La séance est ouverte.
(La séance est ouverte à neuf heures trente.)
L'ordre du jour appelle la suite de la discussion, après engagement de la procédure accélérée, de la proposition de loi de MM. Gérard Cherpion, Bernard Perrut, Jean-Charles Taugourdeau et plusieurs de leurs collègues pour le développement de l'alternance, la sécurisation des parcours professionnels et le partage de la valeur ajoutée (nos 3369, 3519 et 3512).
J'ai reçu de M. Yves Cochet et des membres du groupe de la Gauche démocrate et républicaine une motion de renvoi en commission déposée en application de l'article 91, alinéa 6, du règlement.
La parole est à M. Roland Muzeau.
Madame la présidente, madame la ministre chargée de l'apprentissage et de la formation professionnelle, mes chers collègues, la proposition de loi dont nous entamons l'examen aborde indiscutablement des sujets importants. L'insertion des jeunes dans l'emploi, la sécurisation du parcours professionnel de chacun, la répartition des richesses comme la juste rémunération du travail restent effectivement prioritaires pour une majorité de nos concitoyens, victimes exaspérées de la crise, et pour toutes celles et ceux vivant l'appauvrissement et la peur du déclassement.
Le problème est que, une fois de plus, confondant vitesse et précipitation, imposant à tous – partenaires sociaux comme parlementaires – un calendrier intenable, papillonnant plus qu'agissant, la majorité, réduite à relayer le message présidentiel, prescrit des mesures « légères », selon le terme même du rapporteur de la commission des affaires économiques.
Au-delà de la méthode, avec laquelle nous ne sommes pas d'accord, nous jugeons, sur le fond, que les réponses apportées par ce texte sont largement inadéquates et inefficaces, voire contreproductives. C'est le sens de la présente motion de renvoi en commission.
Sur le front de l'emploi, du chômage des jeunes, mais aussi sur celui du pouvoir d'achat et des salaires, pour ne citer que ces exemples, le Gouvernement a échoué. Ces derniers mois, vous affichez la performance d'une baisse du nombre de demandeurs d'emploi inscrits à Pôle emploi. Fin avril, demeure le chiffre officiel de 2,67 millions de personnes n'exerçant aucune activité en France métropolitaine. Il n'en reste pas moins que l'on compte 700 000 chômeurs de plus qu'avant la crise.
Cette très légère décrue statistique globale peine néanmoins à masquer la réalité de la flambée de la précarité, l'enracinement du sous-emploi et la hausse du chômage à temps partiel. Le nombre de demandeurs d'emploi ayant travaillé moins de 78 heures dans le mois a augmenté de 0,9 % en un mois et de 5 % en un an.
Pour le sociologue Robert Castel, que j'ai déjà eu l'occasion de citer la nuit dernière, « il ne faut plus considérer la précarité comme une marge mais plutôt se demander si son expansion n'est pas en train d'opérer une reconfiguration profonde du monde du travail dans le sens de sa fragmentation ». Les logiques structurant toutes les réformes de ces dernières années, qui visent à casser les droits sociaux, sont la cause même de ce mouvement. L'auteur poursuit : « cette expansion de la précarité est actuellement supportée par une offensive politique menée à partir des plus hauts sommets de l'État au nom du “travailler plus pour gagner plus” et d'une survalorisation du travail qui conduit paradoxalement à sa dégradation. » Cette analyse me semble fort juste. « S'il faut absolument travailler, écrit-il encore, il ne faut pas être trop regardant sur ce que travailler veut dire, en particulier en matière de rémunération du travail, de droit du travail, de protections attachées au travail. »
Ce prix à payer n'est pas sans inquiéter, tant ses conséquences sont majeures, sur les jeunes notamment. Plus de la moitié des moins de 25 ans travaillent sous forme de contrats précaires et alternent périodes de chômage et de précarité au début de leur vie. Des années durant ils traîneront cette insécurité, ainsi que ses répercussions en termes de progression salariale, de déroulement de carrière et de droits à la retraite.
Certes, et vous ne manquerez pas de le dire, les plus jeunes des demandeurs d'emploi bénéficient de cet infime recul du chômage et la situation de la jeunesse française n'est pas comparable à celle des « indignés » espagnols. Toujours est-il que, dans l'hexagone, près d'un quart des jeunes est sans emploi. Le taux de chômage les concernant reste plus de deux fois supérieur à celui des adultes. Avec un taux de 23,2 % en 2011 pour la tranche d'âge des 15-24 ans, la France se situe largement au-dessus de la moyenne européenne, qui est de 20,6 %, sans compter les différences liées au genre et l'envolée en un an du taux de chômage des jeunes femmes, qui culmine à 25 %, selon l'indice INSEE pour le premier trimestre 2011 – un niveau non atteint depuis 1997 et dépassé seulement cinq fois depuis 1975.
Ne négligeons pas non plus le fait que nous nous situons au-dessus de la moyenne des pays de l'OCDE – qui est à 11% – s'agissant de la proportion des jeunes de 15-24 ans n'étant ni dans le système éducatif, ni en emploi, ni en formation : 13,1 % de cette tranche d'âge sont laissés pour compte.
Les inégalités criantes entre les générations, objet de travaux – ceux de Louis Chauvel notamment –, ignorées par ce gouvernement, marquent le destin professionnel et personnel des jeunes. Ils sont 21 % à vivre sous le seuil de pauvreté, contre 11 % pour la moyenne des Français. L'écart entre le salaire perçu par un trentenaire en CDI et un salarié quinquagénaire est passé de 15 % en 1980 à 50 % aujourd'hui. Les données relatives à l'accès au logement et à la santé sont aussi peu réjouissantes.
Visibles, les résultats de vos politiques fissurant la cohésion de notre société et renforçant le clivage entre ceux qui sont dedans – les gagnants – et ceux qui sont dehors – les perdants – n'en sont pas moins insupportables et difficilement justifiables auprès de Français qui avaient pourtant, pour un certain nombre d'entre eux, fait confiance à l'UMP.
L'écart entre le 1 % de nos concitoyens les plus riches et le 1 % des plus pauvres s'est substantiellement creusé. Le taux de pauvreté, stable autour de 13 % de 1997 à 2007, a recommencé à se dégrader. Le patrimoine des 10 % des plus gros détenteurs représente 400 fois celui des 10 % de nos concitoyens les plus modestes. L'écart de un à trois pour les revenus est désormais de un à 400 pour le patrimoine. En cause, vos choix fiscaux totalement injustes et inefficaces consistant à taxer deux fois plus les revenus du travail que ceux du patrimoine.
À un an d'une échéance électorale majeure, des signaux devaient être envoyés. Le Gouvernement vient de renoncer à son emblématique bouclier fiscal – 700 millions d'euros – pour mieux alléger l'ISF – 1,8 milliard – et concéder un énième super cadeau à 600 000 contribuables parmi les plus fortunés. Ce n'est pas avec de tels tours de passe-passe, sans effet sur la correction des inégalités, que vous redonnerez du crédit à l'action politique et que vous rendrez votre politique acceptable par l'opinion.
Pour calmer les esprits, contenir la colère profonde et légitime de la grande majorité de nos concitoyens qui voient leur pouvoir d'achat baisser sous le poids de l'augmentation des dépenses contraintes, leurs salaires stagner là où ceux des grands patrons s'expriment en millions d'années de SMIC, leurs emplois supprimés ou délocalisés, l'investissement contraint pour augmenter les profits et les dividendes versés aux dirigeants, il faudra plus que la très médiatique prime sur les dividendes, qui a d'ailleurs donné lieu à des débats intéressants.
Encore un bel exemple d'arnaque que cette mesure d'affichage d'action sans obligation de résultats, sortie du chapeau du Président de la République !
Personne ne croit que la petite obligation – faite aux seules entreprises d'au moins 50 salariés ayant versé à leurs associés des dividendes dont le montant par action est en hausse sur les deux exercices précédents – de négocier les modalités de fixation de la prime, laquelle n'aurait pas de plancher minimal et pourrait être unilatéralement décidée par l'employeur, soit effectivement de nature à répondre à l'objectif d'un meilleur partage de la valeur ajoutée.
Réservée aux grands groupes – les PME, qui emploient 2,3 millions de salariés, n'étant pas concernées –, elle n'inversera pas une tendance lourde, confirmée même pendant la crise, à savoir le siphonnage par les actionnaires des trois quarts des profits réalisés. Elle ne freinera en rien les revenus indécents que s'attribuent les grands patrons du CAC 40 : 102,5 millions de rémunérations directes empochées en 2010 par ce club très fermé, soit l'équivalent de l'allocation annuelle perçue par 18 300 personnes bénéficiant du RSA ; 9 000 euros de salaire journalier – rendez-vous compte ! – pour le PDG de PSA, qui par ailleurs veut fermer des usines.
Pour preuve, seuls vingt-cinq grands groupes cotés au CAC 40 entrent dans les critères restrictifs du versement de la prime en 2011. On a beaucoup dit qu'un géant comme Total, qui a pourtant engrangé l'an dernier 10 milliards de bénéfices net, échapperait à cette prime relevant de l'aumône, sauvé par la décision de son conseil d'administration de maintenir d'une année sur l'autre le montant des dividendes par action.
Cette mesurette, au régime minceur depuis son annonce – elle a vu fondre le nombre de salariés potentiellement concernés, passé de 8 à 4 millions, voire maintenant à peine 1 million, soit une minorité – dont le montant est bien hypothétique – on parle de 700 euros – et largement inéquitable ne résoudra pas le problème de pouvoir d'achat des Français.
Certains employeurs pourraient en revanche avoir tout à gagner de certains de ses effets d'aubaine, qui encouragent la substitution de cette forme de rémunération exemptée de cotisations sociales à toute hausse de salaires, avec pour effet de comprimer les grilles de salaires vers le bas. Ce risque est dénoncé par exemple par les salariés d'IBM en grève, dont les salaires minimaux sont, sachons-le, en dessous des minima de la convention collective de référence.
Si cette mesure fait l'unanimité contre elle, les syndicats de salariés lui reprochent surtout d'appauvrir les comptes sociaux.
La proposition de loi de nos collègues de l'UMP, qui vise aussi à créer un nouveau contrat de sécurisation professionnelle, rendue indispensable en raison de l'échéance du terme de l'expérimentation du contrat de transition professionnelle, est avantageusement présentée comme un bel exemple de coproduction législative. Pour nous, elle est avant tout la confirmation de l'instrumentalisation des initiatives parlementaires…
…et du peu de respect de la démocratie sociale par la majorité.
En effet, ce texte a été déposé en avril, alors que l'ensemble des thèmes abordés faisaient partie des questions inscrites au programme des négociations ouvertes dans le cadre de l'agenda social 2011. D'où la volonté, unanimement exprimée par les partenaires sociaux, de pouvoir poursuivre librement les négociations et de disposer des délais nécessaires à cet effet.
Si, aujourd'hui, vous pouvez prétendre sans mentir avoir respecté formellement les dispositions du protocole de l'Assemblée nationale en consultant les organisations syndicales sur leur intention d'ouvrir des négociations sur l'alternance, la sécurisation des parcours professionnels et le partage de la valeur ajoutée, il est difficile de ne pas reconnaître que la préexistence du texte a cadré et contraint ces négociations, lesquelles se devaient d'aboutir avant le 3 juin, date fixée par le président de la commission des affaires sociales.
Résultat, pour ne prendre que l'exemple de l'accord sur l'alternance, le patronat a plus cherché avec sa proposition de texte à neutraliser la hausse du quota obligatoire d'alternants dans les entreprises de plus de 250 salariés inscrite initialement dans la proposition de loi de notre collègue Cherpion qu'à muscler réellement ses propositions sur les droits sociaux, notamment des stagiaires. La CFTC a dénoncé « une sorte d'instrumentalisation de la négociation sur ce point ». Force ouvrière a rappelé « qu'on ne négocie pas en réaction à une proposition de loi ».
Dans ces conditions, quoi de plus légitime que de s'interroger sur l'efficacité et la portée d'une telle négociation et du texte législatif, épée de Damoclès ?
Il a bien failli ne pas y avoir d'accord sur l'accès des jeunes à l'alternance et aux stages en entreprise, tant la partie patronale tenait à exonérer de contribution supplémentaire à l'apprentissage les entreprises des branches ayant conclu un accord comportant un objectif de progression du nombre de contrats en alternance. Ce point de blocage a pu être levé in extremis au prix d'un compromis qui est loin d'être équilibré.
Si l'engagement d'augmenter de 10 % le nombre d'alternants dans les branches a été retenu, l'accord permet surtout aux grandes entreprises peu vertueuses de la branche d'éviter la sanction de la loi, en leur assurant une exonération des majorations de la taxe d'apprentissage. Cela a conduit la CGT à déclarer que « les seules propositions concrètes du texte visent à diminuer les contraintes des employeurs ». Le patronat a souligné que « l'accord formait un tout cohérent ». Que va faire le Gouvernement sur ce point ? Va-t-il intégralement agréer cet accord ? Nous le verrons à l'issue de nos débats.
Très loin de soulever l'enthousiasme, y compris chez les organisations syndicales signataires, cet accord « inscrit dans la politique des petits pas » pour la CFTC, qualifié de « blabla » par Force ouvrière, ne garantit ni le développement qualitatif de l'alternance ni la moralisation des stages puisqu'il se contente de reprendre les principes généraux qui gouvernent déjà ces pratiques – gratification, intégration dans un cursus pédagogique –, principes posés depuis la loi Borloo sans qu'un terme ait été mis aux abus.
Les articles du titre Ier de la PPL consacrés à l'encadrement des stages transcrivant fidèlement cet accord apportent peu à la législation existante, si ce n'est le respect d'un délai de carence entre l'accueil de deux stagiaires sur un même poste. Nous regrettons vivement l'absence de progrès concernant la gratification et la protection sociale des stagiaires.
La portée de certains articles consacrés à l'alternance nous inquiète. Il en est ainsi de la possibilité pour les saisonniers de conclure deux contrats d'apprentissage avec deux employeurs différents ; de la possibilité offerte aux employeurs de s'offrir des CDD pouvant aller jusqu'à quatre ans, rémunérés en dessous des minima conventionnels en cas de renouvellement de contrat de professionnalisation ; du seul contrôle de la validité d'enregistrement des contrats d'apprentissage par les chambres consulaires, gérées par les employeurs. Ces points feront l'objet d'amendements de notre part, en plus de nos propositions visant à améliorer la rémunération des apprentis, à leur ouvrir des droits sociaux pleins à la retraite.
Votre précipitation à légiférer, l'urgence déclarée sur ce texte par le Gouvernement vous conduit aujourd'hui à nous présenter un texte léger, et nous prive d'une vision cohérente sur vos objectifs réels pour développer l'alternance, nombre de dispositions réglementaires étant de surcroît en attente de publication.
Il est préjudiciable que nous n'ayons pu débattre au fond de la question de l'apprentissage, des voies et moyens pour reconnaître toute sa valeur à l'intelligence de la main. Interpellé sur ce manque en commission des affaires économiques, le rapporteur pour avis a reconnu être conscient de la nécessité d'une loi sur l'apprentissage mais avoir été empêché, faute de temps, d'organiser un débat approfondi. Le temps manque pour notre jeunesse alors que l'on multiplie les textes législatifs sur la sécurité, l'immigration.
Peut-être souhaitiez-vous aussi éviter de parler de la première des conditions pour l'emploi des jeunes, pour la sécurisation de leur parcours de vie, je veux parler de l'école, de l'accès des élèves et des étudiants à l'éducation, à une formation initiale de base la plus large possible. Tant il est vrai qu'en maltraitant comme vous le faites le service public de l'éducation, de l'orientation…
Oh !
…vous obérez toutes leurs chances via l'école de percer le plafond de verre qui grippe l'ascenseur social.
Le désordre de votre méthode déprécie la qualité de notre travail législatif. La présente PPL à « l'architecture baroque », selon le qualificatif employé par le rapporteur pour avis, se trouvait amputée avant même son examen en commission de deux de ses dispositions : l'article 6 renforçant les obligations d'embauche en alternance des grandes entreprises, instituant un système de bonus malus sur la contribution supplémentaire à l'apprentissage, clé du financement des objectifs avancés, a été renvoyé en loi de finances rectificative et voté ce week-end ; l'article 13 appelant au dialogue dans l'entreprise sur le partage de la valeur ajoutée a lui aussi été supprimé, la prime votée en loi de financement de la sécurité sociale rectificative lui enlevant toute utilité.
Restent les dispositions relatives à l'alternance, auxquelles je ne reviens pas, celles sur le contrat de sécurisation professionnelle, et celles enfin, beaucoup moins light, sur les groupements d'employeurs.
Alors que la loi se contente de donner une base légale au contrat de sécurisation professionnelle issu de la fusion de la convention de reclassement personnalisé et du contrat de transition professionnelle, permettez-moi de regretter cette transcription sans ambition de l'accord intervenu entre les partenaires sociaux.
Il y avait pourtant matière à discuter suite au bilan des deux dispositifs pour le moins décevant dressé par la Cour des comptes, critiquant le nombre de bénéficiaires limités, l'efficacité en termes de retour à l'emploi, le manque d'équité de dispositifs ne touchant pas forcément les chômeurs en ayant le plus besoin.
Pourquoi, par exemple, avoir retenu une condition d'ancienneté pour le bénéfice du contrat de sécurisation professionnelle alors qu'actuellement une telle condition n'est pas requise pour accéder au contrat de transition professionnelle ? Pourquoi avoir fermé toute possibilité d'ouvrir le dispositif à d'autres que les personnes licenciées pour un motif économique ? Les organisations syndicales tenaient beaucoup à ce que l'expérimentation prévue pour étendre ce dispositif à des publics précaires ne soit pas limitée à l'accompagnement des intéressés mais inclue également des mesures d'indemnisation. Cette idée, refusée par le MEDEF principalement pour des raisons financières, ne figure bien évidemment pas dans ce texte. En ne s'engageant qu'à hauteur d'une prise en charge d'un surcoût maximum de 50 millions d'euros par rapport aux anciens dispositifs – témoignage de la fragilité de son volontarisme en la matière –, le Gouvernement est en partie responsable de cette situation.
Il est un volet en revanche où l'UMP se montre plus offensive, où les dispositions sont véritablement normatives, celui concernant les groupements d'employeurs. Mais là l'objectif est non de sécuriser l'emploi en CDI à temps complet des salariés, de leur offrir des emplois stables, mais bien de répondre aux besoins de main-d'oeuvre intermittente souvent très qualifiée des entreprises, plus uniquement dans l'intérêt des plus petites.
Les verrous que vous faites sauter – la possibilité pour les grandes entreprises de plus de 300 salariés de recourir aux groupements d'employeurs sans passer par un accord d'entreprise, d'adhérer à plus de deux groupements d'employeurs, ou encore la possibilité ouverte aux collectivités locales de recourir à des salariés de tels groupements pour tout type de tâche – sont autant de facilités que vous consentez aux entreprises sans qu'en retour les salariés voient leur statut minimum, leurs conditions d'emploi et de rémunération s'améliorer substantiellement.
Nous verrons bien dans les débats.
Le volume des CDD signés dans ce cadre reste très important, vous ne pouvez le nier. Vous ne pouvez guère taire non plus le risque fort d'externalisation de la main-d'oeuvre pour contourner les conventions collectives ou pour tenir compte des conséquences de la RGPP dans la fonction publique.
Structurants, les articles 7 A à 10 qui reprennent les positions patronales avancées lors de la négociation sur la gestion sociale des conséquences de la crise économique sur l'emploi mais qui n'avaient pas abouti, ne peuvent en l'état être transposées législativement. Nous défendrons leur suppression. Un nouveau rendez-vous a d'ores et déjà été pris entre les partenaires sociaux à ce sujet, nous proposerons de laisser se tenir la négociation.
Au final donc, de ce texte d'affichage pas grand-chose ne restera. Voilà pourquoi nous plaidons en faveur de son renvoi en commission.
La parole est à M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des affaires sociales.
Madame la présidente, madame la ministre, en réponse à cette motion défendue par M. Muzeau, je voudrais juste rappeler quelques faits qui illustreront bien sûr le travail de la commission mais, plus encore, le respect des partenaires sociaux.
J'ai appliqué à la lettre le respect du protocole du 16 février 2010 sur la consultation des partenaires sociaux : huit organisations nationales interprofessionnelles de salariés et d'employeurs ont répondu et, à leur demande, j'ai été amené à leur ouvrir un délai supplémentaire d'un mois pour négocier. Certains diront, on peut le comprendre, que ce n'est pas assez, mais c'était déjà beaucoup au regard de ce qu'est notre travail et notre temps parlementaire. D'ailleurs, cela a suffi pour que les partenaires sociaux concluent deux accords majeurs sur l'emploi des jeunes et sur le contrat de sécurisation professionnelle. Ce dernier a même été signé à l'unanimité des huit organisations, monsieur Muzeau.
Quant à notre rapporteur, il a effectué plus de soixante auditions, à Paris et à Épinal. Et lors de ses deux séances, la commission des affaires sociales, qui a examiné soixante-seize amendements, en a adopté soixante. Lors de sa séance tenue en vertu de l'article 88, la commission a de nouveau examiné quatre-vingts amendements, dont vingt et un ont été acceptés, parmi lesquels deux du groupe SRC et un du groupe GDR.
Je crois que le travail qui a été effectué en commission, en concertation avec les partenaires sociaux, est assez exemplaire. Il n'y a donc vraiment pas lieu de renvoyer le texte en commission.
J'ajoute que des réponses positives à certaines critiques et suggestions que vous avez faites pourront être apportées au cours de l'examen des articles.
Voilà quelques éléments qui me conduisent à demander à l'Assemblée de ne pas renvoyer le texte en commission.
La parole est à Mme Nadine Morano, ministre chargée de l'apprentissage et de la formation professionnelle.
Monsieur Muzeau, je suis d'accord avec vous sur le constat que vous avez dressé : le nombre de demandeurs d'emploi chez les jeunes a régressé de 7,1 % en un an – merci de le reconnaître.
Vous avez dit que le temps manquait pour notre jeunesse et, dans le même temps, vous nous reprochez de légiférer trop rapidement. Je vous invite à faire preuve d'un peu plus de cohérence.
Nous pensons pour notre part qu'il y a urgence à permettre aux jeunes d'entrer plus facilement sur le marché de l'emploi. Ce texte, qui est la traduction de l'engagement du Président de la République à Bobigny le 1er mars, doit justement nous permettre, grâce à la rapidité de Gérard Cherpion, de transcrire dans notre droit des mesures de simplification, des mesures pragmatiques et surtout extrêmement attendues.
J'ajoute pour terminer qu'il était important pour nous que ce texte fasse l'objet de discussions avec les partenaires sociaux – cela a été le cas – et d'un engagement de tous au service des jeunes. Je vous invite donc à nous suivre dans notre volonté de permettre aux jeunes d'entrer plus rapidement sur le marché de l'emploi durable.
J'avoue avoir été quelque peu choqué, monsieur Muzeau, de vous entendre parler de mesures contreproductives, ...
…alors que cette proposition de loi a justement pour but de renforcer l'apprentissage – 800 000 apprentis, ce n'est pas rien –, de créer un contrat de sécurisation professionnelle et de développer les groupements d'employeurs.
Vous avez également dit que cette PPL dépréciait le travail législatif. L'important travail effectué par notre collègue Gérard Cherpion et la commission, ainsi que les auditions, prouvent le contraire.
Comment pouvez-vous ignorer également le travail des partenaires sociaux, que Pierre Méhaignerie a rappelé il y a un instant. Je ne citerai que l'un des accords, celui du 7 avril 2011, qui concerne l'offre d'accompagnement pour 90 000 jeunes, dont 20 000 décrocheurs.
Ensuite, vous avez évoqué l'emploi. Ignorez-vous que le marché de l'emploi s'améliore dans notre pays ? La baisse sur les quatre premiers mois consécutifs de l'année est encourageante et si les indicateurs passent au vert, ce n'est pas le fruit du hasard ou un effet d'aubaine, c'est parce que des mesures ont été prises par le Gouvernement. Oui, la croissance revient dans notre pays et s'accélère, les exportations s'améliorent, la production manufacturière connaît aujourd'hui une hausse inédite. Oui, nous allons dans le bon sens alors que vos propos voudraient nous maintenir dans un climat pessimiste, comme si nous ne prenions pas les mesures qui s'imposent. C'est la raison pour laquelle nous repousserons le vote que vous nous proposez. Il n'est pas question de revenir en commission pour reprendre un texte qui a été largement débattu et sur lequel nous avons accepté des amendements, hier encore, qui venaient aussi des rangs de la gauche. Ce débat en faveur de l'emploi est ouvert, et il est pragmatique. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Je voudrais vous expliquer brièvement pourquoi le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche votera la motion de renvoi en commission présentée par notre collègue Roland Muzeau.
Comme il l'a dit, ce texte a beaucoup évolué en commission ; son architecture baroque, pour reprendre son expression, aurait sans doute mérité d'être enrichie, amendée, et il aurait fallu le muscler davantage que n'a pu le faire le rapporteur. En effet, les réponses qu'il propose aux enjeux que sont l'emploi, et en particulier l'emploi des jeunes, sont insuffisantes, voire inefficaces.
Il y a dans notre pays 700 000 chômeurs de plus depuis le début de la crise. Certes, madame la ministre, le chômage des jeunes a sans doute diminué de 7 % en un an, mais il a augmenté de 30 % en trois ans ! On est donc encore très loin du compte.
Le chômage, la précarité et la pauvreté auraient donc nécessité une thérapie de choc – autant de domaines pour lesquels les indicateurs sont au rouge. Notre groupe souhaitait compléter ce texte, notamment par les emplois d'avenir, des mesures contre le décrochage scolaire, la lutte contre les discriminations, le CV anonyme ou les contrats aidés. Mais les remèdes retenus sont homéopathiques.
Les avancées que comporte le texte sont pour l'essentiel issues des négociations entre les partenaires sociaux, comme le contrat de sécurisation professionnelle, qui pérennise des dispositifs déjà existants. Les mesures d'encadrement des stages pour les jeunes sont une bonne chose, mais l'on regrette qu'il ait fallu attendre dix ans pour que vous vous en saisissiez. En matière de stages, en effet, il est grand temps désormais, au-delà des positions de principe, de passer aux travaux pratiques pour sanctionner les abus.
Enfin, ce texte de loi comporte quelques dangers. Sous couvert de flexisécurité, il accroît la flexibilité et la précarité, au détriment des salariés. Nous voterons donc pour la motion de renvoi en commission.
Gérard Cherpion a fait, avec la commission, un excellent travail, et ce texte qui n'est pas sorti de nulle part, ne justifie pas la défiance dont il fait l'objet.
Le Nouveau Centre rejettera donc évidemment cette motion de renvoi en commission, d'abord parce que cette proposition ne fait qu'inscrire dans la loi les accords de sécurisation professionnelle, ensuite parce que l'apprentissage a besoin d'un nouveau souffle.
Les reproches adressés aux groupements d'employeurs et à leurs effets négatifs sur le code du travail et l'emploi des jeunes ne me paraissent pas fondés. Au contraire, il s'agit de faire sauter des verrous, pour permettre de développer l'apprentissage. Comme toujours, la gauche caricature les projets présentés dans cet hémicycle.
(La motion de renvoi en commission, mise aux voix, n'est pas adoptée.)
Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, en 2008, dans notre pays, le taux de chômage était passé sous la barre des 7,5 %, le niveau le plus bas depuis 25 ans, et la France repartait vers le plein emploi ; mais la crise mondiale a brutalement changé la donne. La France a certes été moins touchée que les autres pays, mais elle n'a pas été épargnée par la plus importante crise financière, monétaire, économique et sociale des quatre-vingts dernières années.
La réaction immédiate du Président de la République, la stratégie économique retenue et les actions du Gouvernement, soutenu par notre majorité, ont, faut-il le rappeler, porté leurs fruits : les banques ont été sauvées pour protéger l'épargne des Français ; trois millions d'emplois ont été créés ou préservés, grâce la mesure « zéro charge » qui a entraîné 1,2 million d'embauches dans les TPE, au recours au chômage partiel, qui a protégé 530 000 salariés, à la montée en charge des contrats aidés ou encore grâce à la prime à la casse, qui a soutenu le secteur automobile et ses quelque 400 000 emplois directs.
On pourrait encore évoquer le sauvetage de 30 000 entreprises, grâce à la mobilisation de 18,5 milliards d'euros en faveur des entreprises en difficulté, ou la relance par l'investissement, avec les 39 milliards du plan de relance et les 35 milliards du grand emprunt, qui ont donné de l'activité à des milliers de salariés, tout en préparant la France du xxie siècle et les emplois de demain.
Aujourd'hui, les indicateurs passent au vert : la croissance revient, la reprise s'accélère et la France devrait tenir son objectif de 2 % – voire plus – de croissance pour 2011. Les dépenses d'investissement sont en hausse, les exportations s'accélèrent, la production manufacturière enregistre une hausse inédite depuis trente ans ; bref, ces chiffres ne sont ni le fruit du hasard ni un effet d'aubaine.
Cette reprise de l'activité s'est directement traduite par une baisse du chômage, puisque la France a enregistré pour le quatrième mois consécutif une baisse du nombre de demandeurs d'emploi : 53 400 chômeurs en moins sur les quatre premiers mois de 2011 et autant de familles qui ont repris espoir ! Certes, c'est insuffisant, me rétorquera-t-on sur certains bancs, mais c'est un premier pas et nous allons continuer.
Les jeunes bénéficient eux aussi de cette reprise, avec une baisse de l'ordre de 7 % sur un an du nombre de jeunes inscrits à Pôle emploi. Mais il y a encore beaucoup à faire, et c'est pourquoi cette proposition de loi dont Gérard Cherpion est le rapporteur est importante, car il est crucial de renforcer les mesures destinées à aider les jeunes. Oui, il faut les aider à assurer une transition réussie de l'école vers le monde du travail et à prendre un bon départ dans leur carrière professionnelle.
La question de l'insertion des jeunes sur le marché du travail est d'autant plus préoccupante que leur situation est comparativement moins bonne en France que dans de nombreux pays européens. Regardons ce qui se passe en Allemagne, où trois fois plus de jeunes sont en apprentissage. Autre culture, autres résultats, me direz-vous, mais pourquoi ne ferions-nous pas aussi bien que nos voisins ?
Notre système d'orientation n'est il pas à revoir ? Certains articles de ce texte vont dans le bon sens, lorsqu'ils parlent de découverte des métiers et des formation professionnelles, ou lorsque, avec pragmatisme, ils assouplissent les conditions d'âge pour l'entrée en apprentissage.
Voila pourquoi le Président de la République a annoncé un plan de mobilisation pour l'emploi, le 1er mars, avec pour objectif de développer l'alternance avec 800 000 contrats d'ici à 2015, et la mise en oeuvre de dispositions qui permettront cette évolution : la mise en place d'un soutien aux PME qui s'engagent dans l'alternance, l'augmentation de l'offre en CFA, la simplification des procédures, l'instauration d'un système de bonus-malus et le relèvement du quota d'alternants porté à 4 % au lieu de 3 %.
Plusieurs de ces mesures trouvent déjà une solution réglementaire, avec des décrets – déjà pris ou à venir – concernant les aides aux entreprises, la réduction de l'ancienneté pour les maîtres d'apprentissage ou la part de la taxe d'apprentissage affectée réellement à ce but.
Je ne saurais oublier les partenaires sociaux, qui ont engagé, le 8 février 2011, une négociation sur l'emploi des jeunes, laquelle a déjà abouti à trois accords, notamment celui du 7 avril 2011, qui concerne l'offre d'accompagnement individuelle, renforcée pour 90 000 jeunes, dont 20 000 décrocheurs.
Nous savons que l'alternance est surtout développée dans les petites structures, puisque 80 % des apprentis se forment dans des entreprises de moins de cinquante salariés. Il y a donc des marges de manoeuvre lorsqu'on connaît le très faible taux d'alternants dans les entreprises de plus de 250 salariés.
Un tel sujet suscite en tout cas de vraies questions de fond. Notre système de formation ne fait-il pas la part trop belle à la théorie ? Nos entreprises sont réticentes à recruter des jeunes sans expérience professionnelle et, de leur côté, les jeunes peinent à acquérir cette expérience faute de pouvoir accéder au monde de l'entreprise. Il faut donc agir et réagir.
Disons le clairement : l'alternance est une bonne réponse pour sortir de ce cercle vicieux. Pour le jeune, c'est l'assurance d'accéder à une formation débouchant sur un diplôme, d'acquérir une expérience et de bénéficier d'une rémunération ; pour l'entreprise, c'est la possibilité de former elle-même des salariés à ses métiers et aux compétences qui lui sont nécessaires ; pour la collectivité enfin, c'est un taux élevé d'insertion dans l'emploi à l'issue de la formation : plus de 70 % pour l'apprentissage, contre 50 % pour les formations classiques.
Cette proposition de loi a pour but de reconnaître et de valoriser l'apprenti, de lui donner un véritable statut en améliorant ses conditions de vie, pour qu'il accède aux mêmes avantages que les étudiants : juste reconnaissance. Il bénéficiera ainsi d'une carte portant la mention « étudiant des métiers ».
Nous voulons faciliter la prise de contact entre alternants et employeurs, et le service dématérialisé gratuit, véritable portail de l'alternance, va aussi permettre à l'employeur de développer les démarches de saisie en ligne, notamment pour la paie.
Pour favoriser l'apprentissage dans les domaines où l'activité est saisonnière, comme le tourisme, il est proposé que deux employeurs distincts puissent s'associer dans l'organisation d'un apprentissage – c'est une évolution nécessaire.
Mais de grâce, mes chers collègues, ne considérons jamais l'apprentissage comme une voie alternative en cas d'échec scolaire ; ce n'est pas un choix de formation par défaut, mais un véritable choix des compétences et des talents !
Pour faire évoluer le nombre d'apprentis, il faudra que le maximum d'entreprises de toutes tailles s'investissent. Je voudrais ici rendre hommage à tous nos responsables d'entreprises artisanales, mobilisés depuis longtemps pour la formation des jeunes, comme aux formateurs qui les accompagnent. Je pense à ce CFA de ma circonscription qui accueille trois cents jeunes dans plusieurs filières telles l'automobile, la coiffure, la logistique. Quelle satisfaction de voir que, dans le cadre de la mobilité européenne des jeunes apprentis, des échanges ont été mis en place avec la Catalogne ou la Lombardie ! Je soutiens la volonté de ce centre d'obtenir un label pour l'accueil des personnes handicapées.
Que tous ces employeurs et formateurs rencontrés sur nos territoires soient des exemples pour ceux qui les rejoindront demain. Dans cette perspective, vous avez mobilisé récemment, madame la ministre, les fédérations professionnelles représentant des métiers d'avenir, particulièrement porteurs en termes d'emplois. Une contractualisation permettra, secteur par secteur, de définir des objectifs chiffrés. La mobilisation doit en effet concerner ces secteurs d'avenir. Rappelons ici que l'alternance concerne tous les niveaux de formation, du CAP aux diplômes de l'enseignement supérieur.
L'objectif quantitatif est une chose, mais je veux également insister sur les engagements qualitatifs, qui dessinent un ensemble très cohérent de mesures de nature à permettre le développement de l'alternance. Je mentionnerai l'accueil des publics handicapés ; la formation des enseignants, des tuteurs et des maîtres d'apprentissage ; la création de nouveaux centres de formation répartis sur le territoire.
Nous pourrions aussi évoquer le financement de l'apprentissage, quand on sait que l'artisanat, qui forme plus de 30 % des apprentis, ne perçoit que 3 % de la taxe d'apprentissage !
J'aimerais connaître, compte tenu de leurs compétences en matière de formation, l'engagement des régions dans le cadre des contrats d'objectifs et de moyens, dans lesquelles elle sont censées investir à parité avec l'État – vous avez parlé hier, madame la ministre, de 1,7 milliard d'euros –, pour créer de nouvelles places de formation.
Je voudrais enfin vous dire, madame la ministre, que le développement de l'apprentissage va aussi bénéficier aux jeunes les plus éloignés de l'emploi, si nos missions locales s'engagent, comme je le leur ai demandé, à conduire en 2011 50 000 jeunes vers l'apprentissage : objectif ambitieux certes, mais qui repose sur leur expérience en matière d'accompagnement individualisé et renforcé.
Ce texte, au-delà l'apprentissage, concerne aussi le contrat de sécurisation professionnelle et les groupements d'employeurs. Gérard Cherpion et Jean-Charles Taugourdeau ont plus spécialement développé ces points en tant que rapporteurs de nos commissions ; je les en félicite.
Je n'y reviendrai pas, même si je juge essentielles ces deux évolutions, l'une permettant de mieux sécuriser le parcours professionnel tout au long de la vie, en fusionnant les deux dispositifs actuels ; l'autre, parce qu'elle permet de favoriser le développement des groupements d'employeurs et d'offrir des emplois à durée indéterminée à temps plein.
Je voudrais conclure en évoquant le besoin d'un nouveau partenariat entre l'entreprise et les salariés, et d'une stratégie pour nos entreprises.
Oui, il faut inciter les entreprises à mieux partager la réussite, la richesse créée, avec tous les salariés. Tel était le sens de notre article 13 et telle est a été la volonté de notre majorité qui a adopté lors de la loi de financement rectificative de la sécurité sociale des mesures marquant une évolution significative en faveur des salariés.
Mais encore faut-il aider les entreprises à grandir, à se développer, à créer de la richesse. Nous avons besoin de PME conquérantes, de viviers d'emplois, et nous ferons aussi dans les semaines et les mois qui viennent des propositions visant à remettre l'innovation, l'investissement, l'exportation, le management au coeur de notre stratégie.
Nous ne sortons pas d'une crise, nous changeons d'époque, et nous devons constituer un nouveau modèle de société où tous les talents, toutes les compétences, trouvent leur place et soient reconnus. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Dans le texte qui nous est présenté, je m'attarderai uniquement sur le titre II relatif aux groupements d'employeurs.
Sur la forme, ce texte veut forcer la main aux partenaires sociaux qui avaient déjà prévu de se voir le 14 juin . Ils ont d'ailleurs décidé, à l'issue de cette rencontre, de se réunir à nouveau le 23 juin et de demander de différer l'examen du titre II afin de vraiment faire vivre le dialogue social.
Sur le fond, sous couvert d'un objectif de développement des groupements d'employeurs, le texte les déséquilibre en renforçant la flexibilité au bénéfice des entreprises et aux dépens de la protection des salariés. Vous ne rendez pas service aux groupements d'employeurs, dont les objectifs initiaux sont très recevables.
En premier lieu, les groupements d'employeurs permettent à des petites entreprises et à des PME de se doter de compétences qu'elles ne peuvent mobiliser seules par une embauche directe à temps plein, en raison de la saisonnalité de l'activité ou de la charge de travail incomplète pour la compétence recherchée. Depuis plusieurs décennies, des employeurs et des organisations syndicales ont inventé cette possibilité de partager des compétences et des disponibilités entre plusieurs entreprises de la même branche ou du même territoire. C'est un plus pour le développement des TPE et PME et la montée en compétences dans des entreprises qui ne peuvent les mobiliser seules.
Du côté du salarié, le groupement d'employeurs permet d'offrir un temps complet ou un temps partiel choisi dans un cadre sécurisé puisque le salarié n'a qu'un employeur, le groupement, et donc un seul contrat de travail relevant d'une seule convention collective, celle du groupement. La logique de ce dispositif tend bien entendu à ce qu'au-delà de la période d'essai prévue dans le code du travail, le salarié et l'employeur signent un contrat à durée indéterminée. Il est utile de le rappeler.
Certes, des difficultés d'application peuvent naître et il existe des dérives dans des groupements d'employeurs qui recourent abusivement au CDD pour un nombre important de leurs salariés.
La coresponsabilité des entreprises membres du groupement à l'égard des salariés et des organismes sociaux en cas de défaillance d'une des entreprises membres mérite sûrement des précisions, mais ne faudrait-il pas aller dans le sens d'une reconnaissance du groupement comme créancier privilégié puisque sa seule activité est celle d'employeur – en cas de défaillance le paiement des salaires et des cotisations sociales est privilégié. Ou alors pourrait être créé un système d'assurance mutuelle obligatoire pour les groupements d'employeurs, plutôt que d'inventer une modulation de la solidarité interne au groupement qui peut créer des conflits entre les entreprises et des désagréments graves pour les salariés.
Par ailleurs, la place des collectivités locales dans les groupements d'employeurs pose question quant au statut de personnes durablement utilisées par une collectivité pour des tâches habituelles.
Tout aussi délicate est la position du maire ou du président de collectivité participant à la gestion d'un groupement d'employeurs : s'agit-il de gestion de fait d'un service rendu à la collectivité ? Le groupement d'employeurs est-il considéré comme un prestataire, nécessitant donc une mise en concurrence pour la mise à disposition de main d'oeuvre ?
D'autre part, comment assurer la coresponsabilité de la collectivité avec un membre défaillant du groupement, par définition entreprise privée ?
Ne vaudrait-il pas mieux organiser des coopérations entre les centres de gestion chargés de gérer des salariés pour le compte des collectivités et les groupements d'employeurs, plutôt qu'impliquer directement des collectivités dans les groupements ? Ne faut-il pas étudier les modalités permettant aux centres de gestion d'adhérer aux groupements d'employeurs afin d'éviter les écueils que je viens de souligner ? Cela mériterait en tout cas de prendre le temps de mener des expertises plus approfondies et d'aller au bout du dialogue social – c'était d'ailleurs l'une des raisons de la demande de renvoi en commission.
Votre texte tend à renforcer l'objectif de flexibilité des groupements d'employeurs au détriment de leur lisibilité et des garanties accordées aux salariés ; quand on relit le compte rendu de la commission des affaires sociales, on s'aperçoit que vous comparez les contraintes exigées du groupement avec les facilités de l'externalisation dans le cadre de l'intérim. Il y a là un choix à faire. J'entends bien M. Taugourdeau qui défend le principe, que j'ai énoncé tout à l'heure, du fonctionnement des groupements d'employeurs, et qui le fait sans doute sincèrement, mais on voit bien qu'il y a par ailleurs la volonté d'instrumentaliser ces groupements d'employeurs au titre de la flexibilité et dans des comparaisons, qui me semblent néfastes, avec le dispositif de l'intérim.
Pourquoi, ainsi, faire sauter la limite qui empêche une entreprise d'adhérer à plus de deux groupements d'employeurs ? S'agit-il de vouloir répartir des salariés sur des conventions collectives différentes, en cherchant ainsi la moins coûteuse ? Même s'il y a une dispersion géographique dans les interventions de l'entreprise, il est nécessaire de garder le lien entre l'entreprise, le groupement et le salarié. Une trop grande dispersion entre plus de deux groupements d'employeurs ferait de ceux-ci de simples prestataires de services locaux, identiques à des agences d'intérim.
Ce n'est pas l'objectif initial des groupements d'employeurs.
Pourquoi viser l'adhésion des entreprises de plus de 300 salariés ? Ont-elles vraiment besoin de salariés à temps partagé ? Vous présentez cela comme un effet d'entraînement – M. Taugourdeau l'a dit en commission – pour favoriser l'adhésion des plus petites entreprises, mais auront-elles vraiment les mêmes objectifs dans la gestion du groupement d'employeurs, qui exige la solidarité dans les objectifs et dans les conséquences de la gestion ?
Au final, aucune raison majeure ne justifie de détourner les groupements d'employeurs de leur premier objectif : créer des emplois en CDI pour des salariés relevant d'un employeur unique, tout en partageant leur temps de travail entre plusieurs entreprises. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC et GDR.)
Cette proposition de loi nous ramène au sujet majeur de l'emploi et des moyens qu'il est possible de déployer pour en assurer le développement à l'heure où notre économie s'engage sur la voie de la sortie de crise.
Plus précisément, il s'agit d'aborder les questions de l'accès à l'emploi des jeunes via les filières professionnalisées de formation, de la sécurisation des transitions professionnelles et de la répartition de la richesse produite par l'entreprise.
L'emploi des jeunes est une préoccupation récurrente chez nos concitoyens, partagée sur l'ensemble des bancs de cet hémicycle.
Quelques chiffres suffisent à persuader de l'importance de cette question : le taux de chômage des quinze à vingt-neuf ans atteint 17 % en 2010 tandis les jeunes de moins de trente ans représentent près de 41 % des chômeurs, et ils sont les plus nombreux à travailler en temps partiel subi.
Ces différents éléments mettent en lumière le fait que l'accès des jeunes à l'emploi est toujours aussi complexe, en particulier pour le premier emploi, et qu'il est nécessaire de continuer à prendre des mesures et faire preuve d'inventivité pour mettre en oeuvre des dispositifs à même de lever les obstacles à l'emploi des jeunes.
C'est à quoi contribue la proposition de loi que nous examinons aujourd'hui, avec ses dispositions qui concourent au développement de l'alternance.
Le débat sur l'alternance et l'apprentissage est toujours délicat car ces deux voies de formation et d'accès à une activité professionnelle sont toujours plus ou moins associées à l'image d'une solution exclusivement tournée vers les jeunes en échec scolaire.
De fait, ces formations sont stigmatisées alors que l'objectif doit être d'en faire des filières d'accès, par excellence, à l'emploi et au marché du travail. C'est ainsi qu'elles retrouveront leur attractivité.
L'établissement d'une carte d'« étudiant des métiers » délivrée aux apprentis s'inscrit dans le cadre de cet objectif de valorisation.
Notre groupe a proposé, dans un amendement examiné en commission, que le bénéfice de cette carte d'« étudiant des métiers » soit étendu aux jeunes en contrat de professionnalisation.
Nous avons voté un amendement du rapporteur qui exposait une proposition analogue.
Par ailleurs, si le mécanisme de bonus-malus introduit par votre texte ne nous paraît pas exempt d'une certaine complexité contre laquelle nous vous appelons à la vigilance – nous connaissons les méandres de l'administration –, il n'en reste pas moins qu'il peut concourir utilement au développement de ces filières.
Nous ne manquerons pas néanmoins d'être particulièrement attentifs quant à l'articulation de ce dispositif avec l'accord conclu dans le cadre de la négociation interprofessionnelle sur l'alternance et les stages.
Cet accord stipule en effet que, durant les trois prochaines années, une entreprise qui s'engage à augmenter de 10 % chaque année le nombre de ses apprentis sera exonérée du dispositif introduit par la proposition de loi.
L'idée de donner une certaine souplesse au dispositif en accordant aux entreprises un délai pour augmenter le nombre d'apprentis au sein de leurs effectifs, tout en les engageant, en tout état de cause, à suivre cette direction est intéressante.
Ce délai peut en effet permettre d'accueillir les apprentis dans des conditions permettant une transmission optimale des savoirs et savoir-faire, ce qui favorise la qualité de ces formations.
Plus largement sur la question de l'emploi, le groupe Nouveau Centre tient à saisir l'occasion de ce débat pour rappeler l'une de ses attentes que votre proposition de loi n'aborde pas : le renforcement des dispositifs d'insertion par l'activité économique.
Pour certains jeunes sans qualification, l'insertion par l'activité économique reste l'un des moyens les plus efficaces pour accéder à l'emploi et sortir de la précarité.
Notre groupe pense nécessaire de soutenir l'insertion par l'activité économique et reste convaincu de l'utilité, pour l'État et les collectivités locales compétentes, d'investir de façon significative ce secteur.
Il est indispensable que le Gouvernement prenne des engagements significatifs en ce sens.
En ce qui concerne les groupements d'employeurs, nous sommes favorables à la levée d'un certain nombre de verrous qui restreignent le développement de l'emploi dans ce cadre.
Nous pensons simplement que cela doit s'effectuer dans le respect des droits des salariés, en étant attentif à ne pas développer des formes de travail à temps partiel qui s'avéreraient précaires.
Au delà de l'alternance et des groupements d'employeurs, les dispositions de l'article 11 de la proposition de loi organisent le dispositif d'accompagnement renforcé des salariés frappés par un licenciement économique, avec un contrat de sécurisation professionnelle qui prend le relais de la convention de reclassement personnalité et du contrat de transition professionnelle.
Je voudrais dire ici combien cet accompagnement renforcé est indispensable pour accélérer le retour à l'emploi des salariés concernés.
J'entends bien les critiques qui ont pu être formulées sur ces dispositifs, au regard de leur coût et du public visé, qui n'est pas forcément celui qui a le plus besoin d'accompagnement.
Cependant, il conviendrait de comparer ce coût avec celui du chômage de longue durée, en particulier lorsqu'il intervient dans une période de crise de l'activité comme celle que nous venons de traverser, et qu'il frappe un bassin d'emploi de vieille industrie marqué par la désindustrialisation.
L'attractivité du dispositif est maintenue en ce qui concerne le montant de l'allocation de sécurisation, voire renforcée au regard des conditions d'ancienneté : un an contre deux ans.
Là encore, il est nécessaire que le dispositif légal s'articule précisément avec les dispositions de l'accord issu de la négociation collective, en particulier quant au contenu même du contrat de sécurisation professionnelle.
J'ajoute qu'en matière de sécurisation des parcours professionnels, nous sommes convaincus de ne pas être encore parvenus au terme de ce chantier qui vise à fixer le cadre d'un parcours professionnel continu permettant de passer de la « sécurité dans l'emploi » à la « sécurité d'obtenir un autre emploi ».
C'est ainsi, pour apporter une pierre supplémentaire à l'édifice en construction de la sécurisation des transitions professionnelles et en faisant la jonction avec l'emploi des jeunes, que nous avons proposé un amendement demandant au Gouvernement un rapport sur la création d'un crédit formation inversement proportionnel au niveau d'études atteint.
Cette proposition est déjà ancienne. Elle a été avancée par différentes organisations syndicales. Le groupe Nouveau Centre l'a formulée à plusieurs reprises au cours de nos débats sur l'emploi.
Elle suppose un droit social qui dériverait non plus de l'exercice préalable d'une activité professionnelle, d'un statut, mais qui serait attachée à la personne : tout individu entrant sur le marché du travail bénéficierait de ce droit.
L'intérêt que les uns et les autres, sur tous les bancs, ont manifesté en commission pour cette idée a permis l'adoption de notre amendement.
Cela nous conforte dans l'idée qu'il est temps que la proposition de chèque formation fasse l'objet d'une analyse plus poussée de la part de nos administrations, pour pouvoir enfin en mesurer la faisabilité.
Quelques mots, enfin, sur les dispositions concernant le partage de la valeur ajoutée, pour indiquer qu'elles nous paraissent compléter utilement le dispositif de prime que nous avons voté dans le cadre du projet de loi de financement rectificative de la sécurité sociale.
Elles permettent, au sein des entreprises, d'améliorer l'information des instances représentatives des salariés sur la partage des dividendes et prévoient, sur ce point également, un rapport qui permettra au Parlement de disposer, avant la fin de cette année, d'une vision claire des pratiques des entreprises dans ce domaine.
Ces dispositions participent ainsi, même modestement, d'une meilleure prise en compte de l'effort de chacun dans la création de la richesse de l'entreprise, ses performances et sa compétitivité.
L'équité des rémunérations trouve un commencement de réponse avec la prime salariale, dont nous souhaitons qu'elle puisse être confortée à l'avenir par la prise de conscience et l'esprit de responsabilité des acteurs du dialogue social dans l'entreprise.
Ces différentes remarques formulées, c'est en saluant les avancées auxquelles procède cette proposition de loi de Gérard Cherpion et de ses collègues que nous voterons en faveur de ce texte. (Applaudissements sur les bancs du groupe NC.)
Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le président de la commission des affaires sociales, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, l'alternance est une vraie chance pour le jeune mais aussi pour l'entreprise.
Pour l'entreprise, c'est la possibilité de transmettre au jeune des compétences professionnelles mais aussi, et surtout, la culture de l'entreprise. Cette dernière donne au jeune le goût de l'effort, l'esprit d'initiative et le sens des responsabilités.
Pour le jeune, c'est la possibilité de découvrir les métiers et d'acquérir de l'expérience. Quel jeune n'a jamais entendu à l'issue de sa formation initiale : « Désolé, on ne vous prend pas car vous n'avez pas d'expérience. » Mais comment un jeune peut-il acquérir de l'expérience si on ne lui donne pas l'occasion de faire ses preuves ? Il faut sortir de ce cercle vicieux en rapprochant le plus tôt possible les jeunes de l'entreprise. Comment ? En développant l'alternance.
Plus que les formations classiques, l'alternance ouvre les portes du monde du travail : 71 % des apprentis trouvent un emploi à l'issue de leur formation, alors que c'est le cas pour seulement 51 % des lycéens. Nous devons rompre avec l'image négative qui colle encore à l'alternance. L'apprentissage est encore trop souvent vécu comme une dégradation sociale alors qu'il est une véritable richesse. Notre responsabilité aujourd'hui est de diriger nos jeunes vers des filières où il y aura demain des emplois, et non vers dans des filières où il n'y a pas ou plus d'emploi, qui n'offrent d'autre perspective aux jeunes que l'échec.
Cette proposition de loi, qui entend renforcer l'alternance, sera une réponse efficace pour atteindre l'objectif de 800 000 jeunes en alternance en 2015, dont 600 000 apprentis. La France entend ainsi rattraper son retard par rapport à l'Allemagne, qui emploie trois fois plus de jeunes en apprentissage que nous. Ce texte apportera également une réponse au chômage des jeunes dans notre pays. En France, seulement 46 % des jeunes ont un emploi ; ils sont 63 % dans l'ensemble des pays de l'OCDE.
L'apprenti sera valorisé grâce à l'amélioration de ses conditions de vie. Il accédera aux mêmes avantages que les étudiants. Après tout, un apprenti est aussi un étudiant : un étudiant des métiers.
Le service dématérialisé gratuit, le portail de l'alternance, facilitera considérablement la prise de contact entre alternants et employeurs. Il permettra aussi de développer les démarches de saisie en ligne, en particulier pour la paie.
Le texte responsabilise également les entreprises, d'abord en créant un label développant une démarche qualitative en matière de développement de l'alternance ; ensuite grâce au nouveau barème qui permettra de distinguer les entreprises qui font l'effort d'accueillir des apprentis et celles qui ne le font pas. Le nouveau bonus- malus devrait permettre d'atteindre les objectifs fixés de progression de l'alternance. À terme, le respect du quota, porté à 4 %, devrait permettre d'embaucher 135 000 jeunes en alternance supplémentaire par an.
J'appelle votre attention, madame la ministre, sur la nécessité d'accompagner les petites entreprises dans leur démarche en matière de développement de l'alternance.
Il faudra également porter une attention particulière au coût de l'alternance car, sur le terrain, les chiffres divergent beaucoup d'un CFA à l'autre, sur le coût d'un apprenti : 6 000 euros pour certains, 11 000 euros pour d'autres. Une clarification sur ce point s'impose, afin d'assurer une meilleure lisibilité du dispositif.
Enfin, il importe de renforcer le contrôle de la taxe d'apprentissage, pour qu'elle bénéficie au maximum aux apprentis. Aujourd'hui, la moitié seulement du produit de cette taxe va effectivement à l'apprentissage. Il faut donc réorienter les financements issus de la taxe d'apprentissage vers l'apprentissage.
Je me félicite d'ailleurs des récents propos du Président de la République, qui vont dans ce sens.
Vous l'aurez compris, madame la ministre, messieurs les rapporteurs, je soutiendrai et je voterai ce texte car l'alternance est une formule gagnante pour tout le monde.
L'alternance est un vrai passeport pour l'emploi parce qu'elle ouvre les portes des entreprises aux jeunes. Car au fond, ce qui importe, c'est l'épanouissement de nos jeunes ; c'est de leur offrir la possibilité de choisir la meilleure formation possible pour eux. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Chère collègue, vous avez scrupuleusement respecté le temps qui vous était imparti ; je vous en remercie.
La parole est à M. Alain Vidalies qui dispose de dix minutes pour son intervention, M. Rousset lui ayant cédé les cinq minutes qui lui étaient attribuées.
Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, nous approuvons certaines des dispositions de cette proposition de loi. Il en est ainsi de la fusion du contrat de transition professionnelle et de la convention de reclassement personnalisé, que nous appelions de nos voeux dès le contre-plan élaboré par le parti socialiste en janvier 2009. Nous ne pouvons en conséquence qu'enregistrer avec satisfaction le résultat de la négociation entre les partenaires sociaux.
S'agissant de l'emploi des jeunes, il convient de rappeler quelques chiffres : 660 000 jeunes de moins de vingt-cinq ans sont aujourd'hui demandeurs d'emploi, si l'on inclut les chiffres des territoires d'outre-mer. On constate par ailleurs une dégradation de la situation des jeunes, notamment de ceux qui ont un emploi. En effet, en 1975, les salariés âgés de cinquante ans gagnaient en moyenne 15 % de plus que ceux âgés de trente ans ; aujourd'hui, l'écart est passé à 40 %.
Madame la ministre, avec Xavier Bertrand, vous avez affirmé au début de l'examen de cette proposition de loi que le chômage des jeunes était en diminution depuis le mois de janvier. Cela est vrai et il s'agit d'une bonne nouvelle, même si ce mouvement ne concerne que quelques milliers de personnes. Toutefois, comme le soulignait M. Bertrand – contrairement à vous, qui n'avez pas relevé cet élément –, on constate que les jeunes ont été les principales victimes de la crise. Ils ont payé le prix fort et cette population connaît désormais un niveau de chômage extrêmement élevé.
Par ailleurs, nous devrions tous être particulièrement attentifs à l'évolution du marché du travail depuis le mois de janvier. En effet, on peut relever une évolution assez singulière qui est certes globale mais qui concerne aussi les jeunes. Alors que le nombre de demandeurs d'emploi à temps plein, dit de catégorie A, évolue positivement, celui des demandeurs d'emploi qui ont exercé une activité réduite, longue ou courte, au cours du mois, dit de catégorie B et C, progresse. Il s'agit d'une évolution que personne n'explique aujourd'hui. Elle est à la fois paradoxale et spécifique à la période que nous traversons.
Je crois qu'il faut y réfléchir. Soit il s'agit d'une évolution générale du marché du travail significative d'une très forte précarisation – et d'une flexibilisation des contrats de travail qui ne saurait être satisfaisante –, soit cette tendance résulte du détournement de dispositifs comme la généralisation du recours aux heures supplémentaires ; il ne s'agirait alors que d'un effet en trompe-l'oeil. En tout cas, il est de la responsabilité du Gouvernement d'analyser cette situation. J'ai comparé les données : elle est inédite. Jamais une telle évolution n'a été observée au sortir d'une crise.
Les jeunes sont évidemment concernés : certes, comme vous l'affirmez, le nombre de jeunes demandeurs d'emploi de catégorie A a diminué depuis janvier dernier, mais, pour la même période, le nombre de jeunes demandeurs d'emploi relevant des catégories B et C a augmenté de 4,5 %. Le Gouvernement ne peut donc pas s'abstenir de traiter ce sujet.
Dans son projet, le parti socialiste a proposé de réagir devant une telle situation en créant immédiatement 300 000 emplois d'avenir, que vous appelez « emplois jeunes ». Je souhaite que vous cessiez de caricaturer notre position. M. Xavier Bertrand nous interpelle souvent : « Vous voulez les emplois jeunes ; nous voulons l'alternance ! » Mais ce n'est pas fromage ou dessert : nous voulons les deux ! Les uns ne sont pas exclusifs des autres.
Les emplois d'avenir que nous voulons créer dans le secteur non marchand ne sont pas une solution permanente mais bien une réponse immédiate apportée dans l'urgence aux 660 000 jeunes sans emploi. Sur le long terme, ils ne correspondent pas à notre vision de la société mais ils constituent la réponse qu'attend la jeunesse confrontée au chômage. Nous créerons ces emplois en les finançant grâce à la suppression des exonérations sur les heures supplémentaires mais, évidemment, nous développerons aussi l'alternance.
J'ai connu plusieurs manifestations de la jeunesse s'opposant à des mesures voulues par le pouvoir politique. Elle s'est par exemple mobilisée contre le CIP, le SMIC-jeunes, ou contre le CPE. En revanche, vous pouvez vérifier : il n'y a jamais eu de manifestation contre les emplois-jeunes.
Évidemment ! C'est absurde !
C'est tout simplement que les jeunes ne s'y sont pas trompés : 83 % d'entre eux ont trouvé un emploi après avoir bénéficié d'un des emplois-jeunes créés en 1997 – ce sont les chiffres de la DARES. Notre proposition est donc sérieuse.
Pour l'alternance, il faut que le Gouvernement choisisse son discours. Au début de l'année le journal Le Monde publiait un intéressant article dont le titre s'étalait sur six colonnes : « Le Gouvernement supprime les aides aux contrats en alternance ». Madame Morano, vous expliquiez alors qu'il fallait supprimer les mesures en question. Selon vous, elles n'étaient pas destinées à devenir pérennes mais uniquement à soutenir l'alternance en période de crise.
Bien sûr !
Je note qu'un certain nombre de ces mesures ont été rétablies par la suite après le discours de Bobigny de Nicolas Sarkozy.
Nous sommes tous attachés à l'alternance mais il faut regarder les choses en face : les entreprises n'accueillent des jeunes en alternance que lorsque l'activité le permet. En période de crise, l'alternance subit le même sort que l'emploi et il n'y a pas de solution pour la préserver. Les chiffres cités par l'article du Monde parlaient d'eux-mêmes.
N'inventez pas d'alternative fictive entre les emplois-jeunes et l'alternance ! Vous avez fait le choix exclusif de l'alternance à laquelle nous sommes également très attachés ; pour notre part, nous jouerons sur les deux dispositifs à la fois.
Monsieur Cherpion, je vous remercie d'avoir cité dans votre rapport mes propos à cette tribune, alors que j'exprimais, en septembre 2008, mon attachement aux groupements d'employeurs. J'estime que cette position ne me donne que plus de légitimité pour exposer mes réticences par rapport à vos initiatives.
Nous assumons la paternité de ces groupements. Issu de la loi du 25 juillet 1985, ce dispositif d'abord réservé aux petites entreprises de moins de dix personnes a été étendu à celle employant jusqu'à trois cents salariés – avec le verrou que constitue l'existence d'un accord collectif. Elles respectent deux règles majeures : la solidarité entre membres du même groupement, et l'impossibilité pour la même entreprise d'être membre de plus de deux groupements à la fois.
Monsieur le rapporteur, avec ce texte, vous nous proposez d'adopter un certain nombre de règles qui vont totalement dénaturer les groupements d'employeurs. Vous prenez le risque de mettre en place un cadre juridique qui pourra permettre à quelques mauvais esprits de détourner le code du travail.
De plus, je relève dans votre rapport une erreur d'analyse concernant les groupements d'entreprises, à moins qu'il ne s'agisse d'un changement assumé de conception. Dans votre commentaire de l'article 8, vous écrivez : « Il existe d'autres formes d'externalisation de l'emploi que le recours à un groupement d'employeurs, telles que l'intérim, le portage salarial, […]. Ces formes d'externalisation sont beaucoup plus développées que ne l'est le recours aux groupements d'employeurs et donnent parfois lieu à des abus. Or le code du travail n'exige aucun accord d'entreprise pour y recourir, quelle que soit la taille de l'entreprise en cause. »
Or les groupements d'employeurs n'ont jusqu'à ce jour jamais constitué une forme d'externalisation de l'emploi. Prétendre le contraire revient à en changer complètement l'objectif et la nature. À l'origine, les groupements d'employeurs avaient pour objectif la sécurisation des salariés au moyen d'un CDI, grâce à la mise en commun des moyens des entreprises qui, individuellement, ne pouvaient pas recruter ces salariés tout au long de l'année ou à temps plein. Le fait qu'aujourd'hui, les groupements d'employeurs aient tant recours aux CDD est anormal : vous changez la nature de ces groupements,…
…qui ne devraient pas servir à externaliser le contrat de travail, contrairement à ce que vous avez écrit dans votre rapport, commettant en cela une erreur conceptuelle. (« Très bien ! » sur les bancs du groupe SRC.)
Je vous rends hommage, monsieur Taugourdeau, d'avoir à nouveau utilisé le mot « externalisation » pour décrire les groupements d'employeurs dans votre intervention d'hier soir…
Oui, j'ai vérifié, et je répète qu'il s'agit là d'une véritable dérive conceptuelle.
Vous faites ainsi sauter tous les verrous qui protégeaient les contrats conclus dans le cadre des groupements d'employeurs, mais nous aurons l'occasion d'y revenir, car nous avons déposé des amendements sur ce point.
Vous avez par ailleurs décidé, alors que vous n'étiez pas obligés de le faire, de remettre en cause les conditions dans lesquelles les collectivités locales pourront participer à un groupement d'employeurs. On peut lire ce texte dans tous les sens, sa mise en oeuvre semble bien n'avoir qu'une finalité, ce que vous reconnaissez avec une franchise désarmante : permettre de contourner l'application du statut de la fonction publique territoriale, notamment dans le secteur de l'aide à la personne, où il y aura des besoins très importants dans les années à venir.
Vous l'aurez compris, nous combattrons cette partie du texte avec une grande détermination. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, vous conviendrez qu'il n'est pas inconvenant d'observer les politiques ayant fait leurs preuves chez nos voisins, afin d'en tirer le meilleur et de les adapter à notre pays. Ainsi, il y a en Allemagne trois fois plus de jeunes en apprentissage qu'en France, ce qui a pour conséquence un taux de chômage des jeunes inférieur au nôtre, même si, comme l'a dit Mme la ministre, nous avons observé chez nous une heureuse évolution dans ce domaine depuis le début de l'année.
Ce qui compte en matière de formation, ce ne sont pas les grandes théories, toujours énoncées mais jamais appliquées. Ce qui compte, c'est ce qui marche, et on peut être sûr que cette proposition de loi sera efficace, car elle est frappée du sceau du bon sens. En France, la formation par alternance doit regagner les lettres de noblesse qu'elle n'aurait jamais dû perdre. Ce dispositif offre, faut-il le rappeler, des taux d'accès à l'emploi de 80 %.
La présente proposition de loi est attendue depuis les annonces faites à ce sujet par le Président de la République le 1er mars à Bobigny, et je me félicite de l'objectif ambitieux du Gouvernement de faire passer de 600 000 à un million le nombre de jeunes en alternance d'ici à 2015. L'emploi des jeunes doit être pour nous une priorité. Notre pays compte 25 % de jeunes sur le marché du travail et ne trouvant pas d'emploi, ce qui constitue une situation dont nous ne saurions nous satisfaire. L'un des moyens d'action les plus efficaces pour agir contre ce fléau reste la promotion de dispositifs d'alternance. Quel meilleur moyen de s'intégrer dans l'entreprise que d'y être déjà lors de sa formation ? La voie de l'alternance et de l'apprentissage permet aux jeunes d'obtenir une véritable formation et leur met le pied à l'étrier dans l'entreprise. Mais ne nous trompons pas : pour faire avancer l'alternance, il nous faut agir à la fois en direction des entreprises et des jeunes – ainsi, sans doute, qu'en direction de leurs parents.
Les entreprises doivent être incitées à recourir à ce type de formation qui, certes, répond à leurs besoins, mais exige de leur part un effort. De même, il nous appartient de redorer le blason des formations en alternance auprès des jeunes afin que ceux-ci considèrent cette formation pour ce qu'elle est, à savoir une voie d'excellence. L'apprenti doit donc devenir un étudiant comme un autre…
…ce qui passe par un certain nombre d'actions d'accompagnement, notamment en matière de logement ou de transport. Il faut que l'apprenti puisse accéder aux dispositifs dont bénéficient les étudiants, notamment avec la possibilité, comme le prévoit cette proposition, de bénéficier de la carte d'étudiant des métiers, ou encore avec la simplification des démarches administratives, par la mise en place d'un service dématérialisé. Il nous faut également insister auprès des jeunes sur les avantages que procure un contrat en alternance en termes d'autonomie : un jeune apprenti est rémunéré et il acquiert ainsi les moyens de son indépendance.
Il est à souligner que l'État ne se contente pas d'inciter les entreprises à l'apprentissage : il a également su dégager des moyens financiers importants. Les entreprises qui recruteront des jeunes en contrat d'alternance, soit en apprentissage, soit en contrat de professionnalisation, bénéficieront d'exonérations de charges. Notre responsabilité à tous est d'améliorer l'insertion des jeunes sur le marché du travail. Les incitations financières, ainsi que l'augmentation des quotas d'apprentis pour les entreprises de plus de 250 salariés participent à l'équilibre de ce texte.
Si ce type de contrat est un outil irremplaçable, son cadre juridique pourrait encore être amélioré dans l'intérêt de l'entreprise et des personnes concernées. Ainsi, certains métiers sont gênés dans le recrutement d'apprentis par l'impossibilité actuelle d'adapter leurs horaires à ceux des autres salariés, ce qui pose certaines difficultés pratiques lorsque l'apprenti doit être intégré au sein d'une équipe. Pourquoi ne pas adapter les horaires des apprentis en fonction du type d'activité professionnelle, par exemple en mensualisant le temps de repos ?
Cher Gérard Cherpion, madame la ministre, j'accueille avec enthousiasme cette proposition de loi qui témoigne d'une véritable volonté politique de lutter avec tous les instruments possibles contre les différents types de chômage, afin d'offrir des perspectives de travail à tous nos jeunes.
Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, les jeunes ont été particulièrement touchés durant la crise économique, mais cela n'a fait que mettre en lumière certaines difficultés d'insertion professionnelle et d'inadéquation de la formation par rapport à l'emploi.
Bien que, depuis trente ans, notre pays consacre une part importante de ses dépenses publiques à l'emploi des jeunes, aujourd'hui, l'enjeu n'est pas nécessairement d'accroître ces dépenses, mais plutôt de créer et d'évaluer des nouveaux dispositifs. Par rapport à une formation par la voie scolaire, un jeune en alternance augmentera de sept points la probabilité d'avoir un emploi trois ans plus tard. Alors que l'apprentissage est porteur d'espoir, à ce jour, un tiers seulement des 16-20 ans passent par l'alternance, ce qui n'est pas suffisant.
La proposition de loi que nous examinons aujourd'hui – je salue à cette occasion l'excellent travail fait par Gérard Cherpion et ses collègues – offre de nouvelles opportunités pour promouvoir l'apprentissage, mais aussi pour sécuriser les parcours professionnels en créant un nouveau contrat.
Mon propos va concerner plus particulièrement les actions en faveur de l'apprentissage. Pour favoriser l'apprentissage, il faut le valoriser, donc valoriser l'apprenti, avoir des formations adaptées et des employeurs pour accueillir ces jeunes.
Le texte permet une valorisation de l'apprenti en permettant de reconsidérer son statut. Avec la carte « étudiant des métiers », le jeune apprenti pourra faire valoir la spécificité de son statut sur l'ensemble du territoire national, notamment afin de bénéficier de réductions tarifaires identiques à celles qu'ont depuis longtemps les étudiants de l'enseignement supérieur. Ainsi, l'égalité entre l'étudiant et l'apprenti est enfin acquise.
En ce qui concerne les formations adaptées, les 500 millions du grand emprunt vont permettre à la fois de développer de nouvelles structures et de créer des places d'hébergement pour les jeunes en CFA.
Enfin, pour ce qui est de trouver des employeurs, nous savons tous à quel point il est parfois difficile de trouver une entreprise qui accueille un jeune en son sein.
Aujourd'hui, de nouvelles dispositions sont prises pour inciter les entreprises à embaucher des jeunes en alternance, l'objectif étant d'atteindre un seuil de 4 % d'alternants dans les entreprises de plus de 250 salariés, par la mise en place d'un système de bonus-malus. Bien que l'apprentissage dans la fonction publique connaisse un développement depuis quelques années, il représente seulement 0,3 % de l'emploi territorial. C'est dommage et dommageable, car le secteur public offre un choix d'emplois très divers.
Je sais comme vous que de nombreux freins, d'ordre financier, mais aussi culturel, ralentissent cette formation. L'aspect financier est un frein très important. En effet, l'État, les collectivités territoriales et les établissements publics n'étant pas soumis au versement de la taxe d'apprentissage, les coûts de formation et de salaire sont à leur charge. Ils ne bénéficient pas non plus des indemnités compensatrices forfaitaires versées par les conseils régionaux. Seules certaines régions ont choisi de prendre en charge les coûts de formation et de verser une aide, ce qui engendre, vous en conviendrez, une véritable inégalité territoriale et amène à se poser la question de la réalité de l'engagement de certaines régions en faveur de l'alternance.
Pourtant, si cette disposition venait à se démocratiser et à devenir homogène sur l'ensemble du territoire, elle ouvrirait de nouvelles opportunités aux jeunes, qui rencontrent beaucoup de difficultés pour trouver une entreprise. De plus, leur apprentissage dans la fonction publique constituerait une plus-value inestimable et le secteur public remplirait ainsi une triple mission : économique, pédagogique et civique. De plus, l'apprentissage est un vecteur de diversification sociale, il permet une meilleure adéquation des candidats aux postes à pourvoir et un recrutement de proximité ; enfin, c'est un outil adapté pour les métiers en tension, notamment ceux du secteur social et de la petite enfance. Pour toutes ces raisons, le développement de l'alternance dans le service public est une piste à explorer de façon volontariste et je compte sur vous, madame la ministre, pour aller dans ce sens.
Je voudrais également rappeler l'importance de la formation du maître d'apprentissage. À cet égard, il convient de permettre aux maîtres d'apprentissage, que ce soit dans le privé ou dans le public, de disposer des conditions optimales pour transmettre leur savoir. Cela consiste d'abord à dégager, sur le temps de travail du maître d'apprentissage, des disponibilités nécessaires à l'accompagnement de l'apprenti. Il est important d'accorder autant d'intérêt aux maîtres d'apprentissage qu'aux apprentis, car la réussite du jeune dépend de la qualité de la formation reçue.
Avant de conclure, je voudrais attirer votre attention sur un autre dispositif qui a un rôle à jouer dans la formation, à savoir le contrat aidé, qui a joué, durant la crise, un rôle indéniable d'amortisseur social. Ce contrat prévoit également des mesures d'accompagnement professionnel. Si la formation est prévue dans les textes, elle n'est pas suffisamment mise en pratique. Ainsi, en 2007, un quart seulement des salariés en contrat aidé ont suivi une formation allant au-delà de la simple adaptation au poste de travail, ce qui est peu.
L'insertion dans l'emploi est de 60 % dans le secteur marchand et de 44 % seulement dans le secteur non marchand. Je pense, madame la ministre, qu'il faudrait s'assurer d'une formation obligatoire ou d'une VAE pour les contrats aidés, surtout dans le secteur non marchand, afin de permettre aux bénéficiaires de contrats aidés de trouver plus facilement un emploi à la sortie de leur contrat.
Pour conclure, depuis des décennies, les responsables politiques se sont accordés sur le rôle positif de l'apprentissage dans l'insertion professionnelle. Alors qu'hier l'apprentissage était une voie de garage, c'est aujourd'hui une dynamique, et cette proposition de loi apporte des solutions concrètes et de bon sens qui vont permettre une meilleure insertion des jeunes dans le monde du travail. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, nous sommes aujourd'hui appelés à nous prononcer sur la proposition de loi de notre collègue Gérard Cherpion pour le développement de l'alternance et la sécurisation des parcours professionnels.
Le principal reproche que l'on peut faire à ce texte tient à son manque d'ambition sur un sujet fondamental : l'emploi, en particulier des jeunes – une question sur laquelle la majorité est en échec depuis près de dix ans. Sur l'emploi, nous aurions souhaité un dispositif plus ambitieux et cohérent, avec des mesures qui, au-delà du seul volet « Alternance et apprentissage », puissent combattre efficacement le chômage massif qui touche aujourd'hui près de 25 % des jeunes.
Depuis toujours, les socialistes soutiennent l'alternance. À la majorité qui tente d'opposer de façon caricaturale ce dispositif aux 300 000 emplois d'avenir proposés par les socialistes, nous disons défendre non seulement l'alternance, mais aussi d'autres propositions complémentaires de nature à faire reculer significativement le chômage des jeunes.
Je vous invite à lire les dix propositions sur l'emploi des jeunes présentées par le parti socialiste, sur lesquelles nous avons eu l'occasion d'échanger avec le ministre Xavier Bertrand le 12 mai dernier. Contrairement à ce que dit le ministre, si notre plan prévoit bien 300 000 emplois d'avenir, il comporte aussi des mesures sur l'alternance, les contrats aidés, l'encadrement des stages, l'instauration d'une allocation d'études la discrimination à l'embauche, le tutorat ou encore des mesures relatives au « décrochage » scolaire.
Certes, toutes les mesures de votre texte ne sont pas à écarter.
Ainsi, on peut se féliciter que le contrat de sécurisation professionnelle prenne le relais des contrats de reclassement personnalisé et de transition professionnelle pour les salariés victimes d'un licenciement économique. Je puis en parler en connaissance de cause, étant élu du bassin d'emploi de Loire sud, où nous avons dû faire face, entre 2008 et 2010, à 3 500 licenciements économiques.
Je salue également l'adoption par la commission, suite à l'accord des partenaires sociaux du 7 juin 2011, de mesures claires visant à encadrer les stages, trop souvent synonymes de précarité pour les jeunes. En 2008, on comptait, selon le ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche, 1,2 million de stagiaires, soit 50 % de plus qu'en 2005, et l'on constate une multiplication de dérogations à l'interdiction du stage hors cursus. Il fallait donc absolument clarifier les choses. L'interdiction des stages hors cursus, la limitation de la durée des stages à six mois, l'obligation de gratification à partir de deux mois de stage, même non consécutifs, au cours de la même année universitaire ou la limitation du recours aux stagiaires pour occuper un poste sont autant de revendications que le parti socialiste défend depuis toujours. Je me réjouis donc que la majorité, après dix années de pouvoir, envisage de prendre des mesures concrètes en la matière.
Toutefois, nous regrettons les insuffisances de ce texte, qui n'est pas à la hauteur des enjeux.
S'agissant de la carte d'étudiant des métiers, nous aurions souhaité un dispositif plus clair, qui garantisse à tous les étudiants en formation, y compris les apprentis, les mêmes droits.
S'agissant du financement, comment ne pas s'interroger, encore une fois, sur le décalage entre les promesses du Président de la République et les moyens financiers annoncés pour cette nouvelle réforme ? Actuellement, 600 000 jeunes sont en alternance, dont 418 000 en contrat d'apprentissage. L'objectif annoncé par Nicolas Sarkozy est d'atteindre le chiffre de 800 000 jeunes en alternance. Or, cela coûte 1 milliard d'euros. La loi de finances rectificative et ce texte permettent de mobiliser à peine 70 millions d'euros. Qui va payer la différence ? Nous avons notre petite idée à ce sujet : vous avez simplement oublié de mentionner dans votre texte le rôle des régions, qui sont pourtant les chefs de file de la formation professionnelle. À ce propos, je regrette l'absence d'une concertation approfondie avec les conseils régionaux.
J'en viens à présent aux dérives que ce texte risque d'entraîner. Au nom de la lutte contre ce que vous appelez la rigidité du marché du travail – et que nous appelons, quant à nous, les protections élémentaires des salariés –, vous avancez des propositions hasardeuses. En commission des affaires sociales, vous avez ainsi réintroduit l'apprentissage dans l'année des quinze ans, c'est-à-dire la possibilité de devenir apprenti dès quatorze ans.
Mais non !
Vous proposez ni plus ni moins la remise en cause de deux principes fondamentaux : l'obligation scolaire jusqu'à seize ans et l'interdiction de signer un contrat de travail avant seize ans.
En conclusion, je souhaite évoquer les groupements d'employeurs, dont l'objectif est l'accès à un emploi stable et la sécurisation des salariés. En la matière, vous allez faire sauter ce que vous appelez des verrous, et que nous appelons, nous, des garanties, au détriment des règles de protection élémentaires qui encadrent les contrats de travail.
Cette proposition de loi est une preuve supplémentaire – après tous les autres textes que vous avez adoptés depuis quatre ans, notamment ceux qui ont consisté à détricoter le code du travail et la réglementation sur le temps de travail – que, loin de parvenir un équilibre autour de la notion de « flexisécurité », la majorité favorise outrageusement la seule flexibilité et la précarité au détriment des conditions de travail des salariés. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le rapporteur, monsieur le rapporteur pour avis, mes chers collègues, l'apprentissage est un « prêt à l'emploi », puisqu'il permet à des jeunes d'accéder immédiatement à un travail durable. Chez l'un de nos voisins, cette filière de formation est du reste largement privilégiée, non seulement par les étudiants, mais aussi, et surtout, par les entreprises : elle est choisie par 45 % des jeunes de ce pays. Ce modèle, qui rapproche les jeunes de l'entreprise, devrait nous inspirer, dans la mesure où il favorise largement la création d'emplois pérennes.
Paradoxalement, si la France est l'un des pays qui a le mieux amorti la crise, elle est depuis longtemps l'un des plus mauvais élèves de la zone euro en matière de chômage. Les moins de 25 ans sont particulièrement touchés, avec un taux de chômage record de 22 % fin 2010. Sans diplôme ou sans expérience, ils payent leur tribut à la crise et à une réglementation du travail et de la formation professionnelle trop rigide.
Sans être une panacée capable de contrer un chômage structurel, l'alternance est un tremplin pour une frange de demandeurs d'emploi dont elle améliore les compétences et facilite l'insertion dans la vie active. C'est un atout puisque, si les jeunes entrent en moyenne à 21 ans dans le monde professionnel, ils peinent à le faire durablement avant 27 ans, accumulant périodes d'inactivité, stages et CDD. Or, comme l'affirme le Président de la République, les bénéficiaires de formations en alternance ont « 70 % de chances de trouver un emploi à l'issue de leur formation, soit 50 % de plus que les autres ». L'apprentissage est donc le levier essentiel d'une insertion professionnelle réussie.
Aussi la proposition de loi de Gérard Cherpion, Jean-Claude Taugourdeau et Bernard Perrut arrive-t-elle à point nommé. Sans être « révolutionnaire »,…
…elle a pour ambition de faciliter l'accès au premier emploi, dans le sillage de l'action menée par les ministres qui ont la charge des problèmes de l'emploi, Xavier Bertrand, et de la formation professionnelle, Nadine Morano.
La formation en alternance est encore méconnue et parfois même dévalorisée, alors qu'elle conduit à un emploi pour huit jeunes sur dix dès l'obtention du diplôme. L'objectif clairement exprimé de cette proposition de loi est donc de revaloriser les contrats en alternance, de supprimer les freins et de remettre en cause les idées reçues afin de donner aux jeunes l'envie de choisir la formation en alternance, trop longtemps dévalorisée. Le texte simplifie ainsi certaines procédures administratives et réglementaires trop lourdes : aujourd'hui, la formation en alternance reste trop complexe pour les employeurs, confrontés à différents dispositifs et aides.
Je souhaite partager avec vous une réflexion sur l'article 11, qui crée le contrat de sécurisation professionnelle, comblant ainsi un vide juridique, et donne corps au concept de sécurisation du parcours professionnel. Je suis évidemment très favorable à ce dispositif d'accompagnement des personnes victimes de licenciements pour motif économique, inspiré du modèle du CTP et du CRP, particulièrement bien adaptés aux secteurs en restructuration industrielle. Dans ma circonscription, très affectée par la désindustrialisation dans le secteur du textile, ce sont principalement les salariés plutôt âgés qui sont éprouvés. Le contrat de transition professionnelle a permis à de nombreux licenciés économiques de bénéficier d'un reclassement durable et d'accéder à une formation adaptée. J'apprécie que ce nouveau contrat de sécurisation professionnelle puisse organiser le parcours de retour à l'emploi, en prévoyant des mesures d'accompagnement et d'évaluation des compétences, des périodes de formation et de travail.
Enfin, je voudrais apporter une contribution supplémentaire à la simplification de l'alternance. Instruit par mes expériences dans le tourisme et l'hôtellerie-restauration, je regrette que les certificats de qualification professionnelle – les CQP –, qui font leur preuve, ne puissent être adaptés à la voie de l'apprentissage, même si je ne suis pas sans savoir que nous sommes aujourd'hui confrontés à deux difficultés majeures, puisque ces circuits de formation sont régis par des tutelles différentes.
Par ailleurs, 54 % des jeunes diplômés de niveau bac+5 rencontrent de véritables obstacles dans leur recherche d'emploi, en raison de leur manque d'expérience professionnelle. Ce phénomène découle d'une préférence marquée pour les filières généralistes. Ces jeunes diplômés n'ont pas pour objectif d'acquérir un nouveau diplôme de l'éducation nationale ; ils souhaitent des parcours plus courts, modulés, pour accéder rapidement à un premier emploi. Or, au-delà des qualifications professionnelles visées à l'article L.6211-1 du code du travail, les CQP permettent d'acquérir une qualification professionnelle immédiatement opérationnelle en entreprise. Ils présentent l'avantage d'une grande souplesse, grâce à la conjugaison d'une formation en alternance qui tient compte des apports réciproques entre l'organisme de formation et l'entreprise et de durées de formation adaptées au niveau d'étude de la personne et aux objectifs à atteindre.
Aussi souhaité-je, madame la ministre, que, dans un souci d'égalité et de simplification, ce système de formation puisse s'ouvrir à l'avenir à la voie de l'apprentissage. Le salarié pourrait alors bénéficier des dispositions actuelles d'accès à l'apprentissage et accompagner ainsi durablement le retour à l'emploi des demandeurs d'emploi les plus démunis. Voilà une piste supplémentaire à explorer dans la bataille pour l'emploi. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Je vous remercie d'avoir respecté votre temps de parole.
La discussion générale est close.
La parole est à Mme Nadine Morano, ministre chargée de l'apprentissage et de la formation professionnelle.
Madame la présidente, je veux remercier l'ensemble des orateurs qui se sont exprimés dans la discussion générale.
M. Menuel a très clairement rappelé les enjeux de la proposition de loi.
M. Marsac a évoqué les groupements d'employeurs. Contrairement à la caricature à laquelle l'opposition s'est un peu facilement livrée – et je le regrette –, je veux rappeler les apports du texte en faveur des salariés et des groupements d'employeurs. La proposition de loi dispose en effet que les contrats de travail des groupements doivent garantir l'égalité de traitement entre les salariés du groupement et ceux des entreprises à la disposition desquelles ils sont mis. Dès lors, il est totalement inexact de prétendre, comme je l'ai entendu, que les salariés de ces groupements seraient précarisés.
M. Vercamer souhaite que la carte d'étudiant des métiers soit étendue aux contrats de professionnalisation. Sur ce sujet, je suis plus que réservée, car je crains une confusion et je m'interroge sur le caractère équitable d'une mesure qui donnerait un avantage pécuniaire à des personnes qui perçoivent déjà une rémunération substantielle. Par ailleurs, nous sommes nous aussi intéressés par un rapport sur le chèque formation ; je tenais à vous le dire.
Monsieur Vidalies, j'ai parfois le sentiment que nous ne vivons pas dans le même pays.
Je suis d'accord : vous êtes en complet décalage avec la vie des Français !
Nous avons traversé une crise économique et financière séculaire, dont nous sortons progressivement : le chômage se stabilise et le nombre des jeunes demandeurs d'emploi a régressé de 7,1 %. Certes, il faut aller plus loin, plus fort, plus vite. Mais je veux vous rappeler, ainsi qu'à M. Vercamer, que 58 000 emplois ont été créés au premier trimestre 2011. C'est la plus forte baisse du chômage que nous ayons enregistrée depuis le début de la crise. À cet égard, la formation par alternance présente un grand avantage puisque, ainsi que le rappelait M. Marcon, elle est un « prêt à l'emploi » : huit jeunes sur dix sont embauchés à l'issue de leur formation.
Pascale Gruny et plusieurs d'entre vous ont souligné la nécessité de simplifier le dispositif pour les petites entreprises. Le portail Internet de la formation en alternance, déjà accessible, est en cours de reformatage, afin de permettre, d'ici à la fin de l'automne, de remplir le contrat d'apprentissage en ligne. Plusieurs mesures sont destinées à accompagner les petites entreprises. Le dispositif « zéro charge », destiné à inciter les entreprises de moins de 250 salariés à recourir à l'alternance, a fait l'objet d'un décret paru au Journal officiel qui s'applique rétroactivement au 1er mars.
S'agissant de la taxe d'apprentissage, le décret gelant la partie hors quotas, qui porte de fait de 52 % à 59 % la partie associée à l'apprentissage, est en cours de consultation et sera publié à la rentrée.
Madame Dumoulin, vous avez raison, le développement de l'alternance dans la fonction publique territoriale demeure un véritable enjeu. Dans son rapport, Laurent Hénart a présenté un ensemble de pistes, mais nous devons aller au-delà, notamment en ce qui concerne les financements, puisque les établissements publics ne bénéficient pas de la taxe d'apprentissage. C'est pourquoi nous sommes favorables à votre amendement prévoyant un rapport à ce sujet.
Monsieur Juanico, cessez de proférer des mensonges !
Je veux être claire : il n'est pas question de rétablir l'apprentissage à quatorze ans. Rien dans le texte ne vous permet de l'affirmer. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)
Relisez le texte et arrêtez de dire des mensonges lorsque vous vous adressez aux médias. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)
Lorsqu'un jeune a terminé sa classe de troisième, il a quinze ans. S'il veut entrer en apprentissage, il en a le droit et j'imagine que vous n'avez rien contre.
En effet. Il a le droit de s'inscrire en apprentissage. Mais s'il est né au mois de novembre, il ne le pourra pas.
Alors vous voulez qu'il reste à l'école et qu'il redouble sa troisième ?
Plusieurs députés du groupe SRC. Non !
C'est pourtant ce que vous venez de dire. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) En fait, vous voulez empêcher un jeune de quinze ans, qui a bien travaillé et qui a terminé sa classe de troisième, de pouvoir s'inscrire en apprentissage au motif qu'il est né après le mois de septembre !
Le Gouvernement et sa majorité estiment, qu'au-delà des dérogations existantes, il est tout à fait normal de simplifier les dispositifs et de les rendre lisibles puisqu'ils existent déjà sous forme de circulaires.
Contrairement à vous, nous ne voulons pas prendre en otages ces jeunes à qui vous proposez de refaire une troisième ou d'aller dans une classe qui ne leur plairait pas. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)
En aucune façon, nous ne modifions les modalités de l'apprentissage et n'abaissons l'âge d'accès à quatorze ans comme vous vous employez, à tort, à le dire partout : encore une fois, c'est un mensonge ! Nous permettons seulement à un jeune qui a quinze ans et qui est né après le mois de septembre de s'inscrire en apprentissage.
Lisez le texte !
Monsieur Vidalies, j'en viens à votre intervention. Force est de constater que nous avons une réelle divergence de vue sur l'emploi des jeunes. Certains de vos collègues ont dénoncé le manque d'ambition du texte et fait valoir qu'ils n'étaient pas d'accord sur tout. Ne pensez-vous pas que, sur un tel sujet, nous pourrions viser le même objectif, à savoir permettre aux jeunes d'entrer plus facilement sur le marché de l'emploi ?
Vous vous honoreriez à voter ce texte. Si, réellement, vous visez cet objectif, votez-le. Ce serait une démarche politique forte. Vous montreriez ainsi qu'au-delà des clivages politiques, vous voulez favoriser l'alternance.
Vous nous parlez de vos 300 000 emplois d'avenir, mais il n'y a pas d'avenir quand il s'agit d'emplois financés par de l'argent public.
Vous ressortez vos vieilles recettes : les emplois-jeunes ! (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)
Ce n'est pas ce que l'on peut appeler un contrat d'avenir pour les jeunes. L'avenir pour un jeune, c'est entrer dans une formation qui lui permettra d'avoir un emploi durable. C'est cela la réalité du marché. Les jeunes ont besoin d'entrer dans les entreprises, dans le secteur marchand.
Vous avez déjà bluffé les jeunes une fois.
Je peux vous dire qu'on les a subis, les emplois-jeunes ! Des jeunes diplômés ont « trusté » des emplois-jeunes qu'il aurait fallu réserver à des jeunes non diplômés, éprouvant des difficultés à s'insérer sur le marché de l'emploi. Cela a été une grave erreur.
Vous ressortez les vieilles recettes. Changez votre menu ! Je vous le dis, parce que les jeunes, il ne faut pas les bluffer.
Monsieur Vidalies, nous sommes à l'Assemblée.
Cette proposition de loi permettra de transcrire dans notre droit des améliorations pour favoriser l'alternance, ce qui est fondamental.
Alors votez-la, monsieur Vidalies. Nous menons une politique globale en faveur des jeunes par le biais du grand emprunt.
Nous consacrons 500 millions d'euros au financement de CFA innovants et de cinquante projets d'ici à 2014. Quinze mille places sont prévues pour l'hébergement des jeunes. Nous menons des campagnes de revalorisation et nous prévoyons des mesures de simplification pour les entreprises et d'amélioration pour l'enregistrement en ligne sur le portail de l'alternance.
S'agissant de l'augmentation du nombre de chômeurs des catégories B et C, nous avons regardé les chiffres, monsieur Vidalies. C'était bien pire sous le gouvernement Jospin. Alors, de grâce, pas de leçon, nous devons tous nous battre pour l'emploi !
Entre 1997 et 2002, le chômage des catégories B et C a augmenté de 26 %.
C'est en effet un vrai débat, mais qui doit sortir du registre idéologique. Nous devons faire preuve de pragmatisme.
Nous avons besoin d'une politique qui favorise l'entrée des jeunes sur le marché de l'emploi. Vous pourriez nous accompagner dans cette démarche et voter cette proposition de loi, excellemment préparée par votre collègue Gérard Cherpion.
La parole est à M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des affaires sociales.
Je regrette vivement ce que certains élus ont dit sur les radios. Aussi bien M. Cherpion, M. Taugourdeau, M. Perrut ou moi-même, nous avons très clairement dit que nous ne changions pas la règle, même si certains auraient souhaité le faire. Le rapporteur et la commission ont été, sur le refus de l'apprentissage à quatorze ans, d'une netteté absolue. Vous cherchez à faire croire que nous voudrions engager un conflit idéologique. En fait, c'est ce que vous, vous voulez.
Pour nous, il n'en a jamais été question.
En tout état de cause, il est regrettable d'entendre de tels commentaires à la radio, car ils sont tout à fait contraires à la vérité. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
J'appelle maintenant, dans le texte de la commission, les articles de la proposition de loi.
Je suis saisie d'un amendement n°81 portant article additionnel avant l'article 1er.
Il s'agit d'un amendement de principe. Il convient de réaffirmer le rôle et les compétences des régions en matière d'apprentissage. D'après l'article L. 214-12 du code de l'éducation, il revient à la « région de définir et mettre en oeuvre la politique régionale d'apprentissage et de formation professionnelle des jeunes et des adultes à la recherche d'un emploi ou d'une nouvelle orientation professionnelle. »
C'est le sens du titre Ier du texte. Il traduit la volonté du Gouvernement – que nous partageons – de contribuer au développement de l'apprentissage. Mais il est quelque peu surprenant que le Gouvernement oublie de mentionner les régions, qui en ont la compétence.
Nous pouvons partager l'objectif de passer à 600 000 apprentis, mais cela coûte un milliard d'euros. Pour le moment, les mesures adoptées dans le cadre du PLFR ou par décret – je pense notamment à l'augmentation du barème – n'apporteront que 70 millions d'euros, auxquels il faut ajouter le contrat d'objectifs et de moyens dont on ne connaît pas exactement le montant. Sur le premier contrat d'objectifs et moyens, l'augmentation de la participation était bien plus importante, quoi qu'en dise Mme la ministre, pour les régions que pour l'État.
Il est donc important de réaffirmer le rôle des régions. Il faut clairement désigner le pilote. Pour nous, ce sont les régions, ce qui n'empêche pas l'État d'abonder le budget. En fait, nous avons l'impression que l'État se réapproprie, à peu de frais, cette compétence. Je serais heureux, madame la ministre, de savoir qui, selon vous, a la responsabilité de l'apprentissage dans ce pays.
Cet amendement n'a pas été examiné en commission. À titre personnel, j'estime qu'il ne s'impose pas et rendrait même la loi « bavarde ». Inutile de réaffirmer le rôle des régions.
Bien sûr.
Leur compétence en matière de formation professionnelle et d'apprentissage figure déjà dans la loi. C'est à croire que vous doutez de leurs prérogatives en la matière, ce qui est pour le moins surprenant.
Remettons les choses en perspective. L'État contribue à hauteur de 7 milliards d'euros au financement de la formation professionnelle, contre 4 milliards pour les régions. Si je m'en tiens au seul financement de l'apprentissage, l'apport de l'État s'élève à 1,5 milliard d'euros et celui des entreprises, par le biais de la taxe d'apprentissage, à 1 milliard, ce qui est loin d'être négligeable. Le premier financeur de l'apprentissage, ce sont les entreprises, monsieur Muzeau. On pourrait distribuer les bons et les mauvais points, mais je me garderai de le faire.
Faire un classement entre les régions de gauche et de droite ? (Sourires.)
Réaffirmer la compétence des régions est tout à fait inutile. Avis défavorable, donc.
Je partage l'avis de la commission.
L'État contribue pour beaucoup. Nous parlions de la négociation des contrats d'objectifs et de moyens ; je me réjouis de voir que certaines régions se sont dès à présent engagées. Nous avons déjà signé quelques contrats. C'est l'État qui a fixé des objectifs d'augmentation du nombre d'apprentis et parallèlement des financements ; les régions nous ont suivis dans cette démarche.
Cet amendement n'apporte donc rien de plus.
(L'amendement n° 81 n'est pas adopté.)
Le premier article de la proposition de loi est important. Son but est de valoriser l'apprentissage et les métiers. C'est un signe fort envoyé aux jeunes et aux entreprises. Élément central de cette proposition de loi, il répond également à l'enjeu d'équité vis-à-vis des autres formations.
Cela revient à dire aux jeunes que les formations se valent et à reconnaître les talents car les compétences doivent pouvoir s'exprimer. C'est leur dire aussi qu'il existe différents chemins qui mènent à toutes sortes de métiers.
La création d'une carte d'étudiant des métiers au bénéfice des apprentis leur apportera un certain nombre de droits. Il n'y a pas de raison que les jeunes aient des droits et des avantages différents selon qu'ils fréquentent un établissement scolaire ou suivent une formation en alternance. Cette reconnaissance était attendue depuis longtemps.
Cette carte permettra non seulement d'accorder de nouveaux droits mais aussi de faciliter les mobilités européennes. J'ai évoqué cette question tout à l'heure à travers l'exemple d'un centre de formation d'apprentis de ma circonscription que je connais bien. Cette carte donnera l'occasion aux jeunes de faire leur apprentissage hors de France et de développer des échanges avec d'autres pays européens.
Nous sommes bien conscients toutefois que ce nouveau dispositif se heurtera à des difficultés matérielles, car il faudra concrétiser ces droits à travers des conventions spécifiques relatives à l'hébergement, à la restauration et au transport.
En outre, cette carte permettra de faire de l'apprentissage un véritable ascenseur social. Il faut en effet éviter que les ressources de la famille dont est issu le jeune fassent obstacle à l'accès à l'apprentissage, qui suppose d'aller loin de chez soi, de trouver un logement, de se restaurer, d'acquérir des équipements et des matériels parfois chers, dont le coût ne peut être pris en compte par la seule rémunération de l'apprenti, qui est relativement limitée.
Avec l'article 1er, c'est l'égalité entre les jeunes qui est mise en exergue. C'est aussi un coup de pouce très fort qui est donné à tous les métiers. Comme vous l'avez démontré récemment en réunissant les branches professionnelles, madame la ministre, il existe des métiers d'avenir dans de multiples domaines. Il faut les faire découvrir aux jeunes et assurer leur succès.
Très bien !
Comme nous l'avons déjà souligné lors de la discussion générale, notre souhait aurait été que la carte d'étudiant des métiers fasse l'objet d'une simplification en termes d'affichage et que nous puissions offrir à l'ensemble des apprentis les mêmes droits que ceux que confère la carte d'étudiant. Nous verrons comment la nouvelle carte d'étudiant des métiers se mettra progressivement en place, grâce à la signature avec divers organismes de conventions qui permettront aux apprentis de prétendre aux mêmes avantages que les étudiants.
Dans le passé, il y a eu des expériences qui se sont révélées peu concluantes : je pense à la carte d'apprenti en particulier.
Par cet amendement, nous souhaitons réaffirmer le caractère spécifique du statut des apprentis, qui sont sous contrat de travail, par l'ajout de la mention : « Tout en conservant son statut de salarié ».
Cet amendement a été repoussé par la commission. Réaffirmer que le statut d'apprenti est un statut de salarié, c'est mettre en doute la convergence avec le statut scolaire, attitude qui explique peut-être d'ailleurs votre erreur d'appréciation à propos du fameux apprentissage à quatorze ans.
Même avis.
(L'amendement n° 82 n'est pas adopté.)
Je suis saisie d'un amendement n°83 .
La parole est à M. Jean-Patrick Gille.
Le débat sur l'article 1er est important car il existe un consensus sur la nécessité d'un changement de perspective et la volonté de considérer les apprentis comme des étudiants des métiers. Vous proposez de créer une carte. Pour l'instant, elle n'est qu'un simple morceau de plastique, comme l'a été en 2005 la carte d'apprenti créée par Jean-Louis Borloo, qui n'est même plus distribuée par les CFA puisqu'elle ne correspond plus à rien.
Notre amendement est à la fois simple et fort. Puisque nous considérons tous que les apprentis sont des étudiants des métiers, allons jusqu'au bout de la logique et considérons qu'ils sont des étudiants tout court, à qui il faut donner une carte d'étudiant comme aux étudiants de l'enseignement supérieur, afin qu'ils puissent bénéficier des mêmes réductions tarifaires mais aussi des mêmes avantages en termes d'accès à l'hébergement étudiant et aux restaurants universitaires.
Je ne méconnais pas les difficultés que cela peut poser pour les jeunes dont le niveau d'études est inférieur au bac, mais cette proposition offre une solution alors que nous nous interrogeons sur les façons d'attirer les jeunes vers l'apprentissage. C'est le moyen de leur montrer que s'ils choisissent la voie de l'apprentissage, ils peuvent bénéficier, même à seize ans et même en étant salarié, du statut d'étudiant.
Voici une proposition aussi simple que radicale. Vos intentions, me semble-t-il, sont proches des nôtres mais votre texte ne les traduit pas. Allons donc au bout de cette démarche et posons clairement le principe qu'un apprenti pourra bénéficier d'une carte d'étudiant et non pas d'une carte d'étudiant des métiers qui risque de faire « pschitt », car personne n'en connaîtra le sens.
Nous sommes bien d'accord sur le fond : notre objectif est d'établir un parallélisme des formes entre les deux voies d'excellence que sont la voie générale et l'apprentissage. C'est la raison pour laquelle nous souhaitons créer cette carte d'étudiant des métiers. Cependant, comme certains apprentis sont mineurs, on ne peut leur offrir les mêmes possibilités, notamment en termes de logement, qu'à des majeurs.
Notre objectif est bien celui d'une convergence et celle-ci commence d'ailleurs déjà à être mise en oeuvre. Le conseil d'administration du Centre national des oeuvres universitaires et scolaires a pris des décisions pour ouvrir les portes des CROUS aux apprentis dans les mêmes conditions tarifaires qu'aux étudiants.
Avis défavorable.
Même avis.
(L'amendement n° 83 n'est pas adopté.)
Cet amendement a pour but d'étendre le bénéfice de la carte d'étudiant des métiers aux jeunes en contrat de professionnalisation pour éviter de créer une discrimination entre les deux statuts.
Cet amendement a été retiré en commission au profit d'un autre, devenu l'article 1er bis, qui apporte une réponse pleine et entière à votre préoccupation , ma chère collègue.
De plus, la rédaction de l'amendement n° 2 pose problème dans la mesure où y figure le terme de « primo-demandeur d'emploi », qui est source de difficultés.
Je suis saisie d'un amendement n°4 rectifié .
La parole est à M. Roland Muzeau.
Cet amendement, ainsi que le suivant, vise à améliorer la condition des apprentis et à valoriser leur travail dans le monde des entreprises en particulier et dans le monde du travail en général.
Nous constatons que les entreprises, plutôt que de favoriser l'apprentissage en protégeant les titulaires des contrats et en valorisant leur rôle de jeunes travailleurs en formation dans l'entreprise et dans l'économie, en ont trop souvent fait des variables d'ajustement à la production, les considérant comme une main-d'oeuvre à très bas coût pourvoyeuse d'exonérations. Ainsi un apprenti plafonne-t-il à 15 % du SMIC lors du premier semestre de son apprentissage et ne peut prétendre dépasser 50 % qu'à compter du cinquième semestre.
Pour un Président de la République et un gouvernement qui se targuent de faire de la valeur travail un point cardinal de leur politique, maintenir de telles conditions de travail pour les jeunes travailleurs de notre pays est une marque de mépris. Ce n'est certainement pas la meilleure façon de susciter chez nos jeunes apprentis la confiance qu'ils devraient avoir dans le monde du travail et dans leur formation, bien au contraire.
L'amendement n° 4 rectifié propose que la rémunération des apprentis ne puisse être inférieure à 50 % du SMIC afin de valoriser leur travail autant qu'eux-mêmes.
La commission a repoussé cet amendement.
Nous souhaitons bien sûr revaloriser le statut des apprentis : c'est l'objet même de l'article 1er, monsieur Muzeau. Mais nous considérons que votre proposition aurait un effet négatif. Aujourd'hui, le salaire des apprentis commence à 25 % du SMIC et se termine à 78 %. Si leur salaire de démarrage était doublé, leur salaire de fin de formation devrait l'être aussi, ce qui constituerait un frein au développement de l'apprentissage.
Par ailleurs, il ne faut pas oublier qu'outre son travail dans l'entreprise, l'apprenti suit un parcours de formation au sein d'un CFA où il apprend son métier de façon plus théorique.
Même avis, madame la présidente.
Comme nous souhaitons tous travailler à la revalorisation de l'apprentissage, il serait bon de mener une réflexion commune avec les partenaires sociaux sur le barème de rémunération de l'apprentissage. Il s'agit d'un barème minimum mais ce sont ces montants qui sont généralement appliqués, même s'il existe des exceptions : les branches qui se heurtent à des difficultés de recrutement n'hésitent pas à proposer des salaires qui vont au-delà de ce minimum.
Un jeune de dix-huit ans en formation au BEP reçoit 25 % du SMIC. S'il vit encore dans sa famille, cette rémunération peut encore convenir. Mais s'il doit subvenir seul à ses besoins, elle ne peut suffire.
Il faudrait voir quand nous pourrons mener cette discussion avec les partenaires sociaux. Elle me paraît légitime car une modification du barème constituerait une vraie mesure de valorisation de l'apprentissage.
(L'amendement n° 4 rectifié n'est pas adopté.)
Les articles 1er et 1er bis, qui créent de nouvelles cartes d'étudiant pour les apprentis et pour les titulaires de contrats de professionnalisation posent opportunément la question de la résorption des différences entre ces statuts particuliers et le statut des étudiants. Si les contrats d'apprentissage et de professionnalisation relèvent bien de la formation initiale – ce qui justifie de leur octroyer des avantages comparables à ceux dont jouissent les étudiants, notamment en termes d'accès au logement, aux transports et à la restauration –, les apprentis, contrairement aux étudiants, sont rémunérés, certes trop faiblement, pour la part de leur activité en entreprise.
Dès lors, pourquoi ne pas accorder aux étudiants une allocation d'autonomie – à ne pas confondre avec un salaire – pour leur permettre de surmonter des conditions de vie de plus en plus dégradées, notamment pour ce qui est de l'accès au logement ?
C'est le sens de notre amendement, qui vise à ce que le Gouvernement nous remette un rapport sur la question.
Cet amendement a été repoussé par la commission.
S'agissant de l'allocation d'autonomie, je précise que le revenu contractualisé d'autonomie est en cours d'expérimentation depuis la parution du décret d'application le 1er février de cette année. Il concerne les jeunes ayant au moins une licence et au chômage depuis au moins six mois. Ce dispositif sera évalué au terme des trois ans d'expérimentation. Il me paraît nécessaire d'attendre la validation de cette expérience.
Avis défavorable.
Je précise que les résultats de l'expérimentation seront connus au deuxième semestre 2012.
(L'amendement n° 3 n'est pas adopté.)
Dans ses discours du 24 avril 2009 à Jouy-le-Moutier dans le Val-d'Oise et, plus récemment, du 1er mars 2011 à Bobigny, le Président de la République déclarait vouloir faire le pari de l'apprentissage. Permettez-nous de douter de la sincérité du volontarisme exprimé par le Président : on ne peut d'un côté affirmer haut et fort que la voie de l'apprentissage doit être valorisée et, de l'autre, organiser son affaiblissement. Or c'est précisément ce que nous observons.
Si cette proposition de loi tente de donner corps au volontarisme présidentiel, elle n'en occulte pas moins des sujets cruciaux relatifs à la condition de l'apprenti et du travailleur en formation.
En 2009, le Président de la République annonçait un investissement de 1,3 milliard d'euros ; tout était consacré aux entreprises. Aujourd'hui, nous constatons, et nous le déplorons, que le texte qui nous est présenté ne contient aucune disposition destinée à améliorer la condition de l'apprenti, si l'on excepte le bénéfice de la carte d'étudiant des métiers – bien piètre contrepartie accordée à des acteurs indispensables de la vie économique de notre pays.
Ce mépris envers les plus jeunes de nos travailleurs explique peut-être en partie qu'un apprenti sur six abandonne sa formation en cours de route, comme l'a souligné un rapport du Centre d'étude et de recherche sur l'emploi et les qualifications – organisme qui dépend, je le rappelle, des ministères du travail et de l'éducation nationale.
Les amendements des députés communistes, républicains et du parti de gauche mettent l'accent sur deux sujets cruciaux : le niveau de rémunération des apprentis et la revalorisation de leur future retraite. Deux sujets sur lesquels le Gouvernement nous a déjà opposé par le passé une fin de non-recevoir, à rebours de ses discours lénifiants sur la valeur travail – car c'est bien de la valorisation du travail des apprentis en entreprise et dans le monde du travail qu'il s'agit.
Actuellement, les cotisations de retraite des apprentis sont assises sur la partie professionnelle de leur activité, c'est-à-dire qu'elles dépendent du temps passé dans l'entreprise et de la rémunération perçue, mais après abattement d'assiette. Ainsi, l'assiette forfaitaire mensuelle des cotisations est de 4 % du SMIC au premier semestre, de 14 % au deuxième, etc., si bien que les apprentis ne cotisent pas quatre semestres par an.
La réforme des retraites votée par la majorité n'ayant pas permis d'inclure les apprentis dans le dispositif « carrières longues », nombre d'entre eux seront contraints de travailler jusqu'à soixante-deux ans au moins, alors que certains jeunes commencent leur apprentissage à quinze ou seize ans. Nous plaidons pour qu'on reconnaisse en eux des travailleurs à part entière, au moins en prenant en considération toute la partie professionnelle de leur activité.
Contraints par l'article 40, nous demandons au Gouvernement de remettre dès la fin de l'année au Parlement un rapport sur les modalités envisageables de revalorisation de la retraite des apprentis.
Cet amendement a été repoussé par la commission.
Monsieur Muzeau, vous doutez de la volonté du Président de la République de développer l'apprentissage, mais nous – avec Bernard Perrut, Jean-Charles Taugourdeau et les quelque cent soixante députés qui ont cosigné la proposition de loi –, nous n'en doutons pas ! Mieux, nous voulons l'accompagner, et c'est ce que nous faisons aujourd'hui.
S'agissant de la retraite des apprentis, je rappelle que le fait d'acquérir des droits à la retraite à seize ou dix-sept ans, alors qu'ils sont encore en formation, les avantage déjà par rapport aux autres jeunes du même âge, même si ces droits sont relativement limités.
Même avis.
(L'amendement n° 6 n'est pas adopté.)
L'article 1er bis, issu de l'amendement défendu en commission par notre collègue Pascale Gruny, tend à étendre le bénéfice de la fameuse carte d'étudiant des métiers aux titulaires d'un contrat de professionnalisation.
De même, une série d'amendements que nous allons examiner tend à établir un parallélisme entre le contrat d'apprentissage et le contrat de professionnalisation.
Cela semble à première vue aller de soi, mais je me demande si c'est vraiment une bonne idée. N'est-ce pas contraire à ce que nous essayons de faire par ailleurs : valoriser l'apprentissage en faisant des apprentis, de surcroît, des étudiants des métiers ?
À la différence du contrat d'apprentissage, le contrat de professionnalisation n'est pas limité aux jeunes âgés de seize à vingt-cinq ans. Il a été ouvert à d'autres publics, et je pense même qu'il devrait l'être à tous ceux qui souhaitent reprendre une formation en alternance, souvent afin d'obtenir une certification de branche.
Je ne suis pas radicalement opposé à l'article, mais je me demande si nous n'aurions pas intérêt à bien distinguer deux voies de l'alternance. D'une part, celle de l'apprentissage, qui relève de la formation initiale et que l'on valorise fortement en donnant aux apprentis le statut d'étudiant des métiers. D'autre part, le contrat de professionnalisation, qui relève de la formation continue et qui permet à chacun, tout au long de sa vie, de reprendre une formation dans le cadre d'une formule qui a fait ses preuves, qui est défendue par les partenaires sociaux et appréciée par les entreprises. Ne serait-il pas contre-productif de les rapprocher ?
Pourquoi proposons-nous de supprimer l'article 1er bis, introduit par la commission des affaires sociales, et qui vise à étendre la carte d'étudiant des métiers aux titulaires de contrats de professionnalisation ?
Pour compléter les arguments avancés par Jean-Patrick Gille, je rappellerai que la moitié des bénéficiaires des contrats de professionnalisation ont plus de vingt-deux ans : on est assez loin du public étudiant. Plus intéressant encore, 30 % des bénéficiaires sont des demandeurs d'emploi et 15 % des salariés, ce qui représente en tout près de la moitié des bénéficiaires. En leur attribuant la carte, on risque donc d'introduire une confusion entre les différents statuts.
Nous devons tenir compte de ces limites pratiques avant de nous risquer à cette extension.
La commission a repoussé cet amendement.
Son exposé sommaire pourrait laisser penser que ses auteurs n'ont pas bien lu l'article 1er bis. En fait, cet article réserve la carte d'étudiant des métiers à certains titulaires de contrats de professionnalisation. Les conditions sont très claires : il s'agit de jeunes, dont le contrat dure au moins un an, et qui suivent une formation diplômante. Le périmètre d'application est donc extrêmement restreint.
De fait, ce sont ces jeunes qui côtoient le plus souvent les apprentis, car ils fréquentent les mêmes classes au sein des centres de formation. En effet, on recourt au contrat de professionnalisation dans des branches ou des métiers où l'apprentissage n'existe pas.
Nous souhaitons donc établir un parallélisme entre les deux systèmes. Car comment faire comprendre à un jeune qu'il ne peut pas bénéficier de la même carte qu'un autre jeune du même âge qui fréquente la même classe pour suivre la même formation ?
J'ai exprimé mes réserves lorsque Pascale Gruny et Francis Vercamer ont évoqué ce sujet. Le Gouvernement se pose plusieurs questions. Ne risque-t-on pas de confondre des statuts qui ne sont pas équivalents ? N'oublions pas non plus que le jeune en contrat de professionnalisation bénéficie d'une rémunération substantielle. Enfin, il faut le dire, nous nous interrogeons sur le coût de la mesure.
Certes, l'extension du bénéfice de la carte d'étudiant des métiers aux salariés en contrat de professionnalisation peut apparaître comme une mesure d'équité : on peut considérer que les personnes qui préparent un diplôme dans les mêmes conditions que les apprentis devraient bénéficier des mêmes avantages.
Compte tenu des réserves que je viens d'exprimer, je m'en remets à la sagesse de l'Assemblée.
Je souscris entièrement à la démonstration du rapporteur ; du reste, nous étions cosignataires de l'amendement dont l'article est issu.
En revanche, j'ai été un peu surpris de l'argumentation du groupe SRC. Vous ne pouvez pas à la fois, chers collègues, prôner la formation tout au long de la vie en faisant valoir que ceux qui n'ont pas bénéficié d'une formation initiale suffisante doivent pouvoir la compléter au cours de leur carrière professionnelle, comme vous l'avez fait à propos du chèque formation, et leur interdire certains avantages ! Cela me paraît antinomique.
Deuxièmement, vous écrivez dans l'exposé sommaire de votre amendement qu'« il n'y a pas lieu de créer une carte d'étudiant des métiers pour les bénéficiaires des contrats de professionnalisation qui sont également ouverts aux demandeurs d'emploi adultes et aux bénéficiaires des minima sociaux ». On se croirait revenu au récent débat sur les minima sociaux, dont les bénéficiaires, a-t-on dit, ne devraient pas avoir droit à des avantages ! C'est un peu fort de café ! Ces bénéficiaires n'auraient pas droit à la carte d'étudiant des métiers parce qu'ils touchent les minima sociaux ? C'est le bouquet, si vous me permettez l'expression !
Enfin, madame la ministre, je ne suis pas persuadé que les jeunes en contrat de professionnalisation bénéficient d'une rémunération « substantielle ». Ils touchent un « petit plus » ; cela ne justifie pas leur exclusion discriminatoire du bénéfice de la carte d'étudiant des métiers.
Monsieur Vercamer, s'agissant des minima sociaux, ce n'est pas ainsi qu'il faut comprendre l'exposé sommaire de notre amendement.
Je me suis fait la même réflexion que vous. Je vais donc m'expliquer. Notre argumentation résulte, en l'occurrence, de nos précédents amendements, qui tendaient à octroyer aux apprentis la carte d'étudiant – et non celle d'étudiant des métiers –, dont on ne peut cumuler le bénéfice avec les minima sociaux.
D'autre part, j'ai bien entendu l'argument de Gérard Cherpion : il ne s'agit pas des publics adultes, abordés par ailleurs, mais des seuls jeunes. Et vous faites valoir, monsieur le rapporteur, que, parmi des jeunes qui fréquentent le même centre de formation, les uns auraient droit à la carte d'étudiant des métiers, les autres non ; l'argument est fort. Mais il vaut également dans le cas d'un jeune titulaire d'un contrat de professionnalisation de neuf mois, qui, aux termes de l'article 1er bis, n'aura pas droit à la carte.
Plus généralement, il s'agit de bien distinguer deux voies de l'alternance. D'une part, le statut d'étudiant des métiers, en formation initiale, qui est à la fois étudiant et en contrat de formation rémunéré. D'autre part, le contrat de professionnalisation, qui concerne un salarié en formation. On pourrait construire ces deux statuts de manière à gagner en cohérence.
Je le répète, je ne suis pas absolument opposé à l'article. Je vois bien qu'il s'agit de parvenir à l'équité entre les statuts. Mais, une fois encore, cela me paraît être une fausse bonne idée qui brouille les cartes.
Il faut que le barème de rémunération soit le même, et il me semble que c'est le cas, contrairement à ce qu'a laissé entendre Mme la ministre : la rémunération minimale est la même. Il faut peut-être harmoniser les deux statuts sur d'autres aspects, par exemple les primes. Mais je crois que nous avons intérêt à distinguer la philosophie de chacune de ces deux voies, afin que chacun puisse s'y repérer. D'un côté, le statut d'étudiant des métiers, qui est acté – et tant mieux ; de l'autre, le statut de salarié en formation continue.
J'ai du mal à comprendre votre distinction entre deux contrats de travail.
Vous dites que, dans un cas, le bénéficiaire est salarié ; mais les deux le sont ! Il s'agit bien, dans les deux cas, d'un contrat de travail.
L'écart de salaire n'est pas très important : 78 % du SMIC pour l'apprenti, 80 % pour le titulaire d'un contrat de professionnalisation.
L'occasion nous est donnée de ne pas établir une différence entre des jeunes qui aspirent à trouver un métier, un emploi. Pourquoi discriminer une partie d'entre eux ?
Nous avons entendu les arguments des uns et des autres, mais pensons aux jeunes ! Si les jeunes concernés assistaient à nos débats, ils seraient un peu surpris que l'on tente d'établir une différence entre eux alors qu'ils doivent jouir de droits égaux.
En effet, l'argumentation de Gérard Cherpion, reprenant les termes de l'article 1er bis, est très claire : la mesure concerne les jeunes de moins de vingt-six ans, en contrat de professionnalisation d'une durée minimale d'un an, ce qui cible les contrats qui préparent à des titres que l'apprentissage vise aussi.
On le voit, des jeunes qui suivront des formations très proches, dans les mêmes centres, et qui auront les mêmes origines, n'auraient pas les mêmes droits ni les mêmes avantages. Ce serait regrettable, alors que nous répétons depuis ce matin qu'il faut valoriser les métiers et l'accès aux métiers.
Le groupe UMP soutient donc l'article 1er bis, issu d'une bonne idée sur laquelle le rapporteur Gérard Cherpion a plus spécialement travaillé.
(L'amendement n° 84 n'est pas adopté.)
(L'article 1er bis est adopté.)
L'article 2 prévoit la création d'un site internet pour le développement de l'alternance. Certes, ce n'est pas la panacée, ce n'est pas un but unique, puisqu'un portail de l'alternance existe déjà. Mais il est important que le législateur en définisse aujourd'hui les objectifs : l'intermédiation, l'aide à la décision, et aussi la simplification.
On rejoint là, d'ailleurs, l'action du Gouvernement, puisque les Assises nationales de la simplification ont eu lieu récemment. On peut penser que ce site permettra aux employeurs de réaliser plus facilement la fiche de paye et d'alléger leurs contraintes, qui sont encore trop nombreuses. À terme, nous pourrons ainsi disposer d'un formulaire simplifié unique de déclaration d'intention d'embauche d'alternant, dont la signature – et peut-être même la signature électronique – pourrait déclencher la mise au point et l'enregistrement du contrat.
Toutefois, je le dis très clairement, ce site internet ne remplacera jamais le conseil personnalisé. Il existe en effet dans notre pays des structures d'accompagnement des jeunes ; je pense notamment aux missions locales, dont le rôle est justement l'accompagnement individualisé, personnalisé, de tous les jeunes. Des parcours préparatoires à l'apprentissage sont, nous le savons bien, tout à fait nécessaires. On ne devient pas forcément apprenti spontanément ! Les jeunes les plus éloignés de l'emploi, en particulier, doivent être accompagnés vers les métiers.
Je crois donc beaucoup, en complément du site internet, non seulement à l'accompagnement, mais aussi à la création sur le terrain de comités locaux de pilotage de l'apprentissage, qui réunissent les branches professionnelles, les chambres consulaires, les missions locales, l'éducation nationale, pour être ensemble au plus près des jeunes, pour les diriger, les conseiller, les accompagner.
Enfin, il faut aussi développer le parrainage et le tutorat. Un jeune seul, c'est un jeune isolé, c'est un jeune qui ne réussit pas. Avant même l'entrée en apprentissage, mais aussi après, le tutorat doit exister non seulement à l'intérieur mais aussi à l'extérieur de l'entreprise. On voit encore trop souvent des jeunes qui décrochent, même une fois entrés en apprentissage. Il faut donc renforcer les mesures d'accompagnement.
Je suis saisie d'un amendement n° 85 .
La parole est à M. Jean-René Marsac.
Nous proposons de supprimer l'article 2, qui nous semble d'autant moins utile que les régions ont déjà mis en place des portails et des dispositifs d'accompagnement de la montée en puissance de l'apprentissage.
Cet article n'évoque d'ailleurs aucunement l'articulation avec les régions. Vous avez tout à l'heure refusé notre article préliminaire d'intentions générales ; vous aviez ici une autre occasion d'affirmer la nécessaire articulation avec les conseils régionaux, ce que vous faites du reste pour les chambres consulaires et les organismes collecteurs.
Nous croyons que cette information doit plutôt être délivrée au niveau régional.
La commission a repoussé cet amendement. Nous voulons effectivement créer un portail national, mais qui n'a pas vocation à se substituer à ceux qui existent au niveau régional. Les régions ont pris des initiatives, soit ; mais ce qui est important, c'est que lorsqu'un jeune cherche une orientation, il puisse s'informer, sur un seul portail, sur toutes les formations – du système général, de l'apprentissage, de l'alternance. C'est l'objectif de cet article.
Ensuite, ce portail renverra bien sûr vers un portail régional si nécessaire. Il est évident qu'un jeune de votre région, monsieur Marsac, ne va pas chercher un contrat dans la mienne. Il y aura donc un retour vers votre site régional. Nous sommes d'accord.
Cela relève-t-il de la loi ? Non, c'est vrai, l'ouverture d'un portail ne relève pas du domaine législatif – je vois M. Vidalies soulever le sourcil. (Sourires.) Si j'ai voulu inscrire cet article dans la loi, c'est pour fixer à ceux qui développeront ce site les objectifs à atteindre : faciliter la diffusion des offres de contrats pour que les jeunes puissent y avoir accès ; aider à la décision des employeurs et des alternants ; aller, comme l'a très bien rappelé Bernard Perrut, vers des formalités simplifiées et dématérialisées.
Le Gouvernement est également défavorable à cet amendement. Supprimer le portail national de l'alternance n'aurait vraiment pas de sens. Il a pour objectif de proposer la saisie assistée du contrat, la dématérialisation du contrat, une aide interactive au choix du contrat, une bourse de l'emploi nationale et des informations juridiques.
L'ensemble de ces fonctionnalités simplifieront les procédures d'enregistrement. À l'évidence, comme l'a dit M. le rapporteur, rien n'empêche les régions de disposer de leur propre outil internet d'information, en complément de ce qu'apporte l'État.
Monsieur Perrut, vous avez raison : le portail internet de l'alternance est un outil indispensable, mais il est aussi très important de prévoir un accompagnement personnalisé. C'est tout le sens du développement du service public de l'orientation. La réforme de la formation professionnelle intervenue en 2009 a prévu la mise en place d'un service public de l'orientation tout au long de la vie. Le décret a été publié, et nous achevons actuellement la phase de labellisation de ces sites, qui permettront un contact direct. Chaque bassin d'emploi en comportera un.
Cet accompagnement personnalisé est tout à fait complémentaire de l'outil internet que nous allons mettre en place.
M. le rapporteur l'a dit : nul besoin d'un article de loi pour créer ce portail. Il pourrait d'ailleurs être très simple, puisque les régions disposent déjà de tout ce qu'il faut pour traiter la question de l'alternance. Il faut donc juste coordonner l'ensemble au niveau national.
La réalité est tout à fait anecdotique : c'est que, comme le Président de la République avait dit dans son discours de Bobigny – oubliant d'ailleurs qu'il existait déjà un service internet sur l'alternance – qu'il fallait un portail, nos collègues un peu trop zélés ont absolument voulu le faire apparaître dans la loi.
Dans chaque loi, chacun se sent maintenant obligé de créer un site internet. À chaque fois, on trouve une petite enveloppe de quelques millions pour ce faire. Nous attendons déjà impatiemment le site sur l'orientation.
L'enjeu est plutôt de créer un site qui soit une interface efficace. Le principe du net, c'est la mise en réseau : si on multiplie les sites sans lien entre eux, cela n'a plus aucun sens.
La question du traitement dématérialisé des contrats ne doit pas être négligée, je pense que nous l'évoquerons tout à l'heure.
(L'amendement n° 85 n'est pas adopté.)
Je suis saisie d'un amendement n° 71 .
La parole est à M. Jean-Pierre Marcon.
Le texte initial ne mentionnait pas le rôle des chambres de commerce dans la mise en place de ce service dématérialisé. Pourtant, depuis 2006, elles ont joué un rôle très actif pour la mise en place du portail de l'alternance.
Toutefois, la commission ayant modifié le texte pour y inscrire ce rôle des chambres de commerce, et davantage, cet amendement devient inutile. Je le retire.
(L'amendement n° 71 est retiré.)
Je suis saisie d'un amendement n° 86 .
La parole est à M. Alain Vidalies.
Il s'agit d'un amendement de repli par rapport à l'amendement de suppression, mais c'est peut-être au fond celui qui pose le mieux le problème, puisque son premier signataire est le président de l'Association des régions de France.
À force de ne pas vouloir trancher pour savoir qui fait quoi, sommes-nous rationnels dans l'utilisation de l'argent public pour ces différentes initiatives ? Chacun sait bien que, dans le domaine de la formation professionnelle, les choses sont très compliquées ; il n'est peut-être pas nécessaire d'en rajouter.
Nous sommes en train d'organiser un système dans lequel chaque acteur a sa légitimité : l'État veut un portail national et veut piloter l'ensemble ; les régions estiment disposer de toutes les compétences nécessaires et ont déjà mis en place différents sites ; les chambres consulaires s'estiment elles aussi légitimes. Et chacun va continuer à ignorer l'autre.
Il y a là une utilisation irrationnelle de l'argent public, et cela relève bien de la responsabilité du Gouvernement. Avec cet amendement, nous ne voulons pas remettre en cause le principe d'un portail national ; nous exigeons, en tant que législateurs – puisque le Gouvernement ne l'a pas fait d'emblée –, la prise en compte de l'existant avant l'invention de nouveaux systèmes qui non seulement ont un coût, mais vont entraîner une grande confusion chez les utilisateurs.
Parfois nous avons déjà nous-mêmes du mal à nous y retrouver, alors imaginons ce qu'il en est pour ceux qui sont normalement les bénéficiaires de ces dispositifs avec la multiplication, aujourd'hui, des intervenants !
Il faut, je crois, une cohérence dans la loi, et il faut de la cohérence dans l'établissement des compétences. Le rôle des régions est bien établi ; des initiatives ont été prises ; ne rendons pas le problème plus compliqué qu'il ne l'est déjà, et évitons cette utilisation irrationnelle de l'argent public.
La commission n'a pas examiné cet amendement, qui est une sorte de déclaration de principe.
Et qui, très objectivement, n'est même que cela.
Ce nouveau portail, comme tout outil internet, servira à établir des liens. Il renverra aux outils régionaux, nous sommes bien d'accord.
Pour qu'un système fonctionne, il faut une notoriété ; il faut que les jeunes puissent aller sur ces sites, qu'il y aient accès. Avec un accès unique, valable pour l'ensemble du territoire, nous pourrons proposer une palette complète de formations. Cela permettra aussi à l'apprenti, par exemple, de choisir une formation qui n'existe pas dans sa région. C'est une possibilité qu'il faut offrir, et ce n'est pas possible sans un système national. Jean-Patrick Gille n'a pas l'air d'accord. Mais je voudrais lui poser une question : les régions ont mis en place des plates-formes téléphoniques ; aujourd'hui, quel en est le résultat ? Combien d'appels ?
On sait bien, et vous en serez d'accord, que cela ne fonctionne pas ! Cela ne fonctionne pas pour des raisons de notoriété : on reste dans un système trop simple. Je ne conteste en rien la compétence des régions en matière de formation professionnelle : je l'ai dit, monsieur Vidalies, mais je veux bien le redire. (Sourires.)
Avis défavorable.
Même avis. D'une région à l'autre, je le répète, les offres de formation ne sont pas uniformes : il est donc très utile de disposer d'un système national d'information, qui renvoie ensuite les jeunes vers les sites régionaux. Vous savez bien, d'ailleurs, que les portails des régions ne sont pas tous du même niveau.
Nous avons donc besoin d'un portail national, et nous ne pouvons pas accepter votre proposition.
(L'amendement n° 86 n'est pas adopté.)
(L'article 2 est adopté.)
Je suis saisie d'un amendement n° 87 , tendant à supprimer l'article 2 ter.
La parole est à M. Jean-René Marsac.
Nous nous interrogeons sur la pertinence de la notion de label. La loi et les procédures réglementaires déterminent un cadre et des obligations que les entreprises doivent, à tout le moins, respecter. Faut-il y ajouter un label qui identifierait les meilleures d'entre elles, et selon quels critères ? Par ailleurs, je ne suis pas certain que les complexités administratives engendrées – établir un cahier des charges, le faire respecter, demander des comptes rendus, faire des évaluations, des contrôles – aillent dans le sens de l'allègement du travail des entreprises, appelées à développer l'apprentissage et l'alternance.
Un autre sujet d'inquiétude pour nous est l'articulation établie à l'alinéa 2, entre label et clause sociale. Est-ce à dire que dès lors que le label est accordé, les entreprises peuvent répondre aux appels d'offres de marchés publics avec cette détermination de clause sociale ? Pour l'instant, cette clause fonctionne cahin-caha et doit servir principalement au développement de l'insertion par l'activité économique que Francis Vercamer a évoqué tout à l'heure.
En l'attente de réponses du rapporteur sur les intentions qui sous-tendent la mise en place du label, nous demandons la suppression de l'article 2 ter.
La commission a repoussé cet amendement. Le débat sur le label a eu lieu en commission, et nous avons convenu que celui-ci n'était pas suffisant, que d'autres critères devaient être retenus.
Il me semble positif de valoriser les entreprises exemplaires, de même que nous valorisons les apprentis, car ces deux composantes forment un tout. En outre, pour certaines entreprises, s'inscrire dans cette dynamique est important, que ce soit par conviction profonde ou par souci d'image.
Je vous rappelle que cette idée émane d'un chef d'entreprise assez remarquable, surtout dans le domaine de l'apprentissage. C'est M. Proglio, dont personne ne peut contester le rôle dans la défense de l'apprentissage et dans l'application même des textes s'y rapportant.
Les entreprises seront notées sur les aspects à la fois quantitatifs et qualitatifs ; elles s'engagent sur les deux volets, le qualitatif étant extrêmement important.
Quant à la clause sociale, c'est simple : elle est à la disposition des collectivités, qui s'en saisissent si elles le veulent. C'est l'exercice de leur liberté.
Même avis.
S'agissant de la clause sociale, la réponse est insuffisante. Actuellement, la clause sociale des marchés publics est ouverte aux entreprises ayant pour vocation centrale l'insertion sociale et professionnelle. Or, par le label lié à l'apprentissage, vous l'ouvrez à des entreprises lambda dont le coeur de métier n'est ni l'insertion ni la formation, mais la production de biens et de services. Cela contribue à déséquilibrer fortement la notion de clause sociale, ce qui est dangereux pour l'ensemble du système.
Le code des marchés est très clair : il ouvre la possibilité de clause sociale.
Nous revenons simplement au code des marchés qui ouvre cette possibilité.
Nous avons eu deux fois la même réponse et je vais donc reposer la question, car le sujet est sérieux.
La clause sociale des marchés publics figure aux articles 14 et 53 du code des marchés publics. Dans le cadre de l'article 14, toutes les entreprises peuvent soumettre en précisant comment elles répondent à la clause sociale, généralement soit en faisant appel à des entreprises d'insertion, soit en embauchant certains publics. Quelle plus-value apporte le label que vous délivrez dans ce dispositif ? C'est ce que je n'arrive pas à comprendre.
Cela veut-il dire que les entreprises qui auront le label seront considérées comme des entreprises d'insertion ? Ou que ces entreprises embauchent déjà des jeunes, ce qui n'apporte rien et est même une forme de régression puisque les entreprises qui auront obtenu le label n'auront plus à fournir d'effort supplémentaire.
Derrière une bonne intention se cache donc un petit danger qui me fait craindre que ce label ne soit contre-productif. J'aimerais bien avoir une réponse précise sur la signification de l'alinéa 2.
C'est le texte. Une collectivité peut appliquer la clause sociale ou peut ne pas l'appliquer. C'est une possibilité qui lui est offerte.
Le label doit être considéré comme une clause sociale supplémentaire possible. C'est tout. À ce titre, il ne sera pas contestable par rapport à d'autres formes de clause sociale. J'ai le sentiment que tout est très simple.
(L'amendement n° 87 n'est pas adopté.)
Amendement rédactionnel.
(L'amendement n° 53 , accepté par le Gouvernement, est adopté.)
(L'article 2 ter, amendé, est adopté.)
Alors que nous avons examiné tous les gadgets, qui ne méritaient pas forcément des articles de loi et auraient pu se contenter d'un bon travail de communication du ministère, nous entrons maintenant dans le vif du débat avec cette idée dangereuse d'ouvrir les emplois saisonniers à l'apprentissage.
On nous dira que c'est une souplesse, une facilité. Je ne le crois pas, et j'ose même dire que c'est une forme de dévoiement de l'apprentissage, à travers la possibilité d'avoir deux employeurs, de préparer deux qualifications, mais surtout, ce qu'implique le terme de saisonnier, d'exercer à deux endroits différents : dans la restauration, par exemple, l'hiver à la montagne, l'été à la mer. Les apprentis ont déjà des difficultés à régler la question du double hébergement ou du transport ; là, elle est démultipliée.
Les collègues à l'origine de cet article se sont rendu compte qu'il engendrait plusieurs problèmes à régler. La complexité des ruptures, d'abord : lorsqu'il en intervient une d'un seul côté, qui en a la charge ? Puis ils ont dû se rendre à l'évidence que cela impliquait finalement deux contrats, donc deux périodes d'essai.
Le président Méhaignerie ne cesse de nous exhorter à aller vers la simplification du code du travail. Pour introduire ce que vous considérez comme une souplesse, nous allons nous retrouver avec deux pages de code supplémentaires, car les difficultés ne s'arrêtent pas là.
Dans l'apprentissage, une prime est versée par les régions. Laquelle, de celle qui est à la mer ou à la montagne, va la verser ?
Deux qualifications égalent deux CFA. Qui va financer deux CFA qui n'assureraient qu'une moitié de la formation ? Du point de vue pédagogique, je ne vois pas comment, même si les CFA font preuve de plus en plus de souplesse dans l'individualisation, ils pourront organiser des demi-parcours dans un temps déjà contraint. Alors qu'assurer les heures prévues pour une qualification est déjà très compliqué, comment organiser un double cursus ? Ce n'est pas comme à l'université.
Il faut être pragmatique, me répondrez-vous. Je vous invite justement à l'être. Aujourd'hui, une forme de souplesse est tout à fait possible. Un employeur peut, pour une raison ou une autre, être d'accord pour que son apprenti aille faire une partie de son alternance dans une autre entreprise : il suffit de passer une convention. Pour un apprenti qui est dans une entreprise ne disposant pas de tous les outils ou des dernières avancées technologiques, cela peut être une excellente chose de lui permettre de se familiariser avec ces innovations chez un confrère.
J'invite nos collègues à être très prudents et, pour le moment, à rejeter cet apprentissage saisonnier, lequel semble partir d'une idée bonne mais qui, finalement, peut se révéler inutile et dangereuse. On peut y arriver plus simplement, par d'autres moyens.
L'accord national interprofessionnel sur l'accès des jeunes aux formations en alternance demande aux pouvoirs publics de rechercher les modalités les plus adaptées pour permettre la conclusion de contrats d'apprentissage dans le cadre d'activités saisonnières. Dans son article 3, la proposition de loi ouvre donc la possibilité à deux employeurs différents d'embaucher conjointement un apprenti dans le cadre précis d'activités saisonnières, principalement donc dans les branches du tourisme, de l'agriculture et des industries agroalimentaires.
Des expérimentations ont été menées dans les stations de ski des Alpes notamment. Elles mériteraient d'être analysées afin de savoir si cette possibilité permet effectivement aux jeunes de se former et d'accéder à un diplôme sur la base de deux contrats dans des champs professionnels complémentaires – stations d'hiver, tourisme vert – ou si, comme nous le craignons, ce dispositif se révèle être en fait un outil de gestion de la pénurie de main-d'oeuvre dans certains secteurs, tels l'hôtellerie et la restauration.
Ce qui me gêne à la lecture de l'article, c'est que l'accent est mis sur le contrat d'apprentissage nécessairement complété d'une convention entre les deux employeurs définissant précisément les périodes d'emploi successives, les modalités concrètes de co-emploi. Ce faisant, l'aspect formation passe au second plan, alors qu'il est essentiel s'agissant de l'apprentissage des jeunes. Or, indiscutablement, l'apprenti sera confronté à la difficulté de suivre deux formations à mi-temps dans des CFA différents, voire à l'impossibilité de préparer deux diplômes, certes complémentaires mais différents quand même dans des champs professionnels parfois divergents. Comment obtenir un bac professionnel avec un contrat à mi-temps ?
Le dispositif proposé soulève de vraies difficultés de mise en oeuvre. Coucher législativement le principe de conclusion d'un contrat d'apprentissage entre plusieurs entreprises en négligeant ces inconvénients n'est pas très responsable. Nous ne voulons pas faire courir ce risque aux apprentis. C'est le sens de notre amendement de suppression.
À l'occasion de cet amendement, on peut faire le constat de ce qu'est, selon nous, un travail non abouti. D'une manière générale, vous démantelez les groupements d'employeurs et, là, vous nous proposez de mettre en place un système qui, sur le plan juridique, va susciter des difficultés sans nom. Pour qui a l'habitude de ce genre de textes, lire qu'en cas de rupture c'est l'un des deux employeurs qui prend en charge les conséquences financières d'une rupture à ses torts, c'est voir immédiatement les difficultés auxquelles on se heurtera pour déterminer l'assiette de l'indemnisation, dès lors qu'il y a deux employeurs. Je ne sais pas qui a rédigé le texte en ce sens, mais cela promet de beaux jours aux imbroglios juridiques.
Or il y avait une solution. Nous comprenons votre problème avec ces emplois saisonniers. Ils ont la particularité, y compris en apprentissage, d'exister, pour l'essentiel, dans la restauration.
C'est cela.
Ce secteur important est aussi celui dans lequel le taux de rupture est le plus élevé : 40 %, ce n'est pas normal, il faut donc faire des efforts.
La réponse à apporter à ce problème passe par les groupements d'employeurs. Ce système a l'avantage de sécuriser la situation du jeune, qui n'aura qu'un seul interlocuteur.
Le dispositif que vous proposez va ressembler à une usine à gaz puisqu'il posera des problèmes juridiques qu'il est difficile d'anticiper à ce stade. En effet, il n'existe actuellement aucun zinzin juridique de cette nature : un seul contrat, deux personnes juridiques, l'une qui peut décider de rompre l'engagement contractuel sans l'autre, celui qui décide de rompre en assumant les conséquences. Aucune réponse n'est apportée s'agissant des questions de solidarité, de renvoi à la détermination de l'importance du préjudice, etc. Bref, tout cela me semble totalement inabouti et aussi fort complexe pour le jeune alors qu'une autre voie était possible.
Une vraie question se pose à propos de l'emploi saisonnier, le secteur de la restauration employant souvent du personnel saisonnier. Il n'y a pas de raison de déprofessionnaliser ce parcours. Mais le groupement d'employeurs est l'outil adéquat puisqu'il évite que les jeunes ne se retrouvent dans une situation d'une grande complexité et qui n'est pas sans risque.
La commission a rejeté ces amendements de suppression.
Je suis parfaitement conscient des difficultés qui vont accompagner la mise en place de ces mesures. Toutefois, c'est un dispositif d'ouverture puisque l'apprenti peut choisir d'avoir deux métiers.
Dans le département des Vosges dont je suis l'élu, il y a une saison d'hiver et une saison d'été. Le jeune qui sera pisteur secouriste en hiver pourra être moniteur de randonnée en moyenne montagne l'été.
Non, je suis moins sévère que vous.
Je vous signale que les partenaires sociaux, qui ont signé récemment un accord sur l'emploi des jeunes relatif à l'alternance et aux stages en entreprise, approuvent cette mesure. L'accord national contient notamment un article 5 intitulé « Favoriser la conclusion de contrats en alternance entre plusieurs entreprises ».
Je dois vous avouer que j'avais peur de vous provoquer en introduisant les groupements d'employeurs que vous venez de décrier par ailleurs.
Laissons la possibilité, soit d'utiliser la voie directe entre des employeurs qui se mettraient d'accord, soit de recourir à des groupements d'employeurs. C'est d'ailleurs ce que nous proposons à l'article 9 bis que vous allez voter puisque nous introduisons la possibilité de l'apprentissage dans les groupements d'employeurs.
Très bien ! Il reste que je demande le rejet des amendements de suppression.
Je me réjouis que M. Vidalies soit d'accord avec la question posée.
Les partenaires sociaux sont d'accord à ce sujet.
Vos divergences ici même portent plutôt sur la forme, sur le contrat. La rédaction d'une convention tripartite doit régler l'organisation de l'apprentissage et prémunir les parties de toute difficulté pendant l'exécution du contrat. Cela doit être de nature à vous rassurer.
Le Gouvernement est défavorable à la suppression de l'article.
Mes chers collègues, qui n'a pas rencontré, dans sa permanence parlementaire ou sa mairie, un jeune lui expliquant qu'il voulait aller en apprentissage pour exercer un métier le conduisant à changer de lieu au cours de l'année ? Vous évoquez, les uns et les autres, les métiers qui sont liés au tourisme, au secteur agroalimentaire ou à l'agriculture.
Bien sûr, nous mesurons toutes les difficultés et contraintes de ces emplois saisonniers et nous avons raison de les exposer. Mais si nous voulons faire évoluer l'apprentissage, il faut introduire un peu de souplesse dans le dispositif.
J'ajoute que les branches professionnelles peuvent peut-être organiser elles-mêmes l'apprentissage.
Vous évoquiez la restauration. On peut très bien imaginer que cette branche professionnelle soit responsable de la formation du jeune, mais qu'il soit amené à changer de lieu l'été. Prenons le cas du département de la Haute-Savoie. Autour du lac d'Annecy, il y a à la fois des activités d'hiver et des activités d'été. Un jeune peut être amené à travailler l'hiver en station à quinze kilomètres d'Annecy, et l'été au bord du lac, la même formation pouvant être délivrée par le même établissement parce qu'il sera resté dans la même zone géographique. Ce n'est pas un cas d'école. Je pense que l'on retrouvera le même cas de figure dans beaucoup de régions françaises.
Le droit français est parfois un peu trop rigide. Pour une fois, nous introduisons un peu de souplesse. Nous réfléchissons à la façon de donner satisfaction à des jeunes qui souhaitent exercer de vrais métiers avec éventuellement deux employeurs.
J'ajoute que des garanties sont apportées à ces jeunes au moyen des conventions entre les deux employeurs afin de déterminer le calendrier, la répartition et la rémunération. On voit bien qu'il ne s'agit pas de développer un système de co-emploi des apprentis, ce qui aurait été contestable. Toutes les mesures sont prises pour permettre de développer des activités, dans un champ géographique certes différent, à travers une formation qui peut être unique, voire complémentaire.
Mes chers collègues de l'opposition, il faut oser parce que c'est l'avenir de ces jeunes qui est en jeu.
Comme l'a fort bien dit le rapporteur, nous partageons le questionnement et l'objectif, mais chacun s'interroge sur la pertinence de la réponse. Pour ma part, je considère qu'il s'agit d'une usine à gaz, ce qui n'a pas été réellement contesté.
Tout le monde n'a pas la chance d'être dans une région bénite où il y a des activités touristiques à la fois l'hiver et l'été. Dans mon département des Landes, il y a peu de touristes sur le littoral en hiver. Du coup, les jeunes doivent trouver une activité ailleurs, à la montagne par exemple.
Certes, il faut leur apporter des solutions. Cela ne pose pas de problème lorsque les deux cocontractants sont sur le même lieu géographique et qu'ils se connaissent. Mais la mise en oeuvre du dispositif sera plus complexe quand le jeune devra changer de région.
Quand on sait de surcroît que le taux de rupture du contrat d'apprentissage est de 40 % dans ce secteur, ce qui est une vraie préoccupation, on peut s'interroger. Voilà pourquoi il faut un cadre juridique sécurisé. En la matière, notre préférence va aux groupements d'employeurs. Personne n'a mesuré les conséquences du fonctionnement de l'usine à gaz que vous êtes en train de monter.
Je suis étonnée que nos collègues du groupe socialiste souhaitent supprimer l'article 3, car ils refusent ainsi à certains jeunes d'avoir un statut clair. On ne peut pas exclure du champ de l'apprentissage certaines professions. Il est essentiel que tous les jeunes puissent avoir accès à l'apprentissage et qu'ils puissent signer une convention avec deux employeurs.
Nous sommes face à un vrai problème. En la matière, nous devons essayer d'avancer progressivement.
M. Cherpion a pris tout à l'heure le cas du département des Vosges, dont il est l'élu. La réponse passe par la création d'un groupement d'employeurs. Vous savez aussi que les GEQ, c'est-à-dire les groupements d'employeurs qualifiants, sont une grande réussite en matière de contrats de professionnalisation. On pourrait y recourir de manière très pragmatique pour les contrats d'apprentissage.
Vous proposez la saisonnalité pour l'apprentissage. Je vous invite à réfléchir quelques instants à la complexité du dispositif. Si l'on veut qu'il fonctionne, on va devoir adopter tous les amendements proposés à cet article.
Tout à l'heure, j'ai évoqué les questions réglementaires. Comment va faire un jeune qui signera un contrat d'apprentissage avec deux employeurs qui ne sont pas de la même région ? Qui va payer le CFA, les primes, le transport entre les deux lieux de travail ? Tout cela est très compliqué.
En fait, vous êtes en train de céder aux attentes et aux demandes perpétuelles de la restauration. Je respecte bien sûr ce secteur et je vous rappelle que je suis président d'un CFA de la restauration. Mais, si l'on veut progresser, il faut travailler avec la branche et non céder à toutes ses demandes.
Être saisonnier, ce n'est pas une qualification mais une contrainte de la profession. La qualification, c'est d'être serveur ou cuisinier.
Il faut former correctement le jeune pour qu'il puisse gagner en autonomie.
Mes chers collègues, réfléchissez donc à toutes les contraintes que vous allez créer pour régler peut-être quelques situations. Dans d'autres branches, nous souhaitons éviter des dérives et valoriser l'apprentissage.
Notre rôle consiste à mettre à la disposition des employeurs et des apprentis tous les outils possibles. Certes, il y aura des situations difficiles à régler, voire impossibles, mais proposons au moins une palette : les groupements d'employeurs et les conventions.
J'ajoute que la direction du travail est là pour vérifier et contrôler que tout se passe bien.
Prochaine séance, cet après-midi, à quinze heures :
Suite de la proposition de loi pour le développement de l'alternance, la sécurisation des parcours professionnels et le partage de la valeur ajoutée.
La séance est levée.
(La séance est levée à douze heures quarante-cinq.)
Le Directeur du service du compte rendu de la séance de l'Assemblée nationale,
Claude Azéma