La séance est ouverte.
(La séance est ouverte à seize heures.)
M. le président de l'Assemblée nationale a pris acte, en application de l'article L.O. 176 du code électoral, de la cessation hier, à minuit, du mandat de députée de Mme Pascale Gruny et de la reprise de l'exercice du mandat de M. Xavier Bertrand, dont les fonctions gouvernementales ont pris fin par décret du 15 janvier 2009.
L'ordre du jour appelle la suite de la discussion, après déclaration d'urgence, du projet de loi portant réforme de l'hôpital et relatif aux patients, à la santé et aux territoires (nos 1210 rectifié, 1441, 1435).
Mon rappel au règlement concerne deux aspects.
Premièrement, je tiens à féliciter notre nouveau collègue Xavier Bertrand, et nous attendons avec impatience qu'il vienne assister à ce débat. Nous aurions en effet matière à l'interpeller sur la qualité de son travail ministériel, notamment dans le domaine qui nous occupe aujourd'hui, sur la réussite économique et financière de la loi Bertrand– Douste-Blazy et sur le dossier médical personnel, suite au rapport de la Cour des comptes et à l'état de sinistrose dans lequel le pays est plongé.
Bref, j'attends avec beaucoup d'intérêt la présence du secrétaire général de l'UMP dans cet hémicycle. Surtout qu'il ne se gêne pas pour venir avec Jean-François Copé !
Nous aimerions également interroger nos collègues de la majorité sur le caractère péremptoire de leurs interventions. Ils ne cessent en effet de nous expliquer que, sans cette loi, il n'y aura plus de système de santé.
Monsieur le Guen, j'attends toujours l'objet de votre rappel au règlement !
Madame la présidente, je tenais d'une part à féliciter M. Bertrand et, d'autre part, à demander sa présence ici.
Le second aspect de mon rappel au règlement concerne les conditions complexes et confuses dans lesquelles a lieu ce débat, tant en termes de calendrier que d'annonces. En effet, s'agissant de la réforme de l'hôpital, on dit tout et son contraire. On raconte à certains que l'on va introduire, à la veille de la discussion au Sénat, des amendements qui seraient de nature à les rassurer sur l'évolution des hôpitaux universitaires, alors que nous avons toutes les raisons de penser qu'il s'agit d'une procédure plus qu'aléatoire, pour ne pas dire plus.
Madame la ministre de la santé et des sports, ce matin vous avez déclaré sur une chaîne d'information qu'il n'y aurait en aucun cas de suppression d'emplois à l'hôpital public. Pouvez-vous me le confirmer, sachant que vous mettez en place des budgets qui exigent le contraire ?
En réalité, si on devait appliquer les éléments budgétaires que vous demandez aux hôpitaux, il faudrait supprimer 20 000 emplois. Si l'alternative consiste à plonger les hôpitaux dans le déficit pour critiquer demain leur gestion, avouez que prétendre faire une réforme de l'hôpital public est particulièrement un leurre et un faux-semblant.
Après M. Le Guen, je veux saluer le retour parmi nous de M. Xavier Bertrand qui a été un député dynamique et compétent et qui apportera certainement beaucoup à nos futurs débats.
Madame la présidente, mon rappel au règlement concerne l'application de l'article 40 de la Constitution, qui constitue un vrai problème, d'autant que nous ne disposons d'aucune indication sur les conditions du rejet de certains amendements. J'espère que M. Méhaignerie, président de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales, et ancien président de la commission des finances, m'apportera quelques précisions.
Même si certains des amendements rejetés constituent, à l'évidence, une dépense supplémentaire, je souhaite que Mme la ministre puisse se prononcer car ils concernent des sujets importants.
Il en est ainsi, après l'article 7, de l'amendement n° 486 , adopté en commission, qui visait à remédier à quatre injustices majeures concernant notamment le temps de travail et la retraite des praticiens à temps partiel.
Il en est de même pour l'amendement n° 565 à l'article 16 qui prévoyait que les médecins participant à la permanence des soins bénéficient pour les dommages causés ou subis dans cette activité d'une couverture assurantielle fournie par l'État. Nous y reviendrons au cours du débat.
Le rejet me semble plus étonnant s'agissant de l'amendement n° 509 à l'article 15, qui prévoyait qu'un stage au cours du troisième cycle des études médicales soit obligatoire en zones rurale et urbaine.
De même, je ne vois pas en quoi l'article 40 motivait le rejet d'un amendement à l'article 16 qui proposait que les chirurgiens-dentistes participent à la permanence des soins.
Enfin, je suis surpris du rejet de deux amendements qui ne coûtent rien et permettent même de réaliser des économies. Il s'agit de l'amendement n° 633 à l'article 26, prévoyant que les observatoires régionaux de santé ont pour mission d'observer la population au niveau régional et préparent les travaux de la conférence régionale de santé et les décisions de l'Agence régionale de santé. En effet, les ORS existent déjà, même s'ils manquent parfois de moyens humains et financiers.
Quant à l'amendement n° 606 après l'article 21, qui prévoit de permettre la chirurgie de la cataracte en cabinet libéral, cette pratique habituelle dans la quasi-totalité des pays permet de faire des économies, reconnues d'ailleurs par la caisse d'assurance maladie. Le refus de cet amendement au titre de l'article 40 est donc pour le moins étonnant et méritait des explications.
J'aimerais donc que M. Méhaignerie me dise comment des amendements peuvent être rejetés au titre de l'article 40 alors qu'ils permettent de faire des économies, comment on peut rejeter un amendement concernant les ORS alors qu'il permet une meilleure coordination, et que Mme la ministre s'exprime sur les autres points que je viens de soulever.
La parole est à Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé et des sports.
Monsieur Préel, il ne me revient pas, bien évidemment, de commenter l'article 40. Cela dit, je vous engage à vous tourner vers Didier Migaud, président de la commission des finances, à qui je ne doute pas que la présidence transmettra ces observations.
Le président Méhaignerie fera ce qu'il voudra ; je ne lui donne pas d'ordres ! Du reste, je le regrette car j'aurais sans doute tout à y gagner. Il m'en donne parfois, mais je n'ose pour ma part lui en donner ! (Sourires.)
Monsieur Le Guen, je crois que vous feignez d'entretenir la confusion puisque, contrairement à ce que vous dites, l'emploi hospitalier augmente. Pour autant, cela n'empêche pas des ajustements établissement par établissement, et c'est bien normal. L'hôpital est un corps vivant.
En 2008, sur l'ensemble du périmètre de l'assurance maladie,...
..qui regroupe les soins de ville, les soins ambulatoires, le secteur médico-social, 25 000 emplois nets ont été créés et 5 000 emplois pour ce qui concerne l'hôpital. Donc, contrairement à ce que vous dites, l'emploi hospitalier a augmenté, ce qui ne préjuge pas de la situation de tel ou tel établissement.
La parole est à M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales.
Aucun gouvernement sérieux ne peut ne pas prendre en compte l'évolution globale de nos dépenses sociales.
Ce sont des faits !
Avec 550 milliards d'euros, la France est le premier pays à consacrer autant à ses prestations sociales.
En tant que président du conseil d'administration d'un hôpital...
..je peux dire que le personnel y a crû de façon importante, même si je mesure que des efforts restent à faire. Négliger les effets d'organisation et de performance, cela revient à ne pas regarder la vérité en face.
C'est trop facile de toujours répéter cet argument que l'on a entendu dix fois !
Et vous allez l'entendre de plus en plus, parce que votre politique conduit à l'échec !
Un gouvernement sérieux, qu'il soit de gauche, de droite ou du centre, doit s'intéresser à l'évolution des prestations sociales.
Je voudrais répondre maintenant à M. Préel. Le président de la commission des finances, quel qu'il soit, applique strictement ce qu'aucun gouvernement n'a remis en cause ces vingt-cinq dernières années. Si Mme la ministre souhaite reprendre quelques-unes de vos initiatives, je vous appuierai, monsieur Préel, dès lors qu'il s'agira de faire de vraies économies à terme. Mais, de grâce, ne remettons pas en cause l'article 40, qui protège les contribuables et l'intérêt général !
Jeudi soir, l'Assemblée a poursuivi l'examen des articles du projet de loi, s'arrêtant à l'amendement n° 474 à l'article 3.
Madame la présidente, nous n'avons pas fini de nous exprimer sur le sujet que j'évoquais. Si vous cherchez à passer en force, nous n'hésiterons pas à demander une suspension de séance de cinq minutes.
Monsieur Le Guen, vous avez obtenu, à votre demande, un rappel au règlement et Mme la ministre vous a répondu, alors même que tous vos propos n'entraient pas dans le cadre d'un rappel au règlement.
Je souhaite que le règlement soit respecté.
La parole est à M. Jean-Luc Préel, pour soutenir l'amendement n° 474 .
Monsieur Méhaignerie, je conçois que les amendements qui entraînent des dépenses supplémentaires soient rejetés au titre de l'article 40, même s'ils permettent – c'était le cas – de poser de vrais problèmes. En revanche, que deux amendements permettant de réaliser des économies, notamment en matière d'opération de la cataracte, subissent le même sort, ne laisse pas de m'étonner et j'aimerais recevoir des explications ! C'est vrai que la commission a dû examiner 2 000 amendements : sans doute l'explication tient-elle dans leur examen un peu trop rapide ! Ne devrait-on pas toutefois approuver des amendements qui permettent de réaliser des économies ?
L'amendement n° 474 vise à rappeler que des soins de qualité doivent être dispensés à l'ensemble de la population. Or il n'est pas possible de fixer des objectifs quantifiés lorsqu'on doit accueillir sans discrimination toute une population, du fait que les malades ne doivent faire l'objet d'aucune distinction dans l'accueil qu'ils reçoivent. Dès lors qu'il convient d'accueillir tous les patients, il n'est pas possible de fixer des objectifs quantifiés par contrats.
Nous avons dans ce domaine des progrès à réaliser afin que les soins soient conformes à des référentiels validés par la Haute autorité de santé, notamment pour éviter les affections nosocomiales.
Autant on peut comprendre que les contrats d'objectifs et de moyens servent à financer les projets d'établissement, notamment le projet médical, qui en est la base, autant les objectifs quantifiés posent un problème d'accès aux soins puisqu'il s'agit d'une mesure uniquement comptable. J'ai même connu un observatoire régional de santé qui souhaitait que l'établissement fixe un objectif quantifié en matière de stimulateurs cardiaques ou de séances d'hémodialyse ! Or l'hôpital, je le répète, doit offrir des soins de qualité à tous les patients qu'il accueille. Le principe comptable des objectifs quantifiés me paraît donc tout à fait regrettable.
La parole est à M. le rapporteur de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales, pour donner l'avis de la commission sur l'amendement n° 474 .
Avis défavorable : le dispositif des objectifs quantifiés n'a rien à voir avec la qualité des soins. Il convient de rappeler que les objectifs quantifiés de l'offre de soins par établissement sont la déclinaison par équipement, par activité et par titulaire d'autorisation des objectifs de qualité qui sont déterminés par territoire de santé et qui figurent dans le cadre du contrat pluriannuel d'objectifs et de moyens.
La fixation, comme l'a évoquée M. Préel, d'objectifs quantifiés de l'offre de soins en volume, pour certaines activités de soins, répond à un triple objectif : dimensionner l'offre au regard de l'évaluation des besoins, éviter la constitution de monopoles et donner un cadre à la régulation des dépenses d'hospitalisation.
M. Préel nous rappelle que les objectifs quantifiés doivent répondre aux besoins de la population dans le cadre des missions de service public qui sont confiées aux établissements : or j'ai accepté un de ses précédents amendements, qui prévoit que ces contrats sont fixés en fonction des besoins de la population.
Sa demande est donc satisfaite. C'est la raison pour laquelle je lui demande de bien vouloir retirer son amendement.
Monsieur le président de la commission des affaires culturelles, je tiens à vous rappeler que Didier Migaud et le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche ont proposé, lors de la réforme de la Constitution, la suppression de l'article 40. J'espère que vous m'en donnerez acte.
Monsieur Méhaignerie, vous tenir au courant des propositions de chacun vous éviterait d'attribuer aux gouvernements ou aux hommes de gauche des pensées qui ne sont pas les leurs.
En ce qui concerne les éléments budgétaires, savez-vous combien de dollars M. Obama a prévu de dépenser dans le cadre du plan de relance, pour le seul secteur de la santé ?
Il faut voir d'où ils partent !
Il s'agit, madame la ministre, monsieur le rapporteur, des dépenses de santé, non de sécurité sociale, dépenses de santé qui, aux États-Unis, sont infiniment supérieures aux nôtres. Qu'elles ne soient pas allouées en toute justice ou qu'elles soient en partie inflationnistes, nous pourrions en convenir, ce qui vous éviterait, du reste, d'emprunter la même voie en privatisant à tout crin ! Mais le plan de relance américain prévoit de consacrer 50 milliards de dollars uniquement à la e-santé, ce qui représente le montant total du plan de relance allemand. C'est dire la priorité que les Américains attribuent à la santé, qui n'est pas, à leurs yeux, une charge pour l'économie mais un investissement, contrairement au discours que vous continuez de tenir, vous qui êtes les tenants de l'ultralibéralisme et qui osez évoquer les déficits que votre propre gestion a creusés !
Ne vous rendez-vous donc pas compte que nos concitoyens, effarés par la quantité d'argent qui est aujourd'hui déversée sur le secteur bancaire ou sur le secteur automobile, ne comprennent pas qu'on ne soit pas capable dans le même temps d'investir dans la santé ?
C'est une réalité incontournable, qui n'a rien à voir avec la politique des réformes. Chacun peut comprendre la nécessité de certaines restructurations et je suis le premier à les soutenir, mais pas dans le cadre de la maîtrise comptable que vous préconisez.
Or l'amendement n° 474 de M. Préel vise précisément à éloigner d'une gestion purement comptable des objectifs qui ne sauraient être quantifiés. Une telle approche est juste. Dans le cadre de missions de service public, on ne saurait accepter que les contrats d'objectifs et de moyens se contentent d'assurer une quantification dont on connaît, à vos yeux, le seul intérêt : imposer la contrainte financière et la maîtrise comptables qui vont, du reste, à l'encontre des restructurations hospitalières.
Ce qui, en réalité, se profile actuellement pour l'hôpital, c'est un nouveau plan Juppé ! Vous poussez à la restructuration dans le cadre de la contrainte financière annuelle alors qu'une bonne allocation des moyens exigerait des réformes de structures. Demandez aux hôpitaux de se restructurer autour de leurs plateaux techniques et en s'adaptant aux pathologies. Ils le font, du reste. En revanche, votre vision purement technocratique vise à organiser la pression comptable sur les hôpitaux, la contrainte financière étant censée les faire évoluer ! La vérité, c'est qu'elle les tétanise et les asphyxie.
C'est la raison pour laquelle il convient d'adopter l'amendement de Jean-Luc Préel, lequel n'est ni de gauche ni de droite – il est peut-être du centre. (Sourires.) M. Préel n'est pas, en tout cas, suffisamment de droite à vos yeux, monsieur Méhaignerie, pour que vous acceptiez son amendement qui vise à inscrire dans le texte des considérations extérieures à la seule maîtrise comptable des dépenses hospitalières.
J'ai bien entendu votre appel, madame la ministre. Comme nous sommes au premier jour d'une semaine où nous aurons l'occasion de nous voir souvent et comme vous nous assurez que ma demande est déjà satisfaite, je suis prêt à retirer l'amendement n° 474 , mais dans l'espoir que vous accepterez celui que je défendrai en matière d'évaluation de la qualité.
Je tiens du reste à ajouter que si l'établissement prend en compte la totalité des patients qui s'y font soigner, le dispositif des objectifs quantifiés ne peut plus fonctionner.
Madame la ministre, puisque vous m'assurez que vous avez pris en compte les besoins de la population, je retire d'autant plus volontiers mon amendement qu'il n'a plus de raison d'être, puisqu'il n'y aura plus d'objectifs quantifiés.
Je regrette que Jean-Luc Préel retire son amendement, qui est d'autant plus intéressant que la réponse de Mme la ministre n'est pas totalement convaincante. En effet, comment peut-on prendre en compte les besoins de la population dans le cadre de contrats ? Que se passera-t-il, madame la ministre, si, en dépit de la prétendue prise en compte, dans le cadre de ces contrats, des besoins de la population, ceux-ci se révèlent supérieurs aux prévisions ? Les contraintes fixées aux hôpitaux seront-elles alors levées ?
Si l'axe demeure la maîtrise comptable, la situation peut devenir inquiétante, notamment à la lueur des expériences vécues dans d'autres pays – parmi lesquels les États-Unis, mais ils ne sont pas les seuls –, où la maîtrise comptable entraîne les hôpitaux publics à refuser d'admettre des patients aux pathologies lourdes lorsqu'ils n'ont plus les moyens de les prendre en charge.
En France même, nous avons des exemples non pas d'hôpitaux qui auraient refusé de prendre en charge des patients en raison de leur pathologie, mais d'hôpitaux qui se sont trouvés dans l'impossibilité d'assurer le confort de leurs patients. Il est ainsi arrivé à l'hôpital intercommunal de Fréjus de ne plus pouvoir, au mois d'août, fournir aux malades hospitalisés du papier toilette, faute de crédits suffisants – l'hôpital de Fréjus n'étant pas le seul concerné. (Sourires sur les bancs du groupe UMP.). Cela peut vous faire sourire : il est inquiétant qu'une maîtrise strictement comptable du budget ne permette plus à un hôpital d'assurer l'intégralité de la prise en charge de ses patients, et ce bien avant la fin de l'année !
Heureusement qu'il y a désormais la T2A !
Je suis saisie d'un amendement n° 1260 .
La parole est à M. Jean-Luc Préel.
L'objectif de cet amendement est de favoriser les évaluations de santé, puisqu'il concerne les établissements de santé qui « s'engagent, pour une durée prévue au contrat, dans une démarche permettant d'évaluer l'adéquation des soins et des conditions d'hospitalisation aux besoins des patients au regard des critères de pertinence des soins ou d'hospitalisation fixés par la Haute autorité de santé ».
En effet, en dépit des intentions qui prévalaient lors de la publication de l'ordonnance du 4 septembre 2003, il s'avère aujourd'hui que le dispositif des objectifs quantifiés de l'offre de soins, dont une des vertus principales devait être de corriger les éventuels effets pervers de la tarification à l'activité afin de garantir l'accès aux soins et de répartir de manière optimale l'offre en fonction des besoins, n'est pas à même de satisfaire à cette exigence, voire la contredit.
Les pouvoirs publics, principalement les agences régionales de l'hospitalisation, qui ont eu à mettre en oeuvre ces objectifs, reconnaissent aujourd'hui l'inefficacité d'un tel dispositif uniquement arithmétique qui, tout comme le système des indices de la carte sanitaire qui le précédait, ne permet pas de réguler efficacement les volumes d'activité.
Le dépassement d'un objectif d'activité préalablement fixé ne saurait, me semble-t-il, être opposé à un établissement que dans une seule hypothèse, qui est celle de la réalisation d'actes inutiles ou injustifiés.
Défavorable.
En effet, la Haute autorité de santé n'est pas en mesure de définir aujourd'hui les critères de soins et d'hospitalisation sur lesquels Jean-Luc Préel fonde son amendement.
Le rôle de l'ARS sera, semble-t-il, également important en matière de régulation.
J'espère que les bonnes pratiques que vous souhaitez promouvoir ne seront pas réservées à quelques hôpitaux et que l'ensemble des établissements hospitaliers, publics et privés, est invité à les respecter. Ces bonnes pratiques trouvent en effet tout naturellement leur place dans le fonctionnement quotidien des établissements.
Si, comme l'a souligné le rapporteur, la référence à la Haute autorité de santé n'est pas sans poser quelques difficultés, d'autres démarches de qualité peuvent heureusement être mises en oeuvre et nous invitons tous les établissements à les observer.
L'enjeu des objectifs quantifiés de l'offre de soins est évidemment tout autre. Ils définissent, pour un territoire et pour chaque établissement, d'une part les implantations d'activités et d'équipements, d'autre part pour certaines activités un volume de séjour.
Ces objectifs sont ajustés aux besoins de la population et, bien entendu l'évolution de leur mise en oeuvre est suivie, et l'on peut toujours, en cas de difficulté, madame Billard, les redéfinir même s'ils sont pluriannuels.
Le maintien de ces objectifs apparaît donc indispensable pour mener une bonne politique de santé. Le Gouvernement n'est par conséquent pas favorable à l'amendement de M. Préel qui serait inopérant malgré une philosophie, des objectifs que l'on peut partager.
J'ignore si l'amendement est inopérant en tant que tel, mais M. Préel met le doigt sur une préoccupation que devrait partager la tutelle. Notre collègue sous-entend que l'on peut douter, dans certains établissements de santé, de l'opportunité des actes d'un point de vue médico-économique ; d'où son évocation de la Haute autorité de santé puisque la majorité l'a dotée de compétences en la matière il y a maintenant un ou deux ans. Il n'est donc pas aberrant que cette autorité réfléchisse sur le sujet.
La pression budgétaire imposée aux hôpitaux pose problème en termes de volume et vous devriez vous montrer inquiète de ce qui va advenir, madame la ministre : le corps social va réagir et, parmi ceux qui ne manifesteront pas, certains compenseront par l'augmentation de la T2A – pratique déjà à l'oeuvre dans certains établissements. Il faut prendre en compte cette réalité si l'on veut que les établissements soient bien gérés, autrement dit si l'on veut éviter le contournement d'une pression budgétaire exagérée par l'inflation de la T2A, par la multiplication artificielle de certains actes, en espérant que cette multiplication ne soit que tarifaire et ne concerne pas des actes médicaux voire chirurgicaux.
Je vois que vous protestez, madame la ministre, mais nous parlons ici de la réalité. La surmédicalisation, les opérations et les hospitalisations en surnombre sont des réalités ! Le caractère parfois excessif de l'interventionnisme du corps médical ne doit pas vous être inconnu, du moins je l'espère.
Non, ce n'est pas une nouvelle pour moi !
Certaines conditions économiques poussent à la surtarification. Aussi, l'interpellation de notre collègue Préel sur la légitimité médico-économique des actes et sur la nécessité d'une pédagogie en la matière me paraît utile. C'est pourquoi, dans cette optique, il conviendrait de ne pas maintenir les établissements sous une pression budgétaire et comptable insoutenable.
(L'amendement n° 1260 n'est pas adopté.)
Je suis saisie d'un amendement n° 475 .
La parole est à M. Jean-Luc Préel.
Il est défendu : il est sous-tendu par la même idée que les précédents.
L'amendement de M. Préel est intéressant et je souscris à sa philosophie. Il pose toutefois quelques problèmes de rédaction. Aussi nécessite-t-il quelques aménagements dans la mesure où le dispositif proposé ne précise pas le champ des activités couvertes et ne prévoit pas que le montant des honoraires perçus par la clinique est strictement limité au tarif opposable de l'assurance maladie. Enfin, il vise une disposition du code de la sécurité sociale qui n'est pas appropriée.
Reste que, répondant à votre souci, monsieur le député, le Gouvernement va soutenir un amendement allant dans le sens de vos préoccupations, j'en prends l'engagement, tout en en améliorant la formulation. L'avis du Gouvernement est donc défavorable au présent amendement au cas où M. Préel ne le retirerait pas.
Je n'avais pas lu l'amendement et pensais, à vous entendre, qu'il s'agissait de la même idée que celle défendue précédemment. Or je ne la reconnais pas du tout à la lecture de l'amendement n° 475 , en tout cas dans la version que vient d'en donner Mme la ministre.
C'est assez rusé, je l'admets. Mea culpa, donc, mais aussi vostra culpa.
En effet, le présent amendement ne dit pas exactement la même chose, c'est le moins que l'on puisse dire puisqu'il n'a en fait rien à voir avec les précédents.
Certes…
Cet amendement précise peu ou prou, vous me détromperez, madame la ministre, que lorsqu'un médecin salarié travaille dans un établissement de santé privé, et dans l'hypothèse où il exerce en secteur 1, comme on l'est dans le cadre de la convention médicale, une partie de ses charges est prise en compte. S'il s'agit de centres de santé, c'est-à-dire d'établissements de santé qui donnent des consultations de ville, j'adhère sans réserve à un tel dispositif qui prévoit enfin l'égalité entre les centres de santé et la médecine libérale. À l'inverse, s'il s'agit d'établissements privés, notamment hospitaliers, je ne vois pas comment il serait possible de ne pas procéder de même que pour les établissements publics.
Il s'agit donc bien de la prise en compte par l'assurance maladie des charges sociales des actes et prestations effectués dans le cadre conventionnel ?
Je ne vois pas comment cela ne serait pas possible pour les hôpitaux publics. Les charges assurance maladie pour les médecins exerçant en hôpital public et prescrivant en secteur opposable de la sécurité sociale ne seraient plus perçues. C'est bien cela ?
Au passage, je me demande comment un tel amendement a pu ne pas être repoussé au titre de l'article 40 de la Constitution. Quelle somme implique-t-il ? Dix millions d'euros ? Vingt ?
Je constate qu'il est plus facile de faire passer ses amendements en ne développant pas leur défense. Je note en outre qu'il arrive à Jean-Marie Le Guen de soutenir mes amendements après en avoir fait l'exégèse, mais aussi que, du côté de l'UMP, personne ne s'exprime alors que j'essaie de répondre à de vrais besoins, ce que du reste tout le monde reconnaît, y compris parfois Mme la ministre.
Il s'agit ici de mettre en évidence qu'un praticien exerçant dans un établissement privé est rémunéré à l'acte, c'est-à-dire que ses honoraires sont pris en compte dans le budget des établissements, ce qui pose problème par ailleurs pour la T2A. Cependant, il est souhaitable que ces établissements puissent salarier des praticiens pris en compte par l'établissement privé. Ce serait un progrès, une évolution intéressante.
Comme Mme la ministre vient d'affirmer qu'elle allait reprendre cette idée dans un amendement que je n'ai pas encore lu,…
..mais qui, comme d'habitude, est sans doute mieux rédigé que le mien,…
Pas comme d'habitude mais dans le cas d'espèce !
Je suis saisie de quatre amendements, nos 484 , 959 rectifié , 1187 et 835 , pouvant être soumis à une discussion commune et portant articles additionnels après l'article 3.
Les deux premiers sont identiques.
La parole est à M. Jean-Luc Préel.
L'amendement n° 484 , très important à mes yeux, vise à rétablir des règles de concurrence équitable entre les établissements publics et privés, en prévoyant que, dans un délai de deux ans suivant leur démission, il serait interdit aux praticiens hospitaliers à titre permanent d'ouvrir un cabinet privé ou d'exercer une activité rémunérée dans un établissement de santé privé à proximité de l'établissement public.
Le code de déontologie médicale admet une restriction au principe de liberté d'installation des médecins afin de les protéger de la concurrence déloyale que pourrait leur faire un confrère. Cela est vrai également, si je ne m'abuse, pour les chirurgiens dentistes. C'est ainsi que l'article 86 du code de déontologie médicale précise qu'un médecin ou un étudiant qui a remplacé un de ses confrères pendant une période de trois mois ne peut entrer en concurrence directe avec ce médecin pendant une période de deux ans.
Toutefois, aucune protection de ce type n'existe pour le service public hospitalier, qui n'en subit pas moins pleinement une forme de concurrence directe qu'exercent certains établissements de santé privés. La démission d'un praticien hospitalier qui souhaite s'installer dans une clinique située tout près de l'établissement d'origine – c'est le cas, par exemple, à Cholais que Mme la ministre connaît certainement –, pose un réel problème.
Le présent amendement a pour objet d'étendre au service public hospitalier la protection prévue à l'article 86 du code de déontologie médicale.
L'amendement n° 959 rectifié , identique, propose donc lui aussi que, dans un délai de deux ans suivant leur démission, les praticiens hospitaliers ne puissent ouvrir un cabinet privé susceptible d'entrer en concurrence directe avec l'établissement dont ils sont démissionnaires. Je précise que cette disposition vaut pour un cabinet qui se situerait à proximité de l'établissement d'origine, la question ne se posant par conséquent pas si le praticien démissionnaire s'installe dans une autre région.
Nous nous trouvons dans un contexte de déficit de praticiens hospitaliers sur certains points du territoire national où, à cause des départs en retraite assez massifs de praticiens issus de la génération du papy boom, on risque d'avoir davantage de difficultés à recruter dans certaines spécialités. Or si les cliniques privées peuvent débaucher des praticiens hospitaliers du secteur public en leur proposant des rémunérations bien plus importantes, une pénurie dramatique dans les hôpitaux publics reste à craindre alors que les praticiens des cliniques privées bénéficient de clauses de non-concurrence.
Il serait donc assez logique d'établir une équivalence de cette clause de non-concurrence dans le secteur public quand le secteur privé souhaite débaucher les praticiens hospitaliers du secteur public. Faute de quoi nos meilleurs praticiens hospitaliers seront tous, à terme, attirés par les hauts revenus du secteur privé. Certes, leur déontologie pourra les conduire à demeurer dans le secteur public mais, compte tenu des conditions de travail de plus en plus difficiles dans les hôpitaux publics et des rémunérations qui n'évoluent pas au même rythme que celle des hôpitaux privés, il sera difficile pour certains d'entre eux de résister et complexe de trouver le personnel nécessaire dans les hôpitaux publics.
Il s'agit donc d'une mesure de protection qui ne vaut que pour un contexte de concurrence locale immédiate.
L'amendement n° 1187 s'inscrit dans la même logique que les deux précédents. Vous nous rassureriez, madame la ministre, en acceptant cet amendement puisqu'il nous paraît évident que le projet de loi est sous-tendu par une volonté de fragilisation des hôpitaux publics au profit des établissements privés. Vous accompliriez ainsi un geste montrant que l'égalité que vous recherchez entre les établissements de santé implique qu'on prenne les mesures qui s'imposent pour assurer la protection qu'est en droit d'attendre l'hôpital public en ce qui concerne notamment l'installation des médecins hospitaliers dans le secteur privé.
Il y a un vrai problème. Il existe une réelle discrimination entre l'hôpital privé et l'hôpital public. Celui-là est protégé par des clauses de non-concurrence quand celui-ci est obligé d'accepter toute la concurrence.
Cela indispose beaucoup les praticiens hospitaliers. Les CME sont très inquiètes de voir que, assez régulièrement, des collègues quittent l'hôpital public pour s'installer à proximité, dans un établissement privé qui lui fait une concurrence directe.
Il faut bien mesurer les avantages et les inconvénients de ce qui est proposé. Mais il ne faut peut-être pas mettre trop en avant les inconvénients. Dans des territoires marqués par une pénurie de professionnels de santé, de spécialistes, interdire à un praticien hospitalier une autre forme d'exercice dans ces territoires et l'obliger, finalement, à rejoindre les grands centres urbains, cela peut engendrer des risques qu'il faut savoir apprécier.
Néanmoins, comme dans toutes les professions médicales, une clause de non-concurrence peut être limitée. Dans certaines professions, elle l'est en termes de distance. C'est la spécificité de mon amendement de limiter la restriction au principe d'installation à un certain périmètre autour du centre hospitalier, de façon à ne pas empêcher purement et simplement un praticien de s'installer dans une ville moyenne de 50 000, 100 000, 200 000 voire 300 000 habitants, au prétexte que son installation dans cette agglomération pourrait nuire à l'hôpital public.
Cette limitation de la clause de non-concurrence à un certain périmètre est la forme choisie par les praticiens libéraux dans certains cas. Par exemple, un remplaçant qui a exercé trois mois dans un cabinet se verra souvent imposer une clause de non-concurrence lui interdisant de s'installer à moins de cinq kilomètres autour de ce cabinet.
Cette disposition me semble importante dans ces temps difficiles que traverse l'hôpital public.
Quel est l'avis de la commission sur les quatre amendements en discussion ?
La commission les a rejetés.
Les restrictions à la liberté d'installation proposées par ces amendements ne présentent aucune sécurité juridique. D'ailleurs, dans le secteur privé, les collègues qui ont fait allusion à la clause figurant dans le code de déontologie médicale savent très bien qu'un certain nombre de contentieux sont en cours, dans les différentes chambres des ordres, voire dans les tribunaux civils. Cela montre bien que définir la non-concurrence n'est pas si simple que cela.
Je comprends le souci qu'ont mes collègues de défendre l'hôpital public. Mais quelle image donnerions-nous de celui-ci en adoptant ce qu'ils proposent ? Il serait donc obligé de recourir à des mesures coercitives pour empêcher ses praticiens d'aller s'installer ailleurs ?
Un certain nombre de dispositions de ce projet de loi permettent, me semble-t-il, de revaloriser le statut des médecins. Je pense notamment aux contrats qui seront proposés à l'article 10. Ces éléments me paraissent de nature à compenser les difficultés qui ont été soulevées.
Je souhaite donc le rejet de ces amendements.
Les dispositions proposées par ces différents amendements se heurtent aux principes généraux de la liberté d'entreprendre et de la liberté du travail, qui sont des principes constitutionnels surplombant l'ensemble des dispositions législatives que le Parlement serait amené à adopter.
Jusqu'à présent, le législateur, n'a jamais limité cette liberté du travail. Les clauses de non-concurrence qui existent dans les contrats de travail relèvent exclusivement de la jurisprudence de la Cour de cassation, qui précise les conditions de leur licéité. Ces clauses doivent être indispensables à la protection des intérêts légitimes de l'entreprise, elles doivent être limitées dans le temps et dans l'espace, et elles doivent bien entendu être assorties de contreparties financières. Voilà ce que l'on peut dire sur le plan juridique.
Sur le plan technique, je suis évidemment sensible à la nécessité de protéger la ressource médicale de l'hôpital public. À cet égard, l'attractivité de la fonction de praticien hospitalier est une vraie question. Mais je crois que les dispositions proposées sont de nature à créer un effet pervers allant à l'encontre du but poursuivi.
En effet, si les praticiens hospitaliers savent que, s'ils quittent l'hôpital public, ils ne pourront pas s'installer à proximité de là où se trouvent leurs liens familiaux et personnels, cela sera évidemment un facteur de non-attrait de l'hôpital public. Ceux qui, avec beaucoup de sincérité, défendent cette vision vont précisément à l'encontre du but qu'ils vivent.
J'émets donc, comme le rapporteur, un avis défavorable à ces amendements.
L'application de ces clauses de non-concurrence se heurterait à une très grande difficulté. Pardonnez-moi de prendre l'exemple du CHU : nous sommes là pour former des internes et des chefs de clinique. Parfois, ces chefs de clinique nous demandent un ou deux ans de plus, afin d'être formés à une nouvelle technologie qui arrive. Avec ces amendements, nous leur dirions en substance : « Vous pouvez rester pour être formés, mais vous n'aurez pas le droit de vous installer à proximité ». Dans ce cas, ils partiront et ne seront donc pas formés dans les CHU. C'est une mauvaise chose.
Pour la formation des étudiants, pour celle des médecins, pour celle des praticiens hospitaliers, je préférerais que cette clause ne soit pas introduite dans la loi.
L'intervention de notre collègue Bernard Debré est tout à fait éclairante. C'est bien cela qui se passe à l'hôpital public.
D'abord, qui peut le plus peut le moins. Sous prétexte que les dispositions existantes ne sont pour l'instant que d'ordre déontologique, on nous dit que ces amendements ne sont pas sûrs, et que par conséquent ce n'est pas la peine de les adopter. Mais si cette clause est dans la loi, elle devrait au contraire s'en trouver renforcée dans le cadre des contentieux.
Ensuite, on nous dit que les médecins n'entreront plus dans la carrière hospitalière parce qu'ils auront peur de ne plus pouvoir en sortir. La réalité – la réalité vécue –, ce n'est pas du tout cela. Ce qui se passe, c'est que, après l'internat, après le clinicat, les hospitaliers préfèrent souvent rester à l'hôpital, pour de multiples raisons qui tiennent à un attachement sentimental ou intellectuel. Un certain nombre d'entre eux vont acquérir la maîtrise d'une technique post-clinicat. Cette technique, par exemple l'intervention de la robotique en matière de chirurgie, ils vont l'apprendre – et cela va prendre du temps – à l'intérieur des salles d'opération de l'hôpital public. Et quand ils l'auront bien apprise au sein de l'hôpital public, des cliniques vont s'adresser à eux pour leur dire en substance : « Voilà, on vous paie tant ». S'ajoute à cela un autre aspect, dont vous ne parlez pas, je veux parler évidemment du droit au dépassement d'honoraires.
Des médecins, jeunes ou moins jeunes, ont donc acquis, dans le système que nous organisons, une formation bac + 14, qui est en dehors de l'université, si j'ose dire, en ce sens qu'elle est complètement financée par l'hôpital public. Et avec l'inflation globale créée par les cliniques privées, ils passent dans le privé. Au début de leur carrière, ils étaient plutôt contents de faire leur métier, mais il est évident que, quand on vient les démarcher en leur proposant des rémunérations supérieures de 60 % ou de 100 % à celles qu'ils touchent dans le public, les meilleures têtes peuvent hésiter.
La solution n'est pas de continuer dans ce système, dont l'effet est que la chirurgie publique est en train de couler, sauf dans les très grands CHU. C'est cela qui est en train de se passer. La chirurgie publique est en train de disparaître, avec ce système !
Voilà pourquoi je vous interpelle, chers collègues de la majorité. Vous avez une responsabilité majeure. Il s'agit de garder à l'hôpital public, avec un minimum de loyauté, des gens qui ont atteint un niveau de chef de clinique, voire un niveau supérieur. Certes, cela implique aussi, de leur donner des salaires suffisants – cette question est évidemment posée –, mais si on n'adopte pas cette disposition, il n'y aura plus de chirurgie publique. C'est là un vote fondamental et stratégique.
En outre, le fait que cette proposition ait été défendue sur tous les bancs de cette assemblée devrait interpeller le Gouvernement.
Il s'agit là d'amendements de bon sens. Cela fait maintenant des années que nous nous plaignons de la fuite vers le privé de nos praticiens hospitaliers, notamment lorsqu'ils ont des spécialités chirurgicales. Ne pas accepter ces amendements, c'est accentuer encore ce phénomène.
On connaît les conditions de travail difficiles des praticiens hospitaliers. Ils sont forcément attirés vers le secteur privé à but lucratif, où ils ont souvent affaire à des actes programmés, dans des conditions d'organisation plus « confortables » qu'à l'hôpital.
En n'acceptant pas ces amendements, vous êtes en train de d'étendre les zones blanches, celles où certaines spécialités chirurgicales disparaissent.
Nous voyons aujourd'hui que les établissements privés à but lucratif auront sans doute la possibilité de former nos internes. Cela ne va pas réconcilier les praticiens avec l'hôpital public, lequel se verra réduit à faire des actes non programmés, ce qui n'est pas lucratif. Et quand on sait quelle est la voracité des fonds de pension américains – je ne citerai que Blackstone – auprès de nos cliniques privées, on se dit que l'hôpital public, comme l'a fort bien dit notre collègue Le Guen, en sera réduit à former la matière grise, avec toute la technicité que cela représente, alors que c'est le privé qui en tirera les bénéfices.
Le fond des dispositions proposées est très bon. Nous sommes tous d'accord pour dire qu'il faut prêter à ce problème une attention toute particulière. Mais il faut aussi se méfier des effets secondaires, qui apparaissent dès à présent. Le risque est que certains praticiens ne viennent pas s'installer à l'hôpital, de peur de ne pouvoir, par la suite, aller dans un établissement privé.
Alors que nous éprouvons des difficultés à faire vivre des zones défavorisées sur le plan médical, ce n'est pas en imposant des règles encore plus strictes que l'on fera venir les praticiens.
Si, à la fin de votre clinicat, le fait d'aller exercer dans un hôpital périphérique vous interdit de vous installer ailleurs par la suite, soit vous irez directement dans l'établissement privé du centre, soit vous tenterez de rester au CHU.
Le risque de ces dispositions, même si elles sont très bonnes quant au fond, c'est que les médecins ou les chirurgiens ne viennent plus s'installer, ne serait-ce que pour quelques années, dans les zones difficiles.
On est actuellement en train de se demander si l'on ne va pas obliger certains généralistes à venir exercer pendant plusieurs années, soit en stage, soit en installation, dans des zones défavorisées. Or, avec ces amendements, on empêche les spécialistes de venir dans ces zones.
Enfin, certains soulignent que les médecins qui travaillent dans le privé sont soumis à des clauses de non-concurrence. Mais il faut savoir que les conseils de l'ordre remettent de plus en plus en cause ces interdictions d'installation.
Vous avez parlé d'inconstitutionnalité, madame la ministre. Que ces amendements puissent poser des problèmes juridiques, soit. Mais où est l'inconstitutionnalité ? Après tout, certains PDG font inscrire dans leur contrat de très grosses indemnités pour accepter une clause de non-concurrence. Si la Constitution est en cause, il faudrait donc peut-être faire passer le mot à votre collègue Woerth.
Cela dit, monsieur Lefrand, le problème de la concurrence ne se pose pas dans une zone de faible densité médicale. Il se pose dans les agglomérations, notamment autour des CHU, ou autour de centres hospitaliers disposant de plateaux techniques d'excellence.
Le problème n'est pas anodin. Quand j'étais chef de clinique, monsieur Debré, j'avais un agrégé qui était parti chez Bourassa, à Montréal, pour se former à une technique d'hémodynamique à visée coronarienne. Il était revenu en la maîtrisant. Et puis, comme le service – ou la direction – n'avait pas tout de suite accepté de lui fournir les équipements nécessaires, il est parti à la clinique d'à côté.
Or, pendant tout le temps qu'il était resté à Montréal, c'est l'hôpital qui avait pris en charge sa formation. Et bien évidemment, les patients l'ont suivi. Cette affaire de concurrence n'est donc pas une idée en l'air. Elle existe bel et bien, notamment aux niveaux d'excellence.
L'hôpital public exerce un attrait. Les Victoires de la médecine sont décernées à des réalisations extraordinaires qui sont toujours le fait des hôpitaux publics et des CHU, très exceptionnellement du privé. Il y a donc un fort attachement des praticiens pour cette carrière mais, parfois, le chant des sirènes est trop fort. J'ai encore entendu citer, dans un récent colloque sur le cancer, un oncologue à qui la clinique d'en face avait proposé un revenu trois fois plus élevé, plus la voiture de fonction. Et il a sauté le pas – en l'occurrence le canal – qui le séparait de cette clinique privée. Or, à l'heure actuelle, on manque cruellement d'oncologues. Voilà pourquoi je pense que ces amendements qui, comme le faisait remarquer Jean-Marie Le Guen, émanent de tous les bancs, doivent être pris en considération par la représentation nationale.
J'interviens à brûle-pourpoint dans le débat sans être spécialiste de ces questions.
Justement !
Je voudrais revenir sur un mot que vous-même, madame la ministre, et le représentant de la commission avez employé. Selon vous, les restrictions posées par les amendements soulèvent un grave problème de droit, peut-être même constitutionnel, dans la mesure où elles portent atteinte à la liberté d'entreprendre et d'installation. Nous sommes ici pour voter la loi, expression de la volonté générale. Et la loi encadre les principes généraux du droit.
Les principes généraux du droit sont précisés par la loi, dans ce domaine comme dans d'autres. Ainsi, la liberté d'entreprendre et d'installation est bridée par la loi quand, pour des raisons de déontologie, on interdit à des hauts fonctionnaires d'aller pantoufler dans des entreprises privées dont ils ont assumé la tutelle les années précédentes. Ce sont d'ailleurs des principes déontologiques qu'on ferait bien d'appliquer avec beaucoup plus de rigueur. Pour les mêmes raisons déontologiques, on pourrait très bien, conformément aux principes constitutionnels et aux principes généraux du droit, encadrer cette possibilité d'intervention. Donc le droit ne nous interdit en rien de préciser les choses, comme cela se fait dans d'autres domaines.
En dehors du droit, il y a le bon sens. Si on interdit aux jeunes praticiens hospitaliers de se former dans les hôpitaux publics, que va-t-il se passer ? (« On ne le leur interdit pas ! » sur les bancs du groupe SRC.) On va leur dire : « comme on vous a formés, vous restez, ou vous n'avez pas le droit de vous installer à moins de cinq kilomètres alentour » – ce qui est absurde car ils iront à six kilomètres.
Ce seront donc les médecins des cliniques privées qui partiront à Montréal, pour reprendre l'exemple de M. Bapt, afin d'apprendre de nouvelles technologies, et les CHU et les professeurs seront orphelins. Or nous avons besoin de former ces gens qui iront après dans les cliniques. On ne va quand même pas, par amendement, pénaliser les cliniques pour qu'elles n'aient pas de bons médecins ou de bons chirurgiens.
Laissons donc le droit faire. Et puis, chaque fois que l'un s'en va, on le remplace par un autre que l'on va former. C'est comme cela que l'on fournit les bons chirurgiens et les bons médecins dans les cliniques ; et c'est une bonne chose.
La médecine, la chirurgie et toutes les techniques médicales ont toujours été enseignées par une sorte de compagnonnage. À partir d'une école, d'un professeur, d'une équipe, se diffusent des techniques en France et à l'étranger. C'est une des grandes vertus de la médecine française d'avoir été capable d'assurer, dans nombre de domaines, une véritable école.
Par ailleurs, si je comprends bien la crainte d'un certain nombre de nos collègues, c'est de voir arriver en face du CHU un praticien formé par ce CHU. Mais je me permets de rappeler que les différents amendements qu'ils proposent n'empêchent pas ce spécialiste d'aller s'installer à plusieurs dizaines ou centaines de kilomètres. Je ne vois pas comment, sur le plan juridique, on pourrait arriver à définir ce qui est concurrence directe et ce qui est diffusion d'une technique. Voilà pourquoi il me semble qu'il faut absolument repousser ces amendements.
Le débat est important et je voudrais répondre au rapporteur, qui vient d'intervenir. Ce qui est prévu, c'est qu'il n'y a pas de limite à la présence dans le privé de gens qui ont connu l'internat et le clinicat. L'hôpital public fournirait à ces personnes huit ans de formation supérieure, à bac plus huit, et leur laisserait la liberté d'aller dans le privé ! Nous parlons de les garder deux ans de plus, c'est-à-dire de leur assurer une « hyper-surspécialité » dans laquelle c'est l'hôpital qui investit.
Madame la présidente, il faut que le débat ait lieu jusqu'au bout. S'agissant d'amendements émanant de la majorité, on ne pourra pas nous accuser de faire de l'obstruction.
Selon M. Debré, les jeunes ne viendront plus se former dans les hôpitaux publics si on prétend les empêcher d'en partir. Mais, comme le disait un de mes collègues à l'instant, avant de dénoncer un effet secondaire, commençons par constater un effet primaire.
Mon cher collègue, cela existe déjà dans certaines écoles d'État d'ingénieurs ou même d'administration. Quand on s'engage dans une formation payée par l'État, on s'engage à servir l'État pendant un certain nombre d'années. (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe UMP.) Ce n'est pas impossible du point de vue du droit. Beaucoup de jeunes intègrent des formations, y compris universitaires, et s'engagent à servir le public qui prend leur formation en charge.
Ou alors, ils la rachètent.
Mais oui ! Comme le propose Mme la ministre, que les cliniques privées rachètent la formation ! Cela aurait de la cohérence. Madame la ministre, j'accepte votre rectification, qui rendrait l'affaire moralement soutenable. (Sourires.)
(Les amendements identiques nos 484 et 959 rectifié ne sont pas adoptés.)
Nous allons maintenant procéder au scrutin public sur l'amendement n° 1187 .
(Il est procédé au scrutin.)
Jusqu'à présent, pour l'essentiel, nous pensions qu'il y avait débat entre nous sur la manière dont on allait gérer l'hôpital public. Je pensais qu'à travers ces amendements, qui émanaient de tous les bancs, s'exprimait un consensus pour restaurer une sorte de fair-play entre secteur public et secteur privé. Je m'aperçois que non seulement vous mettez à bas le secteur public, mais que, d'une façon indue, vous favorisez le secteur privé. C'est un changement dans la nature du débat sur le projet de loi. Je suis extrêmement étonné de l'attitude de certains collègues à l'égard de ces amendements. Aussi, madame la présidente, je vous demande une suspension de séance de cinq minutes, pour définir l'attitude que nous allons adopter.
La suspension de séance est de droit, mais je donne d'abord la parole à M. Bernard Debré.
Je ne vois pas pourquoi vous nous interdisez d'avoir une opinion particulière, monsieur Le Guen. Selon vous, puisque l'amendement a été présenté par tous les bancs, il faut qu'il soit adopté.
Je suis désolé, mais chacun est libre. Il a été repoussé et je vous ai démontré que c'était pour défendre l'hôpital public. La raison n'est pas forcément de votre côté.
Après l'article 3
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-sept heures dix, est reprise à dix-sept heures vingt-cinq.)
Plusieurs orateurs sont inscrits sur l'article 4.
La parole est à M. Jean-Luc Préel.
Madame la présidente, nous abordons avec l'article 4 la réforme de la gouvernance des établissements publics de santé. Celle-ci n'est, aujourd'hui, sans doute pas parfaite. Une réforme récente n'a pas encore été totalement digérée et l'on vient nous proposer une nouvelle gouvernance.
Il est important – je suis d'accord sur le principe – qu'il y ait un patron responsable de l'établissement. L'hôpital est en effet un établissement complexe, avec de nombreux métiers occupés par des hommes et des femmes dont l'engagement est souvent assimilé à une vocation. Vocation au service de la population, pour accueillir les patients, les soigner, les accompagner dans la souffrance et parfois jusqu'à leur fin de vie.
La direction de l'établissement doit prévoir les investissements pour permettre l'accueil des patients dans de bonnes conditions, assurer l'accessibilité aux techniques modernes de diagnostic et de traitement, manager le personnel soignant dans une relation de confiance, sans être maître pour autant des ressources et en étant soumis à des réglementations nombreuses, variables, s'accumulant régulièrement et souvent non financées.
Pour qu'un hôpital fonctionne convenablement, il faut que s'établissent des relations de confiance entre, hier, le président du conseil d'administration et de surveillance demain, le directeur, les équipes soignantes et notamment l'équipe médicale. Il convient en outre d'assurer des soins de qualité et donc si possible de les évaluer en permanence.
Tous les établissements ne peuvent pas tout faire, en raison du coût des investissements et surtout de la démographie des professionnels de santé, d'autant que la compétence dépend de la formation, mais aussi de la pratique quotidienne.
Je plaidais pour une responsabilisation accrue des acteurs et un renforcement des conseils d'administration – le texte ne va pas dans ce sens –, en impliquant les élus financièrement pour l'investissement, pour le déficit de fonctionnement induit par l'investissement. Pour que le CA embauche le directeur pour appliquer le projet d'établissement, pour que les praticiens soient recrutés sur des contrats prenant en compte la responsabilité, la pénibilité et leur engagement personnel.
Au contraire, la réforme prévoit de limiter les pouvoirs du conseil de surveillance. Le directeur devient le patron, sous le contrôle direct de la tutelle régionale et du ministère. Il aura notamment une obligation de résultat financier.
Il convient que nous veillions – des amendements ont été déposés en ce sens – à ce que les besoins de santé de la population soient bien pris en compte, à ce que le projet médical soit la base du projet d'établissement et à ce que les contrats d'objectifs et de moyens aient pour but de permettre la mise en oeuvre de ce projet d'établissement. Du bon fonctionnement de l'hôpital dépend en grande partie la qualité des soins offerts à nos concitoyens. Soyons donc vigilants !
Le texte prévoit que le directeur peut être limogé par l'ARS, avec qui il aura signé des contrats d'objectifs, prévoyant notamment le retour à l'équilibre. Le directeur de l'ARS ne sera-t-il pas le vrai patron de l'hôpital, constituant ainsi des AP régionales ?
Vous expliquez, madame la ministre, que tel ne sera pas le cas. Mais nous pensons que si l'ARS embauche le directeur, signe avec lui des contrats d'objectifs et de moyens, le contrat de retour à l'équilibre, le directeur de l'ARS sera le vrai patron des hôpitaux de la région.
Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, l'article 4 propose de créer un statut unique pour l'ensemble des établissements publics de santé. Il pose la première pierre d'un édifice organisationnel d'ampleur, qui, s'il est adopté, transformera le mode de gestion des hôpitaux de notre pays.
Pour vous, il s'agit clairement de gérer l'hôpital comme une entreprise, c'est-à-dire selon des critères de rentabilité. Au nom d'une prétendue modernisation, vous organisez la concentration des pouvoirs dans les mains de directeurs managers, qui ne seront pas forcément fonctionnaires, comme le précise l'article 7. Ils seront présidents du directoire, dont ils choisiront les membres, ils nommeront les directeurs adjoints et directeurs des soins, les personnels médicaux, pharmaceutiques et odontologiques, ils arrêteront le projet médical d'établissement, en lieu et place de la CME, ils conduiront la politique générale, ils appliqueront le plan global de financement pluriannuel, ils ordonneront les dépenses et recettes de l'établissement, ils géreront les biens immobiliers de l'établissement et ils fixeront des rémunérations des médecins libéraux, qui, désormais, pourront venir exercer à l'hôpital public.
Pour nous, la modernité passe par le développement de la démocratie, surtout pour conduire des missions de service public, et non par cette modalité de personnalisation des pouvoirs.
Les personnels, dont vous ne manquez pas de souligner le dévouement et qui travaillent bien souvent dans des conditions difficiles, de plus en plus difficiles, les usagers, les élus n'ont-ils pas le droit de participer à la prise de décision ? Loin d'être un handicap, ce serait plutôt une source d'enrichissement de la réflexion et des réponses apportées.
Cette personnalisation des pouvoirs à l'échelle de l'établissement est prolongée par celle des directeurs d'ARS. Les directeurs d'établissement seront soumis aux injonctions du directeur de l'agence régionale de santé, qui les nommera, décidera du montant de leur prime et, comme le prévoit l'alinéa 7 de l'article 4, pourra les révoquer sans que l'avis de la commission administrative paritaire compétente soit requis.
Pourquoi une telle disposition, qui « caporalise » littéralement les chefs d'établissement ? Pour les obliger par exemple à appliquer les décisions difficiles, quand les directeurs d'ARS leur demanderont des réductions d'effectifs ou des fermetures de services, car, faute de ressources suffisantes, ils devront « rationaliser », comme vous dites.
Aux alinéas 13 à 20, vous énumérez les différentes ressources des hôpitaux.
D'abord, les produits issus de l'activité hospitalière, de la tarification sanitaire et sociale et les crédits d'État, qui, depuis la mise en place de la T2A et les coupes successives dans le budget, ne permettent plus l'équilibre financier des hôpitaux publics. Je rappelle qu'une majorité de Français réclament des moyens financiers supplémentaires parce qu'ils ont pris conscience qu'il y a là un vrai problème.
Ensuite, pour combler ces manques, vous faites entrer officiellement dans les ressources statutaires de l'hôpital la vente de biens, services et brevets, les revenus des participations et les produits financiers divers.
Enfin, vous souhaitez développer le mécénat, c'est-à-dire l'entrée de capitaux privés dans le financement des hôpitaux.
Quels sont ces nouveaux financements ? De toute évidence, ce ne sont pas des recettes garanties car elles seront soumises aux aléas économiques et au bon vouloir des mécènes. Alors que nous sommes en période de crise, que les cours de la bourse n'ont cessé de s'effondrer, vous entérinez le financement des hôpitaux par des revenus financiers : on croit rêver ! Heureusement que le Président de la République n'a pas eu le temps de mettre en oeuvre les prêts hypothécaires qu'il vantait, sinon nous serions dans la même situation que les États-unis. En outre, au regard du bilan de la santé dans ce pays, nous serions bien inspirés de ne pas suivre son exemple.
Pire : la gestion des fonds privés serait confiée à des fondations dont le fonctionnement général serait défini par décret. Il serait bienvenu, madame la ministre, que vous nous indiquiez d'ores et déjà quel sera le contenu de ce décret, afin que nous ne votions pas à l'aveugle !
Les mesures que vous proposez vont accroître les inégalités entre les établissements, creuser le fossé entre ceux qui obtiendront des capitaux privés, parce que prestigieux ou développant des travaux de recherche économiquement utiles, et les autres.
Ce nouveau statut est un pas supplémentaire vers le démantèlement du service public hospitalier. C'est la raison pour laquelle nous nous opposons à l'article 4 et, plus généralement, à ce texte de loi. Nos concitoyens sont de plus en plus inquiets quant à l'avenir de l'hôpital public. Votre projet est loin de les rassurer, d'autant qu'il ne répond pas à la question précise de son financement. M. Douste-Blazy avait, en son temps, promis que le trou de la sécurité sociale serait comblé en 2008 !
Xavier Bertrand était en effet secrétaire d'État, à l'époque. Nous sommes en 2009 et vous nous proposez à nouveau un texte censé résoudre les problèmes. En fait, vous n'allez qu'aggraver la situation en privatisant une grande partie de la santé publique.
Je centrerai mon propos sur les hôpitaux locaux qui desservent les territoires ruraux et de montagne. L'objectif numéro un de votre réforme, madame la ministre, est de réaliser des économies.
Ce n'est pas moi qui le dis, madame la ministre, mais M. Copé dans un article paru dans Le Parisien début novembre.
Au moins M. Copé a-t-il eu l'honnêteté intellectuelle de le dire !
Les élus étant à l'évidence considérés comme des gêneurs, il convient de les écarter, tout comme, dans une certaine mesure, les médecins et la communauté médicale ainsi que les usagers. Une délégation d'élus de la montagne dont je faisais partie vous a rendu visite, madame la ministre. À l'occasion de cette rencontre, vous avez admis que, derrière l'aspect médical de votre projet, vous preniez également en compte la dimension de l'aménagement du territoire, ce dont nous nous félicitons.
Tout à fait !
Le conseil d'administration sera remplacé par le conseil de surveillance. La responsabilité descend d'un cran. D'une part, il ne vote plus le budget. D'autre part, au lieu d'un accord, il donne un avis. Enfin, suprême délicatesse, la présidence peut être assurée par le troisième collège, composé de personnalités qualifiées, nommées par le directeur de l'ARS.
Il y a deux hommes forts : le directeur général de l'ARS et le directeur de l'hôpital. Le directeur de l'ARS est un préfet, doté de tous les pouvoirs. Le directeur et président du directoire dispose de tous les pouvoirs. Notez qu'il les avait déjà ! J'en parle en connaissance de cause, étant moi-même président du conseil d'administration de l'hôpital local.
Le président du directoire et directeur disposant de tous les pouvoirs, ce sera un fusible. Ce peut être acceptable. Ce qui pose alors problème, c'est la feuille de route dont je retrouve l'esprit dans le jugement abrupt du Président de la République qui a déclaré à Strasbourg qu'il n'y avait plus d'argent pour l'hôpital public et qu'il s'agissait d'un problème d'organisation. Par là, il fallait entendre que l'hôpital est mal organisé, ce qui suppose une réorganisation, donc une concentration. Nous ne connaissons que trop, dans les territoires ruraux, la terrible trilogie : réorganiser, concentrer, donc supprimer !
Nul ne conteste la nécessité d'adapter la sécurité des patients aux réalités médicales, mais l'essentiel de votre objectif est comptable. Les principaux leviers de cette vaste opération de fermeture de pans entiers d'activités se retrouvent à l'article 12 relatif aux communautés hospitalières de territoire et à l'article 13 relatif aux groupements de coopération sanitaire.
Pour parvenir à vos fins, vous avez demandé aux fins stratèges de la terminologie législative de prévoir l'éloignement des gêneurs des instances de décision : les directeurs d'ARS aux ordres du pouvoir ; les directeurs des hôpitaux locaux aux ordres du directeur de l'ARS ; pour le conseil de surveillance, un simple avis suffira. Non, madame la ministre, je ne suis pas d'accord.
Le directeur de l'hôpital membre d'une communauté hospitalière territoriale sera proposé par le directeur général de l'hôpital siège, après un simple avis du président du conseil de surveillance de l'hôpital de deuxième niveau. Je ne suis toujours pas d'accord, madame la ministre.
Un directeur d'hôpital peut également être démis de ses fonctions dans l'intérêt du service – l'expression, suave en apparence, fait froid dans le dos ! – sans qu'il soit fait mention du conseil de surveillance et sans que soit requis l'avis de la commission administrative paritaire. Je ne suis pas d'accord non plus, madame la ministre.
Les élus de la montagne, conscients de la supercherie, proposeront des amendements. Je ne suis pas le seul vu la batterie d'amendements relatifs aux alinéas 5, 6 et 7 de l'article 4. Je souhaite que vous vous en remettiez à la sagesse de l'Assemblée, madame la ministre, afin de rendre la gouvernance plus vertueuse en l'équilibrant entre les élus, les médecins, les usagers et l'autorité de tutelle.
Le statut des établissements publics de santé visé à l'article 4 concentre presque à lui seul toutes nos inquiétudes vis-à-vis de ce projet de loi voulu par le Président de la République : l'hôpital considéré comme une entreprise, un patron doublement lié à sa hiérarchie – ARS, centre national de gestion, conseil des ministres –, et des contrats d'objectifs et de moyens. Le directeur aura tous les pouvoirs, qu'il s'agisse de ses collaborateurs, de la composition de son directoire ou des contrats des praticiens hospitaliers. Il est évident qu'il devra répondre à la philosophie et à la finalité du projet de loi tel qu'il a été voulu par le président Sarkozy.
Au vu de qui s'est déjà passé, il est clair que nous allons dans le sens d'un renforcement de la rationalisation et de l'augmentation de la productivité, comme on dit. Le Quotidien du médecin du 6 novembre dernier a fait, dans un article, réagir, de manière anonyme, quatre directeurs d'établissements, dont un directeur d'un centre hospitalier public. Ce dernier déclarait, concernant les effectifs, qu'avec une progression tarifaire telle qu'elle est imposée, les coûts structurels évoluant d'au moins 4 % par an, les hôpitaux publics ne peuvent tenir qu'en réduisant de 1 % pas an la masse salariale. Il y a des départs non remplacés, des redéploiements. Dans les services de soins, il n'y a pas de suppressions directes, mais des recompositions qui permettent d'économiser des emplois soignants. Personne ne le demande, la consigne n'est pas officielle, mais « je n'ai pas le choix et j'aimerais que le ministère de la santé tienne sur ce sujet un discours de vérité », précisait-il.
Quelle est la part de vérité dans votre discours, madame la ministre ? Qu'en est-il des emplois dans le secteur hospitalier public ? Il faut remonter au rapport annuel de 2006 sur l'état de la fonction publique pour avoir des éléments d'information : « les effectifs de la fonction publique hospitalière se stabilisent ». Les statistiques de votre propre ministère au titre de 2007 telles qu'elles ressortent dans les statistiques d'activité des établissements indiquent une augmentation de plus 0,86 % d'équivalents temps plein. Mais si on y intègre les emplois médico-sociaux – compte tenu de l'évolution des EPAD –, on peut en déduire qu'il y a pour le moins une stagnation, voire une baisse des effectifs.
Quant aux chiffres que vous citez pour 2008, sur quelles statistiques vous appuyez-vous ? Pour sa part, la Fédération hospitalière de France évalue à 20 000 le nombre d'emplois supprimés en raison des restrictions budgétaires et des plans de redressement.
Selon les termes de l'article 4, les directeurs auront, dans le cadre des contrats d'objectifs et de moyens, pour mission de respecter la feuille de route dans un but de maîtrise des coûts.
Indiscutablement, l'article 4 symbolise les intentions du Gouvernement concernant l'hôpital public. Le monde hospitalier a en mémoire la tirade pour le moins curieuse du Président de la République. N'a- t-il pas, à Strasbourg, expliqué que temps était enfin venu pour l'émergence d'une autorité à l'hôpital, étant entendu qu'avant l'arrivée de M. Sarkozy et de son projet de loi, les hôpitaux ne prenaient aucune décision ? De l'aide-soignante à l'infirmière en passant par le médecin et l'administrateur de garde, personne n'a jamais pris la moindre décision. Il fallait le déplacement de M. Sarkozy à Strasbourg pour remédier à cette situation !
Or ce mépris envers le travail des hospitaliers publics, quel que soit leur statut, est au coeur de ce projet de loi, en particulier de son article 4. En effet, pour les blouses grises qui sont derrière ce projet, et qui n'ont de cesse de mettre en cause l'hôpital public dépensier en mélangeant les statistiques et en les présentant sous le jour le plus défavorable, il était temps de trouver des coupables, à défaut de responsables.
Longtemps, il s'est d'abord agi des élus, souvent considérés comme les empêcheurs de tourner en rond au sein de l'hôpital public. Puis l'on s'est dit que, s'il fallait venir devant l'Assemblée nationale et devant le Sénat, mieux valait changer de cheval de bataille et insister plutôt sur un autre corps, qui détient à l'évidence une responsabilité particulière dans le mauvais fonctionnement de l'hôpital : le corps médical.
C'est donc bien lui que vise principalement l'article 4. De quoi s'agit-il ? De la gouvernance, évidemment, où l'on va s'ingénier à marginaliser le corps médical de la façon suivante, très simplement : on va peu à peu restreindre les compétences de la commission médicale d'établissement…
… pour les concentrer non pas sur le directoire – j'y reviendrai –, mais sur son président, seul responsable devant le directeur de l'ARS.
Et, comme il faut bien amuser la galerie, on a expliqué à nos médecins hospitaliers qu'il n'en était rien, puisque le président de la CME serait nommé premier vice-président du directoire. Le titre était ronflant, sympathique, plein d'avenir, en quelque sorte ; mais, naturellement, ce titre mis à part, le premier vice-président n'a aucune fonction.
Quant à la CME, elle n'est rien.
Mais, comme cela ne suffisait pas, on a avancé qu'en calculant bien, le corps médical devait être majoritaire au sein du directoire. Cela me rappelle cet autre mot du président Sarkozy : ce n'est pas lui, affirmait-il, qui nommerait le président du CSA, mais le conseil des ministres ! (Rires sur les bancs des groupes SRC et GDR.) En d'autres termes, une sorte de soviet se réunit à l'Élysée (Exclamations sur les bancs du groupe UMP), ses membres lèvent la main, votent, et – quel dommage ! – le président de la République est battu. C'est sans doute Mme Bachelot qui a déposé une motion. (Mêmes mouvements.)…
Avec M. Karoutchi !
… pour mettre le président de la République en minorité au sein de son conseil des ministres !
Il en va de même du directoire : le président du directoire sera entouré de nombreux médecins, mais sera seul à décider. C'est donc pour amuser la galerie que l'on fait valoir qu'il y aura des médecins parmi ses nombreux conseillers.
Mais, comme cela non plus ne suffisait pas, et pour apaiser les inquiétudes, notamment au sein des CHU, on a trouvé une bonne idée : réunir une commission – la commission Marescaux – afin d'expliquer à certaines personnes que la loi n'a rien à voir avec les CHU. « Je suis oiseau ; voyez mes ailes ; je suis souris : vivent les rats ! » (Rires sur les bancs des groupes SRC et GDR.) Ainsi, aux uns on explique que la commission Marescaux permet de ne pas inclure les CHU dans cette loi HPST qui va laminer le corps médical ; aux autres que la loi concernera tout le monde. Je crois que cette dernière version – la vôtre, madame la ministre – est la bonne.
Ainsi, la loi HPST va passer, et l'on s'apercevra en mars que les conclusions de la commission Marescaux, ainsi que la procédure et l'échéancier qui en découlent, sont plus complexes que prévu, si bien que le texte s'appliquera aussi aux CHU.
En conclusion, sur cet article important – et pour ne pas retarder mes interventions sur les amendements –, nous aurons un directeur omnipotent, mais cette omnipotence n'a rien d'une omniscience, ni, sutout, d'une omnicapacité à diriger non une entreprise, comme voudraient le croire certains esprits un peu simplets (Exclamations sur les bancs du groupe UMP) – je ne vise personne ! –, mais une institution bien plus complexe. En effet, cette institution suscite l'adhésion de personnes qui ne cherchent pas seulement à toucher un salaire. Cela nous renvoie à la discussion précédente. Certes, bien des salariés sont là pour leur salaire, y compris les praticiens hospitaliers…
Quand même !
…, mais l'adhésion dont l'hôpital public fait l'objet déborde largement cette motivation : il s'agit d'une affectio societatis, d'une capacité à s'investir dans quelque chose qui nous dépasse. Ceux qui y exercent veulent être reconnus : ils entendent participer à cette structure, et non se réduire à des salariés qui lui apportent leur force de travail. Sans doute cette prétention est-elle plus marquée lorsqu'ils sont praticiens hospitaliers universitaires. Et voilà qu'on leur dit : « Circulez, il n'y a rien à voir : il va y avoir un grand chef ! » Mais ce grand chef n'en sera pas un.
Ah !
Encore ?
En effet, plusieurs amendements pourront me donner l'occasion de développer plus avant les conséquences ultimes de votre politique : le grand bazar à l'hôpital public !
Tout en nuances !
Monsieur Karoutchi, je parlais d'hôpital universitaire ; on sait bien que tout ce qui concerne l'université vous intéresse !
Monsieur Le Guen, vous n'avez plus la parole. Laissez M. Reitzer s'exprimer.
En effet, d'autres collègues aimeraient pouvoir s'exprimer !
Madame la ministre, à ce stade de la discussion sur la gouvernance de l'hôpital, je tiens à réaffirmer mon attachement aux hôpitaux de secteur évoqués tout à l'heure, attachement que je sais partagé par d'autres collègues qui siègent sur tous les bancs de cet hémicycle.
En effet, ces hôpitaux répondent aux besoins d'un bassin de vie. Parfois situés à quelques kilomètres de l'hôpital de référence, plus important, ils desservent toutefois, pour les naissances, les interventions chirurgicales ou les urgences, un arrière-pays souvent séparé du grand établissement par une heure ou une heure et demie de route.
C'est parce que je suis attaché aux hôpitaux de secteur que cet article 4 m'inquiète.
…et je pense que, lorsqu'il s'agit de défendre l'hôpital, les considérations partisanes ne doivent pas l'emporter.
Selon l'article 4, « les établissements publics de santé sont dotés d'un conseil de surveillance et dirigés par un directeur nommé, pour les établissements membres d'une communauté hospitalière de territoire autres que l'établissement siège, par arrêté du directeur général du centre national de gestion, sur proposition du président du directoire de l'établissement siège après avis du président du conseil de surveillance de l'établissement membre ».
Mes chers collègues, madame la ministre, quel sera le poids du directeur de l'hôpital de secteur face à celui de l'hôpital de référence qui l'aura pratiquement nommé, ou du moins proposé…
…, et qui exercera la plupart des activités dites nobles ? (« Bonne question ! » sur les bancs du groupe SRC.)
Permettez-moi de prendre un exemple concret, celui de ma circonscription. Je suis membre depuis vingt-cinq ans du conseil d'administration de l'hôpital d'Altkirch, ville dont je suis maire. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)
Puisque je suis réélu, c'est sans doute que je fais mon travail !
Madame la ministre, cet hôpital compte 235 lits ; dans le même secteur, celui de Thann – chef-lieu d'arrondissement de ma circonscription – en compte 175. Or ces deux hôpitaux sont rattachés à celui de Mulhouse, qui en compte 1450 ! (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)
Je répète ma question : quel sera le pouvoir du directeur de mon hôpital local face au poids, à l'influence et au rôle du directeur de l'hôpital de Mulhouse ? L'hôpital de référence n'aura-t-il pas naturellement tendance – c'est humain – à ne laisser à l'hôpital de secteur que des miettes et à garder pour lui les activités dites nobles ? Voilà ma première préoccupation.
La seconde concerne le rôle des élus, déjà évoqué ici. Pour ma part, je me bats bec et ongles pour mon hôpital, ce qui est normal : si le maire de la commune ne le fait pas, qui le fera à sa place ?
Depuis vingt-cinq ans, je m'identifie à mon hôpital, et l'hôpital s'identifie à son maire. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Eh oui : dans la vraie France profonde, c'est souvent comme cela !
Madame la ministre, quel sera demain le rôle du maire au sein du conseil de surveillance, avec les pouvoirs évoqués tout à l'heure – si toutefois il est élu président de ce conseil, puisqu'il ne le sera plus automatiquement ? Cela me paraît inquiétant.
Vous pouvez le fermer, votre hôpital ! Dites-le lui, madame la ministre !
N'aura-t-il, pour reprendre une expression célèbre, qu'à inaugurer les chrysanthèmes, ou détiendra-t-il un véritable pouvoir sur la gestion et le devenir de son établissement ? Telle est ma préoccupation.
En fonction de la réponse que vous m'apporterez sur ces deux points,…
…je déciderai de mon vote. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC.)
J'ai déjà fait part de nos inquiétudes lors de la discussion générale. Je répéterai simplement que la verticalité que vous instaurez – je regrette de devoir vous le dire, madame la ministre – est vraiment archaïque et entraînera des dysfonctionnements bien plus graves que ceux que l'on connaît aujourd'hui. Ce n'est pas d'une organisation verticale que nous avons besoin, mais bien d'un système horizontal et – j'ose le mot – participatif, qui n'existe absolument pas dans l'hôpital actuel.
Quant à la place des élus, je vous rejoins, mon cher collègue Reitzer. Vous posez la question, mais nous avons pratiquement la réponse.
On comprend que vous interrogiez Mme la ministre ; mais qu'en est-il des élus des hôpitaux que vous citez et des CHU, si investis soient-ils ? Puisque Mme la ministre ignore sans doute ces réalités, permettez-moi de citer une anecdote personnelle que je tire de la région Midi-Pyrénées. Le directeur du CHU est venu nous demander de participer à de grands projets d'investissement au niveau de son hôpital.
Cela se fait depuis très longtemps !
Certes, mais cela montre combien les élus comptent, même pour un directeur général.
Évidemment !
Mais ils ne comptent manifestement plus pour vous, et ils ne compteront plus dans la logique que vous voulez instaurer à l'hôpital.
Pourquoi donc ?
Vous ne pourrez pas nous rassurer sur ce point. Il est évident que c'est à cela que vous voulez aboutir. Or cela entraînera des dysfonctionnements et aggravera la situation. La gouvernance qu'instaure votre projet ne vous permettra pas de régler les problèmes de l'hôpital.
Je n'avais pas l'intention d'intervenir, mais l'article 4 suscite manifestement les foudres de plusieurs de nos collègues. Jean-Marie Le Guen y voit même un orage !
J'aimerais également évoquer l'article 6.
Le problème de la gouvernance d'un établissement public de santé doit être posé pour en améliorer l'organisation. Voilà ce qui est demandé.
Mon interprétation de l'article 4 diffère de la vôtre : comme l'article 6, il signifie que la direction fonctionnelle de l'établissement requiert une double légitimité, médicale et administrative.
La légitimité administrative est conférée par la tutelle publique, grâce à la nomination d'un directeur.
La légitimité médicale ne peut être conférée que par des pairs au sein de la commission médicale d'établissement, laquelle vote pour désigner son président.
Depuis la loi Evin de 1991, il est courant de considérer que la dynamique d'un établissement repose sur le binôme fonctionnel constitué par le directeur et le président de la commission médicale d'établissement.
Dans le projet de loi, qui décline cette double légitimité, la conception du projet médical d'établissement ne relève bien entendu que de la responsabilité du corps médical. L'article 6 précise même que le projet médical suppose l'accord du président de la commission.
Quant au contrat d'objectifs et de moyens signé avec le directeur de l'ARS, il est le vecteur de cette double légitimité puisqu'il suppose que le directeur rende un avis, après avoir reçu l'aval du président de la CME, mandaté par ses pairs.
Dès lors, il me semble curieux que l'article 4 attire autant vos foudres. L'objectif visé est une bonne gouvernance, soutenue par une nouvelle culture managériale au sein des établissements, et je ne vois aucun défaut dans le dispositif de l'article 4. Je le voterai donc, tout comme l'article 6.
Permettez-moi tout d'abord de rappeler qu'en 2005, les ordonnances gouvernementales ont mis en place les pôles, autrement dit une organisation transversale de l'hôpital public, allant des services jusqu'au recours administratif.
Nous pouvions espérer que ce type d'organisation conduirait valoriser certaines décisions prises au niveau des services et accélérerait leur mise en oeuvre. Cependant, en ce début d'année 2009, nous ne disposons toujours pas d'évaluation du fonctionnement des pôles.
Bien sûr que si !
Nous savons pourtant que leur mise en place a donné lieu au meilleur comme au pire. Si certains répondent pleinement à l'objectif d'optimisation de la qualité des soins, d'autres ne semblent avoir été créés que par défaut ; ils regroupent les établissements n'ayant pu s'entendre avec d'autres et ne suivent pas de véritable logique.
Avant même d'envisager une autre organisation, il eût été pertinent de faire connaître, en particulier à la représentation nationale, les résultats de la mise en oeuvre de cette organisation transversale. D'autant qu'un télescopage de grande ampleur est à craindre car l'article 4 met en place une organisation verticale.
En effet, le directeur de l'établissement devient tout-puissant même si c'est un colosse aux pieds d'argile. Aux termes de l'alinéa 7, « il peut se voir retirer son emploi dans l'intérêt du service par l'autorité investie du pouvoir de nomination ». Un intérêt du service qui suscite bien des interrogations. Est-ce l'intérêt de l'établissement ou du bassin de vie ? Est-il apprécié au regard des fonctions de gestion du directeur ? Ces termes mériteraient d'être précisés car ils risquent de laisser libre cours à l'arbitraire. Nous aurons à discuter longuement de ce point.
Je ne ferai pas grief au Président de la République d'avoir voulu être délibérément blessant à l'égard de la communauté hospitalière en affirmant qu'elle ne prend aucune décision, mais il me paraît nécessaire de rappeler qu'elle a subi vingt-neuf réformes en vingt ans et qu'en limiter le nombre lui permettrait peut-être de prendre des décisions plus sereinement.
En outre, il faut bien avoir à l'esprit qu'il s'agit par excellence de décisions prises non pour soi mais pour les autres, qui trouvent d'abord leur fondement dans le colloque singulier entre médecin et patient.
J'ajoute qu'il s'agit non seulement de décisions visant à soigner mais aussi de décisions visant à gérer. Et il est pour le moins désagréable pour les acteurs du monde hospitalier de passer pour de complets irresponsables alors que, depuis bon nombre d'années, ils ont intégré la nécessité de gérer pôles et services pour optimiser la qualité des soins au meilleur coût, dimension qui leur est constamment rappelée.
Par ailleurs, d'autres décisions sont prises à travers l'évaluation des activités. Nous avons eu de très longs débats sur la tarification à l'activité mais il ne faut pas oublier qu'elle n'est rendue possible que par les informations rassemblées par les soignants. Juger de la qualité des soins suppose de leur part de prendre en permanence des décisions et ils y consacrent d'ailleurs peut-être trop de temps par rapport à la prise en charge des patients elle-même et à la définition du projet médical au niveau du service et de l'établissement.
Si cet article entend donner un coup de semonce aux soignants, parce qu'ils seraient irresponsables et qu'ils auraient besoin d'un capitaine pour diriger le vaisseau, il peut apparaître à juste titre comme blessant. Il est, à tout le moins, peu constructif pour le bon fonctionnement des établissements.
Il me paraît essentiel qu'il y ait un directeur à la tête de l'hôpital et il me paraît même nécessaire qu'il ait des pouvoirs pour mettre en oeuvre le projet médical. Nous verrons, à l'article 6, de quelle manière articuler les pouvoirs médicaux et les pouvoirs du directeur.
Par ailleurs, il est nécessaire qu'il y ait une coopération entre les établissements. Et cette coopération, qui mieux que le directeur de l'hôpital-centre peut la mettre en oeuvre ? Et s'il l'organise, n'est-il pas légitime que son avis pèse dans la nomination des directeurs des hôpitaux entrant dans cette relation de coopération ? Je vois mal comment le système pourrait fonctionner si le directeur du plus petit établissement était totalement autonome par rapport à un établissement d'un rang supérieur, et ainsi de suite.
À l'article 6, certaines dispositions m'ont choqué, je ne le cache pas, mais il me paraît tout à fait légitime que l'article 4 donne au directeur les pouvoirs nécessaires pour mettre en oeuvre le projet médical et le projet administratif, et pour organiser la coopération entre les différents hôpitaux.
Il y a quelque chose de choquant dans cette idée exprimée, discours après discours, par le Président de la République et régulièrement reprise par ses ministres, selon laquelle il faudrait un patron pour l'hôpital. Quelqu'un peut-il affirmer qu'à l'heure actuelle, il existe des hôpitaux où aucune décision n'est prise ? Je ne le crois pas, je dirai même qu'il y a une multiplicité de décisions dans des domaines extraordinairement variés. Dès lors, je ne vois pas en quoi une loi serait nécessaire pour apporter des modifications sur ce point.
La vérité est ailleurs. Le projet de loi préconise en fait de priver la communauté soignante, en particulier la profession médicale, de tout pouvoir de décision pour mieux le transférer au directeur administratif.
Il faut bien voir, monsieur Door, que le projet de loi, dans sa rédaction actuelle, ne prévoit en aucune manière de complémentarité des pouvoirs ni même, pour reprendre un terme cher à la majorité, de « coproduction » de la décision hospitalière. Le président de la commission médicale d'établissement proposera et le directeur administratif décidera, en se fondant sur des critères qui lui sont propres.
La difficulté ne porte donc pas sur l'opportunité de doter les hôpitaux d'un patron, puisqu'ils en ont déjà un ; elle concerne les fondements sur lesquels les décisions seront prises.
Ce que nous contestons, c'est qu'en matière de projet médical d'établissement, les décisions reviennent in fine au directeur de l'établissement et non au président de la commission médicale d'établissement. Cela conduit à faire du directeur administratif l'arbitre des choix médicaux alors qu'il n'a jamais été formé pour cela, qu'il n'a pas de compétences particulières en ce domaine et n'a pas même vocation à en acquérir.
Le schéma qui se met en place a quelque chose de machiavélique : le directeur administratif imposera aux établissements hospitaliers ses vues en matière de choix médicaux et prendra la décision de nommer tel ou tel chef de service au sein de son établissement, alors qu'il s'agissait jusqu'à présent d'une décision ministérielle, prise sur la base d'avis universitaires. Il y a donc tout lieu de craindre que les décisions en matière de recrutements, d'allocation des moyens et de choix médicaux seront prises par le directeur administratif en fonction de critères n'ayant strictement rien à voir avec la compétence professionnelle ou les priorités médicales.
Face à la fronde qui agite actuellement les hôpitaux publics, qui est tout autant le fait des syndicats de personnels soignants que des syndicats de médecins, vous avez souhaité, madame la ministre, créer une sorte de diversion en installant la fameuse commission Marescaux. Nous en parlons depuis le début de la discussion et nous sommes en droit de vous demander quel rôle vous entendez lui faire jouer dans les semaines ou les mois qui viennent.
De deux choses l'une :
Ou bien il s'agit d'apporter des compensations aux médecins qui vont se trouver privés d'une partie de leurs pouvoirs et de leur capacité à peser sur les choix hospitaliers – ce qui est un comble –, et il faut nous dire quelles propositions de la commission vous entendez retenir pour atténuer leurs inquiétudes ;
Ou bien il s'agit de poursuivre le mouvement, en différenciant de façon définitive ce qui relève de l'université et ce qui relève du pôle médical, et il faut nous dire pourquoi vous voulez affaiblir davantage encore le pouvoir des médecins, en réduisant le rôle de la recherche clinique par rapport à la recherche fondamentale.
Il y a bel et bien une hypothèse inquiétante que l'on ne peut totalement écarter malgré les propos lénifiants que vous tenez en nous promettant que des solutions sortiront de la commission Marescaux. Après l'acte I constitué par la mise en place de la tarification à l'activité, construite sur une base strictement financière et administrative, nous en sommes à l'acte II : le présent projet de loi supprime le pouvoir médical au sein des établissements au profit d'une logique purement administrative qui conduira progressivement à évaluer les médecins en fonction de leur capacité à respecter les critères administratifs et financiers et non de leur capacité à innover, à créer et à répondre aux besoins sanitaires. Demain, il faut donc s'attendre à un acte III : les suites de la commission Marescaux, avec le dessaisissement ultime des médecins et la mise de la recherche clinique sous le boisseau, au seul profit de la recherche fondamentale.
C'est un comble que nos collègues socialistes se fassent le fer de lance de la défense des médecins ou du pouvoir médical à l'hôpital. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)
Il est extraordinaire de vous écouter. Vous essayez, aujourd'hui, de ranimer la vieille guerre entre pouvoir administratif et pouvoir médical.
Ce projet de loi, madame Touraine, a l'avantage de mettre en oeuvre une véritable complémentarité et de définir la place que chacun doit occuper dans une structure très complexe…
…qui fonctionne déjà, mais qui peut mieux fonctionner. C'est le sens de cette réforme. Arrêtez de dire que ce projet de loi ôte tout pouvoir aux médecins !
Les médecins auront le pouvoir qu'ils voudront bien s'approprier. Ainsi, le pouvoir médical a été décentralisé au niveau des pôles. C'est là que se situe la vraie responsabilité médicale. La commission médicale d'établissement a la responsabilité d'élaborer le projet médical. Quelle ambition plus noble !
La direction aura simplement pour rôle de mettre en adéquation, au travers de ce projet médical, les besoins sanitaires d'une région et les possibilités offertes. Arrêtez d'opposer en permanence les médecins aux directeurs ! Aujourd'hui, du fait de l'existence de la T2A, tout le monde a intérêt à tirer dans le même sens. Il y va de l'intérêt commun que l'hôpital fonctionne. Il faut redéfinir ses responsabilités. Tel est le sens de ce texte.
Nous n'allons pas refaire la discussion générale, mais cet article est très important et les interventions ont été suffisamment nombreuses et de qualité pour que je prenne le temps d'y répondre au fond.
Je tenais à revenir d'abord à plusieurs points qui n'ont pas directement de rapport avec la gouvernance hospitalière. Je ne peux pas, en effet, laisser passer des phrases du type « On coupe dans le budget des hôpitaux. » Je rappelle que l'ONDAM hospitalier a de nouveau été fixé à 3,1 %, soit une progression très forte et très supérieure à la croissance de la richesse nationale.
Les enveloppes consacrées à l'hôpital ne cessent, de plus, de croître.
Je ne saurais laisser dire davantage que la tarification à l'activité diminue les budgets hospitaliers, alors qu'elle redistribue la ressource hospitalière en fonction de l'activité exercée au bénéfice des malades. Les établissements bénéficiaires, ceux qui ont vu leur financement augmenter, sont évidemment plus nombreux que ceux qui l'ont vu diminuer.
Je ne peux évidemment pas non plus laisser dire qu'il y a privatisation de l'hôpital public. Alors que beaucoup d'entre vous et de nombreux secteurs demandaient que le statut de l'hôpital public soit élaboré sur le mode de l'ex-PSPH, comme c'est le cas dans nombre de pays étrangers, j'ai veillé à ce que soit réaffirmé le statut public de l'hôpital public. Quand je vous ai proposé la création de communautés hospitalières de territoire, j'ai tenu à ce que seuls les établissements publics y participent pour préserver le statut public de l'hôpital public ! Cela n'interdit toutefois pas des coopérations à travers les groupements de coopération sanitaire.
J'en viens au coeur du débat sur la gouvernance de l'hôpital.
Oui, vous l'avez noté, le projet de loi crée un statut unique pour les établissements publics de santé. Le conseil de surveillance remplace le conseil d'administration. Ses attributions sont recentrées sur une double compétence : la définition des orientations stratégiques, notamment celles contenues dans le projet d'établissement, et le contrôle de la gestion et du fonctionnement de l'établissement. Je tiens à vous rassurer, Jean-Luc Reitzer, le conseil de surveillance définira bien les orientations stratégiques de votre hôpital d'Altkirch. Le conseil de surveillance exerce un contrôle sur l'ensemble de l'activité de l'établissement et délibère sur le compte financier. À cette fin, vous aurez accès, en tant que président, à toutes les informations intéressant le fonctionnement de votre hôpital et vous permettant d'intervenir pour le défendre.
J'ai d'ailleurs souhaité laisser un véritable espace à la représentation nationale, qui pourra s'exprimer sur la composition du conseil de surveillance. Je souhaite juste que ce conseil comporte trois collèges et qu'il soit limité en nombre. Si un conseil de surveillance est pléthorique, il ne surveille plus rien.
Le projet de loi propose également que le président du conseil de surveillance soit élu parmi les membres des collèges des élus et des personnalités qualifiées.
Ne réveillons pas de vieilles querelles ! Il est bien évident, et vous l'avez parfaitement souligné, Jean-Luc Reitzer, que vous êtes tellement assimilé à votre hôpital que vous serez élu par ce conseil de surveillance ! Votre pouvoir ne s'en trouvera que renforcé ! Au lieu d'être un président « obligatoire », vous serez un président « choisi » par votre conseil de surveillance.
Mais pourquoi interdire à certaines autres personnalités ou à certains autres élus d'avoir accès à la présidence du conseil de surveillance ? Je doute d'ailleurs que vous ayez une quelconque concurrence à redouter ! En pratique, ce sera l'exception.
Oui, madame Iborra, depuis très longtemps, un certain nombre d'élus sont sollicités par le directeur de l'hôpital pour participer à des financements.
Ce n'est pas nouveau et cela continuera. J'ai moi-même participé pendant vingt ans au conseil d'administration du CHU de ma ville et il m'est, bien entendu, arrivé de soutenir un certain nombre de demandes. Il est toutefois vrai qu'il n'y a aucune obligation et que les collectivités territoriales ne sont, en aucune façon, partie prenante au financement de l'hôpital. Elles y contribuent si elles le veulent et selon leurs modalités. Il n'y a aucun mélange des genres dans ce domaine. Le rôle financier des élus est totalement facultatif.
Le mode de désignation des directeurs des établissements publics et de santé est modifié pour donner plus d'importance au niveau régional. Les directeurs des hôpitaux seront donc nommés par le directeur général du centre national de gestion sur proposition du directeur général de l'agence régionale de santé, après avis du président du conseil de surveillance. Pour les établissements membres d'une communauté hospitalière de territoire, Bernard Debré l'a très bien expliqué, le directeur sera nommé par arrêté du directeur général du centre national de gestion, sur proposition du président du directoire de l'établissement siège après avis du président du conseil de surveillance de l'établissement membre. Si l'intérêt du service le commande, le directeur d'un hôpital pourra être mis en situation de recherche d'affectation.
Enfin, un établissement pourra créer des fondations hospitalières. Je répondrai à ce propos à Mme Billard et à d'autres députés qui m'ont interrogée sur la recherche. La fondation aura surtout un objectif de recherche. Les fonds seront donc uniquement utilisés à cette fin. Le système de fondation permettra la transparence des flux et la souplesse d'une gestion globale. Vous trouverez, dans le décret, les dispositions financières et comptables, la définition de la gouvernance et les modalités de GRH.
Certains ont qualifié cette réforme de technocratique ou de trop technocratique.
Je me suis déjà expliquée sur ces accusations, mais j'aimerais rappeler certains points. Revoir l'organisation interne de l'hôpital aujourd'hui, c'est responsabiliser les acteurs,…
…leur permettre de mettre en oeuvre des projets qui pouvaient se noyer dans des conflits d'intérêt particuliers. Oui, les directeurs ont des pouvoirs renforcés. Ils sont responsabilisés. Ils seront évalués sur leur gestion, car ils auront les moyens de mettre en place leur politique en s'appuyant sur une équipe resserrée. Le directoire sera majoritairement composé de médecins. À ce titre, les présidents de CME, vice-présidents des directoires, verront leur rôle de sages, de garants de la qualité médicale des projets, accrus et valorisés. Le président de la CME sera vice-président d'une instance – le directoire – aux pouvoirs importants. Jacques Domergue l'a parfaitement décrit, en réponse à Catherine Génisson. Les chefs de pôle sont également responsabilisés. On leur donne de nouveaux leviers, notamment l'autorité fonctionnelle sur tous les agents affectés au pôle, y compris les médecins.
Madame Touraine, les nominations de praticiens hospitaliers se feront sur avis du chef de pôle et après avis du président de la CME. Ce n'est pas le directeur qui nommera tout d'un coup, à la seule lueur de son esprit, les praticiens hospitaliers ! Il le fera sur proposition du chef de pôle. Ne pourront, en conséquence, être nommés praticiens hospitaliers que des médecins qui auront reçu le quitus du chef de pôle. Comment pourrait-il en être autrement ?
La réforme renforce le pouvoir médical au sein de l'établissement. Oui, les médecins et les directeurs ont un rôle parfaitement décrit dans la nouvelle gouvernance. C'est la première fois qu'un texte législatif consacre ainsi le rôle de la commission médicale d'établissement et de son président. Quelle autre structure, publique ou privée, place-t-elle ainsi aux côtés de son directeur un professionnel élu par ses pairs ? L'hôpital, et c'est normal, est une exception dans notre paysage institutionnel, de par ses missions – il prend en charge les plus fragiles d'entre nous – de par son fonctionnement, son activité, enfin de par son financement assuré par la collectivité et dont les montants exigent un savoir-faire, des outils et une rigueur sans faille. Cette exception crée une double exigence de qualité : qualité des soins, d'abord, et qualité de gestion, que nous n'avons pas à opposer à la qualité des soins, pour que toutes les ressources qui leur sont consacrées servent la qualité de ces soins et permettent leur développement au plus grand bénéfice de tous. Les médecins seront responsables de l'élaboration du projet médical, et les directeurs y ont tout intérêt.
Les personnels paramédicaux y seront associés. J'y tiens beaucoup et je soutiendrai un certain nombre d'amendements précisant bien que non seulement les médecins, mais aussi d'autres personnels soignants doivent être associés, en particulier les cadres et les directeurs de soins, ce dernier devant faire partie du directoire.
Le directoire et l'équipe de direction ont la responsabilité de la gestion de l'établissement pour que ce projet médical puisse se réaliser dans toutes ses compétences scientifiques et humaines.
Le directeur n'est pas une figure autoritaire qui gouverne seule. Il doit mettre ses compétences au service d'un projet médical.
Ainsi, ce projet de loi « Hôpital, patients, santé et territoires » consacre, comme l'a parfaitement expliqué Jacques Domergue, la très forte relation entre les directeurs et les médecins, dans le respect du rôle et des responsabilités de chacun.
Je suis saisie d'un amendement n° 960 , tendant à supprimer l'article 4.
La parole est à Mme Martine Billard.
Avis défavorable. Les craintes exprimées dans l'exposé sommaire sur la possibilité de révoquer le directeur sans l'avis préalable de la commission administrative paritaire n'ont plus lieu d'être, puisque notre commission a adopté un amendement rétablissant l'intervention de ladite commission.
Il est surtout essentiel de constater que l'article 4 a pour objet de doter l'établissement public d'une nouvelle structure juridique qui lui permette de responsabiliser les acteurs et de donner la possibilité à chaque établissement de santé d'assurer son dynamisme et sa capacité d'adaptation aux évolutions. C'est un élément indispensable du dispositif.
Défavorable.
S'agissant de l'avis de la commission administrative paritaire, monsieur le rapporteur, nous serions beaucoup plus rassurés si nous avions la certitude que le Gouvernement partagera la position de la commission parce que, pour l'instant, nous ne connaissons pas ses intentions.
Cela dit, si j'ai déposé un amendement de suppression, c'est aussi pour dénoncer la personnalisation à outrance du pouvoir dans l'hôpital, à l'image d'ailleurs de ce qui se passe à l'université, dans les lycées et dans la politique avec le Président de la République.
À mon tour, je voudrais insister sur la nécessité de ne pas banaliser la consultation de la commission administrative paritaire car, même si l'hôpital est un lieu d'exception, madame la ministre, il ne faudrait tout de même pas qu'au nom du travail exceptionnel qui y est accompli, on prenne des distances excessives avec le droit commun. Un directeur d'hôpital, tout directeur soit-il, doit pouvoir s'appuyer sur la commission administrative paritaire.
Or, et nous aurons sans doute l'occasion d'y revenir dans la discussion d'articles ultérieurs, le maintien des structures actuelles de consultation avant toute décision, qu'il s'agisse de la commission administrative paritaire ou des comités techniques d'établissement, semble remis en question par la nouvelle rédaction du texte.
À ce stade, nous en sommes à la révocation du directeur et je voudrais insister sur ce point. Encore faudrait-il que la position de la commission ne soit pas combattue par le Gouvernement.
S'agissant de l'avis de la commission administrative paritaire, monsieur le rapporteur, le fait qu'il y ait un amendement de la commission pour le rétablir ne me paraît pas un argument totalement valide puisque bon nombre de ses amendements n'ont pas été votés dans l'hémicycle.
Je vous remercie, madame la ministre, de votre argumentaire et de vos réponses. Il n'est pas question, je le répète, de créer une polémique et un débat absurde entre la communauté soignante, dont font partie les médecins, et le pouvoir administratif, le pouvoir de gestion du directeur. Tout le monde sait qu'il faut un directeur et qu'il est là pour réaliser le projet d'établissement.
Pour autant, les médecins ne sont pas, comme vous l'avez dit, des sages, ce sont les acteurs de l'hôpital, non seulement pour le soin mais également pour le projet médical. On ne fait pas que soigner à l'hôpital, on fait aussi de la prospective, on établit des projets, et c'est très important.
À l'article 4, qui concerne le statut et la gouvernance des établissements publics de santé, on ne parle que du directeur. Or il faut aujourd'hui, et l'ordonnance de 2005 semblait l'évoquer fortement, une cogestion de l'hôpital.
Un grand nombre de jeunes médecins, parfaitement compétents, ne vont pas vers l'hôpital public. On sait bien qu'il y a toujours eu une énorme différence, en particulier pécuniaire, entre le privé et le public. Mais, au-delà de la rémunération, si l'on venait à l'hôpital, c'est parce qu'on y faisait autre chose que dans le privé. On défendait un projet, on faisait de la formation, de la recherche, on avait une autre conception de la façon dont on allait exercer son métier au cours de sa carrière.
Tous les jours, à l'hôpital public, nous devons justifier ce que nous faisons ou ce que nous ne faisons pas, et on nous empêche de prendre des décisions. Sincèrement, si l'on pouvait simplifier son fonctionnement et le rendre moins technocratique, ce serait beaucoup mieux et on arriverait à le rendre à nouveau dynamique.
Je voulais avoir une précision, mais je pense que je l'ai en lisant bien l'article. Pour les centres hospitaliers universitaires, le directeur est nommé « par décret pris sur le rapport du ministre chargé de la santé », donc par le ministre en réalité. Le directeur du CHU pourra donc se voir retirer son emploi par le ministre, non par l'ARS.
Je voudrais rassurer la représentation nationale. Il y a les directeurs qui seront nommés en conseil des ministres, selon une procédure qui n'admet évidemment pas le passage en commission administrative paritaire. Pour tous les autres, on demandera l'avis de la commission paritaire. J'ai d'ailleurs écrit aux trois organisations représentatives de directeurs avant les vacances de Noël pour les rassurer sur ce point, et j'accepterai tous les amendements qui le préciseront.
(L'amendement n° 960 n'est pas adopté.)
Il a été retiré.
La parole est à M. le rapporteur pour soutenir l'amendement n° 302 .
Favorable.
(L'amendement n° 302 est adopté.)
M. Debré a annoncé jeudi soir qu'il avait retiré un certain nombre de ses amendements.
Cela vaut pour tout le projet de loi, monsieur Debré, ou pour toute l'année ?
Soyons clairs et évitons de tourner autour du pot. J'ai dit une fois pour toutes que je retirais tous les amendements ayant pour objet de faire échapper les CHU au champ d'application de la loi HPST. On m'a demandé jeudi d'en donner la liste. Je l'ai communiquée à la présidence. S'ils ont été distribués, c'est par inadvertance. Je les ai retirés pour des raisons relativement simples, dont je me suis expliqué la dernière fois.
Les liasses étaient déjà prêtes, monsieur Bapt, et, pour économiser le papier, on n'allait pas tout refaire.
La parole est à Mme Marisol Touraine.
Madame la présidente, il ne s'agit pas du tout de contester la manière dont vous avez appelé les amendements et mené les débats, ni celle dont les services de la séance gèrent la reprographie des amendements : nous avons tous le souci d'économiser le papier.
Cela étant, nous sommes en droit de nous interroger sur la manière dont procède M. Debré, même si c'est lui qui en décide. Il semble soutenir certaines argumentations, mais on a l'impression qu'il ne va pas au bout de sa logique et ne souhaite pas prendre de risque excessif. Sans doute des réunions dont nous ne connaissons ni la teneur ni les secrets se sont-elles tenues en d'autres lieux.
Par ailleurs, à partir du moment où un amendement figure dans la liasse distribuée aux députés et sur la feuille jaune, rien n'interdit à d'autres parlementaires de le reprendre en séance. (« Si ! » sur les bancs du groupe UMP.)
C'est le seul point que souhaitait soulever M. Bapt. Il n'y avait de notre part aucune critique, c'était une interrogation malicieuse à l'égard du comportement de notre collègue Bernard Debré et une interrogation sur ce que nous pouvions faire. Nous, nous ne changeons pas de position et nous serions prêts, pour des raisons déjà évoquées, à reprendre cet amendement n° 112 que nous soutenons tout à fait.
Je suis saisie d'un amendement n° 303 .
La parole est à M. le rapporteur.
Cet amendement tend à demander au directeur général de l'ARS de proposer plusieurs noms pour la nomination des directeurs d'établissement, ce qui réintroduit une régulation nationale au regard de l'ensemble de la carrière des intéressés et apporte une solution en cas de candidatures multiples.
L'amendement vise à demander au directeur général de l'agence régionale de santé de proposer plusieurs noms au directeur général du centre national de gestion, afin d'introduire une régulation nationale dans les nominations des chefs d'établissement.
Le coeur du projet de loi, c'est de proposer une réforme globale du système de santé, dont les axes forts sont la territorialisation des politiques de santé et l'amélioration de la gouvernance de l'hôpital. La réforme de la procédure de nomination des directeurs d'hôpital intègre ces deux objectifs.
La territorialisation des politiques de santé – sans doute un point important d'accord entre les acteurs que nous sommes, même si nous en voyons des modalités différentes – est la condition d'une meilleure adaptation de l'offre de soins aux besoins de soins. Or personne ne connaît mieux que le directeur de l'agence régionale de santé le contexte de l'établissement, les rapports de force internes, les faiblesses, les atouts, les enjeux locaux, les coopérations nécessaires, les équilibres à préserver. L'amendement en discussion, en ce qu'il ne laisse au directeur général de l'agence régionale de santé que la possibilité de proposer un choix au ministre, tend à centraliser le processus.
Le corps des directeurs nécessite bien entendu une gestion nationale. Le projet de loi préserve cette gestion nationale. Nommés par le centre national de gestion de la fonction publique hospitalière, les directeurs continueront à bénéficier d'un suivi de leur carrière au niveau national. C'est d'ailleurs le CNG qui transmettra au directeur de l'ARS la courte liste sur laquelle figureront les candidats qu'il aura préalablement sélectionnés. Il n'y a donc pas de place pour l'arbitraire.
C'est un dispositif rénové, avec une procédure de nomination permettant d'ajuster au mieux le profil du chef d'établissement aux objectifs qu'il devra mettre en oeuvre. Il y a, d'un côté, une liste proposée par le directeur général de l'ARS avec un choix centralisé, et, de l'autre, une liste proposée par le centre national de gestion, le choix relevant bien du directeur général de l'ARS.
C'est d'ailleurs le parallélisme des formes avec la nomination des praticiens hospitaliers qui a motivé l'élaboration de cette procédure pour les chefs d'établissement.
L'extension des responsabilités du directeur appelle en toute logique un renforcement du pouvoir de l'autorité de tutelle. Il est légitime que le directeur général de l'ARS puisse faire un choix éclairé sur ceux qui devront conduire la politique régionale hospitalière. Nommé sur proposition du directeur général de l'ARS, le chef d'établissement lui rendra compte. Qui peut assumer de telles responsabilités sans en rendre compte ? Qui peut gérer des budgets aussi importants sans rendre compte de leur utilisation ? Et comment donner l'autorité nécessaire au directeur général de l'ARS s'il n'a pas le pouvoir de nommer le chef d'établissement ?
Cette tutelle garantit également au corps médical que le directeur sera évalué sur un projet médical et au regard d'objectifs de qualité. L'ARS jouera le rôle de structure d'appel.
Enfin, le risque de constitution d'une assistance publique régionale est un faux argument. Si, à l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris, les sites de Necker ou de la Pitié n'ont pas d'existence juridique, les centres hospitaliers d'Altkirch, d'Avallon ou de Semur-en-Auxois en ont une, et ils conserveront toujours leur autonomie ainsi que l'ensemble des prérogatives des établissements publics de santé. Et je rassure à nouveau certains d'entre vous : il en sera de même pour le directeur. Je tiens à ce que l'on comprenne bien les raisons pour lesquelles je suis amenée à émettre un avis défavorable sur cet amendement qui concerne un point capital de la réforme.
Madame la ministre, je vous ai entendue, mais vous ne me rassurez pas du tout.
Vous expliquez bien – et c'est tout le problème – que l'ARS nommera le directeur, signera les contrats avec lui et le révoquera. J'ai déposé un amendement qui risque de tomber si nous votons celui-ci et que je vais donc évoquer dès à présent. Je propose que le directeur d'établissement soit nommé sur avis conforme du conseil de surveillance. Connaissant bien les hôpitaux, j'ai la faiblesse de croire que, pour qu'un établissement fonctionne bien, il faut un accord entre la communauté hospitalière, c'est-à-dire la CME, le directeur et le président du conseil d'administration ou de surveillance. En l'absence d'accord entre ces trois instances, l'hôpital ne fonctionnera pas correctement.
Je peux avoir tort, comme le prétend Yves Bur ; l'avenir nous départagera. Selon moi, l'avis conforme du président du conseil de surveillance est nécessaire.
Deux points me paraissent insatisfaisants dans ce texte.
Le premier, c'est que le directeur de l'ARS nomme le directeur sans tenir compte de l'avis du conseil de surveillance – car le système reviendra à cela.
En second lieu, Mme la ministre nous a dit qu'il n'y aurait pas d'assistances publiques régionales, mais à partir du moment où le directeur de l'ARS nomme le directeur de l'établissement et passe avec lui des contrats d'objectifs et de moyens ainsi que des contrats de retour à l'équilibre, alors que ces contrats ont un caractère léonin, le directeur de l'établissement ayant peu de possibilités de refuser, ce dernier se retrouvera dans des situations difficiles. Comme, en outre, le directeur de l'ARS pourra le révoquer s'il ne respecte pas son contrat de retour à l'équilibre, c'est, dans les faits, le directeur de l'ARS qui dirigera l'ensemble des établissements de la région. C'est comme cela que j'interprète la réforme, et je tiens à soulever le problème, qui me paraît fondamental.
Je présente mes excuses au rapporteur, mon ami Jean-Marie Rolland, car je partage l'avis de Mme la ministre. Il y a une cohérence dans la réforme, et il convient de la respecter. On peut être pour ou contre la réforme, mais le pire serait d'en prendre certains éléments et d'en garder certains de l'actuelle gouvernance. Cet amendement va contre le sens général de la loi et remet en cause la cohérence de la nouvelle gouvernance que le Gouvernement nous propose. Mes chers collègues, je vous demande donc de suivre l'avis du Gouvernement.
J'adhère pleinement à l'argument de M. Préel. C'est le directeur de l'ARS qui dirigera en réalité l'hôpital, et nous avons là, madame la ministre, un sujet de confrontation. Si cet amendement n'était pas voté, il faudrait au moins que nous adoptions l'avis conforme du président du conseil de surveillance. Sinon, tout ce que nous écrivons là, c'est, passez-moi l'expression, du pipeau ! Nous avons un désaccord de fond au sujet de la gouvernance.
Madame la ministre, j'ai bien noté votre souci d'efficacité et de parallélisme des formes dans les différentes nominations, ce qui me semble un élément extrêmement important de responsabilisation de l'ensemble des acteurs. Tous ces arguments me semblent convaincants, et j'invite donc nos collègues à repousser l'amendement. (Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR. – Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)
Je suis un peu surpris de l'attitude de M. le rapporteur, car son argumentaire initial était parfaitement recevable.
De peur que mon amendement n° 953 ne tombe, je me permets de le soutenir dès à présent, madame la présidente, et je n'interviendrai pas à nouveau s'il est maintenu.
Il n'est pas acceptable que le directeur de l'ARS soit le seul à décider du choix des directeurs des centres hospitaliers. Il n'est pas acceptable que le conseil de surveillance, réunissant les élus, les médecins, les personnels et les usagers, soit à peine consulté. L'exposé des motifs de l'amendement n° 1166 qui suit et que soutiendra, je l'espère, avec pugnacité le rapporteur, explique que cette disposition jette une lumière crue sur la philosophie du texte. Des élus de tous bords, hormis M. Soisson, souhaitent maintenir le caractère collégial de la nomination du directeur d'hôpital.
L'alinéa 5 de l'article 4, comme vient d'ailleurs de le souligner M. Soisson, obéit à une logique d'ensemble, laquelle vise à mettre en place un dispositif efficace dans la chaîne des responsabilités, afin d'atteindre l'objectif caché, mais avoué par M. Copé : réaliser des économies. Vous ne vous priverez pas, madame la ministre, d'en informer les directeurs généraux des ARS, que je n'imagine pas ne pas obéir au Gouvernement qui les a nommés.
Vous avez dit que vous étiez prête à accepter des amendements de bonne gouvernance. Mais vous avez également affirmé que les élus n'avaient pas vocation à diriger un dispositif sur lequel ils n'interviennent pas directement au plan financier. Si vous lisez l'exposé des motifs de l'amendement n° 1166 , amendement de référence du rapporteur,…
…vous y apprendrez que le choix des directeurs d'établissement appartient aux élus depuis 1801. Souhaitez-vous rompre avec une tradition vieille de deux siècles ? Si c'est le cas, je répète ce que j'ai dit lors de mon intervention sur l'article : sur la route de votre réforme, les élus sont des gêneurs, et il convient de les écarter ! (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
Comme je l'ai expliqué, il me semble essentiel qu'il y ait l'accord du conseil de surveillance pour nommer le directeur. C'est pourquoi je propose que son avis soit conforme.
En prévoyant l'accord du conseil de surveillance, ou son avis conforme, pour la nomination des directeurs, ces amendements sont en effet susceptibles d'entraîner des blocages préjudiciables à la bonne marche des établissements publics de santé. C'est la position qui a été défendue tout au long des travaux de la commission.
Défavorable.
Le rapporteur évoque de possibles situations de blocage. Or des blocages surviendront en cas de désaccord entre le directeur, la CME et le conseil de surveillance. Pour qu'un hôpital fonctionne correctement, l'entente entre ces trois instances est nécessaire. C'est ma conviction profonde, et je regrette que le texte prenne la direction opposée. Je pense que cela créera des problèmes dans les établissements.
Madame la ministre, votre position est conforme à la philosophie du texte.
Soviétique ! (Sourires.)
Monsieur Le Guen, nous avons l'habitude du détournement du sens des mots depuis 1995 !
Il y a du désordre dans notre assemblée, mais il ne pourra plus y en avoir dans les hôpitaux (« Ah ! » sur les bancs du groupe UMP) : un chef sera là et tout ira droit, parce qu'il nommera et révoquera.
Votre position, disais-je, est conforme à la philosophie du texte, qui supprime le rattachement des centres hospitaliers aux collectivités territoriales, lequel impliquait la présidence du conseil d'administration par le maire. Ce rattachement étant supprimé, on évoque à présent la notion de ressort, qui est, en la circonstance, aussi imprécise que juridiquement dépourvue de valeur.
Or ce n'est pas seulement la collectivité territoriale qui est écartée de la décision : la communauté médicale l'est également. Même sur le projet médical, le président de la CME, vice-président du directoire, dites-vous, propose, et le directeur dispose.
Même un cardiologue peut se tromper : M. Door, que j'ai connu plus inspiré, a dit tout à l'heure que ce texte conférait davantage de pouvoirs au président de la CME. Ce n'est pas vrai : on lui en retire.
Un exemple précis : la nomination des chefs de pôle relevait jusqu'ici d'une décision conjointe et, demain, seul le directeur signera l'arrêté de nomination. Le président de la CME pourra donner son avis, mais ce sera le directeur qui tranchera. Les élus locaux et les représentants des médecins sont écartés à son profit.
Le véritable problème se posera après les nominations, lors de l'élaboration du projet médical car on verra à ce moment-là quel sera le rôle de la CME dans son élaboration et dans l'interaction entre le projet et le directeur. En effet, le mode de nomination du directeur ne va pas énormément changer, et j'approuverai la direction de demain si j'approuve celle d'aujourd'hui. En outre, si le directeur ne pouvait être nommé qu'après avis conforme du président du conseil de surveillance, il faudrait supprimer l'alinéa 7, qui prévoit son retrait sans qu'il soit nécessaire de demander l'avis du président. Il est important que le directeur ait ce pouvoir de nomination, mais ce qui me semble essentiel, c'est de savoir quels sont les pouvoirs que le directeur partagera avec les médecins. Nous y viendrons tout à l'heure.
M. Debré se trompe, mais le Gouvernement, lui, ne se trompe pas. En effet, il met en place les leviers nécessaires pour assumer sa politique, à savoir un système de nomination qui n'est pas vertueux. À cet égard, il aurait pu lier les articles 4, 5 et 6 avec les articles 12 et 13 relatifs à un autre point décisif du projet de loi, c'est-à-dire à la constitution des communautés hospitalières de territoire et des groupements de coopération sanitaire. C'est à l'examen de ces articles qu'apparaîtra de manière absolue la véritable philosophie de ce texte : réaliser des économies.
Dans mon intervention sur l'article, j'ai montré que nous sommes au coeur du « H ».
Du hasch ? (Sourires.)
« H » pour hôpital, madame la ministre, comme sur les panneaux bleus que l'on voit à l'entrée !
L'article 4 est donc au coeur du volet « hôpital », et comme il n'y a pas grand-chose pour les autres volets, il est même au coeur du projet de loi dans son ensemble.
J'ai décrit comment la logique de ce projet de loi, centrée sur l'article 4, est de concentrer tous les pouvoirs entre les mains du directeur, au nom de la caporalisation de l'hôpital.
Un certain nombre d'entre vous sont persuadés que telle est la concession à faire pour l'efficacité. Mais c'est une illusion purement technocratique.
Cette concentration des pouvoirs aboutira, bien évidemment, à une régression profonde. En effet, que s'est-il passé depuis une dizaine d'années, en particulier depuis le fameux rapport Couanau sur l'organisation interne de l'hôpital, auquel plusieurs d'entre nous ont collaboré, et les ordonnances de 2005 ?
Absolument, mon cher collègue. C'était un rapport intéressant qui proposait des choses bien différentes de ce projet de loi. Bon an mal an, depuis dix ans, le corps médical est sorti de sa tour d'ivoire et a intégré l'idée qu'il agissait dans un environnement économique et qu'il lui revenait légitimement de le prendre en charge.
En effet, mon cher collègue, et je constate que de plus en plus de médecins ont intégré l'économie dans leur gestion quotidienne, voire intériorisé, à juste titre, le fait que l'économique est une dimension de l'éthique. Cette évolution a rendu l'hôpital capable de digérer certaines réformes colossales, beaucoup plus importantes que celles qui ont concerné bien d'autres structures de l'administration, par exemple les pôles et la T2A.
Or, aujourd'hui, alors qu'ils ont accompli tout ce chemin, vous leur dites, madame la ministre : « Attendez, vous n'êtes pas vraiment responsables. Il faut vraiment un chef, un bon technocrate, qui sera bien préparé pour diriger l'hôpital. » Voilà ce qui est en train de se passer. Et puis on amuse la galerie avec, par exemple, le mode de nomination du vice-président du directoire.
Mais vous allez avoir un choc en retour. Certes, le corps médical, éduqué trop longtemps dans le mépris des sciences sociales et des sciences économiques, a souvent considéré que sa discipline était individuelle et que l'intendance suivrait, qu'il faudrait bien que les autres s'arrangent pour lui fournir les moyens nécessaires, mais il a changé d'état d'esprit : il comprend les contraintes et le véritable défi que pose l'économique au fonctionnement de l'hôpital. Et c'est à ce moment-là que vous lui retirez les prérogatives qui sont les siennes, au nom du discours, assumé devant les Français, selon lequel il faut qu'il y ait un chef à l'hôpital qui prenne des décisions parce que les autres personnels seraient des mineurs incapables de les prendre. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Vous allez ainsi créer un facteur de régression dans la prise de conscience économique du corps médical, et vous allez raviver l'éternel conflit entre les administratifs et les médecins.
En effet, ceux qui ont une certaine expérience des milieux hospitaliers se souviennent de l'animosité totale entre les directeurs d'hôpitaux et les soignants ; avec votre texte, c'est reparti puisque seul le directeur va avoir à prendre la responsabilité de choix parfois nécessaires, mais souvent impopulaires. Aujourd'hui, une gouvernance multiple oblige tout le monde à se positionner sur les choix économiques. Ceux qui ont des responsabilités dans la gestion hospitalière voient bien que le corps médical est contraint de s'impliquer dans la stratégie. Dorénavant, ce ne sera plus du tout le cas car il sera marginalisé dans la prise de responsabilité. Vous l'en déchargez au nom du chef, au nom de la caporalisation.
Vous obtiendrez donc l'effet strictement inverse de celui que vous recherchez : vous allez ramener le corps médical à une position de quant-à-soi technique alors que vous prétendez améliorer le fonctionnement de l'hôpital, et vous allez rendre à nouveau tendues les relations humaines entre les soignants et les administratifs. Nous allons nous trouver confrontés à une politique de régression alors que nous avions progressé, y compris avec les ordonnances de 2005. Voilà ce qui me paraît le plus redoutable pour l'hôpital public dans votre projet.
Il ne faut pas confondre l'article 4 et l'article 6, mes chers collègues. L'article 4 porte sur la nomination du directeur, et la procédure qu'il propose me paraît tout à fait normale. L'article 6, lui, concerne les pouvoirs réels du directeur et la collaboration entre la communauté médicale et la communauté administrative. Si le projet médical est suffisamment fort, le directeur n'a pas seulement à donner un avis conforme, il est là aussi pour l'appliquer, et c'est le point important : il faut donc qu'il y ait un chef à cette fin. L'élaboration du projet, les relations entre les médecins et le directeur sont précisées à l'article 6, pas à l'article 4.
Monsieur le Guen, vous tenez en permanence des propos contradictoires : parfois vous nous dites que nous faisons de l'hôpital une véritable entreprise ;…
…d'autre fois, au contraire, vous nous reprochez de mettre en place un système totalitaire. Est-ce que l'entreprise serait totalitaire ? Votre raisonnement est difficile à comprendre.
Plutôt que de vous battre sur le rôle de chacun, vous feriez mieux de vous concentrer sur la définition des pôles et sur la responsabilité que vont avoir les médecins à ce niveau. En effet, c'est là qu'aura lieu le véritable exercice médical au sein de l'hôpital. Il n'y a d'ailleurs pas de contradiction entre l'activité médicale, la participation à l'activité de gestion au niveau des pôles ou l'activité universitaire dans les CHU, mais à une condition : il faut que les responsables de pôle jouent réellement leur rôle en tant que chefs de pôle.
Il est certain que si le chef de pôle s'implique peu dans son activité, le problème de la prédominance du pouvoir administratif va se poser.
Comme l'a préconisé Bernard Debré, concentrez-vous donc sur la défense de vos amendements à l'article 6 pour définir exactement le rôle des acteurs au niveau des pôles. C'est là que s'effectue la véritable activité médicale. Il n'y a pas d'opposition fondamentale entre le rôle de chacun des acteurs de la communauté hospitalière, mais vous n'arrivez pas à accepter le fait qu'il faut mettre un peu d'ordre dans l'hôpital. C'est une nécessité parce qu'il y va de l'avenir de notre système de santé.
Remettre de l'ordre à l'hôpital ! Voilà l'ordre du jour !
Je demande la parole.
Je suis saisie d'un amendement n° 961 .
La parole est à Mme Martine Billard.
Cet amendement prolonge notre débat puisqu'il porte, lui aussi, sur la conception du pouvoir qu'il conviendrait d'adopter. En réponse ce qu'a dit notre collègue Bernard Debré, je rappelle que le problème, c'est que le directeur de l'établissement est nommé par le directeur de l'ARS. Nous sommes donc bien dans un régime de pouvoir personnel.
Jusqu'ici, il était nommé par le ministre, madame Billard !
Voilà le fond du problème : vous, madame la ministre, vous pensez que le pouvoir personnel est plus efficace et plus rapide, d'autant plus que l'on veut maintenant de la rapidité partout. Selon la conception du Gouvernement, si on place en tous lieux des chefs uniques, cela ira beaucoup plus vite, tout sera réorganisé et fonctionnera beaucoup mieux. Pour ma part, j'en doute car un système fonctionne mieux quand il comporte de la démocratie. Certes, à un moment donné, il faut prendre des décisions, mais les décisions collectives s'avèrent souvent plus efficaces que le pouvoir personnel. Certes, on peut tomber sur une personne fantastique, admirable… mais ce n'est pas toujours le cas parce que nous ne sommes, après tout, que des êtres humains, avec nos faiblesses.
Et le jour où l'on tombe sur une individualité qui, malheureusement, se prend un peu trop au jeu du pouvoir personnel, c'est alors que les problèmes commencent. Je pense donc qu'il vaut toujours mieux prévoir des garanties démocratiques pour éviter de tomber dans ce travers.
C'est pourquoi mon amendement propose que le directeur soit nommé après avis du conseil de surveillance, et non uniquement après avis de son président. Le conseil de surveillance doit avoir son mot à dire collectivement, et d'autant plus en raison de la structure qui sera la sienne.
L'amendement renvoie à toute une philosophie sur le type de pouvoir à mettre en place à l'hôpital, mais aussi, plus globalement, dans notre société. Nous sommes dans un vrai débat idéologique sur la conception du pouvoir défendue par ce gouvernement.
Je le répète : il est pour le pouvoir personnel, partout et toujours, et ce n'est pas la conception que je défends au nom des Verts.
En écoutant mes collègues de l'opposition, je me demandais dans quels hôpitaux les uns et les autres avaient exercé des responsabilités. J'ai l'impression que c'étaient vraiment des endroits…
…où l'affrontement était la règle. Je leur rappelle donc que la procédure prévue à l'alinéa 5 n'empêche évidemment pas le président de demander l'avis du conseil de surveillance. Mais il n'y a pas lieu de le préciser textuellement, et la commission a fort heureusement repoussé cet amendement.
Avis défavorable. Il me semble que vous faites un contresens. Actuellement, qui nomme les directeurs d'hôpitaux ? Le ou la ministre décide seul des nominations et révocations.
Je propose que le centre national de gestion établisse une liste d'aptitude, ce qui écarte toute possibilité de clientélisme et la nomination d'un directeur qui n'aurait pas les compétences requises.
Le centre national de gestion propose donc une liste de candidats parfaitement compétents, et c'est le directeur général de l'ARS – plongé au coeur de la réalité territoriale et connaissant finalement beaucoup mieux le terrain et les contraintes journalières que le ou la ministre –…
Vous venez de donner la parfaite définition du technocrate : celui qui connaît mieux la réalité que vous !
… qui choisit. Je fais confiance au centre national de gestion pour proposer des candidats compétents.
Je crois à la capacité d'expertise de gens qui sont de véritables professionnels, je leur fais confiance pour gérer les ressources humaines, détecter et proposer des candidats. Ensuite, le directeur général de l'ARS, qui connaît les réalités du terrain, choisira le directeur sur cette liste de candidats.
Voilà qui me paraît être une gestion déconcentrée des décisions, comparée à la gestion actuelle qui donne à la tête de la pyramide le pouvoir de décision. C'est un progrès considérable. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Nous comprenons la philosophie rappelée tout à l'heure par M. Domergue : il faut mettre de l'ordre à l'hôpital. On va donc mettre un pilote dans l'avion en nommant un directeur qui décide, un patron. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
Revenons aux pôles, cas particuliers mais ô combien importants. Le directeur va nommer un chef de pôle parmi plusieurs candidats putatifs.
Ce n'est pas le sujet de l'amendement !
Ce chef de pôle, choisi parmi plusieurs candidats par le directeur, sans avis et sans vote indicatif, suscitera aussitôt la suspicion de ses collègues.
Suspecté par ses collègues ? C'est de la folie !
Cela signifie que, de cet ordre-là, naîtra le désordre. Chacun sait comment, dans les hôpitaux, les personnalités peuvent se heurter et les susceptibilités croître et embellir à la moindre occasion – et celle-là en sera une majeure ! Un chef de pôle nommé dans ces conditions sera suspecté d'être la courroie de transmission du directeur. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
Au-delà de l'acte administratif de la nomination se repose le problème de fond de la coproduction – dont vous êtes experts, puisque M. Copé veut coproduire avec le Président de la République. À l'hôpital, cette coproduction n'aura pas lieu.
Ici au moins, elle a une réalité puisqu'il subsiste encore une différence entre pouvoir exécutif et pouvoir législatif : M. Copé peut exister en dehors de l'Élysée. Nous le constatons et, à certains égards, nous nous réjouissons que M. Copé existe en dehors de l'Élysée – grâce à vous sans doute ! (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
Un peu plus tard, nous demanderons aussi l'avis de M. Xavier Bertrand, lorsqu'il siégera sur ces bancs.
Mais, à l'hôpital, tel que le texte est rédigé, la coproduction avec les élus locaux et la communauté médicale n'existera pas. Nous en revenons toujours là.
L'article 4 porte sur la gouvernance et ces amendements sont plutôt relatifs à l'article 6, disait M. Debré. Madame la ministre, si vous nous promettiez d'accepter, à l'article 6, les amendements présentés dans l'esprit qui animait MM. Debré et Domergue tout à l'heure, nous serions déjà un peu plus rassurés. Malheureusement, la manière dont le débat évolue de retrait d'amendement en retrait d'amendement, et l'expérience que nous gardons des deux premiers articles, ne nous rassurent pas.
Madame la ministre, vous avez raison de revenir aux fondamentaux en vigueur actuellement : c'est vous qui nommez les directeurs d'établissement, en choisissant sur une liste proposée par la commission des carrières, via le centre national de gestion et après l'exercice d'un double filtrage : celui du directeur de l'ARH et celui du président du conseil d'administration de l'établissement. C'est ainsi que le système fonctionne actuellement à la satisfaction générale.
Vous invoquez un lien direct ? Pour ma part, je conteste le lien de subordination que vous allez instituer en donnant un puissant levier au directeur de l'ARS : le pouvoir de nommer le directeur d'établissement – et aussi de le révoquer pour le bien du service, comme nous le verrons ultérieurement. Je crois que ce n'est pas bien.
C'est le CNG qui nomme !
Au passage, j'en profite pour présenter mes excuses à M. Villain, que j'avais confondu avec M. le rapporteur lorsque je suis intervenu sur l'amendement n°1166 . J'aurais bien aimé que ce soit M. le rapporteur qui présente un tel amendement ; je l'aurais voté des deux mains.
Je voulais revenir à la chaîne de nomination, afin que les choses soient bien claires et qu'il n'y ait pas de confusion. Le centre national de gestion propose une liste de candidats directeurs, après consultation et avis des syndicats. Puis, le directeur général de l'ARS propose un nom au CNG. C'est évidemment le CNG qui nomme ensuite le directeur, par délégation du ministre.
Je tenais à bien remettre les choses dans l'ordre.
C'est vrai qu'en face, nous avons de vrais conservateurs ! (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)
Le système que je propose est extrêmement vertueux parce qu'il introduit dans le film un acteur de déconcentration très important.
(L'amendement n° 961 n'est pas adopté.)
Je suis saisie d'un amendement de la commission, n° 304.
Monsieur Domergue, vous aviez exprimé le désir de le défendre.
Oui, madame la présidente.
Madame la ministre, vous avez expliqué comment étaient nommés les directeurs, à partir de cette fameuse short list élaborée par le centre national de gestion.
Cet amendement tend à soumettre au président du conseil de surveillance et à l'ARS, une liste plus large que cette short list, une première sélection s'effectuant autour d'une dizaine de noms. Cela permettra d'éviter des incompatibilités ou des erreurs de nomination. Pour deux CHU voisins, Montpellier et Nîmes par exemple, le classement du centre national de gestion induit un certain ordre d'arrivée des nominations. On constate alors que les mêmes noms ont été proposés pour ces deux nominations proches et, sans s'en rendre compte, on se retrouve avec deux directeurs incompatibles sur le plan du fonctionnement, alors qu'il s'agit d'une université commune.
Ce genre de dysfonctionnement peut être évité si la liste est plus large, laissant davantage de marge de manoeuvre au directeur de l'ARS et au président du conseil de surveillance.
Madame la présidente, la commission a adopté cet amendement contre mon avis…
…dans la mesure où j'estimais qu'il existait un risque de noyer les établissements sous l'avalanche des candidatures transmises par le CNG, et qu'il était important de garder la short list …
… établie par ce dernier, où ne figureraient que les noms des personnes adaptées à la fonction à pourvoir. Il s'agit d'éviter que toutes les candidatures soient transmises au directeur général de l'agence régionale de santé et au président du conseil de surveillance.
Je comprends l'intention de Jacques Domergue, mais je lui demande de se référer à la réalité du terrain. Quand un poste de directeur d'hôpital se trouve vacant, on peut recevoir des dizaines de candidatures, dont certaines ne sont pas très sérieuses, reconnaissons-le ! En l'absence de filtre, certaines personnes pensent, avec plus ou moins de légitimité, qu'elles pourraient exercer les fonctions complexes de directeur d'hôpital. Le directeur général de l'ARS – ou le ministre ou n'importe quelle personne chargée de choisir – est alors amené à examiner la validité de ces candidatures.
Dans notre système, quelle meilleure structure que le centre national de gestion – dont c'est précisément la fonction – peut juger de la légitimité d'une candidature ? Le CNG ne prendra pas la décision, mais il fera le tri, pour le plus grand bonheur du directeur général de l'ARS ou de tout autre éventuel décideur. Si le terme de short list n'est pas adapté, disons que le CNG dressera la liste des candidats légitimes, en mesure d'être proposés à la puissance « nommante ».
C'est pourquoi, je conseille à Jacques Domergue de retirer son amendement et d'accepter que le centre national de gestion fasse ce travail de débroussaillage, au plus grand bénéfice du pouvoir décisionnaire.
L'existence de ces amendements montre qu'au sein même de la majorité, la question paraît un peu plus complexe.
Cet amendement ne peut pas être retiré par M. Domergue, puisqu'il s'agit d'un amendement de la commission, voté contre l'avis du rapporteur – ce qui prouve qu'elle y a beaucoup travaillé et qu'elle s'est prononcée en toute connaissance de cause.
En revanche, l'exposé des motifs me pose problème. Il est indiqué que « l'amendement permet d'éviter que des candidatures soient écartées du fait d'une opposition des représentants syndicaux membres de la commission des carrières aux côtés de l'administration ». Cela renvoie sans doute à des problèmes très particuliers, très personnels.
Ensuite, on lit que cette présélection effectuée en présence des syndicats écarterait « des candidats au profil différent des directeurs d'hôpitaux statutaires. » Cela voudrait donc dire que cet amendement vise à permettre au centre national de gestion de présenter une liste où figureraient des noms de candidats n'ayant pas le statut de la fonction publique hospitalière. J'avoue que je ne comprends pas, et j'aimerais avoir une explication du rédacteur de cet amendement qui est devenu celui de la commission.
Je ne peux qu'être opposé à cet amendement, parce que je ne vois pas comment ferait l'ARS si on lui transmettait 600 noms ! Étant donné le nombre d'hôpitaux, cette seule tâche pourrait lui fournir une occupation à temps plein pendant un an !
À moins d'organiser un loto, elle aurait du mal à s'en sortir. Jusqu'à présent, une courte liste de trois ou quatre noms était présentée au ministre qui en choisissait un. Il faut éviter de ne transmettre qu'un seul nom au ministre, même si cela s'est vu dans des cas où l'on voulait être sûr du candidat retenu.
C'est la technocratie !
Présenter une liste courte me semble tout à fait normal, mais la totalité des candidats, 600 personnes… amusez-vous bien !
Il ne s'agit évidemment pas de transmettre six cents candidatures à chaque ARS, mais d'éviter toute entrave.
Le centre national de gestion est une instance paritaire qui définira le profil des candidats à la direction de l'établissement. Aujourd'hui, sa short list comporte le plus souvent trois noms.
Ce n'est pas limitatif ! Il peut y en avoir quatre ou cinq !
En élargissant cette liste, nous donnerions davantage de latitude au président du conseil de surveillance et au directeur de l'ARS : tel est le sens du présent amendement.
Aujourd'hui, monsieur Domergue, c'est la commission des carrières qui fixe le nombre des candidats figurant sur la short list. Ce nombre peut aller de un à douze.
Bien sûr ! Il peut y en avoir moins, mais la liste n'est pas limitée à trois noms.
(L'amendement n° 304 n'est pas adopté.)
Vous avez expliqué, madame la ministre, qu'un candidat serait choisi par l'ARS, qui transmettra son nom au centre national de gestion ; mais vous avez omis de rappeler que cette proposition interviendrait après avis du président du conseil de surveillance. Que se passera-t-il si l'ARS ne suit pas cet avis, dès lors que vous avez refusé qu'il soit obligatoirement conforme ? Un recours est-il possible ?
Quant à l'alinéa 6, il concerne la direction des communautés hospitalières de territoire. Leur création est intéressante, mais il importe que le directeur de chaque établissement soit en harmonie avec le président du conseil de surveillance, dont l'avis, afin de n'être pas seulement consultatif, doit être conforme : c'est ainsi qu'il participera réellement à la nomination du directeur de l'établissement.
La décision ne doit donc pas être du seul ressort du directeur de l'établissement de référence. Ce point me paraît d'autant plus important que, selon l'actuelle rédaction du texte, le conseil de surveillance se prononce sur la seule stratégie, laquelle – cela ne vous a sans doute pas échappé – ne comprend ni la nomination du directeur de l'établissement, ni les décisions d'investissement, ni l'adhésion à une communauté hospitalière de territoire. Pourtant, cette adhésion n'est-elle pas stratégique ? Que le directeur d'un établissement membre d'une communauté hospitalière de territoire soit nommé par le président du directoire de l'hôpital siège après avis conforme du président du conseil de surveillance me semble donc la moindre des choses.
L'amendement concerne le choix du directeur d'un centre hospitalier – autre que l'établissement siège – d'une communauté hospitalière de territoire. Vous n'avez pas souhaité, madame la ministre, que le directeur de l'ARS nomme lui-même ce directeur de deuxième niveau. Le directeur de l'ARS, en effet, ne peut pas tout faire – choisir, compter, trancher et faire des économies. Vous proposez donc que cette nomination incombe au président du directoire de l'établissement siège, ce qui revient à proposer que le fusible de l'ARS choisisse à son tour son propre fusible. Cela fait beaucoup de fusibles et de collaborateurs sous influence : ce n'est pas de bonne pratique à l'égard des établissements concernés, lesquels peuvent donc se faire du souci.
Comme l'indiquait M. Debré, nous débattons ici de la gouvernance des communautés hospitalières de territoire instituées par l'article 12 : on ne sait plus si c'est l'oeuf qui précède la poule ou l'inverse !
Je suis plus que jamais d'accord avec M. Préel s'agissant de la nomination par consanguinité, si je puis m'exprimer ainsi, qu'il a évoquée : le président du conseil de surveillance de l'établissement hospitalier dit « mineur » doit avoir réellement voix au chapitre.
Défavorable : ils sont susceptibles de bloquer le système de nomination des directeurs des établissements membres d'une communauté hospitalière de territoire (Protestations sur les bancs du groupe SRC) en cas de divergence entre le président du directoire de l'établissement siège et le président du conseil de surveillance de l'établissement membre.
Il est essentiel que le président du directoire de l'établissement siège, qui fédère les établissements membres d'une communauté hospitalière de territoire, le fasse avec l'aide de leurs directeurs, tout en choisissant ceux avec lesquels il collaborera.
Toutefois, comme le prévoit l'alinéa 7 de l'article 12, le président du conseil de surveillance de l'établissement membre de la communauté hospitalière de territoire sera évidemment consulté. En tout état de cause, je le répète, c'est au président du directoire de l'établissement siège que revient de proposer la nomination. Je suis donc défavorable à ces amendements qui, comme l'a bien expliqué votre rapporteur, pourraient engendrer des blocages.
Vous donnez malheureusement raison à nos craintes, madame la ministre : au bout du compte, c'est au directeur de l'établissement siège qu'il appartiendra de décider de tout.
Le problème est que l'avis des présidents des conseils de surveillance et de leurs différents acteurs comptera pour du beurre, à l'instar de celui des chefs de pôle de la communauté médicale. Il est normal que votre réforme obéisse à des lignes directrices ; mais celles-ci gagneraient à être un peu « coproduites ». Les inquiétudes exprimées par M. Debré, même s'il a retiré des amendements dont les dispositions seront sans doute débattues à l'article 6, sont partagées par la communauté médicale. « Que pensent les médecins hospitaliers du “patron à l'hôpital” ? » a-t-on demandé au docteur Fellinger, président de la Conférence des présidents de commission médicale d'établissement de centre hospitalier, dont vous avez dit qu'il soutenait votre réforme. Réponse : « Pour nous, c'est un leurre. Le projet concentre tous les pouvoirs dans la main du directeur d'hôpital gestionnaire et de l'ARS. Au mieux, les médecins adopteront une position de retrait, au pire, ils seront en opposition. L'Élysée pense qu'un “patron” à l'hôpital va permettre de résorber les déficits des établissements, mais pour ça il faut au contraire impliquer les médecins. »
Tel est l'avis de quelqu'un d'autorisé, que l'on ne peut soupçonner de vous être hostile et qui soutient des points importants de votre réforme. Il n'en déplore pas moins l'absence de coproduction, s'opposant résolument au principe selon lequel c'est le directeur de l'établissement siège qui doit trancher.
Votre argumentation, monsieur le rapporteur, me semble un peu abusive : pourquoi parler d'éventuels blocages ? La discussion et le travail en commun ne sont-ils pas nécessaires au bon fonctionnement d'un établissement ? Vous avez à ce sujet, en répondant à l'un de nos collègues, parlé du fonctionnement un peu curieux d'un hôpital ; si j'osais, je vous retournerais le compliment : pour assurer une bonne gestion, il est nécessaire que le conseil de surveillance, le directeur et la CME s'entendent. L'avis du président du conseil de surveillance me paraît donc indispensable, et je trouve particulièrement choquant que, comme nous le verrons avec l'article 12, il ne puisse se prononcer sur l'adhésion – voire l'intégration – de son établissement à une communauté hospitalière de territoire.
Il le peut !
La décision lui sera imposée par le président du directoire de l'établissement siège !
Nous y reviendrons en examinant l'article 12.
Quoi qu'il en soit, l'avis du président du conseil de surveillance est essentiel pour ladite adhésion, par ailleurs éminemment stratégique ; quant à la nomination du directeur d'établissement, un accord entre le conseil de surveillance de l'établissement et le président du directoire de l'établissement siège me semble nécessaire.
(L'amendement n° 477 n'est pas adopté.)
(L'amendement n° 954 n'est pas adopté.)
La commission a accepté cet amendement selon lequel le président du conseil de surveillance pourra donner son avis sur la révocation du directeur et son placement en situation de recherche d'affectation. Il n'est pas interdit d'être pragmatique : dans une situation de conflit que l'on imagine exceptionnelle, le président du conseil de surveillance donnera de toute façon son avis, qu'on le lui demande ou non.
Défavorable.
(L'amendement n° 962 est adopté.)
Prochaine séance, ce soir, à vingt et une heures trente :
Suite de la discussion du projet de loi portant réforme de l'hôpital.
La séance est levée.
(La séance est levée à dix-neuf heures quarante-cinq.)
Le Directeur du service du compte rendu de la séance de l'Assemblée nationale,
Claude Azéma