Les chiffres sont vraiment terribles.
C'est un double bonus, disais-je, pour les familles aisées. Pour l'État, c'est une double perte. On se prive de recettes fiscales et, en plus, on s'endette, de sorte qu'il faut payer ensuite des intérêts.
Pour les ménages modestes, qui, eux, n'ont pas bénéficié des réductions d'impôts, ce sera des hausses d'impôts demain, quand vous serez conduits à augmenter les impôts de tout le monde.
Un mot de la reprise. Vous prévoyez une croissance de 2,5 % pour les années 2010 à 2012. Je remarque au passage que, quand vous faites des prévisions pour la réduction des déficits, vous retenez des chiffres de croissance extrêmement élevés, très supérieurs à la croissance potentielle, en avançant l'argument selon lequel la crise sera surmontée et qu'il y aura un rattrapage, de sorte que la croissance sera beaucoup plus élevée. Mais quand vous faites des prévisions pour les déficits des régimes de retraites, vous faites l'inverse. Vous expliquez que la croissance à long terme sera extrêmement faible, que la crise l'a encore affaiblie, et que par conséquent le déficit des retraites va exploser. Si seulement vous reteniez les même chiffres, ou simplement un demi-point de croissance de plus, dans vos prévisions pour les retraites, vous effaceriez une bonne partie du déficit.
Je pense qu'il faut retenir des prévisions prudentes en matière de retraite, mais je trouve que pour ce qui est de la réduction des déficits budgétaires, pour le coup, vos prévisions sont extrêmement imprudentes. Les autres pays retiennent une hypothèse de 2 %.
Dans le document que vous envoyez à Bruxelles, vous dites qu'il y aura chaque année une réduction d'un point et demi du déficit public, pour atteindre les 3 % en 2013. Vous prétendez que cela est compatible avec une croissance de 2,5 %. Quand on regarde les chiffres avancés par les instituts de conjoncture, l'OFCE par exemple – mais je pense que vous avez, à Bercy, d'excellentes cellules de prévision, qui doivent vous donner des informations comparables –, on constate qu'avec une réduction de l'ensemble des dépenses publiques de 1,5 point, la conséquence sur la croissance est un effet dépressif à peu près du même ordre.
Autrement dit, à moins d'avoir une croissance spontanée qui dépasserait les 4 %, il n'y a aucune chance pour que vous atteigniez une croissance de 2,5 %. Le plus probable, malheureusement, si vous appliquez la politique de rigueur et d'austérité exposée dans le document que vous envoyez à Bruxelles, c'est que la croissance de notre pays sera faible. La conséquence, c'est que le chômage continuera à augmenter, et les déficits ne se réduiront pas.
Mais vous ajoutez bien d'autres hypothèses. Je ne reviendrai pas sur l'élasticité des recettes à la croissance, qui n'a jamais été observée dans le passé. Vous supposez qu'elle est de 1,2, ce qui vous permet de dire qu'il y a aura deux points de hausse spontanée des prélèvements obligatoires. Non : si vous appliquez votre programme, ce ne sera pas deux points de hausse spontanée des prélèvements obligatoires, ce sera deux points, ou un peu moins de deux points, d'augmentation des impôts. Et les Français ont le droit de savoir qui va supporter cette augmentation.
Un mot de la réforme fiscale et du risque des politiques d'austérité. Le président de la commission des finances signalait le changement brutal en Europe : des politiques de relance l'an dernier, et des politiques d'austérité aujourd'hui. C'est un virage à 180 degrés, qui risque sérieusement d'enfoncer l'Europe dans la crise. Je pense que l'Europe ne sait pas coordonner les politiques économiques, et qu'il devrait y avoir une vraie coordination des politiques européennes. Des pays comme l'Allemagne, qui ont un fort excédent extérieur, devraient continuer à jouer le rôle de locomotive, pour favoriser la réduction des déficits extérieurs et publics des pays du Sud. Et dans notre pays, le risque, si vous appliquez votre politique, c'est que la croissance soit complètement cassée.
Depuis trois ans, la politique de notre pays ressemble un peu à un bateau ivre. On ne sait pas vraiment où il va. Il n'y a qu'un seul fil directeur, qui a été, pendant trois ans, de baisser les impôts. Pas les impôts de tous, mais ceux des plus fortunés. Et dans les deux dernières années de la législature, si vous faites ce que vous dites, ce sera une politique d'austérité sans précédent, qui va peser sur tout le monde, sauf peut-être sur les bénéficiaires du bouclier fiscal, et qui va en tout cas toucher nos concitoyens les plus modestes.
Votre politique est complètement l'inverse de ce qu'il aurait fallu faire. Vous avez creusé les déficits dans une période de croissance. Je rappelle que le cycle de croissance que nous avons connu avant cette récession, c'est la plus forte croissance mondiale qu'on ait jamais connue en vingt-cinq ans. Quand je vous parlais des années où la gauche était au pouvoir, vous me disiez : « Oui, mais la croissance était là ». La croissance mondiale était de 3,5 %. De 2002 à 2008, elle a été de 5 %. Cela a donc été un cycle de croissance extrêmement forte. Certes, la France est restée à l'écart mais, dans cette période, la plupart des pays ont réduit leur déficit, et cela les a mis – je pense notamment à l'Allemagne – dans une situation où ils pouvaient affronter une récession sans voir le déficit et la dette exploser. Ce n'est pas le cas en France.
Et puis, que dire de cette politique absurde de subventions aux heures supplémentaires ! Je pense que, dans les années futures, ce sera un cas d'école pour les étudiants. Subventionner les heures supplémentaires dans une période de récession, où l'on détruit 115 000 emplois par an depuis trois ans, où l'on a 600 000 chômeurs de plus depuis trois ans, c'est une politique absurde.