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Intervention de Patrick Bloche

Réunion du 12 mai 2009 à 15h00
Protection de la création sur internet

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPatrick Bloche :

D'ailleurs, le monde culturel a bougé, et nombreux sont les auteurs et les artistes qui, ayant compris qu'on les leurrait, manifestent leur opposition grandissante à HADOPI : artistes interprètes de musique et de danse ; acteurs, réalisateurs et producteurs de cinéma ; acteurs du monde de la science-fiction ; exploitants de salles de cinéma indépendantes ; producteurs de musique indépendants. La liste s'allonge chaque jour.

Après le coup de tonnerre du 9 avril, cette nouvelle lecture aura eu l'immense avantage de montrer qu'il existe une solution alternative. Avec la contribution créative, notre groupe a défendu une nouvelle rémunération du droit d'auteur pouvant atteindre plusieurs centaines de millions d'euros et adaptée aux réalités de l'Internet. C'est en fait la seule solution – oui, la seule – qui, tout en prenant en compte les usages de nos concitoyens, permette de rassembler les créateurs et les internautes, c'est-à-dire les artistes et leur public.

C'est ce que vous auriez dû rechercher en priorité, madame la ministre, plutôt que de créer un Meccano hasardeux et inutile qui constitue, de plus, une épée de Damoclès au-dessus de la tête de nos concitoyens. Car ce texte est aussi perdant pour les internautes sur lesquels pèsera désormais une présomption de culpabilité. Le caractère manifestement disproportionné de la sanction qu'ils encourent est aggravé par le fait qu'ils ne pourront pas bénéficier des garanties procédurales habituelles. L'absence de procédure contradictoire, la non-prise en compte de la présomption d'innocence, le non-respect du principe de l'imputabilité et la mise en place d'une surveillance généralisée du Net sont autant d'éléments que nous jugeons contraires à la Constitution. (« Démago ! » sur les bancs du groupe UMP.)

À cet égard, nous considérons comme une provocation le rétablissement en seconde lecture de la triple peine – sanction pénale, sanction administrative et sanction financière – avec obligation pour l'internaute de continuer à payer son abonnement après la coupure de son accès à internet. Et que dire de la suppression de l'amnistie, pourtant votée à l'unanimité en première lecture par l'Assemblée, des sanctions prises à l'encontre des internautes en vertu des dispositions de la loi DADVSI de 2006 ?

Ces derniers jours, nous avons assisté à un durcissement du projet de loi comparable à celui qui avait en partie expliqué le rejet du texte issu de la CMP, il y a plus d'un mois, par une majorité de députés allant au-delà de la seule opposition. Mais il est vrai que, désormais, le seul objectif du Gouvernement et de sa majorité est d'en finir au plus vite. M. Copé l'a écrit dans la lettre qu'il a adressée aux membres de son groupe : « Ce n'est désormais plus la teneur de ce texte qui est en cause. » Permettez à notre groupe de rester, quant à lui, attaché au fond du projet de loi.

Cette nouvelle lecture nous aura permis de constater la soudaine discrétion de Mme Albanel quant au rendement attendu de la HADOPI, qui se traduira chaque jour par 10 000 courriels d'avertissement, 3 000 lettres recommandées et 1 000 coupures de l'accès à internet. Mme la ministre nous a expliqué in fine que cette loi avait pour seul but de créer « un cadre psychologique », avouant ainsi que, une fois votée et sous réserve de la censure du Conseil constitutionnel, elle n'avait pas pour but d'être appliquée.

Il est vrai qu'au moment même où nous débattions, autre utilité de cette nouvelle lecture, le Parlement européen a rendu ce texte caduc, par un vote acquis à une écrasante majorité, en rappelant que toute coupure de l'accès à internet ne pouvait se faire sans la décision préalable d'un juge. Tout au long de notre débat, les artistes auront donc été doublement trompés. Non seulement le texte ne rapportera pas un euro de plus à la création, mais il risque en outre de ne jamais être mis en oeuvre.

Pour toutes ces raisons, le groupe socialiste, radical et citoyen votera contre cette loi d'exception et d'intimidation. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

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