La séance est ouverte.
(La séance est ouverte à quinze heures.)
L'ordre du jour appelle la suite de la discussion de la proposition de loi de MM. Jean-Marc Ayrault, Régis Juanico, Christian Eckert, Olivier Dussopt, Mme Michèle Delaunay et les membres du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche, visant à renforcer les exigences de transparence financière de la vie politique (n°s 2777, 2846)
Ce matin, l'Assemblée a commencé d'entendre les orateurs inscrits dans la discussion générale.
La parole est à M. Patrice Calméjane.
Monsieur le président, monsieur le ministre chargé des relations avec le Parlement, monsieur le président de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, pour être élu, il y a deux conditions à réunir : la première – évidente – est d'être élu ; la seconde – pas toujours facile à obtenir – est de voir nos comptes de campagne approuvés.
Si le besoin d'une réglementation du financement des campagnes électorales est apparu tardivement dans notre pays, le retard français a été vite rattrapé. La création, en 1990, de la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques s'inscrit pleinement dans cette dynamique. Cette autorité administrative indépendante effectue un contrôle minutieux des comptes, qu'elle peut, dans un délai de six mois après transmission, approuver, rejeter ou réformer.
Elle saisit le juge de l'élection en cas de transmission en retard, de dépassement du plafond ou de rejet du compte. Seuls les comptes approuvés ouvrent droit au remboursement de l'État et le juge de l'élection peut alors prononcer des sanctions électorales, comme l'annulation ou la réforme du résultat, des sanctions financières comme une amende, ou des sanctions pénales comme l'emprisonnement ou l'inéligibilité.
Il reste que ce contrôle a posteriori montre aujourd'hui ses limites. Certains responsables politiques, notamment à gauche, font ainsi preuve d'une grande liberté en période électorale en confondant régulièrement moyens de la collectivité et compte de campagne.
Le 9 juin 2008, M. Accoyer, notre président, a confié à M. Pierre Mazeaud, ancien président du Conseil constitutionnel, une mission concernant le financement des campagnes électorales des élections législatives.
Il en ressort incontestablement qu'il y a eu des avancées mais que des imperfections demeurent.
Il convient d'abord de mieux adapter le champ d'application de la législation à la réalité des campagnes électorales.
Ainsi, il semblerait logique d'étendre cette législation aux campagnes sénatoriales. L'idée de prendre en compte des dépenses de tiers est intéressante, mais sans doute difficilement applicable, du fait, notamment, de l'explosion de l'usage d'internet. Il faut aussi indubitablement adapter les plafonds des dépenses électorales aux circonscriptions et aux campagnes électorales des députés français de l'étranger.
Je relève toutefois que l'interdiction du financement des campagnes électorales par des étrangers est occultée. Or, c'est une réalité, et la Commission aura de grandes difficultés à connaître la nationalité des donateurs, notamment en raison du problème de la double nationalité, des régimes bancaires ou fiscaux différents de ceux de la France, ou encore des échanges de devises pour les dons en espèces.
Il convient ensuite de redéfinir et de préciser les règles relatives aux comptes de campagne eux-mêmes, notamment quant au mandataire – sur sa déclaration et sur le droit au compte bancaire – mais aussi quant à l'établissement même des comptes. Plus précisément, il faut diminuer la période couverte par le compte, repousser le délai du dépôt de ce compte et enfin exclure l'obligation de dépôt d'un compte des candidats ayant réuni moins de l % des suffrages exprimés avec le risque de la multiplication des candidatures.
Sur la question des dépenses électorales, il semble nécessaire que la loi, un décret ou une circulaire, ou encore un guide de la commission, dresse une liste claire des dépenses autorisées et de celles interdites dans le compte, de celles qui sont remboursées ou non.
Je crois également qu'il est nécessaire d'avoir une approche des coûts en fonction de la géographie, notamment concernant des candidatures de Français représentant nos compatriotes de l'étranger.
Il faut enfin aménager les règles relatives au contrôle et aux sanctions, par exemple en élargissant la composition de la commission à deux anciens députés. Cela me semble une bonne idée, notamment du fait de la connaissance pratique du sujet par les intéressés.
Le rapport propose encore d'élargir les droits des candidats, particulièrement en cas de contestation ; toutefois, les possibilités sont limitées par le problème de la confidentialité des dons.
Enfin, il faut adapter la sanction d'inéligibilité pour méconnaissance de la législation sur le financement des campagnes électorales en distinguant l'erreur de bonne foi de la fraude électorale : c'est le coeur de la lettre du Président de l'Assemblée.
Le rapport propose d'introduire la qualification de déclaration mensongère dans la législation relative aux déclarations de patrimoine des élus. Je note qu'à la suite de la réforme territoriale, une mise à jour de la liste des personnes concernées semble nécessaire.
Dans un souci de transparence et d'équité, il semble opportun que les représentants des Français de l'étranger, tant les sénateurs que les députés, établissent, s'ils vivent à l'étranger, leur domicile fiscal à l'Assemblée ou au Sénat. Étant payés par des fonds publics, il paraît normal qu'un impôt soit payé en France plutôt que dans le pays de résidence de l'élu. Cette question se pose également pour les TOM et les DOM, du fait de régimes fiscaux différents. C'est, je crois, une réflexion intéressante.
Le financement de la vie politique est un travail de longue haleine, et il est évident que le Parlement doit donner écho aux propositions de ce rapport qui me semble beaucoup plus pertinent et constructif que cette proposition de loi. Si nous voulons limiter les financements à de multiples partis qui ne fonctionnent que localement, je propose, au lieu de la proposition de nos collègues socialistes, d'établir un seuil minimum d'adhérents réels pour avoir le statut de parti politique. (Sourires et exclamations sur les bancs du groupe SRC.)
En l'état, je suis donc opposé à cette proposition de loi proposée par nos collègues socialistes, car elle est trop incomplète. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
La démocratie est un idéal qui n'est jamais tout à fait atteint. Les règles encadrant notre système politique sont toujours perfectibles, car la pratique finit souvent par montrer les limites de telle ou telle disposition censée améliorer le fonctionnement de la République. L'idéal vers lequel nous devons tendre, et qui est partagé – n'en doutons pas – sur l'ensemble de ces bancs, est une exigence envers nous-mêmes, individuellement et collectivement.
Les conflits d'intérêt, les petits arrangements entre amis, les scandales politico-financiers et autres affaires ont jeté le discrédit sur l'ensemble de la classe politique, tous bords confondus. La défiance de nos concitoyens à l'égard du personnel politique grandit au fur et à mesure que l'on s'éloigne du terrain, et les parlementaires en sont les premières victimes. La montée des extrêmes, qui surfent sur le « tous pourris », et de l'abstention sont symptomatiques de cette défiance.
Historiquement, plusieurs lois – 1988, 1990, 1995 – ont progressivement renforcé la transparence financière de la vie politique. Ce matin, Régis Juanico a rappelé les orientations de la proposition de loi que nous examinons aujourd'hui : renforcer la transparence financière ; éviter les récents scandales liés aux micro-partis qui détournent l'esprit des précédentes lois de financement de la vie politique en reversant leurs dons à un parti central, permettant ainsi à une même personne physique de donner plusieurs fois 7 500 euros à un même parti.
Depuis 1995, la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques estime qu'une nouvelle loi est nécessaire. Dans son rapport de 2005, elle écrivait : « La liberté de création des partis politiques a pour conséquence de faciliter le détournement de la loi en favorisant la création de partis satellites : une même personne physique peut ainsi financer plusieurs partis en versant à chacun le montant plafond des dons autorisés, les partis bénéficiaires reversant ensuite l'argent récolté au parti central. »
Cette citation est effectivement très claire.
L'ensemble des trésoriers des partis politiques représentés à l'Assemblée nationale se sont d'ailleurs déclarés en accord avec ces propositions. Je regrette donc l'attitude de la commission des lois, qui préfère à cette proposition de loi d'autres textes, qui ont été déposés sur le bureau mais qui ne sont pas inscrits à l'ordre du jour. Il n'y a pourtant pas de différence de fond avec la proposition de loi Warsmann-La Verpillière ; nos propositions permettraient une véritable avancée vers une démocratie plus transparente, réclamée par tous.
J'ai donc du mal à comprendre pourquoi vous vous opposez à la proposition de loi que nous défendons aujourd'hui. Vous nous dites, monsieur le président de la commission, qu'elle est précipitée ; monsieur le ministre, vous avez parlé d'improvisation et de démagogie. C'est ce que l'on dit quand on ne veut pas voter une proposition de loi !
Je rappelle que cela fait cinq ans que la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques demande une modification, que nous proposons d'apporter à la loi. S'ils estiment cette proposition incomplète, le Gouvernement comme nos collègues de la majorité peuvent d'ailleurs l'améliorer par amendements, ce que vous ne faites pas.
Vous refusez finalement d'entrer dans la discussion. Monsieur le ministre, vous avez d'ailleurs demandé la réserve des votes afin qu'il y ait un vote bloqué la semaine prochaine.
Avez-vous vraiment la volonté de légiférer sur cette question ? Je me pose la question.
Ne préférez-vous pas maintenir le flou de la législation actuelle afin de faire bénéficier l'UMP de financements venus de micro-partis ?
À moins que vous ne considériez que le fait qu'une proposition de loi émane des rangs socialistes suffise à refuser de la discuter !
Si cette dernière hypothèse était la bonne – ce que finalement j'espère, au demeurant – ce refus de débattre serait totalement contraire à l'esprit des travaux parlementaires, et en contradiction avec la possibilité offerte à l'opposition de faire des propositions dans le cadre de la niche parlementaire. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, cette proposition ne devrait poser aucun problème, ni dans son esprit ni dans sa lettre, à la majorité. Elle répond à trois objectifs concrets : la simplicité, l'amélioration des dispositions applicables, le souci de la transparence, donc de l'équité.
Avant de développer ces points, j'aimerais attirer l'attention de mes collègues de la majorité sur des déclarations tenues par celui qu'ils aiment beaucoup, Nicolas Sarkozy, lorsqu'il était candidat.
Au congrès de l'UMP, le 14 janvier 2007, il avait dit : « Notre démocratie n'a pas besoin d'une nouvelle révolution constitutionnelle. On change trop notre Constitution. Il faut arrêter de dire qu'elle est bonne et proposer tous les trimestres une nouvelle modification. Mais nous devons changer radicalement nos comportements pour aller vers davantage d'impartialité, d'équité, d'honnêteté, de responsabilité, de transparence. » À bien y regarder, la majorité a modifié la Constitution mais une partie des élus continuent de ne pas respecter l'esprit de la loi de 1988 sur le financement des partis politiques.
Le candidat, devenu quelques mois plus tard Président de la République, ajoutait, le 20 mars 2007, lors d'une réunion à Villebon-sur-Yvette : « Je veux remplacer l'opacité par la transparence […] Je veux que ceux qui décident, que ceux qui gouvernent, que ceux qui dirigent soient responsables, qu'ils soient contrôlés, qu'ils rendent des comptes […] Je veux une démocratie irréprochable. »
Qui parmi nous ne voudrait pas cela ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
Monsieur Roman, Mme Karamanli est à la tribune pour exprimer son point de vue. Merci de l'écouter.
Notre proposition de loi a trois avantages concrets.
D'abord, elle répond à cette volonté affirmée d'une démocratie irréprochable.
En ce sens, elle est conforme à la volonté exprimée par l'ex-candidat à la présidence et n'a pas besoin d'être intégrée, comme le demandaient certains parlementaires de la majorité, dans un programme présidentiel ou de législature. Le candidat évoquait alors, et à juste titre, des « comportements ».
Ensuite, elle est simple comme devraient l'être plus souvent nos projets et propositions de loi.
Ses trois articles viennent compléter la loi de 1988 sur des points faisant l'objet d'interprétations, de distorsions dans leur application en matière de financement des partis politiques.
Ses dispositions ne sont pas « rien » juridiquement comme ont pu l'affirmer certains députés, elles complètent des dispositions applicables et dont le non-respect est sanctionnable. À ce titre, je me permets d'indiquer que François Logerot, ancien Premier Président de la Cour des comptes et président de la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques, a lui-même jugé que le financement des micro-partis qui bénéficient de dons multiples, et dont le texte présenté ici vise à limiter la pratique, était bien selon lui « un détournement de l'esprit de la loi ».
Enfin, ces dispositions complémentaires à la loi de 1988 renforcent la transparence qui, seule, permet d'assurer l'équité de traitement et donc l'égalité des partis devant la loi. Cette proposition ne peut être taxée de « populiste » comme on l'a entendu en commission. Elle vise concrètement à faire en sorte que l'afflux d'argent ne donne un avantage inconsidéré à des partis ou des organisations politiques par rapport aux autres.
Des critiques ont été exprimées ce matin sur l'article 3 mais l'idée de la transparence, notamment celle présidant à l'identité des donateurs d'un montant significatif d'argent à un parti ou une association de financement, n'est pas nouvelle. Dès l'entre-deux-guerres, Louis Brandeis, juge à la Cour suprême des États-Unis, avait lancé sa célèbre remarque : « La lumière du soleil… est le meilleur désinfectant ». Plus près dans le temps et plus proche de nous, le Conseil constitutionnel a pu considérer dans plusieurs cas que la mise en oeuvre de l'objectif de transparence financière était de nature à renforcer un exercice effectif des libertés.
Cette volonté de transparence n'a pas pour objet de faire honte ou de remercier les donateurs. Elle vise simplement à établir publiquement la source du financement venant des personnes physiques puisque l'aide et le soutien financier des personnes morales sont et restent interdits.
Par ailleurs, elle ne présume pas des liens qui existeront demain entre les donateurs et les élus du parti ou de l'association. Elle agit justement à rebours en faisant en sorte que ce qui était, hier, caché ne puisse être considéré, demain, comme étant une soumission à l'argent.
Je conclurai en disant que la révélation publique du lien financier redonne toute sa responsabilité au donateur et à celui qui reçoit : ils se devront d'être irréprochables.
J'ai bien entendu M. le président de la commission, si nous sommes d'accord pour ne pas remettre à demain ce que nous pouvons faire aujourd'hui, je ne peux pas comprendre que vous décidiez aujourd'hui de ne pas débattre.
Vous devez accepter le débat et surtout voter cette proposition de loi, dont le dispositif est simple dans sa compréhension et ambitieux dans sa portée. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, étant le dernier orateur de la discussion générale, je répéterai sans doute certains propos.
Très bien.
Lors de l'examen de ce texte en commission des lois – je n'y étais pas moi-même mais j'ai lu le rapport – vous, ainsi que les membres de votre majorité, avez émis le souhait que nous retirions cette PPL.
Si, et vous l'avez d'ailleurs redit ce matin.
Au prétexte bien entendu, sans cesse ressassé, qu'elle laisserait sur le côté de nombreuses questions et qu'il serait préférable d'attendre des jours meilleurs, des textes plus complets, en cours de préparation…
Mais j'ai cru comprendre, dans une intervention ce matin, que vous n'étiez pas d'accord sur le moment où ces textes seraient présentés.
Même si les législateurs qui se sont succédé sur ces bancs depuis vingt ans se sont efforcés d'apporter des améliorations pour ce qui concerne le financement des partis politiques et des campagnes électorales, il existe des failles, que personne ne conteste d'ailleurs. Or les failles ont tendance à s'agrandir si on ne les traite pas.
Nous considérons qu'il convient d'agir sans différer davantage. L'actualité nous y invite et le président de la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques lui-même reconnaît ces failles, reconnaît ces zones d'ombre et reconnaît que la multiplication des micro-partis, des partis satellites – appelons-les comme on veut – ressemble plus à un détournement de l'esprit de la loi qu'à une réelle volonté de faire vivre au mieux notre démocratie.
Permettez-moi de faire écho aux commentaires de notre collègue trésorier de l'UMP, Dominique Dord, sur un prétendu « texte de circonstance » alors même que la majorité nous a largement contraints, depuis le début de la législature, à examiner des textes en urgence et en réponse à une actualité, essentiellement dans les domaines de la sécurité et de la justice.
L'actualité, c'est tout d'abord la multiplication de micro-partis, dont nous-mêmes et le grand public ignorions l'existence jusqu'à présent, entièrement dévolus à des personnalités politiques, souvent de premier plan et même ministres, voire Président de la République. Je réponds aux propos de notre collègue Calméjane : ce sont des partis dépourvus d'adhérents, de militants – qu'est-ce qu'un parti sans militant ? –, sans projet politique ou au projet aux contours nébuleux, bénéficiant de généreux donateurs, on l'a vu. Comment s'étonner dès lors qu'ils questionnent l'opinion publique sur leur véritable objet, sur la transparence de leur activité politique même ?
Bien entendu, nous ne remettons pas en question la validité juridique de l'existence de ces partis, nous nous interrogeons sur la révélation – on ne peut rien contre l'actualité – de ces versements par chèques de 7 500 euros, puisque plafonnés, effectués par des personnes fortunées, vous aurez reconnu de qui je parle.
Je croyais que vous parliez de Pierre Bergé parce qu'il fait partie des fortunés qui alimentent les partis !
Ces versements ont été effectués au bénéfice de l'UMP mais aussi pour le compte de partis satellites soutenant l'action du candidat ou du Président de la République, Nicolas Sarkozy, ou du ministre du budget, Éric Woerth.
L'actualité – cela a été relevé par mes collègues mais il faut le répéter –, ce sont les levées de fonds à l'étranger qui mélangent allégrement les temps privés et les temps officiels.
Rien d'illégal sans doute au regard des caractéristiques juridiques de ces partis de poche, mais choquant assurément, choquant et risqué.
Choquant si l'on considère que ces dons qui ouvrent droit à réduction d'impôt ou à avoir fiscal permettent en toute légalité aux personnes les plus fortunées de bénéficier encore davantage du bouclier fiscal.
Choquant et risqué tellement la confusion des genres, établie ou en passe d'être établie, semble s'être installée au sein d'un microcosme – nous parlons d'une population restreinte finalement – réunissant responsables politiques, riches donateurs, gestionnaires de fortunes et autres intermédiaires divers et variés. Dans l'affaire Bettencourt, puisque c'est d'elle qu'il s'agit, c'est l'ignorance même de la notion de conflit d'intérêts qui choque le parlementaire que je suis et les citoyens qui nous écoutent.
C'est une loi d'actualité.
Ce que nous souhaitons, nous, c'est redonner de la vie à notre démocratie.
Face à ces pratiques, qui sont essentiellement et même uniquement les vôtres, face à ces pratiques qui génèrent forcément de la suspicion, il est indispensable et urgent de renforcer la transparence financière de la vie politique. C'est un passage nécessaire pour redonner confiance aux Français en la politique. Il est temps que notre assemblée adopte une nouvelle loi ou conforte la loi encadrant le financement de la vie politique.
C'est bien entendu cette volonté qui sous-tend notre proposition de loi. Celle-ci n'a pas la prétention – on vous a d'ailleurs invités à l'amender – de régler la totalité des questions. C'est un premier signe attendu par nos concitoyens.
Vous accusiez cette PPL d'être attentatoire à la liberté des Français. Mais l'article 1er n'est en rien attentatoire à la liberté de participer à sa guise au financement d'un ou plusieurs partis. Il fallait toutefois impérativement répondre au détournement de l'esprit de la loi de 1988 en limitant cette possibilité à un plafond total, c'est-à-dire tous dons confondus, de 7 500 euros pour une même personne physique. Même s'il date de plus de vingt ans, je pense que ce montant de 7 500 euros, c'est-à-dire 50 000 francs, doit être susceptible de permettre à la très grande majorité de celles et ceux qui en ont la possibilité et qui veulent soutenir financièrement un parti, voire l'engagement d'un homme, ou d'une femme, de le faire convenablement. Ce plafond correspond tout de même à plus de six mois de SMIC et, pour ce que je connais de la capacité contributive de la très grande majorité des militants de mon parti, il est déjà déconnecté du quotidien de la très grande majorité d'entre eux. Eux, ils versent une cotisation annuelle au parti selon des règles définies prenant en compte leurs revenus, leur situation personnelle, professionnelle et familiale. La cotisation est à mon sens, et c'est un sentiment que nous devrions partager, le premier acte militant lorsque l'on s'engage en politique, et cet acte militant ne peut prêter à suspicion. Il est donc nécessaire d'inclure les cotisations d'adhérents dans le plafond autorisé des 7 500 euros. C'est une question de bon sens !
Ces deux principales dispositions de notre proposition de loi ont à mes yeux plusieurs mérites.
Les temps de parole, c'est comme les plafonds : il ne faut pas les dépasser !
J'ai dix minutes, monsieur le président !
Tout d'abord, ces dispositions apportent un peu de décence en contenant les détournements d'une loi aujourd'hui insuffisante.
Ensuite, elles permettront mécaniquement de réduire la dépense fiscale, ce qui est loin d'être négligeable en cette période, vous en conviendrez.
Enfin, elles limiteront – je n'ose espérer qu'elles les supprimeront ! – les petits arrangements entre amis, du premier ou du second cercle, entre la maison mère et les baronnies, avec soi-même, car nos concitoyens ne les supportent plus. Sur ces mérites-là, peut-être allez-vous vous montrer plus favorables ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
La discussion générale est close.
La parole est à M. Régis Juanico, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République.
Je vais apporter des éléments de réponse aux interrogations qui ont été soulevées au cours de la discussion générale.
Je m'adresserai d'abord à M. le président Warsmann, qui est intervenu en premier. S'agissant du calendrier, je prends acte de son engagement, que je crois sincère, de faire en sorte qu'une grande loi – cela pourrait aussi être un projet de loi organique et une proposition de loi ordinaire – relative à ces questions de transparence financière de la vie politique soit examinée dans un délai relativement bref – il a évoqué le mois de janvier de l'année prochaine, en tout cas cela serait avant la fin du premier semestre 2011. Je lui donne acte de cet engagement, mais je ne peux que regretter que ne soit pas aujourd'hui saisie l'occasion qui nous est donnée d'avancer dès maintenant sur certaines règles. Il ne vous aura pas échappé que la disposition centrale de cette proposition concerne la question du plafonnement des dons de personnes physiques, le financement privé des partis politiques. Or, cette question fait l'objet d'un relatif consensus et nous aurions pu établir rapidement de nouvelles règles. M. Warsmann nous propose de compléter largement ces aspects. Je veux bien le croire, mais j'attends les mêmes engagements de la part du Gouvernement qui maîtrise l'ordre du jour de nos assemblées. Nous pourrions ainsi nous mettre d'accord pour nous retrouver ici dans quelques semaines, ou dans quelques mois, pour avancer ensemble sur tous les points qui ont été évoqués ce matin.
M. le ministre de Raincourt a employé des mots un peu excessifs,…
Ce n'est pas très méchant !
Nous sommes tous convaincus ici de la nécessité de compléter notre législation, car toute loi a ses failles. En commission, nous avons tenu à entendre à la fois le président de la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques, M. Carcassonne – personnalité qualifiée –, l'ensemble des formations politiques, et nous avons été amenés à modifier notre propre proposition de loi dans un souci de large rassemblement et de consensus politique. Mais tout le monde a reconnu qu'il fallait avancer. Il n'y a eu ni improvisation ni provocation. Les dispositions de cette proposition de loi s'appuient sur le rapport Mazeaud qui date de fin 2008. De plus, nous avons repris de nombreuses mesures qui figuraient dans la proposition de loi de Jean-Luc Warsmann et Charles de La Verpillière parce que nous sommes d'accord pour simplifier et améliorer les règles d'organisation des campagnes électorales.
Nous nous sommes appuyés sur des rapports de la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques qui datent de quinze ans. Depuis quinze ans, dans ces rapports, M. Logerot attire l'attention du législateur sur certaines failles, notamment la multiplication des formations politiques enregistrées par la Commission nationale.
Nous avons donc tenu compte des auditions et j'ai souhaité que cette proposition de loi soit modifiée sur certains points. Il n'y a donc, je le répète, monsieur le ministre, ni improvisation ni provocation. Simplement, il faut aujourd'hui avancer sur le fondement de travaux déjà anciens qui ont pris un relief particulier à la lumière de l'actualité de l'été dernier et ont légitimement conduit nos concitoyens à s'interroger.
M. le ministre a également dit qu'il ne fallait pas stigmatiser les dons de personnes physiques aux partis politiques et considérer que faire un don à un parti politique serait un geste sale. Je suis tout à fait d'accord avec lui. Nous sommes, là aussi, dans le domaine de la clarification. M. Logerot, lors de son audition, a évoqué un cas théorique mais très parlant. Un ménage relativement aisé pourrait aujourd'hui, dans le cadre d'une campagne législative, faire un don à une formation politique – deux fois 7 500 euros –, puis à nouveau deux chèques de 7 500 euros si le candidat a son micro-parti, et un don supplémentaire de 4 600 euros puisqu'il y a une association de financement de la campagne électorale.
Un ménage peut donc théoriquement verser entre 35 000 et 40 000 euros de dons dans le cadre d'une élection législative. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
Je veux simplement rappeler à mes collègues qui connaissent très bien le sujet que le plafond de dépenses à ne pas dépasser dans le cadre d'une élection législative est, en moyenne, de 55 000 à 60 000 euros pour une circonscription d'environ 120 000 habitants. Nous sommes donc devant de graves inégalités qui peuvent engendrer des abus. C'est ce que nous voulons corriger, monsieur le ministre, en établissant un plafonnement global à 7 500 euros, et je crois que nous pouvons parvenir à un consensus sur ce point.
Sur la question des cotisations, nous avons repris en partie la position de la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques qui préconise d'intégrer les cotisations dans le plafonnement global des dons de personnes physiques. Nous faisons une différence entre cotisations d'adhérents et cotisations d'élus tout simplement parce qu'elles sont de nature très différente, quels que soient le parti, ses statuts et son règlement intérieur. Les cotisations d'adhérents dépassent très rarement 7 500 euros. Elles sont plutôt assises sur les revenus. Les cotisations d'élus répondent à une autre logique. Bien sûr, les formations politiques ont des traditions différentes. Certaines font plus appel aux cotisations d'élus et d'autres plutôt aux cotisations d'adhérents. Cela il faut le respecter, car cela relève de la liberté d'organisation des partis politiques. Mais les cotisations d'élus sont plutôt assises sur des indemnités d'élu, et cela me paraît logique. Ces deux types de cotisations sont donc de nature différente et il ne faudrait pas empêcher certains partis politiques de changer leur façon de faire. En effet, dans une période relativement faste, l'aide publique d'État, les dons de personnes physiques représentent un pourcentage élevé des ressources financières du parti majoritaire, mais le jour où celui-ci perd les élections générales, il est obligé de se tourner vers les adhérents ou les élus en leur demandant de cotiser plus fortement. Il ne faut jamais insulter l'avenir. Nous avons donc voulu intégrer dans notre proposition de loi le fait que les cotisations d'élus étaient différentes des cotisations d'adhérents.
M. le ministre a aussi parlé du fichage des opinions politiques en évoquant la proposition de publication de la liste des personnes ayant fait un don supérieur à 3 000 euros. Effectivement, c'est une question qui fait débat.
Il y a une loi sur les fichiers ! (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)
S'agissant des fichiers, nous n'avons pas de leçon à recevoir du Gouvernement. Lors des auditions en commission, j'ai enregistré les réticences et le scepticisme des uns et des autres sur ce point. À titre personnel, ainsi que nombre de mes collègues socialistes, je suis plutôt favorable à une telle publication, mais certains arguments nous ont conduits à relativiser cette disposition et à la transformer pour ne plus prévoir qu'une transmission des noms à la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques. Nous sommes donc pragmatiques dans notre démarche.
Pour finir, j'évoquerai la question des micro-partis. Cette proposition de loi n'est pas un texte de circonstance visant spécifiquement la liberté de création de formations ou de partis politiques. M. Logerot, président de la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques, disait le 20 juillet dernier, dans une interview aux Échos : « La multiplication des micro-partis n'est certainement pas conforme à l'intention de départ du législateur. On peut estimer qu'il s'agit d'un détournement de l'esprit de la loi. »
La question est aujourd'hui celle de l'inflation du nombre des formations politiques enregistrées à la Commission, nombre qui est passé de 30 à 300. Nous ne souhaitons pas que cette inflation se poursuive parce qu'elle a un coût pour les finances publiques.
Pour les seuls micro-partis qui concernent les parlementaires de l'UMP, cela représentait 800 000 euros de dons en 2008, ce qui s'est traduit, pour les finances publiques, par 560 000 euros de réductions d'impôts. Cela a donc un coût et la représentation nationale doit limiter ce phénomène.
Notre collègue Diefenbacher parlait de liberté fondamentale s'agissant du financement privé des partis. Cette liberté, nous avons évidemment souhaité la conserver. Cette proposition de loi ne vise pas à la juguler, mais si le législateur a souhaité améliorer la transparence du financement de la vie politique – environ douze textes de loi ont été adoptés sur ce point depuis vingt ans –, c'est essentiellement pour séparer la politique et l'argent dans la conquête et l'exercice du pouvoir. François de Rugy l'a très bien dit tout à l'heure, nous devons encore avoir cet objectif à l'esprit lorsque nous légiférons.
La parole est à M. Henri de Raincourt, ministre chargé des relations avec le Parlement.
Mon intervention sera brève, car, après avoir entendu les orateurs lors de la discussion générale, je ne suis pas sûr que beaucoup de choses nouvelles aient été dites.
Je voudrais commencer mon propos en essayant de rassurer M. le rapporteur, que je remercie d'ailleurs de son intervention. Il a trouvé que les mots que j'ai employés ce matin – deux en particulier – étaient un peu sévères, lorsque j'ai parlé d'improvisation et de provocation.
Je maintiens absolument le terme d'« improvisation », mais je veux bien faire un effort dans votre sens, d'autant plus que M.Deguilhem nous a rassurés en affirmant qu'il s'agissait d'une loi de circonstance.
Sur ce plan, nous sommes maintenant absolument rassurés. Nous savons ce que vous voulez, c'est votre droit le plus absolu, et nous le respectons. Il faut seulement que les choses soient dites.
Je veux néanmoins vous confirmer de la manière la plus nette la volonté du Gouvernement de travailler, dans les conditions que nous avons évoquées ce matin, pour l'élaboration de textes nouveaux s'ils s'avéraient nécessaires.
Mais nous considérons qu'il existe plusieurs paramètres sur lesquels nous appuyer : les travaux déjà effectués par le président Warsmann et ceux qui sont à ces côtés, les conclusions attendues du groupe de travail constitué au sein de l'Assemblée nationale, et celles du comité des sages constitué à l'initiative du Président de la République. Il n'est donc pas nécessaire d'insister sur ce point.
Cela m'amène à dire à M. Ménard, qui nous proposait d'amender la proposition de loi si nous la trouvions incomplète, que nous n'avons pas besoin de l'amender aujourd'hui, car nous ferons un travail plus global et plus sérieux lorsque nous aurons réuni les éléments dont je viens de parler.
Je voudrais remercier MM. Calméjane et Diefenbacher et leur dire combien je suis d'accord avec leur propos.
Je reviendrai sur ce qu'a évoqué Mme Karamanli lorsqu'elle a parlé d'afflux d'argent. Mais parler sans cesse de Mme Bettencourt a un côté répétitif, qui finit par être un peu agaçant.
Il conviendrait sans doute de vérifier d'abord si Mme Bettencourt a toujours exclusivement fait des dons à des partis politiques de droite.
En second lieu, on critique toujours le Président de la République, mais, à ma connaissance, il n'a jamais été le salarié de la famille Bettencourt, lui.
Ne vous énervez pas, monsieur Roman. Lorsque vous évoquez les liens du pouvoir et de l'argent, il serait souhaitable que vous fassiez preuve d'un peu d'humilité, bien que cela ne vous soit pas coutumier.
Pourquoi ? Ce que j'ai dit n'était pas vrai ?
Je n'ai jamais dit qu'un salaire était un don, j'ai parlé des liens entre la politique et l'argent.
Ne vous rendez pas malade, monsieur Roman, je ne vous veux que du bien.
Concernant le financement des partis politiques, après ce qui a été évoqué par les uns et les autres, je veux simplement rappeler la proportion, que tout le monde connaît, du financement public et des dons privés. Le financement public s'élève à 80 millions d'euros environ, et les dons de personnes physiques représentent 16 millions d'euros.
Si l'on fait le compte de ce qui a été perçu par les partis de la majorité et ceux de l'opposition au titre des dons de personnes physiques, il apparaît que les sommes sont sensiblement du même niveau.
Mais si, 7,6 millions ont été reçus par la majorité et 7,7 millions pour l'opposition. Voici les chiffres qui ont été publiés au Journal officiel du 19 décembre 2009 – ce n'est pas difficile à vérifier.
Non.
Monsieur Roman, j'ai bien précisé les conditions dans lesquelles je cite ce tableau. N'essayez pas de faire diversion.
En la matière, il me semble qu'il y a d'autres méthodes pour aborder cette question. Si des solutions nouvelles doivent être apportées, il faut le faire dans le sens de la recherche de l'intérêt général, de la transparence et du consensus.
Encore faut-il que tout le monde y soit disposé. Après avoir entendu l'un ou l'autre à l'instant, j'en doute. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
J'appelle maintenant les articles de la proposition de loi dans le texte dont l'Assemblée a été saisie initialement, puisque la commission n'a pas adopté ce texte.
La parole est à M. le ministre.
Monsieur le président, en application de l'article 96 du règlement de l'Assemblée nationale, le Gouvernement demande la réserve des votes sur la présente proposition de loi.
Je suis saisi d'un amendement n° 9 , portant article additionnel avant l'article 1er.
La parole est à M. Régis Juanico.
Cet amendement vise à simplifier les règles d'organisation des scrutins électoraux. Suivant une recommandation du rapport Mazeaud, il propose d'instaurer une même date de dépôt pour tous les comptes de campagne à une même élection, que le candidat soit élu au premier tour ou au second tour.
Ma réponse sera valable pour d'autres amendements.
Nous ne sommes pas opposés à cette mesure, mais elle est déjà présente dans la proposition de loi déposée antérieurement par M. Warsmann et M. de La Verpillère, et il me semble que c'est dans ce cadre qu'elle doit être examinée. C'est la seule raison pour laquelle j'émets un avis défavorable.
(Le vote sur l'amendement n° 9 est réservé.)
Cet amendement est fondamental pour mettre fin à une forme de contournement de la loi de financement des partis politiques qui constitue un abus caractérisé. Il s'agit d'interdire, pour un parlementaire de métropole, de se rattacher à un parti éligible à l'aide publique au seul titre de ses résultats outre-mer.
De tels rattachements ont pour seul but de bénéficier de l'aide publique accordée au titre de la deuxième fraction sans s'adosser à un parti ayant droit à la première fraction par ses résultats en métropole. C'est donc un détournement de l'esprit dans lequel l'aide publique doit être accordée aux partis politiques.
Cet amendement pose la question de la double possibilité de financement des partis politiques, au titre de la première fraction de l'aide prévue par la loi du 11 mars 1988.
Je rappelle que la première possibilité ouvrant droit à l'aide publique est d'avoir présenté aux élections législatives plus de 50 candidats ayant recueilli au moins 1 % des suffrages. La deuxième possibilité est d'avoir des candidats ayant dépassé ce seuil dans l'ensemble des circonscriptions d'outre-mer où ils sont présentés.
Seuls les partis ayant franchi cette première étape en ayant recours à l'une ou l'autre de ces deux possibilités sont éligibles à la seconde fraction, calculée en fonction du nombre de leurs parlementaires, qu'ils soient ou non élus outre-mer. En revanche, une formation politique comptant un nombre élevé de parlementaires, mais ne satisfaisant pas à l'une des deux conditions que je viens de rappeler ne bénéficie d'aucune aide publique.
Faut-il mettre en cause ces différentes règles, faut-il les modifier, la question se pose, mais je me permets d'inciter la représentation nationale à la prudence en la matière, parce que je crois qu'il y a des discussions à mener avec les parlementaires de l'outre-mer, qui n'ont pas tous la même opinion sur ce sujet. Il me semble qu'une réflexion plus large s'impose, et c'est la raison pour laquelle j'émets un avis défavorable.
Le vote est réservé en application de l'article 96 du règlement.
(Le vote sur l'amendement n° 7 est réservé.)
M. le ministre me force à reprendre la parole, alors que je ne pensais plus le faire.
Je trouve limitée l'argumentation qui est opposée par le Gouvernement à la proposition de M. Juanico. Je trouve que les arguments ne sont pas dignes du niveau auquel M. Juanico a posé le problème dans son intervention. L'argumentation n'est pas non plus digne de l'effort fait par M. Juanico pour rencontrer les représentants de toutes les formations politiques, et trouver un consensus minimum que le Gouvernement et la majorité UMP ne semblent plus accepter aujourd'hui. Ce consensus minimum se retrouve d'ailleurs dans cet article 1er sur lequel je prends la parole.
Monsieur le ministre, en commission des lois, l'un des membres de l'UMP nous a renvoyés à M. Bérégovoy, décédé dans des conditions tragiques en 1993. Aujourd'hui, vous nous renvoyez à certains qui auraient été salariés de la famille Bettencourt, mais citez les noms ! Je pense que vous faites allusion au Président François Mitterrand, décédé en 1996, et qui a effectivement été salarié de la famille Bettencourt avant d'exercer des fonctions politiques.
Quelle indignité de recourir à de tels arguments alors que nous traitons ce type de problème ! Nous nous fichons ici de savoir qui a été salarié de qui. Nous nous fichons ici de savoir qui a été financé par Mme Bettencourt. Nous vous demandons simplement si vous êtes capable, avec nous et la majorité UMP, de réconcilier la morale et la politique.
Vous refusez de répondre à cela, et vous utilisez des arguties indignes de la part du Gouvernement. Je l'ai dit en réagissant tout à l'heure, je le répète à l'instant au micro.
Si je comprends bien ce que dit M. Roman, cela signifie que le simple fait que Mme Woerth se soit occupée de la fortune de Mme Bettencourt n'a strictement aucune espèce d'importance. Il est important que vous le disiez à la représentation nationale.
De plus, il n'y a aucune difficulté : vous nous trouverez toujours à vos côtés, de bonne humeur, pour évoquer la question des relations des politiques et de l'argent, et essayer d'instaurer, à chaque fois que cela est possible, un peu plus de transparence et de morale, si nécessaire. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Sur l'article 2, je suis saisi d'un amendement n° 1 .
La parole est à M. Régis Juanico.
Cet amendement propose de réécrire l'article 2 pour en préciser le sens. Il s'agit de lever toute ambiguïté en précisant que les cotisations versées en qualité d'adhérent entreront en compte pour apprécier le respect du plafond global annuel en ce qui concerne les dons de personnes physiques, que nous souhaitons fixer à 7 500 euros.
Le Gouvernement relève que s'il est nécessaire de réécrire cet article 2, c'est sans doute parce que, quelque part, il y a eu précédemment une légère précipitation dans son écriture. Je crois que le plus simple est de s'en tenir à ce que nous avons évoqué depuis ce matin, c'est-à-dire d'intégrer cela dans un texte et une discussion globale. Le Gouvernement émet un avis défavorable.
(Le vote sur l'amendement n° 1 est réservé, de même que le vote sur l'article 2.)
Monsieur le président, je n'aurais pas pris la parole après le rapporteur et M. Roman, qui ont développé d'excellents arguments, si n'avaient pas été cités les noms de Pierre Bérégovoy et de François Mitterrand. Mieux eût valu d'ailleurs ne pas entendre évoquer des arguments de cette nature pendant un débat qui était de qualité.
J'ai eu l'honneur de faire partie du gouvernement de Pierre Bérégovoy. Comme l'un de ses prédécesseurs et certains de ses successeurs, il a fait voter une loi de transparence avec Michel Sapin. Il n'a pas été aux affaires longtemps, mais il a tenu à s'atteler à ce travail salutaire.
Quant à François Mitterrand, que j'ai eu l'honneur de servir plus de quatorze ans, je voudrais dire amicalement à M. le ministre – que je respecte et avec lequel j'ai des affinités sportives –, que, bien avant d'être ministre puis Président de la République, il a été journaliste, salarié d'une revue que dirigeait M. François Dalle…
…un grand résistant. Mais, à cette époque, il n'était même pas parlementaire. Les allusions qui ont été faites étaient donc parfaitement déplacées.
Et, s'il s'agit de faire des comparaisons avec cet homme d'État qui a gouverné quatorze ans et a été réélu par le suffrage universel après son premier septennat, nous nous y livrerons bien volontiers dans les mois qui viennent. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
Cet amendement réécrit l'article 3. C'est la preuve, monsieur le ministre, que, loin d'avoir écrit ce texte dans la précipitation, nous avons souhaité qu'il évolue en confrontant nos arguments, comme c'est notre rôle, avec ceux de formations politiques et d'autres acteurs très concernés par le financement des partis, car nous ne prétendons pas détenir la vérité révélée.
Cet amendement désigne donc la commission de la transparence financière comme seule destinataire de la liste des plus généreux donateurs, au-dessus de 3 000 euros. Cette liste ne serait donc pas rendue publique comme nous le souhaitions lors du dépôt de la proposition.
J'ai indiqué ce matin que j'étais opposé au principe même de cette proposition. En modifier la rédaction, même sensiblement, n'y change rien. Je suis constant : avis défavorable.
(Le vote sur l'amendement n° 2 est réservé.)
(Le vote sur l'article 3 est réservé.)
Cet amendement vise également à simplifier et à améliorer les règles qui encadrent le financement des campagnes électorales. Comme l'a fait M. Warsmann dans sa proposition de loi, il reprend une recommandation du rapport Mazeaud. Il s'agit de créer un droit effectif à l'ouverture d'un compte de campagne, alors que certains établissements bancaires opposent parfois un refus injustifié à de telles demandes.
Cette disposition figure dans la proposition de loi de M. Warsmann et M. de La Verpillière. J'ai indiqué les conditions dans lesquelles le Gouvernement souhaite que la discussion s'engage à l'Assemblée. En l'état actuel, avis défavorable.
(Le vote sur l'amendement n° 6 est réservé.)
Il s'agit là encore d'une recommandation du rapport Mazeaud, également reprise par la proposition Warsmann. Cet amendement vise à simplifier les formalités relatives à la présentation des comptes de campagne pour les candidats ayant recueilli moins de 1 % des suffrages, tout en conservant le contrôle de la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques pour les candidats ayant bénéficié de dons de personnes physiques au regard de la réduction d'impôts. La Commission nationale des comptes de campagne a estimé qu'il y avait 2 400 comptes dans ce cas lors des dernières élections. Cette disposition allégerait sa charge de travail.
Même avis que pour l'amendement précédent.
(Le vote sur l'amendement n° 3 est réservé.)
Cet amendement vise à remédier au problème des candidats qui ne désignent pas de mandataire financier. Il apparaît en effet nécessaire d'imposer aux candidats de justifier d'une telle désignation au moment du dépôt de leur candidature.
C'est également une recommandation du rapport Mazeaud.
Je renvoie à la discussion de la proposition Warsmann-La Verpillière, à l'article 2.
Je voudrais demander à M. le ministre et à nos collègues de l'UMP s'ils ne sont pas un peu gênés par la façon dont le débat se déroule. On nous a présenté cette journée comme une journée de débats à l'initiative de l'opposition. En réalité, on l'a vu cent fois et cela se confirme encore aujourd'hui, ce n'est pas du tout le cas. On évoque des événements ayant eu lieu pratiquement avant notre naissance, on nous explique que tout cela est bien bon mais qu'il y aura mieux plus tard. Monsieur le ministre, n'a-t-on pas mieux à faire pour occuper la journée que d'écouter des arguments dilatoires ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
(Le vote sur l'amendement n° 5 est réservé.)
Cet amendement vise à développer une expression démocratique diversifiée en faisant bénéficier un plus grand nombre de formations politiques des dispositions de la loi sur la transparence de la vie financière. Il indique que, « pour les partis ou groupements politiques dont le total des produits ou le total du bilan ne dépasse pas 153 000 euros à la clôture de l'exercice précédent, les comptes peuvent être certifiés par un seul commissaire aux comptes ».
Sur l'amendement, avis défavorable.
Le Gouvernement s'adapte tout à fait à l'ordre du jour décidé par la conférence des présidents de l'Assemblée. Il a le plus grand respect pour les débats demandés et organisés par l'opposition dans le cadre de la réforme constitutionnelle de 2008. Chacun présente son point de vue comme il l'entend. Nous considérons, encore une fois, que, aujourd'hui, il n'est pas approprié de débattre d'un texte de circonstance.
(Le vote sur l'amendement n° 12 est réservé.)
La parole est à M. Henri de Raincourt, ministre chargé des relations avec le Parlement.
En application de l'article 44, alinéa 3, de la Constitution, le Gouvernement demande à l'Assemblée nationale de se prononcer par un seul vote sur les amendements, les articles et l'ensemble de la proposition de loi.
Nous avons achevé l'examen de la proposition de loi.
Je rappelle que la conférence des présidents a décidé que les explications de vote et le vote par scrutin public sur l'ensemble de la proposition de loi auront lieu le mardi 19 octobre après les questions au Gouvernement.
L'ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi organique de MM. Jean-Marc Ayrault, Jacques Valax, Christophe Caresche et les membres du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et apparentés, visant à interdire le cumul du mandat de parlementaire avec l'exercice d'une fonction exécutive locale (nos 2776, 2844).
La parole est à M. Jacques Valax, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République.
de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République. Monsieur le président, monsieur le ministre chargé des relations avec le Parlement, mes chers collègues, je déplore que l'assistance soit si peu fournie pour un sujet aussi intéressant.
Il m'arrive de plus en plus souvent de me demander si ma fonction et mon rôle de député servent vraiment à quelque chose. Il doit vous arriver aussi de vous poser cette question, tant notre institution semble céder le pas devant les oukases gouvernementaux ou la logorrhée législative dont elle est alternativement la victime. Jean-Jacques Urvoas n'évoquait-il pas très récemment « l'agonie de la démocratie parlementaire » ? La belle idée selon laquelle le Parlement est le lieu de l'expression du peuple est de moins en moins d'actualité : les Français – poussés en cela par des démagogues qui n'ont eu de cesse de leur répéter que les politiques ne servaient à rien – se résignent. Pour certains, le système parlementaire serait inefficace, pour d'autres il serait même inutile.
Pour sauver notre institution à laquelle, je le sais, chacun de vous est attaché, l'heure est venue de réagir. Réagir, c'est accepter de remettre en cause nos fonctionnements individuels quelque peu égoïstes, c'est accepter de faire passer l'institution, son fonctionnement, son avenir, avant nos préoccupations égocentriques.
Je cite le rapport du comité Balladur de 2007 : « Le renforcement du Parlement par le biais d'attributions nouvelles et de méthodes de travail mieux adaptées aux exigences de la démocratie n'a de sens que si les membres du Parlement sont mis en mesure d'exercer pleinement la mission que le peuple leur a confiée. »
En effet – et c'est une réalité que nul ici ne peut contester –, le cumul des mandats aggrave le déséquilibre entre les pouvoirs, au détriment du législatif, dans la mesure où il ne permet pas aux parlementaires d'exercer pleinement leurs fonctions législatives ou de contrôle.
Cette pratique inégale nourrit également la désaffection du citoyen pour la chose publique. La limitation du cumul des mandats correspond à une attente forte de nos concitoyens.
Certains m'opposeront que ce sont les citoyens qui choisissent un candidat et l'élisent. Mais, selon Le Figaro magazine qui, en 2007, a demandé aux Français de définir le maire idéal, 74 % d'entre eux souhaitent un élu qui se consacre entièrement à sa fonction municipale, contre 16 % seulement qui souhaitent que le candidat dispose déjà d'un mandat parlementaire.
La réalité est tout autre. Si les Français sont dans leur grande majorité favorables au mandat unique, le choix qui leur est proposé est réduit puisque, la plupart du temps, les candidats présentés par les partis sont en situation de cumul.
Après ces observations d'ordre général, je développerai mon propos en trois points.
D'abord, le cumul des mandats reste une exception française. Le cumul entre mandat parlementaire et mandat local apparaît aujourd'hui comme la règle et le mandat unique comme l'exception.
Ce cumul est particulièrement ancré dans notre culture politique et le taux du cumul a presque doublé sous la Ve République.
Par ailleurs, quelles que soient les différences entre les systèmes politiques des grandes démocraties comparables à la nôtre, aucune ne pratique le cumul des mandats à l'échelle de ce que l'on observe en France.
Enfin, le cumul des mandats a un dernier effet négatif : comme le souligne Guy Carcassonne, s'il n'est pas juridiquement interdit, il devient politiquement obligatoire. En effet, nous rappelle cet auteur, le cumul facilite, voire garantit, l'élection et la réélection. Il permet d'asseoir sa notoriété sur un territoire en bénéficiant des réseaux locaux et nationaux. Les moyens matériels mis à la disposition des élus locaux permettent de démultiplier l'action d'une permanence de circonscription.
Mais il y a mieux puisque, en cas d'échec électoral, le cumul permet de garantir la longévité politique en offrant une certaine sécurité financière.
À ce stade, je me permets de citer M. Bernard Accoyer, président de notre institution : « Le cumul entre fonction exécutive locale et mandat parlementaire ne peut plus perdurer. »
J'en viens à un deuxième point : la revalorisation de l'exercice du mandat parlementaire – car tel est le but poursuivi par ce texte.
Pour l'élu local qui exerce dans le même temps un mandat national, les contraintes sont nombreuses. Le parlementaire ne peut participer à toutes les réunions locales sans avoir à choisir entre l'exercice d'un mandat national et la délégation de ses pouvoirs à un autre élu ou à des fonctionnaires. Ainsi, le cumul n'offre aux Français que des élus pressés, surmenés, sollicités de toute part ; en un mot, des élus soumis à la dictature du temps. Pour faire face à la technicité sans cesse croissante des problèmes, et au raffinement toujours plus grand des règles de droit, il n'est plus raisonnable de prétendre assumer plusieurs mandats simultanément, voire plusieurs fonctions exécutives.
Pour faire face, les parlementaires qui cumulent leur mandat et une fonction exécutive ont deux solutions : négliger l'un de leurs mandats, souvent celui de parlementaire, ou s'en remettre à leur administration locale. Finalement, c'est souvent la technocratie qui l'emporte. Il nous appartient donc aujourd'hui de redonner tout son rôle à la parole politique.
Il paraît ainsi nécessaire que la présence des intéressés ne soit pas limitée par les impératifs liés à la gestion quotidienne d'une collectivité territoriale. Il est clair aussi que l'exercice d'une fonction exécutive locale a statistiquement une influence négative sur la production parlementaire.
La décentralisation a donné de nombreux pouvoirs aux collectivités territoriales. Il est aujourd'hui impossible de considérer que l'importance institutionnelle et les compétences exercées par les EPCI puissent laisser ces derniers en dehors du champ des incompatibilités avec le mandat parlementaire.
La participation citoyenne constitue un autre grand objectif de la décentralisation. Non seulement, le cumul des mandats et des fonctions n'a pas permis un appel d'air qui aurait favorisé le renouvellement de la classe politique, mais il s'est opposé à la réduction de la fracture civique séparant les élus des électeurs. Outre le fait que le système du cumul brouille la lisibilité du rôle de chaque catégorie de collectivité locale, il favorise la notabilisation de l'exercice du pouvoir local.
Dans le même temps, les situations de conflits d'intérêts entre l'exercice des différents mandats et fonctions se sont démultipliées.
Nous présentons une proposition de loi organique claire, précise et simple, qui, je l'espère, sera efficace.
Je veux ici rappeler quelques évolutions législatives. La loi organique du 30 décembre 1985 a introduit dans le code électoral un certain nombre de limitations. Une loi du 19 janvier 1995 a également fait valoir diverses observations complémentaires. La loi organique du 5 avril 2000 a posé de nouvelles limites.
Sachez-le, seul l'abandon de ce système permettra de retrouver, comme l'indique Guy Carcassonne, un cursus honorum légitime car fondé sur le passage d'un mandat à un autre et non sur l'accumulation de mandats qui empêche une nouvelle génération d'accéder aux affaires.
En un mot, l'adoption de cette proposition de loi organique constituerait une première réforme à compléter par d'autres débats politiques sur le thème du cumul avec des activités professionnelles, sur le problème du cumul dans le temps, sur le problème de la parité, sur le problème du cumul d'indemnités, et sur le problème du cumul des fonctions.
Aujourd'hui, il s'agit seulement et essentiellement d'ouvrir une brèche et de jeter les fondations d'un système parlementaire qui sera nécessairement plus fort, et meilleur.
Comme le dit Bernard Roman depuis très longtemps : « La limitation du cumul des mandats n'est certes pas la réponse, mais elle est une des premières réponses à apporter à la crise de la représentation politique. »
Il n'est tout de même pas le seul professeur de droit constitutionnel de France !
…« Cette loi constituerait un progrès, […] et tout progrès est bon à prendre. Ce progrès serait même décisif. »
Ne restons donc pas arc-boutés sur de vieilles habitudes : rejetons les sentiments d'autoprotection qui sont susceptibles de nous assaillir et qui seraient synonymes de faiblesse ; faisons preuve de courage et d'ouverture d'esprit.
Mes chers collègues, ne considérez pas cette proposition de loi comme une fin en soi ; elle est le début d'une démarche pour revaloriser le Parlement et moderniser la vie politique française. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
La parole est à M. Henri de Raincourt, ministre chargé des relations avec le Parlement.
Monsieur le président, monsieur le président de la commission des lois, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les députés…
…sur 577 députés, 264 exercent un mandat de maire, dix-huit la fonction de président de conseil général, et sept celle de président de conseil régional.
Sur 343 sénateurs, 117 exercent également le mandat de maire, trente celui de président de conseil général, et cinq celui de président de conseil régional.
Ces cumuls concernent tous les bancs des deux chambres, ce qui montre que la question transcende très largement l'engagement politique des uns ou des autres.
La possibilité, offerte par notre démocratie, de cumuler un mandat parlementaire et un mandat local, n'est pas un hasard et encore moins une anomalie.
Nous avons bien le droit d'avoir nos exceptions : nous ne sommes pas dans l'obligation de nous fondre dans un brouillard où nous risquerions de nous perdre.
Cette possibilité s'explique par notre tradition politique et par la volonté de nos concitoyens d'être représentés par des parlementaires proches d'eux, conscients de leurs problèmes et attentifs à leurs préoccupations – même si l'on constate, grâce aux enquêtes d'opinion, que nos concitoyens peuvent parfois exprimer des désirs contradictoires.
Les députés socialistes signataires de la proposition de loi organique que nous examinons aujourd'hui nous proposent un changement radical dans ce domaine.
Je voudrais rappeler que notre République a déjà consacré plusieurs lois à la question du cumul des mandats. Je pense aux lois organiques du 30 décembre 1985 et du 5 avril 2000, pour ce qui concerne le cumul d'un mandat parlementaire et d'un mandat local, ainsi qu'à la loi ordinaire du 5 avril 2000 relative au cumul des mandats locaux. Ces textes ont pu voir le jour parce qu'ils ont été débattus dans un esprit de responsabilité, en recherchant le plus large accord possible. Je ne suis pas certain que ce soit le cas aujourd'hui, et il me semble que c'est encore une fois la précipitation qui a guidé la plume des auteurs du quatrième texte du groupe SRC que nous examinons ce jeudi.
Parées des apparences du bon sens et de la vertu, les dispositions proposées ne marquent, en réalité, que peu ou pas de progrès pour la démocratisation de notre vie politique, et aucune amélioration pour le fonctionnement de l'Assemblée, et du Parlement en général.
Je voudrais rappeler l'émoi d'un certain nombre d'élus socialistes, et non des moindres, les réserves d'un ancien Premier ministre, les critiques très vives d'un président de groupe au Sénat et celles de sénateurs, maires de grandes villes, lorsque la première secrétaire du parti socialiste a proposé, en mai dernier, d'interdire aux candidats socialistes aux élections sénatoriales de 2011 de cumuler leur mandat national avec un mandat local.
Depuis ces premières annonces, je constate que nous n'avons enregistré aucune démission.
Je note que certains parlementaires siégeant dans cet hémicycle y exercent des responsabilités éminentes tout en occupant des fonctions qui ne le sont pas moins à la tête d'exécutifs locaux.
Mieux : puisque les rédacteurs de l'article 2 de la proposition de loi organique, pris de mansuétude, ont choisi de n'appliquer cette interdiction qu'aux parlementaires nouvellement élus à partir de 2011, le Gouvernement a la faiblesse de penser que certains des responsables d'exécutifs locaux socialistes seraient ravis de partir à la conquête de sièges sénatoriaux avec l'avantage que leur procurent leurs responsabilités locales, dont ils devraient, nous dit-on, démissionner sitôt élus ! On a du mal à le croire, car on nous a déjà souvent fait ce coup-là.
Je ne prends peut-être pas de hauteur, mais je sais au moins de quoi je parle : j'ai exercé un mandat parlementaire pendant un certain temps tout en ayant des fonctions exécutives locales.
J'ai entendu de nombreuses personnes venir nous offrir, la main sur le coeur, des perspectives nouvelles en la matière, mais, quand il s'agit de passer à l'acte, je vois bien qu'il y a, finalement, peu d'écart entre la réaction d'un élu de gauche et celle d'un élu de droite. Ce n'est pas ce qui s'est passé à la commission des lois, la semaine dernière, lors de l'examen de cette proposition de loi organique, qui invalidera mon opinion.
J'ai cru comprendre que, juste avant le vote, certaines des personnes éventuellement concernées ont été prises, comme par hasard, d'un impérieux besoin de se rendre à des rendez-vous antérieurement contractés.
Cette proposition de loi ne comporte aucune précision concernant les exécutifs locaux visés.
Qu'est-ce qu'une fonction exécutive au sein d'une collectivité territoriale ou d'un établissement public de coopération intercommunale, puisque ce dernier est mentionné à l'article 1er de la proposition de loi organique ? S'agissant des communes, se limite-t-on au maire ou vise-t-on aussi les adjoints et les titulaires de délégation ? Pour les régions et les départements, se borne-t-on aux présidents ou vise-t-on aussi les vice-présidents, les membres de la commission permanente titulaires d'une délégation ? Les mêmes questions se posent pour les EPCI. Par ailleurs, condamne-t-on les cumuls quelle que soit la taille des populations des communes ou des EPCI ?
La seconde imperfection est encore plus gênante, car elle a trait à une règle constitutionnelle évoquée par M. Manuel Valls lui-même devant la commission des lois. Il citait ainsi l'article 24 de la Constitution selon lequel le Sénat « assure la représentation des collectivités territoriales de la République ». Il faut bien reconnaître qu'accomplir cette mission sans connaître lesdites collectivités et sans y avoir siégé, cela peut éventuellement prêter à discussion.
En outre, ce texte pourrait s'appliquer dès 2011 : il s'agit d'une petite entorse à une tradition républicaine qui veut que l'on ne change pas substantiellement les règles du jeu moins d'un an avant les élections concernées.
On en reparlera !
Vous ne devriez pas vendre la peau de l'ours ; vous pourriez avoir quelques déceptions.
Présenter cette proposition de loi organique sur le cumul des mandats en même temps que les textes que nous avons examinés ce matin revient à assimiler le cumul des mandats à une forme d'atteinte à l'éthique, à une forme de conflit d'intérêts.
C'est assez choquant. Selon vous le cumul serait, en quelque sorte, une forme de péché contre la morale. Il s'agit d'une approche extrêmement réductrice que le Gouvernement ne saurait partager.
Nous estimons que l'intérêt général est moins bien défendu avec des élus coupés du terrain. Nous ne sommes pas des partisans de la promotion facile des apparatchiks, nous préférons le choix délibéré des électeurs.
Contrairement à ce que croient certains, nous pensons que l'interdiction du cumul n'aura qu'une influence restreinte sur l'absentéisme parlementaire. En effet, quels que soient les bancs sur lesquels siègent députés et sénateurs, nous savons tous combien les Français apprécient de les voir régulièrement sur le terrain.
Comme le Président de la République l'a déclaré à Saint-Dizier, le 20 octobre 2009, notre démocratie gagne à avoir des élus qui ont un mandat national et un mandat de terrain.
Mesdames et messieurs les députés, vous l'aurez compris, le Gouvernement vous invite à rejeter cette proposition de loi organique. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, il n'est pas un parlementaire qui n'ait publiquement déclaré qu'il était éminemment souhaitable d'ouvrir la classe politique à davantage de jeunes, de femmes, de salariés du privé ou de Français issus de la diversité. C'est également l'avis d'une large majorité de nos concitoyens, qui demandent la fin du cumul des mandats depuis plusieurs années. Les citoyens, constitutionnalistes et autres observateurs de la vie politique la préconisent d'autant plus que ce cumul constitue une véritable exception française.
S'agissant des militants, les membres du parti socialiste se sont prononcés, il y a un peu plus d'un an, à plus de 70 % pour une limitation drastique du cumul des mandats, et même les jeunes UMP la réclament sur leur site. Je ne résiste pas à l'envie de citer la section UMP de la fédération du Val-de-Marne, qui considère que « le cumul est un facteur de non-renouvellement de la classe politique,… »
…« une cause de conflit permanent » et qu'il y a « une opposition entre mandat local et mandat national, qui ne traitent pas les mêmes sujets, n'ont pas les mêmes objectifs et créent des représentants multicartes ».
Le temps n'est donc plus aux grandes déclarations et aux petits calculs, mais à l'action. Nous devons avoir le courage de nos valeurs. Comme la richesse, le pouvoir doit être partagé. Je le dis sans détours, la mise en oeuvre du non-cumul des mandats est une obligation pour tout parti qui, comme le PS – et d'autres, j'en suis sûre –, a pour valeurs fondatrices l'égalité et la liberté de tous les citoyens. En effet, il n'y a pas de véritable liberté pour ceux qui ne peuvent pas prendre activement part à la réflexion et à la décision politiques. Comment pourrions-nous militer depuis toujours pour que le savoir ne soit pas l'apanage d'une élite, pour que la richesse ne soit pas concentrée dans les mains de quelques-uns, pour que l'autorité au sein de la famille ne soit pas le seul fait du père, et accepter en même temps que le pouvoir politique soit la propriété monopolistique de quelques-uns ? Si l'on veut sincèrement, réellement, étendre la représentation politique, alors, c'est arithmétique, il faut en finir avec le cumul systématique des mandats, qui gangrène notre démocratie.
Le pouvoir politique est une responsabilité qui demande du temps. C'est dans cette perspective qu'il faut envisager la question du non-cumul des mandats. Car, enfin, qu'est-ce que la démocratie ? Un régime politique dans lequel, disait Claude Lefort, le pouvoir est un lieu vide. En démocratie, aucun homme ne fait corps avec le pouvoir. Les hommes politiques ne sont pas le pouvoir, ils ne l'ont pas non plus : ils l'exercent. Un mandat n'est pas une charge ; c'est un exercice, une tâche que l'on doit accomplir au jour le jour de la manière la plus consciencieuse possible. Or, chacun sait que, pour bien faire un travail que l'on a sollicité et qui nous a été confié, il faut d'abord le faire soi-même et non le faire faire.
Le travail de parlementaire est ainsi un travail à plein-temps, qui demande une disponibilité intellectuelle et personnelle, que ce soit sur le terrain, où l'on confronte nos réflexions avec la réalité, ou au Parlement. Exercer un pouvoir politique, ce n'est pas simplement prendre des décisions préparées par d'autres, conseillers de toutes sortes ; c'est prendre le temps de s'informer, prendre le temps de la réflexion et, quand la décision a été prise, prendre encore le temps d'en rendre compte et de l'expliquer. Tous ces temps demandent du temps, et le temps n'est pas extensible. Parce que chaque mandat, quel qu'il soit, exige le respect de tous ces temps, le cumul des mandats ne peut être que l'ennemi d'un bon exercice de la responsabilité politique. Ma conviction est que l'action politique, trop souvent décriée par nos concitoyens, a tout à gagner à la limitation du cumul des mandats.
Mais il y a plus important encore, monsieur le ministre, même si vous avez balayé cet argument d'un revers de la main : lorsqu'il y a cumul des mandats, surgissent inévitablement des conflits d'intérêts. Un parlementaire est là pour légiférer, ce qui nécessite de toujours se placer du point de vue de l'intérêt général. Or, nul ne contestera qu'un député-maire, ici – je ne citerai pas de noms –, un sénateur président de région, là, auront toujours en tête, dans leur rôle de législateur, une grille de lecture qui les conduira à faire la loi l'oeil rivé sur l'intérêt particulier de leurs territoires.
Une circonscription, ce n'est pas un fief dont le député aurait la charge de défendre les intérêts particuliers, c'est un territoire où se reflètent l'ensemble des dimensions de la nation, une petite France en quelque sorte, au contact de laquelle il peut appréhender concrètement les problèmes des Français. L'ancrage dans un territoire, c'est ce qui évite à un parlementaire de porter un regard abstrait, distant, sur les problèmes des Français, mais, en cas de cumul des mandats, cet ancrage menace toujours de lui faire appréhender les problèmes de façon partielle, voire partiale.
Enfin, le cumul des mandats entraîne une captation des pouvoirs par quelques-uns, qui entravent toute diversité et freinent toute ouverture. Les barrières à l'entrée de la carrière politique sont un bon indicateur de la démocratie. Or, avec le cumul des mandats, elles peuvent être infranchissables et interdire l'entrée aux nouvelles générations et aux nouvelles idées. Elles maintiennent ainsi la classe politique dirigeante dans un microcosme beaucoup trop fermé.
Parce que des élus plus nombreux seront plus représentatifs, parce que des élus plus disponibles seront plus responsables, parce que des élus recentrés sur leur fonction propre seront plus justes et plus efficaces, le non-cumul des mandats constitue un progrès démocratique majeur. Il ne s'agit pas d'une option stratégique, mais d'une exigence, peut-être morale, en tout cas politique. « Le courage, disait Jankélévitch, ne consiste pas à savoir saisir les occasions » – il suffit pour cela d'être malin ou opportuniste –, « il consiste plutôt à créer les occasions. » C'est ce que nous faisons aujourd'hui.
Alors, sans plus attendre, ayons le courage de nos valeurs, de l'intérêt général, et mettons en application le non-cumul des mandats en adoptant cette proposition de loi dont les socialistes tentent de débattre aujourd'hui. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, je remercie mes collègues du groupe SRC d'avoir pris l'excellente initiative de déposer une proposition de loi interdisant le cumul d'un mandat parlementaire avec l'exercice d'une fonction exécutive locale. Ils nous offrent ainsi une belle occasion de permettre aux Françaises et aux Français de retrouver confiance dans la classe politique. L'interdiction du cumul des mandats est en effet une demande forte de nos concitoyens, qui veulent en finir avec la confiscation du pouvoir par des élus de plus en plus éloignés de leurs préoccupations quotidiennes.
Selon un classement réalisé par Le Monde l'année dernière, 87 % des membres de notre assemblée ont au moins un mandat supplémentaire, que ce soit celui de président de région ou de simple conseiller municipal, et 24 % d'entre eux cumulent trois fonctions électives. C'est trop, j'espère que vous en conviendrez. La fonction de parlementaire demande beaucoup de temps et un engagement total pour assumer correctement les responsabilités qu'elle entraîne. C'est pourquoi il faut s'y consacrer à plein-temps.
Certains d'entre nous, trop peu nombreux il est vrai, ont mis en conformité leurs actes avec leurs principes. Bravo à eux ! Contrairement à ce que M. le ministre vient de nous dire, je ne crois pas qu'ils soient coupés du terrain, moins proches de nos concitoyens ou moins à l'écoute de leurs préoccupations, au contraire. Si j'en crois ma brève expérience de députée, de nombreuses rencontres avec nos concitoyens sont la base d'un travail législatif efficace et, aujourd'hui, je me félicite d'avoir abandonné mon mandat d'élue régionale. Certes, il me permettait d'accomplir un travail utile, auquel il ne m'a pas été facile de renoncer. Mais, en toute franchise, je ne vois pas comment deux fonctions d'une telle importance peuvent être compatibles, ne serait-ce qu'en termes d'emploi du temps. Nous avons été élus pour abandonner le pouvoir à l'administration !
Aux 371 d'entre nous qui cumulent un mandat parlementaire avec un poste d'exécutif local et aux 91 qui le cumulent avec deux fonctions exécutives locales, je dis qu'il n'est pas besoin d'attendre la promulgation de la loi pour laisser entrer 463 nouveaux élus dans les exécutifs régionaux, départementaux et municipaux. Dès demain, ils pourraient se consacrer entièrement à leur mandat de député.
Le non-cumul des mandats permettrait un accès plus facile à un mandat d'élu, indépendamment de l'âge, du sexe, de l'origine sociale ou culturelle. Plus de diversité : voilà un objectif important, qui participe de l'amélioration de la démocratie. Cette proposition de loi pourrait y contribuer, en permettant notamment de faire plus de place aux femmes. Notre assemblée, qui ne compte que 111 femmes sur 577 députés, est en effet loin d'être exemplaire en matière de parité. Elle ne l'est pas davantage en matière de représentation des générations – avec 101 députés de moins de cinquante ans, de réels efforts sont nécessaires pour rajeunir notre assemblée – ou des différentes catégories socioprofessionnelles. Les plus représentées sont en effet les cadres supérieurs du secteur privé, les fonctionnaires des grands corps de l'État ou de catégorie A, les avocats et les médecins. Une seule fonctionnaire de catégorie C et un seul ouvrier siègent parmi nous ! Décidément, cette proposition de loi est bienvenue, et vous ne pourrez pas dire qu'elle est de circonstance.
Elle aurait pu aller plus loin, mais c'est un pas, un pas important. Elle pourrait notamment être complétée par une limitation du nombre des mandats dans le temps. Permettez-moi de citer un exemple de longévité : l'un de nos collègues, élu pour la première fois en 1967, est toujours parmi nous, pour effectuer son dixième mandat.
Il a une très bonne santé !
Nul doute que son expérience pourrait servir à un nouvel élu.
Par ailleurs, un véritable statut de l'élu permettrait d'envisager plus sereinement les reconversions professionnelles et il nous semble indispensable d'instiller une dose de proportionnelle dans toutes les élections. Comme vous le savez, lors des élections législatives de 1997, les Verts français, qui avaient recueilli 7 % des suffrages, n'ont eu que sept députés, alors que, avec un score identique, les Verts allemands ont obtenu, l'année suivante, quarante-sept élus. Il faut donc aller plus loin pour permettre une meilleure représentativité démocratique.
En tout état de cause, rejeter ce texte, ce serait refuser d'entendre la demande citoyenne. L'adopter, ce serait dynamiser l'Assemblée, en permettant à chacun d'entre nous de s'investir pleinement dans son mandat de député, en limitant l'absentéisme et la délégation des prises de décision. Encore une fois, cette proposition de loi organique est un premier pas. Droite et gauche pourraient la voter dans un bel élan de démocratie. En tout cas, les écologistes lui apporteront sans réserve leurs suffrages. (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et SRC.)
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je suis très heureux de ce débat. Certes, le temps nous est compté, mais, durant les quelques minutes qui nous sont imparties, nous allons pouvoir dire des choses qui, si elles ne font pas forcément plaisir, vont nous permettre d'aller au-delà des affirmations gratuites.
La première chose que l'on constate à la lecture du rapport de notre collègue Jacques Valax, c'est que cette proposition de loi organique est partielle et partiale. Partielle, parce qu'elle n'aborde pas toutes les questions que pose l'exercice du mandat parlementaire. Partiale, parce qu'elle se contente de fustiger, en utilisant un vocabulaire ad hoc. Ainsi, au lieu de parler de l'exercice des mandats électifs et d'évoquer la question de la complémentarité éventuelle entre les mandats nationaux et locaux, on préfère utiliser le terme de « cumul » qui, bien évidemment, est censé traduire d'une manière plus forte, plus véhémente, ce que l'on dit être l'opinion de nos concitoyens.
Je suis également frappé par les références – peut-être devrais-je dire la référence – figurant dans ce document. À l'emplacement de la liste des personnes entendues par le rapporteur, qu'il est d'usage de trouver dans le rapport d'un texte législatif, on ne trouve le nom que d'une seule personne – certes éminente, reconnue, appréciée et fort sympathique –, je veux parler de Guy Carcassonne. Le professeur Carcassonne serait donc le seul constitutionnaliste référent de notre pays !
Effectivement, c'est bizarre !
Je le dis tout net : pour ma part, je ne pense pas que Guy Carcassonne, pour qui j'ai la plus grande estime, le plus grand respect, et avec qui je dialogue régulièrement sur l'exercice des fonctions parlementaires et locales, soit le seul à pouvoir donner un avis définitif et impératif sur ces sujets. Il y a tout de même d'autres constitutionnalistes en France…
…et il n'y a donc aucune raison pour que nous n'entendions que la voix du constitutionnaliste patenté du parti socialiste ! Je tenais à le dire parce que « M. Carcassonne par-ci, M. Carcassonne par-là », cela commence à faire beaucoup – tout comme « M. Balladur par-ci, M. Balladur par-là », d'ailleurs ! M. Balladur, vous lui tapez joyeusement sur la tête la plupart du temps, mais ça ne vous empêche pas de le citer sans vergogne quand ça vous arrange !
Partielle et partiale, cette proposition de loi organique relève en outre d'une réalité que je vais décrire d'une façon imagée : c'est vraiment « hypocrisie à tous les étages », car le rapporteur se garde bien de répéter à la tribune ce qu'il a écrit dans son rapport ! Ainsi, à l'entendre, l'opinion serait vent debout contre ces cumulards patentés qui dénatureraient la démocratie, alors qu'il reconnaît, dans son rapport, qu'une courte majorité seulement des Français – 44 % contre 42 % – préférerait que les parlementaires n'exercent qu'une fonction.
Par ailleurs, lorsqu'un peu plus de 70 % des Français disent vouloir un maire à temps complet, cela signifie-t-il qu'ils voudraient que le maire de leur commune, non seulement ne cumule pas cette fonction avec celle d'un mandat parlementaire, mais cesse également toute activité professionnelle pour se consacrer exclusivement aux affaires de la commune ? Quand certains affirment qu'un maire parlementaire n'est en fait ni l'un ni l'autre, et qu'une telle situation illustre la dictature de l'administration, je salue le respect dont il est ainsi fait preuve à l'égard des maires adjoints, des vice-présidents, des conseillers délégués de toutes les assemblées que nous présidons et qui, me semble-t-il, exercent à leur niveau, avec la conscience et la qualité que l'on sait, des fonctions exécutives au nom de la commune, de la même manière que le ferait le maire ou le président d'une assemblée départementale ou régionale.
La question est plus vaste et plus complexe que certains ne veulent nous le faire croire, et doit probablement être présentée sous une forme plus neutre, plus paisible, plus ouverte. J'aspire pour ma part à un vrai débat sur la question de la complémentarité des mandats, et vous donnerai deux exemples, portant sur deux lois importantes que nous avons votées l'an passé, justifiant que l'on présente plutôt les choses de cette manière. Premièrement, lors des débats sur la réforme de la fiscalité locale, tout le travail effectué par l'Assemblée nationale et le Sénat, visant à défendre les intérêts des collectivités locales, aurait-il été de la même qualité si, dans les deux assemblées, des parlementaires aguerris à l'exercice des responsabilités locales n'avaient apporté leur contribution essentielle ? Aurait-on, sans leur concours, trouvé des solutions à des questions aussi importantes que celle, par exemple, du remplacement de la taxe professionnelle ?
Deuxièmement, lors de l'examen du projet de réforme territoriale, aurions-nous été si avisés, si compétents et si capables de défendre nos points de vue respectifs, si nombre d'entre nous n'avaient pas exercé des responsabilités au niveau de plusieurs instances locales, étant de ce fait à même de juger de l'opportunité de la réforme, de la pertinence de son contenu et des modifications à lui apporter ?
Mes chers collègues, avec cette proposition de loi, nous ne faisons qu'approcher la question – qui plus est en des termes trop politiciens. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Ne vous y trompez pas : l'opinion publique a d'autres préoccupations que celle de vous voir mettre fin à ce que vous appelez le cumul, au motif que cela permettrait à nos deux assemblées de mieux travailler ! Quoi qu'on en dise, plusieurs classements montrent que, parmi les parlementaires les plus assidus, les plus actifs au service de la nation, on trouve autant, si ce n'est plus, de parlementaires exerçant également une fonction locale que de parlementaires n'en exerçant pas – de même que, parmi les parlementaires les moins actifs, on trouve bon nombre d'élus qui ne sont que parlementaires. Cela s'explique fort bien : ceux de nos collègues qui n'exercent pas de fonctions locales sont tout de même bien obligés de rester au contact de la population qu'ils n'administrent pas dans le cadre d'une collectivité locale, et cela prend du temps.
Ne mentez pas à nos concitoyens en affirmant que si les députés et les sénateurs n'exercent pas d'autre mandat, ils siégeront continuellement au sein de leur assemblée. Mais dites-leur, en revanche, que, moins attachés au terrain, moins issus de la réalité de notre démocratie vivante, de cette République de la proximité, ils seront probablement plus attachés aux partis politiques qu'ils ne le sont aujourd'hui.
Voulez-vous revenir au gouvernement de la France par les partis, ou préférez-vous laisser les électeurs choisir leurs représentants ? Pour ma part, je suis favorable à une poursuite de la réflexion, les décisions à prendre ayant vocation à compléter le dispositif de limitation de l'exercice de plusieurs mandats. Si nous voulions le faire ensemble sans démagogie et avec pragmatisme, nous pourrions y arriver. Mais de grâce, ne désignez pas à la vindicte publique l'exercice par les parlementaires de plusieurs mandats, dont des mandats exécutifs locaux, car, ce faisant, vous sciez la branche sur laquelle nous sommes installés – et quand je dis « nous », je veux parler du peuple, au travers de ses représentants !
Pour conclure, je donnerai deux exemples de cette hypocrisie que je dénonçais au début de mon intervention. Madame Poursinoff, deux des parlementaires Verts sont, l'un, député-maire et, l'autre, sénatrice-maire : envisagent-ils de suivre l'exemple que vous leur avez suggéré tout à l'heure ? Je ne le pense pas. Par ailleurs, en commission, il fallait voir les députés socialistes qui, après avoir péroré à qui mieux mieux pour dénoncer le honteux cumul des mandats, s'éclipsaient tous les uns après les autres pour être certains que la proposition de loi ne serait pas votée !
Ce texte, c'est une illusion entourée d'hypocrisie. Pour notre part, nous ne participerons pas au bal des faux nez ! (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)
Ce n'est pas le terme que vous avez employé tout à l'heure ! Un peu de courage !
Nous refuserons donc ce texte de circonstance que vous auriez pu voter entre 1997 et 2002, mais que vous avez bien veillé à ne pas aborder. La majorité sait très bien à quoi s'en tenir : elle sait que, en réalité, vous ne voulez pas de ce texte, et elle va vous rendre service en refusant de le voter ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, avant d'aborder le fond de mon propos, je voudrais faire deux remarques.
Premièrement, le cumul des mandats n'est pas un problème partisan : il y a des cumulards dans tous les partis, et dans des proportions qui varient selon les époques.
Deuxièmement, c'est bien évidemment une mission impossible que de demander à une assemblée dont 85 % des membres cumulent de mettre fin au cumul des mandats.
Les arguments que j'ai entendus, qu'ils soient pour ou contre le cumul, sont des poncifs pour toute personne, a fortiori pour tout élu, s'intéressant à la question : on ne fait que ressasser régulièrement les mêmes arguments dans un sens ou dans l'autre, et je ne porterai pas de jugement sur ce point. Vous allez vous demander, j'imagine, pourquoi j'ai pris la parole.
Pour moi, il faut renverser la perspective et, à défaut de pouvoir s'attaquer au cumul des mandats, il faut s'attaquer au cumul des indemnités, qui est sa conséquence de fait. (« C'est fait ! » sur les bancs du groupe UMP.) Ainsi, un parlementaire qui cumule peut percevoir une indemnité mensuelle atteignant 9 700 euros – c'est-à-dire une fois et demie l'indemnité parlementaire de base, plus l'indemnité de fonction. Je constate d'ailleurs que ce plafond de 9 700 euros mensuels est atteint de plus en plus souvent par les parlementaires depuis que l'intercommunalité a été mise en oeuvre et que les présidents et les vice-présidents d'intercommunalité perçoivent des indemnités très confortables, pour ne pas dire royales, dont le montant est fixé par décret – sans doute pour faciliter l'intercommunalité.
C'est un fait, il suffit de consulter les listes pour le constater, le nombre de parlementaires atteignant le plafond de 9 700 euros ne cesse d'augmenter. Personnellement, ce chiffre me choque. L'indemnité parlementaire que nous percevons tous est comprise entre 5 500 et 5 900 euros net par mois selon l'ancienneté, ce qui n'est pas considérable si l'on se réfère aux indemnités perçues par les membres des cabinets ministériels, mais très convenable par rapport au salaire moyen des Français. Lorsqu'on perçoit une indemnité convenable, pourquoi voudrait-on encore l'augmenter ?
Comme chacun le sait, je suis opposé au cumul des mandats. Cela étant, j'ai écouté les arguments de chacun, et je reconnais bien volontiers qu'il y a certains avantages à cumuler les mandats. Mais qui, parmi vous, peut me dire quel est l'avantage justifiant le cumul des indemnités ? Ce matin, j'ai interrogé le ministre au sujet du cumul des indemnités pour les membres du Gouvernement, et il n'a pas su me dire ce qui pouvait justifier ce cumul. Après tout, ceux qui veulent cumuler les mandats peuvent le faire, mais à quel titre cumulent-ils les indemnités ? Que je sache, une heure pour un cumulard est aussi une heure pour un non-cumulard. Le député qui n'a pas de mandat local a un rythme d'activité de l'ordre de soixante-dix à quatre-vingts heures par semaine, c'est-à-dire autant que les cumulards, pour la bonne raison que l'on ne peut augmenter le nombre d'heures dans une semaine – la seule différence, c'est qu'ils ne font pas la même chose durant leur semaine de travail.
Voilà donc pourquoi je vous fais cette suggestion, qui pourrait d'ailleurs modifier un peu les données du problème.
Certains parlementaires cumulards souhaiteraient, au fond d'eux-mêmes, ne plus cumuler, mais ils sont aujourd'hui politiquement obligés de le faire, comme le dit M. Carcassonne : aussi longtemps que la loi ne l'interdit pas, le cumul est politiquement souhaitable et nécessaire. Ceux-là se disent : « Je cumule parce que c'est comme ça, mais enfin on pourrait ne pas cumuler. »
Eh bien, j'invite ces parlementaires, qu'ils soient de droite ou de gauche, à renoncer solennellement à leurs indemnités locales. Cela mettra fin aux hypocrisies, mais surtout cela montrera aux Français que, lorsqu'ils cumulent, ils ne le font pas pour un intérêt matériel, ce que trop souvent l'on nous reproche. C'est justement en montrant à tous les Français que c'est l'intérêt général, et uniquement celui-là, qui guide les parlementaires qui cumulent, que pourra avoir lieu un début de réconciliation entre nos concitoyens et leurs élites politiques.
J'ajoute que, dans une période où les Français éprouvent un certain nombre de difficultés et où l'on demande des sacrifices à tout le monde, les cumulards devraient être capables de montrer l'exemple.
Pour terminer, je ne citerai pas Charles Péguy,…
…mais je dirai, m'inspirant de Caton l'Ancien : cumulatio delenda est ! (Rires. – Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
La parole est à M. Patrice Calméjane. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe UMP.)
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je n'ai pas tout à fait compris les calculs de M. Dosière. Il faudra qu'il nous redonne quelques éléments car je n'arrive pas au même total,…
…mais nous y reviendrons peut-être à l'occasion d'une autre séance.
Avant d'entrer dans le coeur de mon propos, je voudrais simplement dire que, au niveau de ma collectivité, l'écrêtement du fait du cumul m'a permis d'indemniser l'ensemble de mes conseillers municipaux, notamment ceux de l'opposition. Vous voyez donc qu'il y en a parfois, même à droite, qui vont encore plus loin que vous dans la démonstration que vous avez essayé de faire ! Sur ce point, la droite n'a donc pas de leçon à recevoir.
Mais revenons-en à la question. Alors que des sujets très importants sont actuellement en cours de discussion dans nos assemblées – l'avenir des retraites au Sénat et ici le budget pour 2011 – vous agitez un chiffon rouge populiste visant à interdire le cumul des mandats des parlementaires avec l'exercice d'une fonction exécutive locale.
Les chiffres qui figurent dans l'exposé des motifs de votre proposition de loi, aux pages 6 et 7, illustrent la part des députés concernés selon le groupe politique. Il y en a, pour le groupe GDR, dix-sept sur vingt-six, soit 65 % ; pour le groupe Nouveau Centre, vingt-huit sur vingt-cinq, soit 112 % (Rires.) – désolé, mais c'est ainsi : il y en a qui explosent les scores ! – ; pour les non-inscrits, six sur huit, soit 75 % ; pour le groupe UMP, 251 sur 314 soit 68 % ; pour le groupe SRC, 161 sur 204, soit 79 %.
Conclusion notable de cette démonstration : si l'on considère les groupes les plus importants de notre assemblée, vous êtes, chers collègues socialistes, les plus en situation de cumul !
Néanmoins, le cumul n'est nullement un cercle vicieux. Au contraire, il s'agit plutôt d'un cercle vertueux. Le fait de passer régulièrement devant une partie du corps électoral impose des objectifs et des règles.
Vous souhaitez revaloriser l'exercice du mandat parlementaire ; mais qui sont les parlementaires le plus souvent absents des commissions ou de la séance ? Ce sont vos amis !
Encore hier, en commission de la défense, j'ai pu voir un de vos collègues, ancien Premier ministre, qui a signé le registre mais n'a même pas pris la peine d'entrer dans la salle !
Réglez d'abord vos problèmes entre vous. Une loi n'est absolument pas nécessaire pour régler les problèmes internes du PS. Si vos élus sont dans l'incapacité de s'organiser, cela demeure leur problème.
Par ailleurs, nombre de personnes, notamment celles citées dans l'exposé des motifs de votre proposition – je pense au fameux M. Carcassonne –, en raison de leur profession et de leurs qualités, cumulent les fonctions et les activités.
N'est-ce pas, à l'inverse, une chance de pouvoir faire partager des expériences de terrain, des expériences concrètes, dans la création législative ?
Vous convenez vous-mêmes que votre réflexion est incomplète, notamment sur la question du statut des élus et des différences qui demeurent entre ceux qui sont originaires de l'administration et ceux qui viennent du secteur privé.
Il y a aussi des choses qui choquent un peu dans votre rapport, par exemple votre idée d'intégrer dans un corps de la catégorie A tout parlementaire ayant exercé un mandat. Pour moi, cela s'appelle un parachute doré !
Si tout élu a la garantie d'un emploi à vie en cas d'échec, comment garantir sa motivation et son obligation de rendre compte à ses électeurs ?
Avant d'ajouter une nouvelle loi sur le cumul des mandats, il serait peut-être bon d'appliquer en premier lieu les textes en vigueur. Par exemple, dans un arrêt du Conseil d'État en date du 4 avril 1997, il est rappelé qu'aucun membre du conseil d'administration d'une institution interdépartementale n'a le pouvoir d'accorder à ses membres des indemnités, alors qu'un certain nombre de syndicats interdépartementaux présidés par la gauche, notamment en Île-de-France, versent des indemnités à leurs membres !
Autre paradoxe : vous voulez édicter un régime applicable à nos collègues sénateurs. Je serais curieux d'avoir leur avis, alors que vos amis du PS au Sénat sont aussi en situation de cumul !
Pour conclure, dans votre proposition de loi, vous écrivez : « Cette initiative a vocation à mettre chacun devant ses responsabilités. » Effectivement, dans l'exercice de notre mandat, chacun doit être responsable de ses actes ; il convient à chacun de limiter le cumul au niveau d'un mandat exécutif, en fonction de ses possibilités et si nécessaire, car nous savons tous ici que, même si nous avons tous le même titre de député, la charge de travail, l'investissement et les temps de trajet pour nous rendre dans nos circonscriptions sont extrêmement variables. Je voterai donc contre cette proposition. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)
La parole est à Mme Danièle Hoffman-Rispal. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC.)
Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, permettez-moi de débuter mon intervention par une question. Savez-vous comment nos amis anglophones traduisent l'expression « cumul des mandats » ? Eh bien, ils ne la traduisent pas !
Et comment traduisent-ils « aide sociale » ? Ils ne traduisent pas non plus car ils ne connaissent pas !
Je n'ai pas l'occasion de réviser mon anglais aussi souvent que je le souhaiterais. Aussi ai-je dû faire quelques recherches. L'honnêteté me pousse à signaler l'utilisation du gallicisme « accumulation of mandates » – excusez mon accent – dans un article du New York Times de 2008, que je tiens à votre disposition ; il est assez passionnant.
Cette spécificité constitue-t-elle une illustration du génie français ? J'en doute. Cette exception française n'a pas seulement des conséquences positives sur la vie parlementaire. Certains m'accuseront sans doute de parisianisme – je l'entends souvent –, mais je n'arrive pas à comprendre pourquoi nos travaux sont toujours regroupés sur deux jours par semaine, les mardis et les mercredis.
Les jeudis aussi, de temps en temps, mais on voit combien sont présents !
On nous avait promis que notre agenda serait moins concentré avec la réforme du règlement. Si quelques faibles progrès ont été accomplis, il suffit de compter le nombre de réunions programmées de manière simultanée – j'ai bien dit : simultanée – les mardis et mercredis pour constater que tout est encore loin d'être parfait.
Je crois que le cumul n'est pas étranger à cette anomalie.
Ne voyez pas dans mes propos une tentation populiste à l'encontre de ceux que l'on nomme hâtivement les « cumulards ». Nombre de députés cumulant leurs fonctions avec la responsabilité d'un exécutif local figurent parmi les membres les plus émérites de notre assemblée.
Est-ce une raison pour refuser de mettre fin au phénomène du cumul, ce qui nous permettrait de nous conformer aux usages en vigueur dans les autres démocraties occidentales et surtout de répondre aux aspirations de nos concitoyens ?
Quels que soient les débats – sur les retraites comme lors du débat sur l'immigration –, nous avons entendu, sur les bancs de la majorité, de nombreux exemples pris dans les pays européens. Pourquoi devrions-nous donc, sur cette question-là, être la lanterne rouge de l'Europe ? Vous voyagez comme moi en Europe ; vous savez bien que, quand on dit à l'étranger que l'on cumule les mandats, on ouvre des yeux ébahis, parce que nous sommes les derniers à le faire ! Puisque vous parlez sans cesse de l'Europe, continuons et faisons comme nos collègues des autres pays.
Je le dis d'autant plus facilement que, dans une vie pas si lointaine, j'ai cumulé mon mandat parlementaire avec un poste de responsabilité important à la mairie de Paris, en tant qu'adjointe au maire en charge d'une grosse délégation. Je reconnais – et c'est peut-être cette expérience qui me donne envie de soutenir ce texte – que, depuis que j'ai mis fin à ce cumul, je dispose de davantage de temps pour m'investir dans la vie parlementaire. Je pense notamment aux missions d'information. Il y en a beaucoup, or, quand on a envie de s'y donner à fond, cela demande un peu plus de disponibilité. Avant, je n'avais pas le temps.
Je sais que certains trouvent cette proposition de loi trop simple. Ils regrettent par exemple que rien ne soit prévu pour le statut de l'élu. J'ai envie de leur répondre qu'ils auraient pu amender le texte plutôt que d'utiliser à chaque fois le vote bloqué, qui ne permet pas d'avoir un bon débat.
La question du statut de l'élu est pour moi très importante. J'ai envie, comme l'a dit l'un d'entre vous avant moi, que cette assemblée soit ouverte à tous, qu'elle soit une assemblée citoyenne accueillant ceux qui ont envie de prendre des responsabilités politiques, y compris en venant, comme c'est mon cas, d'entreprises de moins de cinquante salariés. Il faut bien sûr une loi sur le cumul pour faire un peu de place aux plus jeunes et aux femmes, mais il faudra en même temps, ou par la suite, une loi sur le statut de l'élu.
J'ai entendu, monsieur Calméjane, monsieur Geoffroy, que vous craigniez que les députés perdent le lien avec le terrain. Mais vous savez qu'il y a déjà de très bons députés, sur tous les bancs, qui se consacrent exclusivement à leur mandat parlementaire.
Je ne vais pas les citer, mais ils démontrent que vos craintes ne sont pas fondées.
Certes, monsieur Geoffroy, mais il y a, à cet égard, une attente de nos concitoyens, à laquelle nous essayons de répondre. Je vous l'ai dit : nous sommes le dernier pays européen…
L'exception, c'est bien pour la retraite ! M. Geoffroy est donc pour la retraite à 60 ans ! (Sourires.)
Il est vrai que nous aimerions que cette proposition de loi s'applique aussi au Sénat.
L'excellent rapport de M. Valax nous apprend en effet que quatre-vingt-dix-sept sénateurs n'exercent aucun mandat local, alors que, dans notre assemblée, seuls quatre-vingt-dix députés sont dans la même situation. Dois-je rappeler qu'il y a pourtant davantage de députés que de sénateurs et que la Chambre Haute fait aussi un énorme effort en termes de parité ?
Pour terminer, je tiens à préciser que j'exerce un mandat de conseillère municipale dans le onzième arrondissement de Paris. Pour autant, et pour les raisons que je viens d'indiquer, je suis totalement favorable à cette proposition de loi qui me semble être le seul moyen de briser le cercle vicieux du cumul des mandats. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
La parole est à M. Michel Diefenbacher. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission des lois, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, une fois encore nous sommes saisis d'une vraie question, et une fois encore la réponse que nous propose le groupe socialiste n'est pas la bonne.
C'est une vraie question, parce que les fonctions électives que nous exerçons les uns et les autres sont de plus en plus chronophages. Cela vaut pour le mandat parlementaire, mais aussi pour les mandats exécutifs locaux.
C'est une vraie question, parce que les fonctions électives exigent, à Paris comme en province, de plus en plus de professionnalisme. L'avenir n'est pas aux élus débonnaires : de plus en plus, dans ces fonctions comme ailleurs, c'est la compétence professionnelle qui fera la différence. Si elle fait défaut, chacun sait que c'est alors l'administration qui commande et c'est donc la démocratie qui est malade.
C'est une vraie question, enfin, parce que nos fonctions sont de plus en plus exigeantes. Le public demande de plus en plus de proximité, de disponibilité et d'immédiateté. N'oublions pas en outre que toutes les décisions que nous prenons nous exposent de plus en plus souvent à des risques de contentieux.
Nous sommes donc en face d'une vraie question et il n'est pas surprenant que les partisans comme les adversaires du cumul des mandats se trouvent assez équitablement répartis sur les bancs de gauche et de droite de notre assemblée. C'est d'ailleurs un point sur lequel je partage entièrement le point de vue exprimé tout à l'heure par René Dosière.
Cela étant, la réponse que l'on nous propose n'est pas une bonne réponse et cela pour trois raisons.
Premièrement, la question du cumul des mandats ne concerne pas seulement les parlementaires ; elle concerne également les élus locaux.
Je souhaite m'arrêter sur un argument très fréquemment avancé par nos collègues socialistes, à savoir le conflit d'intérêt. Personnellement, cet argument ne me laisse pas indifférent. Ma culture, déjà ancienne, de fonctionnaire de l'État me conduit à penser que l'intérêt national est probablement différent des autres. Dire cela laisse entière une question majeure, celle de savoir si celui qui exerce un mandat national et par ailleurs un mandat local vit sa double fonction comme pouvant dénaturer le sens qu'il a de l'intérêt général ou, au contraire, l'enrichir.
Par ailleurs, et je rebondis sur la conclusion de notre collègue Guy Geoffroy, je constate qu'il est une question insuffisamment évoquée. Le fait pour un élu local d'exercer également un mandat de parlementaire est-il susceptible de dénaturer la conscience qu'il a de l'intérêt local ou n'est-ce pas, au contraire, une manière d'enrichir la conception qu'il a du rôle qu'il doit jouer en tant qu'élu local ?
Réfléchir davantage à la complémentarité des mandats, comme le suggérait Guy Geoffroy tout à l'heure, est une manière originale et intelligente d'approfondir la réflexion dans ce domaine.
Deuxièmement, cette proposition de loi fait l'impasse sur un certain nombre de sujets qu'il nous faut traiter rapidement et au premier chef la question du cumul ou du non-cumul du mandat des futurs conseillers territoriaux. Ce point n'est pour le moment pas tranché...
…et qui pose en effet une question de principe aussi importante que celle dont nous débattons.
La proposition socialiste fait également l'impasse sur le statut de l'élu, question suffisamment difficile pour ne pas être traitée au détour d'un amendement parlementaire.
Troisième problème : l'entrée en vigueur du dispositif. Si vous estimez que l'interdiction du cumul de mandats entre un mandat parlementaire et un exécutif local est véritablement une solution nécessaire et urgente, pourquoi en différez-vous l'application ? Pourquoi prévoyez-vous de l'appliquer uniquement aux nouveaux parlementaires avec le risque d'inconstitutionnalité qui s'y attache ? Si votre proposition était votée, que se passerait-il au Sénat ? Nous aurions deux catégories de sénateurs.
Ceux qui, siégeant dans la même assemblée, obéissent à l'ancienne règle et à la nouvelle. Au sein de notre assemblée, nous verrions, à l'occasion de chaque élection partielle, arriver des députés qui ne seraient pas soumis aux mêmes règles que leur prédécesseur. Cela me semble poser un problème évident du point de vue juridique.
Permettez-moi, monsieur le ministre, de conclure par un scénario-fiction. Je ne peux me priver de vous le livrer tant il éclaire d'un jour différent les débats que nous avons depuis ce matin. Imaginons que dans un moment d'égarement, le groupe UMP ne s'oppose pas au vote de ce texte, …
…nous verrions alors éclater d'une manière évidente les contradictions et les dissensions au sein de la formation politique socialiste !
Nous verrions éclater l'hypocrisie d'un certain nombre de positions. Une fois de plus, le Parlement apparaîtrait comme une sorte de théâtre d'ombres où chacun dit tout à fait autre chose de ce qu'il pense. Il importe que, sur un vrai sujet, nous ayons enfin une vraie réflexion. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Le non-cumul des mandats est une question récurrente et beaucoup d'arguments ont été échangés à son propos.
Il me semble que la proposition d'interdiction du cumul de mandat de parlementaire avec l'exercice d'une fonction exécutive locale va dans le sens de l'histoire. Ceux qui s'arc-boutent contre cette idée mènent un combat d'arrière-garde.
Avec la décentralisation, nous avons, depuis une trentaine d'années, assisté à des transferts de compétences très importants. L'exercice d'une fonction exécutive dans une collectivité territoriale n'a plus rien à voir avec ce qu'il était il y a trente ans. Les maires, les présidents de conseils généraux, de conseils régionaux sont en quelque sorte des chefs d'administration, des managers qui doivent assumer d'énormes responsabilités.
L'évolution du Parlement et la revalorisation de son rôle modifient également la donne. Comment donner plus de pouvoir au Parlement – ce qui est souhaitable et, à cet égard, la commission Balladur a dit des choses très justes – si nous avons des députés intermittents ? Cela ne marche pas et ne marchera pas. Danièle Hoffman-Rispal a eu raison de dire qu'une chambre qui siège deux jours par semaine – le mardi et le mercredi – ne peut faire face à ses responsabilités. C'est une réalité que nous expérimentons tous quels que soient les bancs où nous siégeons. C'est pourquoi cette question doit être déconnectée de nos positions politiques personnelles. Nous savons tous que la situation a beaucoup changé et que la mesure que nous proposons s'inscrit dans une évolution historique.
Cela étant, nous avons compris qu'il serait difficile, avec cette majorité, d'avancer.
Manifestement, ce n'est pas à l'ordre du jour. Néanmoins, il nous faudra regarder avec attention les engagements de la droite lors la prochaine campagne présidentielle. J'attends cela avec intérêt !
Il y a eu un vote des militants et la direction du parti socialiste a pris des engagements précis.
Évidemment, le sujet est difficile, c'est un peu comme demander à un alcoolique d'arrêter de boire. (Murmures sur les bancs du groupe UMP.)
Nous essayons du reste de nous appliquer cette mesure, mais nous savons bien que cette question doit être réglée par une loi, des règles communes. La parité a été véritablement mise en oeuvre à partir du moment où la loi a été votée.
Si la gauche revenait au pouvoir et légiférait sur l'interdiction du cumul entre le mandat de parlementaire avec l'exercice d'une fonction exécutive locale, je suis d'ailleurs convaincu que la droite ne reviendrait pas sur une telle loi.
Nous avons une réelle volonté d'avancer sur cette question : cela correspond à une exigence démocratique et à une attente forte de la part de nos concitoyens.
Chacun a pu prendre la mesure du discrédit de l'action publique, et politique en particulier. C'est pourquoi nous devrions avoir à coeur d'essayer de surmonter cette crise de la représentation. Si nos concitoyens n'ont pas le sentiment que ceux qui les représentent font un travail réel, approfondi, sincère, cela contribue à accroître la défiance envers la politique. Guy Carcassonne est un militant de cette cause.
En effet !
Sur d'autres sujets – comme la burqa –, il a plutôt soutenu la majorité. Guy Carcassonne n'est donc pas un homme engagé.
Vous croyez ?
Oui, monsieur le ministre. Sur le voile intégral, il était d'accord avec le texte proposé par la majorité. C'est un homme éclairé !
S'agissant de la question qui nous occupe, il est un militant comme beaucoup d'observateurs et de commentateurs de la vie publique.
Cette proposition de loi que nous avons présentée avec conviction et détermination est une étape. Je regrette que la majorité ne soit pas plus ouverte et qu'elle ne nous permette pas de répondre à l'attente de nos concitoyens dans ce domaine. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, le cumul des mandats est un vrai problème pour le fonctionnement de notre démocratie, un véritable obstacle à la nécessaire fluidité du personnel politique.
Quand, lors d'un revers électoral, on perd l'un de ses mandats, on continue à exister politiquement grâce à son ou ses autres mandats et l'on peut ainsi se représenter à l'élection suivante. On peut ainsi mener une carrière sur des décennies, ce qui n'est pas souhaitable, ni sain, pour une démocratie. De cette absence de fluidité découle une sous-représentation des femmes, des jeunes et des minorités.
Le cumul des mandats amène, nécessairement, à privilégier un mandat et par conséquent à sacrifier les autres. Tous les mandats de parlementaire ou d'exécutif d'une collectivité demandent une présence réelle de l'élu. Quand on est maire, on peut certes déléguer, mais dans une certaine mesure seulement. Nos citoyens votent pour un élu, pas pour son directeur de cabinet. Il y a également des réunions, des manifestations publiques où l'élu cumulard ne peut pas se permettre d'être absent. Cela crée des contraintes de calendrier ingérables. Tous ceux qui cumulent les mandats le voient bien : beaucoup aimeraient rester à Paris le jeudi – c'est le cas aujourd'hui – quand il faut défendre des amendements, mais ils ont des obligations d'élu local et doivent assister à la réunion de tel ou tel organisme dans la mesure où ils le président...
Si nous voulons utiliser pleinement nos pouvoirs de parlementaires et faire le travail pour lequel nous avons été élus, il faut être présent. Entre les commissions, la séance publique, les auditions et les rendez-vous extérieurs, nous avons largement de quoi occuper trois jours à l'assemblée. Le mardi et le mercredi, nous n'avons souvent pas une minute à nous.
Restent quatre jours pour être sur le terrain. Même sans mandat local, nous connaissons le terrain et nous sommes en contact avec nos électeurs.
À titre personnel, j'ai le même volume d'invitations pour des manifestations diverses et variées que les élus locaux. Je participe à de nombreuses réunions, et parfois, je suis amené à jouer un rôle de médiateur avec les élus locaux.
N'ayant aucun mandat local, je ne peux être soupçonné de favoriser un secteur ou un sujet en particulier et je peux ainsi être le député de tous. Je suis donc résolument contre le cumul des mandats, et je considère que l'on s'achemine inéluctablement vers une interdiction ou une limitation drastique du cumul.
Je salue donc l'initiative du groupe SRC de mettre à l'ordre du jour cette proposition de loi. J'aimerais vraiment que cette initiative soit complètement sincère, mais j'ai quelques doutes.
Considérant la proposition de loi de nos collègues quelque peu brutale et maximaliste, j'ai proposé un certain nombre d'amendements.
Elle englobe toutes les fonctions exécutives : pas seulement les maires et les présidents, mais aussi leurs adjoints et vice-présidents. Elle touche toutes les collectivités, y compris les plus petites. Enfin, elle heurte une tradition qui veut que les députés laissent les sénateurs décider des règles qui les concernent. Or la proposition de loi vise aussi les sénateurs.
Pour reprendre la métaphore utilisée par le rapporteur en commission, vous n'avez pas envie de vous jeter à l'eau,…
…mais vous aimeriez donner l'impression du contraire et faire porter le chapeau à l'UMP : « Nous aurions bien voulu, mais c'est la majorité qui n'a pas voulu », direz-vous. C'est un peu trop facile, d'autant que vous ne risquez sans doute pas grand-chose à vous lancer sans nous attendre. Il est important de le faire remarquer.
Si tous les candidats socialistes aux législatives de 2012 renonçaient ou prenaient l'engagement ferme de renoncer à cumuler en cas de victoire, ils prendraient un sacré avantage sur les candidats de l'UMP qui ne s'engageraient pas de la même façon. Tous les sondages le disent : les Français sont très hostiles au cumul des mandats.
Si vous vous lancez, même sans passer par une loi, nous n'aurons pas d'autre choix que de vous suivre.
C'est ce que j'attendais après la proposition de la première secrétaire du PS sur le cumul des mandats, en octobre dernier, proposition votée par les militants de votre parti. La première secrétaire souhaitait appliquer la règle de non-cumul des mandats dès les élections cantonales et sénatoriales de 2011, et les militants l'ont suivie – cela a été souligné. Depuis – cela fait maintenant un an –, rien n'a bougé.
Ce n'est pas vrai ! Vous n'avez pas suivi l'histoire du parti socialiste !
La parole est à M. Bernard Roman, dernier orateur inscrit. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
Monsieur le président, monsieur le rapporteur, monsieur le ministre, mes chers collègues, comme M. Dosière l'a dit tout à l'heure, ce débat n'est pas partisan. Il y a à droite, comme à gauche, des adeptes et des adversaires du non-cumul des mandats. Et l'opinion, elle aussi, est partagée.
Ainsi, quand on demande par sondage aux habitants d'une commune s'ils sont pour la limitation du cumul des mandats, la réponse est oui ; et lorsqu'on leur demande quel est le meilleur candidat aux prochaines législatives, ils répondent : « Le maire ! » (Sourires.)
Exactement !
Il faut donc aborder cette question en ayant le sens de l'histoire et avec la modestie à laquelle m'ont conduit deux ans de débats parlementaires, de 1998 à 2000…
…, dont certains d'entre vous, parmi lesquels René Dosière, se souviennent : il s'agissait d'examiner deux lois – l'une ordinaire, l'autre organique – visant à limiter le cumul des mandats.
Cela dit, je dois constater que, bien que les arguments utilisés soient toujours les mêmes, la situation, elle, évolue, sans doute parce que, dans ce domaine, la société va plus vite que la politique et que, par étapes, la politique est amenée à rattraper la société.
M. Geoffroy en parlait ce matin : il y a vingt-cinq ans, lorsque nous avons présenté la première loi visant à limiter le cumul des mandats sous la Cinquième République, les objections étaient les mêmes – l'ancrage local, le risque de précipitation, l'idée qu'il ne s'agit pas d'une priorité et qu'il y a bien d'autres choses à faire, etc. M. Valax a fort bien rappelé ces éléments dans son rapport.
Mais, à l'époque, on jugeait normal que quelqu'un que l'on présentait comme la caricature du cumul, Jean Lecanuet, soit à la fois maire de Rouen, président du conseil général, président du conseil régional, sénateur, parlementaire européen, président d'agglomération et président de commission au Sénat.
Et président de l'UDF !
J'allais l'oublier : merci de me le rappeler, monsieur le ministre ! (Sourires.)
Cette question n'était nullement partisane, puisque, ici même, d'autres, à gauche, pratiquaient le même type de cumul.
Aujourd'hui, cela paraît impossible.
Les arguments visant à limiter le cumul – c'était Pierre Joxe qui défendait cette loi – étaient eux aussi les mêmes qu'aujourd'hui.
Et nous avons entendu exactement les mêmes arguments en 1998 et en 2000, de la part des mêmes personnes. Je me souviens ainsi d'une passe d'armes avec vous, monsieur le ministre…
Une passe d'armes sympathique !
Et sur cette question, fidèle à la maxime selon laquelle il vaut mieux se répéter que se contredire, vous n'avez pas changé d'avis. Mais, je le répète, bien que les arguments soient toujours les mêmes, on progresse.
Ainsi, en 2000, nous avons échoué sur un point : le cumul des mandats par les parlementaires.
Mais, sur tous les autres cumuls, nous avons franchi une étape décisive. Avant 2000, un parlementaire français pouvait être en même temps parlementaire européen, et on trouvait cela normal.
Bien sûr !
Ce n'est plus possible aujourd'hui.
Avant 2000, un président de conseil général pouvait être en même temps maire d'une commune de son département. Il pouvait même attribuer des subventions au maire d'une commune donnée, qui n'était autre que lui-même, et on ne parlait pas alors de conflit d'intérêts. Comme s'il n'y avait pas de conflit d'intérêts quand le maire, qui s'appelle Durand, demande au président du conseil général, qui s'appelle Durand, une subvention pour construire une salle polyvalente, et que le président du conseil général, qui s'appelle Durand, écrit au maire, qui s'appelle Durand…
…, pour lui dire qu'il va bien sûr proposer à la commission permanente de lui attribuer la subvention !
Qui pouvait accepter cela ? Nous-mêmes : nous l'acceptions tous ensemble, au nom des mêmes arguments qu'aujourd'hui.
De même, avant 2000, on pouvait exercer trois mandats. Ce nombre a été ramené à deux, à l'exception des mandats exercés dans les villes de moins de 3 500 habitants. Aujourd'hui, tout le monde trouve cela normal ; hier, on pensait que c'était impossible.
Quand il s'agit de moderniser la vie politique, on est toujours confronté aux mêmes arguments, qui sont eux-mêmes dépassés par la réalité.
En voici un autre exemple, tout à fait significatif : la parité. Lorsque nous avons voulu permettre l'égal accès des hommes et des femmes aux mandats électoraux et fonctions électives, tout le monde a sauté au plafond, se récriant que c'était impossible : s'il fallait autant de femmes que d'hommes parmi les élus, comment ferait-on, au moment des élections municipales suivantes, pour « sortir » les hommes qui n'avaient pas démérité ?
Pourtant, aujourd'hui, dans toutes les villes de plus de 3 500 habitants, il y a autant de femmes que d'hommes parmi les élus, et nul ne s'en émeut. Au Parlement européen, il y a autant de femmes que d'hommes parmi les élus, et nul ne s'en émeut. Dans les conseils régionaux, il y a autant de femmes que d'hommes parmi les élus, et nul ne s'en émeut…
… sauf lorsqu'on procède à la réforme créant les conseillers territoriaux, qui risque d'entraîner une régression – ce n'est qu'une parenthèse.
Ainsi, nous sommes engagés dans un processus qui nous conduira inéluctablement vers la limitation du cumul des mandats.
Faute de temps, je ne reprendrai pour conclure qu'un seul argument : celui de l'ancrage local. Je ne le crois pas valable, et je le dis à Guy Geoffroy, qui le défend chaque fois avec conviction.
On peut être bien avoir la compétence technique nécessaire pour maîtriser le fonctionnement des collectivités locales et quitter ses responsabilités locales le jour où l'on devient parlementaire. Ouvrir les portes et les fenêtres de la vie politique, voilà ce que nous demandent tous ceux qui s'y intéressent, qui sont peut-être plus jeunes que nous et qui ont envie d'y prendre leur place ; cela revient à accepter de partager le pouvoir.
« Pour que la politique devienne quelque chose pour tous, il faut qu'elle cesse d'être tout pour quelques-uns. » Nous devrions méditer cette formidable citation de Jacques Julliard. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
Je remercie d'abord ceux qui se sont associés à ma proposition : Laurence Dumont, Anny Poursinoff, René Dosière, Christophe Caresche, Danièle Hoffman-Rispal et Lionel Tardy.
Qu'ont-ils dit, qu'ont-ils retenu ? Le courage, le sens de la modernité, le sens de l'histoire, l'espoir de renouvellement de la classe politique. Ce que nous vous proposons, c'est une respiration différente, un comportement, une volonté, une attitude différents.
Danièle Hoffman-Rispal l'a dit, nous sommes la lanterne rouge de l'Europe. L'acceptez-vous ?
L'exception, pas la lanterne rouge ! Ce n'est pas la même chose : quand on a une exception culturelle, on n'est pas une lanterne rouge !
Non, ce n'est pas un point positif que d'être une exception en la matière. Je regrette que vous campiez sur des positions aussi figées, alors que nous vous proposons de suivre une dynamique, de changer de perspective, de mentalité, d'abandonner certains égoïsmes. Je regrette que vous ne partagiez pas spontanément cette volonté de changement.
Pour en revenir à vos diatribes, monsieur Geoffroy, vous avez jugé ce texte « à la fois partial et partiel ».
Il n'est pas partial. D'autres l'ont dit : Bernard Roman à l'instant, René Dosière tout à l'heure.
Ce débat n'est pas partisan puisque certains d'entre vous voteront le texte et que certains d'entre nous s'y refuseront. En la matière, les clivages n'opposent pas la droite et la gauche : ils sont beaucoup plus généraux.
Bannissons donc toute passion de ce débat, et tentons calmement de faire évoluer les choses.
Ce texte n'est pas non plus partiel. Je vous l'ai dit : ce n'est qu'un début. J'ai cité certaines phrases tout à l'heure ; je vous renvoie aux propos de Bernard Roman. Ce débat est indispensable, même s'il n'est assurément pas suffisant : c'est une brèche que je veux ouvrir en réaction à certains comportements.
Votez donc ce texte, ou abstenez-vous, auquel cas nous serons placés face à nos responsabilités.
Le parti socialiste – au nom duquel je m'exprime, puisque les militants ont tranché – prendra ses responsabilités, et vous aurez beau jeu…
…, le cas échéant, si vous en êtes convaincus, de nous reprocher de ne pas être allés jusqu'au bout de nos prétentions et de nos velléités.
Donnez donc un mot d'ordre à votre majorité en vue du vote de mardi…
Il n'y a aucun mot d'ordre à donner ! Nous sommes des parlementaires libres !
Je vous la suggère : dites-leur de ne pas prendre part au vote, ou de voter blanc…
Nous serons alors pleinement responsables de nos propos, de nos actes et de nos votes !
C'est un peu gros ! Réglez d'abord vos problèmes entre vous, ne nous demandez pas de les régler !
Nous réglons nos problèmes entre nous, et nous l'assumons ! C'est cela, le courage dont je parlais tout à l'heure !
Ce texte n'est donc pas partiel, car le non-cumul des mandats parlementaires avec des fonctions électives n'est qu'une première étape. Viendront ensuite, si vous nous laissez ouvrir plus largement la porte, un nouveau débat sur le cumul des fonctions, celui des rémunérations, celui des mandats au cours du temps, et le cumul avec telle ou telle activité professionnelle.
Ainsi, nous sommes prêts à débattre de tout, mais j'ai personnellement voulu – et j'assume ce choix – commencer par circonscrire très précisément l'ouverture. Venez sur ce terrain, sans crainte, et je puis vous garantir que nous ne refermerons pas la porte.
Monsieur le ministre, vous avez vous aussi critiqué ce texte au nom des problèmes de constitutionnalité qu'il poserait s'agissant des sénateurs. Il existe pourtant des textes de loi qui répondent clairement à vos objections. En outre, cette proposition de loi n'interdit pas aux parlementaires d'exercer un mandat local : vous aurez le droit de faire partie d'un conseil municipal ; simplement, vous serez un conseiller municipal de base, un conseiller municipal ordinaire. Il n'y a aucune honte à cela.
C'est volontaire !
J'ai personnellement un grand respect pour le conseiller municipal qui participe au fonctionnement du conseil. Ses responsabilités, sa présence, son rôle sont aussi importants que ceux du maire ou de l'adjoint. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
Vous continuerez donc de jouir de l'ancrage local que vous ne cessez d'évoquer, à ceci près que vous ne pourrez pas cumuler vos fonctions avec celles de maire ou d'adjoint ; le texte l'indique clairement. Cela ne se heurte à aucune impossibilité juridique ou juridictionnelle : cela se fera en toute légalité et en toute constitutionnalité.
Enfin, selon vous, c'est dommage, mais cette proposition de loi n'amènera rien. Si : elle apportera à la démocratie un souffle entièrement nouveau. J'ai esquissé cet argument tout à l'heure. La réforme des collectivités territoriales le montre ; je vous l'ai dit en commission des lois, mais je veux revenir sur cet aspect tout à fait révélateur qui justifie notre démarche.
Cette réforme des collectivités a évidemment suscité un clivage entre droite et gauche, mais celui-ci dissimulait ce que j'appelle un clivage fonctionnel : tous les élus qui étaient conseillers généraux ont défendu le maintien du département ; inversement, les conseillers régionaux n'avaient de cesse d'affirmer l'importance de la seule région dans l'organisation administrative française. Et ce clivage, lui, se rencontrait sur tous les bancs.
Nous avons donc manqué d'objectivité intellectuelle sur ce sujet, et cela est grave. Certes, nous sommes élus sur un territoire, mais nous devons défendre une vision nationale des problèmes de la France.
C'est ce que nous faisons ! Nous sommes tout à fait capables de le faire !
Il n'est pas bon que chacun d'entre nous voie ces problèmes à travers le prisme déformant de son corps d'origine, si j'ose dire.
En dernier lieu, nous vous proposons le fameux cursus honorum dont j'ai parlé. On commence par être conseiller général, puis, si l'on a un peu de chance et surtout de nombreuses qualités personnelles et professionnelles, si l'on s'investit beaucoup, on peut devenir conseiller régional ; ensuite, si l'on continue de faire la preuve de son efficacité et de son efficience, on peut devenir député…
Tout cela est simple et clair. Je vous propose de nous rejoindre pour faire évoluer notre démocratie, pour jouir enfin d'un rôle nouveau et pour que le Parlement ne se réduise plus à une chambre d'enregistrement.
Je rêve d'un Parlement dans lequel chacun d'entre nous puisse pleinement s'exprimer et accomplir sa mission. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, le débat qui a occupé cette seconde partie d'après-midi n'aura pas apporté d'éléments particulièrement nouveaux – le pouvait-il, du reste ? – par rapport aux discussions que nous avons déjà depuis bien longtemps, les uns et les autres, dans des enceintes différentes.
Je suis tout à fait d'accord avec M. Diefenbacher, M. Roman ou M. Dosière pour dire que les mêmes arguments que les fois précédentes ont été utilisés.
Dans ces conditions, peut-on attendre beaucoup de choses de ce débat ?
Nous vous avons expliqué pourquoi, de notre point de vue, il nous semblait que cette proposition de loi ne pouvait recevoir notre aval.
De surcroît, sa discussion s'inscrit dans une journée où quatre textes auront été examinés. J'en retire l'impression que, depuis ce matin, diverses interventions tendent à nous donner un sentiment de culpabilité, à nous Gouvernement et majorité, et qu'une fois encore, la vertu serait du même côté de l'hémicycle.
Je veux vous dire que cela nous est parfaitement insupportable.
Ces discours ne résistent pas aux faits.
Si vous voulez que nous progressions sur certains sujets, changez de disque. Celui-ci est non seulement rayé mais cassé !
Il faut évoluer.
Je comprends parfaitement que l'on veuille présenter des idées pour moderniser la démocratie mais, de grâce, ne jouons pas pour cela sur la mauvaise conscience et n'utilisons pas des arguments d'hier ou d'avant-hier.
Sur le plan particulier du cumul des mandats qui nous réunit en cet instant, je conçois que l'on puisse avoir des opinions différentes. Du reste, cette question ne se tranche pas en fonction de l'appartenance à tel ou tel groupe politique et c'est heureux. Nous pourrions peut-être saisir cette opportunité pour laisser les arguments politiciens au vestiaire et tenter d'organiser un débat constructif.
Je voudrais, si vous me le permettez, ralentir quelques ardeurs s'agissant des effets bénéfiques ou supposés tels que certains attendent d'une éventuelle extension de la législation limitant le cumul des mandats.
Pour ceux qui croient que, parce que ce cumul serait, peu ou prou, interdit, la présence des parlementaires à tout instant au Parlement s'en trouverait renforcée, la déception risque, je le crains, d'être au rendez-vous.
Et cela tient à deux raisons.
La première se fonde sur un constat. J'ai suffisamment de recul – pas dans cette assemblée, veuillez m'en excuser, mais dans l'autre – pour avoir pu observer que ceux qui ne cumulaient pas n'étaient pas forcément les plus assidus et les plus présents dans les commissions, dans les missions, dans les groupes de travail et en séance publique.
Avec de l'organisation, les choses peuvent parfaitement se dérouler.
J'ai même noté un petit effet pervers. Lorsque le sénateur n'est pas président de conseil général, qu'observe-t-on ? Il court à travers tout le département derrière le président de conseil général car il craint que cet élu, qui se rend dans toutes les communes et distribue des subventions à tous les conseils municipaux, n'accroisse sa popularité, ce qui pourrait lui donner des ailes, voire des idées, pour se présenter à une élection sénatoriale.
Je peux parfaitement extrapoler car ce mécanisme est aussi à l'oeuvre dans le département dont je suis originaire et où je suis conseiller municipal, comme le sait M. Dosière. La situation est la même entre le député et le maire de la ville chef-lieu. Le député court après le maire toute la journée parce que la ville chef-lieu représente un poids électoral décisif pour être élu. Résultat : le député est sur le terrain et non pas au Parlement.
N'attendez donc pas trop de choses extraordinaires en ce domaine.
J'en viens à ma deuxième raison. En matière de parité, madame Dumont, des progrès ont été accomplis…
…mais il reste encore énormément à faire. Et je crains là encore que sur ces questions-là, une limitation plus stricte du cumul des mandats n'entraîne pas d'avancées.
Je suis bien d'accord avec vous.
Pour ma part, je crois que ce qui nous permettra de faire des progrès – et je partage l'analyse de M. Roman –…
…c'est l'augmentation du nombre de femmes siégeant dans les assemblées locales.
Par un processus naturel et progressif, plus les femmes seront nombreuses dans ces assemblées, en particulier les assemblées municipales, plus elles trouveront la place qu'elles doivent absolument occuper dans l'ensemble des assemblées, qu'elles soient locales ou nationales.
Permettez-moi enfin, mesdames, messieurs les députés, après avoir exposé ces quelques points, de me réjouir des conditions dans lesquelles se sont déroulés nos débats.
J'appelle maintenant les articles de la proposition de loi organique dans le texte dont l'Assemblée a été saisie initialement, puisque la commission n'a pas adopté de texte.
Monsieur le président, pour éviter toute déception, je vous indique qu'en application de l'article 96 du règlement de l'Assemblée nationale (Exclamations sur les bancs du groupe SRC), le Gouvernement demande la réserve des votes sur la présente proposition de loi.
Cet amendement entend exclure les sénateurs du champ de cette proposition de loi. Il est en effet dans notre tradition que les membres d'une chambre ne se prononcent pas sur la manière dont les membres de l'autre chambre doivent exercer leur mandat.
De plus, en matière du cumul des mandats, les sénateurs occupent une place différente : ils ont un rôle constitutionnel de représentants des collectivités locales. Il leur revient donc de définir leurs modalités spécifiques de cumul.
Du reste, si nous trouvons des solutions pour notre assemblée, le Sénat sera obligé d'adopter une position à ce sujet.
Cet amendement n'est pas opérant. L'article LO. 297 du code électoral prévoit que les dispositions du chapitre IV du titre II du livre Ier, dans lequel s'insère l'article que l'amendement vise à modifier, sont applicables aux sénateurs.
Avis défavorable.
Je partage l'avis du rapporteur.
À titre personnel, j'ajouterai que, pour ma part, je ne suis pas favorable à ce qu'on crée différentes catégories d'élus, phénomène que l'adoption de cette proposition de loi risquerait d'ailleurs d'accroître en séparant de grands élus, susceptibles de siéger dans telle assemblée, d'autres élus qui s'en verraient fermer les portes.
Je ne suis pas favorable non plus à l'établissement de distinctions entre parlementaires. Le Parlement est composé de deux chambres, avec des députés et des sénateurs, et il n'est pas souhaitable de faire des différences.
Je demanderai donc à M. Tardy de bien vouloir retirer son amendement. À défaut, j'émettrai un avis défavorable.
Je ne partage pas le même avis en tant que jeune député.
J'estime en effet que ce qui manque à l'Assemblée, c'est la diversité. Si l'Assemblée compte autant d'élus qui cumulent que le Sénat, cette diversité ne pourra jamais être atteinte et il n'y aura pas suffisamment d'élus issus de la société civile.
En outre, le cumul chez les parlementaires peut provoquer des blocages, comme on l'a vu lors de l'examen de textes très importants, car le fait que chacun défende des intérêts particuliers en tant qu'élu local empêche, pour certaines réformes, d'aller aussi loin qu'on le pourrait avec une autre composition.
Je maintiens donc mon amendement, monsieur le président.
Je ne serai pas long, monsieur le président, je voulais simplement indiquer à M. Tardy que son amendement repose sur une erreur d'analyse.
Le fait que les sénateurs soient représentants des collectivités territoriales, comme il le souligne à l'appui de sa distinction entre parlementaires, n'implique nullement qu'ils ont obligation d'être élus territoriaux pour siéger dans l'Assemblée qui représente les collectivités territoriales.
Je reprendrai volontiers à mon compte l'analyse fort intéressante qu'a développée Bernard Roman à ce sujet. Un élu peut très bien siéger dans l'assemblée désignée, au second degré, par des représentants des collectivités territoriales sans être pour autant élu local. Il y a d'ailleurs de plus en plus de sénateurs qui ne sont pas élus locaux et cela ne pose pas problème.
Je crains que cet argument soit légèrement décalé par rapport à l'objectif poursuivi.
Enfin, comme M. le ministre le rappelait, les parlementaires partagent des fonctions communes de législateurs, de législateurs organiques et de constituants et je ne vois pas comment le fait d'établir un régime différent pour les sénateurs et les députés pourrait être conforme à la Constitution.
Monsieur le président, j'aimerais apporter une précision à M. Tardy car il a fait une erreur en affirmant qu'il y avait davantage de cumulards au Sénat qu'à l'Assemblée. L'examen des chiffres montre, au contraire, que les sénateurs cumulent moins.
Par ailleurs, pour répondre à M. Calméjane sur les cumuls de rémunérations, je précise que le cumul autorisé pour l'ensemble des élus locaux et parlementaires s'élève à une fois et demi l'indemnité parlementaire de base, qui est de 5514, 68 euros, soit 8 272, 02 centimes. Toutefois, les parlementaires perçoivent en sus une indemnité de fonction, de 1 420 euros. Par conséquent, la rémunération globale que les parlementaires peuvent percevoir est de 9 692 euros.
Monsieur Tardy, j'ai apprécié votre intervention mais je ne peux être d'accord avec votre amendement et les amendements suivants.
Les sénateurs, monsieur Geoffroy, ne sont pas représentants des collectivités territoriales.
Ils sont élus par un corps électoral composé de représentants des collectivités territoriales mais également de parlementaires. Et j'estime que les sénateurs sont des parlementaires avant tout.
En revanche, je suis d'accord avec vous pour dire qu'il ne faut pas opérer de distinctions entre catégories d'élus.
Le principe que nous vous proposons consiste à mettre fin à une situation spécifique à la France, le cumul étant en effet très rare dans les autres démocraties représentatives. Il s'agit d'interdire le cumul d'un mandat parlementaire avec un mandat exécutif local, qu'il s'agisse de celui d'un maire ou d'un adjoint, d'un président ou d'un vice-président d'intercommunalité.
Par ailleurs, monsieur Tardy, je ne vois pas comment vous pourriez limiter l'interdiction du cumul aux seuls présidents d'intercommunalité ou encore aux présidents d'intercommunalité de plus de 100 000 habitants. Tout cela n'a pas de sens.
Vous savez très bien que les maires de grandes villes disposent de moyens très importants alors que le président d'une intercommunalité rurale rassemblant cinquante communes est quasiment dépourvu de moyens, ce qui le contraint à consacrer toute sa semaine à son mandat.
Il est important de revenir aux principes. C'est sur cette base que nous vous proposons de voter. Ensuite, nous pourrons toujours discuter des modalités d'application.
Encore une fois, j'estime que si une règle identique était établie pour tous ceux qui se présentent aux élections, qu'ils soient de droite, de gauche, ou d'autres formations politiques, cela permettrait d'aboutir à une certaine équité dans la compétition démocratique et à l'ouverture à d'autres catégories de citoyens, à même d'entraîner un véritable renouvellement de la représentation politique dans notre pays.
Vous avez souligné, monsieur Tardy, que la diversité des origines sociales des élus faisait parfois défaut dans nos assemblées. Sur ce point, je crois que vous avez aussi raison. Nos propositions pourraient donner un élan à la rénovation de la représentation politique dans nos assemblées parlementaires.
(Le vote sur l'amendement n° 2 est réservé.)
Je présenterai en même temps les amendements nos 3 , 4 et 5 , car tous portent sur la question de la définition exacte des fonctions concernées.
Dans la proposition de loi du groupe SRC, non seulement les fonctions de maire ou de président, mais aussi celles d'adjoint et de vice-président sont visées. Ce périmètre est manifestement excessif pour une première étape – car c'en est une – et contribue à rendre ce texte inacceptable pour beaucoup, y compris dans les rangs socialistes. On se rend bien compte ici que le but est de présenter un texte destiné à être rejeté en faisant porter le chapeau à la majorité.
Je propose de réduire l'interdiction de cumul aux seuls présidents de conseils régionaux et généraux, aux maires et aux présidents d'intercommunalités, c'est-à-dire à ceux qui sont le véritable exécutif.
Pour les communes et les intercommunalités, il me semble plus approprié de ne viser que les plus importantes. Il faut tenir compte du temps que prennent les fonctions locales et interdire le cumul avec un mandat de député pour celles qui manifestement demandent un investissement à temps plein. Il n'y a rien de commun entre un maire de petite commune rurale et celui d'une grande ville. Même si ce dernier dispose de tous les services municipaux, il préside souvent plusieurs structures annexes, comme les conseils d'administration d'hôpitaux, des sociétés d'économie mixte, des intercommunalités, tous mandats non inclus dans le cumul des mandats.
Soyons pragmatiques et rendons ce texte raisonnable. Ainsi, le groupe SRC ne pourra pas faire passer un éventuel refus de la majorité dû au caractère irréaliste de cette proposition pour un refus de limiter le cumul des mandats.
Nous sommes défavorables aux propositions de M. Tardy. Notre texte est clair, simple et précis. Faire des exceptions en fonction de la démographie ou de l'importance des structures, ce n'est pas bon, en tout cas, c'est contraire à son esprit.
Interdire simplement au titulaire, donc au maire, de cumuler, pourrait susciter des substitutions de pouvoir par des personnes qui en conserveraient l'exercice en sous-main. Nous voulons une grande transparence, c'est pourquoi il convient de ne pas faire d'exception.
Le Gouvernement a le même avis que la commission sur les amendements nos 3 , 4 et 5 , considérant qu'il n'est pas opportun d'introduire des restrictions aussi fondamentales.
J'ai écouté avec beaucoup d'attention l'intervention du président Ayrault. Je partage très sincèrement et très largement sa préoccupation d'assurer le renouvellement des générations et d'attirer les jeunes vers la vie politique et le service de nos concitoyens et de notre pays. C'est tout à fait essentiel. Je retire des discussions que j'ai avec les jeunes qu'ils ne sont pas forcément passionnés et intéressés par le spectacle auquel ils assistent.
Ne nous opposons pas sur ce point, madame, ce serait quelque peu primaire. Nous avons collectivement beaucoup d'efforts à faire pour rendre la vie politique un peu plus attractive.
Quant au renouvellement, il suffit simplement, quand on est élu, de ne pas se représenter pour assurer la promotion d'un jeune, homme ou femme. On peut le faire et je peux même vous donner la méthode. (Sourires.)
( Le vote sur les amendements nos 3 , 4 et 5 est réservé.)
(Le vote sur l'article 1er est réservé.)
Il s'agit d'un amendement de mise en application du texte. Comme pour l'interdiction de cumul de mandats visant déjà les parlementaires, il convient d'appliquer la règle des trente jours suivant la date d'élection à l'issue desquels devra être choisi le mandat à abandonner.
Personne n'en sera surpris, dans la mesure où nous ne sommes pas favorables à l'adoption de ce texte, nous ne pouvons pas l'être à l'adoption de cet amendement.
(Le vote sur l'amendement n° 1 est réservé.)
En application de l'article 44, alinéa 3, de la Constitution, le Gouvernement demande à l'Assemblée nationale de se prononcer par un seul vote sur les amendements, les articles et l'ensemble de la proposition de loi.
Je rappelle que la conférence des présidents a décidé que les explications de vote et le vote, par scrutin public, sur l'ensemble de la proposition de loi organique auront lieu le mardi 19 octobre, après les questions au Gouvernement.
Prochaine séance, lundi 18 octobre à seize heures :
Discussion du projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2011 à 2014 ;
Discussion du projet de loi de finances pour 2011.
La séance est levée.
(La séance est levée à dix-huit heures cinq.)
Le Directeur du service du compte rendu de la séance de l'Assemblée nationale,
Claude Azéma