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Intervention de Jean-Christophe Lagarde

Réunion du 12 mai 2009 à 15h00
Modification du règlement de l'assemblée nationale — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Christophe Lagarde :

Le groupe Nouveau Centre veillera donc à ce que le texte initial, présenté par Bernard Accoyer, soit maintenu sur ces points qui, comme d'autres, représentent un équilibre trouvé au cours de séances de travail voulues par le président de l'Assemblée nationale auxquelles j'a i eu l'honneur de participer.

Par ailleurs, le Groupe Nouveau Centre partage l'idée qu'il est nécessaire de programmer notre temps de débat, afin de mettre un terme à des opérations d'obstruction parlementaire. Malgré les déclarations des uns et des autres, nous avons tous conscience que ce genre d'exercice ridiculise et abaisse le Parlement dans l'esprit de nos concitoyens. Or, après avoir élu démocratiquement une majorité, les Français ont le droit de la voir appliquer son programme.

À présent que le Gouvernement s'est vu priver de la possibilité de recourir sans limites à l'article 49-3, plus rien n'empêche un seul député, avec l'appui des moyens technologiques dont nous disposons, de déposer un nombre incalculable d'amendements dans le seul but de s'arroger un temps de parole illimité : en déposant 30 000 amendements, un seul de nos collègues disposerait, dans l'état actuel de nos procédures, de 2 500 heures de temps de parole – plus que la durée d'une législature –, et bloquerait tous le processus législatif.

Autrement dit, nous devons éviter le blocage complet de notre assemblée. La réforme de notre règlement doit être l'occasion de revoir l'organisation du travail législatif lui-même.

Pour autant, la mise en place d'un temps législatif programmé, si elle répond au souci légitime d'une meilleure organisation de nos débats, ne doit pas aboutir à la négation du droit de chacun d'entre nous à défendre ses positions et ses amendements, dès lors qu'il ne se livre pas au jeu pernicieux de l'obstruction.

C'est pourquoi, à l'occasion de l'examen du projet de loi organique relatif à l'organisation du travail législatif, le groupe Nouveau Centre a souhaité que le texte comporte une garantie visant à ce que le temps législatif programmé – procédure que l'on nous propose d'inscrire dans le règlement –, respecte le droit d'expression de l'ensemble des groupes parlementaires, tout particulièrement celui des groupes d'opposition et des groupes minoritaires.

Notre démarche vise non pas à vider la procédure de sa substance, mais à éviter de passer d'un excès à l'autre, ce qui aboutirait à porter une atteinte inacceptable au pluralisme d'expression, indispensable dans notre assemblée.

Les délais fixés à l'avenir par la conférence des présidents devront être raisonnables, ne grevant pas la qualité de nos débats. Cependant, dans le souci de garantir le pluralisme – comme s'y est engagé solennellement par courrier le président de l'Assemblée nationale, l'été dernier –, il faut aussi que chaque président de groupe parlementaire puisse, une fois par session, s'opposer à l'application de ce temps programmé, afin d'approfondir des débats qu'il juge essentiels et demander un temps de discussion plus étendu. Si tel n'était pas le cas, la réforme constitutionnelle serait dévoyée, et le groupe Nouveau Centre ne pourrait que désapprouver le projet de modification du règlement intérieur.

Sur ce point comme sur bien d'autres, nous considérons qu'il faut en rester aux points d'équilibre qui ont été recherchés – et dans une large mesure trouvés – par le président de l'Assemblée dont c'est le rôle. Nous pourrons ainsi garantir le respect de la parole donnée, et rétablir la confiance dont Jean-François Copé parlait il y a quelques instants.

Les mesures proposées par le président de notre assemblée permettaient de voir s'esquisser un compromis viable et durable, sous toutes les majorités successives. En plus des points précédemment évoqués, je cite aussi l'absence de décompte du temps de parole des présidents de groupe, une garantie utile que notre groupe estime hors de question de remettre en cause.

La réforme du règlement offre aussi à notre assemblée l'occasion de mettre fin à la démarche tâtonnante qui était la sienne, au cours de ces dernières années, en matière d'évaluation et de contrôle.

Chers collègues, que n'avons-nous pas entendu sur la nécessité de contrôle de l'action du Gouvernement par le Parlement ! Certes, la multiplication des délégations et des offices parlementaires a permis l'émergence de quelques réussites, telles que l'office d'évaluation des choix scientifiques et technologiques ou encore les missions d'évaluation et de contrôle de la commission des finances. Cela étant, reconnaissons-le, la plupart de ces missions et tentatives de contrôle ont suscité de grandes déceptions sur tous les bancs de cette assemblée.

Alors qu'une semaine par mois de notre ordre du jour est désormais réservée en priorité aux activités de contrôle, la proposition du président Accoyer prévoit la création d'un comité dédié. Ce dernier viendra compléter l'action d'ores et déjà menée dans ce domaine par nos commissions permanentes – trop peu d'ailleurs – ainsi que par les commissions d'enquête qui doivent être élargies. Ce comité constitue donc une avancée significative dans la montée en puissance du Parlement dans ses fonctions de contrôle désormais explicitées plus clairement par l'article 24 de la Constitution.

Le futur comité de contrôle et d'évaluation des politiques publiques s'annonce comme l'un des outils privilégiés de la modernisation du travail parlementaire pour différentes raisons : sa composition sera soucieuse d'un pluralisme qui n'est pas souhaité dans d'autres secteurs ; à la différence des délégations parlementaires, il pourra s'auto-saisir ; chacun des groupes politiques pourra, de droit, obtenir la réalisation d'une évaluation, une fois par session ordinaire ; ce devrait être le cas pour la création de commissions d'enquête ou pour éviter le temps programmé.

De surcroît, ce comité rendra des avis sur les études d'impact qui seront désormais jointes par le Gouvernement aux projets de loi – mesure introduite dans notre corpus constitutionnel à l'initiative du président Warsmann. Les parlementaires pourront ainsi mieux évaluer les projets du Gouvernement et leurs conséquences.

À la faveur de cette réforme, la commission des affaires européennes de notre assemblée voit ses règles de fonctionnement considérablement rapprochées de celles des commissions permanentes. Les procédures d'adoption des résolutions européennes, notamment celles déposées en vertu de l'article 88-4 de la Constitution – c'est-à-dire portant sur les projets ou propositions d'actes juridiques de l'Union européenne –, sont aussi rénovées. L'instauration de mécanismes d'adoption tacite par la commission permanente, compétente sur le fond, devrait ainsi permettre de fluidifier considérablement la procédure d'adoption de ces résolutions.

Toutefois, nous sommes convaincus que, à l'heure ou près des deux tiers de notre législation tire ses racines de directives votées par le Parlement européen, et où l'échelon communautaire s'affirme comme le plus pertinent pour définir des réponses efficaces aux crises qui secouent le monde, notre assemblée ne fait pas suffisamment usage des possibilités qui lui sont offertes de peser, à sa mesure, sur le processus décisionnel européen. D'ailleurs, depuis le début de la présente législature, aucune résolution de ce type n'a fait l'objet d'une discussion dans notre hémicycle.

Aussi, le groupe Nouveau Centre proposera-t-il notamment de permettre à chaque groupe politique d'obtenir de droit, une fois par session ordinaire, l'inscription à l'ordre du jour de nos travaux d'une de ces résolutions. Cela nous permettrait de mieux contrôler et encadrer l'action du Gouvernement au niveau européen. Jamais le Gouvernement français n'aurait pu donner son accord à la directive dite Bolkenstein, si nous avions eu cette possibilité à l'époque : nos débats l'auraient unanimement repoussée, et le Gouvernement s'y serait opposé à Bruxelles.

En conclusion, je réaffirme que l'esprit de consensus doit prévaloir, comme si souvent par le passé lors des modifications de notre règlement. Cela est nécessaire, indispensable : un règlement partisan ne pourrait que nuire aux travaux de notre assemblée, à la volonté de réforme du Gouvernement, au bon fonctionnement de notre démocratie, donc au respect dont le Parlement devrait jouir chez nos concitoyens.

Le groupe Nouveau Centre a accompagné jusqu'ici le processus de révision constitutionnelle qui visait à un plus grand pluralisme, à créer de nouveaux droits réels pour les groupes de l'opposition comme pour ceux de la majorité, à rendre effective notre mission de contrôle de l'action gouvernementale, et à programmer sérieusement mais sans excès nos temps de débats. C'est ce que le Président de l'Assemblée nationale a tenté de traduire dans sa proposition de résolution. C'est ce que nous devons, tous ensemble, préserver.

Cependant, mon groupe ressent une inquiétude réelle en abordant ce débat, alors que d'aucuns affirment leur volonté de remettre en cause cet équilibre recherché par le président de l'Assemblée nationale, conformément à son rôle.

L'esprit du texte initial doit être respecté sur des éléments importants. D'abord, chaque groupe doit disposer d'un droit de tirage en matière de commission d'enquête, sans qu'un groupe seul puisse s'y opposer. Ensuite, le temps de parole des présidents de groupe ne doit pas être limité : ce ne sont pas eux qui vont se livrer à de l'obstruction parlementaire car ils n'en ont pas le temps quand bien même ils en auraient la volonté. Enfin, une fois par session, chaque groupe doit avoir la possibilité de refuser le temps programmé, lorsqu'il juge qu'un texte doit faire l'objet d'un débat approfondi, ce qui ne représenterait jamais que trois à quatre débats par an. En cas de déclaration d'urgence par le Gouvernement, ce temps programmé ne devrait d'ailleurs pas s'appliquer.

Si, au fil de nos débats, l'esprit du texte était détourné sur l'un de ces points souhaités par le président de l'Assemblée nationale, le groupe Nouveau Centre serait au regret de dénoncer une modification du règlement qui aboutirait à l'inverse de ce que nous avons voulu – tous les membres de la majorité, en tout cas – lorsque nous avons voté la réforme constitutionnelle.

Madame la présidente, mon groupe vous demande de vous faire son interprète auprès du président Accoyer : nous comptons sur lui pour peser de tout le poids que lui confèrent ses fonctions, afin que cette réforme soit conforme à l'esprit de notre Constitution, qu'elle favorise le pluralisme et permette à notre assemblée de moderniser ses débats tout en respectant les droits de chaque député élu par le peuple. Nous comptons également sur lui pour que l'équilibre entre le Sénat et l'Assemblée ne soit pas modifié à l'occasion de l'instauration du temps programmé.

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