La séance est ouverte.
(La séance est ouverte à vingt et une heures trente.)
Monsieur le président, monsieur le président de la commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire, monsieur le rapporteur général, mesdames et messieurs les députés, l'année 2009 restera dans les mémoires comme l'année de la transmission de la crise financière à l'économie réelle. Une chute du commerce mondial de 10 %, une contraction de l'activité mondiale de près de 1 % en 2009, ce n'était pas arrivé depuis soixante ans.
Mais la France, sous l'impulsion du Président de la République, a su prendre très rapidement et dans toute son ampleur la mesure de la crise économique.
Nous avons choisi très tôt de relancer l'activité, en donnant la priorité à l'investissement et au financement des entreprises, tout en prévoyant des mesures de soutien spécifiques pour les ménages les plus modestes.
Dans ce contexte, il est peu surprenant que le résultat de l'exécution du budget de l'État pour 2009, que je vous présente aujourd'hui par le biais de ce projet de loi de règlement pour 2009, se ressente de toutes ces secousses.
Ce résultat vous sera présenté selon deux comptabilités prévues par la LOLF, une comptabilité budgétaire, d'une part, une comptabilité générale, d'autre part. Je vous exposerai également des éléments relatifs à la qualité de la gestion des politiques publiques et, pour la première fois cette année, une analyse des premiers résultats de la révision générale des politiques publiques.
J'attire votre attention sur le fait que le Gouvernement a poursuivi cette année l'amélioration de l'information du Parlement en complétant les rapports annuels de performance.
Dans ces documents, je vous le rappelle, les résultats obtenus au niveau de chaque mission du budget de l'État vous sont présentés de façon détaillée, au plan budgétaire et au plan de la réalisation des objectifs fixés. Un rapport spécifique est consacré à l'exécution des trois programmes qui constituent la mission « Plan de relance de l'économie », en vue de garantir le suivi du plan de relance. Tous les rapports annuels de performance, en parallèle, ont été complétés pour identifier les dépenses de relance réalisées depuis les différents budgets ministériels et en assurer la reconnaissance par rapport aux dépenses ordinaires.
Pour améliorer la vision synthétique des politiques publiques, les rapports annuels de performances comprennent désormais un bilan stratégique et un bilan des réformes par mission.
Le premier point sur lequel je souhaite m'arrêter un instant devant vous concerne la certification des comptes de l'État, qui est la preuve, pour le Gouvernement, des progrès accomplis en termes de qualité et de transparence des comptes, et le résultat d'un dialogue constructif avec la Cour des comptes.
C'est le quatrième exercice de certification, et le Gouvernement a choisi de s'exprimer directement sur ces comptes, une fois qu'ils ont été rendus publics. C'est ce qui se passe d'ailleurs pour les entreprises privées. Je rappelle que la France compte parmi les rares pays dont les comptes sont certifiés par un auditeur extérieur, comme le Canada, la Nouvelle-Zélande et l'Australie par exemple. La France est donc un pays très avancé en matière de réforme comptable.
Les comptes de l'année 2009 ont été certifiés par la Cour avec neuf réserves au lieu de douze l'année dernière.
C'est un très bon résultat, qui marque une nouvelle avancée en matière de qualité et de transparence des comptes de l'État.
Comme les comptes de l'État pour 2009 sont certifiés pour la quatrième année consécutive, cela confirme la fiabilité et la solidité de nos outils de gestion comptable et financière.
Vous m'avez déjà sorti ce compliment, cher Jean-Pierre Brard, mais je ne le vis pas du tout comme une insulte : le docteur Coué était un éminent Troyen, un pharmacien, qui y a grandi, vécu, et a développé une méthode qui n'a pas qu'une vertu pharmaceutique, qui n'est pas qu'un élément de référence pour les apothicaires, mais est aussi un élément de doctrine politique ; et puis, parfois, nos espoirs se réalisent.
Le passage de douze à neuf réserves de la part de la Cour des comptes est un élément qui montre que nous allons dans la bonne direction.
C'est une garantie de transparence donnée au Parlement et à nos concitoyens sur la santé financière de l'État. C'est aussi un élément positif dans le climat financier international actuel, puisqu'il s'agit d'une garantie apportée sur la sincérité et la régularité des comptes.
C'est enfin, je tiens à le souligner, le résultat d'un travail intense mené par l'administration, notamment la direction générale des finances publiques, qui a su nouer un dialogue fructueux avec la Cour des comptes.
S'agissant des réserves de la Cour, je souhaiterais revenir sur la première d'entre elles, qui porte sur les outils de gestion de la dépense et de la production des comptes.
Pour répondre à cette réserve, l'État, comme vous le savez, a engagé un important programme, du nom de Chorus.
Chorus ne se résume pas à un simple outil informatique, c'est un projet de transformation majeure de la fonction financière de l'État, qui concerne plus de 30 000 gestionnaires dans tous les ministères.
Il a pour but de doter l'État d'un système d'information financière, budgétaire et comptable intégré, qui doit permettre de mettre en oeuvre totalement la LOLF, sans réserves.
En janvier dernier, ce nouvel outil a été déployé auprès de 12 000 agents répartis dans les ministères de la défense, de l'intérieur, de la justice, de l'éducation nationale et de la recherche. Plus de 60 000 jours de formation ont été dispensés. Début juin, Chorus a permis de payer environ 20 milliards d'euros de dépenses, notamment envers les fournisseurs de l'État.
Cependant, nous constatons des retards d'exécution par rapport à l'année dernière. Ces retards font l'objet de toute notre attention. Pour y remédier, je l'ai déjà évoqué devant vous, un plan d'action est engagé par le Comité d'orientation stratégique du projet et mis en oeuvre par la direction générale des finances publiques, les ministères et l'Agence pour l'informatique financière de l'État. Ces trois partenaires sont chargés de mettre en oeuvre de manière opérationnelle le dispositif Chorus. J'ai demandé que tous les retards constatés soient rattrapés d'ici à la fin de l'été.
Par ailleurs, suite aux derniers déploiements, j'ai demandé que l'estimation du coût du projet soit actualisée et qu'elle soit communiquée à l'occasion du prochain projet de loi de finances, en toute transparence. Contrairement à ce que j'ai pu entendre, il n'y a pas, à ce stade, de dérive.
Concernant le respect du calendrier de l'exécution et du paiement des dépenses, la fin du déploiement dans l'ensemble des ministères doit se faire le 1er janvier 2011 prochain, comme prévu, et en 2012 pour la tenue des comptes, comme l'indiquait à la Cour des comptes il y a deux mois un courrier du Premier ministre.
Le deuxième point sur lequel je souhaite attirer l'attention de la représentation nationale concerne la dégradation des déficits visible dans les comptes de l'État pour 2009. Cette évolution est liée pour une très large part à la crise.
Il n'y a pas de dégradation structurelle du déficit. Les comptes de l'État pour 2009 reflètent de façon prévisible, je l'ai dit à de nombreuses reprises, les effets de la crise économique. Ils traduisent aussi notre engagement pour soutenir la croissance.
Le résultat budgétaire montre un déficit pour 2009 de 138 milliards d'euros, c'est-à-dire une dégradation de plus de 80 milliards d'euros par rapport à l'année dernière.
Il s'agit d'une légère amélioration, d'environ 3 milliards d'euros, par rapport à ce qui était prévu dans la dernière loi de finances rectificative pour 2009. Cette amélioration s'explique par le décalage de certaines dépenses ainsi que par une légère augmentation des recettes fiscales constatées par rapport au résultat prévisionnel.
Mais la tendance générale de l'année 2009 ne s'en trouve pas pour autant modifiée. Elle se caractérise par une baisse sans précédent des recettes fiscales, de l'ordre de 19 % par rapport à 2008, essentiellement sur l'impôt sur les sociétés et la TVA.
Néanmoins, nous n'avons pas dévié de notre objectif en matière de dépenses « ordinaires » de l'État, car la norme de dépense a été respectée, hors plan de relance, malgré la situation très difficile liée à la crise. Preuve, s'il en fallait une, que notre volonté de contrôler les dépenses est indemne et intangible.
Au-delà, nous avons voulu clarifier les relations entre l'État et la sécurité sociale.
Pour ce faire, nous avons réalisé un apurement exceptionnel des dettes anciennes de l'État à l'égard des organismes sociaux, pour près de 3 milliards d'euros.
Le résultat comptable, lui, montre un déficit de 97,7 milliards d'euros, témoignant de l'effort de l'État en matière d'investissements.
Ce déficit reflète, lui aussi, de façon prévisible, les conséquences de la crise sur les recettes – qui ont connu une perte de 35 milliards d'euros – et sur les dépenses, notamment les transferts opérés vers les ménages, les entreprises et les collectivités, pour 13 milliards d'euros. Mais le résultat comptable est moins dégradé que le déficit budgétaire, d'environ 40 milliards d'euros.
La raison en est que l'effort de l'État face à la crise s'est concrétisé, pour une très large part, par des investissements et par des opérations financières comme des prêts automobiles et le fonds stratégique d'investissement, qui a fait l'objet d'un débat ici. Ces investissements constituent à proprement parler la colonne vertébrale de notre plan de relance.
Ces dépenses entraînent un enrichissement de l'actif de l'État, elles n'ont donc pas d'impact sur le résultat comptable, alors que les décaissements correspondants ont une conséquence sur le résultat budgétaire.
Le troisième élément de réflexion que je souhaitais partager avec vous porte sur les résultats de la révision générale des politiques publiques. Pour la première fois, ceux-ci font l'objet d'une analyse spécifique, en vue de rendre compte de leurs premiers effets.
Nous avons créé une annexe spécifique consacrée au bilan de la RGPP afin de répondre à la demande du Parlement en la matière, nous l'avions évoqué la semaine dernière devant la commission des finances.
Seules les mesures entièrement achevées en 2009 font l'objet d'une présentation complète comprenant objectifs, calendrier, évaluation des résultats opérationnels et budgétaires, car l'objet de la loi de règlement est de présenter des résultats effectifs.
Ainsi, cinquante-huit mesures vous sont présentées, soit 15 % des mesures décidées dans le cadre des trois premiers conseils de modernisation des politiques publiques. Je vous précise que la plupart des mesures de la RGPP s'étendent sur plusieurs années et vont générer progressivement les économies attendues.
Cette annexe spécifique vous présente, parmi ces mesures, celles qui concernent la réduction des effectifs de l'État. Cette réduction est évaluée à 24 592 « équivalents temps plein travaillés » en 2009. Ce résultat est inférieur de 2 878 au schéma d'emplois prévu en loi de finances initiale, mais je vous rappelle que les suppressions d'effectifs avaient été, en 2008, supérieures de 5 300 ETPT aux prévisions de la loi de finances initiale. Par conséquent, sur deux ans, nous avons dépassé de 2 400 ETPT nos objectifs.
Au-delà, le rapport rappelle les principales économies d'ores et déjà réalisées grâce à la RGPP. Vous pouvez constater que nous avons économisé 1 milliard d'euros sur les politiques d'interventions, et environ 500 millions d'euros en loi de finances initiale pour 2010 sur les dépenses de fonctionnement. Ce dernier résultat témoigne des premiers effets de la réduction en cours des fonctions supports de l'État, comme la rationalisation de la politique des achats de l'État. À cela, il convient d'ajouter les économies brutes en masse salariale que je viens d'évoquer, liées à la réduction du nombre d'emplois, et que l'on peut valoriser à environ 800 millions d'euros. Nous devrons naturellement poursuivre cet effort pour atteindre les objectifs d'économies que nous avons inscrits dans le prochain budget triennal 2011-2013.
Monsieur le président, monsieur le président de la commission des finances, monsieur le rapporteur général, mesdames et messieurs les députés, voici les principaux points que je souhaitais vous présenter. Vous trouverez le détail de l'ensemble des comptes dans les documents budgétaires.
Je me félicite que le Gouvernement ait su manoeuvrer avec précision pour soutenir l'économie en temps de crise, tout en maintenant sa politique de maîtrise des finances publiques et en poursuivant les réformes.
La pertinence du plan français a d'ailleurs été saluée par les économistes, qu'il s'agisse de la Commission européenne, de l'OCDE ou du FMI. La France a été l'un des premiers pays développés à sortir de la récession.
Cette année 2009 nous a fait prendre conscience très concrètement de l'importance de l'intervention de l'État en temps de crise. L'État a agi de façon éminemment responsable pour limiter l'impact de la crise sur notre pays.
Aujourd'hui, dans une période de croissance convalescente, reconnaissons-le ensemble, mais néanmoins de sortie de crise, et face aux menaces récentes ayant pesé sur la zone euro, les exigences s'imposant à l'État n'en sont pas moins grandes. Il est de notre responsabilité de prendre désormais toutes les mesures nécessaires pour réduire le déficit de l'État.
J'aurai l'occasion de présenter mercredi prochain devant la commission des finances, sous l'autorité de son président et du rapporteur général, le rapport préalable au débat d'orientation des finances publiques que nous tiendrons ensemble, la semaine prochaine, dans cet hémicycle. Je puis d'ores et déjà vous indiquer que jamais un ministre du budget n'aura été aussi précis à l'occasion d'un débat d'orientation des finances publiques. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
La parole est à M. Gilles Carrez, rapporteur général de la commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire.
Monsieur le président, monsieur le ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'État, monsieur le président de la commission des finances, mes chers collègues, cette exécution…
…du budget 2009 restera exceptionnelle, en premier lieu parce qu'elle est marquée par une année de crise, elle-même exceptionnelle.
J'insisterai sur trois points.
En premier lieu, s'agissant des dépenses – celles liées au plan de relance, toutes temporaires, mises à part –, nous constatons qu'elles ont été tenues, ce dont il faut vous féliciter, monsieur le ministre.
En deuxième lieu, s'agissant des recettes – et je rejoins l'analyse de la Cour des Comptes –, nous avons malheureusement à nouveau assisté à une perte structurelle qui, au-delà des effets de la crise, approfondit de manière permanente l'écart avec les recettes.
En troisième lieu, s'agissant de l'évolution de la dette, l'année 2009 a été exceptionnelle, tant en termes de volume que de composition.
Depuis soixante ans, notre pays n'avait pas connu une telle décroissance : - 2,5 % en volume. La France a toutefois fois fait mieux que ses voisins (Exclamations sur les bancs du groupe SRC), ce qui montre que le plan de relance a été parfaitement calibré. Cependant, malgré toutes les précautions qui ont été prises mais aussi à cause des mesures du plan de relance, le déficit a explosé, ce qui a conduit à une augmentation d'environ 10 points de la dette publique, c'est-à-dire non pas seulement la dette de l'État mais celle des comptes publics dans leur ensemble.
Pour faire face au déficit lié à la crise, nous sommes passés à un volume d'endettement sans précédent.
Nous avons mobilisé prêts à moyen et long termes mais également, dans des proportions très importantes, des financements à court terme, notamment des bons du Trésor français à moins d'un an.
En 2008, le financement à court terme à moins d'un an représentait dans notre stock de dettes environ 140 milliards d'euros. À la fin de 2009, nous sommes passés à 214 milliards d'euros. Comme l'indique la Cour des comptes, 36 % des dettes de l'État sont exigibles à moins de deux ans.
Tout cela montre la vulnérabilité de notre pays à l'égard de l'évolution de la dette.
Il faut que chacun d'entre nous ait ceci à l'esprit car cette vulnérabilité serait source de problèmes si jamais les taux d'intérêt devaient augmenter.
J'en viens aux dépenses qui, je le disais, ont été tenues. Si l'on isole les mesures liées au plan de relance, en exécution, les dépenses diminuent de 1 milliard d'euros, soit une baisse de 1,5 point par rapport à 2008, la comparaison avec l'année précédente étant primordiale dans l'analyse d'un projet de loi de règlement. Ce résultat est d'autant plus remarquable que, tout en diminuant la dépense, l'État a été capable de rembourser l'essentiel de la dette qu'il avait contractée auprès de la sécurité sociale. À la fin de 2008, cette dette s'élevait encore à 5 ou 6 milliards d'euros et, grâce à une série de remboursements opérés au cours de l'année 2009, la dette de l'État a été ramenée à un niveau inférieur à 1 milliard d'euros – de l'ordre de 800 millions d'euros –, si l'on raisonne en termes de résultat net en prenant aussi en compte les créances de l'État sur les comptes sociaux.
Cela dit, si l'on va au bout des choses, il faut aussi préciser que, pour 2009, la prévision des dépenses était fondée sur une inflation à 1,5 % alors que celle-ci n'a été, en réalité, que de 0,1 %. En volume, nous observons malgré tout une augmentation des dépenses.
Parmi les évolutions notables en matière de dépenses en 2009, j'aimerais souligner le rôle joué par les intérêts de la dette et la masse salariale.
En loi de finances initiale, 43 milliards d'euros avaient été prévus pour les intérêts de la dette qui, en exécution, ne représentent que 37,5 milliards, soit une économie de 5,4 milliards.
Ces chiffres laissent un peu rêveur : ils donnent le sentiment que plus l'on s'endette, moins le coût des intérêts est élevé. En 2002, l'encours de la dette de l'État s'élevait à 743 milliards d'euros pour 38, 1 milliards d'euros d'intérêts ; en 2008, cet encours est passé à 1 163 milliards d'euros pour seulement 37,5 milliards d'euros d'intérêts, soit moins qu'en 2002. Le taux d'intérêt global de la dette se situait alors à 5,1 % contre 3,2 % en 2009.
En 2008, les intérêts effectifs ont dépassé de 3,5 milliards la prévision alors qu'en 2009 on a observé au contraire une sous-exécution. En 2008, l'inflation prévue a été inférieure à l'inflation réelle. Or, comme vous le savez, 15 % de nos dettes à moyen et long termes ont un encours en capital indexé sur l'inflation. Le regain d'inflation a donc conduit à une augmentation de 2,2 milliards la charge d'intérêts de la dette. En 2009, l'écart en sens inverse a eu pour conséquence une diminution du coût des intérêts de 2,1 milliards.
Tout cela montre notre extrême vulnérabilité.
Citons un autre chiffre. Si les intérêts augmentaient de 1 %, l'incidence sur les 1 100 milliards d'euros de dettes de l'État serait une augmentation de 2 milliards d'euros, la deuxième année de 4 milliards, la troisième année de 6 milliards.
Nous devons donc être extrêmement rigoureux s'agissant du problème de la dette.
De la même façon, j'avais dit et répété en 2000 qu'il fallait affecter la cagnotte au désendettement. Que ne l'avez-vous fait à l'époque !
C'est bien de donner des conseils, mais il faudrait commencer par se les appliquer à soi-même lorsque l'on est au pouvoir, ce que vous n'avez jamais fait ! (Protestations sur les bancs du groupe SRC.)
Deuxième évolution notable qui nous préoccupe : les dépenses de personnel. Celles-ci augmentent, en effet, alors même que la règle du non-remplacement d'un fonctionnaire sur deux partant à la retraite est à peu près respectée. Chacun aurait pu penser que ce nouveau principe permettrait une stabilisation de la masse salariale ; or ce n'est pas ce que l'on a observé. En exécution, la masse salariale, hors pensions, augmente de 800 millions par rapport à 2008. J'estime qu'au-delà du non-remplacement d'un fonctionnaire sur deux, nous devons nous fixer comme objectif une stabilité en valeur de la masse salariale.
C'est un impératif, monsieur le ministre, et nous devrons examiner cette question de façon très précise la semaine prochaine.
J'en viens à mon dernier point : la poursuite de la baisse structurelle des recettes de l'État. En 2009, elles sont retombées à un niveau proche de 1996, en euros courants, et à un niveau proche de 1979, en euros constants, il faut être bien conscients des chiffres.
Surtout, au-delà des baisses de recettes liées à la conjoncture, l'on observe une dégradation structurelle de nos recettes de plus de 7 milliards d'euros, liée à des mesures de baisses d'impôts. Ce point est particulièrement préoccupant.
Dans mon rapport d'orientation budgétaire pour 2011, que je présenterai la semaine prochaine, je vais me livrer à un exercice extrêmement précis concernant les effets des baisses d'impôts intervenues depuis 2000 selon deux grandes phases, d'une part entre 2000 et 2002, d'autre part depuis 2007, avec une période intermédiaire marquée par la multiplication de petites niches fiscales.
Il faut là encore avoir les chiffres en tête. Entre 2000 et 2009, hors effets de la crise, l'État a abandonné plus de 100 milliards de recettes. Comment voulez-vous dans ces conditions que, sans compensation parallèle par de moindres dépenses, cela ne se traduise pas par une aggravation du déficit ?
En 2009, qu'observe-t-on ?
D'abord, en matière d'impôt sur le revenu, il y a certes une baisse liée à la conjoncture. Mais s'agissant par exemple des incitations fiscales liées aux économies d'énergie dans le logement, croyez-vous qu'il soit normal, monsieur le ministre, que, malgré de nombreuses auditions et de multiples engagements des responsables qui nous ont promis une stabilisation des dépenses, on en soit arrivé aux résultats que l'on sait ? Alors que la dépense fiscale était fixée initialement à 1,5 milliard, son exécution la porte à 2,8 milliards, soit 1, 3 milliard d'euros de dérapage pour le seul article 200 quater du code général des impôts.
Certains vous parleront de modifier l'arrêté rendant éligible tel ou tel équipement – parois isolantes, pompes à chaleur, chaudières à condensation, …
…que sais-je encore – et des économies que l'on peut en attendre. Monsieur le ministre, je n'y crois pas ! Je vous proposerai, dès la loi de finances pour 2011, de transformer cette niche fiscale en passant, à l'instar des Allemands, d'un dispositif de guichet à un dispositif de subvention. Avec la subvention, en effet, une fois les crédits épuisés, un tel dérapage de 1,3 milliard d'euros est impossible. J'espère que vous soutiendrez cette démarche car si l'on ne maîtrise pas les recettes, il n'y a aucun espoir de réduire les déficits.
S'agissant de l'impôt sur les sociétés, nous sommes également préoccupés. Il est avant tout lié aux résultats des entreprises …
…et il y a aujourd'hui une incertitude liée à la crise économique sur laquelle j'aimerais que nous ayons des éclaircissements la semaine prochaine. Les entreprises risquent d'imputer leurs très mauvais résultats liés à la conjoncture sur leurs impôts sur les sociétés pendant plusieurs années. Dans le programme de stabilité, il est prévu de reconstituer le produit de l'impôt sur les sociétés autour de 40 milliards alors qu'il est descendu à 20 milliards en 2009 contre 40 à 42 milliards en régime de croisière. Les hypothèses qui sous-tendent cette reconstitution ne sont-elles pas excessivement optimistes ?
S'agissant de la TVA, je vous ferai également des propositions dans le cadre du débat d'orientation budgétaire. Ne faudrait-il pas utiliser la faculté que nous donne la réglementation européenne, c'est-à-dire créer un taux de TVA intermédiaire ? On pourrait ainsi faire passer la TVA de produits qui sont à 5,5 %, et qui ne devraient pas l'être, à 10 ou 12 %.
J'observe que tous les pays qui nous entourent se posent cette question dans un univers mondialisé où les importations jouent un rôle essentiel.
Les Allemands ont augmenté la TVA il y a quelques années et les Anglais le feront à partir du 1er janvier prochain.
La droite préfère augmenter la TVA plutôt que de supprimer le bouclier fiscal !
En conclusion, le plan de relance ne peut faire l'objet d'aucune critique. C'est tout un ensemble de dispositifs soutenant la consommation des ménages les plus modestes qui a été pris à bon escient fin 2008 début 2009, qu'il s'agisse tant des mesures concernant les dépenses que de celles ayant trait aux recettes. J'en veux pour preuve la prime de solidarité active ou la réduction d'impôt sur le revenu d'un milliard d'euros. Les mesures visant à soutenir les entreprises, qui ont été d'une ampleur encore plus importante, ont permis d'éviter des faillites. Le jour où une entreprise fait faillite dans tel ou tel secteur, c'est parfois une expertise, un savoir-faire de plusieurs décennies qui se perd et qui ne se reconstituera plus. En la matière, des mesures comme la mensualisation de la TVA ou le carry back sur l'impôt sur les sociétés ont été extrêmement efficaces. Enfin, je citerai le remboursement anticipé du FCTVA aux collectivités locales.
Celui qui essaie d'être le plus lucide et le plus objectif possible ne peut donc pas formuler l'ombre d'une critique sur le plan de relance du Gouvernement.
En revanche, monsieur le ministre, nous devons absolument mettre un terme au mitage, au démantèlement dont font l'objet les ressources de l'État.
On ne parviendra pas à assainir les comptes publics uniquement en maîtrisant la dépense. Et nous devons tout faire dans l'avenir pour protéger nos recettes.
La parole est à M. Jérôme Cahuzac, président de la commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire.
Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur général, le consensus international, sinon européen, fait rage, l'année dernière comme cette année. L'année dernière, tous les pays s'accordaient sur le fait qu'il fallait dépenser vite et beaucoup ; cette année, au moins dans la zone euro, ils semblent tous reconnaître qu'il faut économiser et réduire le plus rapidement possible la dépense publique.
Bien évidemment, il faut se méfier de ces consensus, surtout quand ils varient autant d'une année sur l'autre. Néanmoins, le débat que nous aurons l'année prochaine sur la loi de règlement montrera peut-être que ce changement de consensus peut probablement s'expliquer. Si consensus il y a sur la finalité, il n'existe pas sur la façon de le présenter. L'Espagne, l'Allemagne et l'Angleterre ont proposé à leurs parlements respectifs des plans de rigueur, en tout cas assumés comme tels, tandis que, dans notre pays, le mot reste tabou...
...en tout cas pour le chef de l'État. Et il est d'usage difficile pour le Premier ministre. Souvenez-vous, mes chers collègues, il y a encore quelques semaines, il était hors de question d'envisager de qualifier ainsi les mesures que notre pays allait bientôt prendre, car pour qu'il y ait rigueur il fallait qu'il y ait à la fois réduction de la dépense publique et augmentation des impôts.
Nous savons maintenant qu'il y aura réduction de la dépense publique et augmentation des impôts, mais ce n'est toujours pas de la rigueur car il paraît qu'à ces deux critères il faut en ajouter un troisième : le gel des salaires des fonctionnaires. J'imagine que, lorsque cette mesure sera annoncée, car comme d'autres parlementaires je crois avoir compris que telle est la direction dans laquelle le Gouvernement va très vraisemblablement s'engager, il faudra avoir recours à un quatrième critère pour ne pas avoir à parler de rigueur quand tout indique en réalité qu'elle est bien là, non seulement dans les politiques menées au sein de la zone euro, mais dans le discours que nos dirigeants seraient bien inspirés de tenir enfin.
En appliquant en France une politique de rigueur sans le reconnaître, je crains que l'on ait effectivement la rigueur à l'intérieur de nos frontières sans pour autant en bénéficier, à supposer qu'on le puisse, à l'extérieur. Les marchés, les investisseurs, nos partenaires, et notamment l'Allemagne, ont la faiblesse de croire en la valeur des mots prononcés par les dirigeants de chaque pays. Dès lors que les dirigeants français contestent le qualificatif de rigoureux aux politiques qui s'apprêtent à être menées, les uns et les autres risquent de les prendre au mot.
Il faut donc une forme de lucidité, à la fois pour mener ces politiques, c'est-à-dire reconnaître, qu'on le veuille ou non monsieur le rapporteur général, quelques erreurs passées, qui peut commencer à s'exercer à l'occasion de la loi de règlement, photographie définitive de ce que fut l'année budgétaire 2009.
Cette année présente deux caractéristiques au moins. La première concerne le plan de relance dont le rapporteur général a parlé. Il eut trois conséquences. La première, inévitable, fut une dégradation de nos finances publiques. La deuxième fut que notre pays a connu une récession moindre que les autres. En effet, la récession fut de 2,6 % du PIB contre 5 % du PIB en Angleterre, 4,9 % en Allemagne et 4,7 % en Italie. Après tout, si ces rapports avaient été inversés, l'opposition n'aurait pas manqué de le souligner. Il est donc juste d'indiquer que la récession fut moins importante dans notre pays qu'ailleurs.
La dernière conséquence, et les chiffres en témoignent, c'est que le chômage a beaucoup plus augmenté en France qu'en Allemagne notamment. À cet égard, souvenez-vous des propos du Président de la République lors d'une intervention télévisée au tout début de cette année. Il nous annonçait la baisse du chômage dans les semaines suivantes. Or, dans les mois qui ont suivi, le chômage n'a pas baissé mais augmenté.
Les derniers chiffres portés à notre connaissance témoignent, hélas ! de l'erreur grave de jugement qu'a pu porter le chef de l'État sur un sujet aussi sensible.
C'est arrivé à des gens très bien de se tromper sur les chiffres du chômage !
Par ailleurs, en 2009, le déficit public fut historiquement élevé – nous n'avions jamais connu un tel déficit public, même en temps de guerre – puisqu'il a atteint 7,5 % du PIB, soit 144 milliards d'euros. De même, le déficit budgétaire a été élevé, puisqu'il a été de 7,24 % du PIB, soit 138 milliards d'euros, avec les mêmes références historiques. Il y a effectivement matière à s'inquiéter.
Quant à la question de savoir si ce déficit est dû exclusivement à la crise ou aux politiques publiques menées par nos autorités, elle ne devrait pas se poser. Je vous suggérerai d'en rester à la fois à l'analyse de la commission Champsaur et à celle de la Commission européenne, toutes deux reprises dans celle de la Cour des comptes, qui indiquent que, sur les 7,5 % de PIB de déficit public, 2,6 à 2,9 % sont dus effectivement à la crise – plan de relance, indemnisation du chômage, baisse de recettes – tandis que les 5 points de PIB restants le sont aux politiques publiques menées en 2009 mais surtout les années précédentes.
C'est avec intérêt que j'ai entendu le rapporteur général indiquer ce qu'il en fut des recettes fiscales insuffisamment protégées ces dernières années. Si l'on comprend aisément que l'on remonte jusqu'à l'année 2000 sur le plan politique, cela risque d'être un peu plus compliqué d'un point de vue budgétaire.
Si le déficit public révèle l'ampleur de la crise et la gravité de ses effets sur nos finances, il montre aussi ce que furent et ce que sont les conséquences de l'abandon des recettes fiscales par milliards d'euros à un moment où ces recettes seraient bien nécessaires, précisément pour permettre à notre pays de garder sa souveraineté et de parler d'une voix forte dans le concert des nations.
Ce déficit public, en partie structurel, a augmenté de 2008 à 2009, alors que la crise produisait déjà ses effets. Il s'est aggravé parce que la dépense fiscale a continué pour 0,6 point de PIB et parce que la dépense publique, contrairement ce qui était annoncé et assuré par le Gouvernement par la voie du ministre du budget d'alors, Éric Woerth, a dérapé de 0,3 à 0,6 point de PIB.
Un mot de la dépense fiscale, car le sujet est grave. Définir ce qu'est la dépense fiscale est délicat puisqu'il s'agit d'une dérogation à la norme fiscale, ce qui renvoie à une définition de la norme fiscale, elle-même absente de la plupart de nos textes.
Ce qui est certain, en revanche, c'est que le ministère, par un jeu de nomenclatures assez savant, transforme à l'occasion de la dépense fiscale en modalité de calcul de l'impôt, ce qui n'améliore en rien l'état de nos finances publiques. Cela permet seulement d'avoir un discours un peu plus affichable sur la dépense fiscale elle-même et son évolution. Nonobstant ces artifices de nomenclature, cette évolution est préoccupante. En 2000, elle coûtait 56 milliards d'euros, contre 73 milliards cette année. Depuis dix ans, l'évolution de la dépense fiscale a été de 5,2 % d'une année sur l'autre en moyenne. Depuis 2004, cette évolution atteint chaque année 8,5 %. En 2010, on peut craindre qu'elle ne soit encore largement au-delà de nos ressources potentielles.
La dépense fiscale s'est aggravée à partir de 2004, c'est-à-dire lorsque la majorité et le gouvernement de l'époque ont décidé d'appliquer la norme « zéro volume » à la dépense budgétaire. Cette application n'a pas été d'une rigueur parfaite, mais il en est résulté que de la dépense budgétaire a été transformée en dépense fiscale avec les inconvénients que le rapporteur général a rappelés, à savoir qu'il ne s'agit pas de crédits votés de façon limitative mais de crédits estimés. C'est donc l'évaluation qui se substitue à la limitation.
Par ailleurs, cette dépense fiscale se reconduit d'une année sur l'autre sans permettre au Parlement de l'évaluer, alors que la dépense budgétaire doit l'être.
Enfin, comme cette dépense fiscale a été faite exagérément au détriment de l'impôt sur le revenu, c'est évidemment la justice fiscale qui n'y a pas trouvé son compte.
Il faut donc que cela cesse.
Encore faut-il se mettre d'accord sur le périmètre de la dépense fiscale. À cet égard, la distinction entre une dépense fiscale reconnue comme telle et une modalité de calcul de l'impôt, c'est-à-dire une dépense fiscale qui ne s'assume pas, est troublante.
Mes chers collègues, l'abattement de 10 % en faveur des retraités est une dépense fiscale, mais le régime de succession pour l'assurance-vie n'en est pas une.
Mes chers collègues, le bouclier fiscal n'est pas une dépense fiscale, alors que l'exonération de la taxe d'habitation pour les retraités modestes en est une.
Les plus-values réalisées par les particuliers sont imposées de façon non dérogatoire et ne constituent pas une dépense fiscale. En revanche, la cession de titres d'entreprises, c'est-à-dire la fameuse niche fiscale Copé, n'est plus une niche fiscale puisque le ministre du budget a décidé que, dans sa nomenclature, ce serait désormais une modalité de calcul de l'impôt.
Au-delà de l'arbitraire total qui préside au fait que telle dépense fiscale devient tout à coup une modalité de calcul de l'impôt, arbitraire que le ministère du budget n'a pu expliquer à la Cour des comptes puisqu'il a indiqué qu'il ne faisait que se conformer à la volonté parlementaire - or je mets au défi quiconque dans cet hémicycle de m'indiquer à quel moment le Parlement en a décidé ainsi -, on voit bien que l'action que vous vous apprêtez à mener au détriment de la dépense fiscale reviendra à pénaliser ceux qui perçoivent la prime pour l'emploi, c'est-à-dire pour l'essentiel les salariés les plus modestes, mais à exonérer ceux qui bénéficient du bouclier fiscal.
Comment ferez-vous, monsieur le ministre, pour raboter ce qui constitue une exonération sociale ou une exonération de cotisation ? Je ne vois pas comment vous pourrez donner un coup de rabot général sur la dépense fiscale car, au-delà d'une impossibilité technique en ce qui concerne certaines dépenses fiscales, il y aurait surtout une injustice formidable à demander un effort supplémentaire aux retraités exonérés de taxe d'habitation mais pas à ceux qui réalisent des plus-values et qui, aujourd'hui, sont exonérés selon des modalités de calcul de l'impôt et non plus selon des modalités qualifiées officiellement de dépenses fiscales.
La semaine prochaine et au cours de l'examen du projet de loi de finances pour 2011, l'ensemble de la représentation nationale aura à coeur de vous interroger sur le traitement que vous réserverez à certaines dépenses fiscales et à certaines modalités de calcul. L'enjeu n'est pas mince car, si le coût de la dépense fiscale atteint 73 milliards d'euros cette année, le coût des modalités du calcul de l'impôt, c'est-à-dire des dépenses fiscales qu'on n'ose avouer, est, lui, supérieur, puisque de 80 milliards d'euros.
Les exemples que j'ai donnés montrent que nous devrions consacrer nos efforts à des mesures relevant de la dépense fiscale plutôt qu'à des mesures relevant – selon la nomenclature de votre ministère – des modalités de calcul de l'impôt.
Ensuite, le rapporteur général a longuement parlé de la dépense. Une fois « retraitées » les mesures dues à la crise, qu'il s'agisse de baisses de recettes ou bien de dépenses nouvelles, il faut bien admettre que le Gouvernement n'a pas respecté la norme budgétaire qu'il s'était fixée : la dépense publique a dérapé, je le répète, de 0,3 % à 0,6 % du PIB.
J'en profite pour préciser que, la dépense publique ayant représenté 1,7 % du PIB en 2009, les effets de la crise ayant été « retraités », imaginer que la dépense publique peut désormais évoluer de 0,6 %, c'est gagner un point de PIB chaque année, c'est-à-dire 20 milliards d'euros. Vous n'y parviendrez pas ainsi, monsieur le ministre : vous serez obligé de procéder à des prélèvements obligatoires supplémentaires et, au fond, n'est ce pas déjà ce que les autorités françaises ont indiqué fin janvier aux autorités communautaires et à leurs partenaires européens ?
La seule maîtrise de la dépense publique – fût-ce en abandonnant les chasses présidentielles pour les remplacer par de simples battues de régulation, puisque la Présidence de la République a jugé bon de descendre jusqu'à ce genre de détails dans sa lettre au Premier ministre –,…
Il vaut mieux que le Président n'ait pas de fusil en mains ; il est déjà assez dangereux comme ça !
…ne suffira évidemment pas pour retrouver une trajectoire vertueuse.
Il aurait avant tout fallu observer les règles que vous aviez vous-mêmes édictées, chers collègues, mais que vous n'avez pas respectées. C'est évidemment avec un étonnement quelque peu amusé que j'entends certains parmi vous, voire vous-même, à l'occasion, monsieur le rapporteur général, dénoncer des abandons de recettes fiscales que vous avez appelés à voter.
Il vous faudra revenir sur le nombre excessif des abandons de recettes fiscales. Se contenter de demander à d'autres catégories que celles en bénéficiant de compenser ces pertes reviendrait à aggraver la formidable injustice fiscale créée par les politiques menées depuis plusieurs années. Ce serait rendre inacceptables, pour la population que nous représentons, des mesures de rigueur dont nous sommes nombreux ici à avoir perçu depuis longtemps l'inéluctabilité tandis que les autorités en niaient la nécessité.
Ce projet de règlement des comptes, monsieur le ministre, appelle à un effort de lucidité de la part de tous et peut-être davantage de la part de ceux qui conduisent les affaires du pays. Cet effort de lucidité commande la justice. À ce jour, au vu des renseignements dont nous disposons, je n'ai pas le sentiment que la justice soit au rendez-vous. Ce serait une faute, ce serait surtout une erreur car, si elle est dépourvue de cette justice, les Français n'accepteront pas la politique de rigueur que vous préparez. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
J'ai reçu de M. Jean-Marc Ayrault et des membres du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche une motion de rejet préalable déposée en application de l'article 91, alinéa 5, du règlement.
La parole est à M. Pierre-Alain Muet.
Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur général, mes chers collègues, je reprendrai l'expression de M. Carrez : la situation de 2009 est exceptionnelle. C'est en effet la première fois, en temps de paix, que le déficit de l'ensemble des administrations publiques atteint 7,5 % du PIB. Exceptionnelle sera aussi, malheureusement, l'année 2010, puisque ce déficit frôlera 8 % du PIB. Exceptionnelle encore dans le sens où le déficit finance presque la moitié des dépenses de l'État – ce qu'on n'avait jamais connu, j'y insiste, en temps de paix.
Vous avancez, monsieur le ministre, que la crise explique pour l'essentiel ce déficit. Non ! J'ignore quelle est l'évaluation de vos services, de quelle manière ils répartissent déficit conjoncturel et déficit structurel. Je sais en revanche qu'aussi bien la Cour des comptes, que la Commission européenne, que le FMI et toutes les institutions internationales établissent, de la même manière, qu'un tiers de notre déficit est de nature conjoncturelle et deux tiers de nature structurelle, c'est-à-dire antérieurs à la crise. Autrement dit, les 7,5 % du PIB que représente le déficit public sont constitués de 1,5 point de pertes de recettes dues à la crise, de 1 point dû au plan de relance et de 5 points de déficit structurel.
On comprend d'autant mieux cette répartition que la France a abordé la crise en situation de déficit excessif. Si ce dernier représentait 3,4 % du PIB en 2008, le déficit structurel était déjà plus élevé puisque nous étions à la fin d'un cycle : il atteignait 4 % du PIB. Paradoxe : vous avez continué à aggraver ce déficit structurel pendant la crise. La Cour des comptes rappelle en effet qu'on note un point d'augmentation du déficit structurel entre 2008 et 2009 qui s'explique, pour 0,6 point, par des baisses de prélèvements, et pour le reste par une augmentation des dépenses plus forte que prévue.
La norme de la dépense publique a été dépassée, monsieur le ministre, de quelque 0,3 point si l'on s'en tient à vos chiffres. Toutefois, si l'on y regarde de plus près, comme l'a fait la Cour des comptes, et que l'on mesure les dépenses dues au plan de relance proprement dit, à l'exclusion d'autres dépenses – structurelles – qui s'y sont indûment glissées, nous parvenons à 1,6 % d'augmentation de la dépense. Si l'on prend une norme au sens large, à savoir si l'on y inclut les dépenses fiscales, qui ont augmenté de 6,2 %, le chiffre est encore plus élevé.
Le déficit structurel augmente en raison des allègements fiscaux que vous avez décidés mais aussi en raison du dérapage des dépenses.
Une autre manière de mesurer la proportion entre déficit conjoncturel et déficit structurel consiste à comparer l'évolution des situations française et allemande. En 2005, les déficits publics des deux pays étaient comparables : le nôtre avoisinait 3 % du PIB et celui de nos voisins un peu plus de 3 %. En 2008, l'Allemagne a ramené son déficit à néant. Elle a donc abordé la crise avec un déficit des finances publiques nul et il atteint aujourd'hui 3,3 % du PIB. La France a pour sa part abordé la crise avec un déficit public de 3,4 % du PIB. Or, même sans la crise, les mesures structurelles prises par le Gouvernement auraient porté le déficit de 2009 à presque 5 % du PIB. Nous en sommes aujourd'hui, je le rappelle, à 7,5 % du PIB.
Jusqu'en 2010, le déficit public français sera donc dû pour les deux tiers aux politiques économiques menées par la majorité.
Si nous poursuivons les comparaisons internationales, nous nous rendons compte que la hausse du déficit a été plus importante en France que dans les pays les plus touchés par la crise. Il est vrai que nous avons été moins affectés que la plupart des autres pays européens, mais l'augmentation de notre déficit est comparable voire supérieure à la moyenne des pays européens. Le plan de relance n'explique pas seul cette augmentation du déficit : il a été chiffré à 1,1 % du PIB alors que le plan de relance de nos partenaires européens atteint 1,6 % du PIB. Ce n'est donc pas parce que notre plan de relance aurait été plus important que celui de nos voisins que notre déficit est tel, mais parce que, depuis des années, vous l'avez laissé dériver, y compris pendant la crise.
L'Allemagne a été beaucoup plus touchée que nous par la crise : son PIB a baissé de près de 5 %.
Mais la dérive du déficit s'est révélée bien moins forte et l'Allemagne a limité complètement l'impact de la crise sur l'emploi : le taux de chômage n'a pas augmenté à l'inverse du nôtre, qui a explosé puisqu'il est passé de 7,5 % à 10,2 % de la population active, soit une augmentation de près de 600 000 chômeurs. J'utilise des chiffres harmonisés permettant d'établir des comparaisons internationales.
C'est parce que la France a moins relancé son économie que d'autres pays, parce qu'elle a complètement négligé de mener une politique de l'emploi, qu'elle se trouve dans cette situation.
On n'a jamais connu en temps de paix un déficit primaire – hors charges d'intérêts – représentant 5 % du PIB. Cette situation est d'autant plus inquiétante que les neuf-dixièmes de notre déficit financent tous les intérêts de notre dette, tous les remboursements, mais aussi une bonne partie des dépenses courantes. L'État finance par le déficit presque la moitié de ses dépenses courantes. Je trouve choquant de vouloir faire payer aux collectivités territoriales la nécessaire réduction des déficits alors même qu'en 2009 elles représentaient le seul agent institutionnel qui n'ait pas augmenté son déficit.
Grâce à l'accélération des remboursements du Fonds de compensation pour la taxe sur la valeur ajoutée !
Le seul déficit à avoir été réduit, en 2009 toujours, est celui des collectivités locales quand celui de l'État et celui des comptes sociaux ont dérivé.
Nous nous trouvons dans une situation d'endettement explosif. La dette de la France aura doublé en dix ans : d'un peu moins de 900 milliards d'euros en juin 2002, elle passera vraisemblablement à quelque 1 800 milliards d'euros selon les prévisions de votre ministère et peut-être même davantage d'après la Cour des comptes. Les seuls intérêts de cette dette, toujours selon la Cour, représentent 3,6 % du PIB, c'est-à-dire une fois et demie le déficit des retraites. Je ne sous-entends pas, bien sûr, qu'il ne faudrait pas se préoccuper de ce déficit, mais force est de constater qu'un gouvernement qui a doublé la dette, dont les intérêts, à partir de 2012, représenteront une fois et demie le déficit des retraites, est un gouvernement irresponsable.
Si l'on examine sur une plus longue période l'origine du déficit…
…on s'aperçoit que dans les années 70, 80 et 90, l'essentiel du déficit provient de la désinflation.
Autrement dit, avant l'union monétaire, l'inflation était forte et, même avec des déficits, on pouvait continuer à réduire très fortement la dette. Ainsi, dans les années 80, la France avait des déficits inférieurs à 3 % et sa dette a très peu augmenté.
Depuis les années 2000, c'est tout autre chose. Les taux d'inflation, depuis vingt ans, avoisinent 2 % ; nous avons par conséquent entériné le fait que l'inflation ne permettait plus de réduire les dettes. Seulement, depuis 2002, vous avez procédé à des allègements fiscaux considérables, comme l'a rappelé le rapporteur général, qui, pour l'essentiel, ont été entièrement financés par le déficit. Voilà l'origine des déficits actuels : s'il s'agissait, au départ, de s'adapter à la désinflation, les déficits n'ont par la suite pas été maîtrisés.
Il ressort des comparaisons que l'on peut établir entre gouvernements de droite et gouvernements de gauche, depuis une vingtaine d'années, que réduction des déficits et réduction de la dette sont l'oeuvre de la gauche.
Avec une croissance que nous avons suscitée en créant 2 millions d'emplois en cinq ans. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
Avec de telles performances, comment avez-vous vu pu perdre les élections !
Revenons aux chiffres. La dette de notre pays était de 44 % quand M. Balladur est devenu Premier ministre. Les gouvernements de MM. Balladur et Juppé l'ont portée à 60,4 %, puisque tel était son niveau au deuxième trimestre de l'année 1997. C'était la première fois que la France dépassait les 60 %. Nous, nous avons ramené la dette à 58,5 % . C'était la dette française au deuxième trimestre de l'année 2002. Qu'est-elle devenue ensuite ? En 2007, après cinq ans, elle est passée à 65,5 %. Puis, après trois années de votre gouvernement, elle est passée à 83 % en 2010. Elle sera vraisemblablement à 90 % dans deux ans, voire plus, si l'on suit les prévisions des instituts privés ou de la Cour des comptes.
Oui, il n'y a qu'une seule période où la dette et les déficits ont été réduits, c'est la période des cinq années de gouvernement de gauche.
Ce n'est pas uniquement dans notre pays que l'on observe cela. Il y a eu une période où la dette américaine a été fortement réduite, où le déficit américain – qui était considérable après les années Reagan – a été très fortement réduit, et s'est même transformé, pendant trois ans, en un excédent de deux points de PIB : c'étaient les années Clinton. Puis est venu M. Bush, qui à son tour a fait des allégements fiscaux et a laissé se creuser les déficits. Et les États-Unis, comme la France, ont abordé la récession en « déficit excessif », puisqu'il dépassait les 3 %, bien que le concept n'existe pas aux États-Unis.
Par conséquent, la réalité de notre pays, comme la réalité américaine, c'est que la droite fait des allégements d'impôts financés totalement à crédit et laisse exploser la dette et les déficits. La gauche par contre les réduit.
Les chiffres sont terribles.
Oui, tous les cadeaux fiscaux de ces dernières années ont été financés à crédit. Et que représentent ces cadeaux fiscaux ? Au fond, vous avez fait des allégements fiscaux, pour l'essentiel, en faveur des Français les plus fortunés. « Vous paierez moins d'impôts », leur avez-vous dit. Et quelle sera la contrepartie ? C'est en fait un double dividende : non seulement ils paient moins d'impôts, mais vous leur offrez la possibilité, puisqu'ils ont une propension à épargner considérable, d'épargner et de toucher des taux d'intérêt.
Il y a donc un double bonus.
Quant aux investissements, monsieur Fourgous, si vous faisiez la comparaison entre la période 2002-2010 et la période 1997-2002, vous seriez surpris. Entre 1997 et 2002, la croissance des investissements a été de 7 %. Ensuite, elle n'a jamais dépassé 2 %.
Les chiffres sont vraiment terribles.
C'est un double bonus, disais-je, pour les familles aisées. Pour l'État, c'est une double perte. On se prive de recettes fiscales et, en plus, on s'endette, de sorte qu'il faut payer ensuite des intérêts.
Pour les ménages modestes, qui, eux, n'ont pas bénéficié des réductions d'impôts, ce sera des hausses d'impôts demain, quand vous serez conduits à augmenter les impôts de tout le monde.
Un mot de la reprise. Vous prévoyez une croissance de 2,5 % pour les années 2010 à 2012. Je remarque au passage que, quand vous faites des prévisions pour la réduction des déficits, vous retenez des chiffres de croissance extrêmement élevés, très supérieurs à la croissance potentielle, en avançant l'argument selon lequel la crise sera surmontée et qu'il y aura un rattrapage, de sorte que la croissance sera beaucoup plus élevée. Mais quand vous faites des prévisions pour les déficits des régimes de retraites, vous faites l'inverse. Vous expliquez que la croissance à long terme sera extrêmement faible, que la crise l'a encore affaiblie, et que par conséquent le déficit des retraites va exploser. Si seulement vous reteniez les même chiffres, ou simplement un demi-point de croissance de plus, dans vos prévisions pour les retraites, vous effaceriez une bonne partie du déficit.
Je pense qu'il faut retenir des prévisions prudentes en matière de retraite, mais je trouve que pour ce qui est de la réduction des déficits budgétaires, pour le coup, vos prévisions sont extrêmement imprudentes. Les autres pays retiennent une hypothèse de 2 %.
Dans le document que vous envoyez à Bruxelles, vous dites qu'il y aura chaque année une réduction d'un point et demi du déficit public, pour atteindre les 3 % en 2013. Vous prétendez que cela est compatible avec une croissance de 2,5 %. Quand on regarde les chiffres avancés par les instituts de conjoncture, l'OFCE par exemple – mais je pense que vous avez, à Bercy, d'excellentes cellules de prévision, qui doivent vous donner des informations comparables –, on constate qu'avec une réduction de l'ensemble des dépenses publiques de 1,5 point, la conséquence sur la croissance est un effet dépressif à peu près du même ordre.
Autrement dit, à moins d'avoir une croissance spontanée qui dépasserait les 4 %, il n'y a aucune chance pour que vous atteigniez une croissance de 2,5 %. Le plus probable, malheureusement, si vous appliquez la politique de rigueur et d'austérité exposée dans le document que vous envoyez à Bruxelles, c'est que la croissance de notre pays sera faible. La conséquence, c'est que le chômage continuera à augmenter, et les déficits ne se réduiront pas.
Mais vous ajoutez bien d'autres hypothèses. Je ne reviendrai pas sur l'élasticité des recettes à la croissance, qui n'a jamais été observée dans le passé. Vous supposez qu'elle est de 1,2, ce qui vous permet de dire qu'il y a aura deux points de hausse spontanée des prélèvements obligatoires. Non : si vous appliquez votre programme, ce ne sera pas deux points de hausse spontanée des prélèvements obligatoires, ce sera deux points, ou un peu moins de deux points, d'augmentation des impôts. Et les Français ont le droit de savoir qui va supporter cette augmentation.
Un mot de la réforme fiscale et du risque des politiques d'austérité. Le président de la commission des finances signalait le changement brutal en Europe : des politiques de relance l'an dernier, et des politiques d'austérité aujourd'hui. C'est un virage à 180 degrés, qui risque sérieusement d'enfoncer l'Europe dans la crise. Je pense que l'Europe ne sait pas coordonner les politiques économiques, et qu'il devrait y avoir une vraie coordination des politiques européennes. Des pays comme l'Allemagne, qui ont un fort excédent extérieur, devraient continuer à jouer le rôle de locomotive, pour favoriser la réduction des déficits extérieurs et publics des pays du Sud. Et dans notre pays, le risque, si vous appliquez votre politique, c'est que la croissance soit complètement cassée.
Depuis trois ans, la politique de notre pays ressemble un peu à un bateau ivre. On ne sait pas vraiment où il va. Il n'y a qu'un seul fil directeur, qui a été, pendant trois ans, de baisser les impôts. Pas les impôts de tous, mais ceux des plus fortunés. Et dans les deux dernières années de la législature, si vous faites ce que vous dites, ce sera une politique d'austérité sans précédent, qui va peser sur tout le monde, sauf peut-être sur les bénéficiaires du bouclier fiscal, et qui va en tout cas toucher nos concitoyens les plus modestes.
Votre politique est complètement l'inverse de ce qu'il aurait fallu faire. Vous avez creusé les déficits dans une période de croissance. Je rappelle que le cycle de croissance que nous avons connu avant cette récession, c'est la plus forte croissance mondiale qu'on ait jamais connue en vingt-cinq ans. Quand je vous parlais des années où la gauche était au pouvoir, vous me disiez : « Oui, mais la croissance était là ». La croissance mondiale était de 3,5 %. De 2002 à 2008, elle a été de 5 %. Cela a donc été un cycle de croissance extrêmement forte. Certes, la France est restée à l'écart mais, dans cette période, la plupart des pays ont réduit leur déficit, et cela les a mis – je pense notamment à l'Allemagne – dans une situation où ils pouvaient affronter une récession sans voir le déficit et la dette exploser. Ce n'est pas le cas en France.
Et puis, que dire de cette politique absurde de subventions aux heures supplémentaires ! Je pense que, dans les années futures, ce sera un cas d'école pour les étudiants. Subventionner les heures supplémentaires dans une période de récession, où l'on détruit 115 000 emplois par an depuis trois ans, où l'on a 600 000 chômeurs de plus depuis trois ans, c'est une politique absurde.
Les 35 heures, c'était plus intelligent : on subventionnait des heures de travail en moins !
D'ailleurs, la France n'a eu aucune politique de l'emploi. Et je pense que c'est le vrai problème. La seule façon de réduire les déficits, c'est de favoriser la création d'emplois et de maintenir ainsi une croissance interne. Ce n'est pas la direction que vous prenez. Vous êtes en train d'enfoncer notre pays dans des politiques d'austérité sans précédent, après l'avoir enfoncé dans des déficits eux aussi sans précédent. Quand on entend le Premier ministre dire qu'il n'y aura pas de hausse d'impôts, on ne peut parler de rigueur. C'est seulement la réduction des déficits qui est visée. En réalité, nos concitoyens subiront tout à la fois des politiques d'austérité, la hausse des impôts et la persistance des déficits. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
Dans les explications de vote sur la motion de rejet préalable, la parole est à M. Jean-Pierre Brard, pour le groupe GDR.
Tout le monde a vu que le rapporteur général était en train de refaire les comptes, tellement il a été perturbé par la démonstration de Pierre-Alain Muet. Je comprends qu'il préfère ne pas répondre à l'orateur. Quant au ministre, je comprends aussi qu'il préfère s'abstenir. On connaît pourtant l'étendue de son talent. Mais quand on est à la peine et que l'on doit faire son chemin de Damas pour défendre une mauvaise cause, même quand on a du talent, c'est difficile.
Charles-Amédée de Courson, il ne faut pas confondre la laïcité avec ce qui relève des références culturelles. Ce n'est pas le même registre. Et d'ailleurs, c'est au moins un point, sûrement le seul, où le ministre et moi-même sommes d'accord.
Que nous a démontré Pierre-Alain Muet, après le propos laborieux du ministre ? C'est qu'en fin de compte il n'y a pas lieu de délibérer, car ce qu'on nous dit n'est pas exact. Le déficit, contrairement à ce que vous avez laissé croire jusqu'à présent, n'est pas essentiellement lié aux circonstances, il est le résultat de votre politique. Vous vous êtes donné des normes et vous ne les respectez pas.
Vous avez entraîné le pays dans le cercle vicieux du déficit, essentiellement dû aux politiques menées. Qu'est-ce qui progresse, dans vos politiques ? L'augmentation du déficit, l'augmentation de la dette, l'augmentation du chômage, l'augmentation des niches fiscales, l'augmentation des cadeaux faits aux gens que vous aimez tendrement. Tout dérive.
Pierre Alain Muet a comparé la politique gouvernementale à un bateau ivre. Il a ajouté : « On ne sait pas où il va. » Si, on sait où il va : il va sur les récifs, directement, comme attiré, fasciné par eux. Autrefois, à l'île d'Ouessant, les Ouessantins allumaient des feux pour favoriser l'échouage des navires et les piller ensuite. Qui sont les pilleurs, aujourd'hui ? Ce ne sont pas les Ouessantins, qui ont rompu avec ces pratiques de brigandage. Ce sont ceux que vous protégez, et qui, eux, ne trouvent rien à redire à votre politique, parce qu'ils en bénéficient largement.
Vous comprendrez bien qu'après la brillante démonstration de notre collègue Pierre-Alain Muet, nous voterons cette motion de rejet préalable.
Car il ne faut pas récrire l'histoire budgétaire.
Monsieur Muet, vous ne nous avez pas parlé de la période 1981-1983. Le budget 1981, c'était le dernier budget en équilibre. En trois ans, les mesures prises par la majorité à laquelle vous apparteniez, même si vous n'étiez pas député à l'époque, ont provoqué une explosion telle qu'en 1983 il a fallu que le gouvernement dit de gauche inverse complètement sa politique. Et cela a conduit au désastre électoral.
Vous vous êtes bien gardé d'évoquer la période 1981-1983. (« Eh oui ! » sur les bancs du groupe UMP.) En 1981, quand vos amis sont arrivés au pouvoir, le montant de la dette publique était de 20 %, en baisse constante, et on était à l'équilibre budgétaire. Où en était-on cinq ans plus tard, monsieur Muet ?
Deuxième épisode, votre retour au pouvoir en 1988. De 1986 à 1988, nous avons géré le budget de la France de façon très rigoureuse.
Si bien que nous avons failli gagner les législatives à cinq sièges et 2 500 voix près.
Ne dites pas que le peuple a repoussé une politique de saine gestion de 1986 à 1988.
Quand vous revenez au pouvoir, on est en pleine croissance économique. Vous l'avez complètement gâchée.
Dès le retournement de 1991, c'est l'effondrement des finances publiques. En 1993, quand la gauche est écrasée aux élections législatives, nous nous retrouvons avec un déficit budgétaire de 6,3 %, ramené, après un collectif, à 6 %. Alors que la situation était favorable, vous avez creusé un énorme déficit. Vous avez tout gâché !
Vous revenez une troisième fois au pouvoir, tout à fait par hasard, à la faveur d'une incroyable dissolution – j'en étais, pas vous. Là encore, vous arrivez en plein redémarrage. Le cycle économique s'était de nouveau inversé depuis plus de six mois. Une nouvelle fois, vous avez complètement gâché la croissance.
Voilà ce qu'ont été les trois épisodes de gestion de la gauche. Un peu de modestie, donc, monsieur Muet !
Je sais bien que les socialistes français sont les plus intelligents de tous les sociaux-démocrates européens.
Ils sont si intelligents qu'ils constituent une exception culturelle au sein de la gauche européenne.
Expliquez-moi donc pourquoi vos amis socialistes, espagnols, grecs, portugais,…
…ainsi que les travaillistes, même s'ils ont été battus, ont, sur ces questions budgétaires, une position exactement inverse de celle des socialistes français. Vous êtes peut-être les plus intelligents des sociaux-démocrates européens, mais il doit quand même y avoir un petit problème.
Pour ma part, quand mes amis pensent l'inverse de ce que je pense, je m'interroge.
Voilà pourquoi nous ne pouvons pas soutenir la motion de rejet préalable, et nous la rejetterons. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Le débat qui nous anime ce soir montre que le Gouvernement et sa majorité cherchent à échapper à leurs responsabilités. Ils n'y parviendront pas !
La vérité apparaît peu à peu. Il y a quelques jours, la Cour des comptes, dans son rapport sur la situation des finances publiques, a fait la preuve qu'à peine un tiers du déficit est dû à la crise.
N'ayez crainte, nous avons tout lu. Dès lors, plus des deux tiers du déficit sont dus aux décisions de politique publique que vous avez, vous la droite, prises depuis quelques années.
Pierre-Alain Muet a illustré son propos d'au moins deux exemples d'autres politiques possibles, évoquant la politique conduite par Lionel Jospin entre 1997 et 2002, et celle conduite parallèlement à la nôtre au cours des derniers mois par l'Allemagne. Ce sont d'autres politiques qui ne creusent pas le déficit ou, comme ce fut le cas entre 1997 et 2002, qui le comblent.
S'il fallait trouver des arguments pour voter la motion de rejet préalable, il suffisait d'écouter Gilles Carrez, notre cher rapporteur général, tout à l'heure : endettement jamais vu, extrême vulnérabilité due à la dette par son montant et par sa nature – 36 % seraient exigibles à moins de deux ans, besoin de financement de l'État passé de 179 milliards dans le projet de loi de finances à 246 milliards en exécution. Cela laisse rêveur !
En matières de recettes, voyons quelles ont été les décisions de politique publique prises par vos gouvernements, mesdames et messieurs de droite, notamment depuis 2007 : paquet fiscal, TVA dans la restauration, niches fiscales. Le débat entre dépenses fiscales et niches ne change rien à la réalité : c'est un manque à gagner pour la puissance publique. Par exemple, la « niche Copé », coûte à l'État 12,5 milliards d'euros en 2009, soit près de 10 % du déficit, ce qui n'est pas rien. Voilà la réalité de votre politique !
Le rapporteur général a évoqué une proposition, dont on voit bien à quoi elle mène : l'instauration d'un taux intermédiaire de TVA à 10 ou 12 %. La TVA, l'impôt le plus injuste qui soit,…
…alors même que les niches que vous défendez portent sur l'impôt sur le revenu qui, lui, est progressif. Quel est le but ? On remonte la TVA, et un jour on la rebaissera, comme pour le secteur de la restauration, toujours au profit des mêmes.
Les mêmes, ce sont les petits restaurateurs, et ils ne sont pas au CAC 40 !
Que se passe-t-il quand on augmente la TVA ? La répercussion se fait sur les prix, frappant le consommateur. Et quand on la diminue ? Les prix ne baissent pas, on l'a vu.
Que fait le président Sarkozy devant cette situation ? Il écrit à son Premier ministre : il veut poursuivre la RGPP, qui est bientôt accomplie, supprimer la garden-party du 14 juillet et les chasses présidentielles ; il veut que les ministres en déplacement ne couchent plus à l'hôtel mais dans les préfectures, ce qui, soit dit en passant, nécessitera quelques travaux pour mettre les chambres aux normes – mais cela fera fonctionner l'artisanat local.
Le président, qui ne manque pas d'air, explique dans sa lettre que ces efforts sur les dépenses permettront de maintenir notre soutien aux investissements stratégiques. Peut-être faudrait-il lui expliquer la différence entre millions et milliards, entre centaines de milliers et millions. Les mesurettes qu'il annonce dans sa lettre vont générer une économie qui se mesure en centaines de milliers d'euros ; les mesures que généralement vous soutenez, sur l'impôt sur le revenu, par exemple, sont de l'ordre de centaines de millions d'euros alors même que les déficits se mesurent en centaines, au mieux en dizaines de milliards d'euros. Vous devez prendre conscience de ce décalage constant entre ordres de grandeur. Plutôt que de s'y engluer, il faut prendre des mesures à la hauteur des déficits. C'est ce que nous avons proposé, et que vous avez toujours refusé, à travers toutes les lois de finances que nous avons discutées ici, notamment celle pour 2009.
Ce sont 10 % des contribuables qui paient 80 % de l'impôt, il ne faut pas l'oublier !
Nous voterons contre la loi de règlement des comptes pour 2009. Toutefois, pour gagner du temps, le plus simple est de voter la motion défendue par Pierre-Alain Muet. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
La motion que vient de défendre M. Muet est digne d'un cours de rattrapage sur une période qu'il a bien fait de rappeler, tout comme M. de Courson est revenu sur des années antérieures.
La rupture budgétaire a une date bien précise : c'est l'année 1981 qui commence à consacrer, malheureusement, la situation de dérive budgétaire à laquelle, année après année, nous nous trouvons confrontés. L'accumulation de la dette est née aussi dans une période où vous avez augmenté les dépenses mais aussi, monsieur Mallot, le taux de TVA. En 1981, la TVA était à 17,6 % ; une fois élu, M. Mitterrand l'a portée à 18,6 %.
Merci d'avoir rappelé que nous devions à un président que vous avez soutenu l'augmentation de la TVA, impôt le plus inéquitable selon vous !
Les déficits se sont accumulés, la dette était celle que nous connaissons maintenant. Puisque vous faites des comparaisons internationales, allez au bout du raisonnement. Combien de gouvernements socialistes ont pratiqué une politique budgétaire de cagnotte fiscale, comme M. Jospin, alors qu'il y avait un surplus de croissance ?
En effet. Si sa politique avait été un tel succès, cela se serait su !
Une politique budgétaire se mesure aussi en capacité d'emploi. À quel moment le chômage a-t-il commencé à remonter sous Lionel Jospin ? À partir de 2001. C'est d'ailleurs une des raisons pour lesquelles votre majorité a été sanctionnée par les Français, qui ont constaté que les 35 heures avaient généré des dépenses supplémentaires et qu'en plus le chômage remontait. C'était la double peine !
Merci bien pour le cours de rattrapage, monsieur Muet, mais, pour ce qui nous concerne, nous préférons nous en tenir à des critères objectifs. L'exemple que vous donnez aujourd'hui n'est ni celui de la responsabilité, ni celui de la relance. Voyons ce qui se passe dans d'autres pays. Aux États-Unis actuellement, le taux de chômage est supérieur au nôtre,…
…à comparer avec la capacité qui a été la nôtre d'injecter de la relance dans l'économie.
Quant à la comparaison avec l'Allemagne, elle montre à quel point l'écart de compétitivité a été en faveur de l'économie allemande, avec la même monnaie que la nôtre. Encore une fois, c'est la démonstration qu'il faudra s'appliquer à mettre nos règles budgétaires et de compétitivité plus en accord avec celles des autres pays d'Europe. C'est la meilleure façon de démontrer que votre approche n'est pas partagée dans les autres pays du monde aujourd'hui. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
On verra !
(La motion de rejet préalable, mise aux voix, n'est pas adoptée.)
J'ai reçu de M. Jean-Claude Sandrier et des membres du groupe de la Gauche démocrate et républicaine une motion de renvoi en commission déposée en application de l'article 91, alinéa 6, du règlement.
La parole est à M. Jean-Pierre Brard.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l'objet de mon propos n'est pas de répondre à Louis Giscard d'Estaing mais, quand même, son dernier argument est invraisemblable : vous serez crédibles quand vous serez comme les autres. Toute l'histoire de France démontre le contraire ! Nous n'avons jamais été meilleurs que quand nous avons été les pionniers pour ouvrir la voie aux autres.
Le mimétisme n'a jamais été une politique. Il faut savoir porter des valeurs,…
…y compris les nationalisations, à condition que ce soient de vraies nationalisations et pas du capitalisme d'État. Si, sur ce sujet, vous consultez M. Fourgous, votre perte est assurée.
Nous sommes aujourd'hui réunis pour faire le bilan de l'exercice budgétaire de l'année 2009. Comme cela a déjà été souligné par certains orateurs, ce bilan est tout sauf satisfaisant. À vrai dire, il est catastrophique pour la France, notamment pour les classes moyennes et les ménages modestes, pour ceux qui travaillent et au détriment desquels les privilégiés s'enrichissent. Ce sont en effet les catégories modestes et moyennes qui paient le plus lourdement votre politique depuis longtemps, trop longtemps, chers collègues de l'UMP.
Ce bilan, c'est votre bilan, monsieur le ministre, même si vous n'étiez pas directement aux affaires. Vous l'assumez, avec un enthousiasme somme toute modéré, mais avec beaucoup de courage, car il est lourd à porter.
Ce bilan est accablant pour le Gouvernement et sa majorité. Il reflète parfaitement l'impact de vos choix politiques. Je me permets de vous rappeler la formule utilisée par le Premier président de la Cour des comptes. Didier Migaud disait, il y a quelques jours, qu'avec cet exercice budgétaire, « le mal a franchi un nouveau stade ».
Vous êtes, monsieur le ministre, dans la situation d'une personne qui est atteinte d'une maladie incurable. La vie est tellement chevillée au corps que vous ne voulez pas faire confiance au diagnostic du médecin. Pourtant, le mal est là et vous ronge, et l'issue fatale est assurée.
C'est encourageant !
Non, ce n'est pas encourageant. Il s'agit d'un diagnostic objectif, et, hélas ! les Français supportent les conséquences de votre politique.
Toujours selon M. Migaud, l'ampleur de la dette et du déficit constitue désormais une menace pour la souveraineté de la France.
Cela dit, chers collègues de la majorité, nous n'avions plus besoin de preuves supplémentaires de votre part pour comprendre que la dépendance de la France, que l'asservissement de la souveraineté nationale aux marchés financiers ne vous empêchent pas de dormir douillettement.
C'est vraiment la totale !
Non, ce n'est pas la totale, monsieur le ministre, vous êtes lucide et je suis sûr qu'in petto vous êtes très autocritique.
Non ! Il s'agit d'une référence latine, monsieur de Courson ! Nous ferons un séminaire, si vous voulez ! (Sourires.)
Ah non ! C'est trop !
La capitulation de la puissance publique devant les exigences des acteurs d'une économie mondiale financiarisée fait partie de votre programme. Vous asséchez consciencieusement les finances publiques de notre pays en prenant pour prétexte la crédibilité de la France auprès des brelandiers du casino mondial. Vous faites confiance à ces brelandiers, mes chers collègues, à ces personnes habituées aux tripots, qui se livrent continuellement aux jeux du hasard et dont notre bon La Bruyère écrivait déjà : « C'est un sale et indigne métier que de tromper ; mais c'est un métier pratiqué de tout temps par ce genre d'hommes que j'appelle des brelandiers. »
Cet assèchement des finances, cet affaiblissement des moyens et par conséquent des capacités de l'État, est au coeur de la logique du système depuis non pas l'arrivée de Nicolas Sarkozy mais depuis Adam Smith. Et cela n'a pas changé malgré toutes les catastrophes, petites et grandes, que cela a provoqué dans l'histoire. Cette haine froide et obstinée à l'égard de l'État qu'entretiennent des collègues comme M. Fourgous par exemple, et du potentiel de progrès contenu dans l'action publique constitue toujours la colonne vertébrale de votre projet politique. Elle est la colonne vertébrale de la « France d'après », telle que Sa Majesté Impériale l'avait promise en 2007.
Le poids de cette politique, en revanche, pèse toujours sur les mêmes épaules, celles des 700 000 chômeurs supplémentaires depuis le début de votre crise en septembre 2008. Il pèse sur les épaules des millions de travailleurs précaires, des femmes qui continuent de subir les inégalités salariales, des jeunes qui ne trouvent pas d'emploi, des plus anciens qu'on pousse au-dehors de l'entreprise parce qu'ils coûtent trop cher aux actionnaires, des sans-papiers qu'on exploite comme des sans-droits. Cette politique pèse également de plus en plus lourdement sur les épaules des classes moyennes, avec l'explosion du prix des loyers, avec le poids des frais de garde et de santé, sans parler de la dégradation galopante des conditions de travail et de l'inquiétude, oui de l'inquiétude, mes chers collègues, qui gagne toutes les générations et toutes les classes sociales, à l'exception peut-être, monsieur le ministre, de la classe qui vous fait confiance.
L'exercice budgétaire de l'année 2009 a été à bien des égards un exercice exceptionnel. Bien sûr, il l'a été en raison des effets de la crise économique et financière internationale, et des diverses mesures que votre gouvernement a imposées au pays pour, comme dit Mme Lagarde, « sortir plus fort » de cette crise. Mais cette crise a surtout été exceptionnelle lorsqu'on regarde la violence avec laquelle votre gouvernement a essayé d'imposer vos options idéologiques aux Français. C'est en ce sens que le Gouvernement dit vouloir « transformer la crise en opportunité ». Je l'ai dit : le coeur de votre projet politique, c'est – nous le constatons tous les jours – d'appauvrir l'État et de détruire les services publics qu'il gère, c'est ce que vous appelez la RGPP. Privatiser l'État, mes chers collègues, c'est faire un cadeau aux grands groupes privés et autres fonds d'investissement ; détruire les services publics, c'est offrir de juteux marchés aux « acteurs économiques », comme vous dites, c'est rendre des services à ceux dont vous dites admirer la « réussite » : la réussite d'empocher des millions en traitements, primes, stock-options, dividendes et « parachutes » divers, en imposant des conditions de travail de plus en plus insupportables et des salaires de misère aux travailleurs et employés de France et du monde entier.
« Saisir l'opportunité de la crise », pour vous, mes chers collègues de la majorité, c'est imposer des plans d'austérité d'une ampleur sans précédent, même si vous n'avez pas le courage d'assumer le vocabulaire. Pour ce faire, pour justifier la rigueur budgétaire, pour prétendre qu'il y a une « nécessité absolue » d'appliquer vos mesures de démolition sociale, vous avez besoin de la dette, d'une dette colossale. À cet égard, vous pouvez être fiers de vous, mes chers collègues de la majorité et vous, monsieur le ministre, de cet exercice budgétaire 2009.
En 2009, l'exécution budgétaire s'est achevée par un déficit de 138 milliards d'euros, soit deux fois et demi celui constaté en 2008. Celui-ci avait pourtant déjà atteint, avec 56 milliards, un niveau exceptionnel, un niveau record dans notre histoire moderne. Comme vous le savez, l'année 2009 a vu, fait exceptionnel, le vote de trois lois de finances rectificatives, en février, avril et décembre. Il y a d'une certaine manière, maintenant, des lois de finances rectificative saisonnières. Il n'y a de repos que pendant l'été.
S'il vous fallait encore, mes chers collègues, une preuve pour démontrer que cette crise est, contrairement à ce que vous affirmez sans cesse, loin d'être terminée, qu'elle montre des symptômes de plus en plus graves à chaque nouvelle étape, s'il vous fallait encore une preuve pour montrer que vous avez eu tort, je vous rappelle que vous avez également adopté, en 2010, trois autres lois de finances rectificatives. Je ne reviendrai pas aujourd'hui sur les plans de sauvetage des profits des banques et des marchands d'armes, ni sur l'esbroufe de votre loi dite de régulation bancaire et financière. Je me limiterai à vous apporter la démonstration que cette dette colossale a été consciemment et consciencieusement creusée par vous, mes chers collègues de la majorité, ainsi que par vos prédécesseurs, lors des législatures précédentes.
Je l'ai dit, l'année 2009 est d'une exceptionnelle limpidité pour démontrer que les trémolos dont Mme Lagarde est coutumière ne sont que des effets d'annonce.
Mes chers collègues, je vous rappelle que l'exercice budgétaire 2009 est le premier exercice qui s'inscrit dans la loi de programmation des finances publiques pour les années 2009 à 2012. Je vous rappelle également que cette loi était censée mettre en oeuvre, pour la première fois, la révision constitutionnelle du 23 juillet 2008, qui avait consacré cette nouvelle catégorie de loi, appelée à définir « les orientations pluriannuelles des finances publiques ». Elle devait ainsi être l'occasion de fixer, par un vote du Parlement, la stratégie nationale de finances publiques pour les trois années à venir. Adoptée le 9 février 2009, cette loi de programmation triennale devait constituer, selon les termes du Gouvernement, « le support de la stratégie de retour à l'équilibre des finances publiques ».
Ainsi, cette loi de programmation triennale avait prévu de limiter le poids de la dette à 65,3 % du PIB en 2010, pour atteindre 61,8 % en 2012. Force est de constater que la dette s'établit aujourd'hui à 1 489 milliards d'euros, soit 78,1 % du PIB. La réalité est que le Gouvernement lui-même est aujourd'hui forcé de reconnaître que les prévisions portent, pour l'année 2010, sur un déficit équivalent à 8 % du PIB et un « ratio dette rapportée au PIB » de 83,2 %.
Mais, là encore, vous cherchez à enjoliver la réalité. En effet, la Cour des comptes, quant à elle, s'alarme d'une « augmentation de la dette rapide, des charges nouvelles d'intérêts » et, selon elle, cela veut dire que « l'on va très vite vers la zone où le ratio dette sur produit intérieur brut atteint 90 % ». Nous sommes donc très loin, de l'objectif affiché d'une dette stabilisée autour de 60 % du PIB.
Et, pour une fois, vous n'avez pas la crise pour prétexte : la loi de programmation triennale a été adoptée en pleine tourmente boursière, au début de l'année 2009. Avec ce texte, lu avec dix-huit mois de recul, et en le comparant à la situation budgétaire actuelle, le Gouvernement est pris en flagrant délit d'affabulation.
Lorsqu'on fait de la politique une pure affaire de communication, monsieur le ministre, lorsque l'action publique se résume aux effets d'annonce et à l'habillage des impostures, il ne faut pas s'étonner que le fatalisme que vous aviez réussi à instiller se transforme en colère dans notre peuple.
En réalité, mes chers collègues, cette loi de programmation triennale aurait pu s'appeler loi de programmation trentenaire, tant vos objectifs apparaissent limpides lorsqu'on regarde le passé. La diminution des ressources de l'État est en effet l'une des données fondamentales de ces trente dernières années.
Selon la Cour des comptes, les recettes fiscales de l'année 2009 se sont effondrées, au point de revenir, à périmètre courant mais en euros constants, à un niveau proche de celui de 1979, alors que, dans le même temps, le PIB a augmenté de 68 %. Un programme trentenaire d'assèchement des finances publiques en quelque sorte. Je serais presque tenté de reconnaître au Gouvernement une certaine « vision politique » si cette patience ne vous était pas tout simplement imposée par les résistances populaires – ces résistances qui s'expriment parfois, comme jeudi dernier, lorsque nos compatriotes battent le pavé des rues de notre pays pour se faire entendre.
Ceux qui sont mal appareillés risquent d'entendre plus fort les décibels exprimer la colère de nos compatriotes. Vous auriez tort de sous-estimer ce qui s'est passé jeudi dernier aux quatre coins du pays.
En 2010, l'État dispose d'autant – ou d'aussi peu – de moyens qu'il y a trente ans, avec un déficit de près de 140 milliards d'euros et une dette qui atteint près de 1 500 milliards. Là encore, chers collègues de l'UMP et du Nouveau Centre – pour être équitable –, ne me dites pas que cette dette est essentiellement due à la crise. Il y a quelques jours seulement, le Premier président de la Cour des comptes nous a indiqué, je le rappelle, que les effets de la crise ne comptent que pour un tiers dans la situation budgétaire actuelle. Autrement dit, les deux tiers du déficit, et davantage encore en ce qui concerne la dette, sont imputables aux politiques structurelles de votre gouvernement.
Cette dette abyssale n'est pas d'origine mystérieuse. Elle est le résultat de votre politique. C'est bien évidemment votre doctrine fiscale qui est au coeur du problème. La dette n'est pas tant un problème de dépenses qu'un problème de ressources. D'ailleurs, M. le rapporteur général fait beaucoup d'efforts pour ne pas contredire ses propres propos, qui faisaient écho à ceux de Philippe Séguin, démontrant que les exonérations de cotisations fiscales et sociales étaient complètement inutiles et ne produisaient en tout cas pas du tout les effets attendus.
Il faut cependant reconnaître, monsieur le ministre, qu'il est plus facile de se faire élire sur un fallacieux et destructeur programme de baisse des impôts, d'expliquer aux gens dont les fins de mois commencent le 15, et qui ne sont pas imposables sur le revenu, qu'ils auraient plus d'argent si seulement l'État était moins gourmand.
Ces arguments sont évidemment mensongers. Pour s'en convaincre, il suffit à chacun de se demander si la perte de recettes fiscales, c'est-à-dire les baisses d'impôts, ont réellement augmenté son pouvoir d'achat. Lorsque vous prétendez baisser l'impôt sur le revenu, le contribuable lambda gagne à peine cent euros par an, tandis qu'une poignée de nantis bénéficient de plusieurs centaines de milliers d'euros de cadeaux fiscaux, sans parler de l'héritière des Galeries Lafayette.
La réalité, mes chers collègues de la majorité, c'est que vos baisses d'impôts profitent toujours aux mêmes, elles profitent toujours aux seuls privilégiés, à ceux qui, de toute façon, n'ont pas besoin des services publics pour se soigner, pour éduquer leurs enfants, pour se déplacer ; elles profitent toujours à ceux qui n'ont pas besoin de la collectivité pour trouver un logement, pour avoir accès à la culture ou pour se voir garantir un minimum vital, l'âge de la retraite atteint.
Résumée d'une phrase, votre politique fiscale est faite pour les intérêts du capital, au détriment des revenus du travail.
Concernant les affaires actuelles, je ne suis pas de ceux qui jetteront aux chiens telle ou telle personne. Le problème, c'est la consanguinité du monde de la politique avec celui des affairistes et des médias people, les uns portant les autres comme cette caricature montrant le peuple supportant le clergé et l'aristocratie au moment de la Révolution. De ce point de vue, cela n'a pas beaucoup changé.
Je m'honore d'être l'un des rares députés dans cet hémicycle à n'avoir jamais accepté de serrer la main de ce triste personnage.
Triste, mais avide, et avec lequel vous parlâtes, cher collègue, ce qui ne fut jamais mon cas.
Je ne sais pas ce que vous lui avez dit à l'oreille parce que je n'ai pas pu entendre, malgré ma curiosité.
Je savais bien que vous lui aviez parlé, même si c'était en commission.
Monsieur le ministre, votre politique signifie que vous avez systématiquement asséché les finances publiques en accordant des cadeaux fiscaux à ceux qui n'en avaient pas besoin. Je me limiterai ici à trois exemples de cette tendance lourde des trente dernières années.
Premièrement, il s'agit de la répartition des richesses à proprement parler. Selon la Banque des règlements internationaux, « la part des profits est inhabituellement élevée depuis quelques années, tandis que la part des salaires est inhabituellement basse ».
Je comprends que vous ne vouliez pas écouter, car la vérité écorche vos oreilles.
Selon la Banque des règlements internationaux, « l'amplitude de cette évolution et l'éventail des pays concernés n'ont pas de précédent dans les quarante-cinq dernières années ». De même, selon le Fonds monétaire international, dans les pays membres du G7, la part des salaires dans le PIB a baissé de 5,8 % entre 1983 et 2006. D'après la Commission européenne, monsieur de Courson, encore une institution éminemment gauchiste, la part des salaires dans le PIB a chuté de 8,6 % en Europe et de 9,3 % en France, entre 1983 et 2006.
On lui montre dans le miroir les résultats de sa politique et il prétend que c'est le miroir qui donne la mauvaise image ! Nous sommes dans la vie réelle, monsieur de Courson, nous ne sommes pas au musée Grévin. Je vous montre la réalité telle qu'elle est.
Que la réalité vous effraie parce que vous voyez bien quels sont ses effets sur vos électeurs, je le comprends, mais assumez vos choix devant nos concitoyens, ce que vous refusez de faire !
En d'autres termes, de toutes les richesses produites en France, les salariés récoltent aujourd'hui 9,3 % de moins qu'en 1983, soit entre 120 et 170 milliards d'euros chaque année.
Comme vous le savez, mes chers collègues, cet argent va directement dans la poche des actionnaires. Mais vous ignorez peut-être l'ampleur du phénomène. Selon les statistiques établies non par l'Humanité mais par l'Agence centrale des organismes de sécurité sociale, la part des dividendes dans la répartition de la valeur ajoutée des entreprises était d'environ 5 % au début des années 80. Aujourd'hui, cette part a été multipliée par cinq, pour atteindre 25 %. Et à ce moment-là, que fait M. de Courson ? Il regarde la pointe de ses chaussures en même temps que lui monte le rouge au front ! (Sourires.)
Je sais, monsieur Fourgous, que vous partagez les engagements de M. de Courson. De ce point de vue, vous trahissez vos racines montreuilloises – dont je suis fier – auxquelles vous ne faites pas honneur.
Monsieur de Courson, nous parlerons de cela plus tard, sur le pré vert ! (Sourires.)
L'évolution que je viens de décrire est à l'image de celles qu'ont connue les exonérations de charges patronales. Quasiment nuls au début des années 80, ces cadeaux fiscaux n'ont cessé d'augmenter chaque année pour atteindre aujourd'hui près de 30 milliards d'euros par an.
Lorsqu'on réduit drastiquement les ressources, sans provoquer d'effet compensateur en stimulant la croissance – une autre marque de fabrique de votre politique, monsieur le ministre –, alors, il faut mécaniquement couper dans les dépenses. C'est ce que vous expliquez dans votre projet de loi de programmation triennal. Je cite Mme Lagarde : « Le redressement de nos finances publiques doit être atteint sans augmentation du poids des impôts et des charges, donc entièrement grâce à la maîtrise des dépenses. » Dans le langage courant, mes chers collègues, vu l'ampleur des coupes budgétaires que vous êtes obligés d'envisager si vous refusez obstinément de revenir à un système fiscal plus juste, dans le langage courant, donc, cela s'appelle la « rigueur ».
Et vous savez comme moi, quelles sont les catégories de Français qui subiront le plus lourdement les choix de votre politique.
Vous baissez les impôts de quelques privilégiés, en faisant subir la rigueur budgétaire au plus grand nombre. En agissant ainsi, vous ne respectez même pas les lois que vous avez vous-mêmes votées. La loi de programmation des finances publiques avait en effet posé la règle selon laquelle les mesures nouvelles relatives aux impositions ne peuvent avoir pour conséquence une diminution des recettes fiscales nettes de l'État par rapport aux montants fixés dans la loi. Or la Cour des comptes relève que « ce mécanisme n'a pas fait obstacle à l'adoption de nouvelles mesures fiscales en cours d'année 2009, sans lien avec la conjoncture économique, telle la baisse du taux de TVA dans la restauration, dont le coût en année pleine est estimé à 3 milliards d'euros ».
Au total, la baisse des recettes fiscales nettes a représenté 50,9 milliards d'euros pour la seule année 2009, soit une diminution sans précédent. Sans avoir la prétention, ni le temps d'ailleurs, de dresser une liste exhaustive de tous les cadeaux fiscaux consentis aux privilégiés par votre Gouvernement, je dois néanmoins en citer quelques-uns.
Ainsi, les niches fiscales représentent, chaque année, la bagatelle de 74,8 milliards d'euros ; la fraude fiscale prive l'État d'au moins 25 milliards – hormis les discours que vous tenez, on ne voit pas beaucoup d'autres effets – ; la suppression de la taxe professionnelle coûtera près de 13 milliards d'euros chaque année ; les différents plans de relance votés sur l'exercice 2 009 s'élèvent à près de 20 milliards d'euros ; le bouclier fiscal fait tous les ans un cadeau de plus de 500 millions d'euros aux plus riches et le grand emprunt s'élève à 35 milliards d'euros. Pour la seule année 2009, le Gouvernement aura donc procédé à des cadeaux fiscaux – sans la moindre preuve d'un effet positif sur l'économie – d'une hauteur d'environ 150 milliards d'euros, soit cinq fois le trou de la sécurité sociale ou l'équivalent du déficit de l'État.
Lors de la présentation de la loi de programmation triennale, votre collègue de l'époque, M. Woerth, disait sans rire que l'objectif du Gouvernement était de « poursuivre l'effort de redressement structurel de nos finances publiques ». En réalité, c'est plutôt d'un assèchement structurel qu'il s'agit. L'année 2009 en a constitué le paroxysme, jusqu'au plan de rigueur que vous allez tenter de nous imposer dès l'année prochaine.
Comble du cynisme, M. Woerth avait alors affirmé que « le passé nous rattrape par la dette publique accumulée ces trente dernières années ».
Monsieur le ministre, mes chers collègues de la majorité, effectivement le passé vous rattrape ; à la lumière des faits, en regardant l'état de nos finances publiques, tout le monde peut s'en convaincre : les mensonges gouvernementaux vous rattrapent, et vos promesses ont été, au mieux, de simples effets d'annonce.
Vous aurez compris que les députés du groupe de la Gauche démocrate et républicaine ne cautionneront pas ce projet de loi de règlement des comptes. Je vous demande, mes chers collègues, de faire de même en approuvant cette motion de renvoi en commission. Si vous n'avez pas voulu adopter la motion de rejet de Pierre-Alain Muet, consentez au moins à nous donner du temps pour que nous puissions examiner avec l'esprit critique qui convient le projet gouvernemental. Devant la difficulté qu'a eue tout à l'heure le ministre à justifier la politique du Gouvernement, nous avons bien senti qu'il y avait mieux qu'anguille sous roche ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
Dans les explications de vote sur la motion de renvoi en commission, la parole est à M. Pierre-Alain Muet, pour le groupe SRC.
Comme vient de le dire Jean-Pierre Brard, il faudrait renvoyer ce texte en commission pour nous permettre d'avoir une réflexion plus approfondie sur la situation des finances publiques en 2009.
Avec son humour légendaire, notre collègue a parfaitement décrit la politique conduite par le Gouvernement. Depuis vingt ans, on a pu noter un changement radical dans les politiques de droite. M. de Courson souhaitait des références historiques, j'en ferai quelques-unes.
Jean-Pierre Brard a indiqué que vous avez volontairement – et non par négligence – laissé exploser la dette avec l'objectif de casser le secteur public et de réduire le rôle de l'État. Ce sont très exactement les caractéristiques de toutes les politiques conduites par les gouvernements de droite les plus conservateurs, que l'on a appelées les révolutions conservatrices. Vous avez raison sur un point, monsieur de Courson : la dernière politique de droite traditionnelle a été menée par Raymond Barre.
Je n'irai pas jusque-là.
En réduisant les déficits par une baisse des dépenses, Raymond Barre a appliqué une politique de droite traditionnelle, après un plan de relance dû à un autre Premier ministre qui s'appelait Jacques Chirac. Ensuite, nous entrons dans le cycle des révolutions conservatrices avec la théorie de l'économie du ruissellement : la meilleure façon de développer une économie consistant à déverser des tonnes d'argent sur les plus riches de nos concitoyens. Ces derniers épargneront, investiront et, ainsi, l'économie ira mieux. Ce sont les politiques menées par Reagan, Thatcher et, d'une certaine façon, Nicolas Sarkozy. Le résultat est là : en 2009, on assiste à une explosion de la dette, à un creusement massif des déficits qui sera suivi par une politique d'austérité.
Charles de Courson citait la Grèce.
Il s'y est passé la même chose, et c'est un nouveau gouvernement qui a dû imposer la politique de réduction des déficits que son prédécesseur n'avait pas eu le courage de décider. Dans leur nouvelle version, les politiques de droite laissent dériver les déficits, quitte à prétendre, quand on est au bord de la catastrophe – comme c'est le cas depuis 2009 –, qu'il ne reste qu'une solution : une politique d'austérité tous azimuts.
C'est ce qu'a fort bien démontré Jean-Pierre Brard et c'est pourquoi nous voterons la motion de renvoi en commission. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
M. Brard a déjà exprimé à plusieurs reprises dans cette enceinte les points de vue qu'il vient une nouvelle fois de développer.
Il convient de souligner une forme de continuité oratoire chez Jean-Pierre Brard. Le problème, c'est qu'il manque quelque peu d'arguments spécifiques pour étayer sa démonstration. Dans la mesure où il a tout loisir de les développer en commission des finances, nous aurions tout intérêt…
…à aborder l'examen de ce texte sans tarder. J'invite donc l'Assemblée à repousser cette motion. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Certains propos de Jean-Pierre Brard paraissent vraiment extraordinaires. Voilà trente ans que je m'intéresse aux fondamentaux de l'économie, et en particulier à la répartition salaires-profits.
Si vous avez regardé finement les statistiques, vous savez que la France est une anomalie…
…parmi les pays développés. Vous avez raison, monsieur Brard, on note une très forte chute de la part des salaires aux États-Unis : depuis dix ans, les ouvriers américains n'ont pratiquement connu aucune hausse de leur pouvoir d'achat. Mais vous pourriez aussi citer la Grande-Bretagne, qui, jusqu'à une date très récente, était – M. Muet doit vaguement s'en souvenir – dirigée par des travaillistes, et où la part des salaires s'est effondrée dans le revenu national. Vous pourriez également parler de l'Espagne, dirigée depuis sept ans, si ma mémoire est bonne, par des socialistes, et où l'on note le même effondrement.
La Patagonie, mon cher collègue, jusqu'à preuve du contraire et hormis un royaume bidon jadis dirigé par un Français,…
…c'est la République argentine.
Parmi tous ces grands pays, il y a une exception : la France, où la part des salaires dans le revenu national est restée stable sur les dix dernières années.
Je voudrais revenir à un élément qu'a évoqué M. Muet, mais qu'il n'a pas développé. Pourquoi la part des salaires dans la valeur ajoutée – ou plutôt celle des revenus directs et indirects du travail –…
…n'a-t-elle pas baissé en France ? Cela s'explique par la politique sociale qui a été menée. On peut être pour, on peut être contre : c'est un autre débat.
Je n'ai rien dit qui le laisse penser, mon cher collègue !
Cette politique explique que, chez nous, la crise ait été moins forte qu'ailleurs. Mais le symétrique de cela, c'est que la reprise y sera aussi moins forte.
En effet, le montant du budget de l'État, en brut, s'élève à 400 milliards, sur lesquels il ne reste que 20 milliards pour les investissements, dont 6 milliards de subventions d'investissement en direction, essentiellement, du bloc des collectivités territoriales. Cela ne représente donc en tout que 5 %, c'est-à-dire rien.
Ceci explique cela, monsieur Muet. Depuis vingt-cinq ans, la France a mené une politique qui ne peut que la conduire à une baisse continue du taux de croissance.
Nous avons fait cela pour maintenir un niveau de prestations diverses et variées que nous avons financées à crédit. C'est cela, monsieur Muet, le coeur du problème français.
Bien entendu, nous ne voterons pas cette motion de renvoi en commission, qui n'a aucun sens.
Ben voyons !
(La motion de renvoi en commission, mise aux voix, n'est pas adoptée.)
Monsieur le président, je demande une brève suspension de séance.
Motion de renvoi en commission
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à vingt-trois heures trente-cinq, est reprise à vingt-trois heures quarante-cinq.)
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je n'évoquerai que succinctement le contexte général dans lequel est examinée cette loi de règlement des comptes pour 2009, qui ne saurait être d'ailleurs un simple règlement de comptes, même si le meilleur moment pour dire ce que l'on pense est toujours le premier – et c'est ce que je vais tâcher de faire sans emphase ni agressivité, mais avec le souci constant de privilégier les faits au-delà des commentaires.
Monsieur le ministre, vous êtes arrivé à Bercy au pire moment de l'histoire budgétaire de notre pays, devenant ainsi, bien malgré vous, le premier annonciateur de mauvaises nouvelles. Dur exercice en vérité pour l'homme que vous êtes, dont j'avais pu apprécier la façon sobre, précise et courtoise qu'il avait de mener les débats lorsqu'il était vice-président de l'Assemblée nationale. Il n'est pas toujours bon de descendre du perchoir…
Après ces digressions personnelles, je dois remarquer que l'année 2009 a connu une dégradation marquée de la situation économique. Dans un contexte de crise, le précédent Premier président de la Cour des comptes, Philippe Séguin, avait, avec sa force souvent tonitruante, souligné le risque d'emballement de la dette et celui d'un mauvais positionnement de la France par rapport à ses voisins, notamment l'Allemagne.
Il convient de rappeler que le budget initial avait alors été bâti sur une prévision de croissance totalement irréaliste de 1,5 %. Trois lois de finances rectificatives ont été votées en cours d'exercice et elles ont sciemment majoré les prévisions de recettes, alors même que la crise économique se propageait dans le monde entier.
La caractéristique la plus importante de ce ralentissement économique a été la contraction de l'investissement des entreprises, qui a diminué de 7,7 % après avoir augmenté de 2,4 % en 2008, et par la forte poussée du chômage à 9,6 % des actifs, soit 2,7 millions de personnes. Le chômage revient ainsi à son niveau record de 1999, et je ne remonterai pas à l'âge de Mathusalem comme l'ont fait les intervenants de la majorité.
Quant au déficit public, il a atteint lui aussi un niveau record de 7,5 % du PIB en 2009, contre 3,4 % en 2008. Plus du double, oui plus du double !
La semaine dernière, l'actuel Premier président de la Cour des comptes, M. Didier Migaud, a ainsi pu réitérer ses inquiétudes à propos de la situation fortement dégradée des comptes publics, en soulignant qu'elle résultait pour deux tiers du déficit structurel, et pour un tiers du déficit conjoncturel. Sur les 7,5 points de PIB de déficit, on peut donc considérer que 1,5 point est dû à la conjoncture et 1 point à l'effort de relance. Les 5 autres points proviennent du fait que la France a abordé la crise avec un déséquilibre budgétaire qui était déjà excessif.
En réalité, monsieur le ministre, la situation que nous connaissons aujourd'hui est en grande partie le fruit de politiques irresponsables antérieures à votre arrivée à Bercy, qui ont laissé le déficit dériver quand il fallait le réduire. À cet égard, la responsabilité de votre mouvement, fort peu populaire, est indéniable et lourde de conséquences, comme Pierre-Alain Muet l'a fort bien démontré ce soir.
Quant à la dette publique, elle a atteint 1 489 milliards d'euros en 2009, soit l'équivalent de 77,6 % du PIB contre 67,5 % un an auparavant, un autre record historique. Une telle plongée en un an ne s'était encore jamais vue. M. Sarkozy de l'Élysée a fait mieux que M. Sarkozy de Bercy, qui avait fait passer la dette de 41 % en 1993 à 51 % en 1995.
La situation est donc plus qu'inquiétante. Non seulement la politique fiscale du gouvernement a dégradé de façon historique les comptes publics, mais en plus, elle s'est avérée totalement inefficace pour sortir le pays de la crise.
Et ce n'est pas d'un débat constitutionnel que la France a besoin mais d'une réponse précise, efficace et juste à la question décisive de savoir comment diminuer, dès aujourd'hui, le déficit de la France tout en soutenant une activité économique particulièrement faible, voire négative.
Or, dans ce domaine, le gouvernement semble naviguer à vue après avoir dilapidé toutes ses marges de manoeuvre. Le débat d'orientation budgétaire qui se tiendra dans ce même hémicycle la semaine prochaine sera l'occasion de revenir sur les perspectives qui s'ouvrent à nous et sur la question de la pertinence des plans de rigueur dans un contexte de crise économique, car la rigueur ne crée pas de croissance à court terme, mais entraîne plutôt une récession, du fait de la compression de la demande intérieure. L'économiste nobélisé en 2008, Paul Krugman, fustige avec raison ce néo-rigorisme européen qui risque de déboucher sur une croissance molle, voire nulle.
Pour en revenir au strict projet de loi de règlement, je voudrais insister plus particulièrement sur la mission « Sport, jeunesse et vie associative », dont je suis le rapporteur spécial auprès de la commission des finances.
Il faut préciser que cette mission est l'une des plus petites du budget de l'État avec 0,22 % des dépenses du format général, ce qui donne d'ailleurs un sens peu glorieux aux engagements de campagne du candidat-président qui voulait faire du sport une grande cause nationale. Petite cause, grands effets, comme on vient de le constater en Afrique du Sud.
Et justement, ce qui caractérise le plus cette mission, c'est le désengagement programmé et assumé de l'État, qui se poursuit depuis plusieurs années, et 2009 n'y fait pas exception. Heureusement, la dotation budgétaire de cette mission ne résume pas les enjeux qui y sont associés.
En 2009, le ministère a ainsi connu une forte instabilité de son organisation avec des incidences sur sa gestion à deux niveaux : le détachement des missions « Jeunesse et vie associative » du périmètre ministériel, parallèlement à la création d'un haut commissaire à la jeunesse et à la vie associative d'une part ; et d'autre part, dans son organisation interne, la fusion des directions affaires financières et ressources humaines des ministères chargés de la santé, de la solidarité, des sports, de la jeunesse et de la vie associative.
La fongibilité s'exerce ainsi à la marge au sein des programmes de la mission et, à la lecture du rapport annuel de performances 2009, on ne peut qu'une nouvelle fois être déçu, car ce document qui devrait être un outil pertinent d'analyse et d'évaluation des politiques publiques demeure encore trop largement perfectible.
Si le programme 219 « Sport », est pilote, cohérent et pertinent, le programme 163 « Jeunesse et vie associative » est hétérogène, avec des actions qui ne couvrent qu'une faible partie des deux champs indiqués dans son intitulé.
Dès la mise en oeuvre de la LOLF, le choix avait été fait de rattacher l'ensemble du titre II à un programme soutien non prestataire de services et surdimensionné, le programme « Conduite et pilotage ». Ce programme 210 constitue en effet une entorse à la LOLF, car il regroupe l'ensemble des crédits de personnel du titre II et les crédits de fonctionnement de la mission. Son responsable, l'actuel directeur des affaires financières, juridiques et des services, n'intervient pas comme prestataire de services au bénéfice des deux autres programmes mais comme un responsable de programme de plein exercice. Il dispose à cet effet de crédits de paiement, qui représentent en 2010 51 % environ des crédits de la mission.
De plus, cerise sur le gâteau, le gestionnaire des dépenses de personnel de la mission « sport, jeunesse et vie associative », qui se trouve être désormais la directrice des ressources humaines des ministères sociaux, n'est pas directement responsable de cette gestion devant le Parlement, n'ayant pas la qualité de responsable de programme.
Bref, cette organisation est bien peu conforme à l'esprit de la LOLF - comme l'ont souligné tous les rapports du comité interministériel d'audit des programmes, de même que l'ensemble des rapports parlementaires et de la Cour des comptes - puisqu'elle tend à réduire considérablement, au niveau national, la lisibilité et le pilotage des programmes opérationnels 163 et 219, composés essentiellement de dépenses d'intervention.
Une évolution de la maquette budgétaire et des structures est annoncée pour le projet de loi de finances 2011, liée notamment à la mise en oeuvre des décisions prises dans le cadre de la révision générale des politiques publiques et aux changements de périmètres ministériels, depuis la nomination de M. Daubresse en tant que ministre de la jeunesse et des solidarités actives.
Aussi souhaiterais-je connaître les dernières évolutions en date de ce dossier, sachant qu'il y a deux semaines, Mme la secrétaire d'État chargée des sports m'avait répondu, lors de son audition devant la commission des finances, que le sujet était en instance d'arbitrage. En tant que rapporteur de la mission, quelle que soit l'évolution retenue, il me semble primordial de privilégier une réelle traçabilité des crédits.
Pouvez vous, monsieur le ministre, me donner des garanties dans ce sens, même si la priorité de notre pays s'inscrit dans un autre registre autrement plus inquiétant ? Mais après tout, n'est-on pas dans le règlement des comptes pour 2009 ? Je suis donc bien resté au coeur du sujet, y compris dans les sujets de mécontentement ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
Merci de vos propos liminaires, monsieur Nayrou.
Charles Amédée de Courson a confessé tout à l'heure qu'il n'était pas objectif quand il m'a répondu.
C'est le vocabulaire qui convient le mieux à ce que vous êtes, mon cher collègue.
Vous avez donc eu l'honnêteté discrète de dire que je faisais référence aux salaires, et vous aux revenus du travail, ce qui n'est évidemment pas la même chose, puisque l'on ne met pas les mêmes ingrédients dans ces notions.
Tout à l'heure, monsieur le ministre, mes chers collègues, lors de la motion de procédure que j'ai défendue au nom des députés du groupe de la gauche démocrate et républicaine, je vous ai fait la démonstration des origines politiques de la dette colossale, qui atteint près de 1 500 milliards d'euros. Et vous aurez certainement été attentifs à l'analyse de Pierre-Alain Muet lors de son explication de vote, qui est revenu sur le coté délibéré de vos politiques, lesquelles ne doivent rien au hasard.
Un homme politique de la IVe République disait que nous avions la droite la plus bête du monde. Il n'avait pas la vision bien ajustée : nous n'avons pas la droite la plus bête du monde, nous avons une des droites les plus perverses, ce qui n'est pas la même chose.
On y gagne au moins en standing !
La droite s'adapte au peuple français. Elle sait ce qu'est le peuple français.
Rappelez-vous : si nous comparons les politiques de Schröder, la loi Hartz IV, et de Raffarin, on peut dire que les mesures de Schröder étaient plus à droite que celles de Raffarin, bien qu'il ait été très à droite. Mais la droite est obligée de tenir compte de l'état et de l'opinion de notre peuple. Et même si vous faites semblant de ne pas entendre, vous ne pouvez ignorer la rumeur qui gronde dans le pays, le sentiment de révolte qui enfle. Si vous l'ignorez, attendez-vous à vous réveiller en sursaut à l'occasion. Vous savez que cela s'est déjà produit.
Je voudrais maintenant parler de la manière dont ce gouvernement cherche à nous vendre sa sortie de crise, puisque vous en avez parlé tout à l'heure, monsieur le ministre. Comme l'a dit Georges Séguy, si vous voyez la sortie du tunnel, c'est que vous marchez à reculons car, hélas, nous n'y sommes pas !
Je ne voudrais pas insister sur la méthode Coué, puisque vous assumez votre héritage troyen, mais ce n'est pas rassurant quant aux chances de guérison, parce que cette thérapie peut certainement marcher pour les maladies psychosomatiques, mais quand la maladie est grave, je pense que l'issue risque d'être fatale.
Certes, vous développez des politiques économiques, mais vous avez surtout le souci de la « com' » Vous multipliez les effets d'annonce, dont vous n'avez pas été avares.
Dès septembre 2008, Mme Lagarde annonçait qu'elle allait plafonner les niches fiscales pour que chaque Français contribue selon ses moyens à la couverture des charges publiques. Je pense qu'elle venait de lire pour la première fois de sa vie l'article 14 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, et cela a dû l'inspirer, elle a été fascinée et convertie sur le moment. Mais, depuis, rien ne s'est produit.
La réalité, mes chers collègues, est consignée dans les excellents rapports de la Cour des comptes. Il faut dire que ces rapports étaient excellents avant même que Didier Migaud ne la présidât : du temps de Philippe Séguin. Ainsi, en 2009, les dépenses fiscales ont progressé de 6,2 %, pour s'établir à 69 milliards d'euros. La déclaration de 2008 était donc un simple effet d'annonce, qui ne présage rien de bon en ce qui concerne les annonces faites pour le budget à venir.
Le 20 octobre 2008, Mme Lagarde – dont je regrette vraiment l'absence ce soir – annonçait ici même la signature d'un nouveau Bretton Woods. À l'époque elle disait : « Bretton Woods II, comme on appelle déjà cette refondation, est clairement une initiative du vieux continent. Le leadership européen est devenu, sous la présidence française de l'Union européenne, une réalité : chacun peut s'en réjouir. »
Lorsqu'on relit ces propos aujourd'hui, savez-vous ce qu'ils m'évoquent, en cette période estivale ? Ils me font penser aux châteaux de sable, une fois que la vague est passée plusieurs fois dessus : il n'en reste même pas le souvenir. À moins peut-être que Mme Lagarde ait eu à l'époque l'ambition de marcher dans les pas de Franklin Delano Roosevelt, et d'être ainsi la mère de « Bretton Woods II » . Mais il ne suffit pas de vouloir pour pouvoir, et je pense que « Bretton Woods II » est mort et enterré.
En réalité, les désordres monétaires se sont considérablement aggravés. En octobre 2008, il s'agissait encore d'un effet d'annonce, agrémenté de quelques « cocoricos » destinés à valoriser le Président de la République. Car, quand ce dernier ne parvient pas à jouer ce rôle pour lui-même, il faut bien lui servir de faire-valoir. Nous connaissons de nombreux membres du Gouvernement qui n'entreront sans doute pas dans l'histoire pour ce qu'ils auront accompli, mais plutôt pour leurs flatteries comparables à celles tant répandues à la cour de Versailles sous l'Ancien régime.
Selon la Cour des comptes, le déficit public et la dette ont augmenté dans les mêmes proportions que dans les autres pays européens, alors même que la récession a été moins violente en France que dans le reste de l'Europe,…
…et bien que notre plan de relance ait été d'une ampleur plus limitée.
Monsieur Censi, réfléchissez ! La récession a été moindre en France, mais cela a-t-il eu un effet sur le chômage ? Pas du tout.
Le chômage progresse toujours, et votre politique est mauvaise pour les ressources.
Pas du tout ! Vous avez décidément une vision épicière de la politique de l'État. Et, avec vous, nous ne sommes même pas dans une épicerie de luxe comme Fauchon mais dans une épicerie balzacienne : le vendeur a le crayon derrière l'oreille et il mouille son doigt pour tourner les pages de son livre de comptes. Vous menez une politique d'un autre âge. La preuve : elle ne marche pas !
Vous réduisez les recettes pour ensuite justifier la réduction des ressources. C'est une politique en escalier qui a toujours la même finalité : servir les petites affaires des plus riches.
Vous pratiquez depuis de trop nombreuses années la politique de l'effet d'annonce. Que dire de ce que le Président de la République avait appelé la « moralisation du capitalisme » – comme si l'on pouvait moraliser l'immoralisable ? Je rappelle que vous aviez promis d'éradiquer les paradis fiscaux. Finalement, le Kärcher, instrument si cher au Président de la République, a dû servir à nettoyer un des nombreux yachts de luxe battant pavillon des Îles Caïmans ou des Seychelles. L'interdiction de l'accès aux eaux territoriales françaises et de l'Union européenne des navires battant pavillon de complaisance enregistrés dans les paradis fiscaux faisait partie d'une liste de trente propositions visant à lutter efficacement contre les paradis fiscaux, élaborée de façon consensuelle au sein de notre assemblée avec nos collègues sénateurs. Louis Giscard d'Estaing appartenait à ce groupe de vingt-quatre parlementaires : il peut témoigner que nous étions parvenus à un consensus, y compris sur des propositions quasiment bolcheviques présentées par M. Marini ou M. Arthuis.
Le Président de la République nous a reçus, et lorsque nous lui avons demandé ce qu'il ferait de nos propositions, il a répondu : « Elles sont très utiles. » Manifestement, elles sont surtout très utiles à sa réflexion car, à ce jour, il n'en a rien fait. Tout cela a sans doute été rangé sur les étagères de son magasin de farces et attrapes.
Une autre de vos esbroufes concerne vos prévisions de croissance, systématiquement surévaluées. Vous tablez ainsi sur un taux de croissance de 2,5 % entre 2011 et 2013. À ce propos, je me permets de vous citer de nouveau un passage du tout récent rapport de la Cour des comptes sur la situation et les perspectives des finances publiques. Selon la Cour, « si l'on retient une évolution légèrement moins soutenue de la croissance, de l'ordre de 2,25 %, soit le scénario bas du Gouvernement, qui est déjà très favorable compte tenu d'une croissance potentielle qui est plutôt de 1,8 % ; et si l'on prolonge l'évolution tendancielle des dépenses constatées ces dernières années, le déficit public dépasserait en 2013 les 6 % du PIB et la dette atteindrait 93 % de la richesse nationale, soit plus de 2000 milliards d'euros ».
Mes chers collègues, il faut prendre aujourd'hui des mesures fortes pour redresser la barre des finances publiques et pour répondre aux inquiétudes de nos concitoyens ; il faut aujourd'hui des mesures fortes pour plus de justice sociale.
Dans l'immédiat, cela passe par le rétablissement d'une réelle progressivité de l'impôt sur le revenu et sur les bénéfices des entreprises. Il faut abroger le bouclier fiscal et s'attaquer réellement aux niches fiscales. Parmi les députés de la majorité, certains en conviennent, mais c'est comme en amour, il y en a toujours qui en restent aux fantasmes, ils ont du mal à passer à l'acte…
Pourquoi vous sentez-vous visé ? Vous culpabilisez ? (Sourires.) Vous avez raison parce que vous êtes coupable !
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l'examen du projet de loi de règlement intéresse, hélas ! peu de députés,…
…si j'en crois le nombre de ceux qui siègent ce soir sur les bancs de l'Assemblée.
Cher collègue, 5 % de l'effectif de notre groupe est présent ; ce n'est pas le cas en ce qui concerne les députés de la Gauche démocrate et républicaine, même si nous sommes seuls l'un et l'autre, ce soir. Et je ne calculerai pas ce taux pour les autres groupes.
L'examen du projet de loi de règlement doit être l'occasion de réfléchir à quelques questions dont les réponses conditionnent le redressement des finances publiques françaises.
Je veux ce soir évoquer quatre thèmes.
Premièrement, la crise économique et financière internationale a révélé les faiblesses structurelles des finances publiques françaises.
Que représente vraiment la crise par rapport au déficit global de 138 milliards d'euros ? Selon le rapport de la Cour des comptes, 24,3 milliards d'euros de pertes de recettes fiscales lui sont imputables, ainsi que 2,6 milliards de pertes de recettes non fiscales. Au total, ces 27 milliards représentent 20 % du déficit. Par ailleurs, le plan de relance a eu un impact de 18,5 milliards d'euros sur les recettes et de 15, 7 milliards sur les dépenses, soit un total de 34,2 milliards. Ainsi, l'effet direct et indirect de la crise, autrement dit son effet plan de relance compris, peut être estimé à 61 milliards d'euros – la Cour des comptes le chiffre à 63 milliards mais l'ordre de grandeur reste le même –, soit un peu moins de la moitié du déficit du budget de l'État.
Le déficit pour 2009, hors plan de relance, peut être évalué à 104 milliards d'euros, dont 20 milliards pour financer des investissements ou ce qu'il en reste. Vous connaissez la position défendue depuis de longues années par les centristes. Nous voulons instaurer la règle d'or. Je rappelle qu'il ne s'agit pas de parvenir à un équilibre total du budget de l'État et de la sécurité sociale, mais à un équilibre du budget de fonctionnement. Étant donné que les investissements s'élèvent à 20 milliards, cela signifie que pour assurer un équilibre de fonctionnement, il faut dans les années qui viennent consentir un effort de l'ordre de 84 milliards d'euros. Il peut être moindre si l'on suppose que les pertes de recettes fiscales dues à la crise, les 24 milliards d'euros, vont progressivement s'estomper. On retrouve alors approximativement le montant déjà cité d'une soixantaine de milliards sur trois ans. Il faut donc faire 20 milliards d'euros d'effort par an – et quoi qu'il en soit, au minimum 15 milliards – sur les recettes et les dépenses pour rétablir la règle d'or.
On peut faire ces économies : c'est dur, mais c'est possible. Les Allemands réalisent ainsi sur quatre ans une économie de 80 à 83 milliards d'euros, soit 20 milliards d'effort tous les ans sur un budget fédéral très inférieur à celui de l'État français car ils n'ont pas 400 milliards de budget de fonctionnement. Leur effort est donc plus important que le nôtre.
Monsieur le ministre, je le disais à votre prédécesseur : nous sommes un des rares groupes qui, non content de vous soutenir, essaie de faire des propositions pour réduire le déficit.
Nous vous avons proposé de récupérer 5 à 7 milliards par an sur la dépense fiscale – le terme est préférable à celui de niches fiscales. C'est possible. Nous avons ainsi défendu la solution du rabot qui, semble-t-il, a été retenue par le Premier ministre…
Pas du tout : il y a seulement eu quelques réserves. Globalement, le rabot sera appliqué à tout le monde, même si on peut s'interroger sur quelques dépenses fiscales précises. Le résultat, ce sera un projet de loi de finances extrêmement long puisqu'il y a en France plus de dépenses fiscales que de fromages – 365 fromages contre 460 ou 470 dépenses fiscales à ma connaissance. (Sourires.)
Une autre proposition concerne les exonérations de charges sociales. Les centristes se félicitent de ce qui est prévu dans ce domaine puisque, depuis des années, ils demandent que trois mesures soient prises en la matière.
Une mesure d'assiette, l'annualisation, que le Gouvernement a, semble-t-il, retenue, et qui s'élève à 2 milliards d'euros.
Une mesure relative à la réduction du taux plafond de l'exonération, qui pourrait passer progressivement de 1,60 SMIC à 1,50 ou même 1,45.
Elle intéresse le Gouvernement, même s'il n'a pas encore tranché.
Enfin, une dernière mesure, qui ne recueille pas du tout l'accord du Gouvernement, consisterait à réduire fortement les exonérations de charges sociales pour les industries capitalistiques qui font de gros profits. Ces exonérations ne servent à rien. Y a-t-il un seul député dans cet hémicycle qui pense que les exonérations de charges patronales ont un sens pour encourager le groupe Total à recruter ? Aucun ! Ayons le courage de le dire. Monsieur le ministre, je sais que le Gouvernement n'est pas plein d'allant sur ce sujet mais, avec le rapporteur général, nous pourrons peut-être vous aider à évoluer.
Sur 42 milliards d'euros, il est possible, à ce titre, d'économiser environ 2 milliards par an. C'est à la fois raisonnable et entièrement compatible avec une politique active de l'emploi.
Par ailleurs, jeune magistrat à la Cour des comptes, je plaidais déjà pour une augmentation de la retenue pour pension consistant, pour égaliser avec le privé, à la faire passer de 7,85 à 10,55 %.
Je rappelle à nos collègues que le taux de cotisation patronal est bloqué depuis 1983 dans le régime général, où la hausse des cotisations a entièrement été supportée par les salariés. Dans le public, on a fait l'inverse. Chaque année, le taux de cotisation implicite augmente, j'ose à peine le dire, de 1,5 à 2 %, c'est-à-dire en moyenne de 1,7 milliard par an. Que diraient les organisations patronales si cela se produisait dans le privé ? Le Gouvernement a enfin pris la décision d'augmenter la retenue pour pension ; la mesure étalée sur dix ans représente environ 300 millions d'euros par an.
J'en viens à un deuxième thème : la question essentielle des dépenses fiscales. La Cour des comptes considère que ce mécanisme fou n'est pas enrayé. Monsieur le ministre, vos collègues essaient tous de vous vendre de la dépense fiscale car ils savent bien que vous ne la maîtriserez pas, à l'inverse de la dépense budgétaire.
En 2009, selon le rapport de la Cour, les dépenses fiscales à périmètre constant, et hors plan de relance, ont encore augmenté de 4,7 milliards d'euros, soit 6,2 %, ce qui représente la même progression que celle constatée depuis six ou sept ans : grosso modo 5 milliards tous les ans. De plus, si l'on intègre les effets du plan de relance, malgré ceux qui préconisent de ne pas en tenir compte, il faut encore compter avec 5 milliards d'euros de dépenses fiscales supplémentaires. Cela double donc les dépenses en question. Or il faut savoir que les dépenses fiscales prévues par le plan de relance ne vont pas disparaître en 2010. La Cour calcule qu'elles persisteront jusqu'en 2013 : on ne peut donc pas dire qu'elles soient ponctuelles. Certes, leur effet est limité dans le temps mais s'exerce bien au-delà d'une année. Globalement, on peut considérer qu'elles s'étaleront sur cinq ans.
Qui rappelle, à temps et à contretemps, l'article 11 de la loi de programmation, que nous avons voté ? Notre rapporteur général s'y emploie, mais celui qui souligne que toute dépense fiscale supplémentaire doit être gagée par l'annulation ou la réduction d'autres dépenses fiscales est, comme le dit la Bible – pour citer les références de M. Brard –, une voix qui crie dans le désert. M. Brard est-il une de ces voix ?
Depuis des années, nous soutenons, avec le rapporteur général, l'idée d'inscrire dans la Constitution ou dans la loi organique qu'aucune dépense fiscale ne peut devenir définitive si elle ne figure pas dans la loi de finances ou dans la loi de financement de la sécurité sociale.
Mais la chasteté, comme la rigueur, est plutôt une vertu. Ce qui n'est pas le cas de la luxure, monsieur Brard !
Monsieur le ministre, si l'on ajoute à ces dépenses fiscales celles qui sont dites non pérennes – mais qui s'étalent tout de même sur cinq ans –, l'augmentation atteint 12 %. Nous allons donc vous aider. Retenez bien ceci : la politique du rabot est sans doute la plus sotte que l'on puisse mener, mais c'est la plus efficace. En matière budgétaire, il ne faut pas être trop intelligent ; c'est ainsi que l'on réussit.
Troisième thème : la croissance des dépenses de l'État demeure tout à fait excessive. Le compte de résultats de l'État – c'est-à-dire le reclassement des comptes de l'État, puisque la loi de finances est faite pour être incompréhensible au commun des mortels – n'intéresse personne. Pourtant, ce document présente les comptes de l'État sous la forme des comptes d'une entreprise : budget de fonctionnement, budget d'investissement. En le lisant, on s'aperçoit qu'en 2009, les charges de fonctionnement nettes de l'État ont augmenté de plus de 2 % ; quant aux dépenses d'intervention, elles ont crû de 4 %. Il est certain que si nous continuons ainsi, nous serons incapables de redresser les finances publiques.
Autre document qui n'intéresse personne : le bilan de l'État qui, contrairement à ce que croient beaucoup de gens, existe. En 2009, ce bilan se résume à deux chiffres : 1 491 milliards d'euros : le montant du passif, et 768 milliards : le montant des actifs réévalués, soit 723 milliards d'actifs nets négatifs.
Je vous pose la question, mes chers collègues : prêteriez-vous à une entreprise dont le passif n'est couvert qu'à bientôt moins de 50 % par l'actif ? Bien sûr que non ! Il faut aller voir M. Baroin, me diriez-vous, et lui demander de très vite déposer le bilan de l'État, car il risque d'être mis en cause et de se voir demander de combler le déficit.
Monsieur le rapporteur général, vous nous dites : « Rassurez-vous, mes chers collègues, nous avons la possibilité d'augmenter les impôts. » C'est une conception juridique des choses, car il y a une limite à la pression fiscale. En effet, si l'on organisait un référendum pour demander au peuple français s'il accepte que l'on augmente encore la pression fiscale, que répondrait-il, selon vous ?
Le Gouvernement, quel qu'il soit, ne peut donc redresser les finances publiques que grâce à un effort prioritaire sur la dépense, mais il sera contraint de faire également un effort sur les recettes. Au reste, ainsi que le disait excellemment M. Muet, qu'ont fait les socialistes allemands avant d'être battus ? Ils ont mené une politique courageuse, d'autant plus qu'ils étaient alliés aux Verts – et les Verts allemands ne sont pas les Verts français –, politique qui a été ensuite amplifiée par le gouvernement Merkel. Qu'ont fait les socialistes espagnols ? Ils sont allés jusqu'à baisser les salaires des fonctionnaires. Sont-ils réactionnaires, monsieur Brard ?
Il n'y aurait donc plus que des réactionnaires en Europe ? Je crains fort que vous ne vous trompiez.
Dans la situation où nous sommes, il ne faut pas croire que nous pourrons éternellement augmenter l'endettement. Qui aurait dit, il y a six mois, que la Grèce se mettrait en drapeau et que l'Espagne serait sur le point de se retrouver dans la même situation ? Voilà deux pays à qui l'on ne veut plus prêter. Qu'a-t-on fait ? On a demandé aux États qui bénéficiaient encore d'une crédibilité de s'endetter pour leur prêter. Or, on ne peut pas agir ainsi indéfiniment : ce serait une fuite en avant. Si tous les pays ne mènent pas une politique de redressement de leurs finances publiques, nous ne pouvons qu'échouer.
J'en arrive à mon quatrième et dernier point : le mode de financement du déficit est-il raisonnable ? Ma réponse est non. En 2009, entre la loi de finances initiale et la loi de règlement, le besoin de financement de l'État s'est accru de 66 milliards, passant de 180 milliards à 246 milliards d'euros – je rappelle que le montant de l'épargne des ménages s'élève à 160 milliards ; il ne faut donc pas s'étonner que la dette française soit possédée à plus de 60 % par des non-résidents.
Or, comment a-t-on financé cet accroissement de 66 milliards ? En augmentant de 55 milliards les dettes à court terme. Le plan de financement global de 2009 révèle ainsi que les 246 milliards ont été financés à 30 % par un endettement à court terme, ce qui a eu pour conséquence de faire bondir la part de l'encours à court terme à 18,7 %, alors que, trois ans plus tôt, en 2006, elle était de 8 %. Ce n'est pas raisonnable, monsieur le ministre ! Certes, vos services vous diront : « Mais c'est vachement bien : on réduit le coût de la dette. » En effet, celle-ci explose et son coût financier baisse : c'est formidable ! C'est l'opium du peuple, et ce n'est pas cher. Alors, allons-y, portons la part de l'encours à court terme de 20 à 30, puis 40 % ! Seulement, que se passera-t-il quand des tensions très fortes surgiront sur les marchés ? Vous ne serez peut-être plus à ce poste, monsieur le ministre, mais votre successeur sera mort !
Je vous mets donc en garde : il n'est pas raisonnable de continuer à financer à court terme une part croissante de la dette qui couvre nos déficits, car cela explosera, que ce soit vous qui soyez en poste ou l'un de vos successeurs. Demandez donc à l'Agence France Trésor de ramener la part de l'encours à court terme à 10 ou 12 %. Bien sûr, cela se traduira par un coût supplémentaire mais, le jour où cela se passera mal sur les marchés, les intérêts de l'État français seront protégés.
En conclusion, le groupe Nouveau centre votera le projet de loi de règlement, mais il souhaiterait que l'on tire les leçons de son examen détaillé pour la préparation du projet de loi de finances pour 2011. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)
Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur général, tout d'abord, je souhaiterais, après Charles de Courson, exprimer un regret concernant l'organisation de nos travaux sur le projet de loi de règlement de 2009. En effet, ceux qui, comme un certain nombre d'entre nous, sont attachés à la loi organique sur les lois de finances et au rôle de contrôle du Parlement, ceux qui espéraient légitimement que, grâce à la réforme du règlement ainsi qu'aux discours tenus par la présidence de l'Assemblée et les présidents de groupe et de commission sur le renforcement de notre pouvoir de contrôle, l'examen du projet de loi de règlement occuperait une place plus importante, ceux-là sont bien évidemment déçus.
En effet, force est de constater que nous sommes revenus aux errements du passé. Le projet de loi de règlement est discuté un lundi soir en séance publique, dans un hémicycle clairsemé, et deux ministres et demi seulement ont été auditionnés en commission élargie. Je ne dis pas cela pour être désobligeant vis-à-vis de Rama Yade, mais le budget des sports ne représente que 0,22 % du budget général ; or c'est le seul, avec les missions « Enseignement scolaire » et « Agriculture » à avoir fait l'objet d'un examen détaillé en commission élargie.
Ces regrets s'a dressent également à la présidence de l'Assemblée, car l'organisation de nos travaux ne permet plus de mobiliser les parlementaires en commission élargie dans des conditions qui nous permettent d'entrer dans le détail du projet de loi de règlement et d'évaluer la performance de la dépense budgétaire au cours de l'exercice écoulé, ce qui devrait normalement être l'une des tâches principales de notre assemblée.
J'en viens maintenant au projet de loi de règlement lui-même.
Tout d'abord, l'exécution consacre une certaine efficacité du plan de relance, puisque notre PIB s'est plutôt mieux tenu que dans les pays voisins – moins 2,6 % au lieu de moins 4,1 % dans la zone euro –, l'impact du plan de relance pouvant être évalué à 0,8 %.
Ensuite, elle marque une volonté de maîtriser la dépense, puisque le dépassement de la norme est limité à 0,3 %. Encore faut-il, monsieur le ministre, prendre en compte le fait que la charge de la dette a fortement diminué : moins 8,4 % ; 5,4 milliards d'euros ont ainsi été économisés, mais ils ont été redéployés vers d'autres dépenses.
Cela pose également le problème de la modification de la structure de la dette. En effet, entre 2006 et 2009, le remboursement à un an est passé de 16,9 à 26,7 % et le remboursement à deux ans de 29 à 36,3 %, nous exposant, ainsi que l'ont indiqué Charles de Courson et le rapporteur général, à un véritable risque de taux, car nous ne pouvons pas raisonnablement penser que les taux resteront à leur niveau actuel, dans le contexte d'une réduction inévitable de la masse monétaire.
Par ailleurs, la volonté de maîtriser la dépense se heurte à des problèmes structurels, à commencer par la croissance de la masse salariale de l'État. Ne nous en rejetons pas la responsabilité les uns sur les autres : cette croissance est continue depuis des décennies. Cette année, les rémunérations d'activité atteignent 73 milliards, les charges employeurs 46 milliards. À la page 115 de son rapport, la Cour des comptes explique très clairement l'évolution du GVT et des promotions, dont les effets sont tels que la diminution des effectifs ne permet pas d'enrayer l'augmentation de la masse salariale, à laquelle il convient d'ajouter la problématique de l'accroissement des pensions. Leur montant atteint en effet 41,8 milliards en 2008, soit une augmentation de 4,8 % entre 1990 et 2008 ; leur poids dans le budget passe de 9,3 à 14,6 % et elles ont représenté une dépense supplémentaire de 2 milliards d'euros par an entre 2005 et 2008.
La croissance des dépenses de pensions combinée avec l'augmentation de la masse salariale des actifs est un problème structurel auquel sont confrontés tous les gouvernements. Dès lors, on ne peut que regretter que l'effort de réduction des effectifs de l'État n'ait pas démarré plus tôt…
…et que n'aient pas été utilisées à cette fin les vagues successives de décentralisation, lesquelles ne se sont traduites, depuis près de trente ans et jusqu'à une période récente, par aucune réduction des effectifs de l'État.
Après avoir évoqué le problème de l'exécution, où la volonté de tenue de la dépense est confrontée à de fortes contraintes, notamment en raison de l'importance des dépenses de rémunération, j'en viens au contournement de la norme de dépense et à l'insuffisance du périmètre de cette norme.
Le premier problème est celui des opérateurs. Ce n'est pas qu'une marotte, monsieur le ministre, c'est un vrai problème ! Quand on regarde le rapport de la Cour des comptes, on s'aperçoit que les ODAC, dont la plupart sont des opérateurs, font l'objet d'une croissance en volume de 11 % de leurs dépenses, qui atteignent 71 milliards d'euros pour l'exercice écoulé. Sur cette croissance de 11 %, il apparaît que 9,8 % correspondent à une augmentation des dépenses de fonctionnement. Comme chaque année, les opérateurs sont un vecteur de contournement de la norme utilisé allégrement par les ministères. Il s'y ajoute le fait que, durant des années et jusqu'à une période récente – je sais gré à votre prédécesseur d'avoir mis fin à cette pratique –, nous avons affecté des recettes aux opérateurs. Ceux-ci ont donc été doublement coupables : d'une part, d'un accroissement de la dépense publique ; d'autre part, d'un détournement de la recette budgétaire pure de l'État à leur profit.
Il y a aussi, bien évidemment, le problème de la dépense fiscale. Je ne vais pas reprendre tous les chiffres déjà cités – les 6,2 % d'augmentation en 2009, les 5 % par an depuis 2000, les 56 milliards d'euros en 2000 et les 73 milliards d'euros en 2010 –, mais je voudrais vous livrer quelques réflexions relatives à cette évolution de la dépense fiscale, qui rend nécessaire une meilleure identification dans les rapports annuels de performances, les RAP, une meilleure évaluation et un rapatriement des mesures liées aux dépenses fiscales en loi de finances.
En ce qui concerne les données, nous avons – sans doute pour la première fois, ce dont je donne acte au Gouvernement – un taux de chiffrage satisfaisant. La qualité des données chiffrées est globalement satisfaisante – 27 % de « très bonne » fiabilité – et toutes les principales dépenses sont renseignées, ce qui est une nouveauté. Certes, les RAP ignorent les dépenses inférieures à 0,5 million d'euros, mais il reste peu de dépenses non renseignées : 9 % des dispositifs, c'est-à-dire moins de 1 % des montants. Nous avons donc beaucoup progressé dans ce domaine.
En revanche, monsieur le ministre, nous avons encore des marges de progrès avant d'être en situation de procéder à une réelle évaluation. L'information annexe manque cruellement. Les RAP se contentent d'une présentation brute des chiffres, qui ne permet aucune évaluation de l'efficacité de la dépense fiscale, donc aucune approche fine des dépenses à revoir. C'est d'autant plus important que nous ne pourrons pas en rester éternellement à la logique du rabot : il faudra bien que nous évaluions l'efficacité de telle ou telle dépense.
De plus, ces données se limitent aux années n et n moins 1, sans présenter de séries longues. Elles ne contiennent aucun élément de contexte sur les dépenses fiscales. Le nombre de bénéficiaires n'est fourni que pour l'année 2007, alors même que le montant de la dépense en 2007 auquel il pourrait être rapporté n'est plus présenté, que les RAP 2008 donnaient déjà les chiffres 2007 et que les PAP 2010 contiennent le nombre de bénéficiaires pour 2008. Il est donc évident que nous n'avons pas les moyens d'entrer dans le détail de l'évaluation et qu'il nous faut progresser ensemble sur cette question.
Quant aux écarts constatés, ils sont très significatifs. Certains sont précisés, tandis que, pour d'autres, nous nous interrogeons. Les RAP présentent un écart entre l'objectif de dépenses fiscales et les dépenses constatées de près de 6 milliards. Cet écart s'explique pour partie par les mesures adoptées en cours d'année, estimées par la Cour à 1,2 milliard d'euros. Il reste un écart de 4,8 milliards, qui peut avoir trois explications : une majeure et deux moins importantes en volume, mais problématiques.
La première explication est le dépassement de 3,8 milliards d'euros du crédit d'impôt recherche.
La deuxième réside dans une difficulté à évaluer le montant de la dépense fiscale : pour un certain nombre de dépenses fiscales, on constate un écart entre l'actualisé 2008 du RAP 2008 et le définitif 2008 du RAP 2009 – l'actualisé 2008 du RAP 2008 correspondant au prévisionnel de la loi de finances 2009. Au moment de l'élaboration du projet de loi de finances, nous avons encore des incertitudes. Manifestement, des efforts restent à faire dans ce domaine.
La troisième cause trouve son origine dans des écarts non expliqués, liés à des évaluations douteuses ou des évolutions incontrôlées. Il en va ainsi du crédit d'impôt pour les dépenses d'équipement de l'habitation principale, évoqué par Gilles Carrez, dont le montant était de 2,1 milliards d'euros en 2008, révisé à 1,5 milliard d'euros en LFI 2009 – alors même qu'il n'avait pas été modifié – et porté au final à 2,8 milliards d'euros. Il ne semble pas, d'ailleurs, que le rapporteur ait obtenu d'explications claires à ce sujet.
C'est le cas également de l'abattement forfaitaire sur certains revenus distribués de sociétés françaises ou étrangères. Le programme 134 de la mission « Économie », intitulé « Développement des entreprises et de l'emploi », était d'un montant de 330 millions d'euros pour le RAP 2008 et de 360 millions d'euros dans le RAP 2009, avant d'être réduit au PLF 2009 à 300 millions d'euros, pour faire finalement l'objet d'un chiffrage actualisé 2009 de 400 millions d'euros. La traçabilité de la dépense fiscale est, on le voit, mise à mal par des effets de yo-yo qui laissent perplexes tous les membres de la commission des finances.
Pour conclure, j'insisterai sur la nécessité d'une dépense fiscale mieux précisée, mieux contrôlée, présentant une cohérence entre les différents documents budgétaires et permettant une réelle évaluation dans la durée. Le Gouvernement s'est doté d'un certain nombre d'outils. Je remercie vos services, monsieur le ministre, de nous avoir transmis des extraits de l'application Farandole – j'admire au passage l'imagination dont font preuve les personnes chargées de trouver des noms aux logiciels déployés dans les services de l'État – et je me félicite de constater que certains systèmes sont particulièrement efficaces, ce qui n'est pas toujours le cas : je pense notamment à l'application Chorus, que nous avons beaucoup critiquée.
Cette loi de règlement, constat de l'exercice écoulé, nous oblige tous à mieux utiliser les données qu'elle comporte pour aller vers une plus grande efficacité de la dépense publique, un objectif rendu encore plus nécessaire dans une période de raréfaction de l'argent public. Cela nous impose un important travail collectif, monsieur le ministre, car il nous reste d'immenses progrès à accomplir ensemble en matière de contrôle. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission des finances, monsieur le rapporteur général, mes chers collègues, par-delà les effets de la crise financière internationale et du plan de relance, nous avons assisté en 2009 à une dégradation importante du solde structurel, qui appelle nécessairement plusieurs remarques.
Le déficit budgétaire pour 2009 atteint 138 milliards d'euros, ce qui représente une dégradation de plus de 80 milliards d'euros par rapport à l'année précédente. Cela résulte en particulier du fait que les dépenses ont continué à augmenter en volume. L'année 2009 a en effet été marquée par la récession, limitée en France à 2,25 %, tandis que la prévision de croissance du PIB s'élevait à 1 %. Première conséquence : les recettes fiscales nettes de l'État ont diminué sensiblement. Par ailleurs, le plan de relance du Gouvernement – légitime puisqu'il vise à soutenir l'activité et à éviter une aggravation de la récession économique et de ses effets sociaux – a augmenté mécaniquement les dépenses de l'État. La mise en place de cette politique budgétaire fortement contracyclique a permis de limiter les effets irréversibles de la crise sur le tissu productif français.
Cela étant, le déficit public a atteint un niveau historique puisqu'en 2009 le déficit de l'ensemble des administrations publiques s'est établi à 7,5 %, contre 3,3 % en 2008. Hors mesures de relance, le déficit de l'État s'établit à environ 100 milliards d'euros, un niveau sans précédent.
Le G20, qui s'est réuni à Toronto ce week-end, a entériné la nécessité de mettre en oeuvre la rigueur budgétaire, en particulier à la demande du Fonds monétaire international. À l'issue du sommet, les chefs d'État des nations industrialisées, à l'exception du Japon, se sont en effet engagés à réduire de moitié leur déficit budgétaire d'ici à 2013 ainsi qu'à stabiliser, voire réduire, leur endettement public d'ici à 2016, ce dont nous ne pouvons que nous féliciter.
Cela étant, pour ne pas compromettre la reprise économique, il est important que les plans de réductions soient adaptés en fonction des situations nationales et prennent en compte le niveau d'endettement atteint – ce qui nous ramène, monsieur Muet et monsieur Nayrou, non pas à Mathusalem, mais à une période où la dette française est passée de l'ombre à la lumière, pour employer une expression qui vous rappellera quelque chose. (Sourires.)
Dans ce contexte, l'ampleur de la dégradation des finances publiques ne doit pas masquer les évolutions de fond qui caractérisent le budget de l'État. Il faut aussi s'attacher à prendre quelques exemples précis. À cet égard, en tant que rapporteur spécial du budget de la défense et de la mission d'évaluation et de contrôle sur les recettes exceptionnelles du budget de la défense, je tiens à rappeler que, lors de la préparation du Livre blanc de la défense et de la sécurité nationale, en 2008, il avait été décidé d'adosser la construction du système de défense à un référentiel de programmation. La trajectoire de besoins élaborée pour la période 2009-2020 conduisait à une cible évaluée à 377 milliards d'euros. Celle-ci excédait d'environ 3,5 milliards d'euros le montant des sources de financement anticipées par le ministère du budget, compte tenu d'une « bosse » de besoins se concentrant sur les années 2009-2011.
Au départ, il était convenu que les ressources budgétaires seraient stabilisées en valeur – en euros 2008 – jusqu'en 2011, avant de connaître ensuite une augmentation de l'ordre de 1 % par an. C'est pour « couvrir » cette bosse budgétaire qu'il a été décidé de mobiliser des recettes exceptionnelles d'un montant équivalent, recettes principalement issues du produit de la cession des actifs immobiliers libérés dans le cadre des restructurations et de la réduction des formats programmées dans le Livre blanc. Au total, le montant des ressources estimées devait excéder légèrement le niveau de la bosse de 3,5 milliards d'euros. Malheureusement, comme vous le savez, monsieur le ministre, les recettes exceptionnelles n'ont été au rendez-vous ni en volume ni dans le temps.
Le budget de la défense prévoyait en effet, pour 2009, 1,637 milliard d'euros, dont 972 millions de cessions immobilières et 600 millions de cessions de fréquences hertziennes. Or, sur ce montant, seuls 626 millions d'euros ont été effectivement enregistrés, toutes les sommes ne correspondant pas exactement, loin s'en faut, à des recettes exceptionnelles.
La même chose se reproduit en 2010 : 1,702 milliard d'euros de recettes exceptionnelles ont été inscrits en loi de finances initiale, dont 705 millions d'euros de cessions immobilières, 600 millions d'euros de cessions de fréquences et 400 millions d'euros relatifs aux satellites de télécommunication. Or, selon les informations dont nous disposons, il apparaît dès à présent que la majeure partie de ces recettes ne sera encore pas au rendez-vous en 2010.
Il s'agit donc, monsieur le ministre, mes chers collègues, non seulement de réduire la dérive des dépenses, mais aussi de s'assurer que les recettes prévues sont réellement encaissées par l'État. La résorption du choc budgétaire prendra du temps, nous le savons. La maîtrise des dépenses est plus que nécessaire. Les clignotants budgétaires et financiers sont au rouge, monsieur Brard ;…
…il faut donc revenir à des principes simples, afin qu'ils redeviennent verts – mais je sais que cette couleur ne vous agrée pas nécessairement. (Sourires.)
L'annonce faite par le Premier ministre de la réduction des niches fiscales, voire sociales, entre 2011 et 2013, qui pourrait être portée jusqu'à 8,5 milliards d'euros en fonction de la situation, est une bonne approche.
Au sujet des exonérations de charges sociales résultant des lois Aubry, j'avais déposé, avec Pierre Méhaignerie, un amendement visant à poursuivre la diminution des seuils du SMIC. Nous avons déjà fait diminuer de 1,7 à 1,6 SMIC les seuils de ces exonérations et il me paraît nécessaire de continuer dans cette direction, afin d'éviter que ne se poursuive, dix ans plus tard, ce que l'on pourrait appeler la « double peine budgétaire » pour l'économie française.
En conclusion, monsieur le ministre, vous pouvez compter sur notre vigilance pour vous aider à vérifier que les recettes prévues sont effectivement au rendez-vous et que les dépenses – fiscales, sociales ou budgétaires – sont mieux suivies dans leur exécution, afin qu'un tel débat soit, comme l'a justement souligné Michel Bouvard, plus conforme à notre conception du contrôle de la dépense publique et surtout qu'il vous permette de mieux identifier les facteurs d'écarts. Vous savez pouvoir compter sur notre attention et notre soutien dans l'effort nécessaire de réduction des déficits publics accumulés depuis 1981, dans le contexte international que nous connaissons. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Mesdames, messieurs les députés, je veux d'abord vous remercier pour la qualité de vos interventions, quelles que soient les positions que vous avez défendues, pour vos encouragements, vos regards aimables, votre attention soutenue. Il y avait même parfois de la compassion et cela m'a étonné de votre part, monsieur Brard, compte tenu de vos obédiences ou, au moins, de vos positions d'équilibre à l'égard de tel ou tel engagement puissant et personnel.
Avec cette loi de règlement, nous avons anticipé largement sur le rendez-vous de la semaine prochaine et même sur les points qui animeront nos débats de la session d'automne lors de l'examen de la loi de finances.
Monsieur le rapporteur général, je suis toujours très attentif à vos propos, d'abord parce que je vous tiens en haute estime et ensuite parce que vous avez une conception qui m'intéresse à titre personnel depuis de nombreuses années. Nous devons en effet avoir une approche globale de la gestion des sources de dépenses de l'État, afin de réfléchir à la maîtrise des dépenses fiscales, ce qu'on appelle les niches fiscales, et à l'augmentation des prélèvements obligatoires : ne faudra-t-il toucher qu'à l'assiette, faudra-t-il aller plus loin ?
Monsieur le président de la commission, cher Jérôme Cahuzac, monsieur le rapporteur général, je vous redis que, dès mardi prochain, j'irai le plus loin possible dans l'explication détaillée et précise de l'ensemble de la partie « dépenses ». Début juillet, j'aurai ainsi tenu tous les engagements que j'avais pris devant vous : un vote en application de l'article 50-1 de la Constitution et la présentation détaillée des dépenses. C'est nécessaire au regard des relations entre le Gouvernement et le Parlement, et c'est indispensable au regard de la sincérité et de la fiabilité des engagements que nous prenons pour maîtriser nos déficits. La réduction du déficit de 8 à 6 % l'année prochaine est un objectif intangible, quoi qu'il arrive et quelles que soient les évolutions des prochaines semaines.
Monsieur Nayrou, vous avez tenu des propos aimables qui nous ont rappelé de vieux souvenirs, à une époque où je tentais de faire preuve de la sagesse qu'a manifestée ce soir le président de séance pour contenir les débats entre majorité et opposition. Mais je ne vous rejoins pas sur la totalité de votre intervention. Votre vision des choses ne correspond pas à la politique que le Gouvernement souhaite mener en matière budgétaire. Nous allons nous orienter vers un budget qui se voudra juste. Pour cela, l'effort, qui sera demandé à tous, portera de façon un peu plus importante sur ceux qui ont le plus de moyens. Les publics les plus fragiles en seront dispensés et c'est bien normal. J'y reviendrai et j'entrerai dans le détail à l'occasion de notre prochain rendez-vous.
Monsieur Brard, vous vous êtes longuement exprimé et dans la motion de renvoi en commission, et dans la discussion générale. Certes, la mélodie n'est pas désagréable à l'oreille : références extérieures, points d'appui pris ici ou là, allusion à quelques couleurs et notamment au vert. Mais sur le fond, ce qui nous sépare c'est le constat de la réalité de la société, non pas sur le fait qu'une bonne partie de la population est en souffrance et que nous devons l'aider – le Gouvernement s'y emploie –, mais sur l'inflexion à mettre en oeuvre dans la gestion de nos finances publiques, sur la ligne nouvelle à tracer en matière de discipline budgétaire, avec un objectif qui doit s'inscrire dans la durée.
Produire un effort s'agissant de la maîtrise des dépenses, ce n'est ni casser le service public, ni remettre en cause les missions des services publics, ni redéfinir les métiers de ces services : c'est donner à l'État et à ses opérateurs les moyens d'assumer de façon moderne, grâce à l'utilisation des nouvelles technologies, les missions de service public attendues par les administrés, par ailleurs citoyens, contribuables et usagers des services publics. C'est autour de cela que la RGPP 1 a été bâtie. C'est bien la raison pour laquelle l'effort d'économie réalisé autour de la suppression des 100 000 postes de fonctionnaires a été restitué à plus de 50 % dans des bonifications indiciaires. S'il y a moins de postes de fonctionnaires, il y a des fonctionnaires qui sont aujourd'hui mieux payés. Cela nous a permis d'arriver globalement à 7 milliards d'économie générale pour l'État.
Dans les prochains jours, le Gouvernement proposera une deuxième vague de RGPP, qui se fixera le même objectif de suppression de 100 000 postes. À l'échelle d'un peu plus d'une législature, nous serons ainsi revenus au niveau de postes de fonctionnaires du début des années 90, mais avec une valorisation supplémentaire grâce au retour indiciaire. Notre objectif est bien de permettre aux agents des services publics de remplir, avec de meilleures conditions de travail et une meilleure rémunération, des missions plus adaptées aux temps modernes, 2010 et les années suivantes.
Monsieur de Courson, j'enregistre avec beaucoup de bonheur le soutien que vous allez nous apporter dans l'accompagnement de la maîtrise des dépenses fiscales. Je sais que je pourrai compter sur vous, et je suis sincère.
Le Gouvernement proposera une matrice en matière de réduction des niches fiscales avec un objectif élevé. Le Premier ministre a évoqué le chiffre de 8,5 milliards. J'ai moi-même expliqué qu'au cours des semaines, en fonction de l'évolution de l'activité économique, nous pourrons aller plus loin. La Cour des comptes, citée abondamment et fort justement par Michel Bouvard et d'autres orateurs, a fixé l'objectif autour de 10 milliards. Compris entre 8 et 10 milliards, l'objectif paraît en effet raisonnable.
Nous proposerons donc un niveau et nous ouvrirons le débat. Nous verrons en fonction de l'évolution du débat parlementaire, dans sa vigueur et ses propositions, jusqu'où nous pourrons aller, animés de la volonté d'atteindre les 6 % de déficit et de ne pas casser la croissance, de protéger les emplois, l'économie et les publics les plus fragiles, qui ont été plus durement et plus directement frappés par la crise.
Quelle méthode avons-nous retenue ? Nous ne nous sommes pas contentés de lever le doigt pour savoir d'où venait le vent : j'ai demandé à l'inspection générale des finances de mettre en place un groupe de travail. Présidé par M. Guillaume, il détaillera l'ensemble des niches fiscales, procédera à une évaluation précise et objective de leur impact sur la réalité de l'activité économique et sur les emplois, et proposera, à terme, une remise en cause, éventuellement durable, de certains dispositifs obsolètes, que nous avons maintenus sous perfusion et qui n'ont plus lieu d'être parce qu'ils n'ont plus la pertinence économique qui avait conduit l'État à les mettre en place pour favoriser telle ou telle politique publique.
Monsieur Giscard d'Estaing, vous souhaitez, vous aussi, accompagner le Gouvernement en allant déjà au-delà du rendez-vous qui nous réunira mardi prochain.
En tout cas, ce débat autour de la loi de règlement des comptes pour 2009 nous a permis de comprendre ce qui s'était passé sur le plan économique, d'en mesurer l'impact sur le budget de notre pays, d'en tirer un certain nombre d'enseignements sur des dispositifs temporaires, ponctuels et qui n'ont plus lieu d'être.
Ce débat nous place aussi dans la perspective des trois prochaines années : nous devons être présents au rendez-vous historique, celui d'une meilleure maîtrise des dépenses. Cet objectif est partagé par l'ensemble des pays européens parce que c'est une nécessité. C'est une question de responsabilité en termes de souveraineté, car une dette trop importante, nous conduirait sur un chemin que nous ne maîtriserions pas à 100 %. C'est aussi une question de responsabilité à l'égard des générations qui nous suivront.
Il s'agit de revenir à l'équilibre d'avant 2008, c'est-à-dire d'avant la crise, soit un déficit à 3 %. Une révision constitutionnelle nous permettrait de définir régulièrement – tous les trois ans ou tous les cinq ans – notre objectif. Le rapport Camdessus a déjà apporté sa pierre, les acteurs essentiels de la commission des finances ont déjà exprimé leurs positions, nous les entendons. Nous interrogerons également les groupes politiques. Nous prendrons le temps nécessaire. Malgré les quelques encablures qui nous séparent de la campagne présidentielle, il serait bon qu'un consensus politique se dégage autour de la refonte de notre loi fondamentale et sur la manière dont notre pays, en dehors de la gauche et de la droite, se dira que les finances publiques, oui, c'est une priorité nationale ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Les articles 1er, 2, 3 et 4 ne faisant l'objet d'aucun amendement, je vais les mettre aux voix successivement.
(Les articles 1er à 4, successivement mis aux voix, sont adoptés.)
L'article 6 ne faisant l'objet d'aucun amendement, je vais le mettre directement aux voix.
(L'article 6 est adopté.)
Je suis saisi d'un amendement n° 2 .
La parole est à M. le rapporteur général.
Les documents de politique transversale ont été créés par la loi de finances rectificative de 2005. Ils récapitulent toutes les actions d'une politique menée dans plusieurs missions différentes. Ils présentent donc un grand intérêt du point de vue de l'évaluation des politiques publiques.
Le présent projet de loi tend à créer un nouveau document de politique transversale pour la justice des mineurs. Par cet amendement, je propose qu'on donne également une base légale à un DPT qui existe de fait mais qui n'a pas été prévu par la loi et qui concerne la défense. Il s'agit de combler une lacune.
Je suis saisi d'un amendement n° 3 rectifié portant article additionnel après l'article 7.
Cet amendement, que je présente avec le président de la commission des finances, consiste à conférer au Conseil des prélèvements obligatoires, qui a succédé au Conseil des impôts et est présidé par le Premier président de la Cour des comptes, les mêmes pouvoirs que la Cour des comptes en matière de communication de documents, notamment lorsqu'il est saisi par une commission parlementaire. Ces derniers temps, nous avons adressé plusieurs demandes au Conseil des prélèvements obligatoires s'agissant précisément des dépenses fiscales. Il serait bon qu'il puisse bénéficier des mêmes pouvoirs que la Cour des comptes pour répondre à nos attentes.
Monsieur le rapporteur général, je me suis interrogé tout d'abord sur le risque que pouvait faire courir cet amendement au regard de la conservation du secret professionnel en matière fiscale. À la réflexion, j'ai considéré qu'il n'était pas inutile de laisser à la représentation nationale le soin d'apprécier si ces nouveaux pouvoirs étaient nécessaires, d'autant que votre amendement permet de borner strictement le champ d'intervention du secret professionnel en matière fiscale.
Vous le savez mieux que quiconque, monsieur le rapporteur général, monsieur le président de la commission des finances, puisque vous êtes, comme moi, liés par le secret professionnel. En outre, le CPO comptant dans sa composition de nombreux magistrats, l'exercice de la maîtrise de ce secret ne devrait pas altérer la qualité de vos travaux : il devrait même l'enrichir. Je m'en remets donc à la sagesse de l'Assemblée.
(L'amendement n° 3 rectifié est adopté.)
Je mets aux voix l'ensemble du projet de loi.
(L'ensemble du projet de loi est adopté.)
Prochaine séance, ce matin, à neuf heures trente :
Deuxième lecture de la proposition de loi relative aux violences faites aux femmes.
La séance est levée.
(La séance est levée, le mardi 29 juin 2010, à une heure.)
Le Directeur du service du compte rendu de la séance de l'Assemblée nationale,
Claude Azéma