En effet, mon cher collègue, et je constate que de plus en plus de médecins ont intégré l'économie dans leur gestion quotidienne, voire intériorisé, à juste titre, le fait que l'économique est une dimension de l'éthique. Cette évolution a rendu l'hôpital capable de digérer certaines réformes colossales, beaucoup plus importantes que celles qui ont concerné bien d'autres structures de l'administration, par exemple les pôles et la T2A.
Or, aujourd'hui, alors qu'ils ont accompli tout ce chemin, vous leur dites, madame la ministre : « Attendez, vous n'êtes pas vraiment responsables. Il faut vraiment un chef, un bon technocrate, qui sera bien préparé pour diriger l'hôpital. » Voilà ce qui est en train de se passer. Et puis on amuse la galerie avec, par exemple, le mode de nomination du vice-président du directoire.
Mais vous allez avoir un choc en retour. Certes, le corps médical, éduqué trop longtemps dans le mépris des sciences sociales et des sciences économiques, a souvent considéré que sa discipline était individuelle et que l'intendance suivrait, qu'il faudrait bien que les autres s'arrangent pour lui fournir les moyens nécessaires, mais il a changé d'état d'esprit : il comprend les contraintes et le véritable défi que pose l'économique au fonctionnement de l'hôpital. Et c'est à ce moment-là que vous lui retirez les prérogatives qui sont les siennes, au nom du discours, assumé devant les Français, selon lequel il faut qu'il y ait un chef à l'hôpital qui prenne des décisions parce que les autres personnels seraient des mineurs incapables de les prendre. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Vous allez ainsi créer un facteur de régression dans la prise de conscience économique du corps médical, et vous allez raviver l'éternel conflit entre les administratifs et les médecins.
En effet, ceux qui ont une certaine expérience des milieux hospitaliers se souviennent de l'animosité totale entre les directeurs d'hôpitaux et les soignants ; avec votre texte, c'est reparti puisque seul le directeur va avoir à prendre la responsabilité de choix parfois nécessaires, mais souvent impopulaires. Aujourd'hui, une gouvernance multiple oblige tout le monde à se positionner sur les choix économiques. Ceux qui ont des responsabilités dans la gestion hospitalière voient bien que le corps médical est contraint de s'impliquer dans la stratégie. Dorénavant, ce ne sera plus du tout le cas car il sera marginalisé dans la prise de responsabilité. Vous l'en déchargez au nom du chef, au nom de la caporalisation.