La séance est ouverte.
(La séance est ouverte à neuf heures trente.)
L'ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi de M. Jean-Marc Ayrault et de plusieurs de ses collègues pour l'instauration d'un bouclier rural au service des territoires d'avenir (nos 3158, 3245).
La parole est à M. Germinal Peiro, rapporteur de la commission du développement durable et de l'aménagement du territoire.
Madame la présidente, monsieur le ministre de l'agriculture, monsieur le ministre chargé des relations avec le Parlement, mes chers collègues, il est peu de dire que le monde rural se sent délaissé, ignoré, abandonné, maltraité depuis ces dernières années. C'est pourquoi, je tiens à remercier sincèrement M. le président de la commission du développement durable de nous avoir permis de discuter de l'ensemble du texte déposé sur le bureau de notre assemblée. Ce geste qui vous honore, monsieur le président, est la marque de votre respect du droit de l'opposition à ouvrir le débat. Il montre aussi, nous voulons le croire, que vous avez compris la sincérité de notre engagement. Le débat sur l'avenir de la ruralité nous engage tous, au-delà des clivages partisans.
Cela ne signifie cependant pas que nous soyons d'accord entre nous, loin de là. Vous l'avez compris, c'est pour tourner la page d'une politique mortifère pour nos territoires que le groupe socialiste, radical et citoyen a choisi de vous proposer aujourd'hui d'instaurer un bouclier rural au service des territoires d'avenir.
À l'été 2007, le Président de la République et sa majorité ont décidé de « défendre » les revenus des plus favorisés des Français. Le Président de la République et sa majorité ont décidé que la priorité était de défendre les plus riches en abandonnant ceux qui ont le plus besoin de la solidarité nationale.
Cela s'est traduit par deux mesures soutenues avec ferveur sur les bancs situés à la droite de cet hémicycle : le bouclier fiscal et la révision générale des politiques publiques. Rompre avec ces expériences est devenu une nécessité première.
L'idée de créer un bouclier rural nous est apparue comme l'unique moyen d'arrêter les coups portés aux territoires. Il ne s'agit pas d'un plaisir sémantique, mais bien d'une nécessité vitale.
Les premiers charcutages dans le monde rural sont en effet intervenus très rapidement, sans concertation, dans la plus pure tradition d'un centralisme méprisant que nous pensions hors d'âge. La rupture promise par le candidat Nicolas Sarkozy s'est traduite par le mépris présidentiel à l'égard du monde rural, qu'il visite désormais au pas de charge pour tenter de redorer une image devenue catastrophique.
Vous payez aujourd'hui auprès de nos concitoyens des territoires ruraux les conséquences de l'incurie de la politique menée. Plus grave, en désespérant le peuple, en vous moquant de ses difficultés de plus en plus grandes, vous faites le lit des populismes les plus dangereux qui attaquent la République.
Le bouclier rural, c'est pour nous, d'abord, l'affirmation du droit de tous les citoyens à l'égalité de traitement par le service public.
Or, monsieur le ministre de l'agriculture, le Gouvernement, depuis neuf ans, a toujours privilégié le dogme de la règle de calcul la plus brutale contre l'intérêt des populations.
Les exemples sont légion. Je me contenterai de celui de la carte judiciaire. Notre collègue UMP, Max Roustan, a écrit, en janvier 2008, un rapport au vitriol contre cette réforme attentatoire à l'égalité des citoyens pour l'accès au service public. Devant la création de déserts judiciaires, il mettait en garde contre l'illusion de proximité véhiculée par le développement des nouvelles technologies. « Le recours aux nouvelles technologies de l'information, écrivait-il, est une nécessité, indépendamment de la refonte de la carte judiciaire, mais il a ses limites et ne doit pas déshumaniser un peu plus la justice. »
Monsieur le ministre, j'imagine que la tâche est difficile lorsqu'on est confronté à une RGPP que l'on s'est imposée comme seul curseur d'évaluation politique. Mais je vous demande de vous rendre compte de l'effet que peut avoir sur les populations les plus fragiles votre intervention du 5 janvier dernier au conseil des ministres.
Après que le Premier ministre se fut félicité des coupes claires dans la présence territoriale des services de santé, des casernements militaires, des gendarmeries, des tribunaux, des services de santé publique, vous n'avez rien trouvé de mieux à dire que la « facilité d'accès via internet à la plupart des services publics allège les besoins de présence administrative territoriale ».
Ce que vous nous avez dit ce jour-là résume au fond tout ce qui nous sépare lorsque nous parlons des services publics. Pour vous, un poste internet remplacera aimablement une présence humaine. Pour vous, la présence humaine d'un agent du service public accessible physiquement dans son bureau ne vaut pas plus qu'un conseiller impersonnel derrière un ordinateur, dans une ville éloignée où il ignore en fait les conditions de vie de la personne qu'il assiste et conseille.
Pire, vous estimez que l'éloignement décisionnel n'est pas un problème. Outre que l'on peut se demander si une telle doctrine ne pourrait pas conduire à délocaliser purement et simplement certains services publics, nous tenons à vous dire que l'éloignement décisionnel, c'est justement ce dont les Français ne veulent plus. C'est justement de cette parole venue d'on ne sait où que nos concitoyens veulent se débarrasser.
Jean-Paul Delevoye, Médiateur de la République, disait mardi, sur une radio nationale, une vérité que votre gouvernement ignore : « Le sens du service public, c'est évidemment de ne jamais sacrifier les relations humaines. » Que vous le vouliez ou non, monsieur le ministre, votre doctrine affichée le 5 janvier dernier encourage ce sacrifice.
Dans les rangs de l'UMP, certains défendent maintenant l'idée d'une médecine à distance : la télémédecine. Pourquoi cette nouvelle lubie ? Tout simplement parce que vous avez renoncé à la présence territoriale médicale. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
C'est à cause de vous, à cause du numerus clausus que vous aviez fixé que nous en sommes là aujourd'hui !
Nos collègues de l'UMP le reconnaissent bien volontiers en commission : l'incitation ne suffit pas. Mais il manque un peu de courage au Gouvernement et à sa majorité pour imposer des règles de présence médicale dans les territoires. Qui pourra bénéficier de ce pseudo-progrès d'une médecine sans contact ? Précisément ceux qui sont déjà oubliés des services publics, c'est-à-dire ceux qui vivent dans les zones difficiles, rurales comme urbaines. Vous avez perdu de vue les Français.
Je vais citer à nouveau le Médiateur de la République dans son rapport pour 2010 : « On ne gère pas les souffrances de la société par le tout technologique. On les gère par une équation où le coeur, la proximité et l'humain rééquilibrent la distance instaurée par la technologie. Aujourd'hui, nos services publics ne peuvent plus se résumer à des machines administratives. La pérennité du service public ne passe pas par son statut mais par la qualité du service rendu. Cela suppose le respect des agents par le management du service public et la gestion des ressources humaines vers un changement de culture du service. Ce qui caractérise ce service, ce n'est pas le traitement d'un dossier, c'est l'apaisement d'une personne par le traitement de son dossier. De même qu'un médecin ne gère pas un coeur mais une âme qui a des problèmes cardiaques, l'administration ne doit plus gérer seulement un dossier, mais tenir compte également des problématiques humaines qui sont derrière. » Qui, ici, peut critiquer ces vérités ?
Monsieur le ministre, la France ce n'est pas seulement douze aires métropolitaines et vingt-neuf grandes aires urbaines qui pourraient tout avoir en laissant aux autres les miettes d'une égalité et d'une équité oubliées. Le monde rural est une ressource vitale pour notre pays.
En termes statistiques, la ville-centre ne représente plus aujourd'hui que 25 % de la population. Si l'on y ajoute les banlieues, on parvient à 30 ou 35 %. C'est dire l'importance de la population rurale. C'est dire la nécessité de renouveler notre approche du monde rural en matière de politiques publiques. L'énorme désordre dû à la neige cet hiver devrait tous nous inquiéter car il a mis en évidence les impasses auxquelles conduisent les insuffisances de ces politiques. Les personnels des DDE ne sont plus assez nombreux pour simplement permettre la circulation normale des véhicules. Il y a des villages qui ont attendu une semaine pour voir les services venir à leur secours.
C'est cela le résultat concret de la politique du Gouvernement. C'est à cela que conduit une politique où le sens de la réforme cède toujours le pas à la norme comptable de courte vue. Il est temps de prendre en compte l'idée que nous avons besoin d'une nouvelle conception de la valeur en économie. Les citoyens ne sont pas réductibles à des nombres qu'il faudrait faire entrer de force dans une règle de calcul absurde.
C'est pourquoi nous proposons de refonder une politique de développement rural tournée vers les besoins réels de nos concitoyens.
La proximité est toujours un investissement d'avenir. L'éloignement, toujours une fausse route. La proximité, c'est faire confiance au dynamisme des acteurs en l'accompagnant. La proximité, c'est faire le pari d'une émancipation toujours bénéfique parce qu'elle part du principe que les énergies locales sont au coeur du développement durable qui fera l'avenir.
Pour nous, le bouclier rural, c'est d'abord ériger un socle fondamental de soutien aux dynamismes locaux. Nous ne voulons pas d'assistanat, nous voulons de l'encouragement aux projets locaux, nous voulons créer un cercle vertueux reposant sur la confiance dans l'invention locale. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
Encore faut-il que l'État républicain joue son rôle historique de maintien de la solidarité. La force de la France est son pacte républicain. Vous le brisez chaque jour. Vous fragilisez donc la France.
« La République est un bien précieux », nous disait hier M. le Premier ministre. Il est heureux qu'il commence à s'en rendre compte. Mais les mots ne suffisent pas.
Le service public est au fondement de notre pacte républicain. C'est pourquoi notre proposition de loi pose le cadre d'une norme d'accessibilité minimale du service public.
La garantie de la proximité et de l'égal accès des citoyens aux services publics est notre premier engagement. Il s'agit d'une accessibilité physique que nous définissons notamment par la définition d'une durée de transport : 20 minutes d'une école primaire, 30 minutes d'un service d'urgence, 45 minutes d'une maternité, par exemple.
Mais il faut aller plus loin, monsieur le ministre. Nos collègues de l'UMP vous l'ont dit en commission du développement durable il y a quelques jours : les incitations à la présence de praticiens libéraux ne sont pas suffisantes pour organiser un réseau médical satisfaisant. C'est pourquoi nous proposons la mise en oeuvre d'un système d'organisation de l'implantation des médecins libéraux sur le territoire. Je vous rappelle qu'en 2004, M. Jean-François Mattei, alors ministre de la santé, nous expliquait que cela serait sans doute nécessaire un jour. Nous pensons que ce jour est venu.
Concernant les services publics, il faut être sans ambiguïté : la proximité doit être au coeur de nos ambitions et de nos actions. L'accessibilité, qui signifie aussi la souplesse d'organisation en faveur du public, doit être notre principal souci.
Mais un bouclier ne sera pas suffisant. C'est pourquoi nous proposons aussi un cadre général de promotion de l'action locale. Nous croyons dans les énergies locales ; nous croyons en l'inventivité de chacun des élus locaux ; nous faisons confiance aux entrepreneurs, qui sont au départ de toute l'économie des territoires.
C'est pour cela que nous proposons une politique d'encouragement, une politique qui laisse toute sa place à la prise de risque. Tel est le sens de la transparence que nous voulons imposer aux banques à l'égard des investissements faits dans chaque territoire. Tel est le sens de la création d'une caisse de mutualisation pour le chômage des artisans, commerçants et professions indépendantes.
Nous pensons que les entrepreneurs ont aussi le droit à la solidarité à l'égard d'éventuels échecs. Nous avons le devoir de leur offrir la possibilité d'un rebond. Nous souhaitons par ailleurs que les agriculteurs bénéficient des mêmes droits.
Ceux qui créent l'activité ne peuvent plus être les oubliés de la solidarité. Sans doute cela nécessite-t-il une révision politique à l'égard de ces activités, mais nous pensons que la République doit redéfinir son pacte social et accorder des droits équitables à l'ensemble des travailleurs.
Nous souhaitons aussi innover à l'égard de la reconnaissance du rôle de l'artisanat et du commerce dans les zones rurales. C'est le sens de la convention de commerce et d'artisanat rural.
Vous le savez, monsieur le ministre, il n'y a pas que l'agriculture qui soit multifonctionnelle. L'artisanat rural l'est tout autant, même si son apport aux territoires est différent.
Nous pensons qu'il serait intéressant de développer un instrument contractuel de reconnaissance de cette multifonctionnalité de l'artisanat rural.
Évidemment, tout cela ne pourra se faire qu'avec l'affirmation du rôle de l'État dans la mise en place des réseaux de communication de toute sorte nécessaires au développement économique. C'est le rôle de l'État de favoriser la création de ces réseaux indispensables à l'émergence des créativités locales. La relocalisation des activités sur l'ensemble du territoire ne pourra se faire sans des réseaux d'échanges, quels qu'ils soient, adaptés aux exigences du développement durable.
Loin des polémiques, notre proposition de loi fixe le cadre global de la réponse que nous pensons devoir apporter à la crise du monde rural, à sa désespérance.
Monsieur le ministre, je veux, pour terminer, vous faire part d'un regret. En commission, nombre de nos collègues de la majorité ont estimé que ce texte n'allait pas assez loin…
…et qu'il ne proposait pas de mesures précises. Or celles-ci ressortissent en réalité au pouvoir réglementaire, à qui il appartient de mettre en oeuvre les orientations définies par le législateur.
Parfois, nous avons eu aussi l'impression que tout allait bien, finalement, dans le monde rural. Mais si tout va bien, pourquoi trente-cinq députés de la majorité ont-ils déposé une proposition de loi tendant – je cite – « à mettre en place un Plan Marshall pour la ruralité » ?
Si les mots ont un sens, comment interpréter cette référence au plan Marshall ?
Je vous rappelle que le plan Marshall a suivi le désastre de la Seconde guerre mondiale, c'est-à-dire le temps de la destruction. Voilà où nous en sommes dans les territoires ruraux après neuf années de pouvoir de cette majorité !
Pour trente-cinq élus de l'UMP, nous en sommes au point où la nécessité d'un plan Marshall se fait sentir. Avouez que nous avons là matière aux plus grandes inquiétudes !
Pourtant, en lisant ce projet de plan Marshall, nous constatons aussi que de très nombreuses idées avancées sont reprises des propositions socialistes émises depuis 2002. Les lectures croisées sont à cet égard éclairantes et ne font qu'honorer le sérieux des propositions socialistes. Nous savons donc que, dans les rangs de la majorité, les esprits sont prêts pour que notre texte soit voté.
Nous ne doutons donc pas que vous allez passer des intentions aux actes ! (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
La parole est à M. Serge Grouard, président de la commission du développement durable et de l'aménagement du territoire.
Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, j'ai souhaité effectivement qu'au sein de la commission du développement durable et de l'aménagement du territoire, nous puissions examiner ce texte. Le sujet me semblait en effet important et intéressant, mais je dois dire aujourd'hui que le traitement qui en est proposé me paraît quelque peu décevant.
Et j'y vois plus, dans la conjoncture actuelle, à quelques jours d'échéances électorales (Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR)…
J'y vois, disais-je, certains éléments de conjoncture que les uns et les autres pourront apprécier à leur juste valeur.
Je voudrais – si toutefois vous avez l'amabilité de me laisser parler – en revenir au texte qui nous est proposé,…
…plutôt que de partir dans de grandes envolées plus ou moins lyriques mais qui ne coïncident pas du tout avec la réalité de ce qui est écrit. En ce qui me concerne, j'aime bien regarder le concret, c'est-à-dire, en l'occurrence, le contenu de la proposition qui nous est soumise.
Et malheureusement, dans ce texte, je vois, comme je vais essayer de vous le montrer, des incohérences, des risques bien réels et des dispositions inutiles.
Il serait bon, messieurs, que vous accordiez un minimum de respect aux orateurs !
Il y avait dans l'intervention du rapporteur des éléments qui ne m'ont pas plu particulièrement ; je n'en suis pas moins resté parfaitement stoïque. Je trouve que notre assemblée, en règle générale et vis-à-vis de nos concitoyens, gagnerait à s'inscrire dans cette logique du respect.
Vous êtes facilement choqués par les propos des autres, mais peu attentifs à mesurer les vôtres ! C'est dommage.
Commençons par les incohérences : j'en vois trois.
La première réside dans les thèmes qui sont abordés. Je prendrai comme exemple l'article 7, où il est proposé de créer une caisse de mutualisation contre le chômage des professions artisanales, libérales et commerçantes.
Quel est le rapport avec le monde rural ? (Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.) Que je sache, il y a des commerçants et des professions libérales en ville. Vous voyez donc qu'il n'y a pas de rapport entre le contenu de l'article 7 et l'intitulé du texte !
Une deuxième incohérence réside dans les thèmes qui sont, au contraire, oubliés.
Ainsi, vous parlez des écoles, mais vous ne parlez pas des crèches.
Vous ne parlez pas non plus des transports. Or on sait à quel point ils sont importants dans le monde rural.
On sait aussi que, dans le monde rural, la question de l'activité économique est importante. Sur ce sujet-là non plus il n'y a rien, à part un paragraphe sur Pôle Emploi.
La troisième incohérence est celle qui existe entre l'exposé des motifs et le texte de la proposition de loi. Dans l'exposé des motifs, vous évoquez la carte judiciaire ; dans le texte, il n'en est plus question.
Par ailleurs, vous tenez sur le monde rural des propos d'un catastrophisme assez invraisemblable.
C'est vous qui faites du catastrophisme : si vous parlez d'un plan Marshall, c'est bien que c'est la catastrophe ! Soyez cohérents !
Je vais vous rappeler un chiffre car, encore une fois, j'aime bien revenir à la réalité des choses.
Entre 1999 et 2004, selon les données du recensement, les villes et pôles urbains ont perdu 72 habitants sur 10 000. Dans le même temps, le monde rural en a gagné 88.
Si la vie dans le monde rural était aussi désespérante,…
…je me demande pourquoi il y aurait ce mouvement des villes vers les campagnes. À moins de considérer que nos concitoyens sont devenus fous, il y a là une réalité que vous niez totalement !
Au-delà de ces incohérences, qui montrent que votre texte a été écrit à la va-vite (Exclamations sur les bancs du groupe SRC), il y a des éléments plus graves et plus inquiétants, des mesures dont je m'étonne qu'elles soient proposées par le groupe socialiste.
Fondamentalement, mes chers collègues, ce texte est recentralisateur. L'article 1er nous dit, et les mots employés sont significatifs : « l'État garantit la proximité ».
Pas un mot en revanche sur les collectivités territoriales. C'est donc bien de recentralisation qu'il s'agit.
Deuxième exemple de ce type de mesures, dont le texte est truffé : l'article 8 dispose que le préfet « arrête » des conventions de commerce et d'artisanat local. Auriez-vous donc oublié que la compétence en matière de commerce est largement dévolue aux collectivités territoriales, notamment aux communes ? Que se passerait-il si, alors que les communes mettent en oeuvre leurs propres dispositifs, le préfet venait lui-même signer une convention de commerce et d'artisanat, et si les deux étaient incompatibles ?
Enfin, pour ce qui me concerne, je considère que l'article 12, qui traite des dotations de l'État avec une logique de péréquation poussée à l'extrême, porte atteinte au principe de libre administration des collectivités territoriales.
Deuxième élément de danger, je trouve ce texte bureaucratique.
Il me semble significatif qu'on ne trouve pas un mot – pas un seul ! –, notamment dans l'article 3 où il est question de l'organisation du service public de l'emploi, sur la création d'emplois et l'activité économique !
C'est une certaine vision de la société.
Ce n'est pas parce que l'on va amener Pôle Emploi à tel ou tel endroit qu'il y aura davantage d'emplois ! Cela relève de l'évidence.
Troisième danger : ce texte recèle une vision uniformisatrice de la France. La France, c'est une grande diversité, et on ne traite pas le monde alpin – ce n'est pas M. Saddier qui me contredira – comme la Bretagne ou les plaines de la Beauce ! Or vous traitez tous les territoires de la même manière. Vous en restez à une vision absolument uniforme tout au long du texte : aucune différenciation, aucune spécificité ne sont prises en compte. Notre pays, c'est pourtant vingt siècles d'histoire de la diversité ! Alors, de grâce, faisons attention !
Enfin, le quatrième risque, d'ordre plus conceptuel, consiste à opposer le rural et l'urbain.
Je regrette ce terme de bouclier rural, qui s'inscrit dans une logique de fermeture par rapport au monde urbain.
Dernière critique très forte : je crois que ce texte, au fond, est inutile.
J'en terminerai par là, madame la présidente, en vous remerciant de m'accorder un peu de temps supplémentaire.
D'abord, ce texte n'est absolument pas normatif dans la mesure où il comporte des dispositifs qui ne sont assortis, au cas où ils ne seraient pas appliqués, d'aucun mécanisme de vérification et de sanction.
Mais il y a pire : vous allez plus loin avec l'article 3, qui dispose que les écoles et les collèges doivent être à un certain temps de trajet pour les enfants !
Cela n'est absolument pas normatif, parce que les écoles et les collèges relèvent de la compétence des communes et des départements.(Vives exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
Vous fermez les établissements des petites communes ! C'est scandaleux !
Madame la présidente, pourriez-vous demander à nos collègues de l'opposition qu'ils cessent de m'interrompre ? Ils ne sont pas très respectueux de la vie démocratique.
Mes chers collègues, nous écoutons l'orateur, qui doit d'ailleurs conclure.
Lorsqu'un collège sera à plus de vingt-cinq minutes du lieu de résidence d'un collégien, que se passera-t-il ?
Vous n'allez pas ouvrir une classe en plein champ ! Cela signifie donc que vous allez ouvrir un nouveau collège. Mais qui le financera, puisque la compétence est départementale ?
Donc, vous vous acheminez tranquillement et insidieusement vers des charges supplémentaires pour les collectivités territoriales. (Protestations sur les bancs du groupe SRC.)
Enfin, et j'en termine…
S'ils me laissaient parler, j'irais plus vite.
Enfin, disais-je, je veux vous rappeler que nombre de dispositions en faveur du monde rural existent d'ores et déjà. Je m'étonne d'ailleurs que vous ne le sachiez point, ou plutôt que vous fassiez semblant de ne pas le savoir.
La lutte contre la fracture numérique – article 9 de la proposition –, c'est tout l'objet de la loi de décembre 2009…
…qui prévoit la couverture de tout le territoire à l'horizon 2025.
Qui paye ?
La question de la présence médicale, abordée à l'article 2, est traitée par la loi HPST de juillet 2009,…
…qui donne compétence aux schémas régionaux d'organisation sanitaire pour assurer ce maillage.
Vous parlez de la présence postale à l'article 3. Je vous rappelle qu'un contrat de présence postale vient d'être signé le 26 janvier. Il garantit le maintien des dix-sept mille points de contact existant sur notre territoire et prévoit des développements en zone rurale.
Vous le voyez, mes chers collègues, ce texte présente des incohérences, des risques et des dispositions inutiles, ce qui me conduit à vous proposer de le repousser. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
M. Germinal Peiro a parlé quinze minutes au lieu de dix, et M. Serge Grouard onze au lieu de cinq. Je les ai laissés dépasser leur temps de parole compte tenu de l'importance du sujet et des passions, bien compréhensibles, que manifestement il soulève. Mais, une fois que le ministre se sera exprimé, je serai plus stricte pour les orateurs inscrits dans la discussion générale.
La parole est à M. Bruno Le Maire, ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche, de la ruralité et de l'aménagement du territoire.
Monsieur le président de la commission du développement durable et de l'aménagement du territoire, je voudrais d'abord vous remercier d'avoir accepté d'inscrire cette proposition de loi à l'ordre du jour de l'Assemblée nationale car le sujet mérite en effet un débat.
C'est l'occasion pour moi de rappeler que la ruralité est un atout pour la France et que le Gouvernement ne cesse de se battre pour elle depuis des années.
Nous croyons en l'avenir de la ruralité, tout simplement parce que la ruralité est la France.
Mais la ruralité que nous défendons n'est pas une ruralité en noir et blanc ou en sépia, c'est une ruralité qui répond aux attentes nouvelles de nos concitoyens, une ruralité qui tient compte des évolutions en profondeur de la société française, et vous me permettrez de commencer par ces éléments de constat.
La ruralité doit d'abord faire face à une transformation sociale en profondeur, cela vient d'être souligné par Serge Grouard et par Germinal Peiro. Depuis le début du XXIe siècle, les Français sont de plus en plus nombreux à quitter les villes pour rejoindre les territoires ruraux. Dans les communes rurales, que nous connaissons tous bien ici, habitent non seulement des personnes liées au monde agricole mais également de plus en plus d'employés et d'ouvriers. Cela pose des problèmes de transport, d'accès aux services publics, d'accès aux soins et de scolarisation. Mais, il faut que cela soit clair dès le départ, la ruralité ne pourra pas offrir le même type de services, ni pour la scolarité, ni pour les soins, ni pour l'enseignement, que ceux que peuvent offrir les grandes métropoles. Calquer l'avenir de la ruralité sur ce qui peut être proposé dans les grandes métropoles est une erreur qu'il faut éviter de commettre.
La deuxième transformation sociale majeure, c'est le vieillissement de la population, qui demande de l'accompagnement, de la présence et une réforme de la dépendance, celle, précisément, qui a été engagée par le Président de la République en 2011. Cette évolution réclame aussi que nous réfléchissions différemment à l'accès aux soins.
La troisième transformation majeure, vous la connaissez tous, c'est la transformation technologique. Pour être reliés à l'activité économique, sujet singulièrement absent de la proposition de loi,…
…les territoires ruraux doivent pouvoir compter sur le développement des nouvelles technologies et de l'accès au haut débit.
Quatrième élément essentiel, la transformation institutionnelle. Je suis surpris de devoir relever, à l'occasion de l'examen d'un texte qui n'émane pas de ma famille politique, que nous sommes passés d'un État centralisé et planificateur à un État décentralisé, qui accompagne les collectivités locales. L'État n'agit plus seul, l'État agit en partenariat avec elles. Or, comme l'a très justement souligné Serge Grouard, l'article 1er de cette proposition de loi va à rebours de cette évolution puisqu'il recentralise totalement la gestion de la ruralité en confiant à l'État le soin de planifier son avenir.
Je m'étonne que le parti socialiste, qui gère tant de collectivités locales en France, ne leur fasse pas davantage confiance pour organiser la ruralité de demain.
Le principal défaut de cette proposition de loi, c'est de présenter une vision uniforme du territoire français, alors que sa caractéristique essentielle, c'est la diversité de ses paysages, la multiplicité de ses communes, la spécificité de chacune de nos contrées. La ruralité n'a pas besoin d'un bouclier uniforme, comme le propose le parti socialiste, elle a besoin d'armes nouvelles, diverses, adaptées à la particularité de chacun des territoires pour leur permettre de se battre à armes égales.
Cette proposition fait donc reposer l'avenir de la ruralité sur une recentralisation au profit de l'État. Mais elle pose d'autres problèmes, que je tiens à relever à travers quelques articles.
D'abord un problème environnemental : en demandant la répartition équitable des constructions sur l'ensemble des territoires, elle risque de favoriser l'étalement urbain, le mitage et la consommation des terres agricoles, alors même que leur préservation doit être un objectif stratégique pour nous tous et que cette assemblée a voté, dans la loi de modernisation de l'agriculture et de la pêche, des dispositions qui visent précisément à éviter le mitage et à préserver les terres agricoles, capital précieux pour l'avenir de la France.
Cette proposition de loi est par ailleurs imprécise : elle ne comporte aucun chiffrage des mesures proposées et son coût global n'est même pas évalué.
C'est enfin une proposition qui me semble bureaucratique et excessivement réglementaire.
Elle fait peser sur les collectivités locales, sur l'État et même sur les partenaires sociaux, des contraintes qui me paraissent invraisemblables.
Je lis l'article 5 : « Pour favoriser la mixité sociale et intergénérationnelle, les organismes publics chargés de l'habitat veillent à répartir équitablement sur l'ensemble du territoire les constructions ou les réhabilitations de logements. »
Comment expliquerons-nous aux maires, aux présidents d'une communauté de communes ou d'un conseil général que c'est un organisme centralisateur qui va veiller à la modernisation de tous les logements des 36 000 communes de France ?
Comment pourrions-nous envisager un instant qu'une seule instance publique organise la rénovation de tous les logements français ? Cela me semble un non-sens et une idée excessivement bureaucratique.
Le deuxième article que je tiens à citer est l'article 3, qui a été mentionné par Serge Grouard : « l'organisation du service public de l'éducation garantit aux élèves un temps d'accès maximum à l'école élémentaire et primaire de 20 minutes de trajet automobile individuel ».
Comment ferions-nous par exemple si, dans ma circonscription de l'Eure, que connaît bien François Loncle, une vingtaine d'élèves habitaient dans une commune de 400 habitants qui se trouverait par malheur à 21 minutes du lycée ? (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)
Devrons-nous construire un collège pour ces vingt élèves ?
Ces normes bureaucratiques générales que vous voulez appliquer à l'ensemble du territoire français sont de vraies erreurs de pensée.
C'est l'administration qui reprend le pouvoir sur la liberté d'administration.
C'est la concentrationde l'éducation. C'est faire croire aux Français qu'on peut mettre à la disposition de chaque élève une école élémentaire, un collège, un lycée au coeur des communes rurales. C'est impossible ! Personne ne le fera, ni vous ni nous ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Pourquoi les enfants des campagnes n'auraient-ils pas droit à l'éducation ?
Le troisième article que je tiens à citer est l'article 7 : « une caisse de mutualisation publique contre le chômage des commerçants, artisans et professions libérales et de leurs conjoints collaborateurs est mise en place ». Là aussi, la proposition de loi empiète sans se gêner sur les prérogatives des partenaires sociaux et établit de manière bureaucratique et uniforme des règles qui ne sont ni applicables, ni du ressort de l'État ou des représentants publics.
Pour toutes ces raisons, la proposition de loi ne va pas dans le bon sens. Elle impose à l'ensemble du territoire français des règles uniformes, datées, rigides, qui ne seront ni applicables, ni finançables, ni crédibles aux yeux de nos concitoyens.
À rebours de ces propositions, le Gouvernement a cherché à doter les territoires ruraux d'armes nouvelles pour faire face aux évolutions sociales que j'ai mentionnées.
Le premier élément qui me tient le plus à coeur en tant que ministre de l'aménagement du territoire et de la ruralité, c'est de développer l'accès aux soins pour tous nos concitoyens dans l'ensemble des territoires ruraux.
L'inégalité d'accès aux soins dans les territoires ruraux, je le dis en tant qu'élu de l'Eure, est un scandale. Il n'est pas acceptable qu'en France, dans notre République, des enfants puissent attendre six mois pour avoir un rendez-vous chez un spécialiste alors que, s'ils habitaient à 90 kilomètres de là, il ne leur faudrait que trois semaines.
Il n'est pas normal qu'autant de parents, à Damville ou dans d'autres communes de l'Eure qui me tiennent à coeur, rencontrent de si grandes difficultés à donner accès aux soins à leurs enfants alors que, s'ils habitaient dans la capitale, à 95 kilomètres de là, ils y parviendraient aisément. Nous devons continuer à nous mobiliser, comme le fait le Gouvernement, pour répondre à l'objectif d'accès égal aux soins pour tous nos concitoyens.
Une première mesure prise par le Gouvernement pour agir dans ce sens, ce sont les 75 millions d'euros qui seront consacrés à la mise en place des maisons de santé pluridisciplinaires.
On ne vous a pas attendu pour le faire ! Les collectivités le font déjà.
Ces maisons de santé pluridisciplinaires sont essentielles et nous les appuierons. Dans la commune de Bourth par exemple, toujours dans ma circonscription de l'Eure, une maison de santé n'arrivait pas à sortir de terre parce que le président du conseil général, socialiste, avait refusé d'y consacrer les crédits nécessaires. Nous avons débloqué des fonds et mis en place cette maison de santé.
Ne mettez pas en cause le Gouvernement, qui fait le maximum pour appuyer la création de ces maisons de santé pluridisciplinaires.
Autre élément essentiel, nous avons créé 400 bourses de 1 200 euros par mois pour les étudiants en médecine qui s'engageront à exercer ponctuellement dans des zones où l'offre médicale fait défaut – 157 bourses ont déjà été attribuées.
Nous favoriserons également les stages en milieu rural. Les maisons de santé s'engagent d'ailleurs à accueillir des stagiaires et à mettre à leur disposition un logement.
Il me semble que tous ces dispositifs doivent permettre de développer l'accès aux soins pour l'ensemble de nos compatriotes sur tout le territoire.
Vous avez critiqué la télémédecine. La télémédecine n'est pas le substitut de la médecine de proximité. La télémédecine ne prend pas la place du développement des maisons de santé rurales ou de l'accès aux soins pour les patients. La télémédecine est le complément des mesures que je viens d'annoncer. Elle est une garantie supplémentaire.
Elle permet de transmettre les radios, les examens, les protocoles de soins au plus près des attentes de nos concitoyens qui souffrent de maladies. Il ne faut pas opposer la télémédecine avec la médecine de proximité, mais dire plutôt que la médecine de proximité sera d'autant plus efficace que nous aurons développé la télémédecine.
Deuxième point fondamental : la connexion des territoires et l'accès internet à haut débit ou à très haut débit sur l'ensemble du territoire national.
Je rappelle que 2 milliards d'euros – ce n'est pas une somme négligeable – sont déjà mis à disposition des opérateurs et des collectivités pour lancer ce processus à la fin du premier semestre 2011. N'essayez pas de faire croire que le Gouvernement ne fait rien pour l'accès au haut débit des territoires ruraux alors même que, sur la base du grand emprunt, il vient de mettre 2 milliards d'euros à disposition des opérateurs et que j'ai reçu le président de France Télécom il y a quelques jours pour voir avec lui comment on pouvait accélérer le processus. Nous sommes entièrement mobilisés avec Éric Besson pour mettre en place ces dispositifs le plus rapidement possible.
Troisième élément essentiel : les transports. Nous avons besoin d'améliorer l'offre de transports publics dans les territoires ruraux. Nous avons tenu, avec le Premier ministre, à ce que quarante lignes d'équilibre entre les territoires ruraux soient maintenues.
Nous avons financé cette ambition à hauteur de 210 millions d'euros, grâce aux prélèvements sur les billets de TGV et les sociétés d'autoroute. C'est la première fois depuis plusieurs années que nous remettons en service des lignes d'équilibre entre les territoires, qui représentent 340 trains, alors même que nous nous orientions vers l'abandon de ces lignes d'équilibre afin de financer exclusivement les lignes à grande vitesse. C'est un signe politique fort de notre volonté de rééquilibrer les réseaux en faveur des territoires ruraux.
Quatrième élément essentiel : l'accès à des services publics de qualité. Nous avons besoin d'évoluer dans l'offre de services publics que nous pouvons garantir aux Français. Ne faisons pas croire que nous pourrons maintenir partout, dans toutes les communes rurales, des bureaux de poste ou des services publics, avec la présence physique d'employés rémunérés par la collectivité, pour un coût qui nous paraît excessif.
Nous avons donc voulu imaginer les services publics de demain, plutôt que de vouloir systématiquement maintenir les services publics d'hier, à un coût excessif pour la collectivité. Pas un contribuable ne peut comprendre qu'il doive payer pour maintenir trois agents dans une poste où ne passeront qu'une ou deux personnes dans la journée. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)
Les statistiques montrent clairement que, compte tenu de son rapport coûtefficacité, le maintien de certains services publics sous leur forme ancienne est déraisonnable au regard du bon emploi des deniers publics. Vous en avez tous conscience.
Si vous voulez en rester à des propositions déraisonnables du point de vue des finances publiques et du budget de l'État, nous ne vous suivrons pas. Nous voulons inventer un nouvel accès aux services publics, qui garantisse le même service à un coût plus abordable pour l'ensemble de la collectivité.
C'est ce que nous avons fait en signant l'accord de partenariat avec neuf opérateurs nationaux que j'ai reçus hier : EDF, GDF, La Poste, SNCF, Pôle emploi et l'assurance maladie auraient été ravis d'entendre que le parti socialiste les considère comme des épiciers dans leur volonté de transformer les services publics et d'offrir un service de qualité.
Notre objectif, c'est de multiplier les lieux d'accueil uniques ; c'est d'ouvrir soixante nouveaux lieux d'accueil très prochainement et trois cents dans les mois à venir, pour rassembler l'offre de services publics afin que nos concitoyens puissent trouver au même endroit une diversité de services qui réponde à leurs attentes.
Concernant La Poste, je rappelle que nous avons augmenté le fonds de péréquation postale de 134 à 170 millions d'euros.
Nous avons garanti, dans l'accord tripartite que j'ai signé avec Christine Lagarde il y a quelques jours, 17 000 points d'accès aux services postaux et, pour la première fois, nous avons fixé le barème de ces services et le maintien d'un volume minimal d'accès au service public de la poste.
Nous travaillons également avec les buralistes pour accroître l'éventail de services qu'ils pourraient proposer, parce que, là aussi, cela fait partie de l'accès au service public tel qu'il peut se concevoir demain.
Enfin, j'aborderai la question du développement des activités économiques et de l'emploi, totalement absente de la proposition de loi. Il ne sert à rien en effet de vouloir maintenir l'offre de services publics, renforcer le développement numérique des territoires et améliorer l'offre de transports s'il n'y a ni activités économiques ni emplois à proximité des collectivités rurales. Je rappelle que, dans beaucoup de communes rurales, un tiers des habitants sont des ouvriers ou des employés. Ce qu'ils souhaitent avant tout, c'est trouver un emploi le plus près possible de chez eux et non à cinquante kilomètres.
Nous soutenons donc fortement la présence de l'artisanat et du commerce dans les communes rurales. Dans les zones de revitalisation rurale, le dispositif d'exonérations fiscales prévu pour la création d'entreprises a été étendu à la reprise et à la transmission d'entreprises artisanales. Nous avons également maintenu l'exonération de charges sociales pour les organismes d'intérêt général, ces deux mesures représentant près d'un demi-milliard de dépenses pour l'État. Enfin, le Fonds d'intervention pour les services, l'artisanat et le commerce – le FISAC – a été augmenté de 21 millions d'euros en 2011.
Nous faisons donc le maximum pour maintenir les activités commerciales dans les communes rurales : elles sont essentielles à la vie quotidienne de nos concitoyens.
L'État soutient également les projets structurants dans les territoires ruraux. C'est l'objectif des pôles d'excellence rurale et, si j'en juge par le nombre de demandes qui m'ont été faites pour la prochaine vague, ils répondent à un vrai besoin et sont d'une efficacité réelle. En décembre dernier, nous avons labellisé 114 pôles d'excellence rurale, pour 108 millions d'euros ; j'ai aujourd'hui 460 dossiers sur mon bureau, signe du dynamisme des territoires ruraux.
Cela montre également combien il est indispensable de rassembler les compétences, pour développer l'activité économique la plus crédible et la plus forte possible.
Enfin, le Gouvernement veut continuer à renforcer la solidarité entre les territoires, nécessaire au développement des territoires ruraux, grâce au renforcement des instruments de péréquation. La dotation de solidarité rurale est passée de 420 millions d'euros en 2004 à 802 millions en 2010.
Elle progresse de 50 millions d'euros en 2011, et près de la moitié de cette augmentation sera concentrée sur les dix mille communes rurales les plus défavorisées.
Face à une proposition de loi qui présente une vision administrée et datée de ce que peut être la ruralité, nous voulons défendre une vision moderne et renouvelée, qui repose sur le développement de l'activité économique, le maintien des services publics, un meilleur accès aux soins et l'accès à internet à haut débit pour tous.
Les communes rurales sont l'avenir de la France, mais c'est uniquement en accompagnant leur modernisation qu'elles resteront un atout pour notre pays. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)
En écoutant, monsieur le ministre, l'apologie du laisser-faire à laquelle vous venez de vous livrer, je me demande pourquoi l'aménagement du territoire a été artificiellement rattaché à votre ministère lors du dernier remaniement.
Les idées et les propositions que nous présentons devant vous ce matin ne sont pas destinées à nourrir des déclarations de circonstance, comme vous feignez de le croire. Elles sont nées de situations vécues ; elles sont nées de nos colères et de nos résistances face à des décideurs lointains et trop souvent indifférents ; elles sont nées de la rage de voir une excellente maternité fermée, une école aux volets clos alors que le nombre d'élèves augmente, une auberge dont le patron met la clé sous la porte, la mort dans l'âme.
Plus que cette colère, nous avons voulu mettre dans ce texte de l'imagination, de l'innovation, et non pas de la surenchère ou de la nostalgie. Pour nous, la ruralité est moderne. Nos territoires ont un avenir. C'est un monde de bonheur possible.
C'est même un monde de projets qui peut inspirer ce que nous souhaitons pour la société tout entière. Beaucoup de ce que nous proposons pour le monde rural peut se partager avec la ville, à commencer par l'égalité républicaine. Plus profondément, la nouvelle société urbaine ne naîtra pas au coeur d'un désert français.
Le monde rural n'ignore pas les problèmes des espaces urbains. Nous souhaitons simplement que nos territoires rentrent sur les écrans des radars de l'action publique et que la République revienne enfin au village.
Nous ne vivons ni dans le repli ni dans la crainte du déclin. Nos territoires attirent. Le monde rural, c'est 80 % du territoire français et huit millions de Français qui ont un projet de vie à la campagne.
Deux Français sur trois souhaitent vivre à la campagne plutôt qu'en ville, selon une enquête BVA de lundi dernier. Mais ce désir se heurte à l'insécurité sanitaire et scolaire.
S'il y a des incohérences, monsieur le ministre, c'est entre les propos de M. Grouard, maire d'Orléans, président de la commission du développement durable, et le « plan Marshall » concocté par l'UMP – peut-être à Marvejols. Nous sommes ici face à un double discours : d'un côté, M. Grouard prétend que tout va très bien dans le monde rural ; de l'autre, un certain nombre de ses collègues semblent penser le contraire puisque, à défaut d'avoir pu imposer les solutions nécessaire au Gouvernement, ils proposent un plan Marshall. Les incohérences, c'est à l'intérieur de votre groupe qu'on les trouve !
Le bouclier rural rassemble des solutions concrètes à des problèmes complexes. Il porte l'espoir de nombreux départements confrontés à ces difficultés, et je remercie de leur soutien tous ceux qui l'ont encouragé : Germinal Peiro en première ligne, Michel Vergnier, Olivier Dussopt et tant d'autres députés socialistes présents ce matin.
Le bouclier rural, c'est un socle de droits et la boîte à outils du développement rural. Je m'en tiendrai aux exemples les plus marquants, pour démontrer que vous avez mal lu ce texte, ou plutôt que vous ne voulez pas vraiment agir.
Instruits par l'expérience, nous savons que l'égalité républicaine ne se reconstruira pas sans la loi. Il faut ce choc de confiance. C'est pourquoi nous demandons que la loi fixe des délais d'accès aux services publics, et d'abord pour la santé et l'éducation. On ne peut accepter, au xxie siècle, que des territoires ruraux soient à plus de trente minutes d'un service d'urgence ou à plus de quarante-cinq minutes d'une maternité. Dans ma commune du Morvan, nous sommes aujourd'hui, par la faute des décisions du Gouvernement et de Mme Bachelot, à une heure trente de la maternité la plus proche…
Nous considérons également qu'il faut rapprocher des habitants des communes rurales le service public de l'emploi, quand la RGPP, la régression générale des services publics, a tout fait au contraire, ces dernières années, pour éloigner des citoyens le service public de l'emploi, mais aussi les services judiciaires qu'évoquait Germinal Peiro.
La loi doit permettre de reconstituer ce maillage républicain, non pas celui de la IIIe République – lequel avait d'ailleurs représenté en son temps un progrès considérable – mais celui du xxie siècle, celui-là même que vous refusez.
Dans d'autres domaines, nous faisons des propositions qui n'ignorent pas l'économie des territoires ruraux. Nous considérons que les travailleurs indépendants, les artisans, les commerçants, les agriculteurs, mais aussi les professionnels de la culture ou de l'informatique qui vivent dans le monde rural et qui sont aujourd'hui plus de deux millions, sont cruellement dépourvus de protection face au chômage, alors qu'ils forment la grande partie des emplois du monde rural. Une caisse de mutualisation permettrait d'amorcer cette sécurité des parcours professionnels que nous souhaitons pour tous les Français.
Pour l'activité de ceux des commerces qui remplissent quasiment une mission de service public, nous proposons un contrat sur le modèle des contrats territoriaux d'exploitation agricole.
Nous avons également proposé de faire évoluer de façon radicale les pratiques bancaires, en s'inspirant non pas d'une expérience soviétique, comme vous voudriez le faire croire, monsieur le ministre, mais d'une expérience américaine. Aux États-Unis en effet, dans de nombreux territoires, les banques sont obligées de réinvestir dans l'économie locale ou dans des activités d'intérêt général une partie des sommes qu'elles ont collectées.
La couverture numérique du territoire en haut débit, et surtout en très haut débit, doit être conduite et orientée par un pilotage volontaire de la puissance publique, ce qui n'est pas le cas aujourd'hui. Le marché ne peut pas tout, les opérateurs ne sont pas des aménageurs, il n'y a ni financement à la hauteur des enjeux, ni vrai pilote dans l'avion.
Notre proposition n'est pas un texte de surenchère, mais un acte politique de raison et de mesure, de solidarité et d'humanité.
On ne manquera pas d'objecter, ici et là, que l'état des finances publiques, appauvries comme jamais par votre gestion, ne permet pas de telles avancées. Mais la situation actuelle emporte des coûts considérables. Le désert médical a un coût : celui des inégalités d'accès à la santé qui s'aggravent ; les pratiques malthusiennes des banques ont un coût : celui du mal-développement ; les retards prévisibles dans le déploiement du très haut débit auront aussi un coût : celui de l'investissement en ordre dispersé.
On nous dira aussi que l'agriculture a été oubliée, mais ce n'est évidemment pas un oubli. L'agriculture et sa crise chronique, que nous vivons en direct, méritent une stratégie nationale qu'il aurait été irresponsable de traiter ici. Quoi qu'il en soit, les agriculteurs et leurs familles sont des citoyens français à part entière, et le bouclier rural leur est totalement dédié.
Cette proposition amorce le renouveau puissant d'une politique d'aménagement du territoire, cette vision de l'action publique que nous entendons réinventer puisque vous l'avez abandonnée : la décentralisation n'est rien d'autre pour vous qu'un autre nom pour dire l'abandon, la diversité un masque à vos renoncements.
L'idée que nous nous faisons de la ruralité peut constituer un puissant remède à ce qu'Éric Dupin, dans son très beau livre Voyages en France – que le ministre de l'aménagement du territoire serait inspiré d'avoir sur sa table de chevet –, appelle « la fatigue de la modernité ». La ruralité moderne telle que nous la voulons peut remédier à beaucoup de souffrance sociale. Elle privilégie la taille humaine sur la taille critique. Elle revendique la proximité contre l'hyperconcentration, le lien social contre l'isolement.
Faisons ensemble ce pari, et si, ce matin, le courage politique n'est pas au rendez-vous, si les apôtres du laisser-faire s'obstinent dans les illusions du pouvoir majoritaire, prenons date pour mettre en place le bouclier rural en 2012 ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
Madame la présidente, monsieur le ministre, chers collègues, les députés communistes, républicains et du Parti de gauche soutiennent cette proposition de loi visant à instaurer un bouclier rural.
La France a un atout considérable : depuis 1945, ses territoires ruraux ont pu bénéficier de la présence forte des services publics. Grâce à cette présence dynamique, la République s'est enracinée dans chaque parcelle de nos territoires. Cet héritage de notre histoire, cette conquête sociale, a permis à chacun de nos concitoyens d'accéder à des droits fondamentaux : l'éducation, l'énergie, les transports ou la santé, mais aussi la justice, le logement ou l'emploi. Cette politique, en apportant une réponse aux besoins humains, est aussi un facteur déterminant pour un aménagement harmonieux du territoire.
Ce développement bénéfique subit depuis trente ans les coups de boutoir des libéraux de tous bords. L'interminable cortège des déréglementations, des suppressions de postes, des coupes budgétaires et des privatisations mettent en danger notre France rurale.
Les collectivités territoriales, dont les finances sont sciemment asséchées par l'État, peuvent de moins en moins répondre aux besoins des populations. La récente réforme les privera de près de trois mille élus, qui pourront de moins en moins relayer les exigences des populations, ce qui constitue un coup considérable porté à la démocratie locale.
Les services publics locaux sont ainsi directement menacés d'être abandonnés ou sacrifiés à la marchandisation et à la rentabilité. Pourtant, nos territoires ruraux sont des territoires d'avenir, et la proposition de loi de nos collègues socialistes a le mérite de le montrer.
Les citadins reviennent aujourd'hui vers les campagnes à la recherche d'une vie plus humaine, loin des centres-villes, bien souvent devenus des zones de spéculation immobilière, et de leurs périphéries, devenues des zones de relégation.
De plus en plus de nos concitoyens s'installent, quand ils le peuvent, à l'écart des agglomérations , enrayant ainsi les phénomènes d'exode rural et d'urbanisation démentiels qu'on croyait irrépressibles. Mais ce mouvement heurte la doctrine libérale, qui veut concentrer l'essentiel des investissements et des capitaux sur les seuls territoires qualifiés de performants, à même de s'inscrire dans la mondialisation économique.
Sous le prétexte de la course à la compétitivité, elle promeut une concurrence acharnée entre les territoires qui s'avère désastreuse. Dans cette dérive, les zones rurales dans lesquelles se battent nos agriculteurs, confrontés à la baisse insupportable de leurs revenus, et où s'accrochent des PME de proximité, sont de fait abandonnées par les pouvoirs publics, tout comme les quartiers populaires.
Il convient donc d'agir pour avant tout garantir la présence effective des services publics sur l'ensemble du territoire. C'est pourquoi cette proposition de loi va dans le bon sens.
Plusieurs dispositions de ce texte répondent à des questions centrales, comme celle de la démographie médicale.
Depuis de nombreuses années, les politiques libérales ont fortement atténué l'attractivité des territoires ruraux et donc réduit la présence de praticiens généralistes. L'instauration d'un temps de trajet maximal pour se rendre chez un médecin est une piste intéressante et il est devenu indispensable de supprimer le numerus clausus établi sous le prétexte fallacieux de limiter les dépenses de santé au détriment de l'humain.
Des maisons de santé implantées au coeur de bassins d'urgence médicale peuvent permettre une activité pluridisciplinaire, qu'il faut conforter par des formations universitaires décentralisées afin d'attirer et fidéliser les étudiants, favorisant ainsi leur future installation.
Enfin, pourquoi ne pas réfléchir à la possibilité d'un financement et d'une rémunération en cours d'études, en contrepartie d'un engagement à exercer sur une période définie dans une zone où la couverture médicale est insuffisante ?
De même, la présence effective de bureaux de poste de plein exercice doit être assurée. Il convient cependant d'être attentif à ce que les temps maximaux de trajet n'aient pas d'effet pervers et bien distinguer le bureau de poste du simple point contact. Pour cela, il est incontournable de s'attaquer aux logiques européennes de privatisation et de mise en concurrence qui ne peuvent qu'entraîner la fin du service universel et de la péréquation territoriale.
Enfin, obliger les banques à publier le volume des crédits alloués dans chaque canton permettra de dénoncer les disparités territoriales et l'exclusion bancaire qui sévit en milieu rural. Encore faut-il mettre en oeuvre des leviers et des contraintes contre la spéculation financière afin de réorienter l'argent des banques vers le développement économique, avec des fonds régionaux pour l'emploi et la formation.
Pour toutes ces raisons, vous l'aurez compris, les députés communistes, républicains et du Parti de gauche voteront ce texte. (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR et sur les bancs du groupe SRC.)
Je dois à la vérité de reconnaître que, sur le fond, il est important d'examiner la proposition de loi que nous soumet le groupe socialiste.
Dans l'exposé des motifs, nos collègues se livrent à un rappel de faits historiques et sociaux qui, pour une large part, rejoint les observations que font, tous les jours, les parlementaires du Nouveau Centre, en particulier ceux qui, comme moi, représentent une circonscription où coexistent des zones urbaines à forte densité de population et d'activité et des campagnes plus traditionnelles.
Oui, il est déjà loin, le temps où, il y a presque quarante ans, certains de nos prédécesseurs de toutes tendances politiques dénonçaient le ramassage scolaire et la fermeture de l'église, le départ de l'instituteur et celui du curé, comme les signes avant-coureurs d'un déclin irréversible.
Il a fallu apprendre progressivement à penser « rural » plus largement qu'« agricole », même si, dans la mentalité collective comme dans notre propre vision de la société, la nostalgie de la vie traditionnelle des campagnes pouvait nous habiter : on se souvient d'une célèbre affiche de la campagne présidentielle de 1981.
S'il fallait citer un exemple symbolique de cette adaptation nécessaire, j'invoquerais volontiers l'évolution des formations dispensées dans les maisons familiales rurales, qui ont progressivement débordé le secteur proprement agricole pour s'étendre aux métiers artisanaux puis aux services à la personne, la localisation à la campagne devenant plus déterminante que le rattachement strict à l'activité agricole.
L'exposé des motifs de la proposition de loi le rappelle à juste titre : nous assistons depuis quelques années à une nouvelle phase du processus. Désormais, il ne s'agit pas seulement d'une diversification des activités dans les campagnes, mais d'un véritable renversement de la tendance à l'accroissement des villes : en trente ans, 2,5 millions de citadins sont venus s'installer à la campagne.
Quand nos collègues socialistes écrivent : « À ce moment de notre histoire, il serait vain d'opposer villes et campagnes : elles se complètent et se renforcent », nous pouvons nous rejoindre sur l'affirmation mais pas nécessairement sur les conséquences. C'est là tout le fond de notre débat.
Il serait malhonnête de nier que des raisons économiques peuvent conduire des foyers aux ressources limitées à choisir de s'installer à la campagne pour réduire les charges courantes de la vie, mais ces foyers ne pourraient pas le faire s'ils ne trouvaient à la campagne que le « désert français » auquel semble renvoyer la proposition de loi socialiste.
En fait, le mouvement de retour au territoire rural auquel on assiste actuellement n'est possible et viable que parce qu'il existe à la campagne des traditions locales de vie collective et des réseaux de services publics bien organisés. Ce véritable « atout rural » est d'ailleurs une spécificité française, et nous avons eu raison, toutes tendances confondues, d'en souhaiter le maintien lorsqu'elle paraissait remise en cause par certaines orientations européennes.
Est-ce à dire que des aménagements, des réformes, ne sont pas souhaitables ? Non. L'évolution de la société rurale nous oblige à des adaptations si, du moins, nous voulons maintenir la qualité de vie en zone rurale pour des populations nouvelles et dans une conjoncture sociale largement inédite.
Je voudrais évoquer rapidement trois domaines où ces adaptations nous paraissent particulièrement souhaitables.
L'accès aux soins d'abord.
Le groupe Nouveau Centre est attaché à ce que soit concrètement assurée l'égalité d'accès aux soins et aux services de santé essentiels ; aussi approuve-t-il les initiatives que le Gouvernement a prises, qu'il s'agisse de la création de maisons de santé pluridisciplinaires, des bourses à l'installation pour les médecins et d'autres professionnels de santé, du développement de conventions entre les hôpitaux publics et les praticiens exerçant à proximité, etc.
Cependant, nous savons tous qu'il reste beaucoup à faire pour assurer une couverture médicale satisfaisante des zones rurales. Des spécialités à portée universelle, comme la pédiatrie, ne sont pas toujours convenablement représentées. Sur ce point, la situation des campagnes et celle des banlieues se rejoignent, illustrant ainsi la transformation des rapports entre zones urbaines et zones rurales que j'évoquais au début de mon propos.
La proposition de loi, inspirée sans doute du critère qui présida en 1789 au choix des préfectures, privilégie une approche en termes de temps de déplacement. Le groupe Nouveau Centre, pour sa part, préconise l'étude d'un numerus clausus régional, conçu pour améliorer la répartition territoriale des professionnels de santé.
Deuxième point de réflexion : la fracture numérique.
Parce qu'il suppose et permet un accès universel et permanent à toutes sortes d'informations, le numérique ne peut voir son complet développement limité aux seules zones urbaines. On ne peut qu'être d'accord avec ce constat de bon sens.
Il est vrai également qu'une réflexion sur les plages horaires d'ouverture des principaux services publics serait opportune. Les partenariats entre opérateurs nationaux de services publics et collectivités territoriales, avec les relais poste, les maisons de l'emploi, les relais de services publics, doivent être encouragés.
Au demeurant, la complémentarité entre espace urbain et espace rural, qui est l'une des dominantes de notre débat, interdit que l'on prenne son parti d'une moindre qualité de l'offre numérique à la campagne et à la ville.
Le souhait d'une couverture numérique universelle exprimé à l'article 9 de la proposition de loi me semble satisfait, et au-delà, par les projets du Gouvernement, qui s'est fixé l'objectif de couvrir 70 % de la population en 2020 et la totalité cinq ans plus tard.
Rappelons que le Nouveau Centre a soutenu dans le récent débat sur la loi relative à la lutte contre la fracture numérique la pérennisation du fonds d'aménagement numérique des territoires, qu'il propose de financer par une taxe sur les abonnements de communications électroniques. Monsieur le ministre, où en est la réflexion du Gouvernement sur ce point ?
J'en viens, pour finir, aux outils du développement économique dans les territoires ruraux.
La proposition de loi initiale ne comporte aucun dispositif qui vise cet objectif, si l'on excepte la convention de commerce et d'artisanat rural prévue à son article 8 : encore a-t-on quelque difficulté à en saisir les contours.
Il est vrai que la définition des mesures propres à assurer ce développement relève pour une large part des lois de finances. C'est ainsi que la loi de finances pour 2011 a opportunément défini un nouveau régime d'exonérations fiscales dans les zones de revitalisation rurale.
Le problème principal que posent les dispositifs de soutien aux entreprises nouvelles est, on le sait bien, celui de la pérennisation de leur activité au-delà des premiers temps de forte incitation : comment aider les entrepreneurs à franchir la période critique de leur développement ? Le Nouveau Centre soutiendra toutes les mesures propres à atteindre cet objectif.
Est-ce le cas de la proposition de loi qui nous est soumise aujourd'hui ? Je ne le pense pas, pour plusieurs raisons.
Tout d'abord, il me semble que l'analyse socio-économique de l'évolution du monde rural – dont certains éléments pourraient faire consensus – est mise au service d'une présentation caricaturale de l'action gouvernementale depuis 2007. Prétendre que, « depuis 2007, le pire est toujours sûr », que « la politique territoriale du Gouvernement consiste à s'interdire toute action de solidarité réelle avec les territoires ruraux, et aux "périphéries" en général » relève de la polémique et non de l'argumentation.
On peine à percevoir, par ailleurs, derrière les déclarations générales d'intention et les objectifs de charges affichés, le coût direct et indirect des mesures envisagées. En cette période de difficultés budgétaires, un tel silence ne peut être accepté.
Enfin, il y a lieu de s'interroger sur la conception de la péréquation mise en oeuvre par ce texte.
Pour toutes ces raisons, le groupe Nouveau Centre n'est pas favorable à l'adoption de cette proposition de loi.
Ce n'est évidemment pas un hasard si l'on discute du bouclier rural aujourd'hui, c'est-à-dire, Serge Grouard l'a rappelé, entre le premier et le second tour des cantonales.
Vous auriez pu suspendre les travaux de l'Assemblée nationale pendant ces élections, comme le veut la coutume !
M. Germinal Peiro, j'ai beaucoup de considération pour vous, mais je trouve tout de même un peu fort que vous ayez fait preuve d'autant de démagogie.
Prenons quelques exemples, à commencer par un constat démographique. Une étude de l'INSEE révèle qu'entre 2002 et 2011, les pôles urbains ont connu une croissance de 0,4 % contre 3,5 % pour les espaces ruraux, et 75 % des cantons ruraux ont un solde migratoire positif. Or, entre 2002 et 2011, qui était au pouvoir ?
Toujours selon les projections de l'INSEE, la population de régions comme le Limousin et l'Auvergne augmenterait de 8 à 10 % d'ici à 2040.
Ces chiffres témoignent bel et bien de l'attractivité du monde rural, et s'il est attractif, c'est qu'il offre à nos concitoyens les services de proximité nécessaires et la qualité de vie qu'ils recherchent, tout cela grâce à la politique menée dans ces territoires.
Je ne nie pas que certains problèmes se posent, au premier rang desquels celui de la santé.
En tant qu'élu rural et que médecin, je sais ce qu'il en est. Mais je sais aussi que, pour former un médecin, il faut dix ans d'études. Nous devons donc nous demander comment le numerus clausus a évolué depuis les années 80.
En 1981, il y avait, en France, 6 400 étudiants en médecine ; ils étaient seulement 3 500 en 1993, après dix ans de pouvoir socialiste. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
Erreur ! Signet non défini.. M. Ralite est le ministre qui a le mieux réussi en la matière : après avoir défendu la suppression du numerus clausus, il a supprimé 600 places au concours.
Edmond Hervé a été un peu moins performant, mais il a beaucoup fait pour réduire le nombre d'étudiants, tout comme, après lui, Claude Évin, Bruno Durieu et Bernard Kouchner, qui a fini à 3 500.
Heureusement, entre 1993 et aujourd'hui, grâce à l'actuelle majorité, le nombre d'étudiants en médecine est repassé de 3 500 à 7 500.
Les chiffres sont là ! Néanmoins, étant donné la durée des études, il y a un grand décalage dans le temps entre l'augmentation du nombre des étudiants et l'arrivée des médecins sur le territoire.
Par vos propos, vous semblez mépriser le monde rural. Vous faites croire qu'il n'a pas droit à la même qualité de soins que l'ensemble de notre territoire. (Protestations sur les bancs du groupe SRC.)
Dans le Maine-et-Loire, j'ai fermé une maternité.
Je suis heureux de l'avoir fait parce que les trois obstétriciens qu'elle employait afin d'assurer une permanence vingt-quatre heures sur vingt-quatre pratiquaient moins d'une césarienne par mois – cet établissement enregistrait moins de trois cents accouchements par an. Je ne voulais pas que les femmes de ma circonscription courent des risques. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)
J'ai pratiqué de nombreux accouchements : quatre-vingt-dix fois sur cent, tout se passe très bien, mais, dans les dix cas où cela se déroule mal, il faut disposer de toutes les compétences techniques pour réagir à la situation. Or ce ne sera pas le cas du médecin qui pratique une césarienne seulement une fois par mois.
La télémédecine est un nouvel atout formidable ; n'ayons pas peur de le dire.
Dans les pôles d'excellence rurale – cent quinze vont encore être créés – 250 maisons de santé seront ouvertes. Monsieur le ministre, je vous invite à vous assurer qu'il en sera bien ainsi. Ce dossier est primordial pour le monde rural.
Quatre cents bourses de 1 200 euros par mois ont été créées pour les étudiants qui s'engagent à exercer en zone rurale.
Venons-en au développement économique du monde rural. Ma circonscription enregistre un taux de chômage de 5 % et elle connaît un extraordinaire développement économique. Pourquoi ?
C'est grâce aux femmes et aux hommes passionnés par ce développement mais aussi grâce aux aides qu'on peut leur donner.
La suppression de la taxe professionnelle a été un formidable outil d'aménagement du territoire (Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR) : 75 % des communautés de communes se retrouvent avec une base fiscale bien supérieure à ce qu'elle était avant la réforme.
Nous avons créé les zones de revitalisation rurale. Nous venons d'étendre le dispositif d'exonération sur les bénéfices prévu pour les créations d'entreprises à leur reprise et à leur transmission, car nous savons combien elles sont importantes dans le monde rural.
Nous avons consacré 600 millions d'euros à la création de 494 pôles d'excellence rurale. Le ministre nous a annoncé que 235 millions d'euros supplémentaires permettraient de créer cent quinze nouveaux pôles en 2012.
En matière de fiscalité, au-delà de la suppression de la taxe professionnelle que j'ai déjà évoquée, nous avons aussi permis à la dotation globale de fonctionnement de servir la péréquation : en 2003, 11,9 % de la DGF y était consacrée, 16, 6 % aujourd'hui.
C'est donc que les maires ne comprennent rien ! La réalité est que vous les asphyxiez !
La dotation de solidarité rurale est passée de 420 millions en 2004 à 802 millions d'euros aujourd'hui. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)
Vous n'avez pas créé les fonds de péréquation pour les départements ; c'est nous qui l'avons fait. (Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.) En 2011, 450 millions d'euros ont été versés sur ces fonds. Monsieur Chassaigne, dans l'Allier, ce montant s'élève à 5,3 millions, ce qui représente 15 points d'impôts locaux.
L'État doit près de 100 millions au Puy-de-Dôme au titre du RSA et de l'APA !
Dans l'Ariège, les montants versés équivalent à 21 points d'impôts, dans la Creuse à 48 points (Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR),…
…dans l'Eure et en Saône-et-Loire à 10 points, en Lozère à 60 points. (Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
À chaque fois, c'est comme si ces départements avaient pu augmenter d'autant leurs impôts. Voilà les résultats de notre politique, celle contre laquelle vous avez toujours voté.
Nous transposons aujourd'hui ce dispositif aux communes. J'ai présenté un amendement au projet de loi de finances pour 2012, qui a été adopté, afin de créer un fonds intercommunal de péréquation destiné à aider le monde rural.
Une somme de 2 milliards d'euros sera consacrée à cet objectif d'ici à 2015. Puisque vous êtes attachés à nos territoires, je suis sûr que vous serez favorables à ces mesures. (Protestations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
Vous estimez qu'il n'y a plus de services publics dans le monde rural. Prenons l'exemple des écoles. Monsieur Peiro, vous savez certainement de quand datent les premiers comités de défense de l'école rurale ? Du printemps 1991. Qui était ministre de l'éducation nationale à l'époque ? Lionel Jospin. La création de ces comités était la conséquence du rapport Jospin invitant à fermer les écoles de moins de trois classes et à procéder à des regroupements scolaires. (Protestations sur les bancs du groupe SRC.)
Les regroupements, vous les avez initiés ; nous les avons poursuivis. Je suis fier des regroupements que j'ai pu faire dans ma circonscription. Il s'agit de respect à l'égard des habitants du monde rural : il n'est pas acceptable de conserver partout des classes uniques, il faut faire des regroupements qui permettent d'assurer la qualité de l'enseignement. (Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
Grâce à qui le numérique peut-il se développer dans le monde rural ? Sur un total de 2 milliards d'euros dévolus au numérique, la moitié sera consacrée à l'équipement de l'ensemble du territoire.
Je suis heureux que le groupe SRC ait inscrit cette proposition de loi à l'ordre du jour. Ses motivations sont démagogiques. (Protestations sur les bancs du groupe SRC.)
Erreur ! Signet non défini.. Entre le premier et le second tour des élections cantonales, vous espérez que nos débats vous seront utiles. En fait, ils permettent à la majorité de faire le bilan de son action : s'il y a une telle augmentation de la population en milieu rural, c'est grâce à la politique que nous menons depuis dix ans. (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe UMP. – Protestations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
Monsieur le ministre, durant votre intervention, vous avez prononcé plus de vingt-et-une fois le mot « euro » ; pour ma part, je veux vous parler des gens de notre pays, des hommes et des femmes qui vivent dans nos territoires, et pas seulement d'argent. À vrai dire, j'ai eu le sentiment que vous vous étiez transformé en tiroir-caisse. Je ne vous en veux pas : c'est sans doute dû à votre fonction.
La France est riche de ses territoires et de leur diversité. Elle est riche de ses terroirs et de leurs produits. Elle est riche de sites remarquables : il fait bon parcourir notre pays, s'y arrêter, y respirer un grand bol d'air, y déguster les meilleures productions, ses vins, ses viandes et ses fromages.
Tout le monde sait cela, tout le monde le dit, tout le monde s'en enorgueillit.
Pendant très longtemps ces territoires se sont lentement mais inexorablement dépeuplés. Il est vrai qu'ils ont payé un lourd tribut à la défense de notre patrie lors des grandes guerres.
Année après année, ils perdaient aussi leur jeunesse, celle qui voulait aller gagner sa vie loin de la terre ou elle était née.
Aujourd'hui, plus personne ne rêve « de la ville et de ses secrets, du formica et du ciné ».
Les Français rêvent plutôt de paysages authentiques, d'espaces protégés et de calme. Ils ne songent pas seulement au monde rural pour y passer quelques jours de vacances ou pour y prendre leur retraite, mais bien pour s'y installer, pour y mener à bien un projet de vie. Cela se manifeste déjà dans les faits : vous avez tous constaté un retour vers la campagne.
J'avoue avoir lu avec beaucoup de plaisir l'article d'un grand quotidien qui titrait, il y a quelques semaines : « Et si en 2040 le bonheur était dans la Creuse ? » Que le bonheur se trouve dans la Creuse, et ailleurs, bien entendu, me conforte dans mon opinion que nos régions sont des territoires d'avenir. Tous ces signes décuplent mes forces et mon engagement – car il ne suffit pas d'un titre de presse pour que cette aspiration se traduise dans la réalité.
Le bonheur, c'est vivre. Vivre, c'est s'instruire, travailler, se soigner, se déplacer, se cultiver. Il s'agit d'un droit pour chacune et chacun. Ce droit est garanti par la République et par sa Constitution.
Nous devons tous préparer cet avenir souhaité, qui est aussi inéluctable. En effet, sur le long terme, nous ne pourrons pas laisser la majorité de la population se concentrer dans les grands centres urbains. Il nous faut donc organiser, préparer et anticiper cet avenir. Mais croyez-vous que l'on puisse convaincre une entreprise, quelle que soit sa taille, de réaliser un projet si l'ensemble des conditions nécessaires ne sont pas réunies ?
Or les conditions d'accueil se sont très largement dégradées depuis plusieurs années, car les services publics à la française, qui étaient la spécificité de notre pays, sont purement et simplement sacrifiés au nom de la rentabilité. Monsieur le ministre, cela est inacceptable !
On a beaucoup parlé d'aménagement du territoire mais, dans les faits, on a beaucoup déménagé le territoire.
Je veux m'insurger, me révolter, m'indigner contre l'organisation verticale et aveugle des services de l'État ! En un même endroit, dans une même ville, et je sais de quoi je parle, peuvent être prises plusieurs décisions de suppression dans des domaines différents : santé, armée, justice, éducation... Évidemment, cela se fait sans aucune concertation et sans aucun échange : nous en constatons seulement les conséquences par la suite.
Avec M. Pierre Morel-A-L'Huissier, nous avons beaucoup travaillé, dans le cadre de l'Association des maires de France, au sein de la commission des territoires ruraux, à l'élaboration d'une charte des services publics en milieu rural. Quatorze rédactions ont été nécessaires pour parvenir à un texte signé par les opérateurs et le Premier ministre. Au final, les opérateurs respectent leurs engagements, mais les ministères n'envoient pas de représentants à nos réunions – ni l'éducation, ni la santé, ni la défense. Que valait donc la signature du Premier ministre ?
Nous apprenons par la presse ou par les organisations professionnelles qu'une prison doit fermer. Le maire de la commune concernée n'aurait-il pas dû être contacté au préalable ? Est-ce cela que vous appelez respecter le territoire ? En tout cas, ce respect-là ne me convient pas.
Cette situation ne peut plus durer. Monsieur le ministre, je me félicite que l'UMP ait pris la décision, elle aussi, de présenter un texte contenant des propositions dont certaines sont intéressantes et complètes. Je ne veux pas nous opposer, mais je suis perplexe lorsque votre propre majorité vous demande un « plan Marshall » pour la ruralité et que vous vous contentez d'affirmer depuis la tribune que tout va bien dans le pays. Écoutez votre majorité ! Si vous ne voulez pas nous entendre, écoutez le malaise dont elle se fait l'écho !
Je félicite les élus de la Nièvre qui, à l'instar de Christian Paul, ont pris l'initiative de cette proposition de loi instaurant un bouclier rural. Vous avez bien compris qu'il s'agissait d'un clin d'oeil. Le bouclier que nous appelons de nos voeux est protecteur mais il est aussi porteur de développement. Je le répète : il n'y aura pas de développement sans services publics garantis.
Permettez-moi de vous citer un propos du Président de la République relevé dans Le Monde il y a environ deux ans : « Les Hauts-de-Seine doivent aider la Creuse. »
« Enfin ! », me suis-je dit à l'époque.Mais des paroles aux actes, il n'y a pas eu le moindre petit pas. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
Le dernier rapport du Médiateur de la République constate que tout s'est dématérialisé. Vous nous dites qu'un ordinateur peut remplacer une personne. Eh bien non ! Les gens de la campagne ont aussi besoin de contacts.
Monsieur le ministre, je regrette – et cela n'est pas lié à votre personne – qu'on ait supprimé le ministère de l'aménagement du territoire et de l'espace rural. Un gouvernement compte toujours un ministère de la ville, et je m'en réjouis. Mais pourquoi ne se préoccupe-t-on qu'épisodiquement de l'espace rural ?
Ce n'est pas le groupe socialiste seul qui vous adresse un signal. Et ne comptez pas sur nous pour lâcher ! J'espère qu'avec nos collègues de l'UMP, nous allons tous, élus ruraux, défendre le monde rural,…
…car il en a bien besoin. (Vifs applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, je salue l'initiative de nos collègues socialistes qui, au bouclier fiscal, préfèrent un bouclier rural.
Pour les écologistes, la solidarité territoriale et le développement d'une ruralité vivante sont un véritable enjeu. Face à l'urgence climatique, il faut en effet accompagner la conversion écologique de l'économie, relocaliser les activités et encourager l'artisanat, inciter au développement de l'agriculture paysanne et des circuits courts, entretenir les équipements et les infrastructures existants, maintenir un tissu de services publics de qualité et de proximité et préserver les paysages ruraux et la biodiversité.
Soutenons donc l'artisanat, les pratiques agricoles et les productions qui reposent sur l'emploi plutôt que sur le capital, qu'il soit financier ou foncier.
Soutenons l'installation des jeunes agriculteurs et la transmission des exploitations, y compris en prévoyant des solutions de logement pour les repreneurs d'une ferme.
Sauvegardons la biodiversité en promouvant l'agriculture biologique.
Luttons contre le réchauffement climatique en encourageant les circuits courts, quel que soit le secteur économique concerné.
Toutefois, il n'y a pas de vitalité économique sans un tissu de services publics de qualité. Or le Gouvernement organise leur démantèlement. Sa politique méprise ainsi les besoins des populations rurales, au premier rang desquelles figurent nos aînés, qui sont privés des services essentiels – la poste, les services de santé, les transports collectifs –, et les familles, qui ne disposent pas de crèches et assistent à la fermeture de classes.
Privilégier les lignes à très grande vitesse et fermer les lignes locales, négliger le fret : ces priorités budgétaires ne sont pas les nôtres, car il n'y a pas de ruralité vivante sans transports collectifs, y compris à la demande. À ce propos, je suis certaine que M. Grouard, qui a regretté que ce sujet ne soit pas abordé dans la proposition de loi, votera mes amendements, car ils vont dans ce sens.
En privilégiant les modes de transport les moins polluants et en réduisant les temps de déplacement, on favorise un aménagement du territoire qui ne renforce pas la concurrence et qui contribue à la solidarité et à l'équilibre territorial. Dès lors, l'effort devrait porter en particulier sur l'installation de nouveaux actifs, en développant le très haut débit et les bureaux de télétravail, même si, comme l'a très bien rappelé Germinal Peiro, on ne peut remplacer la présence humaine.
Pour conclure, je rappellerai que les enjeux de la ruralité sont liés à la réforme de la politique agricole commune, laquelle, du reste, ne semble guère concerner nos collègues de droite, qui sont très peu nombreux à assister aux auditions organisées à ce sujet.
Faire vivre nos campagnes passe par le maintien des services publics, la conversion écologique de l'économie, le développement des circuits courts et de l'agriculture biologique. C'est une nécessité pour créer des emplois de proximité et lutter contre le réchauffement climatique. Je défendrai donc quatre amendements qui permettront d'améliorer cette proposition de loi, qu'ainsi amendée nous pourrons voter. (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et SRC.)
Madame la présidente, messieurs les ministres, mes chers collègues, la ruralité mérite certainement beaucoup mieux qu'un débat opportuniste entre les deux tours des élections cantonales (Exclamations sur les bancs du groupe SRC),…
…car nous sommes nombreux à nous préoccuper de l'avenir de nos territoires ruraux.
En raison de ses caractéristiques géographiques, de son histoire et de ses récentes évolutions, l'espace rural français constitue, pour notre pays, un atout sans équivalent dans les autres États membres de l'Union européenne. Non seulement le monde rural est porteur de nouveaux atouts et possède des ressources propres de développement, mais il a également de nouvelles attentes. L'arrivée de nouveaux habitants ainsi que l'évolution des exigences de ceux qui y vivent déjà nous imposent d'encourager le développement des territoires ruraux.
En premier lieu, il convient de rappeler que le Gouvernement et la majorité parlementaire se sont particulièrement mobilisés, ces dernières années, en faveur du monde rural.
La ruralité est bien au coeur de notre stratégie d'aménagement du territoire, comme en témoignent les assises des territoires ruraux et le comité interministériel d'aménagement et de développement du territoire du 11 mai 2010.
Il s'agit d'une stratégie d'ensemble au bénéfice des territoires ruraux, structurée autour de priorités fortes :
L'accès aux soins : 75 millions d'euros ont ainsi été consacrés à la mise en place de 250 maisons de santé pluridisciplinaires ;
La mise en réseau du territoire : je pense notamment aux 2 milliards d'euros du grand emprunt…
…affectés à la couverture du territoire en très haut débit pour couvrir la totalité de la population en 2025 ;
L'accès à des services de qualité grâce, notamment, au développement d'une offre de services mutualisée en zone rurale et de partenariats entre opérateurs nationaux de services publics et collectivités territoriales ;…
Le développement de nouvelles activités économiques, grâce, en particulier, aux pôles d'excellence rurale,…
Il y en a de nombreux dans vos circonscriptions, chers collègues socialistes !
…dont mon département, la Mayenne, a pu bénéficier, et j'espère que ce sera encore le cas dans quelques semaines.
Telles sont quelques-unes des actions mises en place pour contribuer à un développement rural équilibré, novateur et solidaire.
J'en viens maintenant à la proposition de loi, qui est en totale contradiction avec la vision que nous avons de la ruralité,…
…celle de territoires tournés vers l'avenir. Avec ce bouclier rural, vous nous proposez une vision passéiste du monde rural, qui ne tient pas compte des évolutions technologiques, démographiques et environnementales de nos territoires. Vous abordez la ruralité sous l'angle de la nostalgie et de l'immobilisme, alors qu'elle est porteuse de modernité.
Encadrement des ressources financières et renforcement des contraintes : c'est une façon très bureaucratique d'accompagner les collectivités locales. En outre, vos propositions ne sont pas raisonnables budgétairement et vous nous proposez une mise sous tutelle des élus locaux. Finalement, vous nous resservez votre vieille recette : réglementer plus et dépenser plus !
Or, une politique de la ruralité efficace doit s'appuyer sur un véritable partenariat entre les élus locaux, les territoires ruraux et l'État, et non sur une mise sous tutelle. Il est indispensable de travailler dans la confiance et de témoigner aux acteurs locaux notre désir d'aller vers plus de souplesse et d'autonomie d'action, en fonction des particularités de chaque territoire.
Monsieur le ministre, nous devons continuer d'agir, et je souhaite vous donner quelques exemples de propositions concrètes.
Je souhaiterais, tout d'abord, que la révision générale des politiques publiques tienne davantage compte de la spécificité des territoires ruraux. En effet, la fermeture d'une école ou d'une classe en milieu rural n'a pas les mêmes conséquences qu'en milieu urbain.
Notre territoire national est pluriel et notre politique de développement local ne peut être uniforme ; elle doit être juste et équitable.
Je souhaiterais également que les médecins soient davantage incités à s'installer dans les zones déficitaires, en conditionnant la liberté d'installation par le remplacement d'un confrère.
Plusieurs députés du groupe SRC. Ah bon ?...
Ce qui revient à dire : une installation contre un départ dans les secteurs non déficitaires.
Par ailleurs, afin de réduire les inégalités de développement au sein du territoire national, il conviendrait de créer des zones franches rurales. Les zones franches urbaines constituent un des éléments principaux du volet économique de la politique de la ville. Il est essentiel qu'il en soit de même pour les territoires ruraux, car les zones de revitalisation rurale ne sont pas assez attractives.
Le défi que nous devons relever aujourd'hui, c'est celui d'inventer l'avenir du monde rural, d'accompagner efficacement notre ruralité dans son évolution. Forte de ses racines, de son histoire, de son patrimoine humain, culturel et naturel, elle se transforme, se recompose et tend chaque jour à plus de modernité. C'est la raison pour laquelle nous devons élaborer une politique qui permettra aux territoires ruraux de contribuer de manière décisive à la prospérité collective. Et ce n'est pas votre proposition de loi qui y conduira. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, mieux répartir les hommes et les activités sur le territoire national est pour nous une vraie priorité. En effet, jamais nous ne défendrons un modèle conduisant, à terme, à regrouper la presque totalité de la population française dans quelques grandes métropoles de plusieurs millions d'habitants, perdues au milieu de vastes espaces oubliés et reliées entre elles et au monde par des moyens de communication modernes et performants. C'est un aménagement équilibré, respectueux des hommes, de notre histoire, de nos cultures, de nos patrimoines et de nos ressources que nous souhaitons promouvoir.
Il est impossible de passer sous silence les conséquences de la politique conduite par ce gouvernement et ceux qui l'ont précédé, politique créatrice de grandes fragilités et d'abandon des populations de nombreux territoires.
Ainsi, nos services publics sont les victimes bien réelles de votre politique de fermetures, de suppressions et de retraits. Au rythme actuel, dans quelques années, seuls les chefs-lieux de département disposeront encore de services ; la notion de services de proximité participant à la cohésion sociale et territoriale aura bel et bien disparu.
Un budget de moins de 400 millions d'euros, quelques dizaines de millions d'euros pour les pôles d'excellence rurale, la restructuration des sites de la défense et les maisons de santé : les moyens dont vous disposez aujourd'hui, monsieur le ministre, ne sont pas à la hauteur des enjeux. Et ce ne sont pas les efforts financiers en faveur des transports – que vous ne manquez jamais de vanter, mais qui, je le rappelle, sont essentiellement ceux de RFF, des utilisateurs et des collectivités territoriales, et non pas ceux de l'État –, qu'il s'agisse de la mise en place des trains d'équilibre du territoire ou des 2 000 km supplémentaires de lignes à grande vitesse pour les voyageurs, qui permettront de réaliser la véritable politique d'aménagement du territoire que les élus locaux attendent.
Il est une problématique que nous aurions pu aussi aborder dans notre proposition de loi : celle de l'installation des jeunes agriculteurs, qui est déjà un facteur de déséquilibres territoriaux importants. Actuellement, le renouvellement des générations n'est pas assuré dans le secteur agricole : en 1970, la France comptait 1,6 million d'exploitations agricoles ; aujourd'hui, il n'en reste plus que 326 000. À ce rythme-là, dans quarante ans, c'est-à-dire en 2050, elles ne seront plus que 60 000, soit, en moyenne, 600 par département. Ces chiffres sont confirmés par les évolutions récentes puisque, sur un million d'hectares libérés, 400 000 servent à l'agrandissement d'exploitations existantes et seulement 500 000 sont utilisés par de jeunes agriculteurs dans le cadre de leur installation.
Mais, me direz-vous, cette évolution est inéluctable : le progrès, la recherche, la pensée ultralibérale, la mondialisation sont passés par là et continuent de produire leurs effets. Si 60 000 exploitations agricoles sont en mesure d'assurer notre indépendance alimentaire et nous permettent de conserver notre rang au plan européen et mondial, pourquoi, se demandent certains, s'acharner et vouloir à tout prix installer plus de jeunes ? Pour nous, l'installation de jeunes est une priorité, car l'agriculture est multifonctionnelle. Outre sa mission économique, elle joue depuis longtemps un rôle en matière d'aménagement du territoire, de services et plus généralement d'entretien et d'embellissement des paysages au profit de l'ensemble de la société.
Ne nous le cachons pas : moins d'agriculteurs demain, ce sera la déprise agricole et l'enfrichement de certains espaces, la dévitalisation et la désagrégation du tissu rural dans les zones les plus fragiles. Avec d'autres, je regrette que certaines dispositions votées il y a maintenant six ans dans le cadre de la loi d'orientation agricole, telles que la mise en place du fonds agricole ou la fin de la politique des structures, freinent l'installation des jeunes. Je déplore également que, dans la loi de modernisation agricole, que vous avez fait voter il y a quelques mois, vous n'ayez pas considéré que le renouvellement des générations en agriculture était une priorité.
Notre pays a besoin d'une politique volontariste d'installation, qui s'appuie sur une véritable politique foncière. Ce n'est pas la suppression des SAFER qu'il faut décider, comme certains le demandent dans votre majorité, mais plutôt le renforcement de leur rôle.
S'il est une autre orientation qui est bien au coeur des stratégies d'aménagement du territoire, c'est celle qui concerne le déploiement de réseaux à très haut débit, l'accès à internet devenant une ressource indispensable de l'attractivité et du développement d'une région. Si le plan France Numérique 2012 prévoit que l'ensemble du territoire sera couvert en très haut débit d'ici à 2025, il est à craindre que les zones rurales, compte tenu de leur éloignement et de leur faible densité de population, soient équipées bien trop tardivement. Les 1,750 milliard d'euros qui seront consacrés aux zones moyennement denses et peu denses dans le cadre du grand emprunt seront bien insuffisants. Aussi proposons-nous d'abonder le Fonds d'aménagement numérique du territoire par une contribution des opérateurs de jeux en ligne, car nous pensons qu'il est le bon outil de la solidarité entre nos collectivités territoriales.
Monsieur le ministre, j'apporte, ainsi que les membres du groupe socialiste, mon entier soutien à cette proposition de loi visant à instaurer un bouclier rural au service des territoires ruraux. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
Madame la présidente, messieurs les ministres, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur, depuis plusieurs années, le monde rural subit de plein fouet l'abandon de l'État, accentué ces derniers mois par la mise en oeuvre de la révision générale des politiques publiques, je ne suis pas la seule à le dire.
Le monde rural a du souci à se faire car, si l'on se réfère aux propos qu'ils ont tenus à cette tribune, M. le ministre et M. le président de la commission considèrent que tout va bien ! Que dire, alors, des fermetures d'écoles, des suppressions de gendarmeries, des inquiétudes quant au maintien des structures hospitalières, de la pénurie de médecins qui fragilise le maillage territorial des pharmacies rurales, des fermetures de bureaux de poste, de la distribution du courrier à J + 5 ? Les territoires ruraux n'en peuvent plus !
Bien sûr, monsieur le ministre, que nous approuvons les pôles d'excellence rurale ! Toutefois, ils ne peuvent pas remplacer une école, un hôpital, un bureau de poste ! Nous, citoyens du monde rural, nous nous sentons oubliés. Aujourd'hui, des millions de citoyens sont exclus de notre pacte républicain, puisque l'égalité territoriale est bafouée.
Comment tolérer que certains n'aient qu'un accès limité aux services publics de base ? La solidarité entre les territoires se pose aujourd'hui avec une acuité particulière. Nous assistons à de très fortes disparités territoriales eu égard à la non-répartition des richesses. Une péréquation s'impose – et à cet égard je regrette que M. Laffineur soit parti. De grandes différences existent entre les vingt-deux collectivités métropolitaines et les quatre d'outre-mer. Cinq régions se partagent la moitié du produit intérieur brut national. La région la plus riche est l'Île-de-France, avec un PIB par habitant de 47 000 euros, tandis que la Guyane atteint difficilement les 14 000 euros.
Au niveau infrarégional, les disparités se sont, elles aussi, aggravées, comme dans la région Midi-Pyrénées, où Toulouse concentre 61 % du PIB, alors que les départements ruraux, comme l'Ariège, le Gers ou les Hautes-Pyrénées, sont loin derrière. Ainsi, le PIB de l'Ariège est de 16 358 euros par habitant alors que celui de la Haute-Garonne est de 24 645 euros. Les territoires ruraux souffrent de l'absence d'une politique d'aménagement du territoire cohérente qui contribuerait pourtant à leur développement.
L'État, qui est le garant de l'unité nationale et qui a une responsabilité majeure dans cette politique d'aménagement du territoire, doit aussi concentrer ses efforts sur les zones rurales fragiles, à moins de courir le risque de voir se creuser davantage la fracture territoriale. C'est le sens de notre proposition de loi, qui souhaite favoriser l'égalité des chances des territoires pour développer une ruralité de projets et d'avenir.
Ce développement passe avant tout par un maillage d'équipements essentiels et primaires de services et d'infrastructures. Comment peut-on tolérer qu'en Ariège la déviation de la RN20 à Ax-les-Thermes, décidée dans le cadre du contrat de plan État-région 1998-2000 et commencée en 2002, soit encore loin d'être achevée alors que la fin des travaux était prévue pour 2007 ? Pourquoi un tel retard ? Tout simplement parce que l'État tarde à honorer ses engagements financiers. Ainsi, au gré des déblocages budgétaires, les travaux progressent de quelques mètres. La réalisation de cette déviation battra certainement tous les records de lenteur, puisqu'elle aura pris plus de dix ans – si elle est terminée un jour. C'est inacceptable !
L'aménagement du territoire doit être érigé en priorité nationale, la politique visant à concentrer la population sur 20 % de la superficie de notre pays ne pouvant être poursuivie. La ruralité est un atout extraordinaire pour la France si elle est épaulée par une politique ambitieuse, globale et transversale.
L'avenir du monde rural passe par sa capacité à répondre à de nouveaux besoins. La ruralité regorge de talents, d'ingéniosité, d'ambitions, mais les moyens lui manquent souvent pour les exercer. Oui, le monde rural est bien plus vivant et plus enrichissant que ce que laisse percevoir une vision hypercentralisée de notre pays ! Il a surtout l'opiniâtre volonté de prendre en main son destin, dès lors qu'on ne crée pas les conditions de sa résignation.
Il y a fort à parier que, dans un avenir proche, les conséquences sociales, humaines, financières, sanitaires, et environnementales de l'hyperconcentration urbaine seront telles que la ruralité sera de plus en plus recherchée et sollicitée. C'est cette aspiration de la société de demain que nous devons anticiper dès aujourd'hui. Ne bradons pas ce qui est une chance pour la France et ses citoyens !
Le monde rural est bien loin de l'image ringarde qu'on tente souvent de lui coller. Ses habitants, ses acteurs économiques, ses bénévoles associatifs, ses élus débordent d'énergie et de créativité pour pallier le manque de moyens. Fermer un hôpital, une école, une gendarmerie, ne pas équiper numériquement les territoires, c'est peut-être réaliser une économie comptable, mais c'est surtout hypothéquer notre destin commun et se priver d'une chance bien réelle dont la France aura besoin pour construire son avenir.
Le bouclier rural que nous vous proposons d'instaurer aujourd'hui, c'est la mise en place d'une politique volontariste basée sur la solidarité, le partage et l'échange. Ce sont aussi des mesures concrètes concernant l'éducation, la santé, le service postal, l'accès au numérique. « Plan Marshall », « bouclier rural », les mots sont forts pour qualifier l'action à entreprendre pour ces territoires. Mais les mots ne suffisent plus, le passage à l'acte est urgent et nous vous donnons aujourd'hui l'occasion de le concrétiser.
Saisissez-vous de ce bouclier que nous vous tendons – et que vous souhaitez d'ailleurs instaurer, si l'on en croit la lecture de l'exposé des motifs de la proposition de loi de l'UMP d'orientation sur les investissements et les services dans les territoires ruraux. Votre opposition à ce texte serait incompréhensible pour les populations rurales, qui sont dans l'attente d'une action forte de la représentation nationale et du Gouvernement. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
Madame la présidente, monsieur le ministre, je me limiterai à quelques brèves observations et propositions d'améliorations concrètes.
Premièrement, le sujet est d'importance, mais parler de plan Marshall ou de bouclier fiscal (« Rural, pas fiscal ! » sur les bancs du groupe SRC), rural, voulais-je dire, me paraît totalement inadapté pour faire face aux urgences actuelles qui, je le rappelle, sont la compétitivité et le poids des déficits. Comme l'a dit le président de la commission tout à l'heure, mieux vaudrait engager un débat sur la complémentarité entre l'urbain et le rural. Nous aurions alors dans cet hémicycle des représentants des zones urbaines, et pas seulement des représentants des zones rurales, campés sur des positions défensives.
J'ai demandé au préfet de la région Bretagne de procéder à l'évaluation géographique de la répartition des crédits du FEDER, du Fonds social européen et du contrat de plan. Cette évaluation permet de constater que 90 % des crédits sont concentrés dans trois villes, et qu'il ne reste pratiquement rien pour les autres zones ! (« Eh oui ! » sur les bancs du groupe SRC.) Il y a deux raisons à cela : d'une part, le manque de circulation de l'information ; d'autre part, et surtout, l'absence d'ingénierie dans les zones rurales. Monsieur le ministre, en termes d'utilisation des structures publiques et d'ingénierie, il faut absolument faire en sorte que le monde rural soit en capacité d'agir.
Deuxièmement, il ne faut surtout pas de loi supplémentaire, ni même de niche ou de règlement, mais simplement quelques mesures concrètes et rapides. Mieux répartir les hommes et les activités sur le territoire est une urgence. Quand je vois le poids des bureaux dans la région Île-de-France, je me dis qu'il serait sain de mettre en place une politique d'aménagement du territoire un peu plus rigoureuse.
Par ailleurs, en matière de logement, il n'est pas sain qu'il y ait des différences d'un à trois sur le montant du PTZ plus. L'ouvrier qui se trouve à douze kilomètres de la ville centre devant déjà faire face à des frais supplémentaires, lui accorder un PTZ d'un montant trois fois moins important me paraît à la fois injuste et inefficace.
En matière de santé, la qualité des services et les progrès technologiques obligent à des regroupements hospitaliers, que nous le voulions ou non. Ce qui a été fait en contrepartie pour les maisons de santé pluridisciplinaires est un moyen de concilier la qualité des services et la prise en compte de services de qualité en matière hospitalière.
Pour ce qui est du très haut débit, comme l'avait fait le général de Gaulle avec le « plan breton », commençons donc par les zones blanches, au lieu de nous intéresser seulement aux villes. Nul doute que le monde rural portera une très grande attention à la mise en oeuvre du très haut débit.
Enfin, je veux exprimer ma considération et mon respect à l'égard des SAFER, qui ont été un élément extrêmement puissant d'organisation. Aujourd'hui, elles sont étouffées par les établissements publics fonciers ruraux.
Dans le cadre du prochain budget, ne serait-il pas possible, monsieur le ministre, de faire en sorte qu'une partie de la taxe parafiscale soit utilisée pour aider les SAFER, plutôt que de faire des doublons et de recruter du personnel au niveau des EPFR, sans tenir compte de la tradition des SAFER et du savoir-faire de leurs personnels ?
Je dirai en conclusion que la vertu d'un grand peuple réside plutôt dans l'esprit d'initiative et de responsabilité de ses citoyens que dans la trop grande confiance accordée au système étatique. La vitalité du monde rural dépend du mouvement associatif – que vous avez le devoir d'unifier, monsieur le ministre. Qu'il s'agisse des associations Sol et civilisation, Mon village demain, Familles rurales, ou du réseau des foyers ruraux, le mouvement associatif a un rôle important pour assurer la vitalité du monde rural, mais il est trop dispersé pour le moment. En favorisant son regroupement et en lui assignant des missions, nous aiderions le monde rural. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, la proposition de loi que nous examinons aujourd'hui permet de remettre au premier plan ces territoires oubliés de la République que sont nos territoires ruraux. Oubliés, relégués, méprisés, enclavés, ces territoires font l'objet, depuis 2007, d'une politique nationale qui tend à les discriminer et à les appauvrir davantage.
C'est malheureusement tout à fait exact. Chacun de nous peut voir, dans son département, les dégâts d'une politique qui ne prend absolument pas en compte les besoins de la ruralité.
Prendre en compte les besoins des territoires ruraux, c'est être ambitieux, c'est les considérer comme des territoires d'avenir ayant besoin d'une ambition forte. Or que constate-t-on ? Que là où l'État devrait investir et s'engager massivement, il se désengage année après année.
Je vais vous donner la liste – non exhaustive – de ce qui constitue la traduction de ces désengagements sur mon territoire. Premièrement, nous avons eu la réforme de la carte judiciaire. L'Aveyron, qui fait partie des cinq départements les plus vastes de France, est aussi l'un des plus enclavés, tant du point de vue ferroviaire que routier. Ce département a vu disparaître trois tribunaux d'instance et un tribunal de grande instance. Pour des milliers d'Aveyronnais, ces fermetures se traduisent par la fin d'une justice de proximité.
Alors que 50 % des administrés de circonscription sont éligibles à l'aide juridictionnelle, les justiciables n'ont accès à aucune juridiction, ce qui remet en cause notre pacte républicain d'égalité devant la justice. Dans ces conditions, que devient le souci des victimes dont se gargarise le Gouvernement ? Comment pouvons-nous croire qu'en appliquant de telles recettes l'instruction judiciaire soit rendue plus efficace et plus rapide ?
Le deuxième type de désengagement réside dans la baisse, année après année, au nom de la RGPP, des moyens humains alloués à la gendarmerie et aux commissariats. Comment, dans ces conditions, nous faire croire que la sécurité et la lutte contre la délinquance constituent la priorité numéro un du Gouvernement ?
Le troisième type de désengagement réside dans les suppressions de postes dans l'éducation nationale. Année après année, les projets de loi de finances sont synonymes de milliers de suppressions de postes dans l'éducation nationale, avec pour conséquence la baisse des dotations horaires globales et la fermeture de classes et d'écoles, alors même que nombre d'entre elles sont situées en ZRR. Comment, dans ces conditions, nous faire croire que l'éducation et l'accès de tous aux structures éducatives sont des priorités du Gouvernement ?
Quatrièmement, la santé. La loi hôpital, patients, santé et territoires n'a absolument pas pris en compte la problématique des déserts médicaux.
La nouvelle organisation des soins ferme des hôpitaux de proximité et supprime les services de maternité et des services de cardiologie sans lesquels aucune intervention d'urgence n'est possible.
Comment, dans ces conditions, nous faire croire que la nouvelle organisation des soins voulue par le Gouvernement répond aux besoins sanitaires de nos concitoyens ?
Cinquièmement, la dépendance. On nous annonce un grand projet sur la dépendance, pourtant les premiers textes remis sur ce sujet par des élus de la majorité, comme le rapport de Valérie Rosso-Debord, suggèrent de supprimer de l'APA le GIR 4, soit 50 % des bénéficiaires de l'APA.
Autrement dit les personnes isolées, loin de toute structure d'accueil, se verront privées d'accompagnement.
Comment, dans ces conditions, nous faire croire que la dépendance serait devenue l'un des chantiers majeurs de cette législature ?
Sixièmement, la réforme territoriale. Cette réforme obéit à une logique erronée en matière d'aménagement du territoire, en privilégiant les centres urbains.
La création du conseiller territorial fait peser une lourde menace sur la proximité qui liait le conseiller général aux habitants de son canton.
Comment, dans ces conditions, nous faire croire que cette réforme va permettre de mieux défendre les zones rurales ?
Septièmement, le changement de statut de La Poste met un terme au service public postal. Doux euphémisme de parler dans ce domaine du maintien des points de contact qui, vous le savez bien, n'assurent pas les mêmes missions qu'un bureau de poste de plein exercice.
Huitièmement : la réforme des finances locales et la suppression de la taxe professionnelle entraînent la mise en place d'un nouveau mécanisme fiscal qui pénalisera les régions et, par voie de conséquence, les investissements en direction des territoires ruraux.
Comme on le voit, la défense de nos territoires ruraux n'est absolument pas la priorité de l'actuelle majorité. C'est la raison pour laquelle nous souhaitons la remettre au coeur de nos débats. Monsieur le ministre, en parallèle avec le discours de votre majorité pour les élections cantonales, selon lequel « il faut penser local, et non pas global », votre gouvernement, lui, pense global. Un tel discours est dramatique pour le local, c'est pourquoi je vous invite à nous rejoindre sur ce texte qui propose la mise en place d'un véritable bouclier rural au service des territoires d'avenir. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
En pleine campagne électorale, voilà les députés socialistes qui se posent en grands chantres de la ruralité.
Ils voudraient faire croire à la France entière qu'ils ont, cette fois, trouvé une recette miracle.
Cette proposition d'opportunisme électoral renvoie à un recours systématique à l'État, impose des contraintes réglementaires aux collectivités, les méprisant et les déresponsabilisant.
Mesdames et messieurs de l'opposition, vous n'avez voté aucune loi concernant la ruralité. Pire, vous avez déféré la loi Pasqua instituant les ZRR au Conseil constitutionnel pour tenter de faire supprimer ces zones qui rendent pourtant un service incomparable ; et, à cet instant, il convient de rendre hommage à Patrick Ollier, qui les a imaginées.
Mes chers collègues de la majorité, à travers quelques exemples venus de la Creuse, aux mains du PS depuis la nuit des temps, je veux vous dire qu'il ne faudra avoir aucun état d'âme pour voter contre ce texte, tant le fossé est grand entre la réalité du terrain et le discours dogmatique et technocratique qui nous est tenu ce matin.
La Creuse, où le PS est omniprésent, omnipuissant à tous les niveaux, est le département le plus pauvre de France, le moins développé économiquement. Tout passe par la culture de la manifestation antigouvernementale perpétuelle et permanente. À cet effet, mon collègue a organisé une grande table ronde autour du bouclier rural. Elle a rassemblé tellement de députés que l'on pouvait les compter sur les doigts d'une main : ce fut un flop !
Les socialistes n'ont que deux mots à la bouche : l'emploi public et le désengagement de l'État.
Pourtant, l'emploi public est bel et bien présent en Creuse, contrairement à ce qu'ils voudraient vous faire croire, puisque c'est le département qui affiche le taux d'emploi public le plus haut. Pourtant, le soutien de l'État ne manque pas, puisque le département bénéficie de 1 250 euros de dotation en moyenne par habitant, alors que la moyenne nationale est de 850.
Marc Laffineur l'a bien dit, cette année, grâce à la volonté du Président de la République et à l'action du Gouvernement, la péréquation en direction des départements les plus pauvres est en marche pour la Creuse, soit 8 millions d'euros supplémentaires, et 10 % de DETR. Ces 8 millions représentent quarante-huit points d'impôt.
Nous avons tout pour réussir, mais les difficultés de la Creuse, nous les devons aux élus socialistes de tous niveaux qui gouvernent ce département, rural s'il en est. Ils entretiennent la paupérisation uniquement à des fins électoralistes. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)
Alors que font-ils de l'argent, me direz-vous ? Je vais vous livrer quelques exemples effarants.
Prenons l'internet haut débit. L'article 9 de la proposition de loi fixe une garantie d'un délai de dix ans pour permettre aux populations d'accéder aux technologies à très haut débit à des coûts d'usage identiques à ceux appliqués en ville.
Quand je lis une telle annonce, je sors de mes gonds ! Sachez qu'ils ont inventé en Creuse, voilà neuf ans, une usine à gaz technocratique nommée Dorsal. En 2002, l'idée était charmante, le résultat est aujourd'hui tout autre. Ce syndicat a englouti 45 millions d'euros d'argent public, pour n'avoir toujours que 20 % des foyers non connectés à deux mégas, dans le Limousin comme en Creuse.
Un scandale financier ! Grâce à eux, nous en sommes encore à l'heure de la locomotive à charbon de l'internet, et pas pour tous. Ce n'est pas mon collègue Vernier qui pourra me contredire, lui qui a été le premier président qui a mis Dorsal et Axione sur les rails.
Autre exemple : la couverture du département en téléphonie mobile est tout aussi catastrophique et je ne vous parle pas du réseau routier. Et le réseau routier, c'est le conseil général.
L'article 2 de votre loi aborde les problèmes de l'accès aux soins. Sachez que la Creuse ne participe financièrement à aucun projet de maison de santé, tout comme la région Limousin. Département et région ne proposent aucune bourse aux étudiants en médecine pour les inciter à s'installer. La raison en est simple : il est surtout et d'abord hors de question d'accompagner la politique gouvernementale. II s'agit uniquement de la combattre, et c'est ce qui transpire dans cette loi.
En Creuse, les élus socialistes voudraient faire croire que le développement local passe uniquement par l'emploi public. Ils n'ont pas compris que c'est le développement économique et les emplois privés qui permettent le maintien des services publics. C'est grave mais c'est hélas la réalité socialiste creusoise.
Autre exemple, la Creuse est couverte d'une médiathèque pharaonique, de musées où presque personne ne met les pieds. Le clou, le président du conseil général a préféré mettre trois millions d'euros dans un conservatoire de musique, qui est un outil purement élitiste, plutôt que de financer à hauteur de deux millions le maintien d'un abattoir avec soixante-dix emplois privés à la clé. Dans un département où il y a trois fois plus de bovins que d'habitants !
J'en passe et des meilleures, les élus socialistes de notre département vont même jusqu'à soutenir le barreau TGV Limoges-Poitiers.
S'il se construit, cette fois ce sera le bouquet : nous ne pourrons plus que venir ou partir de la Creuse en TER. Même l'ancien ministre socialiste André Chandernagor partage mon avis et considère que ce projet revient à se tirer une balle dans le pied ou à tuer la dernière gare de Creuse, La Souterraine.
Et, monsieur Néri, vous serez pour une fois d'accord avec moi, il faut raccorder la Creuse au POCL.
La ruralité doit être gérée en bon père de famille. On pense d'abord à la nourrir où à la faire vivre plutôt qu'à l'amuser.
Alors, sans états d'âme, votons contre cette loi mascarade. Elle a été écrite par de grands « causeux » qui, en réalité, et je vous en ai donné les exemples les plus frappants, sont de petits « faiseux ». (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Nous sommes réunis aujourd'hui pour examiner une proposition de loi du parti socialiste visant à instaurer un « bouclier rural » au service des territoires d'avenir.
Cette proposition de loi, au caractère évidemment opportuniste en cette période électorale, est en complet décalage avec la réalité de la ruralité.
Il semble en effet opportun de rappeler l'action de nos gouvernements et de notre majorité en faveur des territoires ruraux depuis 2002, au travers de lois fondatrices.
Je pense bien évidemment à la première grande loi, la loi du 23 février 2005 relative au développement des territoires ruraux. Il y en a eu bien d'autres, notamment la loi d'orientation agricole du 5 janvier 2006 ; les lois Grenelle I et II, mettant en oeuvre le Grenelle de l'environnement, qui ont affecté les territoires ruraux ; la loi du 21 juillet 2000 hôpital, patients, santé et territoire ; la loi du 12 juillet 2010 portant engagement national pour l'environnement ; la loi du 27 juillet 2010 de modernisation de l'agriculture. Inutile de rappeler qu'à chaque fois l'opposition n'a ni soutenu ni voté ces textes de loi.
Soulignons également l'action personnelle du ministre de l'agriculture pour défendre les intérêts de la France dans le bilan de santé de la PAC, et dans les grands enjeux de réforme de la PAC en 2013, qui touche au plus près les intérêts de notre agriculture, donc de nos territoires ruraux.
Aucun domaine d'action n'a été oublié, alors que la mise en oeuvre des propositions du parti socialiste reviendrait à considérer que les collectivités territoriales n'ont, après trente ans de décentralisation, toujours pas acquis la maturité suffisante pour se passer d'un recours systématique et permanent à l'État.
Cette proposition de loi aurait aussi pour effet de déresponsabiliser les collectivités territoriales en proposant un encadrement strict de leurs ressources financières. Aucune collectivité ne pourrait désormais bénéficier de ressources supérieures ou inférieures de 20 % à la moyenne de celles à la disposition de la même catégorie de collectivités.
Enfin, cette proposition remet en cause le modèle français de péréquation qui repose sur la prise en compte du niveau de ressources mais aussi des différences de situations objectives existant entre nos différents territoires.
Permettez-moi de souligner, au contraire, quelques actions concrètes menées depuis 2002.
Concernant l'accès aux soins, la loi hôpital, patients, santé et territoires de juillet 2009 fait de l'accès de tous à des soins de qualité une priorité. Elle apporte des solutions nouvelles qui bénéficient notamment aux territoires ruraux et aux territoires de montagne, avec la garantie de la prise en compte de ce volet médico-social et ambulatoire, notamment dans les schémas régionaux d'organisation des soins.
Dans les trois années à venir, 75 millions d'euros seront consacrés à la mise en place de 250 maisons de santé pluridisciplinaires, pour répondre aux attentes des nouvelles générations de professionnels de santé. Le nombre de dossiers déposés laisse même supposer que ce nombre sera dépassé.
Un guichet unique est créé pour les professionnels dans les ARS afin de faciliter leurs démarches pour l'installation en milieu rural.
Deuxième priorité, connecter nos territoires. Le Fonds national pour la société numérique et le Fonds d'aménagement numérique du territoire ont été créés. Je voudrais souligner le rôle impératif des élus de la montagne pour la mise en place de ce fonds.
L'accès aux services numériques constitue en effet un facteur de plus en plus déterminant de l'attractivité des territoires et de la compétitivité des entreprises, et un facteur essentiel de cohésion car conditionnant de plus en plus l'accès aux services. Le Gouvernement et la majorité ont pris toute la mesure de cet enjeu.
En décembre 2009, la majorité a voté la loi Pintat relative à la lutte contre la fracture numérique.
Troisième priorité, le désenclavement des territoires ruraux. Le CIADT a décidé et priorisé la desserte des territoires ruraux, avec le schéma qui sera soumis pour avis au Conseil économique, social et environnemental, et fera l'objet d'un débat au Parlement. Nous avons décidé que serait mieux intégrée et prise en compte la spécificité des territoires ruraux en matière de desserte.
Quatrièmement, l'accès à des services de qualité. Les Français aspirent d'abord et avant tout à accéder aux services dont ils ont besoin depuis un lieu unique. Afin de lever les contraintes d'horaires, d'infrastructures et de déplacements qui limitent l'égalité d'accès aux services pour les usagers des territoires ruraux, le Gouvernement s'est attaché à développer les partenariats entre les services publics et les collectivités territoriales. Un accord de partenariat a été signé le 28 septembre dernier entre l'État et onze acteurs nationaux dans ce sens.
Le développement de nouvelles activités économiques est absolument indispensable à la dynamisation des territoires ruraux. Cela a fait l'objet d'attentions particulières dans le cadre du PLF 2011, comme le dispositif d'exonération de l'impôt sur les bénéfices pour toute création d'entreprise en zone de revitalisation rurale ou le maintien de l'exonération de charges sociales dont bénéficient les organismes d'intérêt général. Ces deux mesures représentent un effort de l'État de près de 511 millions d'euros.
C'est bien notre majorité qui a inscrit dans la révision constitutionnelle de mars 2003 la péréquation au rang des objectifs de valeur constitutionnelle. Cela se traduit par une hausse de la dotation globale de fonctionnement de 11 %, et la dotation de solidarité rurale est également en hausse de 6 % cette année ; s'y ajoute la création de la dotation d'équipement des territoires ruraux.
Voici donc une liste non exhaustive de notre action en faveur des territoires ruraux durant ces dernières années. Pour terminer, je rappellerai modestement à nos amis socialistes que cela faisait près de vingt ans qu'un gouvernement ne s'était pas penché sur le sort des territoires de France, et notamment les territoires ruraux, comme nous venons de le faire depuis 2002.
Il me revient de défendre notre choix de déposer et défendre une proposition de loi pour un bouclier rural, surtout pour le développement des territoires d'avenir.
Élu d'une circonscription rurale, et en même temps maire d'une ville de taille urbaine, je souhaite insister sur deux points, en commençant par les deux raisons principales de défendre ce texte. Le premier est une vision du territoire fondée sur la justice et la solidarité, le partage des richesses et sur la péréquation, qui mérite certainement plus que le débat initié, et dont nous attendons encore la mise en oeuvre concrète.
La deuxième raison, c'est une conviction, celle qu'aucun territoire ne doit être abandonné par la République. Nous aurions pu parler de l'ensemble des territoires en difficulté, dans lesquels les habitants ont le sentiment que l'État – et à travers lui, l'appareil public – a déserté leur vie. Nous avons fait le choix de nous concentrer sur les territoires ruraux. Force est de constater qu'il n'existe pas aujourd'hui de dispositif d'ensemble pour répondre aux préoccupations de ces territoires. Si certaines mesures existent, je pense notamment au dispositif ZRR, elles sont souvent vidées de leur sens avec la remise en question d'un certain nombre d'exonérations liées aux organismes d'intérêt général et aux emplois en leur sein. En outre, nous n'approuvons pas votre approche de l'aide aux territoires, la fin des zonages européens, notamment du zonage 2B. La multiplication de procédures comme les pôles d'excellence rurale, qui présentent un intérêt pour les territoires retenus, ont toutes la même caractéristique : opposer les territoires, les amener à être en concurrence pour défendre leurs projets, plutôt que de les aider à pouvoir s'appuyer sur des instruments solidaires et justes, se fondant sur des critères d'action.
D'où la nécessité de prendre des mesures particulières et propres aux zones rurales, sans les opposer les unes aux autres.
De manière générale, nous devons insister sur le fait que cet outil spécifique est d'autant plus nécessaire que les difficultés rencontrées sont souvent les mêmes pour les zones rurales en difficulté et les zones urbaines sensibles.
Je m'appuierai sur trois exemples.
En matière d'emploi et de développement économique, le manque d'attractivité et les handicaps naturels en termes d'éloignement ou de desserte routière, de notoriété ou d'image du territoire sont autant de problèmes communs aux territoires ruraux en difficulté et aux territoires urbains sensibles.
C'est pourquoi nous proposons la mise en place de zones de développement économique rural, mais également des outils bancaires afin de faciliter le financement de projets en prenant pour modèle les zones franches, qui avaient permis la réinstallation d'activités économiques au coeur de quartiers urbains en difficulté.
En matière d'éducation, les zones rurales se caractérisent par la multiplication de classes uniques, à plusieurs niveaux d'enseignement, par l'éloignement des lieux et points d'offre culturelle ou éducative. Nous proposons la mise en oeuvre d'une zone d'éducation prioritaire rurale pour répondre à ces difficultés. La scolarisation des enfants de deux ans permettrait de pallier l'absence de structures d'accueil de la petite enfance. La limitation des effectifs faciliterait l'enseignement dans ces classes rurales à plusieurs niveaux.
Concernant l'accès aux services publics, nous proposons de prendre en compte des critères d'accès en temps, comme c'est déjà le cas dans le contrat pluriannuel entre l'État et La Poste. La loi de régulation des activités postales, à l'initiative du groupe socialiste du Sénat en 2005, en faisait déjà mention. Je renvoie ceux qui estiment que notre proposition de loi n'est pas normative au texte de cette loi, qui avait prévu des critères d'accessibilité et pris en compte la distance et le temps de parcours jusqu'aux points d'offre postale.
Nous avons également prévu des dispositifs en matière de santé, remettant en cause, pour une part, la liberté d'installation. Les maisons de santé ne répondent pas entièrement à la préoccupation des usagers. De plus, dans la plupart des cas, leur financement est assuré par les collectivités locales et l'État a bien du mal à respecter ses engagements.
Notre proposition de loi est d'abord la déclaration d'une volonté politique : que la République n'abandonne aucun territoire. C'est un texte de rappel pour souligner que la France doit être forte de ses zones rurales et de tous ses territoires. Je vous renvoie également au rapport du Médiateur de la République qui souligne le fossé grandissant entre les usagers et l'ensemble des administrations. Je tiens enfin à saluer les élus locaux qui nous ont accompagnés dans la rédaction de ce texte, et parfois précédés, je pense à certains élus locaux de la Nièvre. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
Madame la présidente, messieurs les ministres, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur, chers collègues, permettez-moi de reprendre trois arguments qui sont soumis au débat ce matin.
La proposition que nous examinons aujourd'hui n'est absolument pas une manifestation d'opportunisme entre les deux tours d'élections locales. La défense des territoires ruraux est une priorité de la gauche. Le bouclier rural apportera toutes les solutions que le Gouvernement n'a pas pu mettre en place depuis 2002.
Ces trois affirmations sont, certes, agréables à l'oreille, mais elles sont démagogiques. Après avoir examiné avec attention – l'attention du « bon sens paysan » – ce que le groupe SRC nous propose d'adopter dans la hâte, bradant ainsi des questions fondamentales pour notre territoire, il est évident que nous ne pouvons pas être d'accord.
En tant que député et président des deux cents maires d'un département rural et de montagne, je connais bien les problèmes liés à la désertification et au départ de certains services publics comme La Poste, et cela depuis trente ans, quelles que soient les majorités.
La ruralité est malade, monsieur le ministre, nous faisons ce constat avec regret.
Devons-nous en effet rester comme une réserve d'Indiens, que l'on viendrait visiter deux mois dans l'année ?
Cependant, ne tombons pas dans l'excès de nos amis socialistes. Nos territoires sont loin d'être pauvres même si la pauvreté y est présente dans le silence, et souvent dans l'oubli. L'image de sous-développement que les médias relaient avec complaisance est bien évidemment fausse. Mais laisser nos territoires ruraux à l'écart pourrait les conduire à des situations désastreuses pour les années à venir.
Le bouclier rural, dont je note au passage qu'il reprend un vocable conspué pendant des années par les socialistes, est une erreur sémantique. Il ne s'agit pas de se protéger contre un ennemi imaginaire, que ce soit l'État ou la France urbaine. Il faut au contraire s'intégrer à nouveau dans une dynamique nationale qui a trop souvent tendance à mettre de côté la ruralité.
Or cette dynamique peut s'appuyer sur nos territoires, sur nos savoir-faire. Ainsi, il faut mettre en avant la ruralité non pas dans une construction de défense, mais d'intégration. Le Gouvernement doit être conscient des difficultés – et le mot est faible –, qu'il s'agisse de l'emploi aussi bien que des problématiques de la vie quotidienne : se loger, se déplacer, se nourrir, se soigner ou se sentir en sécurité.
Sur certains de ces points, le bouclier rural fait croire à des solutions miracles : le service public est le mythe salvateur. Le service public est la solution à tous nos maux.
Ce n'est pas avec dix articles fabriqués en quelques semaines à coups de millions d'euros et reportant la charge sur l'État que l'on réglera le problème des territoires ruraux.
Nous, ruraux, sommes responsables ; il faut nous soutenir, pas nous assister !
Voilà pourquoi nous avons travaillé sur un plan Marshall de la ruralité avec près de deux cents mesures tenant compte de nos atouts : nos paysages, nos espaces, nos traditions et savoir-faire locaux, notre qualité de vie, nos ressources naturelles, notre agriculture, mais aussi des tarifs attrayants pour accéder à la propriété.
C'est en usant de leurs spécificités comme autant d'avantages, et non plus se considérant comme assistés, que nos territoires s'en sortiront. Nous ne voulons pas être maintenus coûte que coûte sous perfusion.
Aussi n'aborderai-je qu'un point pour ne pas faire doublon avec les propos de mes collègues : la question de la mobilité. Question absente – ce que je regrette – de ce « bouclier », alors qu'il s'agit d'un poumon de la ruralité. Qui ne peut se déplacer ne peut vivre dans nos territoires.
Comme beaucoup de mes collègues, je suis député d'un petit département, plutôt de montagne,…
Très beau département !
… enclavé et peu peuplé, où la réorganisation des services de l'État complique chaque jour la tâche.
Chacun de nos concitoyens a conscience de la nécessité de maîtriser sa consommation pour des raisons économiques, mais aussi pour préserver notre environnement. Mais que faire lorsque le prix au litre dépasse 1,50 euro ?
Que faire lorsque les familles sont obligées d'entretenir deux voitures pour continuer à vivre ? Ce n'est pas dans le bouclier rural que nous trouverons la réponse, chers collègues.
En revanche, parmi nos deux cents propositions, nous traitons de l'enjeu de la mobilité, ce dernier permettant d'envisager l'avenir de nos campagnes en les considérant comme des atouts et non comme des handicaps.
Prenons l'exemple d'un couple avec deux enfants à charge ayant des revenus représentant 2 500 euros net par mois. Cette famille doit en moyenne parcourir cinquante kilomètres par jour avec un véhicule personnel pour aller sur le lieu de travail et revenir. Le surcoût annuel de l'augmentation du prix du carburant, de 30 %, représente alors plus de 200 euros.
En augmentant de la même manière de 30 % les barèmes fiscaux des frais kilométriques, une simple simulation permet de faire économiser à ce foyer fiscal rural 120 euros d'impôt sur le revenu. C'est le moins que nous puissions faire pour ces nombreuses familles.
Cette action n'est sans doute pas suffisante. C'est pourquoi, et c'est la seconde proposition en matière de mobilité, nous avons voulu encourager les jeunes. Dans les communes situées en zone de revitalisation rurale, nous proposons la création d'un « pass permis de conduire » s'adressant aux jeunes de moins de vingt-six ans.
Vous comprendrez, mes chers collègues, que ces dix propositions du bouclier rural ne sont qu'un emplâtre sur une jambe de bois…
…et bien insuffisantes pour redonner espérance et vie aux territoires ruraux. Pour ces raisons je ne voterai pas cette proposition. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Madame la présidente, monsieur le ministre, chers collègues, cette proposition de loi a le mérite de poser la question de l'équité et de l'égalité des chances sur notre territoire.
Si, dans l'exposé des motifs, on ne peut que corroborer que, dès la fin du XVIIIe siècle, l'industrialisation a favorisé l'exode rural, affirmer que le XXIe siècle est déjà celui de l'exode urbain, c'est aller un peu vite en besogne !
D'ailleurs, l'attractivité de la ruralité signifie que les services publics y fonctionnent plutôt bien, comme l'a fait remarquer le président de la commission, Serge Grouard.
Je déplore la portion congrue réservée à l'économie et surtout à l'agriculture, pourtant capitale pour les générations futures. Pour répondre aux enjeux de nourrir la planète, l'agriculture a besoin d'hommes et de femmes qui créent, qui produisent, qui vivent de leur métier ; il faut veiller à leur en donner les moyens.
Ce texte procède de bonnes intentions, mais totalement irréalistes car les mesures proposées aggravent de manière inconsidérée les charges publiques.
Les étapes successives de la décentralisation ont permis aux territoires ruraux de se développer naturellement, voire harmonieusement. De nombreux projets initiés par la majorité actuelle vont dans le bon sens : le ministre a évoqué tout à l'heure les pôles d'excellence rurale ou le déploiement du haut débit.
Je voudrais aussi relever qu'une bonne synergie entre conseils généraux, conseils régionaux et collectivités locales permet aux territoires d'entreprendre et de construire durablement leur avenir. Dans le Bas-Rhin par exemple, une démarche « des hommes et de territoires » a débouché sur des contrats de territoire qui permettent de valoriser les richesses locales, d'optimiser les déplacements et de développer des actions dans le domaine socio-éducatif et de la solidarité.
Mais je voudrais m'arrêter à l'article 3. Tout d'abord, concernant la présence postale, notons le changement de statut il y a tout juste un an, où La Poste est devenue une société anonyme à capitaux publics.
Pour rester compétitive, notamment dans la ruralité, La Poste a anticipé sa nécessaire évolution avec la création de la Banque postale, l'ouverture de points poste dans les commerces et d'agences postales communales plutôt favorablement accueillies, du moins en Alsace.
Concernant l'organisation du service public de l'éducation, garantir un temps d'accès maximum pour aller à l'école, au collège ou au lycée me semble être en total décalage avec la société d'aujourd'hui.
Notre école fonctionne sur des modèles anciens qui avaient pour objectif de faire disparaître « l'inégalité d'éducation » : je pense à la loi Guizot de 1833 et aux lois Jules Ferry de 1881-1882.
Après les révolutions industrielles et technologiques du siècle dernier qui ont structuré régions et territoires, la révolution numérique a bouleversé nos modes de pensée. Les enfants sont formatés aux technologies de l'information et de la communication, côtoyant quotidiennement le monde de l'image et du virtuel.
C'est pourquoi je salue la politique volontariste du ministère de l'éducation nationale consistant à développer le numérique dans les écoles rurales.
Aujourd'hui, 6 700 écoles bénéficient d'ordinateurs portables, de tableaux blancs interactifs et de ressources numériques pour de nouvelles approches pédagogiques. Le futur est là !
L'article L. 113-1 concerne la scolarisation des enfants de deux ans. Sa rédaction actuelle me satisfait pleinement car je ne suis pas favorable à la comptabilisation des enfants de deux ans dans les effectifs des écoles maternelles ou primaires. Les avis des experts sont d'ailleurs contradictoires en la matière.
Quant à l'article 212-2, je suis d'avis qu'il faut le faire évoluer, mais pas dans le sens proposé par ce texte.
Dans une proposition de loi que j'ai récemment déposée, j'ai exprimé le souhait qu'à titre expérimental, après accord entre l'État et les communes concernées, il soit permis de procéder à la constitution de regroupements scolaires au sein d'une seule école, comprenant des implantations dans une ou plusieurs communes. Cela légaliserait les regroupements pédagogiques intercommunaux avec un directeur, un conseil d'école, un conseil des maîtres et un projet d'école.
L'école n'existe pas pour elle-même. Elle ne se justifie que dans le cadre d'une mission de service public, ses objectifs nécessitant des résultats. De ce point de vue, le socle commun de connaissances et de compétences constitue une réponse ambitieuse pour chaque élève, qu'il soit scolarisé en milieu urbain ou rural.
Alors, instauration d'un bouclier rural, non ; confiance en l'initiative de terrain et soutien à l'esprit d'entreprise dans nos territoires ruraux, oui ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, élu d'une zone rurale ô combien symbolique, la Lozère, je ne peux que me féliciter de l'organisation aujourd'hui d'une discussion sur l'avenir de la ruralité.
Je suis de ceux qui pensent que la ruralité n'est ni de droite, ni de gauche. Mais je constate que le groupe socialiste est pris d'un soudain intérêt pour la ruralité. (Protestations sur les bancs du groupe SRC.)
Je mets à part Michel Vergnier, qui préside la commission consacrée aux affaires rurales à l'Association des maires de France, dont je suis le corapporteur. J'aimerais lui dire combien je me réjouis du travail de compromis que nous effectuons au sein de cette institution.
Mon grand regret, mes chers collègues, c'est l'opportunisme du groupe SRC. Le calendrier n'est pas anodin. Cette proposition de loi a été élaborée et déposée à la va-vite afin de respecter le délai minimal de six semaines prévu par notre règlement intérieur avant son examen qui, par le plus grand des hasards, a lieu entre les deux tours des élections cantonales. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)
Le constat que vous faites du monde rural est le même que celui que j'établis depuis mon élection en 2002 : les territoires ruraux sont l'avenir de notre pays. Après des décennies de déprise, de pertes démographiques, nos territoires regagnent de la population et retrouvent un élan économique. Les données sociologiques ont profondément changé depuis dix ans, les attentes aussi.
Toutefois, si nous nous rejoignons sur le constat, force est de constater que les réponses que nous proposons pour accompagner l'évolution de nos territoires ruraux ne sont pas comparables.
La position que j'exprime à l'Assemblée nationale est la même depuis des années : il faut que ruralité rime avec modernité.
Or cette proposition montre que la ruralité moderne n'est pas à l'ordre du jour du parti socialiste.
Ainsi, là où, dogmatiques, vous parlez de fonctionnaires et de services publics, moi, pragmatique, je préfère parler de services adaptés aux publics et à la population.
Des gendarmeries sans gendarmes, des écoles sans instituteurs, des hôpitaux sans médecins et des postes sans postiers !
Cette proposition de loi se contente d'énoncer des grands principes et ne comporte aucune évaluation, aucune étude d'impact, aucune proposition budgétaire.
Si vous soulignez certains aspects importants comme l'accès aux soins ou la couverture numérique, vous évoquez insuffisamment l'économie rurale, socle de toutes les autres activités, et vous ne dites pas un mot de l'adaptation des normes, sujet pourtant primordial pour l'avenir de nos territoires, évoqué systématiquement dans toutes les réunions consacrées à la ruralité.
En somme, mes chers collègues, nous allons être amenés à discuter d'une proposition de loiminimaliste, concoctée dans l'urgence du calendrier électoral, sans vision d'ensemble, sans véritables mesures applicables.
Alors que la ruralité est aujourd'hui mise à l'honneur à l'Assemblée, je regrette que cette proposition de loi ne soit pas un vrai projet d'avenir. C'est bien plutôt un tract électoral pour les candidats socialistes en ballottage avant le second tour des élections cantonales. (Approbations sur les bancs du groupe UMP. – Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)
La ruralité mérite beaucoup mieux !
Avant de vous lancer dans cette aventure, vous auriez pu partir de l'évaluation d'une loi proposée par notre majorité en 2005 : comportant initialement soixante-quatorze articles, elle est passée à deux cent quarante articles au terme d'un débat parlementaire d'un an. Je veux parler de la grande loi sur les territoires ruraux. Vous n'en dites pas un mot dans votre proposition de loi.
Vous auriez pu parler des Assises nationales de la ruralité qui se sont tenues en 2009, …
…de l'action menée par Michel Mercier et du CIADT de mai 2010, comme de l'action menée par Bruno Le Maire, ministre de la ruralité. Vous n'en dites pas un mot.
Vous auriez pu parler des avancées récentes permises par la loi HPST, des 275 millions d'euros consacrés à la mise en place de deux cent cinquante maisons de santé, du développement de la télémédecine, de l'octroi de quatre cents bourses à des étudiants en médecine. Vous n'en dites pas un mot.
Vous auriez pu parler de l'accès aux nouvelles technologies, notamment des 2 milliards d'euros du grand emprunt. Vous n'en dites pas un mot.
Vous auriez pu parler du désenclavement des territoires ruraux et du schéma national des infrastructures de transports, qui fera l'objet d'un débat au Parlement.
Vous auriez pu parler de la convention passée entre l'État et la SNCF sur les trains d'équilibre des territoires, avec les 210 millions d'euros qui viendront compenser les déficits de la SNCF pour quarante liaisons jugées importantes pour l'ensemble du territoire.
Vous auriez pu parler de l'accès à des services de qualité et de l'évolution des relais de services publics. Vous n'en dites pas un mot.
Vous auriez pu parler du développement de nouvelles activités économiques au service de l'emploi à travers l'amplification des zones de revitalisation rurale, l'augmentation des dotations du FISAC et le développement des pôles d'excellence rurale.
Vous auriez enfin pu parler de la nécessité d'organiser la solidarité entre territoires et d'accompagner l'équipement des territoires ruraux à travers le renforcement des outils de péréquation, dont Marc Laffineur a plaidé la cause, et la création de la dotation d'équipement des territoires ruraux.
L'honnêteté aurait dû vous conduire à partir de ces acquis et à proposer un programme couvrant plusieurs exercices budgétaires, distinguant aspects législatifs et aspects réglementaires.
C'est précisément l'objectif du plan Marshall que j'ai déposé avec cinquante-six collègues du groupe UMP. Des groupes de travail ont été créés avec le ministre de la ruralité, et le Premier ministre a validé certaines orientations.
En premier lieu, notre objectif est d'obtenir la tenue d'un CIADT consacré aux normes en milieu rural, à la suite du rapport du sénateur Doligé. D'autres mesures sont en cours d'évaluation en vue d'une prise en considération dans le collectif budgétaire et dans la loi de finances 2012.
C'est formidable. Il suffit que l'on dépose une proposition de loi pour que cela vous donne des idées. Dans les faits, nous avons ce qu'il en est !
Monsieur Vergnier, vous avez souligné que l'expression de « bouclier rural » était un clin d'oeil. Notre plan Marshall est une réponse à ce clin d'oeil.
Le 13 avril prochain, le groupe UMP de l'Assemblée nationale organise une rencontre sur la ruralité. Ce sera l'occasion d'aborder les vrais problèmes et d'apporter de vraies solutions. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Madame la présidente, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les députés, le débat que nous venons d'avoir montre bien qu'il existe des visions différentes de l'avenir de la ruralité en France.
Que la ruralité soit au coeur des préoccupations sur tous les bancs, nous avons pu le constater. Qu'elle fasse partie de l'avenir de la France, tout le monde ici en est convaincu.
Mais il y a d'un côté ceux qui défendent la ruralité des fonctionnaires et de la dépense publique à tout va, ….
et, de l'autre, ceux qui défendent la ruralité de l'innovation, du changement et de l'équité entre les territoires.
J'ai écouté avec beaucoup d'attention l'intervention de Marie-Lou Marcel, qui résume assez bien, je crois, la vision du parti socialiste. « Il faut penser local, il ne faut pas penser global. Nous pensons local, vous pensez global », a-t-elle dit.
Eh bien, moi, je crois à l'inverse que, pour penser local, il faut penser global. Le propre du parti socialiste est de s'enfermer dans des visions étroites, localistes, sans prendre en considération les changements du monde qui l'entoure et les exigences budgétaires et européennes, et sans comprendre que l'on ne peut apporter des réponses locales qu'à partir du moment où l'on a su voir le monde tel qu'il est et tel qu'il se transforme.
Pour avoir une appréciation juste de son village, il faut voir le monde tel qu'il est. Il ne faut pas vouloir se protéger et fermer les frontières. Il faut au contraire vouloir imaginer, innover, inventer pour son territoire, comme l'a très bien dit Daniel Spagnou.
Comment voulez-vous penser l'accès à Internet dans une commune de 300 habitants sans prendre en compte l'aménagement du réseau national et du réseau européen ?
Comment penser le maintien d'un hôpital dans un département ou un canton sans réfléchir à l'accès aux soins à l'échelle nationale ?
Comment vouloir défendre les circuits courts, que nous avons promus dans la loi de modernisation de l'agriculture, sans penser à la rentabilité des agriculteurs et aux revenus des paysans ?
Comment voulez-vous faire croire à un éleveur de la circonscription de Jean Auclair, par exemple, qu'il pourra vivre exclusivement du circuit court sans avoir à exporter vers la Turquie et la Russie et à tirer des profits de ces exportations ?
Croyez-vous que les viticulteurs du Languedoc-Roussilon pourront continuer à survivre uniquement en vendant quelques bouteilles sur le marché local alors que, pour résister localement et continuer à développer la ruralité en Languedoc-Roussillon, il faut aussi être capable d'exporter jusqu'en Chine ?
Pour penser et défendre local, il faut penser et défendre global, c'est ce que le parti socialiste n'a pas compris !
J'en viens à ma deuxième remarque d'ordre général.
Il n'est pas possible de dire que le Gouvernement est inactif en matière de ruralité. C'est un mensonge !
Je ne reviendrai pas sur les chiffres puisque Michel Vergnier me reproche d'en parler trop, mais lorsqu'on réclame de l'argent, il est parfois bon d'entendre rappeler les montants dépensés par l'État.
Depuis quatre ans, le Gouvernement s'est mobilisé pour défendre des services publics de qualité, pour maintenir l'accès aux territoires, pour rénover les infrastructures, pour développer l'accès à Internet, comme l'a souligné Pierre Morel-à-L'Huissier ; je reviendrai sur chacun de ces points. Le Gouvernement a répondu présent pour défendre la ruralité à travers tous les territoires.
Ma troisième remarque porte sur la vision bucolique de la ruralité qu'a défendue Michel Vergnier, et que j'ai beaucoup appréciée. Ne caricaturons pas les positions des uns et des autres, chacun a sa propre sensibilité et une relation spécifique avec son territoire. Il n'y a pas d'un côté les hommes de chiffres et, de l'autre, les hommes de sentiment. On peut être un homme de chiffres et avoir ses propres sentiments.
Je partage la vision de Michel Vergnier. Le bonheur n'est pas forcément dans la Creuse, comme il le prétend, mais il peut certainement être dans le pré. Encore faut-il que nous donnions aux habitants qui s'y trouvent, en particulier aux agriculteurs, les moyens de se développer dans de bonnes conditions, avec des activités plus profitables et une meilleure situation économique.
À cet égard, j'ai en mémoire les positions défendues par certains responsables socialistes, notamment pendant la crise du lait. J'ai entendu la présidente de la région Poitou-Charentes expliquer qu'il fallait maintenir administrativement le prix du lait à 400 euros la tonne. Or chacun sait que ce n'est pas possible. L'État n'a plus le pouvoir de fixer le niveau des prix. En outre, si nous maintenions le prix du lait à 400 euros la tonne, les industriels ne nous feraient aucun cadeau et iraient chercher du lait à 260 euros la tonne de l'autre côté du Rhin, en Allemagne.
Pas de mensonges, pas d'illusions pour les paysans, mais du changement, de la compétitivité, des capacités pour s'adapter et prendre des parts de marché. Là résident les solutions.
Comme l'a très bien rappelé Martial Saddier, nous sommes intervenus sur les marchés, nous avons défendu la PAC, nous avons fait remonter le prix du lait, en assumant des décisions courageuses et difficiles. C'est là aussi que se joue l'avenir de la ruralité.
L'espoir rural est dans la vérité et dans la capacité à assumer des décisions courageuses, et non pas dans la défense de solutions dépassées et totalement inadaptées aux besoins actuels.
J'aborderai maintenant les points plus précis soulevés par les uns et les autres.
S'agissant de l'accès au haut débit, je veux rappeler que le Gouvernement a mis 2 milliards d'euros sur la table, comme François Rochebloine l'a rappelé.
Le développement de l'accès au haut débit doit se faire en concertation avec les collectivités territoriales. Dans cette perspective, je souhaite que nous ouvrions dans les prochaines semaines une discussion avec l'ensemble des opérateurs, que j'ai tous reçus, et l'ensemble des collectivités territoriales pour envisager les modalités de mise en oeuvre de l'accès à l'Internet à très haut débit pour certaines communes, de la montée en débit pour d'autres et de la couverture des zones blanches pour toutes les communes rurales sur lesquelles le téléphone portable continue, de manière inacceptable, à ne pas passer.
Il faut à la fois mettre la pression sur les opérateurs et ménager une ouverture avec l'ensemble des collectivités territoriales pour que chacun puisse faire valoir son point de vue sur cet enjeu national majeur qu'est l'équipement numérique de la France.
S'agissant du fonds numérique mentionné par certains orateurs, je précise que je suis tout à fait prêt, avec l'ensemble du Gouvernement, à examiner les propositions formulées par le sénateur Hervé Moret sur ce sujet. Il a suggéré deux sources de financement différentes : un prélèvement sur les abonnements internet, d'une part, une taxe sur les produits électriques, d'autre part. Tout cela mérite d'être étudié attentivement. Je rappelle que le prix d'un abonnement mensuel à internet est de l'ordre de 30 euros en France alors qu'aux États-Unis, il est de 150 dollars. Il existe donc des marges de manoeuvre possibles pour garantir le financement de ce fonds.
Enfin, je tiens à rappeler, comme l'a fait Frédéric Reiss, que nous avons développé le numérique dans les écoles. Nous avons tous pu le constater en inaugurant dans les communes de nos circonscriptions des salles de cours équipées de tableaux numériques, mis à la disposition des enseignants et des élèves grâce au remarquable travail accompli par le ministre de l'éducation nationale, Luc Chatel.
Venons-en au développement de l'activité économique, dont j'ai déjà dit qu'il était singulièrement absent de la proposition de loi. Les pôles d'excellence rurale, évoqués notamment par Yannick Favennec, sont une création de cette majorité. (Approbation sur les bancs du groupe UMP.)
Et des emplois ! Et ça marche ! (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)
Les pôles d'excellence rurale sont notre idée ; ils correspondent à notre conception du développement des territoires ruraux. Les pôles d'excellence rurale, c'est un demi-milliard d'euros mis sur la table depuis 2006. Personne ne peut dire que cette majorité a abandonné les territoires ruraux : elle a créé des milliers d'emplois, elle a mis, je le répète, un demi-milliard d'euros sur la table et elle lance aujourd'hui le deuxième appel d'offres, qui vous concerne tous, sur tous les bancs de cet hémicycle ! (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)
Ces pôles d'excellence rurale, c'est du nouveau : c'est une nouvelle façon de concevoir l'aménagement du territoire et le développement économique.
Ces pôles d'excellence rurale se développent sur tout le territoire, sur le fondement de projets très divers : santé, accueil de la petite enfance, développement de circuits courts – auxquels, vous le savez, je suis profondément attaché, car je souhaite que les enfants de Normandie mangent des pommes de Normandie plutôt que des pommes du Chili,…
…et que, dans le bassin allaitant, on consomme de la viande bovine qui en provient, plutôt que des boeufs venus d'Argentine ou du Brésil.
Ce sont aussi les pôles d'excellence rurale qui permettent de développer la recherche, les métiers d'art ; ce sont eux encore qui assurent la préservation d'un savoir-faire artisanal. Ainsi avons-nous inauguré à Revel, en Haute-Garonne, un pôle d'excellence rurale consacré à la création de meubles contemporains mettant en valeur le savoir-faire des artisans locaux.
Nous continuerons sur cette voie.
La deuxième vague de PER sera annoncée dans quelques semaines ; ce sera une nouvelle preuve de la vitalité des territoires ruraux et de l'engagement du gouvernement français au service de ces territoires.
Quatrième sujet précis : l'accès aux soins, question éminemment délicate pour tous nos compatriotes. Tous, ici, nous souhaitons leur garantir le meilleur accès aux soins possible, notamment aux enfants, aux femmes enceintes et aux personnes âgées.
J'ai beaucoup entendu le mot de proximité. Je vous signale simplement que nos concitoyens sont aussi de plus en plus attentifs à la qualité et à la sécurité des soins, à la certitude qu'il n'y aura pas d'accident. Et je préfère assumer la fermeture d'une maternité qui ne pratique que deux ou trois actes par mois, plutôt que faire courir le moindre risque à une femme enceinte parce que certaines opérations difficiles ne seraient pas réalisées dans des conditions de sécurité maximale. (Approbation sur les bancs du groupe UMP.)
Nos concitoyens ne nous pardonneront pas de maintenir des services publics dont la qualité et la sécurité ne seraient pas entièrement assurées au cours des années à venir. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Par ailleurs, André Chassaigne a jugé nécessaire d'inciter les étudiants en médecine à s'installer, notamment en développant des maisons de santé pluridisciplinaires. Je suis parfaitement d'accord : c'est ce que nous voulons faire, et nous étudions actuellement, Xavier Bertrand et moi-même, la possibilité de moduler la rémunération des médecins de manière à les inciter à travailler davantage dans les territoires ruraux. (Approbation sur plusieurs bancs du groupe UMP.)
Cela fait partie des solutions nouvelles et innovantes qui permettront de garantir l'accès aux soins à tous sur le territoire français.
Un dernier mot sur les transports, sujet majeur. Je rappelle que cette majorité a été la première, alors que nous étions tous engagés depuis des années dans le développement exclusif des lignes à grande vitesse sur le territoire national, à tout faire pour maintenir des lignes d'équilibre territorial. Le Président de la République est le premier à avoir pris en considération, lors du dernier comité interministériel d'aménagement et de développement du territoire, la nécessité de maintenir quarante liaisons d'équilibre régional et trois cent quarante trains quotidiens sur des lignes qui étaient soit désaffectées, soit laissées à l'abandon au profit des lignes à grande vitesse.
Ne laissons donc pas dire que ce gouvernement ne se préoccupe pas d'ouvrir à tous l'accès à des territoires enclavés : au contraire, nous faisons tout ce qui est en notre pouvoir pour les désenclaver,…
…et je souhaite que nous poursuivions cette politique, qui permettra à chacun de se déplacer plus facilement sur tout le territoire.
Tels sont les éléments que je voulais vous présenter. Je ne laisserai pas dire que les territoires ruraux ne sont pas au coeur des préoccupations de ce gouvernement, de cette majorité. Nous sommes mobilisés, nous investissons l'argent nécessaire, nous apportons les solutions innovantes qui s'imposent, et nous gagnerons la bataille de la ruralité au xxie siècle ! (« Excellent ! » sur les bancs du groupe UMP.)
Je précise qu'en application de l'article 96 du règlement de l'Assemblée nationale, le Gouvernement demande la réserve du vote sur les articles et les amendements en discussion. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
L'installation des jeunes agriculteurs, vous n'en parlez pas beaucoup !
350 millions d'euros !
Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission, mes chers collègues, cette discussion sur la vie des territoires ruraux doit tous nous inciter à faire preuve d'humilité.
Cela vaut pour l'opposition : il nous faut être humbles eu égard aux politiques qui ont été menées. Mais cela vaut aussi pour la majorité car, autant que je sache, le vote de nos concitoyens dimanche dernier n'était pas un plébiscite de la politique menée par l'UMP. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
Plusieurs députés du groupe UMP. Ni de la vôtre !
Je veux dire un mot de la question agricole, évoquée par de très nombreux orateurs.
Mes chers collègues, il y a quelques mois, nous débattions de la loi de modernisation agricole. Est-ce à dire que cette loi est insuffisante ? C'est ce que je crois comprendre de vos interventions. À nos yeux, elle l'était en effet. Il me semble que vous avez tous conscience des difficultés et de l'ampleur de la crise dont souffre ce secteur.
Nous en connaissons les raisons, et chacun doit assumer ses responsabilités en la matière. La raison essentielle est la politique libérale menée en Europe, au niveau mondial, mais aussi dans notre pays. Vous avez approuvé toutes les mesures de dérégulation adoptées par l'Europe ; votre majorité les a acceptées. Ainsi de la fin des stockages publics, de la fin des quotas laitiers, de la fin de la réglementation des droits de plantation sur la vigne. Voilà pourquoi je suis scandalisé quand j'entends dire que le président Sarkozy s'oppose à la dérégulation.
Mes chers collègues, j'ai rencontré il y a quelques semaines, avec plusieurs membres – de gauche comme de droite – de la commission des affaires économiques, le commissaire européen Dacian Cioloş. « Cette affaire est derrière nous », nous a-t-il dit, « mais votre gouvernement, votre pays l'a approuvée en 2008 ! ».
Et M. le ministre a eu le courage de reconnaître devant la commission que nous ne nous y étions effectivement pas opposés et que la France y était, pour tout dire, plutôt favorable.
Comment pouvez-vous prétendre aujourd'hui que vous êtes contre la dérégulation, alors que vous n'avez fait que déréguler dans tous les domaines de l'agriculture, ce qui a mené une grande partie des agriculteurs à la ruine ? Vous avouerez que c'est tout de même un peu fort !
Monsieur le ministre, de nombreux collègues – comme vous-même, du reste – ont qualifié ce texte de « recentralisateur ». Si vous avez eu recours à cet argument, c'est parce que nous affirmons dans l'article premier que « l'État garantit la proximité et l'égal accès des citoyens aux services publics, fondement de la cohésion sociale et territoriale de la République, sur l'ensemble du territoire ». Mais ce n'est pas être recentralisateur que d'affirmer le rôle de l'État !
C'est tout de même incroyable ! L'État doit être le garant du respect de notre Constitution, des fondements de notre République – la liberté, l'égalité, la fraternité. C'est à lui de jouer ce rôle, et non aux collectivités territoriales. C'est trop facile de dire ce que vous dites !
La véritable opération de recentralisation, c'est votre gouvernement qui la mène, à travers la réforme des collectivités territoriales.
Car, vous le savez pertinemment, vous avez réduit les possibilités financières des départements et des régions pour les remplacer par des dotations d'État. (Protestations sur les bancs du groupe UMP.)
Les recentralisateurs, ce n'est pas nous, chers collègues de la majorité : c'est vous ! (Applaudissements sur quelques bancs du groupe SRC.)
Vous nous reprochez notre conception uniforme du développement des territoires. Oui, nous défendons une conception uniforme, car nous voulons l'équité, l'égalité maximale entre nos concitoyens.
Vous prétendez aussi que cette loi favoriserait le mitage. Mais qu'est-ce que cela veut dire ? Nous voulons développer les territoires ruraux, le territoire national tout entier. Si c'est ce que vous appelez favoriser le mitage, alors nous sommes pour, bien évidemment ! Et cela n'a rien à voir avec le respect des terres agricoles que vous avez invoqué.
Un mot sur le logement. Vous avez été choqués que l'on puisse diriger d'en haut la répartition des logements. Mais, monsieur le ministre, vous ne savez pas ce qui se passe sur le territoire. En réalité, dans les départements ruraux, depuis plusieurs années, aucun des opérateurs du logement social n'intervient dans les bourgs ruraux ni dans les chefs-lieux de canton. La voilà, la réalité que nous vivons. Tous les opérateurs du logement social veulent à tout prix mener des opérations d'envergure autour des villes moyennes et des chefs-lieux de département.
Nous, nous voulons qu'ils se rendent dans les chefs-lieux de canton et dans les bourgs ruraux.
Vous nous dites ensuite que nous n'avons pas parlé d'économie. Nous ne voulions pas traiter de tout dans cette loi, mais nous pensions préparer les conditions de l'essor économique. Je ne parle pas des discours sur notre vision dirigiste de l'économie, car ils étaient tout à fait déplacés. Il s'agit simplement de recréer de véritables infrastructures de transport et de lancer un plan national. Certains collègues d'autres régions l'ont dit, par exemple M. Spagnou : si nous voulons que nos concitoyens puissent vivre dans les territoires, il faut qu'ils puissent s'y déplacer, et, de ce point de vue, il y a beaucoup à faire.
Il faut aussi développer le haut débit, cela a été dit. Vous nous parlez du grand plan national de développement du haut débit ; mais, mes chers collègues, là aussi, soyons sérieux : qui a développé l'ADSL, sinon les conseils généraux, avec l'aide des régions et, quelquefois, de l'Europe ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC. – Protestations sur les bancs du groupe UMP.)
Et ce plan national, nous l'attendons toujours !
Je veux enfin revenir au service public. Vous prétendez nous faire croire que le monde rural pourra vivre sans services publics. C'est impossible ! Du reste, vous savez pertinemment que la relocalisation de l'activité économique sur notre territoire et à l'échelle nationale tient notamment à la qualité de notre formation, de nos transports, de nos services publics.
Pour permettre aux populations qui en ont envie de venir vivre dans les territoires ruraux, c'est-à-dire d'y être formées, d'y trouver du travail, un logement et de s'y soigner, il faut préparer l'avenir. Et ce n'est pas en démantelant les services de l'État comme vous le faites que nous y parviendrons. Tel est le sens de notre proposition de loi. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
Ce débat était sans doute l'une des premières occasions données à M. le ministre de l'agriculture, également chargé de l'aménagement du territoire, de s'exprimer sur ce dernier domaine. Et pour vous parler franchement, monsieur le ministre, nous nous attendions à un débat d'une autre qualité.
Il fut un temps où l'on entendait dire, au Gouvernement et à l'UMP, que les socialistes n'avaient rien à proposer. Comme vous ne pouvez plus dire cela aujourd'hui, vous vous contentez de caricaturer nos propositions ; c'est un peu dommage.
Ce que vous nous présentez n'est pas une proposition ! Cela n'a vraiment pas été travaillé !
Je veux seulement revenir, au nom du groupe socialiste, sur l'un des points que vous avez évoqués, monsieur le ministre, et qui semble être la marque de fabrique de votre politique : les pôles d'excellence rurale.
Je vous invite à vous rapprocher des services de la DATAR, désormais placés sous votre autorité. Vous avez à ce point verrouillé le financement des PER, sans doute à la demande de Bercy, et siphonné les fonds européens déjà alloués à nos régions que, aujourd'hui, il est bien souvent plus intéressant de financer un projet hors du cadre des PER. Dans bien des cas, on peut obtenir davantage de financements, y compris de la part de l'État et des fonds européens. Je vous en ferai la démonstration en aparté tout à l'heure, si vous le souhaitez.
N'invoquez donc pas les pôles d'excellence rurale, qui se réduisent aujourd'hui à un habillage cosmétique du désengagement de l'État en matière de développement local. Je le répète, nous pouvons vous démontrer tous les jours que, sur le terrain, ils ne fonctionnent pas comme vous le dites. S'ils sont l'emblème et l'étendard de votre politique, je crains qu'il n'y ait là qu'une nouvelle tartufferie.
Je crois nécessaire de resituer le débat, compte tenu de ce que viennent de dire nos collègues Germinal Peiro et Christian Paul.
Une fois encore, les chiffres parlent d'eux-mêmes : depuis huit ans, la population augmente dans le monde rural et diminue dans le monde urbain. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)
Cela résulte bien de l'attractivité du monde rural et de la politique qui a été menée.
Vous ne savez pas de quoi vous parlez : ce sont les pauvres qui sont poussés hors des villes !
Vous nous dites qu'il faut des services publics. Mais vous oubliez de dire que c'est, d'abord et avant tout, la qualité des services publics qui compte !
Je suis fier, comme je l'ai dit tout à l'heure, d'avoir participé à la fermeture d'une maternité dans ma circonscription. J'ai ainsi permis aux femmes de bénéficier d'une qualité bien meilleure qu'auparavant ! (Protestations sur les bancs des groupes SRC et GDR.) Moins de trois cents accouchements par an, avec trois obstétriciens, cela fait moins d'une césarienne par mois : la technicité des médecins se perd, et je préfère donc qu'il y ait quelques kilomètres à faire en plus !
Quant aux points postaux dont vous parlez tout le temps, en 2002, il y en avait 17 015, en 2008, il y en avait 17 074. Voilà la vérité !
Dans ma circonscription rurale, d'ailleurs, plutôt que de conserver un bureau de poste, j'ai préféré que s'installe un relais poste, qui est ouvert comme le commerce, c'est-à-dire plus longtemps ; la qualité du service rendu à la population est donc bien meilleure ! (Protestations sur les bancs du groupe SRC.)
Dans les études, on voit que 80 % des ruraux préfèrent les services comme ils sont actuellement à ceux tels qu'ils étaient avant, ouverts deux ou trois heures par jour !
Voilà la vérité, voilà ce qui réussit ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Monsieur Paul, je ne partage pas du tout votre appréciation sur la qualité du débat. Nos opinions divergent, c'est bien normal, c'est la démocratie ; mais j'estime que le débat que nous venons d'avoir était de bonne qualité, et que chacun a pu présenter sa vision de l'avenir de la ruralité en France.
Quant aux pôles d'excellence rurale, je n'ai jamais prétendu qu'ils étaient l'alpha et l'oméga de la politique du Gouvernement en matière de ruralité ; c'est un élément parmi d'autres. Mais si vous estimez qu'il est plus intéressant de passer par d'autres canaux de financement pour développer certains projets dans les territoires ruraux, je recommande à tous les élus socialistes de renoncer au prochain appel d'offres et de laisser les 130 ou 140 prochains pôles d'excellence rurale exclusivement aux élus de la majorité !
Justement, monsieur le ministre, dans ma circonscription, les pôles d'excellence rurale sont déjà réservés à la majorité !
J'appelle maintenant les articles de la proposition de loi dans le texte dont l'Assemblée a été saisie initialement, puisque la commission n'a pas adopté de texte.
En application de l'article 44, alinéa 3, de la Constitution, et dans les conditions prévues à l'article 96 du règlement, le Gouvernement demande la réserve des votes.
La réserve est de droit.
Avec votre bienveillance et sous votre autorité, madame la présidente, je regrouperai mes interventions sur l'article 1er et sur l'article 5.
Le bouclier rural, c'est un serment partagé entre tous, ruraux et urbains. L'article 1er de notre proposition en est la preuve : « L'État garantit la proximité et l'égal accès des citoyens aux services publics, fondement de la cohésion sociale et territoriale de la République, sur l'ensemble du territoire. »
Je suis, c'est vrai, député de la patrie de Bayard, le chevalier sans peur et sans reproche, ne vous en déplaise. (Sourires.) Et ce serment du bouclier rural, lancé autour de la table ronde de l'aménagement du territoire, nous oblige tous, élus des villes et des campagnes : nous devons faire preuve d'audace et de courage pour sortir d'une logique où les uns se battent contre l'inéluctable désertification et les autres contre l'ingérable concentration et l'insupportable ghettoïsation.
Le groupe socialiste présentera, lors de sa prochaine journée d'initiative parlementaire, un texte sur le logement et la politique de la ville, complémentaire de celui-ci.
Nous refusons d'opposer territoires ruraux et territoires urbains. C'est une France ensemble que nous devons reconstruire.
Nous devons nouer des partenariats nouveaux, et c'est l'objet de l'article 5, qui pose le principe du contrat territorial de solidarité entre villes et campagnes.
Ce n'est pas là un gadget inutile de plus dans la boîte à outils. C'est un nouvel état d'esprit, car il faut changer de point de vue : nos 36 000 communes sont une chance, elles ne sont pas une contrainte.
Pour bien vivre ensemble, il faut partout de la mixité sociale et de la mixité générationnelle. Il ne doit pas y avoir d'un côté les territoires musées et de l'autre côté les territoires stigmatisés.
Chaque cité fabrique ses histoires de vie – échec ou réussite, misère ou bonheur, les histoires sont partout belles ou tristes. Ce n'est pas toujours la qualité de l'endroit qui fait la beauté de l'histoire : dans bien des cités tristes, vues de l'extérieur, de très beaux souvenirs se sont fabriqués – je fais un peu de poésie, et je prie mes collègues, qui l'apprécient assez peu, de m'en excuser. (Sourires.)
Loin de moi l'idée d'un village idéal, comme il y a le palais idéal du facteur Cheval de mon enfance. Mais parfois – et je suis très sérieux –, où que l'on soit, on a envie de faire valoir son droit à l'exode : exode choisi ou exode subi.
Le fait que l'on ne trouve pas de travail, que l'on ne puisse pas se faire soigner, que l'on ne puisse pas étudier, que l'on ne puisse pas se loger, que l'on ne puisse pas trouver son bonheur, oblige certains à faire le choix de l'exode, qui n'est parfois que le constat de l'impossibilité de choisir son destin.
Que peut faire le politique dans tout cela ? De quoi a-t-il le droit de se mêler ?
Nous avons, me semble-t-il, le devoir républicain de favoriser la cohésion sociale ; il faut permettre à celui qui le souhaite d'aller voir ailleurs, et d'être accueilli ailleurs.
Si nous croyons que les échanges, les partenariats entre ville et campagne permettraient d'apprendre à se connaître, à se comprendre et à se respecter, alors nous devrions avoir l'audace de proposer de nouvelles perspectives aux territoires.
Comme il doit y avoir un toit pour tous, il doit y avoir un territoire pour tous. Sans le bouclier rural que nous proposons, le champ des possibles se restreint et les populations ne peuvent pas choisir de se répartir autrement.
Si l'action politique ouvre des perspectives à ceux qui croyaient leurs rêves inaccessibles, mes chers collègues, c'est qu'elle remplit bien son rôle. Cette proposition de loi, comme celles sur le logement et sur la politique de la ville qui arriveront bientôt en discussion, préserve le droit de chacun à construire sa vie, celle de sa famille, partout où l'on a envie qu'il y ait un ailleurs.
Chaque vie a le droit de s'épanouir dans des territoires de projets ; chaque territoire a le devoir de permettre l'épanouissement de projets de vie. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
L'article 1er exprime opportunément les objectifs de cette proposition de loi en énonçant les principes essentiels de la vie en communauté grâce aux services publics : solidarité territoriale, égal accès, péréquation et autres mots fleurant bon la cohésion sociale et le pacte républicain.
La discussion de ce texte tombe à pic dans une actualité mouvementée : face à l'abstention, il ne faut plus parler pour ne rien dire, comme l'ont fait le président Grouard et l'humoriste Auclair ; il faut agir, et vite.
Lors de la campagne pour les élections cantonales, dans les territoires ruraux, accessibles ou profonds, je n'ai pas du tout ressenti ce que vient de déclarer M. Laffineur. On a d'ailleurs vu le résultat avec le vote massif de défiance à votre égard de dimanche dernier.
Je n'ai pas entendu ces grands sentiments exposés ici par les députés de la majorité ; j'ai entendu des préoccupations simples : l'emploi et le pouvoir d'achat, mais aussi la suppression, assumée ou rampante, des services publics, en raison de votre sinistre RGPP. Ces services sont pourtant indispensables pour continuer à vivre sur ces territoires de faible densité.
Les citoyens ruraux, qui ne sont pas des sous-citoyens, voient passer au-dessus de leurs têtes les millions et les milliards du bouclier fiscal de Mme Bettencourt et du débat sur l'ISF.
Les problèmes sont assez nombreux, et assez graves, pour que nous ne nous gargarisions pas ici d'explications claniques, comme l'a suggéré à juste titre Germinal Peiro. Le Gouvernement et sa majorité doivent admettre que cette proposition de bouclier rural colle parfaitement aux réalités de notre temps.
Pour beaucoup de Français, la tentation d'habiter à la campagne est grande, grâce à la qualité de vie que l'on y connaît. Je reprends ce même sondage du mois d'avril 2007, qui indiquait que 7 millions de citadins rêvaient de quitter la ville, pour des raisons que je vous épargne, et que 2,5 millions d'entre eux allaient faire ce choix dans les cinq ans à venir.
Or c'est bien ce qui est en train de se passer, puisque l'Ariège a retrouvé son niveau de population des années 30, sans que l'on puisse y voir les conséquences des actions citées par M. Laffineur.
L'INSEE estime qu'en 2040 la France verra les écarts de croissance démographique se resserrer au profit des zones rurales.
Monsieur le ministre, comme pour l'environnement, c'est maintenant que nous devons mettre en place les outils d'aménagement du territoire de demain.
Si vous acceptez de dépasser les clivages traditionnels, vous admettrez que notre proposition de loi peut constituer le point de départ d'un rééquilibrage territorial, qui s'imposera un jour de lui-même. Faites donc avec nous le premier pas !
Monsieur le ministre, j'en ai assez de recevoir dans ma circonscription, dans ma permanence de Montluçon, le délégué territorial de La Poste, l'inspecteur d'académie, le directeur des services départementaux des finances, qui m'annoncent des suppressions et des regroupements de services publics dans les cantons ruraux de ma circonscription.
Jamais le préfet ou le sous-préfet ne nous réunissent pour rechercher, dans l'esprit d'un partenariat intelligent avec les élus, comment répondre aux besoins des populations de tel ou tel canton rural.
Ils ne nous réunissent que pour nous demander dans quelle mesure les collectivités locales pourraient cofinancer des services ou des infrastructures qui relèvent pourtant du strict domaine des compétences de l'État. Je ne parle pas des seules routes nationales ou de RFF !
Nous en avons assez d'avoir affaire à un État mendiant. L'État n'a de raison d'être que s'il est aménageur, pas déménageur.
Nous ne sommes pas contre la modernisation des services publics, ni contre leur adaptation aux nouvelles technologies. Mais discutons-en ! La raison d'être d'un service public – Henri Nayrou le dira à nouveau lors de l'examen de l'article 3 – c'est d'être au service des populations, donc d'être proche et accessible.
Voilà dans quel esprit a été rédigée cette proposition de loi. La commission d'évaluation et de contrôle va se pencher sur l'aménagement des territoires ruraux, et j'y siégerai au titre de la commission des affaires économiques avec Jérôme Bignon : nous en profiterons pour proposer, à partir d'exemples concrets, des politiques transversales qu'il convient de mettre en oeuvre, et qui ne partent pas des cogitations des cabinets ministériels, mais bien des besoins ressentis par les élus locaux.
Les citoyens qui vivent dans ces territoires ruraux élisent des représentants de la nation. Nous sommes ces représentants, et nous ne sommes donc pas illégitimes pour vous dire, monsieur le ministre, ce qu'il convient de faire. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
Au moment où nous ressentons une fragilité de notre système démocratique, nous avons le devoir de prendre des mesures pour renforcer les valeurs fondamentales de notre République et leur partage au sein de notre pacte républicain.
Pour cela, il faut apporter de la clarté dans le fonctionnement de nos institutions, et surtout faire en sorte que la notion de service public moderne constitue la base de notre vivre-ensemble.
Il nous faut retrouver un État stratège capable de montrer la voie, de définir les priorités économiques et sociales et d'organiser le territoire, afin que chaque citoyen bénéficie de services publics proches et de qualité.
Il est donc nécessaire de clarifier et d'organiser les missions régaliennes de l'État, mais aussi d'aller plus loin dans le sens de la décentralisation pour renforcer la vie démocratique sur les territoires.
Cela a des conséquences pour les moyens qui doivent être affectés, mais aussi pour la manière dont ils sont effectivement gérés. Ici, nous parlons en même temps de l'autonomie des collectivités territoriales et de la nécessaire solidarité entre elles.
L'article 1er de cette proposition de loi traite essentiellement des services publics dans les territoires ruraux, en mettant en avant les notions de qualité et de proximité, indispensables au développement de ces territoires, mais aussi en appelant à un renforcement de la justice sociale et à la lutte contre les inégalités quelles qu'elles soient.
Les services publics concernent principalement l'éducation, la santé, l'emploi, les communications, le logement, mais aussi l'organisation des collectivités territoriales. Ils sont les fondements indispensables à une vie animée de ces territoires, les conditions nécessaires du développement économique et de l'épanouissement de celles et ceux qui y vivent. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
Parmi les problèmes les plus redoutés des citoyens ruraux, il y a les problèmes médicaux et notamment hospitaliers. C'est l'objet de l'article 2.
De tout temps, le combat de l'ANESM, l'Agence nationale d'évaluation sociale et médico-sociale, que connaît parfaitement M. Ollier, a été, dans le cadre de la loi de 1985, d'imposer des obligations, comme les exceptions géographiques, qui tendent de plus en plus à rétrécir.
L'organisation très centralisée de notre système de santé maintient une menace permanente sur les structures hospitalières concernées. D'abord, la loi Douste-Blazy de 2004 a instauré la tarification à l'activité avec des critères tels que les petits hôpitaux voient leurs dotations baisser, même si leur activité augmente. Ensuite, la loi HPST, dite loi Bachelot, a programmé la fermeture de certains services hospitaliers ruraux par asphyxie financière, par les pressions en cascade du conseil des ministres sur les directeurs d'ARS, des ARS sur les directeurs d'établissement et de ces derniers sur les médecins et les personnels. Voilà comment on va rayer de la carte de France des hôpitaux de proximité parce qu'ils coûtent cher !
Vous ne croyez pas ce que vous dites. C'est une question de qualité des soins.
Comme l'a dit Christian Paul, en matière hospitalière, les élus et les citoyens ruraux veulent du sur-mesure négocié.
Monsieur le ministre, une fois n'est pas coutume, le Gouvernement semblait avoir pris conscience de la désertification médicale qui est en marche dans le monde rural. Malheureusement, faute de moyens, les réponses ne sont, encore une fois, pas adaptées. L'appel à projets du Gouvernement, qui consiste à inciter les collectivités à créer des maisons médicales, n'est pas à la hauteur de l'enjeu.
Les agences régionales de santé sont contraintes à servir de filtre à décourager les projets plutôt qu'à les susciter, puisqu'il n'y a pas de moyens pour tous les dossiers présentés. Et quand les collectivités s'obstinent, parce qu'elles sont conscientes de l'inéluctable disparition des services de santé sur leurs territoires, ce sont les médecins qui, en raison de leur âge, refusent de jouer le jeu, dans une logique que l'on rencontre ailleurs : après moi le déluge ! C'est ensuite l'ordre des médecins, qui émet carrément un avis défavorable pour ne pas chagriner ses adhérents.
Je vous décris là mon quotidien dans la communauté de communes que je préside, où je m'évertue, depuis deux ans, à monter un projet de maison médicale et un réseau de santé afin de pallier la défection de l'État. Monsieur le ministre, votre gouvernement portera la responsabilité du délitement des services de santé du monde rural, à ne pas vouloir y mettre les moyens indispensables et à refuser de fixer des règles, car l'un ne va pas sans l'autre.
Sans vouloir évoquer la nationalisation de la médecine, qui sera peut-être un jour la solution, il est indispensable que les jeunes médecins aient une obligation d'installation durant quelques années sur les territoires déficitaires, comme c'est le cas pour les enseignants ou les postiers. Faute de quoi, des pans entiers du territoire pourront bientôt se réclamer de la non-assistance à citoyens en danger. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
L'article 2 pose l'obligation pour l'État de garantir la proximité des infrastructures de santé, hospitalières et cabinets médicaux. Il en va de même pour les pharmacies. C'est pourquoi nous proposons dans cet article que toute demande de transfert ne puisse être accordée qu'à certaines conditions.
Je prendrai l'exemple d'une officine de mon département rural de l'Aveyron dont le transfert vient d'être accordé vers la Seine-et-Marne. Ce transfert n'a fait l'objet d'aucune concertation avec les élus. Il a été accordé sans tenir compte des particularités de nos territoires ruraux et de cette commune. Celle-ci est chef-lieu du canton et compte 750 habitants. Elle a une capacité d'accueil de plus de 2 000 lits et, en période estivale, sa population peut être multipliée par cinq. C'est un bourg structurant pour un bassin de vie de 4 200 habitants.
Dans cette autorisation de transfert, c'est l'idée même de cohésion sociale et territoriale de la République sur l'ensemble du territoire qui m'interpelle. L'organisation du système de soins se doit en effet d'être adaptée afin de garantir aux populations des territoires ruraux des conditions de proximité d'accès à une structure hospitalière, à un service de médecine générale et à une pharmacie. C'est la notion de proximité et d'égal accès aux soins qui est mise à mal parce que le réseau routier local ne s'évalue pas, dans nos territoires, en kilomètres mais en temps de trajet.
Cette autorisation de transfert est également contradictoire avec les propos tenus hier, dans cet hémicycle, par Xavier Bertrand, ministre du travail, de l'emploi et de la santé, qui se dit très attaché au maillage territorial et à l'équilibre local des officines.
C'est pourquoi il est indispensable d'ajouter à l'article L. 5125-14 du code de la santé publique l'alinéa suivant : « le transfert n'est possible qu'à la condition que la commune d'origine accueille une nouvelle officine en remplacement de l'officine transférée », même si la commune a moins de 2 500 habitants.
D'abord, je dirai aux membres du Gouvernement présents que nous regrettons profondément la décision de renvoyer à la semaine prochaine le vote sur les articles et l'ensemble de ce texte. Sans malice, je mettrai sur le compte de l'absence quasi totale des députés de l'UMP le recours à cette procédure artificielle. Tout en saluant les quatre membres de l'UMP encore présents sur leurs bancs, dont M. Laffineur et sa courtoisie légendaire, je regrette néanmoins que leur groupe n'ait pas considéré la défense du monde rural et l'aménagement du territoire comme des causes justifiant la présence du plus grand nombre.
Monsieur le ministre, nous avons décelé dans votre intervention une sensibilité certaine aux questions de santé. Nous en avons déduit que, dans votre circonscription sans doute, comme dans les nôtres, le désert médical était un sujet essentiel. Vous devriez donc soutenir les propositions que nous faisons dans ce texte.
Par exemple, le principe du délai d'accès aux services publics de santé, notamment en matière hospitalière. Celui-ci repose sur des travaux de géographes extrêmement sérieux menés notamment dans le cadre de la DATAR. Je vous renvoie en particulier aux travaux d'Emmanuel Vigneron qui a montré, par des cartes d'une cruelle lucidité, la surmortalité à mesure que l'on s'éloigne des centres hospitaliers. Aujourd'hui, il y a un rapport évident entre l'état de santé dans le pays et la géographie hospitalière.
Non pas que nous disions que la proximité règle tout, qu'il faut proposer tous les actes médicaux dans tous les hôpitaux. Cela n'aurait aucun sens. M. Laffineur évoquait la fermeture des maternités ; jamais nous n'avons défendu des maternités insécurisées. En revanche, ces dernières années, nous avons vu des maternités excellentes, avec des réseaux de santé innovants, qui protégeaient des grossesses à risque, mais dont la petite taille et des raisons purement financières ont conduit à la fermeture sans aucune évaluation de qualité. C'est ce à quoi nous voulons remédier.
Nous proposons également, en disant très clairement que la liberté d'installation n'est plus un tabou, de mettre en place une régulation de l'installation des médecins, notamment de plafonner cette dernière dans les zones aujourd'hui trop bien dotées. Là aussi, vous devriez nous soutenir.
Monsieur le ministre, je vous ai dit tout à l'heure qu'il convenait d'avoir, à l'égard des territoires ruraux, des politiques transversales et coordonnées, ce qui est le contraire de la juxtaposition de politiques sectorielles verticales. Il y va de l'architecture du système de soins. Là aussi, il faut savoir coordonner plusieurs politiques de l'État. Pour illustrer mon propos, je prendrai un seul exemple très concret de deux politiques publiques qui ne sont que rarement interdépendantes : la politique de permanence des soins en secteur rural et la politique migratoire de la France.
Cela peut surprendre, mais l'État est en train de mettre à mal le service de cardiologie de l'hôpital de Montluçon, simplement du fait qu'un de ses trois praticiens hospitaliers n'a pas la chance d'être de nationalité française et a passé ses diplômes de spécialité en cardiologie à la faculté de médecine de Saint-Pétersbourg. Le docteur Raïnatou M'Bacha, cardiologue à l'hôpital de Montluçon, doit être reconduite à la frontière. Elle est appréciée de tous, y compris du professeur Bernard Citron, auprès duquel elle a exercé au CHU de Clermont. Appelée à Montluçon par le jeune chef de clinique qui a remonté ce service voilà deux ans, elle est parfaitement intégrée à la France, où elle vit depuis plusieurs années. Loin de gêner qui que ce soit dans son pays d'adoption, elle a fait profiter le plus grand nombre de ses grandes compétences, acquises ailleurs.
Grâce à votre politique, Mme M'Bacha doit être reconduite au Cameroun, pays où elle n'a ni famille ni attache, simplement parce qu'elle y est née. C'est un scandale !
Faites quelque chose, monsieur le ministre ! Ça ne vous coûtera pas un sou.
Et ce scandale atteint directement la couverture médicale de notre territoire rural. J'ai demandé à Mme la secrétaire d'État à la santé de diligenter une inspection de l'IGAS pour régler ce problème concret de la permanence des soins en cardiologie dans un bassin de santé rural immense. J'attends sa réponse depuis plus de six semaines.
Avec notre collègue Michel Vergnier, nous nous réjouissons de l'avenir maintenant assuré de la radiothérapie de Guéret. Par pitié, aidez-nous à sauver la cardiologie à Montluçon !
En matière de couverture médicale, si la puissance publique ne met pas en oeuvre rapidement les nouvelles solutions que nous proposons à l'article 2, le phénomène sera cumulatif. En effet, la faiblesse de la couverture médicale dans certains territoires dissuade déjà de nouvelles installations de médecins dans la mesure où des candidats éventuels craignent d'être submergés par le travail. Par ailleurs, chacun s'accorde à reconnaître que la proximité d'un hôpital est un élément déterminant pour favoriser l'installation de médecins. C'est donc bien, comme le fait ici notre proposition, en articulant les mesures propres au secteur hospitalier et celles qui concernent la médecine libérale que les habitants des territoires ruraux trouveront les conditions d'une bonne couverture médicale.
Pourtant, à l'occasion de tous les débats sur le secteur hospitalier – et M. Laffineur en a donné une belle illustration tout à l'heure –,…
…la tendance est toujours d'opposer proximité et qualité des soins. Or la proximité hospitalière peut aussi se gérer en organisant mieux les relations entre les grands centres hospitaliers et ceux des petites villes, par exemple en partageant des emplois du temps de praticiens hospitaliers entre les établissements. Cela est plus rationnel que d'imposer à tous les patients une heure ou deux de route pour se soigner.
En la matière, les agences régionales de santé et leurs conférences territoriales de santé ont un rôle déterminant à jouer pour proposer des conventions de coopération entre les établissements hospitaliers. En tout état de cause, il faut pour ce faire une volonté clairement affichée et un cadre législatif opérationnel. C'est ce que nous proposons à l'article 2.
(Le vote sur l'article 2 est réservé.)
Les services publics représentent l'égalité républicaine dans les territoires. Notre bouclier rural vous propose d'instaurer un service public pour tous, accessible partout, dans des conditions équitables sur tout le territoire.
La présence de la République sur les territoires commence par l'éducation nationale. Avec 55 000 postes supprimés en quatre ans, celle-ci paie sans aucun doute le plus lourd tribut de la fonction publique sur l'autel de la RGPP. Nous détenons aujourd'hui le record du plus faible taux d'encadrement par élève des trente-quatre pays de l'OCDE. Arrêtons cette hémorragie !
Pour garantir un maillage territorial, l'idée du titre I de l'article 3 est simple : garantir un temps d'accès maximum à l'école.
Les services publics ne se limitant pas à l'éducation nationale, cet article prévoit la mise en place d'un même maillage territorial pour les agences Pôle emploi et les bureaux de poste. L'accès à l'emploi doit être le plus équitable possible. Le monde rural ne doit pas devenir un monde de la relégation sociale. L'État doit apporter à toutes ses populations un service de proximité.
Les critères définis dans cet article sont simples et modernes. Nous vous proposons des solutions innovantes pour une solidarité renouvelée, en imposant une proximité. Cette souplesse permettra, nous en sommes convaincus, d'adapter au mieux le service public aux réalités de nos territoires.
Je souhaite préciser à M. le ministre que le développement économique est bien présent dans notre proposition de loi. Il existe dans nos territoires ruraux des pépinières de petites et moyennes entreprises qui ont un savoir-faire industriel, commercial ou artisanal et qui donnent heureusement du travail et des revenus aux ménages installés depuis de nombreuses années dans nos bassins de vie.
Parfois, pour des offres complémentaires ou des développements de marchés, on fait appel à des salariés originaires d'autres départements. Parmi ces personnes, celles qui viennent de zones urbaines demandent à disposer dans les territoires ruraux des mêmes services qu'elles y trouvaient.
Je veux juste en évoquer trois : l'école, la santé et l'accès à Internet.
Vous le savez, l'école est le facteur d'attractivité des nouveaux habitants. Ce matin, deux ou trois intervenants ont prétendu que nous étions contre les classes uniques. Nous n'avons jamais dit cela. Il faut venir voir sur le terrain l'investissement des élus locaux en faveur du regroupement pédagogique intercommunal.
En matière de santé, monsieur le ministre, j'ai bien noté quelle était votre action en faveur des maisons pluridisciplinaires et médicales, et qu'il ne fallait pas de développement sans service garanti et la qualité des services. Tout à l'heure, un orateur a parlé de la permanence des soins. Il faut savoir que le département de la Dordogne ne compte plus que seize secteurs de garde, alors qu'avant la circulaire de février 2008 de la ministre de la santé il y en avait quarante-huit. En revanche, dans le département des Hauts-de-Seine, où il existe de nombreuses structures hospitalières et des villes beaucoup plus importantes, les secteurs médicaux ont été augmentés de 200 %.
S'agissant de la communication, d'après les études menées par les opérateurs, il est possible de déployer la fibre optique sur l'ensemble du territoire en seulement dix ans, alors que le Gouvernement prévoit de le faire en vingt ou vingt-cinq ans.
Monsieur le ministre, il est temps de remettre la ruralité à l'endroit.
N'ayant pas pu m'exprimer dans le cadre de la discussion générale, je souhaite intervenir sur l'article 3, qui a trait à la présence territoriale des services publics de l'éducation, de l'emploi et de la poste.
À l'article 2, le rapporteur emprunte un dispositif que je connais bien pour l'avoir introduit pour la première fois dans la loi du 20 mai 2005 relative à la régulation des activités postales. Ce dispositif est fondé sur les temps ou les distances de parcours auxquels les usagers de services publics doivent faire face pour y avoir accès. Le rapporteur me fait même l'honneur de me citer, page 31, pour servir sa cause.
Je vous rappelle ce qui est écrit dans la loi : sauf circonstances exceptionnelles, les règles d'accessibilité au réseau de La Poste ne peuvent autoriser que plus de 10 % de la population d'un département se trouve éloignée de plus de cinq kilomètres et de plus de vingt minutes de trajet automobile, dans les conditions de circulation du territoire concerné, des plus proches points de contact de La Poste.
Mais, ce qui est bon pour La Poste ne peut pas, à mon sens, être étendu à tous les services : santé, éducation et emploi. Je dis même à Germinal Peiro qu'il eût été plus crédible s'il avait voté le dispositif en 2005 plutôt que de s'en servir maintenant comme point d'appui.
J'ajoute, et M. Brottes le sait bien, que la loi postale du 9 février 2010 a introduit dans le dispositif une autre contrainte, en inscrivant le chiffre minimum de 17 000 bureaux de poste ou points de contact. Nous avons même prévu un fonds de péréquation.
Ce fonds, dont le montant passe de 130 à 172 millions, d'euros est réparti par une commission départementale présidée par un élu. Du reste, il est dommage que l'opposition n'ait pas apporté son concours à cette opération, ce qui rendrait plus crédibles les extensions qu'elle propose.
En matière d'éducation, je ne pense pas que l'on puisse revenir sur la prise en charge des enfants dès l'âge de deux ans. Vous proposez que l'accès à un établissement d'enseignement secondaire ne puisse excéder vingt-cinq minutes. Or cela reviendrait à créer des internats, ce qui pèserait sur les départements.
Je propose d'améliorer encore le texte en complétant l'article 3 par l'alinéa suivant :
« IV. – Dans un délai de trois ans à compter de la publication de la présente loi, un plan de développement de l'offre en transports collectifs, y compris à la demande, permet de répondre à cette exigence d'accessibilité pour toutes et tous à ces services publics.»
Défavorable.
Je veux revenir quelques instants sur l'article 3.
Monsieur le ministre, de très nombreux jeunes ménages s'installent aujourd'hui dans le monde rural. La population rurale augmente considérablement. Sur les 15 000 habitants qui s'installent chaque année en Gironde, 8 000 le font en milieu rural. L'école en milieu rural est donc un service public extrêmement précieux qui jusqu'à ce jour avait résisté aux coups portés par l'État. Mais aujourd'hui, les circulaires Darcos et Chatel ont de lourdes conséquences sur l'école rurale : suppressions de classes et parfois d'écoles qui imposent à de jeunes enfants des temps d'accès à l'école maternelle et primaire insupportables. Et ne parlons pas du collège !
Combien de très jeunes enfants et de collégiens se lèvent trop tôt le matin ? Deux à trois heures de transport pour de jeunes enfants, c'est vraiment d'une violence inouïe. Cela les pénalise forcément dans leurs apprentissages.
Avec l'article 3, nous prévoyons un temps ne pouvant excéder vingt-cinq minutes pour accéder à l'établissement d'enseignement, ce qui suppose le maintien de toutes les écoles rurales, un accès à la maternelle dès deux ans quand les parents le demandent, le maintien ou la création de collèges de proximité – je pense que c'est possible –, un accès au réseau d'aide pour les enfants en difficultés sans déplacement excessif et contraignant, une médecine scolaire présente et efficace.
Toutes ces propositions ne sont pas de la responsabilité des collectivités territoriales, mais bien de celle du ministère de l'éducation nationale, donc de l'État.
(Le vote sur l'article 3 est réservé.)
Là aussi, afin d'améliorer encore le texte, je propose de compléter l'article 5 en insérant, après l'alinéa 4, l'alinéa suivant : « II bis. – Pour faciliter la transmission des terres agricoles, les organismes publics chargés de l'habitat veillent à proposer des solutions de logement aux repreneurs des exploitations agricoles ».
Défavorable.
Favorable.
(Les votes sur l'amendement n° 2 et sur l'article 5 sont réservés.)
Chacun s'accorde à reconnaître qu'un certain nombre d'entreprises agricoles de même que les PME et les TPE en milieu agricole sont faiblement écoutées par les banques, ce qui crée un sentiment de résignation. Elles sont effrayées de se voir refuser un crédit alors qu'elles connaissent les résultats des grandes banques. Depuis que la garantie sur l'habitat a été supprimée en théorie, de nombreux dossiers de prêts sont rejetés. Oséo ne peut pas intervenir sur des dossiers évalués à 20 000 ou 100 000 euros, comme je l'ai vu hier.
Les petits entrepreneurs éprouvent de grandes difficultés lorsqu'ils cessent leur activité, y compris d'ailleurs pour changer de commune, sans qu'il s'agisse d'une faute de leur part. Nous n'avons pas encore trouvé le filet de sécurité sur lequel nous avions travaillé en 1999. Nous devons nous atteler à ce problème parce que c'est injuste. L'allocation de retour à l'emploi provoque autre chose en cascade. En effet, quand les artisans et les commerçants quittent leur propre caisse pour devenir des gérants salariés de toutes petites entreprises, les caisses sont encore plus en difficulté. Le FISAC, qui apportait autrefois, bon an mal an, au moins 300 millions d'euros aux caisses ne le fait plus. Du coup, c'est tout un système qui se fragilise au niveau de la santé, de la protection sociale de ces personnes. On aboutit à une absence totale de filet de sécurité.
J'espère que le milieu rural sera entendu.
(Le vote sur l'article 7 est réservé.)
Je propose, après la première phrase de l'alinéa 6, d'insérer la phrase suivante : « Elle permet le maintien d'activités essentielles à l'animation des territoires en favorisant notamment l'accueil de nouveaux actifs et la transmission des exploitations agricoles et des activités commerciales et artisanales lors de la retraite ou des cessations d'activités. »
Défavorable.
Cet amendement vise à insérer, après l'alinéa 8 de l'article 8, l'alinéa suivant : « Elle encourage le développement des circuits courts ».
Défavorable.
Favorable.
(Les votes sur l'amendement n° 4 et l'article 8 sont réservés.)
La taxe carbone, retoquée par le Conseil constitutionnel, est passée aux oubliettes. Il faudra bien en revenir, cependant, à une contribution climat énergie qui, pour être équitable, devrait proposer au monde rural une offre de transports en commun équivalente à celle proposée en ville.
Dans ce contexte, chaque territoire devra faire l'objet d'un plan rigoureux de mise en oeuvre d'une offre de transports en commun, grâce à une coopération étroite entre les conseils généraux dont c'est une compétence, les régions responsables des TER et l'État garant de l'équité des citoyens devant les services. Il faudra des navettes de rabattement vers les plates-formes multimodales, reconstituer toutes les lignes de chemin de fer qui irriguaient l'ensemble du territoire et qui ont souvent été démantelées dans les années soixante, mettre en place des navettes sur les fleuves, rivières et estuaires navigables et créer à l'échelle de chaque territoire un système unique de ticket combiné pour tous ces services jusqu'à destination à prix modique ou – pourquoi pas ? – gratuit. C'est la condition de l'équité pour les citoyens dans leurs déplacements.
(Le vote sur l'article 11 est réservé.)
En application de l'article 44, alinéa 3, de la Constitution, le Gouvernement demande à l'Assemblée de se prononcer par un seul vote sur les amendements, les articles et l'ensemble de la proposition de loi, vote qui aura lieu ultérieurement.
Je rappelle en effet que la Conférence des présidents a décidé que les explications de vote et le vote par scrutin public sur l'ensemble de la proposition de loi auraient lieu le mardi 29 mars, après les questions au Gouvernement.
Prochaine séance, cet après-midi, à quinze heures :
Proposition de résolution sur le climat tendant à mettre en oeuvre les engagements du Grenelle et à réduire les émissions de gaz à effet de serre ;
Débat sur la question climatique.
La séance est levée.
(La séance est levée à treize heures quinze.)
Le Directeur du service du compte rendu de la séance de l'Assemblée nationale,
Claude Azéma