Madame la présidente, messieurs les ministres, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur, depuis plusieurs années, le monde rural subit de plein fouet l'abandon de l'État, accentué ces derniers mois par la mise en oeuvre de la révision générale des politiques publiques, je ne suis pas la seule à le dire.
Le monde rural a du souci à se faire car, si l'on se réfère aux propos qu'ils ont tenus à cette tribune, M. le ministre et M. le président de la commission considèrent que tout va bien ! Que dire, alors, des fermetures d'écoles, des suppressions de gendarmeries, des inquiétudes quant au maintien des structures hospitalières, de la pénurie de médecins qui fragilise le maillage territorial des pharmacies rurales, des fermetures de bureaux de poste, de la distribution du courrier à J + 5 ? Les territoires ruraux n'en peuvent plus !
Bien sûr, monsieur le ministre, que nous approuvons les pôles d'excellence rurale ! Toutefois, ils ne peuvent pas remplacer une école, un hôpital, un bureau de poste ! Nous, citoyens du monde rural, nous nous sentons oubliés. Aujourd'hui, des millions de citoyens sont exclus de notre pacte républicain, puisque l'égalité territoriale est bafouée.
Comment tolérer que certains n'aient qu'un accès limité aux services publics de base ? La solidarité entre les territoires se pose aujourd'hui avec une acuité particulière. Nous assistons à de très fortes disparités territoriales eu égard à la non-répartition des richesses. Une péréquation s'impose – et à cet égard je regrette que M. Laffineur soit parti. De grandes différences existent entre les vingt-deux collectivités métropolitaines et les quatre d'outre-mer. Cinq régions se partagent la moitié du produit intérieur brut national. La région la plus riche est l'Île-de-France, avec un PIB par habitant de 47 000 euros, tandis que la Guyane atteint difficilement les 14 000 euros.
Au niveau infrarégional, les disparités se sont, elles aussi, aggravées, comme dans la région Midi-Pyrénées, où Toulouse concentre 61 % du PIB, alors que les départements ruraux, comme l'Ariège, le Gers ou les Hautes-Pyrénées, sont loin derrière. Ainsi, le PIB de l'Ariège est de 16 358 euros par habitant alors que celui de la Haute-Garonne est de 24 645 euros. Les territoires ruraux souffrent de l'absence d'une politique d'aménagement du territoire cohérente qui contribuerait pourtant à leur développement.
L'État, qui est le garant de l'unité nationale et qui a une responsabilité majeure dans cette politique d'aménagement du territoire, doit aussi concentrer ses efforts sur les zones rurales fragiles, à moins de courir le risque de voir se creuser davantage la fracture territoriale. C'est le sens de notre proposition de loi, qui souhaite favoriser l'égalité des chances des territoires pour développer une ruralité de projets et d'avenir.
Ce développement passe avant tout par un maillage d'équipements essentiels et primaires de services et d'infrastructures. Comment peut-on tolérer qu'en Ariège la déviation de la RN20 à Ax-les-Thermes, décidée dans le cadre du contrat de plan État-région 1998-2000 et commencée en 2002, soit encore loin d'être achevée alors que la fin des travaux était prévue pour 2007 ? Pourquoi un tel retard ? Tout simplement parce que l'État tarde à honorer ses engagements financiers. Ainsi, au gré des déblocages budgétaires, les travaux progressent de quelques mètres. La réalisation de cette déviation battra certainement tous les records de lenteur, puisqu'elle aura pris plus de dix ans – si elle est terminée un jour. C'est inacceptable !
L'aménagement du territoire doit être érigé en priorité nationale, la politique visant à concentrer la population sur 20 % de la superficie de notre pays ne pouvant être poursuivie. La ruralité est un atout extraordinaire pour la France si elle est épaulée par une politique ambitieuse, globale et transversale.
L'avenir du monde rural passe par sa capacité à répondre à de nouveaux besoins. La ruralité regorge de talents, d'ingéniosité, d'ambitions, mais les moyens lui manquent souvent pour les exercer. Oui, le monde rural est bien plus vivant et plus enrichissant que ce que laisse percevoir une vision hypercentralisée de notre pays ! Il a surtout l'opiniâtre volonté de prendre en main son destin, dès lors qu'on ne crée pas les conditions de sa résignation.
Il y a fort à parier que, dans un avenir proche, les conséquences sociales, humaines, financières, sanitaires, et environnementales de l'hyperconcentration urbaine seront telles que la ruralité sera de plus en plus recherchée et sollicitée. C'est cette aspiration de la société de demain que nous devons anticiper dès aujourd'hui. Ne bradons pas ce qui est une chance pour la France et ses citoyens !
Le monde rural est bien loin de l'image ringarde qu'on tente souvent de lui coller. Ses habitants, ses acteurs économiques, ses bénévoles associatifs, ses élus débordent d'énergie et de créativité pour pallier le manque de moyens. Fermer un hôpital, une école, une gendarmerie, ne pas équiper numériquement les territoires, c'est peut-être réaliser une économie comptable, mais c'est surtout hypothéquer notre destin commun et se priver d'une chance bien réelle dont la France aura besoin pour construire son avenir.
Le bouclier rural que nous vous proposons d'instaurer aujourd'hui, c'est la mise en place d'une politique volontariste basée sur la solidarité, le partage et l'échange. Ce sont aussi des mesures concrètes concernant l'éducation, la santé, le service postal, l'accès au numérique. « Plan Marshall », « bouclier rural », les mots sont forts pour qualifier l'action à entreprendre pour ces territoires. Mais les mots ne suffisent plus, le passage à l'acte est urgent et nous vous donnons aujourd'hui l'occasion de le concrétiser.
Saisissez-vous de ce bouclier que nous vous tendons – et que vous souhaitez d'ailleurs instaurer, si l'on en croit la lecture de l'exposé des motifs de la proposition de loi de l'UMP d'orientation sur les investissements et les services dans les territoires ruraux. Votre opposition à ce texte serait incompréhensible pour les populations rurales, qui sont dans l'attente d'une action forte de la représentation nationale et du Gouvernement. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)