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Intervention de Jean-Paul Chanteguet

Réunion du 24 mars 2011 à 9h30
Instauration d'un bouclier rural — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Paul Chanteguet :

Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, mieux répartir les hommes et les activités sur le territoire national est pour nous une vraie priorité. En effet, jamais nous ne défendrons un modèle conduisant, à terme, à regrouper la presque totalité de la population française dans quelques grandes métropoles de plusieurs millions d'habitants, perdues au milieu de vastes espaces oubliés et reliées entre elles et au monde par des moyens de communication modernes et performants. C'est un aménagement équilibré, respectueux des hommes, de notre histoire, de nos cultures, de nos patrimoines et de nos ressources que nous souhaitons promouvoir.

Il est impossible de passer sous silence les conséquences de la politique conduite par ce gouvernement et ceux qui l'ont précédé, politique créatrice de grandes fragilités et d'abandon des populations de nombreux territoires.

Ainsi, nos services publics sont les victimes bien réelles de votre politique de fermetures, de suppressions et de retraits. Au rythme actuel, dans quelques années, seuls les chefs-lieux de département disposeront encore de services ; la notion de services de proximité participant à la cohésion sociale et territoriale aura bel et bien disparu.

Un budget de moins de 400 millions d'euros, quelques dizaines de millions d'euros pour les pôles d'excellence rurale, la restructuration des sites de la défense et les maisons de santé : les moyens dont vous disposez aujourd'hui, monsieur le ministre, ne sont pas à la hauteur des enjeux. Et ce ne sont pas les efforts financiers en faveur des transports – que vous ne manquez jamais de vanter, mais qui, je le rappelle, sont essentiellement ceux de RFF, des utilisateurs et des collectivités territoriales, et non pas ceux de l'État –, qu'il s'agisse de la mise en place des trains d'équilibre du territoire ou des 2 000 km supplémentaires de lignes à grande vitesse pour les voyageurs, qui permettront de réaliser la véritable politique d'aménagement du territoire que les élus locaux attendent.

Il est une problématique que nous aurions pu aussi aborder dans notre proposition de loi : celle de l'installation des jeunes agriculteurs, qui est déjà un facteur de déséquilibres territoriaux importants. Actuellement, le renouvellement des générations n'est pas assuré dans le secteur agricole : en 1970, la France comptait 1,6 million d'exploitations agricoles ; aujourd'hui, il n'en reste plus que 326 000. À ce rythme-là, dans quarante ans, c'est-à-dire en 2050, elles ne seront plus que 60 000, soit, en moyenne, 600 par département. Ces chiffres sont confirmés par les évolutions récentes puisque, sur un million d'hectares libérés, 400 000 servent à l'agrandissement d'exploitations existantes et seulement 500 000 sont utilisés par de jeunes agriculteurs dans le cadre de leur installation.

Mais, me direz-vous, cette évolution est inéluctable : le progrès, la recherche, la pensée ultralibérale, la mondialisation sont passés par là et continuent de produire leurs effets. Si 60 000 exploitations agricoles sont en mesure d'assurer notre indépendance alimentaire et nous permettent de conserver notre rang au plan européen et mondial, pourquoi, se demandent certains, s'acharner et vouloir à tout prix installer plus de jeunes ? Pour nous, l'installation de jeunes est une priorité, car l'agriculture est multifonctionnelle. Outre sa mission économique, elle joue depuis longtemps un rôle en matière d'aménagement du territoire, de services et plus généralement d'entretien et d'embellissement des paysages au profit de l'ensemble de la société.

Ne nous le cachons pas : moins d'agriculteurs demain, ce sera la déprise agricole et l'enfrichement de certains espaces, la dévitalisation et la désagrégation du tissu rural dans les zones les plus fragiles. Avec d'autres, je regrette que certaines dispositions votées il y a maintenant six ans dans le cadre de la loi d'orientation agricole, telles que la mise en place du fonds agricole ou la fin de la politique des structures, freinent l'installation des jeunes. Je déplore également que, dans la loi de modernisation agricole, que vous avez fait voter il y a quelques mois, vous n'ayez pas considéré que le renouvellement des générations en agriculture était une priorité.

Notre pays a besoin d'une politique volontariste d'installation, qui s'appuie sur une véritable politique foncière. Ce n'est pas la suppression des SAFER qu'il faut décider, comme certains le demandent dans votre majorité, mais plutôt le renforcement de leur rôle.

S'il est une autre orientation qui est bien au coeur des stratégies d'aménagement du territoire, c'est celle qui concerne le déploiement de réseaux à très haut débit, l'accès à internet devenant une ressource indispensable de l'attractivité et du développement d'une région. Si le plan France Numérique 2012 prévoit que l'ensemble du territoire sera couvert en très haut débit d'ici à 2025, il est à craindre que les zones rurales, compte tenu de leur éloignement et de leur faible densité de population, soient équipées bien trop tardivement. Les 1,750 milliard d'euros qui seront consacrés aux zones moyennement denses et peu denses dans le cadre du grand emprunt seront bien insuffisants. Aussi proposons-nous d'abonder le Fonds d'aménagement numérique du territoire par une contribution des opérateurs de jeux en ligne, car nous pensons qu'il est le bon outil de la solidarité entre nos collectivités territoriales.

Monsieur le ministre, j'apporte, ainsi que les membres du groupe socialiste, mon entier soutien à cette proposition de loi visant à instaurer un bouclier rural au service des territoires ruraux. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

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