Ce nouveau règlement sape les piliers de la démocratie représentative : l'interdiction du mandat impératif, inscrite à l'article 27 de notre Constitution, est liée à la liberté et à la publicité du débat parlementaire. Alors que l'initiative des lois appartient pour l'essentiel à l'exécutif, le principal outil d'intervention du législateur est le droit d'amendement. La démocratie représentative repose sur la vertu du débat, qui permet de corriger et d'infléchir les positions initiales avant la mise au vote.
À aucun moment, il n'a été possible d'engager une discussion sérieuse sur ce texte. Le groupe de travail du président Accoyer n'aura pas empêché les débordements de la majorité UMP en commission des lois pour faire passer des amendements scélérats, aujourd'hui intégrés dans le texte en discussion. Cette discussion a été d'autant moins possible que, concrètement, la réforme constitutionnelle, la loi organique qui a suivi et, aujourd'hui, la proposition de réforme du règlement de notre assemblée, ont directement été pilotés par l'Élysée – ce qui est logique, puisque l'objectif du Président de la République est de s'approprier la réalité du pouvoir législatif. Le droit d'amendement des parlementaires est tout juste toléré.
Aucun pays respectant les principes du gouvernement représentatif démocratique n'entretient une telle confusion des pouvoirs. Même dans les systèmes ayant clairement opté pour le régime présidentiel, comme les États-Unis d'Amérique, le pouvoir législatif ne reçoit pas d'ordres du Président, contrairement à ce qui se fait en France sous l'actuel Président de la République. Le président des États-Unis ne peut gouverner par ordonnances ou recourir à des procédures du type des articles 44, alinéa 3, ou 49, alinéa 3. Quand une loi est rejetée, il ne peut imposer une relecture à la va-vite du texte, comme cela vient d'être le cas en France pour la loi HADOPI.
Pourquoi cette volonté frénétique de nous faire légiférer à la hâte, sans véritable débat, en piétinant le droit d'amendement des députés en séance publique, selon le bon plaisir ou les caprices du prince qui nous gouverne ? Franchement, on se le demande ! Aujourd'hui, il y a trop de lois, des lois mal écrites et impossibles à mettre en oeuvre, faute des textes d'application nécessaires. Fin 2008, le Sénat a ainsi relevé qu'un quart seulement des dispositions réglementaires correspondant aux lois adoptées l'année précédente avaient été prises : 24,6 % en 2007-2008 contre 32,1 % l'année précédente. Le taux d'application des lois adoptées après déclaration d'urgence n'est – écoutez bien, chers collègues de la majorité – que de 10 %, car les décrets nécessaires ne sont pas publiés, alors que le Parlement a dû travailler au pas cadencé, avec une seule lecture dans chaque assemblée !