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Intervention de Marisol Touraine

Réunion du 16 février 2009 à 16h00
Réforme de l'hôpital — Article 4

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMarisol Touraine :

Il y a quelque chose de choquant dans cette idée exprimée, discours après discours, par le Président de la République et régulièrement reprise par ses ministres, selon laquelle il faudrait un patron pour l'hôpital. Quelqu'un peut-il affirmer qu'à l'heure actuelle, il existe des hôpitaux où aucune décision n'est prise ? Je ne le crois pas, je dirai même qu'il y a une multiplicité de décisions dans des domaines extraordinairement variés. Dès lors, je ne vois pas en quoi une loi serait nécessaire pour apporter des modifications sur ce point.

La vérité est ailleurs. Le projet de loi préconise en fait de priver la communauté soignante, en particulier la profession médicale, de tout pouvoir de décision pour mieux le transférer au directeur administratif.

Il faut bien voir, monsieur Door, que le projet de loi, dans sa rédaction actuelle, ne prévoit en aucune manière de complémentarité des pouvoirs ni même, pour reprendre un terme cher à la majorité, de « coproduction » de la décision hospitalière. Le président de la commission médicale d'établissement proposera et le directeur administratif décidera, en se fondant sur des critères qui lui sont propres.

La difficulté ne porte donc pas sur l'opportunité de doter les hôpitaux d'un patron, puisqu'ils en ont déjà un ; elle concerne les fondements sur lesquels les décisions seront prises.

Ce que nous contestons, c'est qu'en matière de projet médical d'établissement, les décisions reviennent in fine au directeur de l'établissement et non au président de la commission médicale d'établissement. Cela conduit à faire du directeur administratif l'arbitre des choix médicaux alors qu'il n'a jamais été formé pour cela, qu'il n'a pas de compétences particulières en ce domaine et n'a pas même vocation à en acquérir.

Le schéma qui se met en place a quelque chose de machiavélique : le directeur administratif imposera aux établissements hospitaliers ses vues en matière de choix médicaux et prendra la décision de nommer tel ou tel chef de service au sein de son établissement, alors qu'il s'agissait jusqu'à présent d'une décision ministérielle, prise sur la base d'avis universitaires. Il y a donc tout lieu de craindre que les décisions en matière de recrutements, d'allocation des moyens et de choix médicaux seront prises par le directeur administratif en fonction de critères n'ayant strictement rien à voir avec la compétence professionnelle ou les priorités médicales.

Face à la fronde qui agite actuellement les hôpitaux publics, qui est tout autant le fait des syndicats de personnels soignants que des syndicats de médecins, vous avez souhaité, madame la ministre, créer une sorte de diversion en installant la fameuse commission Marescaux. Nous en parlons depuis le début de la discussion et nous sommes en droit de vous demander quel rôle vous entendez lui faire jouer dans les semaines ou les mois qui viennent.

De deux choses l'une :

Ou bien il s'agit d'apporter des compensations aux médecins qui vont se trouver privés d'une partie de leurs pouvoirs et de leur capacité à peser sur les choix hospitaliers – ce qui est un comble –, et il faut nous dire quelles propositions de la commission vous entendez retenir pour atténuer leurs inquiétudes ;

Ou bien il s'agit de poursuivre le mouvement, en différenciant de façon définitive ce qui relève de l'université et ce qui relève du pôle médical, et il faut nous dire pourquoi vous voulez affaiblir davantage encore le pouvoir des médecins, en réduisant le rôle de la recherche clinique par rapport à la recherche fondamentale.

Il y a bel et bien une hypothèse inquiétante que l'on ne peut totalement écarter malgré les propos lénifiants que vous tenez en nous promettant que des solutions sortiront de la commission Marescaux. Après l'acte I constitué par la mise en place de la tarification à l'activité, construite sur une base strictement financière et administrative, nous en sommes à l'acte II : le présent projet de loi supprime le pouvoir médical au sein des établissements au profit d'une logique purement administrative qui conduira progressivement à évaluer les médecins en fonction de leur capacité à respecter les critères administratifs et financiers et non de leur capacité à innover, à créer et à répondre aux besoins sanitaires. Demain, il faut donc s'attendre à un acte III : les suites de la commission Marescaux, avec le dessaisissement ultime des médecins et la mise de la recherche clinique sous le boisseau, au seul profit de la recherche fondamentale.

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