Encore faut-il se mettre d'accord sur le périmètre de la dépense fiscale. À cet égard, la distinction entre une dépense fiscale reconnue comme telle et une modalité de calcul de l'impôt, c'est-à-dire une dépense fiscale qui ne s'assume pas, est troublante.
Mes chers collègues, l'abattement de 10 % en faveur des retraités est une dépense fiscale, mais le régime de succession pour l'assurance-vie n'en est pas une.
Mes chers collègues, le bouclier fiscal n'est pas une dépense fiscale, alors que l'exonération de la taxe d'habitation pour les retraités modestes en est une.
Les plus-values réalisées par les particuliers sont imposées de façon non dérogatoire et ne constituent pas une dépense fiscale. En revanche, la cession de titres d'entreprises, c'est-à-dire la fameuse niche fiscale Copé, n'est plus une niche fiscale puisque le ministre du budget a décidé que, dans sa nomenclature, ce serait désormais une modalité de calcul de l'impôt.
Au-delà de l'arbitraire total qui préside au fait que telle dépense fiscale devient tout à coup une modalité de calcul de l'impôt, arbitraire que le ministère du budget n'a pu expliquer à la Cour des comptes puisqu'il a indiqué qu'il ne faisait que se conformer à la volonté parlementaire - or je mets au défi quiconque dans cet hémicycle de m'indiquer à quel moment le Parlement en a décidé ainsi -, on voit bien que l'action que vous vous apprêtez à mener au détriment de la dépense fiscale reviendra à pénaliser ceux qui perçoivent la prime pour l'emploi, c'est-à-dire pour l'essentiel les salariés les plus modestes, mais à exonérer ceux qui bénéficient du bouclier fiscal.
Comment ferez-vous, monsieur le ministre, pour raboter ce qui constitue une exonération sociale ou une exonération de cotisation ? Je ne vois pas comment vous pourrez donner un coup de rabot général sur la dépense fiscale car, au-delà d'une impossibilité technique en ce qui concerne certaines dépenses fiscales, il y aurait surtout une injustice formidable à demander un effort supplémentaire aux retraités exonérés de taxe d'habitation mais pas à ceux qui réalisent des plus-values et qui, aujourd'hui, sont exonérés selon des modalités de calcul de l'impôt et non plus selon des modalités qualifiées officiellement de dépenses fiscales.
La semaine prochaine et au cours de l'examen du projet de loi de finances pour 2011, l'ensemble de la représentation nationale aura à coeur de vous interroger sur le traitement que vous réserverez à certaines dépenses fiscales et à certaines modalités de calcul. L'enjeu n'est pas mince car, si le coût de la dépense fiscale atteint 73 milliards d'euros cette année, le coût des modalités du calcul de l'impôt, c'est-à-dire des dépenses fiscales qu'on n'ose avouer, est, lui, supérieur, puisque de 80 milliards d'euros.
Les exemples que j'ai donnés montrent que nous devrions consacrer nos efforts à des mesures relevant de la dépense fiscale plutôt qu'à des mesures relevant – selon la nomenclature de votre ministère – des modalités de calcul de l'impôt.
Ensuite, le rapporteur général a longuement parlé de la dépense. Une fois « retraitées » les mesures dues à la crise, qu'il s'agisse de baisses de recettes ou bien de dépenses nouvelles, il faut bien admettre que le Gouvernement n'a pas respecté la norme budgétaire qu'il s'était fixée : la dépense publique a dérapé, je le répète, de 0,3 % à 0,6 % du PIB.
J'en profite pour préciser que, la dépense publique ayant représenté 1,7 % du PIB en 2009, les effets de la crise ayant été « retraités », imaginer que la dépense publique peut désormais évoluer de 0,6 %, c'est gagner un point de PIB chaque année, c'est-à-dire 20 milliards d'euros. Vous n'y parviendrez pas ainsi, monsieur le ministre : vous serez obligé de procéder à des prélèvements obligatoires supplémentaires et, au fond, n'est ce pas déjà ce que les autorités françaises ont indiqué fin janvier aux autorités communautaires et à leurs partenaires européens ?
La seule maîtrise de la dépense publique – fût-ce en abandonnant les chasses présidentielles pour les remplacer par de simples battues de régulation, puisque la Présidence de la République a jugé bon de descendre jusqu'à ce genre de détails dans sa lettre au Premier ministre –,…