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Intervention de Noël Mamère

Réunion du 12 mai 2009 à 15h00
Modification du règlement de l'assemblée nationale — Exception d'irrecevabilité

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaNoël Mamère :

Je voudrais revenir sur la décision du Conseil constitutionnel du 9 avril 2009 portant sur la loi organique relative à l'application des articles 34-1, 39 et 44 de la Constitution, que nous avons examinée au début de cette année, dans des conditions de travail et de non-écoute des groupes d'opposition elles aussi déplorables.

En l'occurrence, je m'arrêterai aux dispositions relatives à l'article 44 de la Constitution et aux articles 17 à 19 de la loi organique, donc au droit d'amendement. Rappelons qu'il n'y a aucune obligation, ni constitutionnelle ni organique, à instituer dans le règlement de notre assemblée une procédure impartissant des délais pour l'examen d'un texte en séance. Il y a tellement peu d'obligations constitutionnelles, que le nouveau règlement du Sénat – négocié de façon consensuelle – ne prévoit pas une telle procédure.

Dans son considérant 40, le Conseil constitutionnel a cité l'article 17 de la loi organique, qui dispose que « les règlements des assemblées peuvent » – et non « doivent » – « s'ils instituent une procédure impartissant des délais pour l'examen d'un texte en séance, déterminer les conditions dans lesquelles les amendements déposés par les membres du Parlement peuvent être mis aux voix sans discussion. »

« Le constituant a entendu permettre que, dans le cadre de la procédure instituée par ces règlements impartissant des délais pour l'examen d'un texte en séance, les amendements ne puissent être discutés que lors de l'examen du texte en commission. »

C'est bien sûr sur ce fondement et dans ce cadre précis que le Conseil constitutionnel a conclu plus loin, dans son considérant 42, que la loi organique, dans ses articles 17 à 19, n'apporte pas de « limites inconstitutionnelles à l'exercice du droit […] d'amendement des membres du Parlement ». Cependant, la décision du 9 avril du Conseil constitutionnel sur la loi organique ne vaut pas validation a priori de tout le texte de règlement que nous aurions à adopter en la matière.

La question de la constitutionnalité de la proposition de règlement qui nous est soumise concerne donc les conditions dans lesquelles peut s'exercer – ou non – de façon inconditionnelle le droit d'amendement des parlementaires en commission, au regard des rédactions concrètes et précises retenues.

Et c'est là que le bât blesse. Certes, désormais, tout député peut, sur le papier, aller défendre un amendement dans l'ensemble des huit commissions permanentes, voire au sein d'éventuelles commissions spéciales qui seraient saisies au fond, même s'il n'en est pas membre. Mais, dans son article 50, le règlement ne réserve que la matinée du mercredi pour les réunions de commissions, l'Assemblée ne siégeant pas alors en séance publique et ayant pris l'habitude de ne travailler que sur le temps resserré du mardi et du mercredi pour permettre le cumul des mandats. Aussi l'exercice du droit constitutionnel d'amendement « en séance ou en commission » va-t-il buter sur une réalité physique intangible.

L'article 20 de la proposition de résolution prévoit certes d'introduire à l'article 41 de notre règlement un premier alinéa intéressant, qui touche bien au problème de l'exercice du droit constitutionnel d'amendement en commission mais ne répond malheureusement que partiellement au problème de « non-ubiquité » – et donc de constitutionnalité. Cet alinéa additionnel dispose en effet que « quand l'Assemblée tient séance, les commissions permanentes ne peuvent se réunir que pour terminer l'examen d'un texte inscrit à l'ordre du jour ». Nous comprenons donc que, tant que la commission permanente se réunit le mercredi matin pour examiner les amendements déposés, tout va bien ; mais, si les travaux de la commission prennent plus de temps, notamment s'il faut coûte que coûte examiner un texte inscrit à l'ordre du jour, ses travaux pourront se dérouler à un autre moment. Il y aura donc chevauchement entre la réunion de la commission permanente et celle de la séance publique, et donc impossibilité pour le parlementaire d'exercer simultanément son droit d'amendement dans deux instances.

De plus, des commissions permanentes saisies au fond sur des textes différents peuvent, elles aussi, se réunir au même moment. Comment un député pourra-t-il alors exercer son droit d'amendement en commission ? La question est désormais posée, alors qu'il pouvait jusqu'à maintenant amender pour la séance publique sans avoir été présent en commission.

La situation devient encore plus compliquée dans le cas des commissions spéciales qui sont elles aussi saisies au fond et où doit donc pouvoir s'exercer également le droit d'amendement. Car le dispositif du futur premier alinéa de l'article 41 du règlement, qui n'est que partiellement satisfaisant, ne mentionne que les commissions permanentes et non les commissions spéciales. Une commission spéciale saisie au fond pourra donc se réunir pendant les séances publiques, si bien qu'un parlementaire présent dans l'hémicycle ne pourra exercer son droit d'amendement en commission. CQFD.

Dans le cas de la procédure simplifiée, cela devient encore plus problématique. En effet, un texte soumis à la procédure simplifiée ne pourra faire l'objet d'aucun amendement en séance publique. Or, même si l'Assemblée tient séance publique au même moment, la commission examinant un texte en procédure simplifiée pourra malgré tout se réunir s'il s'agit de « terminer l'examen d'un texte inscrit à l'ordre du jour ». Nous nous retrouvons donc de nouveau avec le risque pour un parlementaire de ne pouvoir exercer son droit d'amendement en séance et en commission.

Je voudrais revenir à présent sur le considérant 41 de la décision du Conseil constitutionnel du 9 avril 2009, qui concerne notamment les articles 18 et 19 de la loi organique, lesquels font obligation aux règlements des assemblées de garantir le droit d'expression de tous les groupes parlementaires et d'accorder à tout parlementaire qui en fait la demande un temps de parole pour une explication de vote personnelle sur l'ensemble du texte. Ces dispositions introduisent le considérant 42, selon lequel la loi organique n'a « pas apporté de limites inconstitutionnelles à l'exercice du droit d'expression ». Certes, mais lorsque le Conseil constitutionnel a rendu sa décision, il était alors admis de tous qu'à l'Assemblée nationale la plus petite unité de temps de parole était de cinq minutes, qu'il s'agisse d'une explication de vote ou de la défense personnelle d'un amendement.

Depuis, lors de l'examen en commission des lois, et bien que cela n'ait jamais été évoqué dans le groupe de travail réuni par notre président depuis l'automne dernier, le rapporteur a introduit au dernier alinéa de l'article 49 du règlement la réduction de l'unité minimale de temps de parole de cinq à deux minutes. (Exclamations sur les bancs du groupe GDR.)

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