La capitulation de la puissance publique devant les exigences des acteurs d'une économie mondiale financiarisée fait partie de votre programme. Vous asséchez consciencieusement les finances publiques de notre pays en prenant pour prétexte la crédibilité de la France auprès des brelandiers du casino mondial. Vous faites confiance à ces brelandiers, mes chers collègues, à ces personnes habituées aux tripots, qui se livrent continuellement aux jeux du hasard et dont notre bon La Bruyère écrivait déjà : « C'est un sale et indigne métier que de tromper ; mais c'est un métier pratiqué de tout temps par ce genre d'hommes que j'appelle des brelandiers. »
Cet assèchement des finances, cet affaiblissement des moyens et par conséquent des capacités de l'État, est au coeur de la logique du système depuis non pas l'arrivée de Nicolas Sarkozy mais depuis Adam Smith. Et cela n'a pas changé malgré toutes les catastrophes, petites et grandes, que cela a provoqué dans l'histoire. Cette haine froide et obstinée à l'égard de l'État qu'entretiennent des collègues comme M. Fourgous par exemple, et du potentiel de progrès contenu dans l'action publique constitue toujours la colonne vertébrale de votre projet politique. Elle est la colonne vertébrale de la « France d'après », telle que Sa Majesté Impériale l'avait promise en 2007.
Le poids de cette politique, en revanche, pèse toujours sur les mêmes épaules, celles des 700 000 chômeurs supplémentaires depuis le début de votre crise en septembre 2008. Il pèse sur les épaules des millions de travailleurs précaires, des femmes qui continuent de subir les inégalités salariales, des jeunes qui ne trouvent pas d'emploi, des plus anciens qu'on pousse au-dehors de l'entreprise parce qu'ils coûtent trop cher aux actionnaires, des sans-papiers qu'on exploite comme des sans-droits. Cette politique pèse également de plus en plus lourdement sur les épaules des classes moyennes, avec l'explosion du prix des loyers, avec le poids des frais de garde et de santé, sans parler de la dégradation galopante des conditions de travail et de l'inquiétude, oui de l'inquiétude, mes chers collègues, qui gagne toutes les générations et toutes les classes sociales, à l'exception peut-être, monsieur le ministre, de la classe qui vous fait confiance.
L'exercice budgétaire de l'année 2009 a été à bien des égards un exercice exceptionnel. Bien sûr, il l'a été en raison des effets de la crise économique et financière internationale, et des diverses mesures que votre gouvernement a imposées au pays pour, comme dit Mme Lagarde, « sortir plus fort » de cette crise. Mais cette crise a surtout été exceptionnelle lorsqu'on regarde la violence avec laquelle votre gouvernement a essayé d'imposer vos options idéologiques aux Français. C'est en ce sens que le Gouvernement dit vouloir « transformer la crise en opportunité ». Je l'ai dit : le coeur de votre projet politique, c'est – nous le constatons tous les jours – d'appauvrir l'État et de détruire les services publics qu'il gère, c'est ce que vous appelez la RGPP. Privatiser l'État, mes chers collègues, c'est faire un cadeau aux grands groupes privés et autres fonds d'investissement ; détruire les services publics, c'est offrir de juteux marchés aux « acteurs économiques », comme vous dites, c'est rendre des services à ceux dont vous dites admirer la « réussite » : la réussite d'empocher des millions en traitements, primes, stock-options, dividendes et « parachutes » divers, en imposant des conditions de travail de plus en plus insupportables et des salaires de misère aux travailleurs et employés de France et du monde entier.
« Saisir l'opportunité de la crise », pour vous, mes chers collègues de la majorité, c'est imposer des plans d'austérité d'une ampleur sans précédent, même si vous n'avez pas le courage d'assumer le vocabulaire. Pour ce faire, pour justifier la rigueur budgétaire, pour prétendre qu'il y a une « nécessité absolue » d'appliquer vos mesures de démolition sociale, vous avez besoin de la dette, d'une dette colossale. À cet égard, vous pouvez être fiers de vous, mes chers collègues de la majorité et vous, monsieur le ministre, de cet exercice budgétaire 2009.
En 2009, l'exécution budgétaire s'est achevée par un déficit de 138 milliards d'euros, soit deux fois et demi celui constaté en 2008. Celui-ci avait pourtant déjà atteint, avec 56 milliards, un niveau exceptionnel, un niveau record dans notre histoire moderne. Comme vous le savez, l'année 2009 a vu, fait exceptionnel, le vote de trois lois de finances rectificatives, en février, avril et décembre. Il y a d'une certaine manière, maintenant, des lois de finances rectificative saisonnières. Il n'y a de repos que pendant l'été.