s'est concentré sur la nature de la sanction et sur la faisabilité de sa mise en oeuvre. On ne saurait le balayer d'un revers de main, et nous y avons d'ailleurs participé sur tous les bancs. À cet égard, je salue l'engagement de Jean Dionis du Séjour qui s'est battu tout au long des débats (Applaudissements sur les bancs du groupe NC et sur quelques bancs du groupe SRC) avec une réelle conviction pour tenter de faire évoluer le texte.
Mais il est un point sur lequel nous devrions nous retrouver : il fallait en finir avec la sanction pénale pour les internautes qui téléchargent illégalement. Rappelons en effet qu'un adolescent qui téléchargeait un film encourait trois ans de prison et 300 000 euros d'amende. Et nous devrions également nous accorder sur le fait qu'il y avait urgence à substituer à cette sanction pénale une sanction graduée propre à responsabiliser les contrevenants.
Je rappelle simplement, mais fermement, que la piraterie numérique est illégale et que l'on s'expose à des sanctions en téléchargeant illégalement : tel est le message adressé aux internautes par ce projet de loi. C'est le droit des artistes qui est en jeu, le respect de la propriété intellectuelle et du droit d'auteur. Certes, l'accès à la culture doit être reconnu et réaffirmé. Mais le formidable espace de diffusion culturelle qu'est devenu internet n'est pas et ne doit pas devenir une zone de non-droit. C'est un espace public comme les autres et à ce titre, il ne peut échapper à toute régulation.
Bien sûr, ce texte aurait pu aller plus loin pour développer durablement l'offre légale en ligne comme le réclamaient certains. Oui, ce projet de loi aurait pu privilégier le recours à l'amende, comme le demandait Jean Dionis du Séjour, plutôt que la suspension de l'accès à internet. Et sans doute faudra-t-il trouver une solution européenne, compte tenu de l'ampleur internationale du téléchargement illégal.
Mais, au-delà de ces réserves légitimes, l'essentiel est d'envoyer aujourd'hui un signal fort aux internautes pour leur dire qu'ils doivent renoncer à télécharger illégalement. Par attachement à la création artistique française, conscients des difficultés d'application que je viens d'évoquer et qu'a soulignées Jean Dionis du Séjour, conscients aussi de leurs responsabilités, les députés du groupe du Nouveau Centre voteront majoritairement en faveur de ce texte. Il faudra ensuite l'évaluer et, sans aucun doute, poursuivre ce travail, en nous efforçant de trouver des modèles économiques de demain qui permettront d'assurer le bon équilibre entre l'accès à la culture sur internet, qui est un formidable outil de démocratisation culturelle, sans doute le plus puissant jamais conçu, et une juste rémunération de la création. Il y va de l'avenir de l'exception culturelle française. (Applaudissements sur les bancs du groupe NC et sur quelques bancs du groupe UMP.)
Après plus de quarante deux heures de débats en première lecture, plus de vingt heures en deuxième lecture, après le coup du rideau du 9 avril dernier (Exclamations sur les bancs du groupe SRC), à propos duquel je note au passage que, lors de la séance de jeudi dernier après-midi, il ne restait qu'un seul député socialiste dans l'hémicycle (Huées sur les bancs du groupe UMP), nous voilà sur le point d'adopter ce projet de loi.
Que n'avons-nous pas entendu depuis des semaines ! Que le Gouvernement et la majorité n'avaient rien compris à internet, et donc à la modernité ! (« Oui ! » sur les bancs des groupes SRC et GDR.) Qu'ils n'avaient rien compris à la jeunesse, rien compris aux libertés, rien compris, pour tout dire, à la culture, j'en passe et des meilleures. Il est vrai qu'il est difficile d'aller expliquer à ses électeurs qu'à l'automne, au Sénat, on était unanimement pour et qu'aujourd'hui on est divisés et finalement opposés. Peut-être faut-il leur dire, comme M. Bloche le faisait il y a quelques jours, que le PS était trop occupé à la préparation du congrès de Reims. Cela fait sérieux. Il est curieux par ailleurs de voir l'opposition, d'ordinaire si prompte à tout réguler, défendre la loi de la jungle sur internet. La vérité, c'est que ce texte dérange, car il n'est pas tombé du ciel. Il est le fruit d'un véritable accord, celui de l'Elysée, auquel ont souscrit, à la suite du rapport Olivennes, quarante-sept organisations, entreprises, fournisseurs d'accès à internet qui représentent la totalité du monde de la culture et des communications électroniques. De plus, le texte est soutenu par la quasi-totalité des milieux artistiques (Protestations sur les bancs du groupe GDR) et des auteurs, des compositeurs, des artistes, des producteurs, des réalisateurs. Il l'est même – après tout, j'aurais peut-être dû laisser Jack Lang défendre ce projet – par d'éminents ministres de la culture, comme lui-même et Catherine Tasca.
Que proposons-nous ? Une méthode pédagogique et préventive. Aujourd'hui, c'est la loi contre la contrefaçon qui s'applique. Ses dispositions sont lourdes et peu appropriées : trois ans d'emprisonnement et 300 000 euros d'amende. Il faut faire plus simple. Il faut faire comprendre que le téléchargement illégal ne saurait être la règle. La propriété intellectuelle, fût-elle immatérielle, doit être respectée. Internet est un merveilleux espace de liberté. Mais il ne peut y avoir de liberté sans responsabilité. On ne peut mettre en avant l'exception culturelle française et ne rien faire, comme le voudrait la gauche. On ne peut se contenter d'explications alambiquées. Vous mettez en avant le jeu des majors, les chiffres d'affaires, les profits. La réalité, c'est que les ventes de DVD ont chuté de 35 % depuis cinq ans, le chiffre d'affaires des activités musicales de 55 % et que le piratage représente 1 milliard d'euros par an de produits non vendus. La riposte graduée, qui est pédagogique, permettra de mieux faire comprendre ces éléments.
Par ailleurs, la Haute autorité offre toutes les garanties nécessaires. Il s'agit d'une autorité indépendante, composée en partie de magistrats, et parfaitement au clair avec la convention européenne des droits de l'homme. Ses procédures sont contradictoires et respectent parfaitement les droits de la défense. C'est ce qui a été appliqué pour la CNIL, et ce le sera pour la HADOPI.
Enfin, c'est un texte parfaitement en phase avec le droit européen. (Protestations sur les bancs du groupe SRC.) Quoi qu'ait pu voter le Parlement européen,quand bien même l'accès à internet deviendrait un droit fondamental – et pourquoi pas, du reste ? – il devra toujours se concilier avec d'autres droits fondamentaux, et le respect de la propriété en est un. La Cour de justice des communautés européennes et le Conseil constitutionnel n'ont jamais dit autre chose.
Nul n'a la prétention d'avoir gravé une loi définitivement dans le marbre. Les techniques évoluent et, dans ce domaine également sans doute, les modèles économiques doivent parfois s'adapter. L'offre légale elle-même doit être étoffée, les catalogues doivent se diversifier et offrir des produits moins chers. Insistons aussi sur ce point, sur lequel nous serons jugés. Mais, si nous voulons continuer à diffuser et encourager la culture française, pouvoir encore nous prévaloir dans quelques années de notre exception culturelle, alors oui, cette loi est la bonne. C'est celle qu'il nous faut ici et maintenant. Voilà pourquoi le groupe UMP la votera. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Nous allons maintenant procéder au scrutin public sur l'ensemble du projet de loi.
(Il est procédé au scrutin.)
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 557
Nombre de suffrages exprimés 529
Majorité absolue 265
Pour l'adoption 296
Contre 233
(Le projet de loi est adopté.)
Vote sur l'ensemble
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à seize heures quarante-cinq, est reprise à seize heures cinquante-cinq.)
L'ordre du jour appelle la discussion de la proposition de résolution tendant à modifier le règlement de l'Assemblée nationale (n° 1630).
La parole est à M. Jean-Luc Warsmann, président et rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République.
Nous entamons l'examen de la proposition de résolution tendant à modifier le règlement de l'Assemblée nationale, déposée par notre président, Bernard Accoyer.
Le texte adopté par la commission vise principalement quatre objectifs. Premièrement, il s'agit d'adapter notre règlement après la dernière révision de la Constitution. Ensuite, ce texte a pour objet de nous permettre de mieux travailler et de mieux légiférer.
Un troisième objectif est de garantir de nouveaux droits aux groupes d'opposition et aux groupes minoritaires. (Protestations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
Le quatrième objectif consiste, enfin, à développer des outils de contrôle. (Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
Mes chers collègues, l'écoute et le respect seront toujours les fondements de la démocratie.
J'espère que ce débat montrera que, au sein de tous les groupes, chacun est respectueux des opinions des uns et des autres. (Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
Cette proposition de résolution vise donc tout d'abord à adapter notre règlement à la Constitution révisée.
Tout d'abord, puisque la Constitution permet désormais qu'il en soit ainsi, l'assemblée comptera désormais huit commissions permanentes.
Ensuite, les conditions d'examen des nouvelles résolutions prévues par la révision de la Constitution doivent être définies.
Par ailleurs, le règlement doit prévoir les modalités de fixation de l'ordre du jour par l'Assemblée nationale. En effet, grâce à la révision constitutionnelle, nous travaillons désormais par cycles de quatre semaines : deux semaines dont l'ordre du jour est fixé par le Gouvernement ; une semaine parlementaire législative, dont l'ordre du jour est fixé par la Conférence des présidents, sauf circonstances particulières et, enfin, une semaine d'évaluation et de contrôle.
Cette proposition de résolution permettra également de définir les modalités de contrôle du respect de la présentation des projets de loi. Il s'agit de vérifier que les études d'impact, que les gouvernements seront dans l'obligation de déposer à partir du 1er septembre prochain, seront bien conformes aux conditions prévues. Ce matin, la commission des lois a eu l'honneur d'entendre le vice-président de la Commission européenne, M. Günter Verheugen : il nous a fait part de l'expérience de l'Union européenne qui pratique cette procédure depuis deux ans.
Nous définirons aussi dans ce texte les modalités qui permettront l'évaluation préalable des amendements, rendue possible par la révision de la Constitution.
Le deuxième objectif de cette proposition de résolution consiste à nous permettre de mieux légiférer.
Pour ce qui concerne le travail de commission, ce texte contient des dispositions attendues sur tous les bancs de l'Assemblée.
Un délai minimum de travail est ainsi instauré. Si nous sommes la première assemblée saisie,…
…dans la procédure de droit commun, un délai de six semaines est prévu entre le dépôt d'un projet de loi et son examen. Ce délai est de quatre semaines si nous sommes la seconde assemblée saisie.
Par ailleurs, un amendement voté par la commission des lois permet de mettre en place une disposition attendue par tous les députés de tous les groupes depuis des années.
Il s'agit de poser le principe d'une mise à disposition du rapport une semaine avant la réunion de la commission. En effet, les parlementaires qui rédigent des amendements utilisent le rapport comme outil de travail. Or, quand ce document n'est disponible qu'au dernier moment, le droit d'amendement s'exerce dans des conditions difficiles.
Pour les amendements, un délai de dépôt plus large qu'aujourd'hui est également prévu. Lorsque le délai de six semaines est respecté, les amendements devront être déposés quarante-huit heures avant la réunion de la commission – cette mesure reprend ce qui était à l'origine un amendement du groupe SRC. Nous voulons éviter que le rapporteur n'ait quasiment pas le temps matériel de lire les nombreux amendements déposés trop tardivement : à cet égard, Christian Jacob nous a transmis un témoignage saisissant de son travail comme rapporteur du Grenelle de l'environnement.
Il faut également prévoir une nouvelle organisation, puisque le texte de la commission est désormais débattu en séance.
Cette série d'améliorations concrètes nous permettra de mieux légiférer en commission. Mais la proposition de résolution concerne bien sûr aussi notre travail dans l'hémicycle. Nous allons moderniser un certain nombre d'outils de procédure, dont je n'ai pas peur de dire qu'ils avaient perdu tout leur sens.
Il en est ainsi du quorum. Que signifiait cette procédure qui voyait le président d'un groupe entrer dans l'hémicycle vers minuit pour demander la vérification du quorum – quorum qui n'était même pas atteint dans son propre groupe – avant, parfois, de retourner se coucher ? Le seul objectif était d'empêcher l'Assemblée nationale de travailler pendant une heure : cela n'avait aucun sens ! Qu'était-ce donc que ce reste de procédure qui, en commission, permettait à un groupe de demander un quorum, et avait pour effet de suspendre le travail pendant trois heures ? Désormais, la durée de suspension des travaux sera limitée à quinze minutes…
…et un président de groupe ne pourra demander un quorum que s'il est atteint au sein de son propre groupe, ce qui me semble très moral.
Par ailleurs, la proposition de résolution adoptée par la commission des lois propose de fusionner deux motions de procédure, l'exception d'irrecevabilité et la question préalable. Parlons simplement : combien d'orateurs se sont succédé à cette tribune pour défendre durant trente minutes une exception d'irrecevabilité sans aucun argument tendant à prouver que le texte en débat était contraire à la Constitution ? (Protestations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
Ils ne cherchaient qu'à utiliser le temps de parole accordé pour cette motion. (Protestations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
Il est beaucoup plus cohérent de prévoir une seule motion de procédure – que nous appelons la « motion de rejet préalable » –, dont l'objet est de demander à l'Assemblée de rejeter le texte,…
…en laissant à l'orateur la liberté d'utiliser des arguments d'opportunité, de fond ou d'inconstitutionnalité.
La seule raison, c'est que vous voulez nous faire taire ! (Protestations sur les bancs du groupe UMP.)
Nous proposons non seulement de moderniser la procédure traditionnelle, mais également de réintroduire dans notre règlement la règle du temps programmé, qui s'est appliquée au début de la Ve République.
Je n'aurai pas l'infinie cruauté de rappeler les certitudes – pour ne pas dire plus – qui ont été énoncées à cette tribune au cours des débats sur la loi organique. Mais j'invite ceux qui ont encore ces propos à l'esprit à consulter la décision du Conseil constitutionnel ; elle les ramènera à la réalité. En effet, tous les parlements démocratiques ont inscrit dans leurs règlements une procédure de programmation de la durée d'examen des textes.
Deux sujets prêtent encore à discussion. Le premier concerne le temps de parole des présidents de groupe. La commission des lois a considéré qu'accorder à ces derniers un temps de parole illimité n'était pas la bonne solution dans le cadre d'une procédure de temps programmé. Nous nous sommes donc ralliés à un amendement de M. Sauvadet, sous-amendé, qui vise à leur accorder un temps supplémentaire, mais limité. Sans doute pourrons-nous faire évoluer cette limite, afin que la disposition recueille le soutien le plus large. Mais je dois vous indiquer que la position équilibrée de la commission des lois consistait à autoriser cette intervention, en la limitant.
Par ailleurs, certains s'interrogent sur le droit d'expression des députés qui ne partagent pas l'opinion de leur groupe. Mes chers collègues, ce n'est pas la faille du système. Que les choses soient claires, si je veux proposer des amendements que mon groupe ne soutient pas,…
…j'aurai la liberté non seulement de tous les déposer, mais également de les défendre. Ainsi, si je propose de supprimer l'article 1er d'un projet ou d'une proposition de loi contre l'avis de mon groupe, je m'exprimerai en ce sens sur l'article, et la seule conséquence est que mon intervention sera déduite du temps de parole qui est attribué à mon groupe. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)
Et lorsque l'on arrivera à l'article 18 et que le temps du groupe sera épuisé, que se passera-t-il ?
Le seul reproche que l'on puisse adresser à ce système est qu'il obligera chaque groupe à s'organiser pour éviter que quelques députés ne monopolisent la parole.
Le respect de la démocratie commence par le respect des orateurs qui s'expriment à la tribune. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Je répète – mais il n'est pire sourd que celui qui ne veut pas entendre – que chaque député, qu'il partage ou non l'avis de son groupe, aura la liberté de s'exprimer et de défendre tous ses amendements.
Même lorsque l'on arrivera à l'article 27 et que le temps du groupe sera épuisé ?
La correction veut que l'on écoute la personne qui s'exprime sans hurler.
En tout état de cause, ces différentes dispositions permettront de rénover notre procédure parlementaire et de mieux légiférer, en évitant les caricatures de débat auxquelles certains de nos collègues continuent de se livrer actuellement.
Troisièmement, cette réforme a pour objet de garantir de nouveaux droits aux groupes d'opposition et aux groupes minoritaires. (Sourires et exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
Tout d'abord, la proposition de résolution que vous présente le président de l'Assemblée, telle qu'elle ressort de son examen par la commission des lois, vise à élargir, à la demande du groupe GDR, le bureau de chaque commission. C'est en effet pour satisfaire le groupe GDR, qui se plaint de ne pas être présent dans les bureaux des commissions permanentes et spéciales, que nous avons voté l'augmentation du nombre de leurs membres. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.) Assumez donc vos demandes, mes chers collègues, et assumez également le fait qu'elles soient satisfaites !
S'agissant, ensuite, de la désignation des représentants de l'Assemblée nationale au sein de divers organismes, nous avons fixé comme principe que cette désignation devait s'efforcer de reproduire la configuration politique de notre assemblée. Cela veut dire, mes chers collègues, que, si nous votons la proposition de résolution, la majorité offrira à l'opposition,…
…lors des prochains renouvellements, trente à quarante postes supplémentaires dans les organismes où des représentants de l'Assemblée nationale sont présents. Je connais d'autres manières de bâillonner l'opposition ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Le principe selon lequel la configuration politique de l'Assemblée doit être mieux représentée aboutit également à donner une dizaine de postes de rapporteur spécial à l'opposition. Je ne connais pas d'autres manières de renforcer ses droits.
Cela démontre, du reste, le caractère politicien d'un certain nombre de réactions.
Par ailleurs, est posé le principe de la parité de représentation de la majorité et de l'opposition dans le cadre des travaux d'évaluation. Ainsi, lorsque nous procéderons au contrôle de l'application d'une loi, un co-rapporteur issu de l'opposition sera désigné aux côtés du rapporteur issu de la majorité.
Ces dispositions représentent, en matière de nominations, une évolution considérable qui fera la fierté de tous ceux qui voteront cette proposition de résolution.
J'en viens maintenant au temps de parole. Comme nous venons d'en avoir la démonstration, depuis la dernière révision constitutionnelle, les questions d'actualité sont attribuées pour moitié à l'opposition. Oserais-je rappeler que ce principe fut appliqué lors de la création de ces questions par le Président Giscard d'Estaing et jusqu'à la fin de son septennat, et qu'il a été mis fin à cette pratique en 1981, afin de donner à la majorité un plus grand nombre de questions. Nous avons donc rétabli le principe initial. J'ajoute que la répartition du temps de parole lors des réponses aux déclarations du Gouvernement est également fondée sur le respect de la parité.
Par ailleurs, dans le cadre de la procédure du temps programmé, l'opposition dispose, au-delà du forfait, de 60 % du temps de parole. Je vous invite, mes chers collègues, à consulter, à ce sujet, le tableau qui figure dans le rapport : vous pourrez constater que le temps de parole du groupe UMP sera inférieur à celui du groupe SRC et légèrement supérieur à celui du groupe GDR.
Dès lors, comment peut-on prétendre que les droits de l'opposition ne sont pas protégés ? Cette procédure est exemplaire en la matière.
Enfin, nous avons adopté un amendement prévoyant que les auditions auxquelles procèdent les rapporteurs seront ouvertes à tous les députés membres des commissions. Telle est la pratique de la commission des lois depuis le début de la législature. En effet, je regrette de n'avoir jamais été invité à ces auditions lorsque j'étais moi-même député de l'opposition. Cette manière de travailler est beaucoup plus intelligente et elle nous permettra, de surcroît, d'accueillir de façon beaucoup plus républicaine les personnalités que nous auditionnons.
J'ajoute que le projet de règlement offre la possibilité à un groupe d'opposition de demander une évaluation par an dans le cadre du nouveau comité d'évaluation, ainsi qu'un droit de tirage en matière de commissions d'enquête.
Quatrième objectif : développer les modalités de contrôle de notre assemblée. S'agissant, tout d'abord, de l'avis que nous devons émettre sur les nominations décidées par le président de l'Assemblée ou par le Président de la République (Sourires sur les bancs des groupes SRC et GDR), nous avons voté, à la demande de l'opposition, des amendements qui, d'une part, fixent le principe selon lequel les auditions sont publiques et, d'autre part, permettent qu'un rapporteur soit nommé.
Par ailleurs, la proposition de résolution prévoit la création du comité d'évaluation et de contrôle. Cet organe nouveau a pour objet de programmer les travaux d'évaluation et de contrôle transversaux, qui dépassent le strict domaine de compétence d'une commission. Nous manquions en effet d'un lieu susceptible de nous offrir une approche globale. Nous avons adopté des amendements permettant au comité d'avoir recours à la Cour des comptes ou à des organismes extérieurs.
Enfin, nous avons précisé le contenu de la semaine de contrôle du Gouvernement, en prévoyant qu'une semaine serait réservée en priorité aux questions européennes.
Mes chers collègues, j'ai toujours été convaincu que l'avenir du travail parlementaire et son apport pour notre pays consistaient à voter moins de lois et à consacrer davantage de temps au contrôle de leur application, à l'évaluation des politiques publiques et à la vérification de la manière dont l'argent public est dépensé. Pour que ces fonctions de contrôle soient efficaces, nos procédures doivent garantir une présence forte de l'opposition. Telle est la logique de la proposition de résolution qui vous est proposée. Je suis convaincu qu'en l'adoptant – et j'espère que notre vote sera le plus large possible –, nous pourrons, demain, légiférer moins et mieux, mieux contrôler l'action du Gouvernement ainsi que l'application des lois que nous votons. Cette ambition peut nous rassembler très largement. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
La parole est à M. Roger Karoutchi, secrétaire d'État chargé des relations avec le Parlement.
Monsieur le président, mesdames, messieurs les députés, en entamant aujourd'hui la réforme du règlement de votre assemblée, vous allez poser la dernière pierre d'un édifice dont la construction a débuté il y a deux ans.
Après la révision constitutionnelle du 23 juillet 2008…
…et le vote de la loi organique, vous allez parachever cette longue oeuvre de rénovation du travail parlementaire en adaptant le texte de votre règlement, ce règlement dont Michel Debré estimait, il y a cinquante ans, qu'il constituait l'une des pièces essentielles du régime de la Ve République.
À ce stade du débat, qui vous appartient entièrement, je me contenterai de prononcer quelques mots de remerciement et d'émettre un souhait.
Ces remerciements vont, tout d'abord, à l'initiateur de la proposition de résolution qui vous est soumise. C'est un travail considérable qui a permis d'aboutir à ce texte et on le doit au président de votre assemblée, Bernard Accoyer. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe UMP.)
Il a conduit toute la préparation de cette résolution en tentant de concilier au mieux des points de vue souvent très divergents.
Je voudrais également associer à ces remerciements les quatre présidents, Jean-François Copé, François Sauvadet, Jean-Marc Ayrault et Jean-Claude Sandrier, dont les groupes ont participé, avec des points de vue très divers, aux réflexions conduites par le président de votre assemblée.
Je souhaiterais également émettre un souhait. Après vos débats en séance, après les travaux, très riches, de votre commission des lois sur le rapport du président Warsmann, qui, comme toujours, a beaucoup apporté à ce texte (Rires et exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR),…
…vous disposerez de nouveaux instruments. Des instruments pour quoi faire ? Pour mieux organiser vos débats, mieux répartir les rôles respectifs des commissions et de la séance publique, mieux équilibrer la relation entre la majorité et l'opposition,…
…notamment dans le domaine du contrôle, dont on doit attendre beaucoup.
Le seul objectif qui doit prévaloir est bien celui d'une véritable revalorisation du Parlement et de l'action des parlementaires, qui a été voulue par le Président de la République comme par le Gouvernement.
Au-delà des divergences de vue, des oppositions, il importe que l'application de ce règlement puisse apporter un souffle nouveau à l'institution parlementaire que vous incarnez, dans l'esprit d'une Ve République rénovée.
Il y va de l'intérêt de vous tous, de celui de nos concitoyens et, sans vouloir employer de trop grands mots, d'un certain point de vue, de la République. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
J'ai reçu de M. Jean-Claude Sandrier et des membres du groupe de la Gauche démocrate et républicaine une exception d'irrecevabilité déposée en application de l'article 91, alinéa 4, du règlement.
La parole est à M. Noël Mamère, pour une durée qui ne saurait excéder trente minutes.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, je défends cette exception d'irrecevabilité au nom du groupe de la Gauche démocrate et républicaine, car les droits d'expression et d'amendement des députés, notamment des groupes minoritaires, sont bien menacés par la rédaction proposée pour le règlement de notre assemblée.
Une fois de plus, nous avons dû travailler dans des conditions déplorables. Alors que nous discutons de notre règlement, et même si la majorité ne pouvait prévoir la nouvelle lecture du texte sur internet, force est de constater que l'idée même de revalorisation du Parlement est déjà en lambeaux.
En effet, le texte issu de la commission des lois n'a été publié que le jeudi à vingt-trois heures trente, veille de congés pour les services en raison du week-end du 1er mai. Le rapport des travaux de la commission des lois n'a été mis en ligne que le vendredi 1er mai à vingt-deux heures trente, pour un dépôt des amendements pour la séance publique le lundi 4 mai à dix-sept heures. Ensuite, programmations et déprogrammations se sont succédé selon le gré de la majorité, maître de l'ordre du jour. Comment voulez-vous que les députés travaillent convenablement dans de telles conditions ?
Tant que nombre d'entre nous jugeront normal de ne venir à l'Assemblée nationale que le mardi matin pour en repartir le mercredi après-midi – quand ils n'y viennent pas qu'une fois par mois, comme l'a déclaré un député de votre majorité au Parisien –, nous ne pourrons pas faire un travail législatif sérieux, avec des calendriers décents.
Revaloriser le Parlement dans le cadre de la Ve République, sans passer à la VIe République, est déjà une gageure en tant que tel, mais, avec l'actuel Président de la République à la tête du pays, atteindre cet objectif est une mission impossible. En effet depuis le début du quinquennat en mai 2007, la fameuse « rupture » s'est révélée être aussi une rupture avec les règles démocratiques élémentaires du parlementarisme, telles qu'elles ont toujours été conçues et appliquées dans notre pays. Vous prétendez que la restriction du droit au débat, introduite par ce nouveau règlement, serait la conséquence des pratiques d'obstruction de l'opposition.
Or, sur les vingt dernières années, les temps de débat les plus longs ont été répartis de façon similaire sous les gouvernements de droite et de gauche. Quant au nombre d'amendements déposés rapporté au nombre de jours de séance, il a peu de signification. En 2005-2006, 10 196 amendements ont été déposés, ce qui correspond à la moyenne basse des quinze dernières années ; 3 317 de ces amendements ont été adoptés, soit un tiers, ce qui est un pourcentage élevé. Pourtant, le nombre de jours de séance correspondant est parmi les plus élevés des dix dernières années.
Parlementarisme rationalisé, passe encore ; parlementarisme cadenassé : c'est non ! Il faut revaloriser le Parlement, sa fonction législative et son rôle de contrôle de l'exécutif. Voilà ce qui a été répété encore et encore pour, en fait, dissimuler la volonté bien réelle de bâillonner cette institution. Aujourd'hui, les réformes de l'organisation du travail du Parlement consistent essentiellement à le faire taire : droit d'amendement rétréci, droit de parole rabougri, droits de l'opposition rikiki !
La réalité est que vous ne croyez pas à l'efficacité du débat démocratique, dans lequel vous ne voyez qu'une perte de temps et qui présente le désavantage de vous porter la contradiction. Or, comment remplir notre mandat sans pouvoir prendre la parole ? Nous sommes retournés au temps des godillots de l'époque gaulliste.
Ce nouveau règlement sape les piliers de la démocratie représentative : l'interdiction du mandat impératif, inscrite à l'article 27 de notre Constitution, est liée à la liberté et à la publicité du débat parlementaire. Alors que l'initiative des lois appartient pour l'essentiel à l'exécutif, le principal outil d'intervention du législateur est le droit d'amendement. La démocratie représentative repose sur la vertu du débat, qui permet de corriger et d'infléchir les positions initiales avant la mise au vote.
À aucun moment, il n'a été possible d'engager une discussion sérieuse sur ce texte. Le groupe de travail du président Accoyer n'aura pas empêché les débordements de la majorité UMP en commission des lois pour faire passer des amendements scélérats, aujourd'hui intégrés dans le texte en discussion. Cette discussion a été d'autant moins possible que, concrètement, la réforme constitutionnelle, la loi organique qui a suivi et, aujourd'hui, la proposition de réforme du règlement de notre assemblée, ont directement été pilotés par l'Élysée – ce qui est logique, puisque l'objectif du Président de la République est de s'approprier la réalité du pouvoir législatif. Le droit d'amendement des parlementaires est tout juste toléré.
Aucun pays respectant les principes du gouvernement représentatif démocratique n'entretient une telle confusion des pouvoirs. Même dans les systèmes ayant clairement opté pour le régime présidentiel, comme les États-Unis d'Amérique, le pouvoir législatif ne reçoit pas d'ordres du Président, contrairement à ce qui se fait en France sous l'actuel Président de la République. Le président des États-Unis ne peut gouverner par ordonnances ou recourir à des procédures du type des articles 44, alinéa 3, ou 49, alinéa 3. Quand une loi est rejetée, il ne peut imposer une relecture à la va-vite du texte, comme cela vient d'être le cas en France pour la loi HADOPI.
Pourquoi cette volonté frénétique de nous faire légiférer à la hâte, sans véritable débat, en piétinant le droit d'amendement des députés en séance publique, selon le bon plaisir ou les caprices du prince qui nous gouverne ? Franchement, on se le demande ! Aujourd'hui, il y a trop de lois, des lois mal écrites et impossibles à mettre en oeuvre, faute des textes d'application nécessaires. Fin 2008, le Sénat a ainsi relevé qu'un quart seulement des dispositions réglementaires correspondant aux lois adoptées l'année précédente avaient été prises : 24,6 % en 2007-2008 contre 32,1 % l'année précédente. Le taux d'application des lois adoptées après déclaration d'urgence n'est – écoutez bien, chers collègues de la majorité – que de 10 %, car les décrets nécessaires ne sont pas publiés, alors que le Parlement a dû travailler au pas cadencé, avec une seule lecture dans chaque assemblée !
Vous nous dites que le « temps guillotine » existe dans le droit parlementaire britannique. Effectivement, depuis 1881, le gouvernement peut clore le débat sur chaque élément du projet ou allouer un temps limité de discussion sur chaque élément restant à débattre. Mais, depuis 2000, l'instauration du « temps programmé » a eu précisément pour but de rendre moins brutale la « motion guillotine ». Elle a donné lieu à des expérimentations comportant des évaluations d'étape entre 2000 et 2007. La « motion de temps programmé » donne lieu à une élaboration conjointe par la majorité et l'opposition en commission sur chaque texte, et, si la répartition du temps n'est pas consensuelle, la Chambre des communes se réunit pour un débat préalable de quarante-cinq minutes. De plus, nous ne pouvons extraire cette disposition de l'ensemble du système parlementaire britannique qui, contrairement au régime français, est un régime parlementaire à part entière, et non un régime hybride. En Grande-Bretagne, les droits reconnus à l'opposition sont autrement plus étendus que dans notre pays, avec notamment la fonction des contre-rapporteurs, que vous refusez d'instituer.
Quant aux assemblées italiennes, elles ont certes adopté elles aussi, depuis quelques décennies, des dispositifs dits « anti-obstruction ». Mais, même dans ce cadre, chaque parlementaire garde la possibilité d'intervenir au moins une fois par article pour présenter ses amendements. Nous sommes donc bien loin dans ces deux cas du règlement que vous mettez en place.
Le constituant, lors de la révision de l'an dernier, n'a pas souhaité revenir sur l'article 27 de la Constitution française, qui contient le refus du mandat impératif. Cela s'oppose donc au temps limité et à la limitation du droit individuel d'amendement qui fait primer le groupe politique sur le parlementaire comme sujet détenteur du droit d'amendement dans le cadre du travail législatif.
Effectivement, c'est le retour de fait au régime des partis, tant honni par de Gaulle en son temps.
De plus, vous incluez dans le temps limité le décompte des rappels au règlement et le décompte du temps des interruptions de séance ; le « non-débat » deviendrait-il assimilable à un débat ? Cerise sur le gâteau, survenue en commission au mépris des engagements : le décompte du temps de parole des présidents de groupe alors que, parallèlement, la majorité s'attribue un temps de parole non limité par l'intermédiaire des interventions des présidents – exception faite du président de la commission des finances, qui appartient à l'opposition –, des rapporteurs de la commission saisie au fond ainsi que, le cas échéant, des rapporteurs des commissions saisies pour avis. Où est le pluralisme ? Pourquoi saccager ainsi la concession accordée par la président Accoyer afin d'atténuer la violence du fait majoritaire tel que vous le mettez en pratique ?
Le nombre des motions de procédure a été limité à deux, disposition introduite sans préavis par la majorité lors de l'examen du texte en commission des lois. Or, les motions constituent les rares moments permettant aux groupes d'opposition d'intervenir de façon longue et détaillée afin de mettre en débat des contre-propositions élaborées, non « saucissonnées » article par article et non soumises à la censure de l'article 40. Actuellement, les trois motions de procédure permettent aussi la diversité des prises de position et le respect du pluralisme d'opinions entre les groupes d'opposition. La diminution du nombre de motions de procédure est un coup porté à l'expression des groupes minoritaires d'opposition – et vous comprendrez que, au sein du groupe de la Gauche démocrate et républicaine, réunissant des députés communistes, Verts, républicains, du parti de gauche et ultramarins, nous nous sentions sérieusement menacés.
Plusieurs dispositions du règlement, qui se conjuguent au demeurant fort mal avec l'article 27, alinéa 1, de la Constitution, ne font que renforcer les droits des groupes politiques au détriment du droit d'expression individuel du parlementaire.
De plus, elles renforcent le bipartisme de la vie politique, déjà induit par le mode de scrutin majoritaire uninominal par circonscription de notre assemblée. Cela ne peut qu'appauvrir la diversité du débat.
La logique du temps global de débat réparti au prorata du nombre de députés a, par définition, pour conséquence de restreindre le droit d'expression, mais également le droit d'amendement en séance des députés n'appartenant à aucun groupe et des membres des groupes politiques peu nombreux. Or, selon les sujets abordés, nous pouvons avoir des députés experts sur telle ou telle question. Pourtant, leur droit de présenter oralement leurs amendements se verra réduit en fonction de la taille de leur groupe politique.
En commission des lois, le rapporteur a fait voter un amendement à l'article 57 du règlement, introduisant la clôture automatique de la discussion sur article par la présidence de séance après quatre interventions, si deux orateurs de l'opposition ou minoritaires se sont exprimés. Mais ces deux orateurs pourront appartenir au même groupe, ce qui nie le droit de chaque groupe à l'expression. Cette disposition, qui garantira donc au minimum deux orateurs UMP, empêche l'expression de chacun des trois autres groupes de l'Assemblée.
Finie, donc, la possibilité d'intervenir par article pour chaque groupe ou pour un député non inscrit. De plus, cette clôture du débat est une décision automatique après quatre interventions : vous ne permettez même pas à la présidence de séance d'avoir ce que l'on appelle « l'intelligence de la situation » et de prendre éventuellement la décision de laisser le débat se dérouler.
Certes, vous pouvez faire jouer le fait majoritaire et passer en force les nouvelles dispositions du règlement de l'Assemblée. Cela n'en est pas moins dommageable. Et nous ne pouvons que nous étonner de ce que la majorité présidentielle de notre assemblée n'adopte pas l'attitude consensuelle de celle du Sénat. Le président de la seconde Chambre a fait preuve de plus de sagesse que celle se dégageant de la stratégie du rouleau compresseur adoptée ici.
Je voudrais rappeler à nos collègues du groupe UMP – pour qui ce nouveau règlement est taillé sur mesure – qu'en démocratie le fait d'être majoritaire ne donne pas tous les droits. Ainsi, Alexis de Tocqueville parle des risques de la « tyrannie de la majorité », dans De la démocratie en Amérique, volume I, deuxième partie, chapitre VII.
Je ne pensais pas devoir un jour en faire le rappel à nos collègues qui siègent sur les rangs de la droite de notre hémicycle. En démocrate, Tocqueville affirmait : « Je place dans les volontés de la majorité l'origine de tous les pouvoirs », mais il affirmait dans le même temps, tout en s'efforçant de lever la contradiction : « Je regarde comme impie et détestable cette maxime, qu'en matière de gouvernement la majorité d'un peuple a le droit de tout faire ».
Il écrivait également, dans la même épure : « Je crois la liberté en péril lorsque ce pouvoir ne trouve devant lui aucun obstacle qui puisse retenir sa marche et lui donner le temps de se modérer lui-même » ; et d'ajouter : « La toute-puissance me semble en soi une chose mauvaise et dangereuse ». Ce n'est pas Robespierre, c'est bien Alexis de Tocqueville, et je vous invite à méditer ses propos, comme un appel au nécessaire respect des minorités par la majorité et au respect des mécanismes de contre-pouvoir. Vous confondez pouvoir légitime de la majorité et absolutisme. Rien ne vous garantit pourtant d'être majoritaires à tout jamais dans ce pays. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
Le président du groupe majoritaire tend à devenir le grand ordonnateur de la conférence des présidents, et de facto le véritable chef de notre assemblée. Et, non content de vouloir remplacer le président de l'Assemblée, il joue désormais également le rôle du père Fouettard – le fameux whip dans la tradition parlementaire britannique –, à en croire ses interventions en séance dernièrement, ainsi que les courriers internes adressés aux membres de son groupe et qui ont « fuité » dans la presse. Il explique que ce n'est pas le contenu des lois votées qui compte, mais le fait de prendre ses tours de permanence dans l'hémicycle pour faire rejeter par principe toutes propositions émanant de l'opposition.
Je voudrais revenir sur la décision du Conseil constitutionnel du 9 avril 2009 portant sur la loi organique relative à l'application des articles 34-1, 39 et 44 de la Constitution, que nous avons examinée au début de cette année, dans des conditions de travail et de non-écoute des groupes d'opposition elles aussi déplorables.
En l'occurrence, je m'arrêterai aux dispositions relatives à l'article 44 de la Constitution et aux articles 17 à 19 de la loi organique, donc au droit d'amendement. Rappelons qu'il n'y a aucune obligation, ni constitutionnelle ni organique, à instituer dans le règlement de notre assemblée une procédure impartissant des délais pour l'examen d'un texte en séance. Il y a tellement peu d'obligations constitutionnelles, que le nouveau règlement du Sénat – négocié de façon consensuelle – ne prévoit pas une telle procédure.
Dans son considérant 40, le Conseil constitutionnel a cité l'article 17 de la loi organique, qui dispose que « les règlements des assemblées peuvent » – et non « doivent » – « s'ils instituent une procédure impartissant des délais pour l'examen d'un texte en séance, déterminer les conditions dans lesquelles les amendements déposés par les membres du Parlement peuvent être mis aux voix sans discussion. »
« Le constituant a entendu permettre que, dans le cadre de la procédure instituée par ces règlements impartissant des délais pour l'examen d'un texte en séance, les amendements ne puissent être discutés que lors de l'examen du texte en commission. »
C'est bien sûr sur ce fondement et dans ce cadre précis que le Conseil constitutionnel a conclu plus loin, dans son considérant 42, que la loi organique, dans ses articles 17 à 19, n'apporte pas de « limites inconstitutionnelles à l'exercice du droit […] d'amendement des membres du Parlement ». Cependant, la décision du 9 avril du Conseil constitutionnel sur la loi organique ne vaut pas validation a priori de tout le texte de règlement que nous aurions à adopter en la matière.
La question de la constitutionnalité de la proposition de règlement qui nous est soumise concerne donc les conditions dans lesquelles peut s'exercer – ou non – de façon inconditionnelle le droit d'amendement des parlementaires en commission, au regard des rédactions concrètes et précises retenues.
Et c'est là que le bât blesse. Certes, désormais, tout député peut, sur le papier, aller défendre un amendement dans l'ensemble des huit commissions permanentes, voire au sein d'éventuelles commissions spéciales qui seraient saisies au fond, même s'il n'en est pas membre. Mais, dans son article 50, le règlement ne réserve que la matinée du mercredi pour les réunions de commissions, l'Assemblée ne siégeant pas alors en séance publique et ayant pris l'habitude de ne travailler que sur le temps resserré du mardi et du mercredi pour permettre le cumul des mandats. Aussi l'exercice du droit constitutionnel d'amendement « en séance ou en commission » va-t-il buter sur une réalité physique intangible.
L'article 20 de la proposition de résolution prévoit certes d'introduire à l'article 41 de notre règlement un premier alinéa intéressant, qui touche bien au problème de l'exercice du droit constitutionnel d'amendement en commission mais ne répond malheureusement que partiellement au problème de « non-ubiquité » – et donc de constitutionnalité. Cet alinéa additionnel dispose en effet que « quand l'Assemblée tient séance, les commissions permanentes ne peuvent se réunir que pour terminer l'examen d'un texte inscrit à l'ordre du jour ». Nous comprenons donc que, tant que la commission permanente se réunit le mercredi matin pour examiner les amendements déposés, tout va bien ; mais, si les travaux de la commission prennent plus de temps, notamment s'il faut coûte que coûte examiner un texte inscrit à l'ordre du jour, ses travaux pourront se dérouler à un autre moment. Il y aura donc chevauchement entre la réunion de la commission permanente et celle de la séance publique, et donc impossibilité pour le parlementaire d'exercer simultanément son droit d'amendement dans deux instances.
De plus, des commissions permanentes saisies au fond sur des textes différents peuvent, elles aussi, se réunir au même moment. Comment un député pourra-t-il alors exercer son droit d'amendement en commission ? La question est désormais posée, alors qu'il pouvait jusqu'à maintenant amender pour la séance publique sans avoir été présent en commission.
La situation devient encore plus compliquée dans le cas des commissions spéciales qui sont elles aussi saisies au fond et où doit donc pouvoir s'exercer également le droit d'amendement. Car le dispositif du futur premier alinéa de l'article 41 du règlement, qui n'est que partiellement satisfaisant, ne mentionne que les commissions permanentes et non les commissions spéciales. Une commission spéciale saisie au fond pourra donc se réunir pendant les séances publiques, si bien qu'un parlementaire présent dans l'hémicycle ne pourra exercer son droit d'amendement en commission. CQFD.
Dans le cas de la procédure simplifiée, cela devient encore plus problématique. En effet, un texte soumis à la procédure simplifiée ne pourra faire l'objet d'aucun amendement en séance publique. Or, même si l'Assemblée tient séance publique au même moment, la commission examinant un texte en procédure simplifiée pourra malgré tout se réunir s'il s'agit de « terminer l'examen d'un texte inscrit à l'ordre du jour ». Nous nous retrouvons donc de nouveau avec le risque pour un parlementaire de ne pouvoir exercer son droit d'amendement en séance et en commission.
Je voudrais revenir à présent sur le considérant 41 de la décision du Conseil constitutionnel du 9 avril 2009, qui concerne notamment les articles 18 et 19 de la loi organique, lesquels font obligation aux règlements des assemblées de garantir le droit d'expression de tous les groupes parlementaires et d'accorder à tout parlementaire qui en fait la demande un temps de parole pour une explication de vote personnelle sur l'ensemble du texte. Ces dispositions introduisent le considérant 42, selon lequel la loi organique n'a « pas apporté de limites inconstitutionnelles à l'exercice du droit d'expression ». Certes, mais lorsque le Conseil constitutionnel a rendu sa décision, il était alors admis de tous qu'à l'Assemblée nationale la plus petite unité de temps de parole était de cinq minutes, qu'il s'agisse d'une explication de vote ou de la défense personnelle d'un amendement.
Depuis, lors de l'examen en commission des lois, et bien que cela n'ait jamais été évoqué dans le groupe de travail réuni par notre président depuis l'automne dernier, le rapporteur a introduit au dernier alinéa de l'article 49 du règlement la réduction de l'unité minimale de temps de parole de cinq à deux minutes. (Exclamations sur les bancs du groupe GDR.)
Comment prétendre que le droit d'expression de chaque membre du Parlement, dont le Conseil constitutionnel a rappelé l'importance le 9 avril dernier, est maintenu, s'il n'est prévu que deux minutes pour exposer un point de vue un tant soit peu argumenté, qu'il s'agisse d'une opinion divergente ou de celle d'un député non inscrit ? Tant qu'on y est, pourquoi ne pas descendre à quelques secondes et ne pas considérer qu'un borborygme ou une exclamation peut valoir expression personnelle ?
Si le droit d'amendement en commission et le droit d'expression ne sont pas garantis par les dispositions prévues dans notre règlement, alors qu'il s'agit de droits constitutionnels, il nous faut donc en revenir à l'idée – au demeurant de bon sens – de l'exercice du droit d'amendement en séance publique. Compte tenu de la rédaction proposée pour le futur règlement, du cadrage et de la décision du Conseil constitutionnel du 9 avril dernier, il nous faut donc interroger de nouveau la constitutionnalité du dispositif du « temps législatif limité » qui, en vérité, remet en cause l'exercice du droit constitutionnel d'amendement en séance.
En effet, l'article 44, alinéa 1, de la Constitution proclame que « ce droit s'exerce en séance ou en commission selon les conditions fixées par les règlements des assemblées, dans le cadre déterminé par une loi organique ». La Constitution est claire : il n'appartient pas au règlement de notre assemblée de restreindre davantage le droit d'amendement en séance, au-delà du cadre fixé par la loi organique. Or, l'article 17 de la loi organique dispose que « les règlements peuvent déterminer les conditions dans lesquelles les amendements déposés par les membres du Parlement peuvent être mis aux voix sans discussion ».
Il faut donc nous arrêter sur ce que nous entendons par « discussion », car « sans discussion » ne veut pas dire « sans présentation » du contenu par son auteur. Selon le Larousse, une discussion est un « échange de propos, débat au cours duquel deux ou plusieurs personnes examinent une question » ; on peut aussi se référer au second sens de « discussion », qui est « l'action de faire l'examen critique de quelque chose ». Dans tous les cas, la « discussion » d'un amendement implique bien la prise de parole d'un second orateur, en plus de l'auteur de l'amendement qui en fait une simple « présentation ».
Or la nouvelle rédaction de l'article 55 du règlement tend à empêcher un député appartenant à un groupe dont le temps de parole est épuisé de faire une présentation orale de son amendement avant que celui-ci soit mis aux voix. Nous pouvons donc en conclure que si, dans le considérant 40 de sa décision du 9 avril 2009, le Conseil constitutionnel a relevé que le constituant avait prévu que les amendements ne puissent pas être discutés lors de la séance publique, il n'a aucunement validé comme entrant dans le cadre constitutionnel et organique le fait que le règlement de notre assemblée empêche l'auteur d'un amendement d'en faire une simple présentation orale, non suivie d'une discussion, avant sa mise aux voix.
Le président et rapporteur de la commission des lois reconnaît lui-même, sans l'avouer explicitement, la faille de son dispositif, puisque son rapport cite, page 128, le secrétaire d'État aux relations avec le Parlement lors de l'examen de la loi organique au Sénat : « L'article 13 n'entend nullement porter atteinte au temps dont disposent les parlementaires pour présenter leurs amendements. » Mais le rapporteur a un point de vue contraire sur le sens de la loi organique et considère qu'il serait « contraire à la logique » de la loi de « permettre aux auteurs d'amendements qui ont épuisé leur temps de parole de présenter eux-mêmes leurs amendements ».
Le président de la commission estime que l'exposé des motifs qui doit accompagner tout amendement est « une forme de présentation suffisante de l'amendement ». Voilà qui serait une nouveauté dans nos usages, mais qui nécessiterait que l'exposé des motifs des amendements soit reproduit tel quel au Journal officiel, s'il a valeur de présentation de l'amendement ; et pour ce faire, il devrait – au minimum – être lu dans l'hémicycle. Mais le nouveau règlement ne prévoit pas de telles dispositions.
De même, le président de la commission se targue dans son rapport de rétablir l'ancienne rédaction de l'article 55 du règlement, conçue dans le cadre du temps limité qui s'appliquait avant 1969 et toilettée depuis 1994. Mais même dans le cadre du temps limité d'avant 1969, il y avait « présentation » de l'amendement avant le vote. En effet, l'ancienne rédaction – que je ne soutiens pas sur le fond, cela s'entend – prévoyait néanmoins que l'amendement devait être « lu » et pas uniquement « appelé » par le président de séance. Là encore, nous voyons que l'actuelle modification du règlement ne prévoit pas les conditions de présentation d'un amendement qui serait mis aux voix sans discussion et ne respecte pas en cela le cadre fixé par la loi organique.
Parce que la rédaction proposée pour le règlement ne tient pas compte du texte de la décision du Conseil constitutionnel du 9 avril 2009 qui, si elle valide la loi organique du 15 avril 2009 relative à l'application de l'article 44 de la Constitution, ne vaut pas blanc-seing donné à la majorité UMP pour réécrire à sa guise le règlement de l'Assemblée nationale ; parce qu'elle ne garantit pas l'exercice inconditionnel du droit d'amendement en commission, en ne prévoyant pas expressément la non-concomitance absolue avec la séance publique et entre elles des réunions des huit commissions permanentes ou d'éventuelles commissions spéciales saisies au fond, y compris en cas d'engagement de la procédure simplifiée ; parce que, dans le même temps, la nouvelle procédure du « temps législatif limité » ne garantit pas l'exercice du droit individuel d'amendement en séance dans le cadre de la loi organique, dans la mesure où elle introduit une limitation allant au-delà dudit « cadre de la loi organique », contrairement à l'article 44, alinéa 1, de la Constitution ; il y a tout lieu de considérer la présente proposition de modification du règlement de l'Assemblée nationale comme non conforme à l'article 44 de la Constitution et au cadre déterminé par la loi organique.
Et parce que, sur le fond, la rédaction du règlement qui nous est proposée vise, premièrement, à réduire la prise de parole des députés du groupe d'opposition minoritaire de la Gauche démocrate et républicaine dont je suis membre et qui réunit des députés du parti communiste, du parti des Verts, du parti de gauche, des partis ultramarins et des républicains apparentés ; deuxièmement, à limiter drastiquement le temps de parole des députés du groupe le plus nombreux de l'opposition, à savoir le groupe SRC, réunissant des députés du parti socialiste, du parti radical de gauche et des députés citoyens apparentés ; troisièmement, à empêcher la prise de parole et l'exercice du droit d'amendement des députés du groupe minoritaire de la majorité, le Nouveau Centre ; quatrièmement, à empêcher la prise de parole et l'exercice du droit individuel d'amendement – droit constitutionnel – de l'ensemble des députés et au premier chef de ceux n'appartenant à aucun groupe, parmi lesquels les députés du Mouvement démocrate et du parti « Debout la République » ; cinquièmement, et alors que cette rédaction fait la part belle aux prises de parole du groupe UMP qui relaie les mots d'ordre de l'Élysée et qui bénéficie des temps non décomptés exercés ès qualités, à priver de parole les voix dissidentes qui cherchent à émerger au sein du groupe UMP en fonction des enjeux, privant un député de la faculté d'intervenir en son âme et conscience, sans mandat impératif.
Sur tous nos bancs, le respect de la diversité politique, le principe de libre délibération sans mandat impératif et le droit d'expression de la représentation nationale sont menacés, comme l'est notre capacité future à exercer nos mandats de parlementaires, dans les matières législatives. N'en déplaise à nos collègues de l'UMP, nous avons tous été élus en remportant l'élection législative dans notre circonscription au suffrage universel direct ; ce qui rend la représentation nationale, composée de l'ensemble de ses membres, tout aussi légitime que le Président de la République.
Et rappelons que « les expressions pluralistes des opinions et la participation équitable des partis et groupements politiques à la vie démocratique de la Nation » sont proclamées à l'article 4 de notre Constitution. Je vous demande donc solennellement, au nom des députés de la Gauche démocrate et républicaine, de voter cette exception d'irrecevabilité sur la proposition de modification de notre règlement, dont l'inconstitutionnalité est démontrée. (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et SRC.)
Nous en venons aux explications de vote sur l'exception d'irrecevabilité.
La parole est à M. Claude Goasguen, pour le groupe UMP.
Il y avait, dans l'intervention de M. Mamère, certains éléments relevant en effet d'une exception d'irrecevabilité ; il y en avait d'autres plus politiques, plus tactiques.
Il serait bon que le débat que nous entamons se déroule de la manière la plus convenable et que certains ne cherchent pas à tout prix à faire déraper nos discussions par des interventions intempestives. Nous ne sommes pas dans une cour d'école où, à la différence de ce qui se passe ici, on peut châtier les malotrus. (Vives protestations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
Je parle des cours d'école : vous êtes allés à l'école comme tout le monde, je suppose. (Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
C'est extraordinaire ! La simple évocation des cours d'école déclenche un tollé ! (Vives protestations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
Nous sommes tous allés à l'école, n'est-ce pas ?
Je veux simplement rappeler que la vocation du Parlement n'est pas de permettre à certains, par des invectives diverses s'adressant aux uns et aux autres, de démontrer que l'adversaire est un crétin – comme j'ai commencé à l'entendre sur ces bancs tout à l'heure.
J'ai écouté M. Mamère avec plaisir : il a beaucoup de qualités et son propos était vraiment intéressant. Tout à coup, je l'ai entendu dire que, après tout, ce qui s'était passé sous la gauche était oublié. Je me souviens, comme M. Emmanuelli…
Mais si, je vous ai entendu dire quelque chose.
Je me souviens que M. Laignel nous avait dit que nous avions juridiquement tort, parce que nous étions politiquement minoritaires. C'était l'affirmation d'une vision démocratique moderne et pleine d'avenir. (Protestations sur de nombreux bancs des groupes SRC et GDR.)
Peu importe ! On sait très bien que l'opposition, en réalité, défend son point de vue d'opposition, quitte à se servir ensuite admirablement, voire à l'excès, des institutions qu'une majorité met en place. Voyons l'exemple de la Ve République !
Ce que nous allons voter aujourd'hui et dans les jours qui viennent sera, j'en suis persuadé, d'une grande utilité pour l'opposition lorsqu'elle deviendra – si elle le veut – majoritaire.
Allez-vous soutenir que les dispositions que nous allons voter représentent une diminution des droits de l'opposition, alors que le remarquable exposé du président de la commission des lois…
C'est fini ? Je vous remercie de me donner la parole !
Alors que le remarquable exposé du président de la commission des lois l'a démontré…
Cela n'a pas d'importance. Il vaut pour l'avenir. Mes chers collègues, quand vous serez dans la majorité, vous ferez référence au travail de la commission des lois : c'est votre destinée, vous aviez la Ve République, vous aurez le rapport Warsmann.
Dans quelques années – le plus tard possible, je vous rassure !
Mais il est impossible de nous dire, en ce début de mandat, que nous allons limiter les droits de l'opposition. Cela fait sourire…
Monsieur le président, si le débat commence sur ce ton, il va très mal se terminer !
Je redis à M. Roy que ses hurlements sont insupportables. Il y a des remarques qu'un certain nombre de députés croient utiles de faire, mais, pour ce qui est de vos hurlements, monsieur Roy, je reçois sans arrêt, de toute la France, des courriers et des mails qui regrettent cette attitude. Je vous demande de bien vouloir faire comme vos collègues. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Je vous en prie, monsieur Goasguen, poursuivez.
Ce que nous avons entamé, ce que nous allons voter, est dans la droite ligne…
…de la réforme constitutionnelle. Ce que nous allons voter est dans la droite ligne de la loi organique. Ce que nous allons voter, c'est ce que la gauche n'a pas voulu voter : la modernisation de notre Constitution et de notre système institutionnel. (Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
On peut développer toutes les arguties politiques et juridiques : le Conseil constitutionnel en fera justice en temps utile. Mais, en toute hypothèse, il n'y pas lieu à exception d'irrecevabilité : depuis un an que durent ces débats, l'Assemblée est suffisamment informée. Tout le reste n'est que parade politicienne qui verra son terme dans les jours qui viennent. (Protestations sur les bancs des groupes SRC et GDR.) Je vous demande de ne pas voter cette exception d'irrecevabilité. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Notre collègue Noël Mamère a parfaitement démontré quel était l'objet même de cette réforme des institutions et ce qui s'en est suivi, à savoir la réforme de notre règlement.
L'objectif de la réforme des institutions – chacun le sait, tout au moins de ce côté-ci de l'hémicycle – était avant tout de consolider les pouvoirs de l'exécutif et de renforcer le fait majoritaire.
Constatons d'abord que les promoteurs de la réforme n'ont jamais eu l'imprudence d'affirmer vouloir renforcer la fonction législative du Parlement, mais essentiellement ses missions de contrôle. L'essentiel des droits accordés à l'opposition porte d'ailleurs sur ces pouvoirs de contrôle. La fonction législative se trouve, de fait, reléguée au second plan.
On constate ensuite que les promoteurs de la réforme n'ont pas non plus prétendu vouloir renforcer et garantir le pluralisme démocratique. Une grande partie des prérogatives nouvelles accordées au Parlement intéresse d'ailleurs le renforcement des seuls pouvoirs de la majorité parlementaire. L'objectif n'est donc pas de renforcer les pouvoirs du Parlement, mais de faire dépendre plus étroitement encore le travail législatif des impératifs dictés par l'exécutif : la notion de « coproduction » exprime clairement ce souhait de passer outre au principe de séparation des pouvoirs.
Les nouveaux pouvoirs reconnus à l'opposition présentent ainsi un caractère assez formel : nous y reviendrons durant les débats.
S'il y a quelques très modestes avancées, elles se paient – chèrement – de ce qui constitue le coeur de cette réforme : la mise en oeuvre du fameux temps législatif programmé.
La limitation du temps de parole des députés par l'instauration d'un crédit-temps attribué à chaque groupe parlementaire pose de sérieuses difficultés : atteinte au droit de parole individuel des députés – droit de parole qu'ils tirent de leur élection au suffrage universel, et non de leur appartenance à un groupe parlementaire – et instauration d'une forme de régime des groupes qui soulève la question de la liberté de parole des députés qui expriment un désaccord ou des divergences avec le groupe auquel ils appartiennent, ou qui souhaitent soulever des questions ou des arguments tirés de la situation rencontrée dans leur circonscription.
Ce régime des groupes, qui fait émerger une forme nouvelle du régime des partis, porte gravement atteinte au principe constitutionnel qui veut que « tout mandat impératif est nul ».
Il en va de même avec la consécration institutionnelle de la notion d'opposition, qui tend non seulement à accélérer l'évolution dangereuse vers le bipartisme, mais s'inscrit dans une vision manichéenne et caricaturale du débat politique.
Le temps de parole accordé sur un article, pour la défense des amendements ou pour un rappel au règlement, comme pour les explications de vote sur les motions, a systématiquement été ramené de cinq à deux minutes.
L'exception d'irrecevabilité et la question préalable sont fusionnées en une seule, sous le vocable de « motion de rejet préalable », de sorte qu'une seule motion pourra désormais être proposée et soumise au vote par l'opposition préalablement à la discussion générale.
Les motions déposées sur les propositions de loi de l'opposition seront mises au vote après la discussion générale. La majorité se dote ainsi d'un outil clair et efficace pour reconduire la pratique actuelle, qui consiste, pour la majorité, à barrer le passage à la discussion des articles.
Le temps de parole des présidents de groupe comme la durée des suspensions de séance demandées par l'opposition seront désormais décomptés de leur temps de parole.
Notre collègue a très bien démontré le caractère néfaste et anticonstitutionnel de votre proposition de réforme du règlement. En conséquence, la gauche démocrate et républicaine – communistes, Verts, républicains et parti de gauche – votera cette exception d'irrecevabilité.
Soyons clairs : après les différentes interventions que nous avons entendues, il ne s'agit pas de savoir si telle ou telle commission fera telle ou telle proposition. Ce qui est en cause, c'est le droit d'amendement de chaque député, et donc le droit d'expression de l'opposition.
Votre seule justification est de dire que lorsque l'opposition fait son boulot en s'opposant, elle fait de l'obstruction. Mais même la loi sur l'audiovisuel, débattue pendant soixante-dix heures, ne fait pas partie des lois qui ont été le plus largement discutées au sein de l'Assemblée. Chaque loi votée l'est aujourd'hui en urgence, donc avec une seule lecture dans cet hémicycle.
Non, il n'y a pas d'obstruction de la part de l'opposition lorsque le débat dure un peu plus longtemps que ce qu'a prévu le Président de la République ! Oui, l'obstruction parlementaire existe : elle consiste à saturer le Parlement de lois bavardes, émotionnelles, comme si le Président de la République, qui nie l'expression du Gouvernement, voulait aussi nier le Parlement. Il faudrait en quelque sorte que la seule parole présidentielle vaille décision. Tout débat, fût-il parlementaire, serait de l'obstruction.
Vous semblez accepter ce règlement, monsieur le président de l'Assemblée. Vous acceptez donc, ni plus ni moins, d'abandonner les pouvoirs de votre fonction au seul président du groupe UMP. Le récent livre commis par M. Copé en témoigne : il n'y aurait dans la Ve République que le Président de la République et le président du groupe de l'UMP.
Dès lors, aucune autre personnalité n'existe ; les députés n'existent même plus individuellement. Cette nouvelle façon de faire vivre la Ve République fait fi du Gouvernement, fait fi de l'opposition, fait fi du Parlement.
Comment en arrive-t-on à ce résultat ? Aujourd'hui, la notion de groupe politique prend le pas sur le droit de chaque député à amender, à discuter, à défendre son propre amendement.
Bien sûr, le président Warsmann nous dit que chaque groupe pourra donner un temps de parole à des députés qui iraient à l'encontre de la position de leur groupe. À qui fera-t-on croire une chose pareille ?
Les propos que vient de tenir M. Warsmann sont inquiétants : nous avons fait des propositions ; Jean-Marc Ayrault vous a adressé une lettre, monsieur le président, pour essayer d'ouvrir le débat sur la base de vos propositions. Et voilà que, à l'instant, M. Warsmann cherche une fois de plus à limiter le débat !
À qui fera-t-on croire, alors que tout est fait pour faire taire l'opposition, que chaque député aura vraiment la faculté de s'exprimer ?
Le règlement que vous proposez est un règlement de lutte contre ceux qui ne pensent pas comme vous.
Pourquoi le Sénat arrive-t-il au consensus, quand, ici, par la seule décision du président du groupe UMP, nous devons discuter un règlement de combat ? Ce n'est pas logique.
C'est l'utilité même de l'Assemblée qui est ici en cause : de Chambre du débat démocratique, nous devenons une Chambre d'enregistrement. Le débat démocratique repose sur le droit donné à chaque député d'amender le texte et de le défendre. Hors de l'expression de ce droit personnel, nous devenons une simple Chambre d'enregistrement ! Ce faisant, chers collègues de la majorité, c'est la question de votre utilité qui se pose : la boulimie législative à laquelle nous assistons vous imposera, finalement, de ne plus débattre, de ne plus vous exprimer.
Si le groupe politique est un lieu de construction de la pensée, un lieu où le débat est éclairé, il ne peut pas remplacer la responsabilité personnelle de chaque député qui doit s'exprimer et voter. Il ne faut pas confondre majorité et unanimité : lorsqu'on est majoritaire, on a la responsabilité de le comprendre. Vous devez respecter l'opposition.
Parce que vous êtes majoritaires, vous devez respecter l'opposition, vous devez respecter les personnes qui ne pensent pas comme vous et leur donner la possibilité de s'exprimer.
Parce que, au groupe SRC, nous voulons retrouver un fonctionnement apaisé, plus démocratique de cette assemblée ainsi que de la République, nous vous demandons de ne pas vous contenter d'être des béni-oui-oui. Nous vous demandons de réfléchir, pour vous-mêmes mais également pour l'opposition.
Sans opposition, vous disparaissez et la démocratie est en cause. Je vous invite donc tous à adopter l'exception d'irrecevabilité présentée par Noël Mamère. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
(L'exception d'irrecevabilité, mise aux voix, n'est pas adoptée.)
J'ai reçu de M. Jean-Marc Ayrault et des membres du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche une question préalable déposée en application de l'article 91, alinéa 4, du règlement.
La parole est à M. Jean Mallot. (Plusieurs députés du groupe UMP se lèvent et quittent l'hémicycle.)
Mes chers collègues, si vous avez décidé de quitter l'hémicycle, je vous demande de bien vouloir de le faire dans le plus grand silence, par respect à l'égard de l'orateur.
L'opposition ne peut pas parler : les droits de l'opposition sont bafoués !
Mes chers collègues – M. le secrétaire d'État n'est plus là –, après la révision constitutionnelle de juillet 2008, et à la suite de la loi organique relative à l'application des articles 34-1, 39 et 44 de la Constitution, le président de notre assemblée nous soumet une proposition de résolution visant à modifier notre règlement.
Nous examinons aujourd'hui le texte issu des travaux de la commission des lois et la question préalable que je défends devant vous a pour objet, comme le prévoit l'article 91 du règlement, de faire décider qu'il n'y a pas lieu d'en délibérer.
Tout a commencé par une révision constitutionnelle en trompe-l'oeil. Notre démocratie devait être moderne, irréprochable. Il fallait, disait-on, permettre aux assemblées de travailler mieux, de contrôler l'exécutif, d'évaluer les politiques publiques, de produire des lois de meilleure qualité... On nous parlait même d'un statut de l'opposition.
En réalité, cette révision constitutionnelle a débouché sur une plus forte présidentialisation de nos institutions, sur la concentration progressive de presque tous les pouvoirs entre les mains d'un seul : effacement du Premier ministre et de son Gouvernement – j'ai même lu sous la plume du président du groupe UMP « affaissement du Gouvernement » – alors que seul le Gouvernement est responsable devant notre assemblée ; limitation apparente et sans portée réelle du recours à l'article 49-3 ; augmentation des pouvoirs du parti du président au détriment de l'opposition avec notamment, en germe, la restriction du droit d'amender les textes.
J'observe d'ailleurs que nombre de celles et de ceux qui ont voté cette révision constitutionnelle, en juillet 2008, n'en sont pas très fiers aujourd'hui.
La révision constitutionnelle n'a donc produit aucune revalorisation du Parlement !
Bien au contraire, le nouveau locataire de l'Élysée poussait son avantage, soutenu par le parti majoritaire dont il est encore aujourd'hui le président, en construisant, afin de concentrer un maximum de pouvoirs, une sorte de régime présidentiel, mais sans contre-pouvoirs, et en conservant la possibilité de prononcer la dissolution de l'Assemblée nationale – on ne sait jamais.
La révision constitutionnelle adoptée, sa mise en oeuvre progressive pouvait commencer. La priorité retenue dès l'automne mérite d'être rappelée. L'urgence, ce n'était surtout pas l'application des alinéas 3 et 4 du nouvel article 11, c'est-à-dire la possibilité d'organiser des référendums d'initiative populaire – le pouvoir en place craint peut-être que certains services publics dont il voudrait faire « évoluer » le statut ne servent de support à l'inauguration de ce nouveau droit. Non, le plus urgent était de permettre aux ministres qui quittent le Gouvernement de retrouver leur siège sans repasser devant les électeurs.
Le premier bénéficiaire était le futur secrétaire général du parti du président, alors futur ancien ministre du travail, peu soucieux de se soumettre au suffrage universel en période de mécontentement social et de progression record du chômage, surtout après avoir marqué son passage en trahissant la parole donnée aux organisations syndicales de salariés.
Mais s'agissant du Parlement, le pire était à venir dans le projet de loi organique discuté en janvier et février derniers, projet dont la majeure partie n'avait aucun caractère organique, notamment les points les plus conflictuels comme le fameux article 13, devenu article 17, qui instaure le mécanisme du « temps guillotine ».
Passons rapidement sur la mise en application de la possibilité, offerte aux assemblées par le nouvel article 34-1 de la Constitution, de voter des résolutions. Celles-ci ne risquent pas d'inquiéter beaucoup le Gouvernement puisque c'est lui qui « estime » si elles sont recevables ou non !
Passons également sur les études d'impact dont feront désormais l'objet les projets de loi. Là encore, les précautions sont prises : c'est la conférence des présidents, donc la majorité, qui appréciera si les règles de présentation des projets de loi sont respectées.
Venons-en à ce qui nous a valu un des moments forts de notre vie parlementaire : l'instauration du « temps programmé »…
…avec, au bon vouloir de la conférence des présidents, donc de la majorité, une « durée maximale » pour l'examen d'un texte, selon la formulation retenue dans ce projet de règlement.
En réalité, la loi organique stipule que « Les règlements des assemblées peuvent, s'ils instituent une procédure impartissant des délais pour l'examen d'un texte en séance, déterminer les conditions dans lesquelles les amendements déposés par les membres du Parlement peuvent être mis aux voix sans discussion. »
Première observation : il s'agit d'une possibilité. C'est d'ailleurs pourquoi elle n'a pas encore été jugée, à ce stade, inconstitutionnelle.
Deuxième observation : le Sénat a fait le choix de ne pas utiliser cette possibilité. C'est ce qui devrait lui permettre d'adopter son nouveau règlement de façon non conflictuelle. Ainsi donc, habilement, le Sénat aura adopté la « possibilité » offerte par la loi organique uniquement pour permettre à l'Assemblée nationale de s'automuseler et de réduire ainsi l'intérêt et la portée, donc le poids, de ses débats. Monsieur le président de l'Assemblée nationale, y avez-vous songé ? Est-il acceptable, comme vous l'a demandé Jean-Marc Ayrault en commission des lois, que la chambre dont les membres sont élus directement par le peuple dispose de pouvoirs moins importants que celle dont les membres sont élus au suffrage indirect ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
Troisième observation : le texte parle de délais, pas de « durée maximale » mesurée en minutes. Il y a là plus qu'une nuance. Plusieurs modalités d'application étaient possibles. Vous avez choisi la plus contraignante pour l'opposition.
Quatrième observation : la loi organique mentionne la possibilité que des amendements soient mis aux voix sans discussion, mais pas sans présentation.
Dès lors qu'un parlementaire a commencé d'exercer son droit d'amendement en déposant un amendement repéré par un numéro attribué par les services de l'Assemblée, l'exercice de ce droit ne peut pas être considéré comme complet si le parlementaire ne peut pas en présenter le contenu en séance publique.
Un amendement ne peut pas se réduire à un numéro et le vote ne peut pas se faire sur un simple numéro.
Il est donc regrettable que la commission des lois, revenant ainsi sur un engagement du secrétaire d'État chargé des relations avec le Parlement, ait jugé bon de pousser loin l'atteinte au droit d'amendement de chacun d'entre nous – je rappelle que le droit d'amendement est individuel – et qu'elle ait refusé, dans le cas où la durée maximale du débat serait atteinte, que les amendements restants puissent être présentés, à défaut d'être discutés.
On voit bien là, au passage, l'état d'esprit des auteurs de cette proposition de résolution : celle-ci constitue en effet la dernière étape d'un processus visant à faire taire toute opposition au pouvoir en place.
Le président du groupe UMP prétend qu'il s'agirait de lutter contre l'obstruction. Quelle obstruction ?
Serait-ce l'obstruction des députés UMP et du Nouveau Centre, auteurs des trois-quarts des 2 000 amendements déposés sur le projet de loi portant réforme de l'hôpital et relatif aux patients, à la santé et aux territoires, dont l'examen, pour cette raison a duré plus de cent trois heures ? Non. D'ailleurs, quand on voit les réactions que suscite ce texte et les évolutions qu'il connaît au Sénat, avec quelques avancées mais également beaucoup de reculs, on se dit qu'il aurait gagné à être étudié plus soigneusement, plus attentivement et plus longuement en amont.
Eh oui !
Parle-t-on alors de l'obstruction des députés socialistes sur le projet de loi relatif à la suppression de la publicité dans l'audiovisuel en décembre dernier ? Non, puisque la durée de son examen n'a pas excédé soixante-dix-sept heures ! Oui, rappelez-vous, mes chers collègues, c'est ce texte que le Gouvernement a fait appliquer avant même son examen par le Sénat. Belle illustration de ce que vous appelez la revalorisation du Parlement !
Quant à la proposition de loi sur le travail du dimanche, si elle a vu sa discussion suspendue, à la demande du président du groupe UMP, ce n'est pas à cause d'une quelconque obstruction. Aucun député de l'opposition – je parle sous le contrôle de Christian Eckert – ne s'était encore exprimé, a fortiori aucun amendement n'avait été présenté, la discussion générale n'était même pas commencée ! En réalité, se sentant minoritaire du fait de la défection de ses propres troupes sur ce sujet controversé, le président du groupe UMP a, ce soir-là, jeté l'éponge. Il n'y a donc eu aucune obstruction !
Quant à l'émotion soulevée par le rejet du projet de loi dit HADOPI le 9 avril dernier, elle ne doit rien à une quelconque obstruction, elle non plus. Ce rejet est simplement le résultat arithmétique de l'absence des députés UMP de l'hémicycle au moment du vote.
Et ce résultat doit beaucoup au scepticisme croissant que suscite, y compris au sein de la majorité, ce projet de loi inapproprié, inefficace, inapplicable et attentatoire aux libertés.
M. Copé a d'ailleurs reconnu implicitement la défaillance de son groupe dans une interview récente qu'il a accordée à La revue parlementaire, je le cite : « Il faut que chacun comprenne que si l'on veut coproduire les réformes et pas seulement amender ou débattre, il faut être présents. Il faut aussi être là pour voter le texte. »
Alors, qu'est-ce que l'obstruction ? Selon une définition, couramment retenue, d'Olivier Duhamel et Yves Meny, il s'agit de la « pratique parlementaire qui consiste à faire un usage extensif de toutes les possibilités offertes par la Constitution et par le règlement pour faire durer un débat parlementaire et, si possible, empêcher l'adoption d'un texte ».
L'obstruction n'a jamais empêché l'adoption d'un texte et, lorsqu'elle a permis de faire durer un débat parlementaire, cela n'a concerné finalement que très peu de lois puisque, me semble-t-il, en trente ans, huit textes seulement, en comptant le projet Hôpital, patients, santé et territoires, ont fait l'objet de plus de cent heures de débat. De toute façon, la Constitution, serait-ce au bout du compte par le recours à l'article 49-3, donne au Gouvernement les moyens d'aboutir.
En réalité, si l'opposition utilise des procédés pour faire durer le débat, c'est parce que cela constitue, pour elle, le rapport de forces dans l'hémicycle ne laissant aucun doute sur l'issue du vote, le moyen ultime d'alerter l'opinion sur ce qui se prépare sur un sujet important et qu'elle considère comme suffisamment grave.
Henri Emmanuelli, ancien président de notre Assemblée, l'a très bien exprimé lors de la désormais célèbre nuit du 21 janvier 2009 dans cette enceinte. Il me permettra de le citer : l'obstruction « est le seul moyen pour l'opposition, dans les cas qu'elle juge graves, en résonance avec son électorat, de mener une bataille politique […] c'est la seule arme dont dispose l'opposition sous la Ve République, c'est son seul moyen de combat quand ses électeurs lui demandent de s'opposer à une réforme. Certes, elle prend parfois des formes ridicules mais, derrière ce formalisme ridicule, se cache une réalité politique qui, elle, ne l'est pas ».
C'est en effet bien de cela qu'il s'agit, l'exemple de ce qui s'est passé avec le contrat première embauche sous le gouvernement Villepin l'illustre assez bien. Le fameux CPE, au terme d'une longue bataille, avait été imposé aux députés de droite comme de gauche par un recours à l'article 49-3. Il me semble d'ailleurs avoir compris depuis lors que le ministre de l'intérieur de l'époque, devenu Président de la République, manoeuvrait en sous-main contre cette mesure. C'est au bout d'un certain temps, sous la pression du mouvement social, que le Gouvernement a renoncé à l'appliquer : il avait fallu du temps à l'opinion publique pour comprendre que loin d'être « mieux que rien », le CPE était « pire que tout ».
(Mme Catherine Vautrin remplace M. Bernard Accoyer au fauteuil de la présidence.)
La gestion du temps, pouvoir aller vite pour éviter les obstacles et imposer ses vues : tel est votre objectif à travers ce projet de règlement.
Le « temps programmé », d'abord : lorsque la majorité aura des craintes, elle pourra, en conférence des présidents, imposer une durée maximale. Les quelques ouvertures faites par le président de notre assemblée ont été anéanties en commission des lois : le tandem Copé-Warsmann a recadré Bernard Accoyer.
Quant à nos demandes, elles ont toutes été rejetées. C'est bien la conférence des présidents, donc la majorité, qui décidera de fixer une durée maximale. Nous avions demandé que la conférence des présidents se prononce à l'unanimité sur ce point. A défaut, nous avions proposé que chaque président de groupe ait la possibilité, lors de l'examen des lois, de sortir du crédit temps quatre fois par an, c'est-à-dire un nombre équivalant à la moitié des cas où le Gouvernement peut utiliser l'article 49-3 de la Constitution. Cela a été refusé.
La formule du temps programmé, contrairement aux engagements pris avant les travaux de la commission des lois, pourra s'appliquer y compris lorsque le Gouvernent aura décidé de recourir à la procédure accélérée.
Le temps de parole du président d'un groupe, contrairement aux engagements pris, sera inclus dans le décompte du temps alloué à son groupe.
Les rappels au règlement et les suspensions de séance pourront être imputés sur le temps du groupe concerné. C'est un peu le contraire des matches de basket : ici les arrêts de jeu sont inclus dans le temps imparti !
Enfin, lorsque la durée maximale attribuée à un groupe sera atteinte, les amendements restants ne seront même pas présentés, à défaut d'être discutés, avant d'être mis aux voix. Les députés ne sauront même pas sur quoi ils votent !
Plus généralement, à l'issue du fameux groupe de travail, aucune de nos propositions, ou presque, n'est retenue…
…et les travaux du groupe « pluraliste » que le président de l'Assemblée est si fier d'avoir réuni n'auront servi à rien.
Par exemple, la désignation d'un contre-rapporteur pour mettre l'opposition en mesure de faire valoir de façon constructive son point de vue sur le texte examiné : refusée !
Les délais maximaux ou minimaux prévus par le règlement, et les moyens de travail des commissions ne bénéficieront qu'au rapporteur, donc essentiellement à la majorité.
Nous demandions qu'en matière de contrôle du Gouvernement la règle soit celle de l'égalité entre la majorité et l'opposition, notamment pour fixer l'ordre du jour des séances correspondantes. Quel est en effet l'intérêt du contrôle s'il est encadré et choisi par la seule majorité gouvernementale ? Eh bien, cela nous a été refusé.
Nous demandions que ce principe d'égalité entre majorité et opposition prévale dans la composition du nouveau Comité d'évaluation et de contrôle des politiques publiques : refusé ! Dès lors quelle crédibilité ce comité aura-t-il ? La majorité contrôlerait-elle la majorité ?
Nous demandions aussi la reconnaissance du droit pour chaque groupe d'obtenir la création d'une commission d'enquête par session, comme au Sénat : refusé, puisque la majorité pourra s'y opposer !
Au bout du compte, qu'en est-il de l'application de l'article 51-1 de la Constitution dont je rappelle le texte : le règlement de chaque assemblée « reconnaît des droits spécifiques aux groupes d'opposition de l'assemblée intéressée ainsi qu'aux groupes minoritaires » ?
Qu'en est-il de la « charte de l'opposition » annoncée par le président de notre assemblée : rien !
Mesdames, messieurs de l'UMP, vous devriez pourtant respecter l'opposition. Ce faisant, vous vous respecteriez vous-mêmes, car personne n'est à l'abri d'une alternance. Le règlement a vocation à s'appliquer aussi dans cette situation. C'est d'ailleurs une des raisons pour lesquelles la « règle de vie commune » qu'il constitue ne devrait pas être imposée à un côté de cet hémicycle par l'autre côté de notre assemblée.
Je veux m'attarder quelques instants sur l'ultime « coup de patte », l'ultime mesquinerie de la majorité en commission des lois, en observant au passage qu'elle pénalisera aussi nombre de députés de la majorité, parmi ceux qui participent le plus activement à nos débats ! Je pense à la formule du « tout à deux minutes » : deux minutes pour présenter et défendre un amendement, deux minutes pour intervenir en discussion générale sur un article, deux minutes pour expliquer son vote...
Il y a quelques semaines, le secrétaire d'État chargé des relations avec le Parlement appelait de ses voeux, avec des trémolos dans la voix, le retour de Léon Blum et Jean Jaurès à l'Assemblée. Hommage mérité, certes, mais songez un peu : nous sommes en 1912, le président de séance se tourne vers sa gauche et annonce : « Vous avez la parole, monsieur Jaurès,... pour deux minutes » !
Le tableau sera complet lorsqu'on aura constaté que le projet de règlement issu des travaux de la commission des lois prévoit une formule de clôture automatique de la discussion générale sur un article lorsque quatre orateurs seront intervenus, dont deux au moins appartenant à des groupes d'opposition ou minoritaires, pour deux minutes chacun, rappelons-le.
Monsieur le président de la commission des lois, vous ne savez plus quoi inventer pour empêcher le débat !
Lorsqu'en 2007, sur la énième modification de la loi sur les étrangers, un amendement de notre collègue Mariani est venu, en cours de discussion, introduire le recours à des tests ADN pour vérifier la filiation en cas de regroupement familial, faute de temps disponible sur l'amendement lui-même, le débat a eu lieu sur l'article support. Il a duré près de trois heures. Et personne ici ne peut nier la qualité des interventions de la part des députés appartenant à tous les groupes. L'importance du sujet le justifiait. Eh bien, ce ne sera plus possible.
En fait, vous nous amenez progressivement vers des débats sans échange véritable, superficiels et aseptisés.
Une juxtaposition d'interventions, minutées comme dans un jeu télévisé. Chacun viendra en séance quelques instants, à l'heure prévue, délivrer son message et repartira vaquer à ses occupations. Ce seront les questions orales sans débat généralisées !
Trois députés en séance pour la discussion du texte sans vote. Tous en séance le mardi pour un vote sans débat.
La discussion en séance publique ne présentera plus aucun intérêt et aura vocation à disparaître. Le débat se fera ailleurs : dans les médias probablement.
De fait, nous avons eu un aperçu de votre conception du fonctionnement de notre assemblée, messieurs les dirigeants du groupe UMP, lors de la séance du 30 avril dernier réservée aux propositions de lois du groupe socialiste.
Après avoir menacé de tuer le débat d'entrée de jeu par une motion de procédure,…
Et qu'est-ce que vous êtes en train de faire ? Ce n'est pas une motion de procédure peut-être ?
…votre président de groupe et le secrétaire d'État chargé des relations avec le Parlement ont organisé « l'absentéisme sans risque » des membres de l'UMP. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) La réserve générale de tous les votes ayant été demandée par le Gouvernement, il n'y avait plus de risque pour la droite de se trouver minoritaire. Ses députés pouvaient donc rentrer dans leur circonscription, ce qu'ils ont fait, à part quelques-uns, auxquels il faut rendre hommage, mais qui sont restés silencieux toute la journée. Belle manière de revaloriser le rôle du Parlement ! L'article 44 de la Constitution était utilisé pour le confort des députés UMP.
Nous débattions pourtant de sujets qui intéressent nos concitoyens et qui ne sont pas mineurs : la suppression du bouclier fiscal, l'augmentation des salaires, la suppression du délit de solidarité.
La vérité, c'est que vous n'aimez pas le débat, l'échange, encore moins la contradiction. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
Vous n'avez pas compris l'intérêt du débat parlementaire qui fait apparaître, par l'échange justement, la vraie nature de chaque alinéa, sa portée, ses limites, qui permet de progresser ensemble et d'éviter bien des erreurs dans la rédaction de la loi.
Vous n'aimez pas le Parlement ! Il est vrai que vous exécutez les instructions d'un homme que le Parlement n'intéresse pas. René Dosière, lors de la discussion du projet de loi organique en janvier dernier, nous rappelait opportunément les états de service du député Sarkozy :…
…en douze ans de mandat, il n'a pas déposé un seul amendement ; il n'a pas participé à un seul débat législatif et n'a pris la parole qu'une dizaine de fois pour dix minutes. Ça n'est pas beaucoup, en douze ans !
Dans la perspective de la modification de nos institutions et de leur fonctionnement, le président de notre assemblée avait fixé, dit-il, deux exigences. La première consistait en un rééquilibrage des pouvoirs entre le législatif et l'exécutif, entre le Gouvernement et le Parlement.
Nous avons vu que cette exigence était loin d'être satisfaite. Bien au contraire, puisque la révision constitutionnelle, au bout du compte, a clairement renforcé les pouvoirs de l'Élysée, devenu en fait le lieu d'exercice de la fonction gouvernementale, hors d'atteinte de la censure parlementaire, le droit de dissolution étant cependant conservé même si l'expérience récente montre que cette arme est parfois d'un maniement délicat.
La deuxième exigence portait sur le respect de l'équilibre entre les prérogatives de la majorité et les droits fondamentaux de l'opposition. Sage précaution quand on songe que le règlement devra aussi s'appliquer en cas d'alternance politique.
Eh bien, nous avons montré que cette exigence non plus n'est pas remplie. Dans nos démocraties modernes, l'équilibre d'un régime tient largement au dialogue entretenu entre la majorité et l'opposition. Encore faudrait-il que cette dernière puisse faire entendre sa voix ! En bâillonnant l'opposition, la majorité se prive de l'interlocuteur qui permet au débat de faire vivre le Parlement. Et la « machine à faire taire » est tellement puissante qu'elle écrasera aussi les députés de la majorité qui, n'étant pas « godillots » dans l'âme et voulant prendre leur part au travail législatif, ont l'audace de déposer des amendements, voire de prendre des positions personnelles sur tel ou tel point.
Je ne les nommerai pas, mais nous nous connaissons bien, et ils se sont reconnus.
Oui, nous attendions de vous, monsieur le président de l'Assemblée nationale, que vous défendiez le Parlement, et que vous défendiez les droits de l'opposition, comme tous vos prédécesseurs ont su le faire.
Mais si, à la lecture du texte qui nous est soumis, on doit bien constater que vous avez échoué, c'est à cause de l'émergence d'un nouveau rapport de forces, porté et théorisé par le président du groupe UMP.
Ce dernier considère qu'il se trouve à l'intersection de deux couples appelés, selon lui, à être les moteurs de nos institutions : le couple « Président de la République-président du groupe majoritaire à l'Assemblée nationale » et le couple « président du groupe majoritaire à l'Assemblée nationale-président du groupe majoritaire au Sénat ». Interlocuteur privilégié du Président de la République et maître de l'ordre du jour du Parlement, il aurait la machine en mains et pourrait la piloter à sa guise.
Heureusement qu'on a voté le PACS ! (Sourires sur les bancs du groupe SRC.)
Cette vision des choses, renvoyant l'opposition au mieux à un rôle de figurant et assimilant le Parlement à la majorité parlementaire, rend impossible la satisfaction des deux exigences posées par le président Accoyer.
Que le président de l'Assemblée nationale perde la partie nous importerait peu si ce n'était le Parlement dans son ensemble, et l'opposition en particulier, qui paient les pots cassés !
Nous n'acceptons pas cette situation. Le plan de carrière de M. Copé ne doit pas déterminer le fonctionnement de nos institutions. (Vis applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.) Le Président de la République et le président du groupe UMP se trouvent alliés objectifs dans cette affaire : l'un pour continuer à concentrer tous les pouvoirs entre ses mains, l'autre pour préparer la suite. Alors, me direz-vous, comment se fait-il que certains, à droite, laissent faire cela ? Tout simplement parce que la situation politique et sociale du moment les y pousse. C'est si tentant, et si facile, alors que nos concitoyens réalisent qu'ils ont été bernés par les promesses du candidat Sarkozy en 2007, de vouloir faire taire ceux qui relaient ce mécontentement grandissant et proposent des réponses alternatives aux difficultés des Français.
Dans un pays où le nombre de demandeurs d'emploi a augmenté de 22 % en un an, où les salariés comprennent que la défiscalisation des heures supplémentaires instaurée par la loi TEPA est une machine à produire des chômeurs, où l'application du bouclier fiscal scandalise tout un chacun, il est tentant de bâillonner celles et ceux qui dénoncent la politique conduite depuis maintenant sept ans et accentuée depuis 2007, de réduire au silence ceux qui proposent des mesures pour l'emploi, pour les salaires, pour une fiscalité plus juste.
Le Gouvernement est en situation d'échec et sa majorité parlementaire réalise peu à peu que les mesures qu'il lui a demandé de voter n'ont fait que rajouter de la crise à la crise. Alors les dirigeants de cette majorité, craignant d'être mis en cause, se tournent vers l'opposition et voudraient lui faire porter une responsabilité qui n'est pas la sienne. Ils l'accusent d'obstruction alors qu'elle ne fait que défendre les libertés publiques menacées par des lois comme celles sur l'audiovisuel et sur le téléchargement par Internet.
Les arguments sur la qualité de la loi ou sur les délais de discussion ne sont qu'un habillage. Rien ni personne n'oblige le Président de la République à annoncer une nouvelle loi chaque jour, avant même d'avoir commencé à appliquer la précédente. Rien n'oblige le Gouvernement à déclarer l'urgence sur quasiment tous les textes pour s'enliser tout seul dans un débat mal préparé sur des textes mal rédigés.
En fait, et pour conclure, le Président de la République, nous le savons, a un modèle en tête et veut l'imposer partout, au sommet de l'État, dans les universités, à l'hôpital : un chef au sommet qui décide de tout, aucun contre-pouvoir, un simple conseil de surveillance qui ne délibère sur rien.
Eh bien, nous ne voulons pas devenir un simple conseil de surveillance, encore moins une chambre d'enregistrement. En cherchant à museler les parlementaires, ce sont les citoyens que l'on veut museler. (« Exactement ! » sur plusieurs bancs du groupe SRC.)
Voilà pourquoi j'appelle celles et ceux qui pensent que notre République a besoin d'un véritable Parlement à voter cette question préalable. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
Dans les explications de vote, la parole est à M. Claude Goasguen, pour le groupe UMP.
Cela mérite d'être souligné, c'est la première fois qu'on déclare aussi nettement à la tribune les vertus démocratiques de l'obstruction. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)
On parlait tout à l'heure de Tocqueville. Dans L'esprit des lois de Montesquieu, il manque donc un chapitre : « Du caractère démocratique fondamental de l'obstruction ».
Quand on y réfléchit, on peut se poser de sérieuses questions. Au fond, on nous reproche de ne pas avoir assez pratiqué l'obstruction. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Nous n'avons pas été suffisamment attentifs à ses vertus.
Tout cela ne mérite pas plus que cette boutade et c'est la raison pour laquelle je vous invite, mes chers collègues, à voter sans ambiguïté contre ce qui pourrait apparaître comme une question préalable mais n'en est pas une. C'est simplement un discours comme les autres, qui montre les vertus d'une obstruction supplémentaire. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
La parole est à M. Patrick Roy, pour le groupe SRC. (Onomatopées sur les bancs du groupe UMP.)
Merci de laisser M. Roy s'exprimer.
Comme le confirme le ton de nos collègues de l'UMP (Exclamations sur les bancs du groupe UMP), depuis deux ans, la République tremble (Onomatopées sur les bancs du groupe UMP) parce que le Président Premier consul veut une France docile, qui soit à genoux (Exclamations sur les bancs du groupe UMP) et qui écoute pieusement, sans protester, sans broncher, les décisions toutes personnelles qu'il veut appliquer au pays. (Onomatopées sur les bancs du groupe UMP.)
Cela a été le cas par exemple pour la réforme de France Télévisions, cela a été le cas pour la loi sur Internet. On en a vu la conséquence, avec le licenciement, dans le pays des droits de l'Homme, d'un salarié de TF1, et l'embarras de la ministre, qui a bafouillé une explication inaudible ici même tout à l'heure. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) C'est encore le cas pour le procès de l'amiante, dont on refuse la tenue.
Il y a quelques instants, le président Warsmann, d'un ton affable, essayait de faire croire à l'Assemblée que nous étions en train de discuter de nouveaux droits du Parlement et de droits plus larges pour l'opposition,…
…alors qu'il tenait dans sa main un poignard pour tuer toute opposition dans cet hémicycle. (Exclamations et onomatopées sur les bancs du groupe UMP.) La manière dont, collectivement, vous vociférez maintenant montre bien que seule votre force collective vous donne un semblant d'existence.
Nous nous opposerons, dans l'opposition, à cette tyrannie de la majorité. Tout cela est lié au plan de carrière très personnel du président Copé. Mais ce plan ne doit pas perturber le fonctionnement de l'Assemblée nationale. Merci, monsieur Mallot, de l'avoir si bien développé.
Souvenez-vous de la séance du 30 avril. On nous avait fait croire que l'opposition disposait d'une journée complète pour déposer des propositions de loi. Le premier geste du président Copé, qui est président d'un groupe mais qui rêve certainement à d'autres présidences, a été de vouloir nous empêcher de parler. Il a fallu le talent de Jean-Marc Ayrault pour qu'il fasse marche arrière, renonce à une telle infamie et que l'opposition puisse un tout petit peu s'exprimer.
En France, le dialogue ne peut pas avoir lieu seulement entre le Président de la République et le président du groupe majoritaire à l'Assemblée nationale.
L'objectif de cette proposition de règlement, cela a été dit, c'est à l'évidence de museler l'opposition (Protestations sur les bancs du groupe UMP)… Mais si, vous le savez bien.
Le temps programmé, quelle infamie ! Ramener le temps accordé pour une explication de vote de cinq à deux minutes, vous pourrez expliquer à qui vous voudrez qu'il s'agit d'une avancée, c'est à l'évidence un recul, sans parler du fait que les rappels au règlement et les suspensions de séance feront partie du temps global. Comme le soulignait là encore excellemment Jean Mallot, ce n'est pas comme au basket où, là au moins, les règles sont claires et les arrêts de jeu décomptés.
On prétend que c'est pour lutter contre l'obstruction, mais la véritable obstruction, on le sait, vient d'abord du Président de la République, qui nous ensevelit sous des lois bavardes et inutiles. Dès qu'un chien aboie ou mord, il y a une loi. Dès qu'une bande arrive dans un beau quartier, il y a une loi. Enfin, dès que le Président épouse une star du show-biz, il y a une loi sur Internet pour museler les internautes. (Protestations sur les bancs du groupe UMP.)
Plusieurs députés du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. C'est minable !
Voilà toutes les raisons pour lesquelles le groupe SRC votera cette question préalable. La démocratie est ici. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
(La question préalable, mise aux voix, n'est pas adoptée.)
Je demande la parole pour un rappel au règlement. (« Ah ! » sur les bancs du groupe UMP.)
C'est un rappel au règlement fondé sur l'article 58-1.
Nous commençons à examiner une proposition tendant à modifier le règlement de l'Assemblée nationale. Je rappelle qu'à chaque fois que l'Assemblée nationale a révisé son règlement, elle l'a fait par consensus, que ce soit sous le président Chaban-Delmas, sous les présidents Philippe Séguin, Laurent Fabius, Henri Emmanuelli, Louis Mermaz ou, plus récemment, Jean-Louis Debré. Lorsque ce n'était pas possible, on renonçait à le réformer pour ne pas prendre le risque de briser le consensus sur la pratique de nos institutions.
Au stade où nous en sommes, avant que ne s'engage la discussion générale, nous sommes très loin d'atteindre un consensus, mais je note que nous ne sommes pas seuls à nous opposer à la manière dont les choses sont en train de se dérouler.
M. Sauvadet, président du groupe Nouveau Centre, seconde composante de la majorité, a annoncé publiquement que, s'il n'y avait pas d'évolution, il voterait contre ce texte, qu'il a qualifié de règlement du groupe UMP.
Par ailleurs, j'en ai discuté en toute franchise avec eux, un grand nombre de membres du groupe UMP, dont certains sont élus depuis de nombreuses années et qui ont donc l'expérience du fonctionnement de notre assemblée, sont inquiets de la tournure des événements depuis plusieurs semaines dans cet hémicycle.
D'autres ont été plus loin dans la réflexion et s'interrogent sur le risque concernant leur droit individuel d'amendement, et ce n'est pas l'intervention du président de la commission des lois, M. Warsmann, qui va nous rassurer.
Nous sommes à un moment solennel, madame la présidente. Le consensus est possible, il est souhaitable. Il suffit d'ailleurs de regarder comment les choses se passent dans l'autre assemblée, le Sénat. C'est une autre façon de procéder qui a été choisie non seulement par son président mais par les groupes qui le composent puisqu'ils négocient actuellement un règlement pour aboutir à un consensus, comme cela s'est toujours pratiqué, notamment ici, à l'Assemblée nationale.
Si ce qui a été proposé et qui est issu, non pas de la résolution rédigée par le président Accoyer, mais des travaux de la commission des lois est effectivement voté, mesdames, messieurs de la majorité, ce qui se passera sera lourd de conséquences. Avez-vous réfléchi à ces conséquences, y compris pour vous-mêmes ?
Nous ne pensons pas, nous sommes des godillots, nous sommes bêtes et méchants ! (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)
Je vais prendre un exemple pour vous faire comprendre.
Nous avons eu ici un débat en première lecture, ou, plutôt, en lecture unique puisque le Gouvernement avait demandé l'urgence, sur le projet relatif à l'hôpital. Que s'est-il passé ? Je tiens à vous le rappeler pour bien vous faire prendre en compte la gravité de la situation.
Moi, je ne suis pas pour les échanges d'invectives (Exclamations sur les bancs du groupe UMP),…
…avec le ton employé par M. Goasguen. C'est sérieux.
L'examen de ce texte à l'Assemblée nationale a été assez long, il faut le reconnaître, avec des amendements très nombreux de l'opposition mais encore plus nombreux de la majorité. Très peu d'entre eux ont été adoptés et, à la fin du débat, la ministre, Mme Bachelot, pas d'accord avec ce qui avait été voté, après avoir laissé entendre qu'elle était pour le dialogue et l'échange pour améliorer le texte, a déposé elle-même un amendement supprimant ces maigres avancées.
Pourtant, vous l'avez observé comme moi, la colère monte dans le pays contre ce projet de loi, et l'on considère dans tous les milieux, non seulement chez les agents hospitaliers mais aussi parmi les médecins, les grands professeurs et les chercheurs, qu'il faut le modifier.
Que s'est-il alors passé précipitamment ? La commission concernée du Sénat a fait son travail et a amendé le texte, et le Gouvernement, dans une impasse politique, s'est rendu compte qu'il fallait bouger. Il a donc engagé une négociation, non pas avec les députés, ceux qui sont élus par le suffrage universel, mais avec les sénateurs, que je respecte bien sûr. Avec le système que vous mettez en place, cela pose un problème.
Le Président de la République s'est exprimé hier sur les CHU, complétant donc le débat sur l'hôpital public et allant même jusqu'à remettre en cause plusieurs déclarations qu'il avait faites précédemment. Il a annoncé qu'il fallait améliorer le projet de loi présenté par Mme Bachelot au nom du Gouvernement et qu'un certain nombre de ses préconisations seraient proposées au Sénat sous forme d'amendements.
Avec le système que vous voulez mettre en place et qui a été durci par la commission des lois – tout est verrouillé – lorsqu'un débat naîtra dans le pays et que vous n'en aurez pas pris la mesure lors de l'examen à l'Assemblée nationale d'un texte sur lequel vous aurez déclaré l'urgence, le Sénat sera la seule chambre qui pourra prendre en compte les attentes sociales, la nécessité de bouger plutôt que d'aboutir à une crise politique. Trouvez-vous normal qu'il n'y ait pas égalité de droits entre l'Assemblée nationale et le Sénat ?
Nous sommes là face à un danger démocratique. Je le dis parce que vous n'en avez sans doute pas mesuré toutes les conséquences.
Je termine, madame la présidente, sinon, mon propos n'aurait pas de sens.
J'ai écrit au président Accoyer, au nom de mon groupe, pour lui dire que nous aurions aimé avoir un autre règlement mais, à partir du moment où la loi organique que nous avons combattue a été votée et validée par le Conseil constitutionnel, nous en prenons acte.
Nous partons donc de la résolution du président Accoyer, et nous souhaitons proposer un certain nombre d'améliorations que nous avons rendues publiques à plusieurs reprises et qui seront débattues ici au fil du débat.
J'ai également écrit au président du groupe UMP, car c'est lui qui a la clef de cette affaire, c'est lui qui a la réponse, et il porte donc une lourde responsabilité.
Nous demandons une réponse à une question très simple : êtes-vous prêts à rechercher un consensus sur le règlement de l'Assemblée nationale ? Si vous l'êtes, il y a un simple préalable. Cela s'adresse à tous les membres du groupe UMP, qui ont chacun une part de responsabilité, mais particulièrement au président du groupe, M. Copé, ainsi qu'au président de la commission des lois, M. Warsmann. En commission, vous n'avez pas seulement agi contre nous, en restreignant nos droits ; par vos amendements, vous avez également ôté toute portée à la résolution du président Accoyer.
Nous n'avons pas déposé des milliers d'amendements, seulement une centaine, montrant combien nous souhaitons aller au fond du débat. Nous vous demandons de rechercher avec nous les voies d'un consensus que je crois possible et souhaitable.
Nous avons tout essayé ! (Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
Il y a un préalable. Si vous ne voulez pas me répondre maintenant, le groupe UMP peut toujours se réunir pour en délibérer. J'ai toutefois noté que le Nouveau Centre était dans le même état d'esprit que nous.
Ce préalable est simple : si vous voulez que nous puissions dialoguer pour nous diriger vers un consensus, il faut, alors, en revenir à la résolution du président Accoyer.
Je le demande au président Copé et au président Warsmann : êtes-vous prêts à revenir à cette résolution,…
…en abandonnant les amendements adoptés en commission, pour qu'un vrai débat s'engage, oui, pour que le débat ne soit pas déjà terminé parce que nous serions contraints de voter contre ce règlement qui deviendra la règle de notre « vivre ensemble » et à l'aune duquel on concevra, demain, le travail de l'Assemblée nationale au service des Français ?
Ma question est donc simple, et j'attends votre réponse. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
La commission des lois a travaillé très consciencieusement. Elle a examiné de nombreux amendements et en a accepté treize du groupe SRC.
En outre, depuis le début du processus, la majorité n'a cessé de donner des droits supplémentaires à l'opposition. Nous avons rétabli l'égalité entre la majorité et l'opposition dans les questions d'actualité télévisées deux fois par semaine. (Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.) Vous l'aviez supprimée, nous l'avons rétablie. Nous ne demandions pas à être remerciés, mais seulement que vous constatiez qu'il s'agit d'un pas en avant.
Le règlement, tel qu'il est rédigé, propose en outre d'augmenter d'une dizaine le nombre de postes de rapporteurs spéciaux octroyés à l'opposition. (Mêmes mouvements.) Quand vous étiez dans la majorité, vous n'avez jamais fait cela. (Mêmes mouvements.)
Nous proposons de tenir compte de la configuration politique pour désigner les représentants de l'Assemblée nationale dans les organismes extérieurs.
Vous n'avez jamais fait cela lorsque vous aviez la majorité. (Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
Nous proposons d'accorder à l'opposition la moitié du temps de parole dans tous les débats concernant l'évaluation et le contrôle du Gouvernement.
Vous n'avez jamais fait cela non plus.
Comme je l'ai redit à la tribune, je suis, en tant que rapporteur, ouvert à toute évolution. Cependant, quand on veut discuter, on ne pose pas de préalable.
Je souhaite à mon tour poser une question au président Ayrault. Je n'ai pas compris, dans son intervention pas plus que dans celle de ses collègues de l'opposition, s'ils étaient pour ou contre l'instauration du temps programmé dans notre règlement. Je parle d'un temps programmé qui puisse s'appliquer, c'est-à-dire sans procédures de blocage. Qu'ils nous disent clairement s'ils sont pour ou contre le temps programmé. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Madame la présidente, je vous remercie de me redonner la parole.
J'espère que M. Copé pourra me répondre, puisque je lui ai posé une question. Il souhaite un dialogue ; je demande pour ma part que ce dialogue soit public, c'est-à-dire qu'il ait lieu ici, dans l'hémicycle.
S'il ne répond pas, ce sera en soi une forme de réponse.
Je souhaite également éclairer le président Warsmann, car je pensais qu'il avait été plus attentif à notre conception des choses. J'ai déjà fait des propositions, y compris à l'occasion de la loi organique, puisque j'avais indiqué alors que nous n'étions pas favorables au temps global, ou « temps couperet », mais qu'à partir du moment où vous vouliez l'instaurer, et au cas où le Conseil constitutionnel le validerait, nous proposerions un compromis.
Ce compromis est le suivant. Dès lors que le Gouvernement dispose du 49-3, nous demandons un équivalent pour l'opposition. Toutefois, nous ne sommes pas maximalistes, et nous ne demandons de pouvoir invoquer une exception au temps global que quatre fois par an.
J'ai donc écrit au président de l'Assemblée nationale pour lui soumettre cette proposition. Jusqu'à présent, celle-ci a été refusée, et nous vous invitons dès lors à rechercher avec nous un compromis qui puisse nous garantir la possibilité, lorsque des débats nous paraîtront essentiels pour le pays, de demander une exception au temps global.
Le président Accoyer l'avait en partie compris puisque sa résolution proposait de suspendre le temps global chaque fois que l'urgence serait demandée par le Gouvernement. Cette disposition a été supprimée par la commission des lois. Vous savez donc bien de quoi je parle, monsieur le président Warsmann. Ne faites pas semblant de ne pas comprendre ; ne soyez pas fermé, ne faites pas preuve de sectarisme ! (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
Je fais des ouvertures. Nous verrons bien si, à cette main tendue qui n'a cessé de l'être, vous finirez par répondre avec le même esprit d'ouverture. Pour l'instant, je n'ai encore rien entendu.
Je répète donc ma question, s'agissant du préalable. C'est un préalable qui repose sur le respect du fonctionnement de l'Assemblée nationale. Je rappelle que la résolution à laquelle nous demandons qu'il soit revenu émane du président de notre assemblée. Si vous voulez que nous ayons un vrai débat, un vrai dialogue, accepter ce préalable, somme toute modeste, serait un signe de bonne volonté. J'espère que ce signe viendra.
Tel est notre état d'esprit. Pour avoir pris contact avec le président du Nouveau Centre, je sais, sans toutefois vouloir parler en son nom, qu'il se trouve exactement dans les mêmes dispositions. Vous devriez méditer cela également. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
Monsieur le président Ayrault, je répète que lorsqu'une proposition de résolution est déposée, ce n'est pas à prendre ou à laisser. Il existe des commissions : le respect des commissions, c'est aussi le respect de leur travail. Je ne peux pas accepter votre préalable.
Pour le reste, je suis ouvert à tout. (Exclamations et rires sur les bancs du groupe SRC.)
Ne dites pas de contrevérités. Vous venez d'expliquer que la commission des lois avait supprimé la proposition du président de l'Assemblée nationale quant à la non-utilisation du temps programmé sous certaines conditions. Nous ne l'avons pas supprimée : nous l'avons fait évoluer. (Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
Nous avons en effet considéré que le principal blocage tenait aux délais, et nous avons donc voté l'interdiction d'utiliser la procédure de temps programmé à défaut du respect du délai de six semaines devant la première assemblée saisie ou de quatre semaines. Cela nous a semblé, après débat, la garantie la plus essentielle. (Mêmes mouvements.)
Je vous en prie ! Vous souhaitez un débat : je n'ai pas, pour ma part, interrompu le président Ayrault ; veuillez avoir la même attitude à mon égard.
La commission a considéré que l'important était de sauvegarder ces délais car c'est leur non-respect qui nuit le plus à la qualité du travail parlementaire. En revanche, interdire la réunion d'une commission mixte paritaire après une première lecture ne nous a pas semblé utile.
Quoi qu'il en soit, je vous remercie, après tout ce que nous avons entendu, pendant des semaines, sur la loi organique et la supposée menace qu'elle représenterait pour la démocratie et les principes républicains, de nous donner à entendre que vous êtes prêts à adopter le principe du temps programmé. Je dois dire que cela fait chaud au coeur.
Il est vrai, que vous n'en voulez bien qu'à la condition que, quatre fois dans l'année, chaque président de groupe puisse s'y opposer. Dans les faits, cela signifierait que le temps programmé ne pourrait s'appliquer ; adopter votre proposition reviendrait à ne pas mettre en place le temps programmé dans notre assemblée.
Peut-être allons-nous, les uns et les autres, évoluer et trouver des solutions. De grâce, entrons dans le débat, ouverts, sans poser de préalable. Nous examinerons les amendements et essaierons de faire à nouveau des pas les uns vers les autres. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)
Je n'avais pas envisagé de prendre la parole tout de suite, mais puisque M. Ayrault a souhaité, par le biais d'un rappel au règlement, m'interroger, je vais lui répondre.
Il a utilisé la formule, un peu curieuse, de « paix des braves ». Pour que deux « braves » se parlent, encore faut-il qu'ils aient confiance. Pour cela, il faut que les conditions de discussion soient établies de manière claire. J'ai d'ailleurs été le premier à en faire la démonstration, puisque, ce matin même, j'ai dit publiquement que j'étais à la disposition de l'opposition.
Et voilà, monsieur Ayrault, que vous voulez, dès le début, faire monter la sauce. Voilà que vous me fixez un préalable. Je me demande à quel moment vous allez parler d'ultimatum !
Au fond, monsieur Ayrault, cela ne m'étonne pas. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC et GDR.)
Regardez comme ces gens sont détendus et courtois ! (Protestations sur les bancs des groupes SRC et GDR.) Et nous n'en sommes qu'au début de la discussion ! (Mêmes mouvements.)
Je trouve cela extra, pour des gens qui veulent débattre, et voudraient même avoir des têtes de braves !
Je disais donc que, pour discuter, il faut commencer par avoir confiance l'un dans l'autre. Or, depuis le début de cette discussion, à travers les amorces de procès d'intention, le fameux numéro sur les libertés bâillonnées et autres procédés, je retrouve la même configuration qu'avant le début de la discussion sur la réforme constitutionnelle.
À cette époque, je vous avais proposé, monsieur Ayrault – je n'avais pas appelé cela une « paix des braves » ; nous avons chacun nos références historiques –, je vous avais proposé que nous nous rencontrions, et j'avais même dressé à cette occasion la liste de toutes les avancées que nous proposions pour l'opposition. Vous aviez balayé cela, déjà, d'un revers de main.
Ma proposition demeure. Je n'ai aucune réticence à dialoguer avec vous, ne serait-ce que pour rappeler – car on ne s'en lasse pas, et le président Warsmann l'a très bien fait à l'instant – la liste interminable des avancées inédites qui ont été proposées pour l'opposition dans tous les domaines. (Exclamations et rires sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
Ces avancées ont toutes été balayées d'un revers de main, par une opposition qui considère que cela n'est jamais assez.
Le dialogue ne me pose aucun problème, bien au contraire. J'ai juste une légère inquiétude, que la présentation de votre préalable vient de renforcer : je crains en effet que cet échange ne soit vain, parce que votre véritable dessein est de ne jamais montrer que vous êtes d'accord avec ce projet, la seule perspective de devoir dire aux Français que, pour une fois, vous seriez d'accord avec la majorité vous faisant peur. Cela vous fait peur car vous n'avez pas de ligne politique sur le fond, et vous ne pouvez donc pas être d'accord avec nous, même sur ce sujet.
Je vous rappelle, monsieur Ayrault – léger détail –, que, dans la nouvelle Constitution, il n'y a plus, à l'exception d'une fois par an, de 49-3. Dès lors, toute opposition – pas vous, chers collègues de la gauche : vous êtes tellement formidables ! (Sourires sur les bancs du groupe UMP.) – toute opposition peut se payer le luxe de déposer sur chaque réforme quatre à cinq mille amendements et ainsi bloquer la politique voulue par le suffrage universel.
Je considère que notre responsabilité est de modifier le règlement pour instaurer le temps programmé. Du reste, chers collègues, vous auriez fait la même chose à notre place (Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR) puisque lorsqu'il était président du groupe de la majorité, M. Ayrault, il y a douze ans, avait dénoncé, dans une tribune que je tiens à votre disposition, les ravages de l'obstruction, présentée comme la « maladie infantile » du parlementarisme. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Je veux bien tout entendre, dans cet hémicycle, mais il faut faire la part des choses entre les envolées de tribune et la réalité. Avez-vous, oui ou non, envie que nous avancions ? Si c'est le cas, je le répète – je ne sais si c'est de la bravoure ou simplement la volonté de faire avancer les choses –,…
…je suis à votre disposition pour dresser la liste des points d'accord et de désaccord et voir si nous pouvons avancer ensemble sur quelques-uns de ces sujets.
Pourtant, je ne me fais aucune illusion : ce ne sera jamais assez ! Votre intervention est une nouvelle illustration de cette attitude systématique.
Je tiens donc à dire que, dans tous les cas de figure, nous ferons passer ce règlement. (Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR. – Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.) Car c'est dans l'intérêt de l'Assemblée nationale, qui se rapprochera ainsi des Français, et c'est donc au service de la France. (Mêmes mouvements.)
Le président Ayrault ayant à plusieurs reprises cité M. Sauvadet, président du groupe Nouveau Centre, vous me permettrez, madame la présidente, d'exprimer la pensée de notre groupe au moment où s'engage ce débat.
M. Copé a raison de dire que, lorsque l'on ouvre un débat de cette nature, il s'agit d'abord d'un problème de confiance. Mais on ne peut nous dire, à nous, députés du Nouveau Centre, que nous aurions des réticences à voter des textes au sein de la majorité. Un tel argument n'est évidemment pas opposable à notre groupe.
Cela dit, pour que la confiance existe, il faut d'abord qu'il y ait respect de la parole donnée, et c'est le Président de l'Assemblée nationale qui en est le garant.
Ce texte visant à réformer notre règlement constitue la suite d'un processus : révision constitutionnelle votée l'été dernier, loi organique adoptée il y a quelques mois, et règlement intérieur examiné aujourd'hui. Au cours de ce processus des engagements ont été pris, tant par le chef de l'État que par le Président de l'Assemblée nationale, envers les différents groupes. Je m'adresse à l'ensemble de nos collègues : il ne faut pas que les tensions des dernières semaines remettent en question ces engagements car nous ne déterminons pas le règlement en fonction de quelques semaines tendues, ni même pour cette seule législature, mais pour toutes les législatures à venir. Il y a consensus pour essayer d'établir des règles pérennes. C'est à ce titre que nous pourrons dire que nous avons vraiment fait oeuvre utile, et pas simplement appliquer telle ou telle volonté du moment. Cependant encore faut-il que la parole donnée soit tenue.
Le problème que rencontre aujourd'hui le Nouveau Centre, est celui que vous avez évoqué, monsieur Ayrault : l'esprit du processus de révision constitutionnelle consistait à créer des droits réels pour les différents groupes de cette assemblée, et non pas des droits virtuels. C'est ce qui était prévu dans la proposition de résolution du président Accoyer, et c'est ce queFrançois Sauvadet, président du groupe Nouveau Centre, évoquait en déclarant que nous devons respecter l'esprit du texte initial et les engagements qui ont été pris. Nous appelons à ne pas remettre maintenant tout cela en cause sous prétexte de l'attitude de certains.
Par exemple, il ne faut pas remettre en question le droit des groupes à créer des commissions d'enquête comme ils l'entendent, ni limiter le temps de parole des présidents de groupe. Vous venez d'en faire tous les deux la démonstration, messieurs Ayrault et Copé : en tant que présidents de groupe, vous avez, de temps en temps, besoin de prendre la parole, au nom de tous les députés qui sont derrière vous, en dehors du temps alloué à votre groupe. La disposition introduite par la commission visant à comptabiliser le temps de parole des présidents dans le temps de leur groupe n'est donc pas une bonne disposition, y compris lorsqu'il y a des difficultés. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
Si l'on veut sortir de l'ambiance de ces dernières semaines, il y a une possibilité de consensus à condition de retrouver la confiance. Cher Jean-François Copé, si vous souhaitez discuter avecM. Jean-Marc Ayrault, je vous signale que nous sommes, nous aussi, demandeurs d'une discussion avec vous, comme avec le groupe SRC, pour trouver les voies du dialogue.
Enfin, j'en viens à un point extrêmement important évoqué par Jean-Marc Ayrault, et qui devrait faire l'unanimité : dans un entretien publié hier, dans Libération, Bernard Accoyer a dit que si nous acceptions le temps programmé quand le Gouvernement déclare l'urgence, cela signifierait que nous nous mettrions au même niveau que le Sénat alors que nous sommes, nous, issus du suffrage universel direct, et, à ce titre, garants du respect de la volonté du peuple. (Approbations sur les bancs du groupe SRC.)
Par-delà les fluctuations d'ambiance momentanées, je tiens à le dire : cela n'est ni souhaitable ni acceptable, quels que soient les députés et les majorités. Ce serait même, à mes yeux, le point le plus grave dans cette réforme du règlement. Nous avons déjà accepté que le Sénat soit à égalité avec l'Assemblée concernant le contrôle des nominations effectuées par le Président de la République – alors que, théoriquement, nous devrions avoir le dernier mot –, et, maintenant, nous accepterions d'avoir un temps programmé en cas d'urgence déclarée par le Gouvernement, alors que le sénat, lui, n'y sera pas soumis ! (« Très juste ! » sur les bancs du groupe SRC.) Les sénateurs, eux, pourront faire oeuvre de législateur.
J'ajoute que, comme le président Warsmann l'a fort justement fait remarquer au Gouvernement il y a quelques jours, tous les amendements de fond, de la majorité comme de l'opposition, portant sur la loi « Hôpital, patients, santé et territoires » ont été refusés par le Gouvernement. Toutes ces demandes émanant des représentants du peuple n'ont pas reçu de suite. Pourtant, elles vont être votées au Sénat, ce qui est inadmissible : c'est une inversion des institutions de la Ve République. Nous ne pouvons pas, mes chers collègues, accepter cela ! (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et NC.)
J'espère que nous pourrons clarifier tous les points que nous avons abordés. L'intervention de notre collègueJean-Christophe Lagarde va dans le même sens que ce que j'ai dit au nom de mon groupe. Je confirme, au passage, que j'ai évoqué les propos tenus par le président Sauvadet avec l'accord de celui-ci.
Monsieur le président Copé, je ne souhaite pas vous voir recommencer, quinze jours après, mais vous partez avec le même ton, la même virulence qu'il y a deux semaines. On sent chez vous l'impatience de recommencer. (Approbations sur les bancs du groupe SRC.- Protestations sur les bancs du groupe UMP.)
Nous, nous n'entrons pas dans le débat avec un tel état d'esprit. Je vous demande de faire de même, de laisser de côté cet état d'esprit marqué par l'invective, la violence et l'agressivité. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
Je répète que nous avons déposé une centaine d'amendements visant à modifier la proposition de résolution du président Accoyer, mais pas un seul visant à la supprimer. Cela veut bien dire que nous en acceptons la logique, même si beaucoup d'éléments ne nous conviennent pas. Cette résolution peut être largement améliorée, mais à condition que tout ne soit pas verrouillé à l'avance. C'est pourquoi je demande au président du groupe UMP et, à travers lui, aux députés de son groupe, de prendre leurs responsabilités et de faire ce qui est nécessaire pour que l'on revienne à l'esprit de cette résolution, et que nous puissions travailler ici à son amélioration.
Vous vous êtes bien gardé de répondre à nos remarques sur l'évolution du rôle de l'Assemblée et du Sénat, mais vous y serez obligé. Lorsqu'un jour vous aurez une crise dans le pays, mais que le débat s'arrêtera parce que votre temps programmé l'imposera, comment ferez-vous pour y répondre ? Certes, il y aura encore une autre chambre, le Sénat, mais croyez-vous que cela soit acceptable ? Croyez-vous qu'un député, qu'il soit socialiste, Nouveau centre, communiste, Vert ou UMP puisse accepter de se voir supprimer ses propres droits ?
C'est pourtant une résolution modifiée dans un tel esprit que vous vous apprêteriez à voter ! Si vous avez le moindre sursaut pour défendre l'Assemblée nationale, vous ne pouvez pas songer un seul instant à mettre de côté notre argumentation. Je vous le dis gravement, monsieur Copé : si vous persistiez, vous prendriez une très lourde responsabilité. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC et sur plusieurs bancs du groupe GDR.)
Je vais essayer de vous répondre très gentiment, monsieur Ayrault. (Rires et exclamations sur les bancs du groupe SRC.)
Autant l'intervention deJean-Christophe Lagarde m'a paru intéressante et constructive, et d'ailleurs guère différente, sur beaucoup de points, de ce que je pense – notamment en ce qui concerne le rôle du Sénat –,…
…autant votre dernière intervention m'a déçu. J'en attendais pourtant beaucoup parce que je voyais votre voisin, M. Cahuzac, faire des signes d'apaisement qui semblaient signifier : « Il faut donner la parole à M. Ayrault, il va dire des choses gentilles ». J'y croyais.
Mais c'est fini. Il faut être clairs, mes chers collègues : ne nous faisons plus aucune illusion, démarrons le plus vite possible ce débat et puis avançons sur le fond, car les Français attendent autre chose de nous que ce que nous leur montrons. (Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
Dans la discussion générale, la parole est à M. Jean-Christophe Lagarde, premier orateur inscrit.
Madame la présidente, mes chers collègues, le 21 juillet dernier, le Congrès adoptait une révision constitutionnelle d'ampleur inégalée depuis les débuts de la Ve République : trente-huit articles de notre Constitution ont été modifiés, voire intégralement réécrits ; 9 articles nouveaux ont été ajoutés à notre loi fondamentale.
Moins d'un an après ce vote, un certain nombre d'éléments de cette réforme importante sont déjà entrés en application.
Ainsi, en septembre dernier, nous ouvrions nos travaux par un vote sur l'opportunité de poursuivre ou non l'intervention militaire française en Afghanistan, sonnant, par là même, le glas de la notion de domaine réservé et mettant un terme à cette triste exception française qui voulait que le pouvoir exécutif utilise les forces françaises à travers le monde comme bon lui semble, sans en rendre compte à personne.
En outre, depuis le 1er mars, notre assemblée partage avec le Gouvernement la maîtrise de son ordre du jour, et ne délibère plus sous la menace constante de cette véritable épée de Damoclès que constituait la possibilité d'un recours systématique à l'article 49-3.
Enfin, avec l'entrée en vigueur de la nouvelle rédaction de l'article 42 de la Constitution, la procédure législative laisse désormais une place accrue aux commissions, nous permettant à présent de débattre dans cet hémicycle des textes issus de leurs travaux et non plus de ceux initialement déposés par le Gouvernement.
Le groupe Nouveau Centre, qui a souhaité, enrichi et voté la réforme constitutionnelle, se réjouit de ces avancées et attend avec impatience que les autres mesures, telles que l'exception d'inconstitutionnalité au bénéfice de nos concitoyens, le référendum d'initiative citoyen, le contrôle parlementaire des nominations décidées par le chef de l'Etat ou encore la création de la fonction de défenseur des droits des citoyens soient mises en oeuvre.
Parmi ce qui reste à mettre en oeuvre, figure également ce qui nous réunit aujourd'hui, c'est-à-dire, à travers la modification de notre règlement intérieur, tout ce qui oeuvre à la modernisation de nos débats parlementaires et à l'extension des droits conférés aux groupes parlementaires, lesquels ont été inscrits, pour la première fois, dans notre Constitution. C'est un point très sensible car le règlement de l'Assemblée, s'il ne touche pas vraiment le grand public, a un caractère particulier et représente un double enjeu.
En effet, notre règlement revêt un caractère particulier car il est intemporel ; il est un des piliers de notre démocratie, pilier qui doit dépasser les alternances et transcender les majorités du moment. C'est la raison pour laquelle il est traditionnellement l'objet d'un consensus. Faute de quoi, il ne serait pas le règlement de l'Assemblée nationale, respecté par tous et permettant un travail serein et constructif ; il ne serait que le règlement d'un groupe politique, c'est-à-dire un règlement provisoire qui aurait vocation à changer à chaque alternance.
C'est la raison pour laquelle le groupe Nouveau Centre vous appelle solennellement, mes chers collègues, à ne pas être soumis aux agacements et aux tensions qui traversent ces derniers temps notre assemblée,…
…à ne pas céder au climat dégradé de ces dernières semaines, et à élever, tous ensemble, le débat afin de faire oeuvre constructive pour établir un texte qui dure dans le temps.
Cette révision représente aussi un double enjeu.
D'une part, notre règlement touche au coeur de notre démocratie parlementaire en fixant les règles des débats essentiels que nous tenons ici, dans cet hémicycle, au nom de la nation. Il se doit donc de garantir le pluralisme des expressions des parlementaires que nous sommes et de leurs groupes politiques afin que nos débats puissent permettre à nos concitoyens de se forger une opinion en connaissance de cause, suite aux arguments échangés. Il doit naturellement garantir les droits de l'opposition et même de nouveaux droits, comme l'a voulu le chef de l'État lui-même.
D'autre part, et j'attire particulièrement votre attention sur ce point, le nouveau règlement doit respecter les engagements pris par les plus hautes autorités de l'État, notamment par le Président de la République et le président de l'Assemblée nationale, tant lors de nos débats sur la révision constitutionnelle que pendant la discussion de la proposition de loi organique. Faute de quoi, cette réforme importante, aboutissement d'un processus long mais nécessaire, serait dévoyée, trahie, au profit d'une majorité qui n'aurait pas respecté sa parole.
Par l'ampleur de la révision constitutionnelle elle-même, le texte qui nous est soumis aujourd'hui constitue la plus profonde et la plus ambitieuse des réformes de notre règlement depuis 1959, année de son adoption.
Nombreuses sont en effet les possibilités désormais ouvertes par la Constitution au règlement de chacune des assemblées.
Au premier rang de ces nouvelles possibilités figure celle désormais inscrite à l'article 51-1 de la Constitution : elle permet au règlement de chaque assemblée de définir les droits des groupes politiques constitués en son sein, notamment de reconnaître des droits spécifiques aux groupes d'opposition et aux groupes minoritaires. C'est l'un des points sur lesquels notre groupe a enrichi le texte constitutionnel, et qui a en partie fondé notre vote final positif. Aussi, serons-nous intransigeants pour que ces droits soient bien traduits dans notre règlement en droits réels et effectifs, et ne demeurent pas des virtualités relevant de l'affichage politicien.
Reconnaître à l'opposition des droits spécifiques, c'est aujourd'hui lui permettre de jouer enfin tout son rôle dans les travaux de notre assemblée, c'est lui permettre de peser dans le débat parlementaire sans qu'elle soit contrainte, pour y parvenir, à une obstruction systématique. Reconnaître des droits spécifiques à l'opposition, c'est surtout ne plus s'en remettre à la rue ou aux enquêtes d'opinion pour structurer le débat public, mais restaurer, au contraire, le Parlement, le lieu où on parle, comme instance privilégiée du débat politique.
Lors des lectures préalables à la révision constitutionnelle, les députés et les sénateurs centristes avaient proposé qu'à la possibilité de reconnaître des droits spécifiques aux groupes d'opposition soit jointe celle d'en reconnaître d'autres aux groupes dits minoritaires, c'est-à-dire ceux qui, bien que soutenant le Gouvernement, ne constituent pas pour autant le groupe majoritaire. Ces deux démarches, bien que distinctes en apparence, sont en réalité largement complémentaires. En effet, le rééquilibrage de nos institutions par la revalorisation du rôle du Parlement, c'est-à-dire de l'opposition comme de la majorité, a été rendu nécessaire par les révisions successives de la Constitution de 1958 qui, en permettant l'élection du Président de la République au suffrage universel, en instaurant le quinquennat puis en inversant le calendrier électoral, ont progressivement déplacé le centre de gravité de la République vers le pouvoir exécutif et le chef de l'État lui-même.
Le processus de la révision constitutionnelle doit également être l'occasion d'apporter au Parlement des réponses face à l'extrême bipolarisation de la scène politique induite par le mode de scrutin de l'élection présidentielle, progressivement devenue le rendez-vous majeur de la démocratie en France.
Ainsi, s'il apparaît nécessaire et légitime de donner au camp du candidat battu au second tour de l'élection présidentielle les moyens d'une meilleure implication dans le débat public comme dans le fonctionnement de nos institutions, il importe tout autant que puissent être définis des mécanismes à même de mieux prendre en compte la diversité politique de la représentation nationale car celle-ci procède du pluralisme des courants de pensée parcourant notre société, base de toute démocratie.
Alors que la Constitution reconnaît désormais explicitement, grâce à l'initiative des députés et sénateurs centristes, en son article 4, le caractère pluraliste de notre démocratie, l'un des enjeux majeurs du débat qui s'ouvre sera bel et bien de permettre au pluralisme d'être plus largement respecté dans le fonctionnement de notre assemblée.
Si la plupart des mesures touchant aux droits des groupes d'opposition et des groupes minoritaires, qui sont contenues dans cette proposition de résolution voulue par le président Accoyer, constituent quelques avancées en direction de la modernisation de notre institution, je regrette la relative frilosité de ce projet au sujet de la répartition des présidences des six – et peut-être bientôt huit – commissions permanentes de notre assemblée.
Alors que les travaux des commissions sont appelés à devenir le véritable pivot du travail parlementaire et que le comité Balladur propose une répartition des présidences proportionnelle à l'importance des groupes politiques représentés au sein de chaque assemblée, le projet qui nous est soumis n'envisage que la formalisation d'une règle déjà appliquée : l'octroi de droit de la présidence de la commission des finances à un député de l'opposition, agrémentée d'un élargissement du bureau de chacune de ces commissions. Ces bureaux ne se réunissant quasiment jamais, ce droit restera très virtuel.
Par conséquent, le groupe majoritaire continuerait – sous toutes les majorités et toutes les alternances – à se trouver surreprésenté en détenant la quasi-totalité des présidences de commission, bien qu'une telle situation apparaisse désormais peu compatible avec l'esprit sinon avec la lettre de la Constitution. D'ailleurs, madame la présidente, cette répartition proportionnelle est acceptée pour la présidence et les vice-présidences de l'Assemblée nationale ; elle devrait l'être pour la composition des commissions. Nous y reviendrons au cours du débat.
Pour autant, cette frilosité ne doit pas occulter les nouveaux droits octroyés aux groupes minoritaires et d'opposition : droits de tirage en matière de création de commissions d'enquête, ou possibilité de fixer l'ordre du jour d'un plus grand nombre de séances d'initiative parlementaire qu'actuellement, par exemple.
Toutefois, les débats en commission on fait naître la crainte légitime de ne pas voir se concrétiser l'essentiel de ces droits, puisque certains voudraient que leur exercice dépende surtout du bon vouloir du groupe majoritaire, ce qui est contraire aux engagements du Président de la République et à l'esprit de la réforme constitutionnelle votée l'été dernier.
Nous ne voulons évidemment pas conférer une sorte de droit de veto à l'opposition ; mais les débats qui vont durer plusieurs jours doivent nous permettre de trouver un équilibre. Sinon, l'adoption d'une telle mesure réduirait à néant les droits accordés aux groupes politiques, en les mettant de fait sous la tutelle du groupe majoritaire.
Quel est l'intérêt de donner aux groupes d'opposition ou minoritaires un droit de tirage pour les commissions d'enquête, si ce dernier doit recevoir l'assentiment du groupe majoritaire ? Cela reviendrait à demander à la majorité d'accepter d'enquêter sur elle-même. Ce n'est pas le mode de fonctionnement des autres démocraties. Ce n'est pas ce que nous avons voulu lorsque nous avons voté la réforme constitutionnelle.
Le groupe Nouveau Centre veillera donc à ce que le texte initial, présenté par Bernard Accoyer, soit maintenu sur ces points qui, comme d'autres, représentent un équilibre trouvé au cours de séances de travail voulues par le président de l'Assemblée nationale auxquelles j'a i eu l'honneur de participer.
Par ailleurs, le Groupe Nouveau Centre partage l'idée qu'il est nécessaire de programmer notre temps de débat, afin de mettre un terme à des opérations d'obstruction parlementaire. Malgré les déclarations des uns et des autres, nous avons tous conscience que ce genre d'exercice ridiculise et abaisse le Parlement dans l'esprit de nos concitoyens. Or, après avoir élu démocratiquement une majorité, les Français ont le droit de la voir appliquer son programme.
À présent que le Gouvernement s'est vu priver de la possibilité de recourir sans limites à l'article 49-3, plus rien n'empêche un seul député, avec l'appui des moyens technologiques dont nous disposons, de déposer un nombre incalculable d'amendements dans le seul but de s'arroger un temps de parole illimité : en déposant 30 000 amendements, un seul de nos collègues disposerait, dans l'état actuel de nos procédures, de 2 500 heures de temps de parole – plus que la durée d'une législature –, et bloquerait tous le processus législatif.
Autrement dit, nous devons éviter le blocage complet de notre assemblée. La réforme de notre règlement doit être l'occasion de revoir l'organisation du travail législatif lui-même.
Pour autant, la mise en place d'un temps législatif programmé, si elle répond au souci légitime d'une meilleure organisation de nos débats, ne doit pas aboutir à la négation du droit de chacun d'entre nous à défendre ses positions et ses amendements, dès lors qu'il ne se livre pas au jeu pernicieux de l'obstruction.
C'est pourquoi, à l'occasion de l'examen du projet de loi organique relatif à l'organisation du travail législatif, le groupe Nouveau Centre a souhaité que le texte comporte une garantie visant à ce que le temps législatif programmé – procédure que l'on nous propose d'inscrire dans le règlement –, respecte le droit d'expression de l'ensemble des groupes parlementaires, tout particulièrement celui des groupes d'opposition et des groupes minoritaires.
Notre démarche vise non pas à vider la procédure de sa substance, mais à éviter de passer d'un excès à l'autre, ce qui aboutirait à porter une atteinte inacceptable au pluralisme d'expression, indispensable dans notre assemblée.
Les délais fixés à l'avenir par la conférence des présidents devront être raisonnables, ne grevant pas la qualité de nos débats. Cependant, dans le souci de garantir le pluralisme – comme s'y est engagé solennellement par courrier le président de l'Assemblée nationale, l'été dernier –, il faut aussi que chaque président de groupe parlementaire puisse, une fois par session, s'opposer à l'application de ce temps programmé, afin d'approfondir des débats qu'il juge essentiels et demander un temps de discussion plus étendu. Si tel n'était pas le cas, la réforme constitutionnelle serait dévoyée, et le groupe Nouveau Centre ne pourrait que désapprouver le projet de modification du règlement intérieur.
Sur ce point comme sur bien d'autres, nous considérons qu'il faut en rester aux points d'équilibre qui ont été recherchés – et dans une large mesure trouvés – par le président de l'Assemblée dont c'est le rôle. Nous pourrons ainsi garantir le respect de la parole donnée, et rétablir la confiance dont Jean-François Copé parlait il y a quelques instants.
Les mesures proposées par le président de notre assemblée permettaient de voir s'esquisser un compromis viable et durable, sous toutes les majorités successives. En plus des points précédemment évoqués, je cite aussi l'absence de décompte du temps de parole des présidents de groupe, une garantie utile que notre groupe estime hors de question de remettre en cause.
La réforme du règlement offre aussi à notre assemblée l'occasion de mettre fin à la démarche tâtonnante qui était la sienne, au cours de ces dernières années, en matière d'évaluation et de contrôle.
Chers collègues, que n'avons-nous pas entendu sur la nécessité de contrôle de l'action du Gouvernement par le Parlement ! Certes, la multiplication des délégations et des offices parlementaires a permis l'émergence de quelques réussites, telles que l'office d'évaluation des choix scientifiques et technologiques ou encore les missions d'évaluation et de contrôle de la commission des finances. Cela étant, reconnaissons-le, la plupart de ces missions et tentatives de contrôle ont suscité de grandes déceptions sur tous les bancs de cette assemblée.
Alors qu'une semaine par mois de notre ordre du jour est désormais réservée en priorité aux activités de contrôle, la proposition du président Accoyer prévoit la création d'un comité dédié. Ce dernier viendra compléter l'action d'ores et déjà menée dans ce domaine par nos commissions permanentes – trop peu d'ailleurs – ainsi que par les commissions d'enquête qui doivent être élargies. Ce comité constitue donc une avancée significative dans la montée en puissance du Parlement dans ses fonctions de contrôle désormais explicitées plus clairement par l'article 24 de la Constitution.
Le futur comité de contrôle et d'évaluation des politiques publiques s'annonce comme l'un des outils privilégiés de la modernisation du travail parlementaire pour différentes raisons : sa composition sera soucieuse d'un pluralisme qui n'est pas souhaité dans d'autres secteurs ; à la différence des délégations parlementaires, il pourra s'auto-saisir ; chacun des groupes politiques pourra, de droit, obtenir la réalisation d'une évaluation, une fois par session ordinaire ; ce devrait être le cas pour la création de commissions d'enquête ou pour éviter le temps programmé.
De surcroît, ce comité rendra des avis sur les études d'impact qui seront désormais jointes par le Gouvernement aux projets de loi – mesure introduite dans notre corpus constitutionnel à l'initiative du président Warsmann. Les parlementaires pourront ainsi mieux évaluer les projets du Gouvernement et leurs conséquences.
À la faveur de cette réforme, la commission des affaires européennes de notre assemblée voit ses règles de fonctionnement considérablement rapprochées de celles des commissions permanentes. Les procédures d'adoption des résolutions européennes, notamment celles déposées en vertu de l'article 88-4 de la Constitution – c'est-à-dire portant sur les projets ou propositions d'actes juridiques de l'Union européenne –, sont aussi rénovées. L'instauration de mécanismes d'adoption tacite par la commission permanente, compétente sur le fond, devrait ainsi permettre de fluidifier considérablement la procédure d'adoption de ces résolutions.
Toutefois, nous sommes convaincus que, à l'heure ou près des deux tiers de notre législation tire ses racines de directives votées par le Parlement européen, et où l'échelon communautaire s'affirme comme le plus pertinent pour définir des réponses efficaces aux crises qui secouent le monde, notre assemblée ne fait pas suffisamment usage des possibilités qui lui sont offertes de peser, à sa mesure, sur le processus décisionnel européen. D'ailleurs, depuis le début de la présente législature, aucune résolution de ce type n'a fait l'objet d'une discussion dans notre hémicycle.
Aussi, le groupe Nouveau Centre proposera-t-il notamment de permettre à chaque groupe politique d'obtenir de droit, une fois par session ordinaire, l'inscription à l'ordre du jour de nos travaux d'une de ces résolutions. Cela nous permettrait de mieux contrôler et encadrer l'action du Gouvernement au niveau européen. Jamais le Gouvernement français n'aurait pu donner son accord à la directive dite Bolkenstein, si nous avions eu cette possibilité à l'époque : nos débats l'auraient unanimement repoussée, et le Gouvernement s'y serait opposé à Bruxelles.
En conclusion, je réaffirme que l'esprit de consensus doit prévaloir, comme si souvent par le passé lors des modifications de notre règlement. Cela est nécessaire, indispensable : un règlement partisan ne pourrait que nuire aux travaux de notre assemblée, à la volonté de réforme du Gouvernement, au bon fonctionnement de notre démocratie, donc au respect dont le Parlement devrait jouir chez nos concitoyens.
Le groupe Nouveau Centre a accompagné jusqu'ici le processus de révision constitutionnelle qui visait à un plus grand pluralisme, à créer de nouveaux droits réels pour les groupes de l'opposition comme pour ceux de la majorité, à rendre effective notre mission de contrôle de l'action gouvernementale, et à programmer sérieusement mais sans excès nos temps de débats. C'est ce que le Président de l'Assemblée nationale a tenté de traduire dans sa proposition de résolution. C'est ce que nous devons, tous ensemble, préserver.
Cependant, mon groupe ressent une inquiétude réelle en abordant ce débat, alors que d'aucuns affirment leur volonté de remettre en cause cet équilibre recherché par le président de l'Assemblée nationale, conformément à son rôle.
L'esprit du texte initial doit être respecté sur des éléments importants. D'abord, chaque groupe doit disposer d'un droit de tirage en matière de commission d'enquête, sans qu'un groupe seul puisse s'y opposer. Ensuite, le temps de parole des présidents de groupe ne doit pas être limité : ce ne sont pas eux qui vont se livrer à de l'obstruction parlementaire car ils n'en ont pas le temps quand bien même ils en auraient la volonté. Enfin, une fois par session, chaque groupe doit avoir la possibilité de refuser le temps programmé, lorsqu'il juge qu'un texte doit faire l'objet d'un débat approfondi, ce qui ne représenterait jamais que trois à quatre débats par an. En cas de déclaration d'urgence par le Gouvernement, ce temps programmé ne devrait d'ailleurs pas s'appliquer.
Si, au fil de nos débats, l'esprit du texte était détourné sur l'un de ces points souhaités par le président de l'Assemblée nationale, le groupe Nouveau Centre serait au regret de dénoncer une modification du règlement qui aboutirait à l'inverse de ce que nous avons voulu – tous les membres de la majorité, en tout cas – lorsque nous avons voté la réforme constitutionnelle.
Madame la présidente, mon groupe vous demande de vous faire son interprète auprès du président Accoyer : nous comptons sur lui pour peser de tout le poids que lui confèrent ses fonctions, afin que cette réforme soit conforme à l'esprit de notre Constitution, qu'elle favorise le pluralisme et permette à notre assemblée de moderniser ses débats tout en respectant les droits de chaque député élu par le peuple. Nous comptons également sur lui pour que l'équilibre entre le Sénat et l'Assemblée ne soit pas modifié à l'occasion de l'instauration du temps programmé.
Nous ne pouvons pas accepter que, en cas de déclaration d'urgence, les députés soient soumis au temps programmé : le texte ne serait discuté qu'une fois dans l'hémicycle, avant d'être ensuite soumis à une commission paritaire où nous sommes à égalité avec les sénateurs. Pardon de paraphraser, un peu ridiculement peut-être, l'un de nos prédécesseurs : nous sommes ici par la volonté du peuple ; ils sont là-bas par la volonté des collectivités territoriales. La Constitution, dans sa grande sagesse, a prévu que nous devions avoir le dernier mot. Par pitié, ne faisons pas en sorte que le dernier mot de l'Assemblée nationale soit égal à celui du Sénat. (Applaudissements sur les bancs des groupes NC et SRC et sur quelques bancs du groupe UMP.)
Les premières semaines de pratique de la réforme du travail parlementaire nous ont permis de constater certains travers de la réforme constitutionnelle. Le couac HADOPI aurait pu – ou dû – nous faire réfléchir, tous autant que nous sommes dans cet hémicycle, sur la fabrication d'une loi, sur la manière d'instaurer un vrai débat sans s'arc-bouter sur ses positions. Or, comprenne qui pourra, on continue de faire comme si de rien n'était. Alors que la forme et le fond posent problème, la formule retenue est : « Cause toujours, tu m'intéresses ! »
À propos du « couac HADOPI », justement, parlons un instant de l'absentéisme parlementaire.
Plutôt que de revenir à la vieille rengaine des pénalités financières pour les mauvais élèves de l'hémicycle, pénalités dont l'application serait illusoire, vous auriez pu vous rappeler les propositions que nous n'avons eu de cesse d'avancer l'an dernier. Je pense par exemple au non-cumul des mandats ou au scrutin à la proportionnelle. Vous avez refusé d'en discuter, tous nos amendements ayant été systématiquement balayés d'un revers de main. Ils auraient pourtant permis d'éviter en partie ce type de revers parlementaires et, surtout, de mettre en oeuvre une véritable révision constitutionnelle. Je crains, mes chers collègues, que l'ensemble des amendements que nous avons déposés sur cette proposition de résolution ne connaissent le même sort.
La forme pose autant problème que le fond : pas un débat ne se déroule sans que le principe de séparation des pouvoirs ne soit évoqué ; pas une discussion n'a lieu sans que les connivences entre pouvoirs publics, économiques et financiers ne soient dénoncées ; pas un seul texte ne vient en discussion sans provoquer une nouvelle levée de boucliers. L'examen des textes relatifs à l'audiovisuel public et au téléchargement illégal, de même que les différents projets de loi organique liés à la réforme constitutionnelle, en sont malheureusement les parfaites illustrations : faute d'un débat réellement démocratique, le Parlement est presque définitivement transformé en machine à voter ou en chambre d'enregistrement, bref, en une institution qui nie son opposition.
C'est précisément ce qui nous préoccupe aujourd'hui, tant le présent texte ne peut être regardé comme un progrès pour les parlementaires. Depuis la mise en place, le 1er mars dernier, d'un certain nombre de dispositifs issus de la nouvelle procédure parlementaire, les « couacs » se multiplient, les agendas sont perturbés et notre présence en commission comme en séance est compromise par un partage de l'ordre du jour loin d'être convaincant. Franchement, personne ne s'y retrouve, ni la majorité, enlisée dans des priorités qu'elle ne parvient pas à respecter, et encore moins l'opposition, qui ignore, d'une semaine sur l'autre, à quelle sauce elle sera mangée.
L'attitude du président Copé lors de la journée réservée à l'initiative parlementaire du groupe SRC est à cet égard désolante. Quelle stratégie entendez-vous développer, sinon celle qui consiste à bâillonner encore davantage l'opposition ? Faut-il rappeler que l'un des arguments-chocs de la majorité – j'en prends M. le président de l'Assemblée à témoin – était le renforcement des pouvoirs de l'opposition ? Nous n'y avons pas cru une seule seconde ; mais cela ne vous a jamais empêchés de soutenir le contraire, comme le confirme la parole très médiatisée du président du groupe UMP. S'il est une certitude à l'issue de cette réforme constitutionnelle, c'est que les pouvoirs de l'opposition ont diminué, cette journée mensuelle relevant en réalité d'un grand leurre, d'un de ces artifices destinés à noyer le poisson.
Pourtant, des oppositions actives sont synonymes de vitalité et de dynamisme démocratique. Comme je l'ai déjà dit à plusieurs reprises, sans oppositions actives – au pluriel, tant elles sont multiples et variées –, le Parlement, qui se doit d'être le reflet de la nation dans sa totalité et sa diversité, ne peut fonctionner de manière démocratique. Or le texte issu de la commission en dit long sur les droits de l'opposition. Soyons clair, mes chers collègues : cette réforme n'est rien d'autre qu'un enterrement en bonne et due forme de nos droits de parlementaires.
Certes, le bureau des commissions permanentes et spéciales sera élargi, mais nous n'avons aucune garantie quant à la présence de députés de l'ensemble des groupes parlementaires. S'agissant de la présidence de la commission des finances par un député d'opposition, la règle en est formalisée. Et pour ce qui concerne l'attribution d'une journée de séance par mois aux groupes d'opposition et minoritaires, cela représente, pour un groupe comme le nôtre, une journée par session ! Si l'on considère en outre la condescendance avec laquelle la majorité traite ces journées, on comprend qu'elles soient un peu les faire-valoir d'une réforme de façade à laquelle vous ne croyez pas vous-même.
On retiendra les modestes avancées que sont l'attribution de la moitié des questions au Gouvernement aux députés membres d'un groupe d'opposition, celle de la moitié du temps des séances consacrées aux activités d'évaluation et de contrôle, ou la reconnaissance d'un droit de tirage en matière de commissions d'enquête, et encore, une seule fois par session et par président de groupe. Le résultat, après le long et malheureux marchandage qui a débouché sur le vote de Versailles en juillet dernier, n'est finalement pas bien brillant, peut-être en conviendrez-vous. Cela fait beaucoup de « mais » pour des avancées que vous annonciez radicales : en un mot, ce n'est que poudre aux yeux.
Et le plus grave est à venir, car ces quelques avancées ne sauraient compenser la mise en oeuvre du fameux temps législatif programmé, lequel interdira de fait tout débat parlementaire au sens noble du terme. En effet, la limitation du temps de parole des députés par l'instauration d'un crédit-temps attribué à chaque groupe pose tout simplement la question du respect du droit de parole individuel des députés. Doit-on rappeler, une fois encore, que nous tous, qui siégeons ici, tirons notre droit de parole du suffrage universel et non de notre appartenance à un groupe parlementaire ? L'instauration de ce « régime des groupes » soulève donc la question de la liberté de parole des députés qui expriment un désaccord ou des divergences avec le groupe auquel ils appartiennent, ou qui souhaitent soulever des questions et développer des arguments inspirés de ce qu'ils observent dans leur circonscription.
Ce nouveau régime portera aussi et surtout gravement atteinte au principe constitutionnel selon lequel « tout mandat impératif est nul ». En effet, si le droit de parole d'un député dépend désormais de l'accord de son groupe, on ne peut plus considérer, au plan des principes, que ce député s'exprime librement et en étant responsable seulement devant ses électeurs.
Il en va de même avec la consécration institutionnelle de la notion d'opposition, qui non seulement tend à accélérer l'évolution dangereuse vers le bipartisme, mais s'inscrit aussi dans une vision manichéenne et caricaturale du débat politique. La volonté de réduire le débat parlementaire à un débat entre groupes parlementaires et non entre députés a inspiré un aménagement proposé par le président Accoyer : celui de ne pas décompter le temps de parole des présidents de groupe. Cette proposition, en elle-même peu satisfaisante, complétait néanmoins utilement les dispositions prétendument régulatrices selon lesquelles chaque président de groupe peut obtenir de droit, pour chaque texte, un temps programmé allongé, plafonné à cinquante heures, et, une fois par session, un temps législatif exceptionnel plafonné à soixante-quinze heures. Si l'on se fonde sur l'examen de la pratique actuelle, ces deux aménagements réglementaires s'avèrent assez superfétatoires.
Bien plus, mécontente d'une proposition de résolution qu'elle trouvait sans doute un peu laxiste – cinq minutes pour parler, diable ! –, la commission s'est entendue pour la durcir encore, de façon à museler un peu plus le droit de parole des députés de l'opposition. Concrètement, au regard de la proposition de résolution revue et corrigée par la commission Warsmann, les droits de l'opposition se réduisent comme une peau de chagrin : limitation de la procédure du rappel au règlement et des demandes de scrutin public ; réduction des explications de vote ; regroupement de deux motions de procédure en une seule ; intégration du temps de parole des présidents de groupe dans le temps global, sans parler du temps consacré aux suspensions de séance ou aux rappels au règlement. Cette liste à la Prévert n'est peut-être pas très explicite pour les citoyens qui suivent nos débats aujourd'hui ; elle n'en est pas moins synonyme d'une dangereuse et scandaleuse dérive vers la limitation drastique du droit de parole des parlementaires. Pour ceux qui pourront parler, cinq minutes deviendront deux minutes : belle avancée !
Vous avez défendu votre réforme constitutionnelle en brandissant l'argument du pluralisme ; pourtant, et nous l'avons signifié à plusieurs reprises tout au long de l'année, cette réforme ne garantit en rien le pluralisme démocratique, bien au contraire : d'une part, les pouvoirs de la majorité présidentielle sortent largement renforcés, ce qui consacre le fait majoritaire et rend plus étroite encore la dépendance du travail législatif aux impératifs dictés par l'exécutif ; d'autre part, l'esprit de cette résolution entérine le bipartisme.
Fait tout aussi grave, c'est finalement la seule fonction de contrôle du Parlement qui a été un peu renforcée. La fonction législative, celle de co-producteur de la loi, sa fonction originelle, donc, est chaque jour davantage reléguée au second plan. Une telle évolution s'inscrit dans un contexte plus large de dégradation de la condition juridique de la loi et de l'inflation concomitante des textes de nature réglementaire.
Quoi qu'il en soit, trop nombreux sont les coups d'arrêt imposés à un débat parlementaire véritablement démocratique. Au bout du compte, c'est la production législative qui en paie les pots cassés. De l'avis des spécialistes, la qualité de la loi se caractérise actuellement par sa médiocrité ; elle n'est plus à la hauteur des enjeux.
En tout état de cause, c'est toujours et encore la logique du court terme qui régit nos institutions et, plus encore, la fabrication de la loi, seule chose qui devrait nous préoccuper et qui, malheureusement, n'est pas à l'ordre du jour. Depuis le début de cette mandature, la loi a changé de nature dans la mesure où ce qui compte n'est plus le moment du débat au Parlement, et moins encore le vote ou l'adoption du décret d'application, mais le moment de l'annonce publique et médiatique, l'actualité devenant le fer de lance de l'activité législative, les médias faisant presque office de Journal officiel ou de présentateurs des nouveaux textes.
Ainsi le fait-divers devient objet de loi. M. Estrosi reprend d'ailleurs l'idée lancée par le Président de la République depuis Gagny au sujet des bandes, et M. Hortefeux, impatient de faire oublier la crise, reprend à son compte la proposition de loi relative au travail le dimanche que tout le monde pensait abandonnée, prenant de court les députés pourtant intéressés par la question, à droite comme à gauche.
Rappelons au passage que, pour le plus grand bien du Gouvernement, une proposition de loi – malgré les nombreux amendements que nous avons déposés sur le texte précédent – ne fait pas l'objet d'évaluations ou d'études d'impact. Grand bien en fasse à ces textes inutiles, comme celui sur les bandes de M. Estrosi, qui, malgré les dix-sept lois adoptées depuis 2002 sur la question de la délinquance, contournera les nouveaux dispositifs censés améliorer la qualité de la loi. Les artifices sont nombreux pour que le législatif satisfasse l'exécutif en temps et en heure en fonction de cette actualité dictatrice de la gouvernance nationale. Le projet de loi relatif à l'hôpital en est le dernier exemple. La séparation des pouvoirs continue ainsi d'être allègrement bafouée.
Enfin et surtout, d'aucuns aiment à rappeler que cette proposition de résolution constitue le volet final de la réforme constitutionnelle engagée il y a plus d'un an. Permettez-moi de vous rappeler qu'il n'en sera rien tant que n'aura pas été définitivement adopté le volet citoyen. Il est en effet de votre devoir de mener à bien cet aspect de la réforme, faute de quoi toute prétention à la modernisation des institutions sera réduite à néant, néant dont, je vous rassure, vous êtes déjà très proche. À cet égard je reprends les mots du constitutionnaliste Dominique Rousseau, qui, la semaine dernière, rappelait très justement, dans un quotidien du soir, que « les citoyens, la justice, la presse sont tout dans la société, rien dans la Constitution ». Nous en sommes malheureusement encore là.
En effet, si réforme constitutionnelle il devait y avoir, elle aurait dû placer le citoyen en son centre. Il nous semblait plus urgent de travailler sur les lois organiques destinées à réconcilier les Français avec la politique et à replacer les citoyens au centre du débat politique. Le peu d'égards réservé à ce volet lors de la réforme adoptée en juillet était révélateur de votre absence de volonté d'inscrire dans la loi ces quelques éléments de rhétorique rassurants.
Pour l'heure, seules trois lois organiques ont été promulguées : la première, qui modifie l'article 25 de la Constitution, permet notamment aux ministres sortant du Gouvernement de retrouver automatiquement leur siège de parlementaire, mesure dont M. Bertrand a pu bénéficier seulement quarante-huit heures après son départ du ministère du travail ; la deuxième, qui modifie l'article 13 de la Constitution, autorise le Président de la République à nommer les présidents de France Télévisions, de Radio France ainsi que de la société en charge de l'audiovisuel extérieur de la France ; la troisième, enfin, fit grand bruit, puisqu'elle portait atteinte au droit fondamental des députés de déposer des amendements et, surtout, de les défendre en séance publique.
L'adoption de ces trois lois organiques a ce goût amer d'abattage des contre-pouvoirs ; elle nous éloigne surtout des droits des citoyens, alors que le texte voté par le Congrès était censé instaurer des avancées majeures : quid du droit de pétition, de la possibilité de saisine du Conseil constitutionnel, du Conseil supérieur de la magistrature ou encore de la mise en place du nouveau défenseur des droits ? Ces mesures étaient présentées, pour ne pas dire vendues, par la majorité comme les avancées citoyennes de cette réforme, alors qu'elles n'étaient que des faire-valoir destinés à adoucir les dispositions attentatoires au droit parlementaire. Qu'attendez-vous pour rendre ces avancées réelles et effectives ? Si elles étaient si importantes, pourquoi les faire passer après les autres, voire les escamoter ?
S'il est une urgence institutionnelle en France, c'est celle de réconcilier les citoyens avec le politique et la chose publique. Et même si nous nous sommes élevés contre certaines dispositions et manières de construire la réforme constitutionnelle, il nous semble aujourd'hui essentiel de mettre en place ces leviers citoyens, qui sont indispensables à la bonne santé de notre démocratie, comme le sont les contre-pouvoirs. Or vous mettez un point d'honneur à les démanteler les uns après les autres. Vos urgences nous amènent à légiférer sur la nomination des PDG de l'audiovisuel public par le Président de la République, sur un texte qui se propose de restreindre nos propres droits au sein de cet hémicycle, ou très bientôt – si l'on en croit le Président Sarkozy – sur un autre visant à supprimer les juges d'instruction. Ainsi, les pouvoirs médiatique, parlementaire et judiciaire, devenus contre-pouvoirs par la force des choses, se voient très directement remis en cause.
Comme je l'ai déjà souligné lors de la deuxième lecture du texte relatif au travail parlementaire, nous n'avons eu de cesse, depuis près d'un an, de dénoncer cette illusion que vous nous présentez comme une réforme constitutionnelle, et qui n'est pourtant rien d'autre qu'une mystification dangereuse pour la démocratie. Cette « modernisation des institutions » était censée renforcer les pouvoirs du Parlement et de l'opposition : de la modernisation nous ne retiendrons qu'un effet de mode qui ne trompe guère son monde ; du renforcement des pouvoirs du Parlement, nous ne trouvons toujours pas trace. Le bilan est même sidérant tant il est négatif. Non seulement le Parlement dans son ensemble ressort trahi et affaibli dans ses missions fondamentales, mais, surtout, l'opposition est trompée et abusée, car niée.
Ne soyez pas dupes, mes chers collègues : le principe du fait majoritaire écrase toute volonté de s'émanciper de votre groupe.
Ce sont nos droits individuels qui sont aujourd'hui malmenés : en l'espace de quelques mois, ils ont diminué de manière spectaculaire au profit d'un exécutif tout-puissant.
En dépit de ce contexte, nous avons travaillé sur ce projet de résolution avec la volonté clairement affirmée d'un Parlement à l'écoute de ses parlementaires. Je cite quelques-unes de nos propositions : la représentation de tous les groupes politiques au sein des différentes instances de l'Assemblée nationale, huit vice-présidents au lieu de six, six questeurs au lieu de trois, un vice-président par groupe dans chaque commission permanente.
Nous proposons aussi que chaque groupe dispose de la présidence d'au moins une commission permanente, et puisse siéger valablement dans les commissions mixtes paritaires. Nous préconisons d'abaisser le seuil de constitution d'un groupe de vingt à quinze députés, et de permettre aux amendements déposés à titre individuel et qui ne font pas l'objet d'amendements identiques issus du même groupe puissent être défendus sans être décomptés du temps de parole des groupes, de même que pour les suspensions de séance, les demandes de scrutin public ou les rappels au règlement.
Autres propositions : l'institution de la règle de mise en discussion – sinon au vote – des amendements déclarés irrecevables au titre de l'article 40 ; la suppression de la possibilité pour la majorité de déposer des motions de procédure sur les textes présentés par l'opposition dans les journées d'initiative parlementaire.
Nous proposerons aussi d'autres amendements de suppression des dispositions introduites dans le texte initial ou suite aux travaux de la commission.
Naturellement, nous défendrons nos amendements jusqu'au bout. Leur prise en compte vous permettrait de quitter l'hémicycle, à l'issue de nos travaux, avec le sentiment alors légitime d'avoir oeuvré en faveur de la démocratie parlementaire renouvelée. En cet instant, je vous l'avoue, nous sommes malheureusement bien pessimistes ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
Grâce à la révision constitutionnelle adoptée le 21 juillet 2008, nous, parlementaires, avons le pouvoir de changer les choses.
La réforme à venir du règlement sera la plus importante depuis le début de la Ve République. C'est la raison pour laquelle le président Accoyer a pris l'initiative de mettre en place, pour la préparer, un groupe de travail pluraliste qui s'est réuni à plusieurs reprises et dont les nombreux points d'accord se trouvent dans sa proposition de résolution. S'agissant des points qui n'ont pu faire l'objet d'un accord, la proposition de résolution avance des solutions équilibrées.
Chacun le mesure : l'enjeu est grand. Il en va de la responsabilité des parlementaires, car la revalorisation du Parlement consiste non seulement à en renforcer le poids dans le fonctionnement institutionnel de notre démocratie, mais aussi à revaloriser son image auprès de nos concitoyens, dont nous sommes porteur de la souveraineté.
Qui peut aujourd'hui se satisfaire de l'organisation du temps consacré au travail législatif et des conditions dans lesquelles il se déroule ? Nous ne pouvons accepter la multiplication sans limite des rappels au règlement, des suspensions de séance, des demandes de quorum, et le dépôt par milliers de liasses d'amendements dans le seul but de paralyser l'examen d'un texte.
Avec l'examen du texte adopté par la commission, nous pouvons redonner toute son intensité au débat politique dans l'hémicycle, en le recentrant sur les dispositions les plus essentielles du texte. Nul doute qu'une meilleure programmation de nos travaux concourra à cet objectif. Sur ce point, la proposition de résolution du président Accoyer décline de façon équilibrée les modalités de mise en oeuvre du temps législatif programmé.
Pour ce qui est de la compétence d'évaluation et de contrôle, la révision constitutionnelle l'a renforcé de manière déterminante. Ainsi, l'institution d'une semaine mensuelle réservée prioritairement à l'évaluation et au contrôle nous permet de communiquer très largement sur les activités de contrôle de l'Assemblée, sur ses rapports et recommandations, ainsi que sur les suites qui leurs sont données par le Gouvernement. De même, les moyens de l'Assemblée nationale en matière de contrôle vont être renforcés grâce à la création d'un comité d'évaluation et de contrôle, qui sera chargé de conduire, de sa propre initiative ou à la demande d'une commission, des évaluations sur des politiques publiques présentant une dimension transversale et dépassant les compétences d'une seule commission permanente.
Cette réforme du travail législatif, ce renforcement de notre mission de contrôle et d'évaluation doivent s'accomplir en donnant toute sa place à l'opposition. Cinquante ans après l'adoption de la Constitution de la Ve République, qui a apporté solidité et souplesse à nos institutions démocratiques, il est temps que nous abordions de front la question des droits de l'opposition.
C'est sous la présidence de Valéry Giscard d'Estaing que s'est posée la question de l'élaboration d'un statut de l'opposition, celle-ci devenant capable de « jouer son rôle et d'exercer ses responsabilités », selon les termes du message adressé le 30 mai 1974 au Parlement par le Président de la République.
Depuis lors, tandis que les institutions de la Ve République faisaient l'objet d'un consensus de plus en plus large, les droits de l'opposition au Parlement ont été progressivement renforcés. Toutefois, cela a d'abord été le résultat d'un processus empirique, par touches successives, plutôt que d'une démarche globale issue d'une réflexion approfondie sur le rôle de l'opposition dans une démocratie comme la nôtre.
M. Nicolas Sarkozy est le premier Président de la Ve République à avoir relancé le débat sur une forme d'institutionnalisation du rôle de l'opposition depuis trente ans. Donner un statut à l'opposition, c'est lui permettre, selon le chef de l'État, de « mieux remplir son rôle dans une démocratie apaisée, exemplaire et irréprochable ». C'est garantir « que le débat des idées politiques en France soit plus riche, plus vigoureux ». Parce que le Parlement est le lieu par excellence du débat démocratique entre majorité et opposition, c'est d'abord en son sein – nous en sommes tous convaincus – que les droits et les prérogatives de l'opposition doivent être confortés et renforcés. Le Président de la République l'avait d'ailleurs souligné dans son discours prononcé à Épinal, le 12 juillet 2007 : « Il faut envisager naturellement cette reconnaissance du rôle de l'opposition dans la perspective d'une revalorisation du Parlement ».
En effet, une opposition plus forte juridiquement concourrait à l'amélioration de la qualité et de l'image des débats parlementaires, le renforcement de ses droits d'expression augurant d'un moindre recours aux pratiques d'obstruction. En disposant de davantage de moyens au sein du Parlement, sa critique serait plus précise, plus constructive, au bénéfice de tous, en particulier de l'Assemblée elle-même, qui verrait son image revalorisée auprès de nos concitoyens.
En outre, le caractère éminemment politique du débat parlementaire, fondé sur les échanges quotidiens que les parlementaires de la majorité comme de l'opposition ont avec les Français, permet d'enrichir les textes préparés par le Gouvernement et ses services, afin qu'ils répondent pleinement aux attentes de nos concitoyens.
La réforme institutionnelle bénéficie au Parlement dans son ensemble – majorité comme opposition – en réaffirmant et en précisant le rôle de chacun dans le travail parlementaire. En ce qui concerne le travail législatif, la réforme donne des pouvoirs supplémentaires très importants au Parlement : le partage de l'ordre du jour, l'examen en séance du texte adopté par la commission ou encore le vote de résolutions permettant à l'Assemblée d'exprimer une opinion sans mettre en cause la responsabilité du Gouvernement. Ces pouvoirs profiteront largement à la majorité, puisque c'est elle qui, disposant de la confiance de la majorité des électeurs en vertu du nombre et du fait majoritaire, dispose de la maîtrise de la conduite du processus législatif – même si la réforme aboutit à multiplier largement le nombre de séances d'initiative parlementaire au profit de l'opposition.
Chacun en convient, responsables de la majorité comme de l'opposition : le Gouvernement et la majorité doivent avoir les moyens de gouverner et disposer de la maîtrise du processus législatif, afin de pouvoir mettre en oeuvre les engagements pris devant les électeurs.
Au contraire, l'autre apport majeur de la réforme institutionnelle – le renforcement de la mission de contrôle du Parlement – doit largement profiter à l'opposition. En matière de contrôle, l'opposition n'est pas une simple minorité numérique : elle représente une garantie pour le citoyen que le Parlement joue pleinement son rôle. Aussi, est-ce dans le domaine du contrôle de l'action gouvernementale et de l'évaluation des politiques publiques qu'il apparaît indispensable de renforcer les droits et les prérogatives de l'opposition.
La proposition de résolution présentée par M. Accoyer comporte des avancées considérables en faveur des droits de l'opposition. Elle lui accorde des droits et des garanties aussi importantes que celles qui existent chez nos voisins européens, telles que l'inscription dans le règlement de l'Assemblée du principe de l'attribution à l'opposition de la présidence de la commission des finances, l'égalité du temps de parole entre majorité et opposition pour toutes les activités d'évaluation et de contrôle, comme c'est déjà le cas pour les questions d'actualité. En effet, cette égalité existait de 1974 à 1981. La majorité de 1981 l'avait supprimée ; nous la rétablissons.
Autres avancées du texte qui nous est soumis : le droit de tirage permettant aux groupes d'obtenir la création d'une commission d'enquête par session, la conduite des missions d'évaluation et des missions de suivi sur l'application des lois par deux co-rapporteurs, dont l'un est issu de l'opposition. Pour ce qui concerne les travaux du comité d'évaluation et de contrôle, chaque groupe – en particulier les groupes d'opposition minoritaires – pourra obtenir la réalisation d'évaluations sur les thèmes de son choix. Enfin, davantage de temps de parole – de l'ordre de 60 % contre 40 % – est accordé à l'opposition qu'à la majorité, dans le cadre de l'application du temps législatif programmé.
Ces dispositions renforceront l'efficacité du contrôle parlementaire, devenu, au fil du temps, la première mission des parlements modernes, alors qu'ils n'ont plus, bien souvent, la maîtrise pleine et entière du processus législatif. C'est ainsi, je le crois, que nous pourrons rehausser auprès de nos concitoyens la place et l'image de notre assemblée et de la vie démocratique de notre pays.
Je conclurai en invitant l'opposition à s'inscrire dans les pas de Léon Blum…
… qui écrivait en 1936 dans La réforme gouvernementale : « Une opposition a le droit et le devoir de combattre le gouvernement au pouvoir, elle n'a pas le droit de combattre de parti pris, à tour de bras, en toute occasion, toutes les mesures qu'il propose. Elle n'a pas le droit de refuser au gouvernement qu'elle combat les mesures qu'elle approuve et qu'elle proposerait elle-même si elle était au pouvoir à sa place ».
Je commencerai par citer Léon Duguit, l'un des grands inspirateurs du droit public français…
… qui affirmait, il y a plus d'un siècle, un principe que je souhaite, ici, vous rappeler pour en montrer la modernité, et indiquer en quoi la proposition de résolution qui nous est soumise y déroge.
Tout d'abord, Léon Duguit disait que le règlement est la loi interne de chaque assemblée. En avance sur son temps, il affirmait que le règlement ne peut contenir aucune disposition contraire à la Constitution. À une époque où l'on prétendait que notre assemblée pouvait « tout faire sauf changer un homme en femme », sa conception d'une norme suprême s'imposant au législateur était très moderne. Il défendait aussi l'idée que l'initiative parlementaire appartient à tout député. Il arguait que le droit d'initiative comprend « naturellement le droit d'amendement, c'est-à-dire le droit de proposer des modifications partielles aux projets du gouvernement ou aux propositions parlementaires ».
Un siècle et deux Républiques plus tard, son propos est toujours actualité. En effet l'article 26 du projet de résolution institue la possibilité d'un temps maximal d'examen et son corollaire : un temps de parole limité par groupe politique transformé en temps minimum identique. Cette disposition est critiquable pour au moins trois raisons.
Tout d'abord, ce temps limité n'est pas mis en relation avec le temps global disponible. En commission des lois, la majorité a fait valoir que ce temps limité existait ailleurs. Comparaison ne vaut pas raison : ladite procédure n'est pas mise en rapport avec le temps effectif global disponible pour la discussion par session. Ainsi, au Royaume-Uni, ce temps par session est d'environ 700 heures, dont 650 au profit des textes gouvernementaux. Si un tel temps y existe, il y est justifié par le fait qu'une fois passée la session, en l'absence d'adoption, la discussion repart à zéro !
Si le principe d'un tel délai était adopté pour une loi, un temps maximal par session pourrait et devrait être prévu ; on pourrait alors proposer qu'un projet de loi non adopté dans la session fasse l'objet d'un nouvel examen complet, ce qui justifierait a contrario le principe d'un « temps-guillotine ».
En outre, cette disposition ne respecte pas l'équilibre du pour et du contre. Les députés s'opposant à un projet ou à une proposition devraient avoir le même temps de parole que la majorité ou l'ensemble des députés soutenant le projet lors de la discussion au fond ; cette égalité ne sera pas assurée puisque le rapporteur pourra intervenir en séance publique sur des amendements qui n'auront pas été examinés par la commission ; il s'exprimera à titre personnel – ou plutôt partisan – en échappant au temps limitativement distribué.
Enfin, cette disposition va priver chaque député du droit effectif de présenter ses propres amendements. Dans l'hypothèse où son groupe aura épuisé le temps imparti, le député ne pourra plus défendre son amendement ; dans ce cas, les amendements seront simplement appelés et les députés voteront après avoir entendu l'avis du Gouvernement et celui de la commission.
Au-delà de cet aspect fondamental auquel contrevient cette proposition de résolution, je veux revenir sur le refus qui nous a été opposé de faire valoir, dans notre règlement à tous, un principe que reconnaît désormais la Constitution, à savoir la parité.
Le groupe socialiste a déposé deux amendements visant à ce que la configuration du bureau de l'Assemblée et celle du bureau des commissions respectent non seulement la configuration politique de l'Assemblée – ce qui a été rappelé à plusieurs reprises aujourd'hui –, mais aussi, autant que possible, le principe de parité hommes femmes. L'article 1er de notre Constitution dispose en effet : « La loi favorise l'égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et fonctions électives, ainsi qu'aux responsabilités professionnelles et sociales. »
Eh bien, ces amendements, que j'ai défendus aux côtés de mes collègues – masculins – du groupe socialiste, ont été rejetés par l'UMP, au motif que c'est aux groupes politiques de faire prévaloir la parité. C'est avec ce type de raisonnement, mes chers collègues, que le pouvoir reste très masculin. Dans une assemblée, les élus doivent se trouver à égalité.
Ce ne sont pas seulement les qualités ou la volonté de ceux qui gouvernent qui sont importantes – je pense à la prudence, au courage, à la générosité –, c'est le système de gouvernement lui-même qui doit montrer l'exemple.
J'ai le regret de vous le dire ici : notre assemblée ne donne pas le bon exemple ! Je terminerai donc en regrettant, monsieur le rapporteur, que cette proposition de résolution, qui est notre loi interne, soit, pour reprendre une idée de Duguit, si éloignée de la justice !
Prochaine séance, ce soir, à vingt et une heures trente :
Suite de la proposition de résolution tendant à modifier le règlement de l'Assemblée nationale.
La séance est levée.
(La séance est levée à vingt heures cinq.)
Le Directeur du service du compte rendu de la séance de l'Assemblée nationale,
Claude Azéma