La séance est ouverte.
(La séance est ouverte à vingt et une heures trente.)
Loi d'orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure
LOPPSI
L'ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi d'orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure (nos 1697, 2271, 1861).
Le temps de parole restant pour la discussion de ce texte est de six heures dix-neuf pour le groupe UMP, dont quatre-vingt-dix-neuf amendements restent en discussion, de huit heures vingt-trois pour le groupe SRC, dont quatre-vingt-dix amendements restent en discussion, de cinq heures six pour le groupe GDR, dont quarante amendements restent en discussion, de trois heures vingt-trois pour le groupe Nouveau Centre, dont quarante-sept amendements restent en discussion, et de quarante-deux minutes pour les députés non inscrits.
Cet après-midi, l'Assemblée a commencé l'examen des articles, s'arrêtant à l'article 1er.
Monsieur le président, monsieur le ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales, monsieur le secrétaire d'État à l'intérieur et aux collectivités territoriales, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, j'espère qu'après les outrances et contrevérités entendues cet après-midi, nos débats vont pouvoir reprendre un cours plus serein et traiter de questions concrètes. (Exclamations et rires sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
Je suis sûr que tout va très bien se passer, mes chers collègues.
L'article 1er est éminemment stratégique et je souhaiterais pour ma part m'attarder sur la question des ressources humaines. Nul ne peut nier qu'entre 2002 et 2008, les effectifs de police n'ont jamais été aussi nombreux : ils ont augmenté de plus de 15 000 ; plus de 1 000 fonctionnaires supplémentaires ont été affectés à la préfecture de police. Les effectifs de la gendarmerie ont augmenté également.
Il est d'ailleurs paradoxal que ceux qui aujourd'hui protestent le plus contre le manque supposé d'effectifs soient précisément ceux qui les avaient le plus réduits lorsqu'ils étaient au pouvoir !
Entrons maintenant dans le détail pour examiner les charges indues auxquelles, monsieur le ministre, vous vous attaquez avec force dans cet article. Vous prévoyez de recruter d'ici à 2017 4 700 personnels civils dans la gendarmerie et de porter à 21 000 équivalents temps plein travaillé les effectifs des personnels administratifs, techniques et scientifiques de la police d'ici à la fin de la période de programmation de la LOPPSI. Il est essentiel de recentrer les policiers et les gendarmes sur leurs missions de sécurité – on peut même se demander, par exemple, si les policiers doivent continuer à patrouiller à quatre dans une voiture.
De même pour les escortes et les gardes statiques, qui mobilisent encore près de 4 000 fonctionnaires : c'est un problème que vous avez l'intention de traiter. Lors de l'examen de la loi pénitentiaire, j'avais proposé de recourir autant que possible à la visioconférence afin de limiter les transfèrements des détenus ; c'est également ce que vous souhaitez faire. On pourrait aller encore plus loin en transférant cette mission à l'administration pénitentiaire – idée déjà reprise dans de nombreux rapports.
Un effort particulier enfin est prévu dans le domaine de la fidélisation. Il doit encore être intensifié, notamment pour fidéliser les fonctionnaires de police en région Île-de-France. Beaucoup a déjà été fait, mais le problème du logement est encore loin d'être résolu.
Telles sont les réflexions dont je voulais vous faire part à l'occasion de cet article 1er.
La globalisation des crédits apporte une grande souplesse, propre à optimiser la gestion de l'argent public. On ne peut que souscrire à cette approche. Néanmoins, comme le recommande notre rapporteur pour avis, il serait probablement utile de préciser la répartition des crédits entre la police et la gendarmerie. J'aimerais, monsieur le ministre, connaître votre sentiment sur ce point.
Le projet de loi prévoit par ailleurs d'achever la réhabilitation du parc de logement afin d'assurer aux personnels et à leurs familles « des conditions de travail et de vie en rapport avec les normes actuelles, tout en garantissant un haut niveau de qualité environnementale. » Cela ne manquera pas de réjouir les gendarmes de Satory, qui attendent depuis longtemps la rénovation de l'un des plus importants sites de gendarmerie en France. Toutefois, notre rapporteur pour avis n'a pas manqué de remarquer, à la page 10 de son rapport, la faiblesse des crédits affectés à cet objectif. Dans ces conditions, monsieur le ministre, je vous serais reconnaissant de me préciser quel sera le calendrier de rénovation du site de Satory.
J'ai cru comprendre que M. le ministre s'inquiétait de savoir si j'avais des choses à dire sur la sécurité : je me fais donc un devoir de lui dire que, depuis que je suis élu dans cette maison, j'ai pris l'habitude de parler quand j'ai des choses à dire. Mais lorsque d'autres les disent mieux que moi, je préfère me taire.
Jusqu'à présent, il m'a semblé que ma contribution n'était pas utile. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
La discussion des amendements nous donne l'occasion d'aborder un certain nombre de points précis et, du coup, de revenir sur les « contradictions » que vous aviez cru repérer dans les interventions de différents orateurs du groupe SRC.
Vous nous proposez de discuter d'une loi. C'est devenu un rite de cette majorité : une élection, une loi – et en général sur la sécurité. Nous verrons bien ce que vous nous proposerez pour les élections cantonales de 2011 : j'imagine que le compte à rebours a commencé, et je n'ai nul besoin de vous donner des idées : votre imagination fertile, je n'en doute pas, saura vous les fournir !
Mais vous savez aussi que ce que vous nous proposez sera inefficace. Manuel Valls l'a très justement dit et vous allez souvent l'entendre : nous votons beaucoup de lois mais, en réalité, nous donnons peu de droits et nous faisons peu de droit, parce que nos textes sont écrits trop rapidement et bien souvent inapplicables.
Vous voyez des contradictions dans la façon dont nous reprenons les statistiques et les indices. Certains de nos chiffres, dites-vous, sont bons, d'autres sont mauvais. Mais les indicateurs de l'observatoire national de la délinquance ne sont ni bons ni mauvais, monsieur le ministre : ils se constatent, point !
Je livre simplement à votre réflexion trois éléments dont je mets quiconque au défi de contester la véracité. Examinons la période pendant laquelle le Président de la République assume la responsabilité de la sécurité, autrement dit depuis 2003 – je ne lui impute même pas 2002 – en prenant quatre indicateurs : les atteintes volontaires à l'intégrité physique – c'est-à-dire les violences aux personnes : coups et blessures, homicides – ont augmenté de 14 % entre 2003 et 2009…
Les violences physiques non crapuleuses, c'est-à-dire les agressions sur la voie publique, ont augmenté de 37 %, et les coups mortels et violences volontaires non mortelles de 39,4 % ; les escroqueries et infractions économiques et financières enfin ont enregistré une hausse de 9 % – 381 332 faits constatés en 2008.
Vous avez beau soutenir que les choses vont mieux, ce n'est pas notre sentiment, et la lecture des chiffres que vous-même nous proposez ne vient pas corroborer votre point de vue.
L'article 1er que nous abordons maintenant détaille l'orientation et la programmation pour la performance de la sécurité intérieure. Nous en avons d'ailleurs découvert en commission le caractère à l'évidence massif : l'annexe évoquée dans cet article 1er ne fait pas moins de quarante-quatre pages et nous n'avons eu qu'une heure ou deux tout au plus pour en prendre connaissance !
Deux ambitions, nous dites-vous : l'orientation, la programmation. Qu'y voyons-nous ? Deux déceptions.
En lisant les documents que vous nous avez transmis, que pouvons-nous qualifier, en étant de la plus entière bonne foi, d'orientation ? « La sécurité pour tous et partout », c'est la marque que vous avancez depuis que vous êtes ministre de l'intérieur. Mais qu'en disent les Français ? Lorsque votre majorité est arrivée au pouvoir au mois d'août 2007, dans un de ces sondages que l'Élysée aime tant, 78 % des Français déclaraient faire confiance au Gouvernement pour régler les questions de sécurité. Au mois de janvier 2010, ils ne sont plus qu'une minorité – 49 %, soit vingt-neuf points de moins – à faire confiance à votre majorité pour régler les problèmes de sécurité.
Vous parliez tout à l'heure de déontologie. Regardons la façon dont les Français disent leur satisfaction au regard du service rendu par le service public de sécurité, c'est-à-dire la police et la gendarmerie nationale. En un an, l'indice de satisfaction a chuté de seize points : seuls 39 % des Français ayant eu affaire à la police ou à la gendarmerie en sont aujourd'hui satisfaits. Ce n'est pas un jugement de valeur, mais une simple observation.
Vous auriez pu défendre une orientation de nature à répondre à ces interrogations.
Vous pourriez aussi en parler aux policiers, que vous connaissez bien, et que nous rencontrons tous dans nos permanences et dans les différents déplacements que nous faisons dans nos circonscriptions. On a vu ce qu'ont donné les élections professionnelles : je ne me prononcerai pas sur le résultat, mais je note que la participation s'est élevée à 82 %, soit trois points de plus qu'en 2006, six points de plus qu'en 2003. Or toutes les organisations syndicales ont fait campagne sur le même thème : la critique de la culture du chiffre et du rendement, ce n'est pas nous qui en parlons, mais bien elles. Du reste, les plus tardivement ralliées à cette cause ne sont pas celles qui ont fait le meilleur score : sont arrivées en tête les organisations qui depuis longtemps font campagne pour refuser cette culture du rendement.
Avec la meilleure volonté du monde, j'ai beau chercher l'orientation dans votre projet de loi, je ne la trouve pas, sinon dans le souci permanent de détruire des emplois : en trois ans, vous avez supprimé 9 121 équivalents temps plein travaillé, soit, comme l'a très bien dit Delphine Batho, 75 % des créations réalisées entre 2002 et 2009. Sur la période qui courait jusqu'en 2003, vous alliez supprimer 11 400 postes dans la police nationale et la gendarmerie nationale : ce ne sont pas nos chiffres, mais ceux que Frédéric Péchenard, votre directeur général de la police nationale, nous a donnés lorsqu'il a été auditionné par la commission des lois.
Un homme précis, et le parlementaire que je suis les a notés avec beaucoup d'attention. Nous en reparlerons. J'ai d'ailleurs relevé, pour être tout à fait complet, qu'on nous annonçait 3 963 destructions pour 2012, dans la seule police nationale.
Pas d'orientation donc, mais qu'en est-il de la programmation ?
La programmation a été pratiquée dans le passé, notamment par la LOPSI 1. Mais cette fois-ci, monsieur le ministre, votre projet couvre une période qui va de 2009 à 2013 : nous en sommes déjà au deuxième exercice budgétaire, ce qui n'est pas la meilleure illustration de ce que l'on appelle une programmation… Vous prévoyez d'ailleurs la plus grande partie des crédits pour 2013, c'est-à-dire hors de cette législature ! On pourrait y voir une forme d'irrespect pour le Parlement, amené à voter des textes dont une grande partie aura été arrêtée dans des années bien antérieures.
Pas d'orientation dont, pas davantage de programmation : cet article 1er le montre bien, votre texte n'est qu'une compilation, un empilement, un fourre-tout. Mais ce n'est pas très grave : c'est un texte électoral, appelé à connaître le même résultat que les élections : l'échec !
Comme vient de le montrer mon collègue Jean-Jacques Urvoas, le rapport annexé que l'article 1er se propose d'approuver ne contient en réalité ni orientations ni programmation ; en tout cas il ne prévoit pas de moyens. Je voulais vous poser une question, monsieur le ministre, sur les unités territoriales de quartier, qui ne sont pas mentionnées pas dans ce rapport d'orientation.
Selon des informations quasi officielles, ce dispositif, dont le Président de la République avait annoncé qu'il comprendrait 100 unités fin 2010, serait stoppé. Cet élément ne nous a pas été communiqué dans la discussion budgétaire. Pouvez-vous nous dire ce qu'il en est ?
J'en profite pour revenir sur ce qui fait divergence entre nous sur la question de la police de quartier et préciser ce que doit être, selon nous, la nouvelle doctrine d'emploi des forces de sécurité.
Ce qui est frappant à la lecture de votre rapport d'orientation à l'horizon 2013, c'est que ce document ne défend aucune logique de reconquête. La stratégie que vous proposez ne vise aucune reconquête : c'est une logique de contention du désordre, où la gestion des violences urbaines notamment se résume à l'emploi de forces d'intervention superficielles : en aucun cas il n'est question pour vous de rétablir une présence pérenne, quotidienne, d'une police qui connaît la population, qui connaît son territoire, d'une police en situation de responsabilité par rapport à ce territoire et disposant à proximité de tout une panoplie d'interventions en matière de sécurité publique, de renseignement, mais aussi d'investigation judiciaire – ce qui peut-être manquait à la police de proximité telle qu'elle avait été mise en place dans les années 1997-2002. Voilà ce qui fait différence entre nous.
Si je critique la mission de police territoriale dévolue à la gendarmerie telle qu'elle est présentée dans ce document, c'est parce que la même logique est appliquée en milieu rural, quand bien même la situation y est différente : il s'agit de franchir un cran de plus après la réforme des brigades territoriales, d'éloigner la gendarmerie de la population et d'instituer des unités mobiles, appelées à servir de renforts sporadiques, mais en aucun cas de faciliter un contact régulier et permanent avec la population.
Monsieur le ministre, quelle est la valeur constitutionnelle de cette annexe ? Pour avoir une idée sur le sujet, vous devriez interroger le Premier ministre François Fillon. Rappelez-vous la loi Fillon : nous discutâmes pendant des jours et des jours, en particulier d'une annexe qui devait compléter le texte principal. Mais qu'arriva-t-il lorsque le texte, dans sa globalité, parvint devant le Conseil constitutionnel ? Le Conseil, sous la houlette de notre ancien collègue Pierre Mazeaud, manifesta son ire et l'on peut penser que Jean-Louis Debré ne sera pas moins rigoureux que son prédécesseur. Cette discussion, qui renvoie à l'annexe, a-t-elle dès lors quelque intérêt sachant votre texte risque d'être retoqué et l'annexe reléguée sur les rayonnages les plus inaccessibles de la bibliothèque de l'Assemblée nationale, où elle aura toutes chances de n'être plus jamais consultée ?
En imaginant même que votre annexe, dont vous dites qu'elle contient l'essentiel, ne soit pas retoquée, avez-vous fait bilan de la politique que vous avez menée jusqu'à présent, notamment celui du rapprochement de la gendarmerie et de la police nationale ?
On peut considérer, comme notre collègue vient de le dire, que les fonctionnaires de la police nationale l'ont, eux, d'ores et déjà dressé puisqu'ils ont voté, et largement soutenu les organisations qui condamnent votre politique.
Pas du tout !
Mais nous aussi pouvons le faire, ce bilan, puisque nous avons qualité, en tant que parlementaires, pour aller visiter les gendarmes et les policiers. Nous pouvons même nous rendre sur les lieux de privation de liberté. Je me suis d'ailleurs livré à cet exercice il n'y a pas longtemps : je suis allé voir les cellules de garde à vue dans ma bonne ville de Montreuil. Après avoir visité les personnes qui y étaient placées, je suis resté – j'avais le temps, c'était la nuit – avec les fonctionnaires de la police nationale ? J'ai pu mesurer la difficulté de leur tâche, la non-reconnaissance dont ils pâtissent, la souffrance que certains d'entre eux endurent.
Cher collègue Bénisti, chacun a sa souffrance évidemment, et je n'oppose pas la souffrance des uns à la souffrance des autres.
Leur souffrance n'est pas de même nature, vous le savez bien.
Je suis allé dans les centres de rétention. J'ai passé une nuit au dépôt de la préfecture de police. ( Sourires sur plusieurs bancs.)
Volontairement, et j'ai écouté ces jeunes policiers qui, pour certains, ont voulu devenir fonctionnaires de la police nationale dès leur plus jeune âge. Que font-ils aujourd'hui ? Ils sont employés à garder d'honnêtes travailleurs, des personnes dont le seul crime n'est pas, comme vous dites, de ne pas avoir de papiers – ils ont des papiers…
…mais pas les bons effectivement : le seul reproche qu'on leur fait est de travailler au noir. Pendant ce temps, on laisse tranquilles ceux qui les emploient. Je suis, je vous le dis, pour le maintien des centres de rétention, mais pour y enfermer les patrons voyous !
En aucun cas je ne souhaite qu'on utilise des forces de la police nationale à garder et détenir des travailleurs étrangers venus chercher ici du travail pour faire vivre leur famille restée au pays à subir les séquelles du colonialisme, comme cela a été dit dans un autre débat. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Je sais bien que, pour vous, « colonialisme » est un gros mot.
D'autant que vous n'avez pas rompu avec cette idéologie : on l'a vu hier à l'occasion de la discussion de la ratification d'une convention avec l'Algérie.
Que m'ont dit ces jeunes fonctionnaires de la police nationale, en particulier ce jeune fonctionnaire qui venait de Toulon – et dont la copine est, évidemment, restée à Toulon ? Il est là, enfermé lui aussi d'une certaine manière, au centre de rétention, avec 1 850 euros par mois. Premier poste, première déception : il n'a pas voulu être policier pour faire ce travail. Et quelle explication lui donne-t-on ? Aucune. On lui demande de faire ce travail, c'est tout.
Alors que je traversais la cour du dépôt de la préfecture de police accompagné par un officier, celui-ci m'a dit : « C'est très bien ce que vous faites, monsieur le député, parce qu'on amène ici beaucoup de gens arrêtés illégalement. » Il faut que vous entendiez cela, chers collègues, et vous aussi, monsieur le ministre.
J'entends !
Je sais que vous entendez, mais cela ne suffit pas, encore faut-il traduire cela en actes.
Je suis allé au centre de rétention de Vincennes, le 31 décembre 2008.
N'ayez pas des propos déplacés. Vous devriez, au contraire, faire, vous aussi, cette expérience.
Ce 31 décembre 2008, alors que le pays faisait la fête, des gens qui n'avaient rien fait étaient détenus au centre de rétention de Vincennes sans savoir de quoi leur avenir serait fait.
Je suis allé discuter avec les détenus comme avec les fonctionnaires de la police nationale. J'ai constaté la même chose qu'au dépôt de la préfecture de police : de la souffrance chez ces jeunes fonctionnaires, de l'amertume, de la déception. Voilà comment vous les faites commencer dans la carrière !
Nous, nous aspirons à une police citoyenne. Souvenez-vous, monsieur le ministre, du temps du gouvernement Jospin…
On développa alors la police de proximité. Le dialogue dans les quartiers fut rétabli entre les uniformes et les citoyens ; les policiers retrouvaient de l'intérêt à leur travail, les citoyens respectaient les fonctionnaires de la police nationale.
Monsieur Lagarde, Nous parlons d'objectifs pour la police nationale. Avoir une police citoyenne avec des rapports rétablis entre les fonctionnaires de la police nationale et les citoyens, ça, c'est un objectif.
Encore faut-il pour cela donner des moyens et respecter les fonctionnaires de la police nationale tout comme les gendarmes. Respectez-vous les fonctionnaires de la police nationale ? Rappelez-vous cet échange entre celui qui devint plus tard le Président de la République et un commissaire de Toulouse, retransmis en direct à la télévision. Rappelez-vous comment le ministre de l'intérieur de l'époque – ce n'était pas vous, monsieur Hortefeux – humilia ce responsable de la police en déclarant que les fonctionnaires de la police nationale n'étaient pas là pour accompagner les jeunes dans leurs divertissements, alors que l'enjeu est de donner une autre image et de prévoir un autre fonctionnement de la police. Il n'y a pas de respect et l'exemple vient de haut.
À ce propos, vous parlez de moyens, mais sans doute ne rencontrez-vous jamais votre collègue Éric Woerth, qui, lui, ne parle que de RGPP. Vous parlez de moyens nouveaux, mais vous passez les effectifs à l'essoreuse et vous faites en sorte que le pouvoir d'achat des fonctionnaires de la police nationale et des gendarmes n'augmente pas davantage que celui des autres. Et que faites-vous pour la formation permanente des fonctionnaires de la police nationale ?
Que faites-vous pour qu'ils appréhendent mieux leur métier, qu'ils retrouvent leur souffle de temps en temps parce qu'ils font un travail difficile et méritent qu'on les aide à appréhender les nouvelles réalités sociales ? M. Lagarde le sait bien, puisqu'il est député-maire d'une ville de la Seine-Saint-Denis.
Que dire des déroulements de carrière, et des outils, des armes dont vous les équipez ? Prenons le cas des flash-balls.
Montreuil a hélas ! connu un grave incident au mois de juillet l'année dernière. Pourtant la Commission nationale de déontologie et de la sécurité s'était déjà prononcée à propos d'un incident de la même nature qui s'était produit à Nantes, où déjà un jeune de dix-sept ans avait perdu un oeil. Les préconisations de la CNDS sont très claires : on ne doit pas utiliser ces armes dans des situations de confrontation rapprochée entre des fonctionnaires de la police et des manifestants parce qu'il y a alors un risque majeur. C'est exactement ce qui s'est passé à Montreuil lorsque Joachim Gatti a perdu un oeil. On a d'ailleurs constaté à cette occasion le disfonctionnement de la chaîne de commandement.
Non, il ne s'agissait pas d'une opération de sécurisation : le résultat au contraire a été que l'on a accru le sentiment d'insécurité dans la population tout entière.
Il faut définir de nouveaux moyens d'action de la police nationale, qui ne conduisent pas à creuser davantage le fossé entre les citoyens et la police nationale. Plus les moyens matériels mis à la disposition de la police nationale sont violents, plus ils exposent les manifestants aux risques de blessure et les policiers à la tentation d'en faire un usage intempestif.
Je conclurai avec la récente proposition d'un membre éminent, messieurs les ministres, de votre parti, M. Beschizza. Je sais que certains regrettent qu'il soit membre de l'UMP depuis qu'il a eu l'idée géniale de réserver le premier wagon des trains aux personnes qui auraient peur et qui souhaiteraient bénéficier de la vidéosurveillance. Serait-ce une manière de rétablir la première classe à la RATP ? Imaginez, car il faut traiter cette proposition par le ridicule, qu'il y ait une affluence telle que tout le monde ne puisse pas monter dans le premier wagon…
Quels seraient alors, monsieur Calméjane, les critères de sélection pour accéder au premier wagon ? Faudra-t-il montrer patte blanche avec la carte du syndicat Synergie, voire la carte de l'UMP ? Voyez à quelle situation ridicule l'on aboutit !
Mais cette proposition ne figure pas du tout dans le texte, et nous y sommes opposés d'ailleurs !
Tout cela, c'est le résultat de la logique que vous mettez en place mais qui ne fait plus illusion aujourd'hui. La politique sécuritaire que vous servez, c'est un vieux chewing-gum que vous faites mâcher aux Français depuis trois ans. Ce chewing-gum qui n'a plus de sucre du tout, nos concitoyens n'ont plus qu'une envie désormais : le jeter !
Notre groupe a, par l'intermédiaire de notre excellent collègue Jean- Christophe Lagarde, apporté un soutien sans faille…
…aux objectifs de ce projet de loi, mais je voudrais revenir sur un point particulier à l'occasion de la discussion sur cet article 1er.
Nous vous suivons dans votre exigence, monsieur le ministre, d'assurer la sécurité des Français, qui reste, on ne le répètera jamais assez, la première de leurs libertés, en particulier pour les plus vulnérables. Votre projet de loi propose un certain nombre de dispositions visant à répondre à cet objectif, mais je voudrais vous alerter sur le problème des financements et de l'économie souterraine.
Notre assemblée a voté une série de textes ces dernières années, en particulier les lois sur le blanchiment ou la corruption qui visent à frapper au portefeuille la criminalité organisée et à sanctionner notamment le recyclage de l'argent sale de tous les trafics du crime organisé, qu'il s'agisse de le drogue, de la prostitution,…
…des filières de travail clandestin et d'immigration clandestine.
L'actuel Président de la République, lorsqu'il occupait vos fonctions, avait créé les GIR pour mieux rationaliser l'action des forces de police et de gendarmerie, mais également celle du fisc, grâce à une coopération accrue avec d'autres départements ministériels, en particulier le ministère du budget. Cette question doit rester une priorité si nous voulons que les textes que vous nous proposez de voter soient efficaces : on ne connaît que trop le rôle que joue le recyclage du produit de l'activité criminelle.
Les rapports de la commission font brièvement référence à une meilleure coopération avec les services du ministère du budget ; peut-être aurait-il été bon, à l'occasion de l'examen de ce texte, d'évaluer les dispositifs existants et notamment l'efficacité des GIR afin de déterminer si, par voie règlementaire ou par voie législative, il convenait de mieux rationaliser encore les moyens d'action au service des forces de police – je pense notamment aux fichiers. Vous savez que la CNIL oppose toute une série de garanties et de freins au regroupage de fichiers, mais il indéniable que les forces de police ont besoin d'accéder à des informations qui leur sont aujourd'hui fermées. Pensez-vous que le système actuel est satisfaisant ? Ne conviendrait-il pas de l'améliorer encore ?
Nous en venons à la discussion des amendements à l'article 1er.
La parole est à Mme Martine Billard, pour soutenir l'amendement n° 31.
Notre amendement tend à supprimer l'article 1 et par conséquent le rapport annexé. Un premier argument a été donné par Jean-Pierre Brard : ce rapport, finalement, n'a pas de valeur au regard de la Constitution. Mais surtout, son contenu pose problème, à commencer par le principe de mettre fin à toute augmentation des effectifs alors même que, c'est le moins que l'on puisse dire, le malaise est à cet égard très fort au sein de la police et la gendarmerie. Poser comme principe général la stagnation, sinon la baisse des effectifs, c'est commencer par la fin avant même de se poser la question de ce qu'il faut faire.
Cette diminution des effectifs s'inscrit d'ailleurs dans la politique globale du Gouvernement qui, au travers de la révision générale des politiques publiques, vise à réduire l'intervention des services publics et les frais de fonctionnement de l'État, y compris, ce qui est assez nouveau, dans ses fonctions régaliennes. Au final, sans l'affirmer explicitement, car la manière est beaucoup plus subtile, l'objectif est de généraliser une politique ultra-libérale, jusque dans la sécurité, ce que beaucoup de Français, me semble-t-il, n'avaient pas compris jusqu'à présent.
C'est ainsi que des forces de police sont supprimées sur le terrain et un certain nombre de missions transférées à des forces de sécurité privées. Il y a quelques temps, dans une ville de banlieue, la police a par exemple été retirée de la sécurisation d'un centre commercial. Si les commerçants veulent continuer à travailler en sécurité, compte tenu du contexte, ils ne leur reste plus qu'à se regrouper pour engager une entreprise de sécurité privée, alors même que l'on peut raisonnablement penser que la sécurité publique relève des missions régaliennes de l'État.
Vous accordez une large place aux moyens matériels et technologiques en considérant qu'ils pourraient remplacer l'intervention des hommes, policiers ou gendarmes. Votre rapport étale les nouveautés en matière d'armes et de procédures techniques – on se croirait presque dans un salon : drones, vidéosurveillance, armes dites à létalité réduite comme le Taser ou le flash ball, dont Jean-Pierre Brard et d'autres collègues viennent de parler, et qui ont déjà posé problème. L'introduction du pistolet à impulsion électrique sur notre territoire a été critiquée dès le début par un certain nombre d'élus comme par la Ligue des droits de l'Homme au vu de certains événements survenus aux États-Unis où l'entreprise Taser s'est même permise de poursuivre en justice tous ceux qui critiquaient et dénonçaient les accidents provoqués par son arme, pourtant bien réels... Le rapport du Conseil d'État du 2 septembre 2009 soulignait du reste les dangers spécifiques de cette arme, qui imposent que son usage soit précisément encadré et contrôlé. Rappelons que le même Conseil d'État a annulé le décret du 22 septembre 2008 qui autorisait les policiers municipaux à l'utiliser. Depuis, malheureusement, les faits ont démontré que cette arme étaient en effet dangereuse dans une situation où, de surcroît, aucune arme n'était nécessaire – autrement dit où il n'était même pas possible d'arguer que le recours au Taser évitait d'employer une arme plus dangereuse.
S'agissant de la vidéosurveillance, je veux dire mon désaccord avec mes collègues du SRC qui ont tout à l'heure approuvé son développement massif. Ce n'est pas la position du parti de gauche auquel j'appartiens. Cet outil à nos yeux n'a qu'un objectif : réduire les effectifs. Ainsi, pour répondre à la situation de l'établissement scolaire Alphonse-Chérioux de Vitry, la réponse se limite à la mise en place des caméras de vidéosurveillance alors qu'il serait plus utile de créer des postes de surveillants, comme le réclament les enseignants. Mais plutôt que de placer des adultes auprès des jeunes, vous préférez installer des caméras. Ce sont vraiment deux philosophies radicalement différentes qui nous opposent : nous pensons pour notre part qu'il faut construire des rapports civils dans cette société. Quant bien même il y a évidemment des moments où les nécessités de la sécurité l'emportent, il faut que celle-ci soit fondée sur la présence sur le terrain d'effectifs de police et de gendarmerie dans une autre relation aux citoyens, différente de celle qui s'est malheureusement développée ces dernières années dans bon nombre de points de notre territoire, marquée par un sentiment de défiance réciproque, tant et si bien que les forces de police, constamment sur la défensive, ne sont plus en état de remplir leur mission dans des conditions constructives. Votre politique sécuritaire n'a plus rien à voir avec la sécurité et produit exactement le résultat inverse.
Voilà les raisons pour lesquelles nous sommes en désaccord avec le rapport tel qu'il est annexé au projet de loi puisqu'il est centré sur des moyens matériels et technologiques qui ne semblent pas constituer la bonne réponse aux problèmes de sécurité de notre pays.
La parole est à M. Éric Ciotti, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République, pour donner l'avis de la commission sur cet amendement.
Avis naturellement défavorable : remettre en cause le rapport annexé reviendrait à remettre en cause la loi puisque sans rapport, il n'y a plus d'orientation, il n'y a plus de programmation. Nous avons déjà largement abordé ce débat.
La parole est à M. le ministre de l'intérieur, pour donner l'avis du Gouvernement sur cet amendement.
Même avis, mais je voudrais préciser à M. Brard que le rapport annexé est indispensable puisqu'une jurisprudence du Conseil Constitutionnel en date du 21 avril 2005, sur les lois de programmation, impose de fixer des objectifs aussi bien qualitatifs que quantitatifs à une loi afin qu'elle puisse être qualifiée, à l'instar de la LOPPSI, de loi de programmation.
Mme Billard a évoqué, à juste titre, l'annulation par le Conseil d'État du dispositif régissant l'utilisation des Taser par les polices municipales ; je lui précise qu'un nouveau décret est passé en Conseil d'État, qui l'a validé.
(L'amendement n° 31 n'est pas adopté.)
Je suis saisi d'un amendement n° 137.
La parole est à Mme Delphine Batho.
Il demeure tout de même, monsieur le ministre, un problème constitutionnel si l'on se réfère à la jurisprudence du Conseil Constitutionnel sur la précédente LOPSI de 2002 et sur le fait que celle-ci comportait dans son article 2, et non dans un rapport annexé, les dispositions suivantes : « Les crédits nécessaires à l'exécution de la programmation prévue par la présente loi, qui seront ouverts par les lois de finances entre 2003 et 2007, sont fixés à 5,6 milliards d'euros […] 13 500 emplois seront créés dans la police nationale et la gendarmerie nationale entre 2003 et 2007 ».
On ne trouve aucune disposition normative de ce genre dans votre projet de loi. Quant aux moyens, ils seront largement absents. Les députés de la majorité eux-mêmes se sont inquiétés des conséquences de la révision générale des politiques publiques sur les forces de sécurité.
Monsieur le ministre, c'est une situation intenable qui est en train de mettre en place. Vous prenez le risque, ainsi que l'ont dénoncé un certain nombre de syndicats de police, d'introduire une grave rupture dans la politique de sécurité. Aussi notre amendement n° 137 tend-il à supprimer pour le moins le terme de « moyens » du titre de votre rapport qui n'apporte en fait aucun moyen aux forces de sécurité.
J'aimerais enfin, monsieur le ministre, que vous répondiez à la question qui vous a été posée sur les unités territoriales de quartier et que nous vous reposerons jusqu'à ce que vous nous répondiez.
Je réponds si je veux.
Défavorable. Le ministre a rappelé la jurisprudence arrêtée par le Conseil constitutionnel à l'occasion de l'examen de la loi Fillon sur l'école : les dispositions non normatives sont réservées aux seules lois de programme à caractère économique et social. Sans doute Mme Batho l'aura-t-elle oublié, mais la révision constitutionnelle du 23 juillet 2008 a justement généralisé la portée de cette jurisprudence – ce qui explique que la LOPPSI n'ait été présentée au Parlement que maintenant.
Pour ce qui est du fond de l'argumentation, nous examinons là, certes, une loi de programmation et de moyens. Les programmes « Sécurité » et « Sécurité civile » sont précisés en annexe. De même sont prévus des moyens importants : 1,773 milliard d'euros seront réservés aux crédits hors titre II, c'est-à-dire aux programmes d'investissement et de fonctionnement ; autant de moyens garantis…
C'est là une avancée très importante dans un contexte de difficultés budgétaires. La LOPPSI prévoit donc bien des moyens, contrairement à ce que vous affirmez.
Même avis. En ce qui concerne les moyens financiers, le Gouvernement respectera ses engagements. Je ne vous demande d'ailleurs pas de me croire sur parole, mais tout simplement de constater les faits : tous les programmes d'investissements pour les années 2009 et 2010 ont été respectés.
Vous m'interrogez ensuite une nouvelle fois, madame Batho, sur les unités territoriales de quartier. Je ne voudrais pas être désagréable, mais votre question montre que vous n'avez pas écouté mes explications avant la levée de la précédente séance ; or j'ai répondu très précisément sur ce point.
Eh bien, je vais recommencer, et je ne m'en lasserai pas.
Quand j'ai pris mes fonctions, j'ai demandé aux services d'inspection de la police nationale d'établir le bilan des trente-cinq UTEQ existants, de définir les améliorations à apporter et de délimiter leur périmètre d'activité. Ce rapport sera bientôt disponible.
Enfin, pour solde de tout compte, vous évoquez le malaise dans la police, vous faites parler les syndicats,…
…vous rapportez les inquiétudes que l'on aurait exprimée, etc. En fait, vous souhaiteriez que la réalité fût ce qu'elle n'est pas, au point que cela vous rendrait presque sympathique.
Des élections professionnelles ont eu lieu, qui ont suscité une très forte mobilisation – plus de 87 %, c'est-à-dire un peu plus que la fois précédente. A-t-on constaté un bouleversement, un « big bang », une révolution ? Non. Tous les syndicats, sans exception, ont indiqué qu'ils refusaient d'être catalogués et donc, monsieur Brard, d'être récupérés.
Enfin, les résultats de ces élections ont révélé une très grande stabilité des rapports de force.
Aussi, malheureusement pour vous, le « big bang » que vous espériez ne s'est pas produit et je comprends que votre raisonnement s'en trouve quelque peu perturbé.
Je suis de l'avis du ministre : il faut mettre les choses au clair. Vous lui reprochiez tout à l'heure de n'avoir qu'une politique du chiffre ; or, depuis le début de la discussion, vous ne cessez de réclamer le renforcement des moyens financiers ou l'augmentation des effectifs. Autant planter d'emblée le décor :...
…nous n'allons pas parler de la même chose.
Nous évoquerons davantage, pour notre part, l'efficacité de nos services de police, l'adaptation des moyens d'enquête aux nouvelles technologies, la simplification des procédures, l'amélioration des investigations, celle de la protection des intérêts fondamentaux de la nation, l'encadrement des activités d'intelligence économique, le renforcement de la lutte contre la criminalité,…
…l'efficacité des moyens de répression, le renforcement de la lutte contre l'insécurité routière, contre la conduite sous l'influence de l'alcool ou autre…
Alors que nous entendons mener un débat de fond, vous revenez malheureusement, à chaque fois, sur la question des moyens financiers, des effectifs.
Abordons donc une fois pour toutes les vraies questions et entrons dans le fond du débat.
Monsieur le ministre, je suis respectueuse de l'indépendance syndicale. Je ne pense pas que le rôle des responsables politiques soit de commenter les résultats d'élections professionnelles. Je constate simplement que toutes les organisations syndicales – je ne les citerai pas –, celles des gardiens de la paix en particulier, réclament le gel de la révision des politiques publiques pour ce qui concerne les forces de sécurité intérieure.
Pour ce qui est des unités territoriales de quartier, vous démentez donc, monsieur le ministre, avoir tenu les propos que vous prête le journal Le Monde, selon lequel vous auriez décidé de stopper ce dispositif et que vous n'aviez pas les moyens de développer.
Monsieur le ministre, je ne récupère rien du tout. Je constate seulement que les élections professionnelles ont été précédées, au sein de la police nationale, d'un vrai débat.
Je sais bien !
Qui ne pourrait s'en féliciter ? Vous-même vous êtes d'ailleurs réjoui du très fort taux de participation. C'est donc éclairés par ce débat que les fonctionnaires, en leur âme et conscience, montrant la voie à beaucoup d'autres, se sont prononcés. Et leur verdict est clair.
Je ne partage pas l'opinion de notre collègue Delphine Batho quand elle avance que nous n'avons pas à commenter les résultats de ces élections. Après tout, nous sommes des parlementaires et nous avons le droit de commenter ce que nous voulons. (Sourires.)
Vous en privez-vous d'ailleurs, quand il s'agit d'élections professionnelles dans les usines, ma chère collègue ? Bien sûr que non, et c'est légitime.
Je constate simplement que les fonctionnaires de police se sont exprimés dans le sens que vous savez, ce qui apporte plutôt de l'eau à notre moulin, parce que nous avons été éclairés par ce débat au sein de la police nationale. Nous ne prétendons pas apporter la lumière, nous : nous l'avons vue, un peu comme l'étoile des rois mages. (Sourires.)
Eh oui, monsieur Schneide. Remarquez que cette étoile vient toujours de l'Est, d'ailleurs !
Monsieur Bénisti, c'est bien du fond du sujet que nous discutons. Si l'on vous suit, les gendarmes et les policiers sont censés aimer tellement leur métier qu'ils devaient accepter de payer pour l'exercer. Vous leur refusez les moyens qui doivent leur permettre de l'exercer dans de bonnes conditions, tout comme vous leur refusez des rémunérations à la hauteur de la difficulté de leur tâche, et conforme à un déroulement normal de carrière. Pour moi, le fond du débat et la question des moyens vont de pair. Je crois à la vertu de la dialectique : ce n'est pas fromage ou dessert, car l'on apprécie bien le dessert qu'après avoir goûté le fromage.
Vous avez raison, monsieur Schneider. Vous remarquerez d'ailleurs que cette étoile vient toujours de l'Est !
Monsieur Bénisti, c'est bien du fond du sujet que nous discutons. Si l'on vous suit, les gendarmes et les policiers sont censés aimer tellement leur métier qu'ils devaient accepter de payer pour l'exercer. Vous leur refusez les moyens qui doivent leur permettre de l'exercer dans de bonnes conditions, tout comme vous leur refusez des rémunérations à la hauteur de la difficulté de leur tâche, et conforme à un déroulement normal de carrière. Pour moi, le fond du débat et la question des moyens vont de pair. Je crois à la vertu de la dialectique : ce n'est pas fromage ou dessert, car l'on apprécie bien le dessert qu'après avoir goûté le fromage.
Comme l'a dit notre collègue Brard, il faut en tout cas les écouter et, sans vouloir vous faire la leçon, monsieur le ministre, c'est votre premier devoir. Ainsi, quand le syndicat Alliance, qu'on ne saurait soupçonner d'entretenir des liens particuliers avec les députés qui siègent sur nos bancs, demande que l'on recentre les missions des policiers et des gendarmes vers le coeur de leur métier, il fait seulement écho à ce que nous disent les fonctionnaires sur le terrain. Ils ne font qu'exprimer, si je puis dire, leurs maux avec leurs mots. Quand ils demandent le gel de la baisse des effectifs prévue par la révision générale des politiques publiques, c'est qu'il y a bien un problème. Si les policiers et les gendarmes demandent à exercer leur métier dans de bonnes conditions, c'est pour être à même de répondre à l'augmentation de la violence sur le terrain de manière efficace : cela correspond bien à une demande réelle. Ce n'est pas nous qui l'inventons, c'est la réalité que connaissent les forces de l'ordre, c'est la réalité que connaissent les Français.
Quand policiers et gendarmes demandent de nouvelles unités, davantage de moyens, c'est bien qu'ils rencontrent des difficultés. Et quand on met en perspective cette attente et votre projet, contrairement à la LOPSI de 2002 – dont nous avions voté l'article 2 –, on ne peut que constater qu'il ne leur donne pas les moyens nécessaires.
Nous avons démontré qu'il ne s'agit pas d'une loi d'orientation ni de programmation.
Quant aux propos de M. Bénisti, ils me rappellent, je vous le dis en toute franchise, certaines discussions au sein de ma formation politique. Il est tout de même extraordinaire de vous entendre soutenir que les effectifs importent peu !
Revenons quelques années en arrière : imaginez un seul instant que la violence ait augmenté autant qu'aujourd'hui et qu'un gouvernement de gauche affirme à son opposition de droite que la violence s'accroît mais qu'il n'augmentera pas les effectifs des policiers ni des gendarmes,…
C'est pourtant bien ce que la gauche a fait lorsqu'elle était au pouvoir !
…et qu'il compte uniquement sur les moyens technologiques et sur l'amélioration des performances des policiers. Que dirait l'opposition ?
On ne peut nier l'augmentation de la violence, l'insuffisance corrélative des moyens humains sur le terrain, le manque de précision des missions données aux forces de l'ordre. Voilà bien où se situe le coeur du débat. Et si l'on constate un malaise dans la police, je suis convaincu qu'il en existe également un au sein de la majorité, provoqué par la politique du ministre de l'intérieur.
Pas du tout, il n'y a aucun malaise !
(L'amendement n° 137 n'est pas adopté.)
Je suis saisi d'un amendement n° 162, qui fait l'objet d'un sous-amendement n° 308.
La parole est à M. Jean-Christophe Lagarde.
Mon amendement n° 162 concerne la partie de l'annexe relative à la rénovation de la gestion des ressources humaines par le biais, notamment, aux termes de l'alinéa 20, de « la fidélisation sur les zones difficiles en accroissant les efforts d'accompagnement social ».
Il s'agit non pas de savoir si la police est une police de proximité mais de faire en sorte qu'elle connaisse la population à laquelle elle s'adresse et qu'elle connaisse de la même manière le territoire sur lequel elle opère. La politique du logement conduite par le Gouvernement reste l'un des moyens les plus importants pour inciter les policiers à rester au même endroit.
C'est pourquoi je propose de compléter l'alinéa 20 par les mots : « , notamment par un accès privilégié au logement, que ce soit par des logements à loyer modéré ou par l'accession sociale à la propriété ; ».
Chacun comprend les difficultés qu'éprouvent les jeunes policiers nommés dans les grandes agglomérations pour s'y loger, en particulier dans l'agglomération parisienne. Nous devons leur permettre d'y développer un projet de vie si nous voulons éviter qu'ils ne repartent dans leur province d'origine.
Dans ma commune, quelques policiers exercent dans le même commissariat depuis quinze à vingt-cinq ans. Nous n'avons jamais de difficulté opérationnelle ni relationnelle avec eux. Ils vivent dans la ville tout à fait normalement. Il ne s'agit pas d'une police de proximité, mais d'une police connue parce que fidèle, une police respectée parce qu'on ne voit plus seulement l'uniforme ou la fonction mais l'individu. Et si l'on connaît tel policier pour avoir été déjà interpellé par lui, on le respecte aussi parce qu'il a su faire son travail dans de bonnes conditions.
La politique du logement doit donc constituer un véritable instrument de fidélisation des policiers sur les territoires où ils exercent leur métier.
La parole est à M. Jean-Pierre Brard, pour soutenir le sous-amendement n° 308.
Pour que le territoire fonctionne bien, pour que les services publics fonctionnent bien, il faut assurer la stabilité des fonctionnaires qui travaillent sur le territoire. Tous les maires le savent : fidéliser les policiers, c'est important, mais il n'est pas moins important de fidéliser les instituteurs, les professeurs de collège, les personnels hospitaliers, les pompiers, etc. Et je ne pense pas que nous devions établir un improbable classement, comme l'a fait le Président de la République dans son discours du Latran, où il a décidé que le curé était supérieur à l'instituteur. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) N'est-ce pas vrai ?
Ah, madame de La Raudière, cachez ce sein que je ne saurais voir ! Dès qu'on rappelle les turpitudes du Président de la République, vous entrez en émoi !
Plusieurs députés du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. Mais ce n'est pas Mme de La Raudière !
Monsieur le président, on m'empêche de continuer… (Sourires.)
Je reprends le fil de mon propos : c'est une question de principe que de ne pas opposer des fonctionnaires les uns aux autres. Pour la cohésion du territoire, pour la cohésion sociale, nous avons besoin de services publics qui fonctionnent bien. Cette priorité doit être accordée à tous les fonctionnaires, d'autant plus que ceux que j'ajoute dans mon sous-amendement sont encore plus mal payés que les fonctionnaires de la police nationale.
Quel est l'avis de la commission sur l'amendement et le sous-amendement ?
Vous avez allègrement endossé la tunique du cavalier, monsieur Brard : votre sous-amendement n'a à l'évidence rien à voir avec le texte.
En revanche, la commission a émis un avis favorable à l'amendement de M. Lagarde. C'est en effet un objectif important que d'accroître la fidélisation, et notamment en favorisant l'accès des fonctionnaires de police au logement. C'est ce que nous faisons dans le département des Alpes-Maritimes depuis cinq ans, avec 500 logements auxquels l'accès a été favorisé pour les fonctionnaires de police.
Concernant le sous-amendement de M. Brard, pour intéressante que soit cette initiative, elle est bien éloignée de cette discussion.
Le Gouvernement émet en revanche un avis favorable à l'amendement n° 162 de M. Lagarde. Cette politique de fidélisation est d'ailleurs déjà engagée. Elle est déjà conduite par la police nationale, principalement en Île-de-France, et elle a vocation à s'étendre.
C'est une démarche qu'il faut développer, à mon sens, dans deux directions : d'une part, l'extension du parc de logements locatifs, et d'autre part, l'accession à la propriété si possible.
Je précise qu'en 2008, 562 logements ont pu être réservés ainsi à nos policiers, et 520 logements supplémentaires leur ont été attribués en 2009. De surcroît, le ministère a mis en place un prêt complémentaire à taux zéro, qui s'applique depuis 2005 au profit des fonctionnaires exerçant en Île-de-France et souhaitant y acquérir une première résidence principale. Cette politique doit être poursuivie.
Monsieur le ministre, je serais tenté de dire : chiche, mais combien mettez-vous sur la table ? Si je dis cela, avec beaucoup de respect mais sans moins de conviction, c'est parce que le problème, c'est que l'offre de logement social, et particulièrement en Île-de-France, est insuffisante pour répondre à la démarche que vous considérez devoir initier.
C'est tellement vrai que dans bon nombre de nos territoires, la question ne se règle pas entre l'institution de la police et le niveau ministériel, voire préfectoral, mais tout simplement entre le maire et le commissaire. Dans le Val-de-Marne, je peux vous citer de nombreuses communes – mon collègue Bénisti peut en témoigner – dans lesquelles c'est le commissaire de police et le maire qui traitent ces problèmes. Pourquoi ? Parce que l'offre de logements est insuffisante. C'est pour cela que nous avons soutenu l'idée que l'investissement, sur le territoire francilien, parce qu'il faut fidéliser, ce dont nous sommes tous d'accord, se concrétise non pas seulement en dédiant des paquets des logements de fonctionnaires, mais par des opérations volontaires du type de celles que conduit parfois l'État quand se crée un foyer de jeunes travailleurs – ou de jeunes actifs, comme on dit maintenant –, sur lequel on réserve des places.
La déclaration d'intention, c'est très bien, monsieur le ministre ; mais pour l'instant, ce sont les instruments mis ordinairement entre les mains des bailleurs et des maires pour loger les fonctionnaires que nous voulons garder sur nos territoires. Si l'on veut passer à la vitesse supérieure, il faut une stratégie, non de déclaration, mais d'investissement de votre ministère dans la construction de logements sociaux dont une partie serait dédiée aux fonctionnaires de police.
Du coup, l'observation de M. Brard est exacte : le problème se pose exactement de la même manière pour les sapeurs-pompiers, et nous nous efforçons de le régler avec les chefs de brigade.
D'abord, je dois des excuses à Mme Hostalier que j'ai appelée Mme de La Raudière tout à l'heure. Cela n'avait rien désobligeant pour elle ni pour Mme de La Raudière, vous en conviendrez. Mais comme je me suis trompé, je tenais à lui en donner acte.
N'en rajoutez pas…
Monsieur Ciotti, ne poussez pas trop loin le particularisme : je n'imagine pas des fonctionnaires de police, dans les Alpes-Maritimes, indifférents à l'éducation de leurs enfants. Le fonctionnaire de police est comme tous les autres : il recherche un poste en fonction du lieu où il pourra habiter – quand il en a la liberté –, mais aussi en fonction des équipements publics dont il pourra y disposer.
Je l'espère, malgré le long règne de M. Médecin ! Mais revenons à notre sujet. On a besoin d'équipements publics qui fonctionnent. Des écoles avec un personnel enseignant stable, ce sont autant de chances de réussite en plus pour les enfants. Tout le monde le sait : pas seulement nous, ici, mais les gens qui habitent dans ces villes et à côté de ces écoles.
Mon sous-amendement n° 308 n'est donc pas du tout hors sujet : il n'a pas à être déconnecté du texte. Il est très important que les services publics marchent bien, avec des personnels stables. Et il est tout aussi important, du point de vue de l'égalité républicaine, qu'il n'y ait pas de discrimination entre les fonctionnaires qui servent la chose publique. Il n'y a pas de raison que ceux qui sont chargés des tâches de répression, qui ont évidemment leur place dans la société, soient discriminés par rapport à ceux à qui il revient de développer les intelligences ou de soigner les corps.
Sans doute n'avez-vous pas suivi cette affaire, cher collègue Le Bouillonnec, mais depuis maintenant deux ans, le ministère de l'intérieur subventionne les organismes de logements sociaux à hauteur de 41 000 euros, pour pouvoir réserver des logements à des policiers.
Je crois, de mémoire, que le ministère y consacre entre 20 et 30 millions d'euros – M. le ministre a avancé le chiffre de 580 logements réservés. Cela dit, je sais par expérience que si cela peut fonctionner, cette affaire est très compliquée et exige un très fort volontarisme des élus locaux. Sans doute serait-il nécessaire de mettre un peu d'huile dans les rouages au niveau des préfectures. Je ne sais pas comment elles répartissent les crédits. Je sais que dans ma commune, où je proposais huit logements, nous avons péniblement réussi à contractualiser sur deux. Tant mieux si nous le faisons, il doit être possible de gagner en efficacité.
(Le sous-amendement n° 308 n'est pas adopté.)
On le dira aux enseignants, aux pompiers et aux médecins ! (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
Je suis saisi d'un amendement n° 182.
La parole est à M. Jean-Christophe Lagarde.
Il s'agit d'un sujet que le groupe Nouveau Centre a souvent évoqué dans cet hémicycle, et qui est directement tiré de l'expérience de terrain. Le rapport annexé fixe l'objectif d'améliorer le management des ressources humaines au sein de la police nationale et de la gendarmerie. Notre amendement, qui concerne surtout la police nationale, propose, dans ce cadre, d'inscrire dans la loi le principe selon lequel il faut éviter que les services locaux, les commissariats de police, ne subissent en cours d'année de trop forte variations d'effectifs.
Un certain nombre de collègues ont abordé le problème des effectifs. J'ai moi-même indiqué, dans la discussion générale, que les effectifs étaient évidemment une composante essentielle de l'efficacité de la police. Il est totalement anormal, monsieur le ministre, vous qui donnez enfin au ministère l'ambition d'améliorer la gestion des ressources humaines, qu'un commissariat voie au cours de l'année son effectif policier chuter du niveau 100 au niveau 70, par le seul fait que les mutations vers d'autres commissariats ne sont pas coordonnées avec les sorties d'école de police.
Cette réforme de structure permettrait, à coût constant, un gain considérable en termes d'efficacité. On n'imagine pas qu'un enseignant qui parte au mois de février dans le cadre d'une mutation ne soit remplacé qu'au mois de septembre suivant. C'est là, me semble-t-il, un problème central de gestion des ressources humaines au sein de la police.
Défavorable. L'objectif que vous poursuivez, monsieur Lagarde, est naturellement louable : nous ne pouvons tous que souhaiter que les gestionnaires des ressources humaines, de la police et de la gendarmerie, adaptent mieux les sorties d'école aux besoins des commissariats ou des unités de gendarmerie. Mais faire de ce voeu une règle coercitive et normative me paraît excessif.
La parole est à M. Alain Marleix, secrétaire d'État à l'intérieur et aux collectivités territoriales, pour donner l'avis du Gouvernement sur l'amendement n° 182.
Dans la police nationale, les mutations et les affectations en sortie d'école sont réalisées au niveau national après avis des commissions administratives paritaires compétentes. C'est la règle. Les mutations se font sur appel d'offre. Il n'y a donc pas toujours concomitance ou adéquation entre le départ d'un fonctionnaire et son remplacement, lequel ne peut intervenir, bien entendu, qu'une fois le poste libéré.
Les sorties d'école permettent néanmoins de lisser le phénomène dans la mesure où elles interviennent à plusieurs moments de l'année. S'il n'est donc pas possible de faire coïncider exactement les mouvements, sachez, monsieur le député, que c'est naturellement l'objectif qui est poursuivi, afin de garantir la meilleure organisation possible de notre système de sécurité.
Je vous demanderai donc de bien vouloir retirer l'amendement. Sinon, l'avis du Gouvernement serait défavorable.
Je voudrais, monsieur le ministre, compléter ce qu'a dit mon collègue Lagarde. Dans les commissariats, vous avez des effectifs théoriques, et vous avez des effectifs réels. Car il y a énormément de détachements. Il y a là une distorsion qui me paraît presque plus importante que celle due aux mutations. Dans le commissariat de Noisiel, nous avons un effectif théorique relativement important et un effectif réel beaucoup plus faible, en raison d'un très grand nombre de détachements.
Vous parlez d'or, madame Brunel, mais bizarrement, lorsque c'est nous qui le disons, nous avons tort !
Il s'agit là d'un combat que je mène depuis 2002. Je suis demandeur d'une explication, même hors de cet hémicycle, au sein d'un groupe de travail par exemple.
Je comprends parfaitement que les départs en retraite puissent avoir lieu en cours d'année et ne pas coïncider avec les sorties d'écoles de police. Mais pourquoi un policier peut-il être pris dans le commissariat de Drancy au mois de janvier pour être envoyé à Agen, sans attendre les sorties d'écoles de police au mois de mars ? Voilà ce qui me pose problème.
Je suis désolé de me montrer désagréable en maintenant mon amendement. Dans mon commissariat, j'ai pu voir que la courbe des effectifs varie considérablement en cours d'année et que celle de la délinquance évolue de façon exactement proportionnelle.
Ce que je propose n'est pas normatif : c'est un objectif pour essayer de faire évoluer la politique des ressources humaines. Je comprends que, dans une aussi grosse administration, ce soit compliqué, mais je pense que, à coût constant, on gagnerait considérablement en termes de taux de délinquance et d'élucidation. Prenons au moins en considération ce sujet de réflexion, que mon amendement soit adopté ou pas.
Monsieur Lagarde, je suis sensible à votre réflexion. À vrai dire, nous avons certainement tous vécu des cas similaires. Si je confirme l'avis défavorable d'Alain Marleix, je suis en revanche favorable à la constitution d'un groupe de travail.
Vous avez raison de citer de grandes références, monsieur Brard !
Laquelle ? Clemenceau ou Morano ? (Sourires.)
(L'amendement n° 182 n'est pas adopté.)
Je suis saisi d'un amendement n° 231, qui fait l'objet d'un sous-amendement n° 309.
La parole est à M. Philippe Folliot, pour soutenir l'amendement n° 231.
Avec cet amendement, nous sommes au coeur d'une des grandes problématiques de la délinquance. La première LOPSI créait les GIR sur la base du constat que l'économie souterraine entraîne divers trafics et beaucoup de délinquance dans les quartiers, où il est choquant de constater que certaines personnes ont un train de vie en totale inadéquation avec leurs revenus affichés, parfois inexistants. Il nous paraît essentiel que le travail de contrôle de la situation de ces personnes effectué en amont par les agents du fisc puisse être soumis, par le biais d'un rapport annuel qui lui serait transmis, au regard du Parlement. C'est l'objet de cet amendement, qui tend à préciser l'alinéa 37.
Le groupe socialiste votera pour cet amendement, tout en notant l'optimisme dont font preuve le Nouveau Centre et M. Folliot en particulier : aucun des rapports que le Gouvernement est censé remettre à l'Assemblée, quel que soit le sujet, ne nous parvient jamais ! Mais on peut toujours espérer…
L'amendement portant sur l'alinéa 37 de l'annexe, permettez-moi d'évoquer l'alinéa précédent, le 36, qui introduit l'une des rares nouveautés par rapport au projet de loi initial – probablement un de ces éléments de musculature supplémentaires dont parlait le rapporteur… Cet alinéa fait référence à la circulaire commune signée le 23 septembre 2009 avec le ministre de l'éducation nationale afin de renforcer la sécurité des établissements scolaires.
M. Ciotti connaît bien cette circulaire, et surtout ce qu'elle ne contient pas. Il sait les espoirs déçus de l'ensemble des parlementaires qui étaient présents dans l'hémicycle lors de la discussion de la proposition de loi, dont il fut l'éphémère mais brillant rapporteur, relative à la lutte contre les violences en bandes et les violences scolaires et antiscolaires. Il nous avait expliqué que nos amendements tendant à organiser la prévention, la sanction précoce de la délinquance juvénile qui s'exprime tout particulièrement dans l'échec scolaire et dans la violence antiscolaire quasi quotidienne au sein des établissements, ne relevaient pas de la loi et n'étaient pas recevables. Mais on allait voir ce qu'on allait voir avec le grand plan de lutte contre la délinquance qui serait déployé à l'automne !
En lieu de quoi, nous avons eu droit à une circulaire assez pathétique, à mille lieues de ce que préconise l'annexe – mettre en synergie les acteurs de terrain, placer le maire au centre de l'action de lutte contre l'insécurité locale, etc. Nous l'avons lue à l'occasion la deuxième lecture de la proposition de loi sur les violences en bandes : pas un mot sur l'implication des maires, des équipes éducatives, de la communauté scolaire ! Une fois de plus, vous avez rejeté nos amendements, en particulier celui de Delphine Batho, qui proposait la mise en place de contrats locaux de sécurité scolaire.
C'est là un vrai sujet, je l'ai dit dans la discussion générale. M. le ministre n'a pas jugé utile de répondre sur l'éphéméride sanglante que j'ai déroulée : chaque mois, presque chaque semaine, depuis le début de l'année 2010, on ne compte plus les victimes mineures liées à la banalisation du port d'armes blanches dans les établissements, dans les rues, dans les centres commerciaux, dans les gares. Alors que nous sommes tous prêts, nous en avons témoigné sur les bancs de cette assemblée, à lutter ensemble, à nous concerter, à mettre en commun des moyens pour mettre fin à l'explosion et à la banalisation de la violence chez les mineurs, rien dans la circulaire, pas plus que dans la LOPPSI 2, ne répond à cet enjeu majeur pour nos concitoyens.
La parole est à M. Jean-Pierre Brard, pour soutenir le sous-amendement n° 309.
L'amendement de M. Folliot nous laisse circonspects, c'est pourquoi il nous paraît pertinent de le compléter par les mots « et des cinq ministres concernés » en nous inspirant, une fois n'est pas coutume, de la pensée présidentielle.
Rappelez-vous, le Président de la République avait dit qu'il évaluerait les ministres et les préfets. Avec l'amendement n° 231 tel qu'il est rédigé, le danger est que, si la lutte contre l'économie souterraine ne réussit pas, on désigne cinquante boucs émissaires, c'est-à-dire des agents du fisc, alors qu'ils ne sont pas les responsables de l'action.
« Pourquoi ne faites-vous rien contre la mafia russe de l'arrière-pays niçois ? » avais-je demandé du haut de cette tribune à Nicolas Sarkozy lorsqu'il était ministre de l'intérieur, puis ministre de l'économie et des finances. Là, il y a de la fraude, de l'économie souterraine, et M. CIotti le sait fort bien : interrogez n'importe quel chauffeur de taxi à Nice, il vous dira où sont ces voyous. Mais on n'y touche pas parce qu'on ne veut pas indisposer MM. Poutine et Medvedev. Voilà la réalité !
L'amendement de M. Folliot nous laisse circonspects, c'est pourquoi il nous paraît pertinent de le compléter par les mots « et des cinq ministres concernés » en nous inspirant, une fois n'est pas coutume, de la pensée présidentielle.
Rappelez-vous, le Président de la République avait dit qu'il évaluerait les ministres et les préfets. Avec l'amendement n° 231 tel qu'il est rédigé, le danger est que, si la lutte contre l'économie souterraine ne réussit pas, on désigne cinquante boucs émissaires, c'est-à-dire des agents du fisc, alors qu'ils ne sont pas les responsables de l'action.
« Pourquoi ne faites-vous rien contre la mafia russe de l'arrière-pays niçois ? » avais-je demandé du haut de cette tribune à Nicolas Sarkozy lorsqu'il était ministre de l'intérieur, puis ministre de l'économie et des finances. Là, il y a de la fraude, de l'économie souterraine, et M. Ciotti le sait fort bien : interrogez n'importe quel chauffeur de taxi à Nice, il vous dira où sont ces voyous. Mais on n'y touche pas parce qu'on ne veut pas indisposer MM. Poutine et Medvedev. Voilà la réalité !
Mme Mazetier me souffle avec raison qu'on les voit aussi à Courchevel et quelques autres endroits. (« À Montreuil ! » sur plusieurs bancs du groupe UMP.) Personne ne peut le contester.
Vous comprenez donc, messieurs les ministres, que cet amendement ne serait porteur de sens que si nous impliquions la responsabilité de ceux qui, au Gouvernement, doivent travailler sur ces sujets.
Nous rejoignons donc les propositions de Nicolas Sarkozy sur la nécessité de responsabiliser les membres du Gouvernement.
Quel est l'avis de la commission sur l'amendement et le sous-amendement ?
Ceux que vous évoquez, monsieur Brard, sont là depuis des décennies. Peut-être les avez-vous fréquentés auparavant dans d'autres cadres.
Ce sont souvent les mêmes, en effet.
Je souligne, et cette réponse vaudra pour beaucoup d'amendements proposant des rapports, que la commission des lois, avec son président Jean-Luc Warsmann, a émis le souhait que nous limitions la publication des rapports. C'est l'un des objectifs des projets de simplification du droit.
Avec la mission d'évaluation et de contrôle au sein de la commission des finances, et le comité d'évaluation et de contrôle, nous disposons désormais d'outils précis, pertinents et mieux adaptés que la multiplication des rapports.
Les agents du fisc sont intégrés aux services de police et de gendarmerie au sein desquels ils travaillent. Il en est de même pour les GIR, qui regroupent policiers, gendarmes, douaniers, agents du fisc. L'efficacité de leur action sera évaluée avec celle de l'ensemble de leurs services d'affectation. Le Gouvernement s'en remet à la sagesse de l'Assemblée.
Sur le sous-amendement de M. Brard, qui ne nous avait pas habitués à un tel antisoviétisme primaire (Sourires),…
…j'émets un avis défavorable.
M. Brard a cherché à distraire l'Assemblée de l'objet réel de mon amendement.
Je ne doute pas de l'efficacité des GIR en termes de grande criminalité. Les élus locaux, la population, les parlementaires voient moins leur action sur le terrain. Vous avez raison, monsieur le rapporteur, il ne s'agit pas de demander un rapport pour avoir un rapport. Si M. le ministre nous indiquait que les lois de finances peuvent être l'occasion de rendre compte, de montrer que les GIR permettent de démonter des réseaux, cela nous aiderait à mieux en ressentir l'efficacité. Si je ne doute pas de celle-ci, aujourd'hui, elle n'apparaît pas à la population qui entend un discours dont elle ne voit pas le résultat, pourtant bien réel. C'est dommage.
C'était l'objet de l'amendement que, avec l'accord de Philippe Folliot, je vais retiré. Mais retenez bien qu'il faudrait nous rendre des comptes pour que nous puissions expliquer à quoi servent les GIR et s'ils sont vraiment efficaces.
Dommage que mon sous-amendement n° 309 n'ait plus de raison d'être, c'était le plus important ! (Sourires.)
Je suis saisi d'un amendement n° 240.
La parole est à M. Jean-Christophe Lagarde.
J'ai déjà évoqué ce sujet hier lors de la discussion générale.
Depuis 2002, le groupe Nouveau Centre, qui intervient régulièrement sur ces sujets, demande que soient décloisonnées au maximum les services de l'État qui luttent contre la criminalité : gendarmerie ou police nationale, afin de faciliter les rapprochements et d'encourager la mutualisation des moyens. De la même façon, il serait bon d'en faire autant avec les douanes et de décloisonner ce service qui lutte contre une autre forme de criminalité. Il ne nous semble pas logique que le service des douanes soit rattaché au ministère des finances, si ce n'est pour avoir quelques douaniers à l'entrée de Bercy… Il paraîtrait plus logique de le rattacher au ministère de l'intérieur.
M. Brard a évoqué un certain nombre de grands réseaux criminels. Les douanes contribuent à les combattre, tout comme les services de police. Pourquoi ne travaillent-ils pas ensemble, sous l'autorité du même ministre dans la même administration ? Voilà le souhait que nous exprimons, et qui trouve sa traduction dans notre amendement.
Sur le fond, je partage votre avis : je suis l'auteur d'un amendement, approuvé par notre commission, qui définit le principe d'un rapprochement opérationnel des douanes et des forces de police. Nous pouvons partager cet objectif, que M. le ministre a du reste mentionné dans l'annexe. Je souhaite qu'il le soit le plus vite possible. Mais de là à appeler à un rattachement organique au ministère de l'intérieur, sans discussion préalable avec le ministère du budget, cela me paraît prématuré. C'est pour cette question de forme que j'émets un avis défavorable.
Le Gouvernement souhaite le retrait de l'amendement, faute de quoi il émettra un avis défavorable.
Des synergies et des complémentarités sont déjà dégagées entre les services de police et de gendarmerie, d'une part, et les services des douanes, d'autre part.
Sur le plan opérationnel, des douaniers sont même accueillis au sein de certains services comme les groupes d'intervention régionaux qui luttent contre le trafic de drogue et l'économie souterraine. Les bons résultats qu'a permis cette coopération tiennent, à l'évidence, à la richesse des cultures professionnelles différentes, mais complémentaires des acteurs concernés. Mais si le rapprochement entre services est d'ores et déjà une réalité, le rattachement organique des douanes au ministère de l'intérieur n'est pas à l'ordre du jour.
En effet, monsieur le secrétaire d'État, que serait ce super-ministère de l'intérieur ? C'est Big Brother que nous préparerions... Il faut dire que toutes les dispositions que vous avez prises depuis que vous êtes au pouvoir vont dans ce sens ! je vous recommande, messieurs Lagarde et Ciotti, d'aller consulter le Grand Robert à la bibliothèque ; sinon je le ferai pour vous et je vous en ferai la lecture. Vous n'y trouverez pas comme synonyme de « décloisonner ». ou de « rapprocher » le verbe « émasculer » (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) N'est-ce pas cela que vous voulez faire ?
Les douanes, comme vient de le rappeler M. Marleix, ont leur spécificité, une richesse à la hauteur de la tradition de ce grand service qui a le sens de l'État, le sens de l'intérêt général et qui n'est pas accessible aux compromis arrêtés sur le coin d'une table – je ne sais pas si je suis assez clair, sinon je peux l'être davantage. Il faut absolument préserver le service des douanes, ce qui interdit pas la coopération. Du reste, vous l'avez dit, les douaniers sont déjà accueillis dans les services de l'État partout où leur coopération est nécessaire.
Je suis résolument opposé aux options défendues à la fois par M. Lagarde et M. Ciotti. Le décloisonnement et le rapprochement dont vous parlez sont des feuilles de vigne qui cachent non seulement le fond, mais le tréfonds même de vos intentions : le démembrement de l'État !
Je ne souhaite pas répondre aux sous-entendus de M. Brard, que je comprends assez peu. Mais ce n'est pas nouveau…
Nonobstant la conviction de M. Brard, qui, sur le fond, n'emportera pas la mienne, je persiste à croire que cette réflexion est nécessaire et utile. Du reste, nos débats parlementaires ont prouvé leur utilité dans la mesure où, au sein même des institutions de l'État, des évolutions ont pu être constatées entre la LOPSI 1 et la LOPPSI 2 : ce qui était inenvisageable hier et devenu acceptable aujourd'hui.
Je vais donc retirer l'amendement.
(L'amendement n° 240 est retiré.)
Je suis saisi d'un amendement n° 132.
La parole est à M. Jean-Christophe Lagarde.
Cet amendement, je vous l'indique, ne sera pas retiré. Il est tiré d'une expérience de terrain, que j'essaie de faire remonter. Elle nous ramène aux émeutes que nous avons connues en 2005.
Aujourd'hui, lorsque des compagnies républicaines de sécurité, éventuellement de gendarmerie mobile – en réalité, elles n'ont pas la même culture d'intervention – interviennent dans une ville pour rétablir l'ordre, elles obéissent exclusivement à leur propre hiérarchie. Le commissaire de police du lieu…
Non, mais c'est du domaine des orientations, donc des objectifs.
…qui voit une force de police intervenir dans une commune dont il connaît tous les tenants et les aboutissants, le niveau de tension, se retrouve totalement dénué de capacités d'action. J'ai vécu cette situation et mon amendement vise à appeler votre attention sur ce point. Lorsque la gendarmerie mobile intervient dans une commune, elle répond non aux ordres, mais aux demandes du commissaire de police. Or il n'en va pas du tout de même lorsqu'il s'agit d'une compagnie républicaine de sécurité.
Il doit être explicitement mentionné que, en cas d'engagement de forces de compagnies républicaines de sécurité ou de gendarmerie mobile dans une opération de maintien ou de rétablissement de l'ordre, le commissaire de police est partie intégrante de la décision. C'est là une nécessité évidente, dont j'ai pu m'apercevoir dans ma commune, à la fin des émeutes de 2005 : il a fallu que le commissaire de police et le maire se déplacent pour faire évacuer d'une cité une compagnie républicaine de sécurité qui était en train de rallumer les tentions que nous étions parvenus à apaiser avec l'aide des forces de l'ordre locales ! De telles situations sont humiliantes pour l'État. J'ai eu honte, comme maire, comme député, d'aller demander aux responsables de CRS, en compagnie du commissaire, de faire sortir leurs troupes d'un quartier en difficulté, que nous avions réussi à apaiser. Une cohérence des interventions de l'État est nécessaire. On peut porter sur la situation tous les jugements du monde ; reste que le commissaire de police est un professionnel, et qu'il savait ce jour-là ce qu'il avait à faire.
Avis défavorable. Les règles du recours aux forces mobiles pour le maintien de l'ordre à l'occasion de violences urbaines sont très encadrées : la décision est prise, aux termes du code pénal, par le préfet, le maire, le commissaire de police territorialement compétent ou mandaté par l'autorité préfectorale, un commissaire de police. Le recours à la force proprement dit doit être précédé de sommations adressées par le préfet, par le maire, par tout officier de police judiciaire responsable de la sécurité publique. Autrement dit, le responsable de la sécurité publique territorialement compétent peut commander ces unités de force mobile. Cela a d'ailleurs été précisé dans la loi du 3 août 2009 sur le rapprochement police- gendarmerie.
Je confirme les propos de M. le rapporteur. En matière de maintien de l'ordre, les forces sont placées à la disposition de l'autorité civile. C'est donc l'autorité civile qui décide ou non de leur emploi. Cette autorité peut être le préfet ou le sous-préfet ; c'est souvent le cas en zone rurale. En zone urbaine, la plupart du temps, c'est le commissaire de police.
Le côté redondant de votre amendement me gêne, monsieur Lagarde, dans la mesure où l'ensemble de ces dispositions ont été précisées dans la loi du 3 août 2009 relative à la gendarmerie. C'est pourquoi j'émets un avis défavorable.
Je saisis l'occasion qui m'est donnée par l'amendement de M. Lagarde pour interroger M. le ministre. La loi du 3 août 2009 sur le rattachement de la gendarmerie au ministère de l'intérieur nécessitait cinquante décrets, qui devaient modifier 150 articles de différents codes. À ma connaissance, à peine la moitié des décrets ont été pris pour l'instant. Celui qui était prévu sur la réquisition n'a toujours pas été soumis au Conseil d'État. J'aimerais, monsieur le ministre, connaître l'échéancier de la publication de ces décrets, dont l'absence rend inapplicable pour l'heure la loi du 3 août 2009.
Sous réserve d'un examen plus précis, à ma connaissance trente-deux ou trente-cinq décrets ont déjà été examinés et publiés sur la cinquantaine prévus. Les autres décrets le seront dans un délai assez rapproché.
La parole est à M. Jean-Pierre Brard. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
Si vous êtes fatigués, mes chers collègues, vous pouvez aller vous coucher.
….ils ronchonnent sitôt qu'ils voient les débats s'allonger un tant soit peu !
Il fallait le dire !
Monsieur le ministre, une fois de plus, je ne suis pas d'accord avec Jean-Christophe Lagarde, qui propose l'uniforme là où il faut de la haute couture…
Selon les situations, le comportement n'est pas nécessairement le même. J'ai moi aussi vécu les violences urbaines du mois de novembre 2005. J'ai été très content d'avoir dans ma ville des unités de la gendarmerie nationale, qui ne dépendaient pas de l'autorité locale de police, mais qui se sont excellemment comportées sous l'autorité du préfet.
J'ai cité tout à l'heure l'exemple de la blessure dont a été victime Joachim Gatti au mois de juillet. À l'évidence, les forces de police avaient été ce jour là mal commandées, et la faiblesse ne venait pas du niveau départemental, mais bien du niveau local. Il ne peut donc y avoir de règles absolues. Faisons confiance à la hiérarchie pour prendre les dispositions qui conviennent. La disposition prévue dans cet amendement n'a pas sa place dans un texte de loi, sous peine de rigidifier à l'extrême le fonctionnement des forces de sécurité.
(L'amendement n° 132 n'est pas adopté.)
(L'article 1er et le rapport annexé amendé sont adoptés.)
Je suis saisi d'une série d'amendements portant articles additionnels après l'article 1er.
La parole est à Mme Delphine Batho, pour soutenir l'amendement n° 139.
Cet amendement concerne le problème récurrent de la répartition territoriale des policiers. On dénombre en moyenne, sur l'ensemble du territoire, un policier pour 422 habitants ; un pour 209 à Paris en se limitant aux effectifs de la police urbaine de proximité ; un pour 621 à Mantes-la-Jolie ; un pour 486 à Bondy et un pour 539 à Argenteuil. Force est de constater que, dans un certain nombre de banlieues et de villes moyennes, l'on se situe bien en dessous de la moyenne nationale.
Depuis de nombreuses années, la question est posée de revoir la répartition des effectifs afin qu'elle corresponde mieux à la réalité des territoires les plus exposés à la délinquance. Votre prédécesseur, monsieur le ministre, avait, à plusieurs reprises, annoncé des réformes en ce sens ; elles n'ont jamais vu le jour. Suite aux événements qui s'étaient produits en Seine-Saint-Denis, notre collègue Bruno Le Roux avait demandé la création d'une mission d'information sur ce sujet. La majorité, hélas, s'y est opposée.
Par cet amendement, nous demandons que le Gouvernement remette au Parlement un rapport faisant l'état des lieux, circonscription par circonscription, de la répartition territoriale des effectifs, en tenant compte de leur statut et de l'ancienneté. C'est une façon de répondre à la question de la différence entre effectifs théoriques et effectifs réels.
Un rapport détaillé, circonscription par circonscription, brigade par brigade, ne présenterait que peu d'intérêt, tant les situations sont mouvantes et évolutives. Par ailleurs, je ne peux vous suivre dans une logique consistant à raisonner exclusivement en termes d'effectifs. Nous travaillons aujourd'hui à l'échelle des bassins de délinquance, des bassins de vie qui constituent le champ territorial de la police et de la gendarmerie.
Avis défavorable donc.
Une meilleure coordination à l'échelle d'une agglomération ou d'un bassin de délinquance n'est pas contradictoire avec une police territorialisée, une stratégie territoriale, un commissariat local et une circonscription de police. La dérive actuelle provient de la spécialisation des forces de police dans un certain nombre de brigades spécialisées, mais également du renforcement des effectifs départementaux au détriment des effectifs locaux, ce que l'on constate dans un certain nombre de départements de banlieue. C'est l'inverse de ce qu'il faudrait faire pour améliorer la sécurité quotidienne.
Grâce à la police d'agglomération, les banlieues disposent désormais d'effectifs dont elles ne bénéficiaient pas auparavant. Suite à la demande d'un certain nombre de maires de banlieue, le ministre a répondu favorablement. La police d'agglomération résout réellement le problème des banlieues, notamment dans les quartiers sensibles, les unités de Paris pouvant intervenir rapidement sur l'ensemble du territoire de la petite couronne en cas d'agression ou de vol à main armée.
Je ne voterai pas l'amendement de Mme Batho, mais force est de constater qu'il y a des endroits où les effectifs de police sont moins nombreux qu'à d'autres. Je pense à Marne-la-Vallée, au Val-d'Europe, par exemple, où habitent des populations nombreuses et où se concentrent gares, centres commerciaux, cités. Selon les départements, il existe une certaine disparité dans la répartition des effectifs et nous devrions en rechercher les raisons.
Je suis saisi d'un amendement n° 290.
La parole est à Mme Martine Billard.
Nous entrons dans le débat sur la garde à vue, qui prend un tour particulier après l'interpellation, qui a suscité une certaine émotion, de trois jeunes filles et d'un garçon dans le 20e arrondissement de Paris pour une simple bagarre devant la porte de leur collège.
Avec plus de 800 000 gardes à vue en 2009, la France se situe parmi les pays où cette pratique est la plus répandue. Ce faisant, elle ne respecte pas les conventions internationales qu'elle a ratifiées, notamment les textes européens qui prévoient la présence d'un avocat dès la première heure de garde à vue. Les majorités de droite se sont jusqu'ici régulièrement opposées à cette possibilité, qui serait pourtant la meilleure manière de garantir les droits de la défense ainsi que de rendre justice aux victimes dans le respect de nos textes constitutionnels et des principes républicains.
Les témoignages en la matière sont nombreux. Pour avoir visité des commissariats, les élus savent que les cellules de garde à vue ne sont pas, c'est le moins que l'on puisse dire, des lieux de villégiature. Elles sont souvent sales, ce qui pose un problème tant pour les personnes mises en garde à vue que pour les personnels de police. Je rappelle à toutes fins utiles que les personnes mises en garde à vue ne sont que des suspects éventuels. Tant qu'une personne n'est pas jugée, elle n'est pas coupable, contrairement à ce que semblait penser, il y a quelque temps, le Président de la République à propos d'un procès qui ne lui était pas indifférent… (Protestations sur quelques bancs du groupe UMP.)
Nous devons mettre notre droit en conformité avec nos engagements internationaux en permettant la présence, dès la première heure de garde à vue, d'un avocat choisi par la personne mise en cause ou commis d'office, et en étendant le droit de bénéficier d'un examen médical. Il s'agit de rendre la garde à vue plus protectrice, car les témoignages montrent qu'elle est utilisée pour faire pression sur les personnes interpellées. On peut au demeurant s'interroger sur le bien-fondé du recours à la garde à vue dans bon nombre d'affaires qui ont récemment défrayé la chronique. N'aurait-il pas été possible, par exemple, dans le cas de ces collégiens, de les convoquer au commissariat avec leurs parents pour éclaircir les faits, plutôt que de les placer en garde à vue ? Y avait-il une telle urgence, alors qu'il n'y avait pas eu de blessés ?
D'autres témoignages, également nombreux, montrent que les gardes à vue ne se déroulent pas dans des conditions satisfaisantes.
On doit notamment dénoncer la vétusté de certains locaux. À Paris, la rénovation des commissariats se poursuit depuis 2002 au moins, mais certains locaux laissent encore à désirer. Leur entretien est parfois confié au secteur privé, de sorte qu'ils ne sont nettoyés qu'une fois par jour, ce qui n'assure pas des conditions de garde à vue très dignes. Il y a beaucoup à faire pour améliorer cette situation, permettre à la France de respecter la Convention européenne des droits de l'homme et garantir les droits de la défense.
Nous proposons que, pour les crimes ou délits punis d'une peine inférieure ou égale à cinq ans d'emprisonnement, l'autorisation du procureur de la République soit obligatoire pour lancer une procédure de garde à vue. Nous proposons aussi qu'il soit obligatoire d'informer le prévenu de son droit de ne pas répondre aux questions posées – ce qui, malheureusement, n'est pas toujours fait. Je rappelle à nos collègues de l'UMP, au risque qu'ils s'en offusquent, qu'un prévenu n'est qu'un prévenu, et que beaucoup de prévenus sortent blanchis du commissariat ou de la gendarmerie.
On doit légiférer, non pour quelques cas particuliers, mais pour la grande majorité, et ne pas faire de tout gardé à vue un condamné en puissance.
Nous proposons de rendre effective la présence de l'avocat dès le début de la garde à vue, avec accès au dossier, entretien de deux heures avec son client et possibilité d'assister aux interrogatoires, et de garantir davantage encore ces droits pour les mineurs.
M. le Premier ministre a déclaré, il y a quelques jours, qu'il fallait repenser la garde à vue. J'ai aussi entendu que Mme la garde des sceaux proposait de la remplacer, dans certains cas, par une « rétention » de quatre heures. En réalité, comme la France risque d'être condamnée par la Cour européenne des droits de l'homme, le Gouvernement essaie d'inventer un nouveau dispositif pour contourner nos engagements européens : les intéressés ne seront plus gardés à vue, mais simplement « retenus ». C'est habile, mais l'artifice est inadmissible.
L'opposition nous reproche souvent de légiférer sous le coup de l'émotion. En l'espèce, madame Billard, vous tombez dans le même travers.
Vous réagissez à un événement qui s'est produit hier, et que la presse a relaté en des termes que contestent les forces de police, notamment par la voix de M. Alain Gardère, directeur de la sécurité de proximité de l'agglomération parisienne. Je vous invite à faire preuve de beaucoup de prudence en la matière, au lieu de vouloir légiférer dans l'émotion, précipitamment ! (Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.) Voyez que je vous renvoie votre critique avec beaucoup de plaisir !
Quant au fond, j'émettrai naturellement un avis défavorable à cet amendement, comme à ceux que nous venons d'évoquer et que nous examinerons ensuite. Voici pourquoi. Il s'agit d'un sujet important,…
…le Premier ministre l'a dit, de même que Mme la garde des sceaux et, tout à l'heure, M. le ministre de l'intérieur. La jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme nous invite à ouvrir ce débat ; le comité Léger et la garde des sceaux ont formulé des propositions ; vous avez vous-mêmes déposé une proposition de loi qui devrait être discutée le 25 février.
Nous aurons donc l'occasion de débattre de cette question importante. L'avis défavorable de la commission s'explique par ces raisons de forme.
Permettez-moi de m'exprimer également à titre personnel. Sans doute devrons-nous en effet progresser en ce qui concerne les conditions de la garde à vue ; mais prenons garde de ne pas fragiliser les moyens de l'enquête. Cet après-midi, le Syndicat national des officiers de police et le Syndicat des commissaires ont vivement protesté contre les attaques qui visent l'ensemble des policiers dans ce type d'affaires. On remet en cause leur intégrité et leur capacité à respecter les lois de la République : c'est tout à fait insupportable. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP. – Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
La semaine dernière, le Premier ministre lui-même s'est déclaré choqué du nombre de gardes à vue !
Nous n'allons pas rouvrir le débat sur le classement des syndicats de police. Mais les membres du SNOP ont évoqué l'éventualité de rendre leur habilitation d'officiers de police judiciaire s'ils continuaient d'être mis en cause à propos des procédures de garde à vue.
Le sujet est grave. Ne versons pas dans la facilité en stigmatisant des policiers qui exercent un métier difficile, souvent au péril de leur vie. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Il serait caricatural de se livrer à ces critiques médiatiques, infondées et trop rapides.
Que des fonctionnaires fassent pression sur les parlementaires, c'est honteux !
En ouvrant ce débat, nous devrons veiller à concilier les libertés publiques et le maintien de la qualité de l'enquête, essentielle à l'élucidation des crimes et délits.
Madame Billard, je pense vous avoir déjà répondu : ce n'est pas au détour de la LOPPSI que nous allons engager une réforme aussi importante que celle du code de procédure pénale. Je suis naturellement trop respectueux des prérogatives de la garde des sceaux pour anticiper sur les réflexions engagées à la chancellerie sur ce point. (Exclamations et rires sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
J'en ai parlé à dessein, pour vous galvaniser : je vous trouvais un peu trop détendus !
Quant au fond, je suis entièrement d'accord avec le rapporteur : prenez garde de ne pas stigmatiser la police et la gendarmerie lorsque le moment sera venu de débattre de cette réforme.
Mme la garde des sceaux sera certainement très heureuse d'apprendre que vous ne voulez pas marcher sur ses plates-bandes, monsieur le ministre : il me semble que la chose était moins évidente il y a quelques jours.
Pas du tout.
Monsieur le rapporteur, si je vous ai bien compris, le ministre de l'intérieur devrait porter plainte pour diffamation contre la mère de la collégienne de quatorze ans placée en garde à vue. (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe UMP.)
S'il ne s'est rien passé, s'il ne s'agit que de calomnies de la part des jeunes concernés et surtout de la mère de cette jeune fille, il serait logique de porter plainte pour diffamation. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
Nous verrons bien ; mais, même si une mère est prête à bien des choses pour défendre ses enfants, je doute qu'elle viendrait exposer sur la place publique les événements survenus lors de la garde à vue s'ils n'avaient pas eu lieu. (Même mouvement.)
Pourtant, on en a vu d'autres ! Des mégalomanes, des psychopathes, des hystériques…
De nombreux témoignages attestent manifestement ce qui s'est passé devant ce collège ; j'ai donc quelques doutes.
Vous nous demandez de ne pas fragiliser les moyens de l'enquête ; mais, là encore, bien des témoignages évoquent depuis plusieurs années les dérapages des gardes à vue. Si ces dernières avaient lieu à la suite de braquages ou d'agressions violentes, passe encore ; mais de là à placer des personnes en garde à vue, à leur faire passer la nuit en cellule, en raison de délits routiers parfois mineurs, qui n'ont pas été commis sous l'emprise de l'alcool et n'ont provoqué aucun accident mortel ! Je rappelle que la Commission nationale de déontologie de la sécurité a rendu de nombreux avis sur les abus de garde à vue.
Ne nous reprochez donc pas de calomnier les forces de police ou de gendarmerie. Aujourd'hui, tout le monde reconnaît qu'il existe des abus ; le Gouvernement lui-même admet qu'il va falloir modifier la loi.
C'est la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme qui vous oblige à modifier la loi.
Je rappelle qu'il y a eu 800 000 gardes à vue en 2009, soit 67 % de plus qu'en 2002. Le nombre d'actes de violence a-t-il augmenté de 67 % pendant cette période ? Non : vous ne cessez de nous dire qu'il a baissé ! (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Comment le nombre de gardes à vue a-t-il pu augmenter alors que le nombre d'actes de violence a diminué ? À cela, une seule raison : vous avez érigé la garde à vue en indicateur de l'efficacité de la police,...
…ce qui explique l'augmentation considérable du nombre de gardes à vue. Ce choix est irresponsable et porteur de conséquences dramatiques : aujourd'hui, c'est le simple citoyen qui en paye le prix, placé tout à coup en garde à vue sans comprendre comment cela a pu lui arriver. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
Monsieur le rapporteur, comment pouvez-vous parler de faits divers à propos de jeunes de quatorze ou quinze ans placés en garde à vue – pendant plus de vingt-cinq heures pour l'un d'entre eux, alors que la garde à vue d'un mineur ne doit pas dépasser vingt-quatre heures ?
Il ne s'agit pas d'un fait divers, mais d'un fait, d'un fait inadmissible. La preuve en est que l'inspection des polices a été saisie.
Par conséquent, il n'est question ni de calomnie, ni d'un fait divers, mais bien d'un problème réel que connaît notre pays et que nous devons résoudre.
Non, ce n'est pas hors sujet ! Dites cela aux jeunes qui ont été placés en garde à vue !
Je souhaite abonder dans le sens du ministre. Madame Billard, vous soulevez un véritable problème à propos de la garde à vue, mais vous n'avez pas l'exclusivité du souhait d'une réforme. Ainsi, il y a un mois, le Premier ministre lui-même a évoqué les conditions de la garde à vue lors d'un déplacement dans la Sarthe ; Mme Alliot-Marie a annoncé une réforme ; et le Président de la République, lors de ses voeux, a fait de la réforme du code de procédure pénale l'un des quatre projets prioritaires de l'année.
J'ai moi-même déposé il y a quinze jours, au nom de mon groupe, une proposition de loi que votre amendement reprend intégralement, et qui oblige la France à se conformer à la jurisprudence de la CEDH.
Toute personne gardée à vue est présumée innocente et a le droit de voir sa dignité préservée.
Mais, comme l'a dit le ministre, cet amendement, si important soit-il, n'a pas sa place dans ce texte.
En effet, la garde des sceaux a annoncé qu'une réforme globale de la procédure pénale sera engagée dès le printemps.
Je m'adresse tout particulièrement à Mme Lebranchu, ancienne garde des sceaux très engagée dans ce domaine, et présente parmi nous : nous devrions nous efforcer ensemble, sur tous les bancs de cet hémicycle, de concilier l'exigence de sécurité et l'objectif de protection des libertés individuelles. Nous devons conforter les gendarmes et les policiers dans leur rôle, tout en respectant la présomption d'innocence des prévenus.
Encore eût-il fallu, madame Billard, ménager des distinctions en matière de criminalité.
Ainsi, la gravité de certains crimes et délits justifie le placement en garde à vue de leurs auteurs présumés, afin de mener l'enquête.
Vous avez trouvé les mots justes, monsieur le ministre : il s'agit d'un problème essentiel, mais qui n'a pas sa place dans cet amendement. L'importance de ce débat justifierait néanmoins que vous rappeliez les directives que vous-même et vos prédécesseurs, notamment l'un des plus illustres, aviez données par voie réglementaire à propos des conditions de la garde à vue, de l'emploi des menottes et d'abus qui doivent être bannis de notre société.
Ceux d'entre nous qui ont appartenu à la commission chargée d'enquêter sur les dysfonctionnements révélés par l'affaire d'Outreau connaissent l'importance de la période de garde à vue. Je le répète, nous pourrions conforter les policiers et les gendarmes dans leur mission de recherche de la vérité tout en préservant la liberté individuelle et la présomption d'innocence ; cet objectif pourrait nous réunir.
En somme, nous pouvons bien nous affronter à propos de cet amendement ; mais son objet est assez consensuel, bien que le moment ne soit pas venu de l'examiner.
Très bien !
J'ai bien compris que le ministre ne souhaite pas empiéter sur les plates-bandes de la ministre de la justice, si vous me permettez l'expression (Sourires sur les bancs du groupe SRC) ; je souhaite simplement faire une remarque de bon sens.
L'urgence est grande. Personne ne peut continuer ainsi : ni les policiers, soupçonnés d'exercer leur métier avec quelque hardiesse, et dont tous les actes pourront désormais être annulés par un magistrat, comme l'a dit le rapporteur ; ni les avocats, qui en ont depuis longtemps assez d'être brimés dans leur activité naturelle, la défense de personnes dont ils connaissent le dossier ; ni, enfin, les justiciables, du moins les gardés à vue, dont nous sommes tous susceptibles de partager le sort, puisqu'il y a eu l'année dernière 800 000 gardes à vue en France – le chiffre a été rappelé. Ces derniers ont besoin de garanties et ont le droit d'attendre un peu de respect.
Il y va également de la stabilité de notre organisation sociale et judiciaire : si toutes les procédures engagées par les policiers devaient être annulées au gré des décisions des tribunaux, la sécurité, le fonctionnement des forces de police et celui de nos institutions judiciaires seraient compromis.
L'heure est grave, nous devons donc nous prononcer très vite, fût-ce à titre temporaire, et légiférer en tenant compte des décisions récentes et de la position de la CEDH.
J'aime à entendre un ministre de l'intérieur déclarer qu'il respecte les compétences de sa collègue de la justice. Mais vous devrez vous arrêter très vite, monsieur le ministre : dès l'article 2, le texte touche au code pénal, dont Mme la ministre de la justice est également responsable. Voilà une bonne nouvelle pour ceux qui ne voulaient pas s'attarder ici ce soir ! Peut-être était-ce involontaire de votre part…
Vous avez tous évoqué des propositions de loi que nous examinerons bientôt. Mais pourquoi ne pas commencer tout de suite ? Certes, ces textes sont inscrits à l'ordre du jour ; mais je me méfie de ces initiatives parlementaires qui, depuis quelque temps, sont stoppées avant le passage à la discussion des articles, ce qui n'honore guère le Parlement.
Nous avons raison de tenter collectivement, sur tous les bancs, de résoudre le problème de la garde à vue. Celle-ci a fait l'objet d'une réforme profonde en 2000 : c'est depuis cette date qu'il est possible de prévenir le procureur, la famille de la personne mise en cause et un médecin. Mais il me semble que le point essentiel, qui concerne tous les membres de cette assemblée, est la présence de l'avocat. Tous les dysfonctionnements graves de la justice – vous avez évoqué l'affaire d'Outreau – commencent par une défense défaillante, soit que le prévenu ait ignoré qu'il pouvait être assisté d'un avocat lors d'une audition, soit qu'il n'ait pas eu les moyens ou la présence d'esprit de faire valoir ses droits.
S'agissant de la garde à vue, il serait donc important que nous puissions au moins assurer la présence de l'avocat dès la première heure.
Monsieur le ministre de l'intérieur, cela vous concerne pleinement. Il est hors de question de mettre ici en cause les policiers ou les gendarmes, mais force est de reconnaître que le système actuel les pousse à « faire du chiffre », comme ils s'en plaignent publiquement, même si M. le rapporteur a souligné qu'un certain syndicat s'était exprimé sur un point particulier de la garde à vue.
Le système actuel pousse à la recherche rapide de l'aveu, avec comparution immédiate dans la foulée. Nous en sommes là, monsieur le ministre. Et lorsque je dis que la France se barbarise, je veux dire qu'à force de multiplier les gardes à vue pour accroître le taux d'élucidation, on privilégie la chasse au délit individuel au détriment du long et difficile travail de lutte contre la criminalité organisée, et l'on aboutit à une augmentation des violences, qui fait reculer notre pays de quelques dizaines d'années.
(L'amendement n° 290 n'est pas adopté.)
Je suis saisi d'un amendement n° 55.
La parole est à M. Pierre-Alain Muet.
Le débat qui vient de s'instaurer montre que ce sujet ne préoccupe pas seulement nos concitoyens. Beaucoup d'entre nous, et pas uniquement sur les bancs de la gauche, partagent l'opinion selon laquelle les gardes à vue connaissent une dérive inquiétante dans notre pays.
Il s'agit d'abord d'une dérive quantitative. La délinquance aurait-elle explosé de manière telle que les gardes à vue auraient augmenté de 60 % ? Si la garde à vue doit rester un instrument de l'enquête, elle n'a pas vocation à servir d'indicateur de performance de l'activité de la police.
Il s'agit ensuite de dérives dans l'exercice même de la garde à vue. Celle-ci s'est banalisée au point qu'elle est utilisée pour des délits mineurs, et les conditions dans lesquelles elle se déroule ne respectent parfois pas la dignité de la personne, comme l'ont souligné les rapports annuels de la Commission nationale de déontologie de la sécurité.
Il est donc normal qu'à l'occasion de ce débat nous nous interrogions sur la garde à vue, qui soulève deux questions majeures.
La première, c'est que notre pays doit se rapprocher de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme, laquelle pose la nécessité de bénéficier de l'assistance d'un avocat dès le premier interrogatoire et – c'est le but du présent amendement – de réserver la garde à vue aux délits pour lesquels la peine d'emprisonnement encourue est égale ou supérieure à un an.
Compte tenu des abus dont la garde à vue fait l'objet, ce sont des questions que l'on ne pourra éluder.
Défavorable également.
Après les brèves réponses de la commission et du Gouvernement (Sourires), je dirai que je ne suis pas du tout d'accord avec M. Hunault : je ne pense pas que la question de la garde à vue fasse consensus. Si le Gouvernement ne peut nous faire de propositions sur ce sujet, ce n'est pas seulement parce qu'il y a un problème de préséance entre le ministre de l'intérieur et la garde des sceaux, c'est aussi parce que ces derniers sont en désaccord. Voilà la vérité !
La preuve en est que la garde des sceaux, s'exprimant hier au Sénat, a avancé des propositions extrêmement précises que vous n'avez pas reprises, monsieur le ministre, ce que, du reste, nous pouvons comprendre. Le problème est qu'il n'y a pas, au sein du Gouvernement, de consensus ni de projet commun sur cette question.
Certes, ce n'est pas une question facile, mais il faut qu'elle soit traitée : d'une part, parce que nous sommes confrontés à une dérive inquiétante marquée par l'explosion du nombre des gardes à vue ; d'autre part, parce que la garde à vue, telle qu'elle est conçue dans notre pays, souffre de fragilité juridique. À la suite de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme, il se peut fort bien que des décisions émanant des tribunaux français viennent invalider certaines procédures.
Le présent amendement propose de limiter la garde à vue aux délits passibles d'une peine d'emprisonnement supérieure ou égale à un an. Il ne s'agit pas d'une proposition socialiste, mais d'une proposition du rapport Léger. La garde des sceaux, hier, a été moins restrictive, puisqu'elle a exprimé le souhait de limiter la garde à vue aux délits passibles d'une peine d'emprisonnement. Toujours est-il qu'il s'agit de réserver la garde à vue aux délits d'une certaine gravité, alors qu'elle s'applique aujourd'hui à des délits secondaires, notamment les délits routiers. Et nous ne sommes pas opposés à ce que ce dernier type d'infraction fasse l'objet d'une rétention de quelques heures, comme le propose encore le rapport Léger.
J'aimerais que la commission et le Gouvernement, sans pour autant s'engager, donnent au moins leur sentiment général sur cet amendement, qui je le répète, ne fait que reprendre une proposition du rapport Léger.
Monsieur Caresche, je ne suis pas en mesure de contraindre le rapporteur ni le ministre à s'exprimer davantage…
(L'amendement n° 55 n'est pas adopté.)
Je suis saisi d'un amendement n° 57 rectifié.
La parole est à M. Christophe Caresche.
Cet amendement, relatif également à la garde à vue, prévoit que, comme le propose l'ancien bâtonnier du barreau de Paris, toute personne placée en garde à vue fasse rapidement l'objet d'une audition, au lieu d'attendre des heures avant d'être interrogée, et soit assistée d'un avocat durant l'interrogatoire, sans pour autant que celui-ci ait accès au dossier.
Cette proposition va dans le sens de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme en facilitant l'accès à un avocat.
En outre, elle permet de renforcer le contrôle des gardes à vue, que la justice n'exerce aujourd'hui que de manière assez formelle, leur grand nombre conduisant à ce que les choses se fassent essentiellement par téléphone, dans des conditions qui ne sont pas toujours satisfaisantes. Il est important qu'un autre contrôle s'exerce, par le biais de l'avocat en l'occurrence.
Défavorable pour les mêmes raisons. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)
La présence de l'avocat dès la première heure fait consensus, n'en déplaise à M. Caresche qui cherche absolument à trouver des dissensions sur ce sujet.
Seulement, il faut se demander si cet amendement a bien sa place dans la discussion sur ce projet de loi. Nous estimons que non.
D'une part, Mme la garde des sceaux a annoncé une réforme du code de procédure pénale où la présence de l'avocat revêt un caractère essentiel, comme l'a souligné Mme Lebranchu.
D'autre part, cette question va s'imposer à nous de toute façon. La Cour européenne des droits de l'homme, dans sa jurisprudence, a relevé des causes de nullité puisqu'elle exige que soient remplis des critères visant à assurer un procès et une défense équitables.
Il s'agit donc d'une vraie question, mais qui n'a pas sa place dans le débat de ce soir.
Alors n'en débattons pas !
(L'amendement n° 57 rectifié n'est pas adopté.)
Je suis saisi d'un amendement n° 244 rectifié, qui fait l'objet d'un sous-amendement n° 301.
La parole est à M. Jacques Myard, pour défendre l'amendement.
La Toile, sous son meilleur aspect, est un espace fabuleux de liberté et un moyen de communication irremplaçable. Mais elle revient aussi à introduire le renard dans le poulailler, comme dirait M. Brard (Sourires) : c'est à qui sera plumé par les escrocs qui pullulent sur le Net.
Dans ces conditions, il me semble qu'il appartient au Gouvernement de prendre ce problème à bras-le-corps en lançant des campagnes d'information visant à mettre en garde nos concitoyens contre certaines utilisations de cet outil, afin qu'ils évitent les escroqueries et les embrouilles, si vous me passez l'expression.
C'est le sens de cet amendement, qu'a sous-amendé notre collègue Lionel Tardy, avec qui je serais d'accord à condition que l'on fusionne les deux formulations.
L'amendement est un peu obscur. M. Myard estime qu'Internet est dangereux.
Mais la vie réelle est, elle aussi, dangereuse.
Les pédophiles que l'on croise sur Internet ne peuvent que difficilement passer à l'acte devant leur écran d'ordinateur. Dans la réalité, c'est autre chose.
En ce qui concerne les escroqueries, j'aurais tendance à dire que c'est la même chose. On n'a pas attendu qu'Internet existe pour escroquer les gens. Le courrier postal permet aussi de belles escroqueries. Pour autant, il ne viendrait pas à l'idée de demander au Gouvernement de lancer des campagnes de communication sur les risques d'escroquerie sur la voie publique ou par courrier postal, parce que l'on considère que les gens sont assez grands et éduqués pour repérer eux-mêmes les arnaques.
Comme cela a déjà été dit en commission, le vrai problème concernant Internet réside dans l'éducation à l'outil. Toutes les générations sont concernées, mais pas nécessairement de la même manière. Les plus jeunes maîtrisent techniquement l'outil mais pas forcément son usage, et l'on peut regretter qu'ils sèment à tout vent leurs données personnelles.
Il faut donc apprendre à se servir d'Internet, afin d'éviter les risques, les escroqueries. Stigmatiser l'outil Internet ne sert pas à grand-chose. De toute manière, il est présent et de plus en plus indispensable. La question de son usage est donc primordiale.
La commission est défavorable à l'amendement comme au sous-amendement, qui ne relèvent pas du domaine de la loi, et frisent même l'injonction au Gouvernement.
On ne peut que souscrire au principe d'une sensibilisation régulière des Français, en particulier des plus fragiles, aux risques générés par l'utilisation de certains supports de communication en ligne, mais force est de constater que la disposition proposée relève plus de la déclaration d'intention que du domaine législatif.
Je souhaite donc le retrait de l'amendement. À défaut, j'émettrais un avis défavorable, ainsi que sur le sous-amendement.
Le Gouvernement me semble faire preuve de naïveté, comme d'ailleurs M. Tardy, qui pense que tout est pour le mieux dans le meilleur des mondes possibles. Je leur répondrai qu'il y a constamment des arnaques sur Internet.
Ce serait une erreur que de ne pas mettre en garde nos concitoyens. L'arnaque s'affiche jusque sur nos écrans d'ordinateur et n'a rien à voir avec ce qu'on peut recevoir par la poste ordinaire.
Monsieur le secrétaire d'État, j'ai pour habitude de ne jamais me retirer ! (Sourires.)
Toutefois, il a mis un peu d'eau dans son vin puisque, il y a quelque temps, il déclarait : « Aujourd'hui, le réseau Internet est totalement pourri. Il faut nationaliser ce réseau pour avoir la capacité de mieux le maîtriser ; les Chinois l'ont fait. » Certes, l'UMP est le seul parti au monde à avoir passé une convention avec le parti communiste chinois, mais j'espère que celle-ci ne prévoit pas d'appliquer les méthodes de contrôles chinoises d'Internet en France !
M. Tardy a parlé du courrier. Pour ma part, je ferai référence aux escroqueries par téléphone, notamment en direction des personnes âgées fragiles. Pour autant, faut-il mettre le téléphone sous contrôle ? Je citerai aussi ces banques ou organismes d'assurance qui ont fait miroiter à des épargnants des taux d'intérêt mirobolants. Malheureusement, ces épargnants y ont perdu toutes leurs économies.
Monsieur Myard, il y a dans toute société des personnes qui cherchent à en escroquer d'autres. Des lois existent pour limiter les escroqueries, pour condamner ceux qui les pratiquent et indemniser les victimes, mais on ne peut pas, à chaque fois qu'il y a un délit, interdire l'objet qui a servi à le commettre : ou alors, il faudrait interdire les marteaux parce que certains meurtres sont commis à coups de marteau ! Cessons de mettre en cause Internet : c'est un outil, au même titre que le téléphone ou le courrier, et qui offre de nombreuses possibilités. Si nous devons adapter nos lois, il ne faut pas incriminer Internet en tant que tel.
Quand vous recevez un courriel qui vous annonce que vous allez faire fortune si vous renvoyez votre numéro de carte bancaire à quelqu'un qui se présente comme le fils d'un ancien chef d'État africain, il faut être quelque peu naïf pour y croire. Face à une telle naïveté d'un côté et à un tel appât du gain de l'autre, je crains que nous ne votions encore beaucoup de lois inopérantes !
Madame Billard, si vous connaissiez le fonctionnement d'Internet, vous sauriez que les DNS sont sous souveraineté américaine et que ce n'est pas acceptable. Accepteriez-vous que l'annuaire téléphonique soit géré à Los Angeles ?
Si vous n'avez pas compris ce qu'est Internet, renseignez-vous avant d'avancer de telles accusations !
Vous donnez des leçons, mais vous n'avez pas participé aux débats sur les lois DADVSI et Hadopi !
Vous donnez des leçons, mais vous n'avez pas participé aux débats sur les lois DADVSI et HADOPI !
Par ailleurs, lorsque vous recevez des courriels à en-tête du ministère de l'économie signés de Mme Lagarde, vous êtes en droit de vous poser des questions. Cela n'a rien à voir avec la naïveté à laquelle vous vous référez, et c'est la preuve que vous ne savez pas de quoi vous parlez ! (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)
(Le sous-amendement n° 301 n'est pas adopté.)
(L'amendement n° 244 rectifié n'est pas adopté.)
Ce débat sur Internet fait suite à ceux que nous avons eus sur les lois DADVSI et Hadopi et ont la même philosophie : le fantasme du contrôle d'Internet.
Depuis le début, votre majorité, monsieur Myard, rêve de pouvoir contrôler Internet.
Pour sa part, le Président de la République est plus nuancé puisqu'il indique qu'Internet est une « zone de non-droit » qu'il faut « réguler », « civiliser ». Mais si l'on ne sait pas très bien ce que cela signifie.
Les articles 2, 3 et 4 du chapitre II, intitulé « Lutte contre la cybercriminalité », ont-ils vraiment pour objectif de lutter contre la cybercriminalité ? Ma réponse est : non.
On met en exergue l'article 4 qui vise à lutter contre la pédopornographie, car nul ne saurait contester un tel objectif, mais le filtrage est inefficace, l'expérience australienne est là pour nous le rappeler, et, de surcroît, il porte atteinte aux libertés. Toujours en Australie, les études ont montré qu'un tiers seulement des sites filtrés correspondaient à l'incrimination qui avait servi à justifier le filtrage.
L'article 2 vise à lutter contre les usurpations d'identité. Monsieur Myard, vous nous avez dit avoir reçu un courriel signé par Mme Lagarde. Mais, s'il est peut-être normal qu'un membre de l'UMP reçoive un tel courriel, le commun des mortels trouvera quelque peu surprenant que la ministre de l'économie lui écrive personnellement.
Je me rappelle que le premier spam que j'ai reçu provenait censément du PDG de l'entreprise dans laquelle je travaillais, et me disait I love you ! (Sourires.) Il s'agissait en fait du fameux virus du même nom, venu des États-Unis au début des années 1990 et qui a causé beaucoup de dégâts aux entreprises. Pour ma part, j'avais trouvé peu vraisemblable que mon PDG m'envoie un tel message...
Il est de la responsabilité des fournisseurs d'accès d'éviter que vous receviez des courriels vous disant, par exemple, que votre facture présente une erreur et que vous devez donner votre numéro de carte bancaire pour modifier votre prélèvement. Or, ils ne font rien pour l'empêcher. Il est temps qu'ils prennent leurs responsabilités.
J'en viens à l'usurpation d'identité. Il arrive effectivement que quelqu'un se fasse passer pour quelqu'un d'autre afin d'essayer d'obtenir des renseignements que la personne visée ne donnerait pas autrement, ou que quelqu'un utilise délibérément un nom qui ressemble à celui de quelqu'un d'autre afin de tromper son correspondant. Mais, tel qu'il est rédigé, le texte de loi est tellement flou que l'on peut mettre beaucoup de choses sous la qualification d'usurpation d'identité.
S'agissant de la « liste noire », la commission a adopté, contre l'avis du rapporteur, une disposition proposée par M. Tardy, prévoyant une protection judiciaire. Or un amendement de Mme Brunel nous propose d'en revenir au dispositif initial, c'est-à-dire une liste noire arrêtée par le ministère de l'intérieur, et qui ne serait même pas publique.
Monsieur Myard, je vous rappelle que la liste des ouvrages interdits à la diffusion en France était autrefois publiée au Journal officiel.
En effet : dans une pièce que l'on appelle « l'enfer ». Mais le but n'est pas, me semble-t-il, de recréer un enfer sur Internet !
Enfin, le fameux article 4 vise, prétendument, à lutter contre la pédopornographie. En fait, il s'agit d'un moyen d'instaurer le filtrage d'Internet, en remettant de surcroît en cause sa neutralité. C'est ce que vous essayez de faire depuis la loi DADVSI et celles qui lui ont fait suite. Nous y sommes totalement opposés.
Je souhaite profiter de l'examen du chapitre II consacré à la cybercriminalité pour poser quatre questions à M. le secrétaire d'État, sans lui demander toutefois de me répondre tout de suite.
Au mois de février 2008, Mme Alliot-Marie avait prononcé devant l'Office central de lutte contre la criminalité liée aux technologies de l'information et de la communication une intervention intitulée « Lutter contre la cybercriminalité ».
Elle avait posé un certain nombre de questions, prenant parfois même des engagements.
Avant de nous prononcer sur le présent projet de loi, je voudrais donc obtenir des éléments d'information. Je sais bien que les énormes obligations de M. le secrétaire d'État l'ont amené à se concentrer sur de nombreuses questions fort éloignées de la cybercriminalité, même s'il s'agit d'exercices de renseignement extrêmement précis et très localisés, et pour lesquels il n'a pas besoin de filtre puisqu'il est en prise directe avec la réalité électorale (Sourires), mais je voudrais lui poser quatre questions.
Ma première question porte sur ce que disait Mme Alliot-Marie en février 2008, lorsqu'elle était ministre de l'intérieur : « Je proposerai, lors de la présidence française de l'Union européenne, la mise en place d'accords internationaux permettant la perquisition à distance informatique sans qu'il soit nécessaire de demander au préalable l'autorisation du pays hôte du serveur. » Je voudrais savoir si cette intention s'est concrétisée, si des mesures ont été prises dans le cadre de la présidence française pour permettre la perquisition à distance informatique.
Puis Mme Alliot-Marie est revenue sur la situation nationale et a parlé de la formation des policiers en ces termes : « Je veux augmenter le nombre des personnels formés à la lutte contre la cybercriminalité. Je veux doubler le nombre de nos cyber-enquêteurs. » Ma deuxième question est donc la suivante : le Gouvernement a-t-il doublé le nombre de cyber-enquêteurs entre février 2008 et février 2010 ?
Ma troisième question porte sur l'Office central de lutte contre la criminalité liée aux technologies de l'information et de la communication, que M. Ciotti a visité à l'occasion de la préparation de son rapport. Toujours en février 2008, Mme Alliot-Marie évoquait l'amélioration du signalement de sites illicites, question que nous allons traiter dans ce chapitre, et disait ceci : « Nous disposons déjà d'une plate-forme automatisée pour le signalement des sites pédopornographiques. […] Ce dispositif a donné des résultats prometteurs. La plate-forme de signalement de l'OCLCTIC compte aujourd'hui huit policiers et gendarmes. Elle a traité près de 15 000 signalements. » Ma troisième question est donc la suivante : la plate-forme de signalement de l'Office central comporte combien d'agents et pour combien de dossiers traités ?
S'agissant des fournisseurs d'accès à Internet, Mme Alliot-Marie nous disait, également en février 2008 : « Pour lutter contre la cybercriminalité, j'entends engager avec eux un dialogue constructif sur les actions à mener en commun contre la cybercriminalité afin de bâtir une charte qui devra permettre le blocage des sites illicites comme en Norvège. » Je voudrais donc savoir – c'est ma quatrième question – quelle est la nature du dialogue constructif qui a été conduit pendant deux ans avec les fournisseurs d'accès à Internet par le ministère de l'intérieur.
Merci, monsieur Urvoas ! Je ne suis pas sûr que le ministre présent en séance souhaite répondre maintenant…
Je répondrai au cours de la discussion des amendements.
Mon intervention portera sur les articles 2, 3 et 4, qui traitent de la lutte contre la cybercriminalité. Je rejoins ce qu'a dit Martine Billard : ce n'est que la suite du débat que nous avons eu en 2005 et 2006 sur DADVSI, en 2009 sur HADOPI, et même avant DADVSI, en 2004, avec l'effet « 11 septembre », lorsque, sous le prétexte légitime de lutter contre le terrorisme, de premières tentatives de contrôle d'Internet avaient vu le jour.
En l'occurrence, on peut tenter, même si l'exercice est sans doute vain, de mesurer l'efficacité de ces articles par rapport aux objectifs poursuivis, qui sont fort légitimes du reste. Qui, dans cet hémicycle, ne voudrait lutter contre la cybercriminalité, contre la diffusion d'idées racistes ou antisémites sur le net, ou contre la diffusion d'images pédopornographiques ?
Mais, au-delà des nobles buts poursuivies par les dispositions de ces trois articles, une question se pose. Dans ce domaine, en effet, le droit commun s'impose très légitimement sans qu'il soit forcément nécessaire d'adapter la loi, et cela explique le malaise que vous ressentez dès qu'il s'agit de traiter d'Internet.
En fait, Internet n'est qu'un média, un moyen de diffusion. Quand on parle de racisme, de xénophobie, d'antisémitisme, de pédopornographie, on devrait avant tout s'occuper de ceux qui diffusent ces contenus illégaux, de leurs auteurs, ou des victimes, mais s'attaquer au mode de diffusion nous interpelle fortement. L'écho de certaines déclarations raisonne encore à nos oreilles. Jean-François Copé disant : « Internet est un danger pour la démocratie ». M. Guaino stigmatisant Internet, la transparence absolue qu'il permet étant, selon lui, le début du totalitarisme. Tout cela traduit le fait que, pour vous, Internet est l'ennemi, Internet est le mal. La raison en est simple : contrairement à l'audiovisuel, à la radio, à la presse écrite, et grâce à la complicité de grands groupes industriels et financiers, c'est un moyen de communication que vous ne pouvez pas maîtriser. C'est cela qui, au fond, vous dérange, d'où cette pulsion qui vous fait vouloir contrôler Internet en mettant en place des dispositifs de filtrage. (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe UMP.)
La création du délit d'usurpation d'identité numérique présente, selon nous, un intérêt d'autant plus limité que l'article 2 ne précise pas ce qu'est l'identité numérique. En l'occurrence Mme Myriam Quéméner, magistrate et auteur du livre Cybercriminalité : aspects stratégiques et juridiques, écrit à juste raison : « En pratique les difficultés se feront jour quant à la définition précise de l'identité numérique, qui n'existe pas en l'état, et il appartiendra à la jurisprudence de cerner cette notion qui concernera aussi bien le pseudo que le mot de passe. Le pseudo faisant partie de l'identité numérique, une personne pourrait donc être poursuivie pour avoir utilisé un pseudo tel que “Roi du monde” ou “Lutin jaune”. »
Donc, sur le web a transparu très logiquement la crainte, finalement assez légitime, que des sites quelque peu parodiques se moquant de certaines affaires récentes puissent faire l'objet d'une censure en vertu de la mise en oeuvre de cet article 2 créant le délit d'usurpation d'identité numérique.
On retrouve d'ailleurs dans l'article 3 cette méfiance fondamentale que vous avez à l'égard d'Internet, puisque vous faites de son usage une circonstance aggravante – nous voudrions savoir pourquoi – pour certains délits prévus par le code de la propriété intellectuelle. Si le délit est le même, pourquoi aggrave-t-on les sanctions pénales ?
Enfin, nous aurons sans doute un échange très constructif sur l'article 4. La lutte contre la pédopornographie est certes une noble cause, mais au lieu de viser des URL précises, les mesures de filtrage prévues auront un effet de massue puisqu'elles toucheront des domaines entiers et notamment des sites légaux totalement étrangers à la diffusion d'images pédopornographiques. Nous espérons que l'amendement Tardy survivra à la discussion en séance publique, puisque c'est la traduction logique de la censure historique du Conseil constitutionnel de juin 2009, et si vraiment vous ne souhaitez pas filtrer Internet, il vous faudra le prouver en retenant un certain nombre de nos amendements.
Comme l'a dit mon collègue, Internet contient à la fois le pire et le meilleur, mais, ayant été récemment amenée à regarder les choses de très près, je trouve que beaucoup relève du pire.
Aujourd'hui, avec une webcam, n'importe quel Français peut être l'auteur de scènes pornographiques ou pédopornographiques très violentes et les diffuser sur Internet. En deux clics, vous pouvez ainsi tomber sur des scènes de pédopornographie, de violence, de vengeance.
Je me suis moi aussi rendue à l'OCLCTIC, et je remercie le ministre de l'intérieur. Je connais le cas d'un jeu vidéo pour enfants où il suffit de cliquer sur une touche pour tomber sur des images de film pédopornographique d'une horreur extrême. Il faut donc prévoir des filtres. Vous devez savoir qu'il n'y a que 24 % de filtres utilisés, qu'Internet entre dans tous les foyers et que les mineurs l'utilisent, car les enfants de douze ou treize ans sont bien plus aptes que les adultes à s'y repérer. Nous ne sommes pas du tout dans le même domaine que la création artistique. Nous visons là des choses de plus en plus dures, de plus en plus violentes, une pornographie de plus en plus trash destinée à attirer l'internaute.
J'admire les hommes qui travaillent à l'OCLCTIC. Il n'y a aujourd'hui, à l'Office, que dix fonctionnaires de la police judiciaire, et je pense qu'ils devraient être beaucoup plus nombreux. Ils accomplissent en effet un travail extraordinairement dur. Sur Internet, on trouve des choses qui ne respectent pas les droits de l'homme, et il va sans doute falloir agir au niveau international, car un site fermé peut immédiatement être recréé ailleurs. Il existe des statistiques sur le nombre de sites pédopornographiques dans le monde, de pages de sites pornographiques visionnées. Internet, ce n'est donc pas si beau que vous le dites, monsieur Bloche ! Quant aux mesures dont nous parlons, elles ne concernent pas du tout la création graphique, artistique. Nous ne sommes pas du tout sur le thème d'HADOPI.
Certains de nos concitoyens, certains élus ici même ont tendance à penser, dès que l'on évoque Internet, qu'une partie de la société voudrait remettre en question cette liberté nouvelle de communiquer, d'échanger à travers ce moyen de communication qui permet de démultiplier nos facultés à échanger entre nous.
De plus en plus se développe, dans notre assemblée comme au Sénat, le réflexe consistant à dire que, si l'on veut réglementer Internet, c'est qu'Internet fait peur. Personnellement, je ne fais pas partie de ceux à qui Internet fait peur. Je pense que c'est un formidable outil qui nous offre de grandes et nouvelles libertés, de façon d'ailleurs relativement démocratique dans la mesure où il est accessible au plus grand nombre, ce qui n'a pas toujours été le cas des différents moyens de communication. De plus, s'il est utilisé correctement, le manque de centralité d'Internet est une vraie richesse pour notre débat démocratique. Mais dans ce raisonnement,…
…le vôtre notamment, selon lequel, dès que l'on chercherait à réglementer quelque chose sur Internet, ce serait pour restreindre les libertés, il y a une autre forme de totalitarisme. De mon point de vue, lorsqu'une liberté nouvelle se crée, elle s'accompagne de formidables et nombreuses possibilités, plus nombreuses que les inconvénients, je tiens à le dire ici, mais elle crée aussi, à la marge, des dangers auxquels le législateur doit remédier. Encadrer l'utilisation d'une liberté est une protection contre le totalitarisme – ce n'est pas moi qui l'ai inventé, je crois que c'est Boukharine – et toute forme de limitation à la liberté n'attente pas à la liberté.
Mme Brunel vient de donner un certain nombre d'exemples, et je répondrai, à ceux qui s'étonnent que l'on cherche à limiter et à mieux sanctionner les excès sur Internet, qu'Internet est certes un outil formidable, mais que, lorsqu'il est utilisé à des fins criminelles, il démultiplie la capacité de nuire de ceux qui l'utilisent, et peut donc être une circonstance aggravante. Ce n'est pas le fait d'utiliser Internet qui est sanctionné : c'est le fait de toucher un nombre de victimes plus important.
Je souhaite profiter de ce débat pour réaffirmer que l'Internet est certes un outil de grande liberté, mais aussi un outil dont certaines multinationales abusent, ce contre quoi les citoyens doivent être protégés, ainsi qu'un outil utilisé par les criminels pour démultiplier leur capacité à enfreindre la loi, à escroquer leurs concitoyens ou à usurper leur identité à des fins délictueuses. Il est donc logique que le législateur se penche sur ce sujet. Ce n'est pas un signe de défiance à l'égard d'Internet. Lorsque le législateur rédige le code de la route et limite la liberté de conduire dans une situation donnée, il n'est pas opposé à l'utilisation de la voiture. Mais toute liberté doit, à un moment, être encadrée, afin d'éviter qu'elle ne soit dévoyée et ne porte atteinte à la liberté des autres.
Je suis saisi d'un amendement, n°32, tendant à supprimer l'article 2.
La parole est à Mme Martine Billard.
Je voudrais rappeler à Mme Brunel que, malheureusement, beaucoup d'enfants profitent de la diffusion de films pornographiques par Canal Plus pour les regarder, et qu'il y a aussi, à la télévision, beaucoup de films très violents. La solution est simple : c'est le contrôle parental.
Deux situations doivent être envisagées différemment : celle des adultes et celle des mineurs. Les adultes sont responsables de leurs actes : s'ils commettent des actes délictueux, ils sont poursuivis sur le fondement du code pénal et condamnés. Les mineurs, quant à eux, peuvent se laisser entraîner à visionner des films qu'il serait préférable qu'ils ne voient pas. Mais c'est aux parents de faire en sorte, chez eux, que leurs enfants ne voient pas n'importe quel film à la télévision et ne profitent pas que de leur absence pour regarder des films pornographiques. La pornographie n'est pas interdite ; ce qui est criminel, c'est la pédopornographie, qui est une chose bien différente.
Lorsque vous nous expliquez, madame Brunel, que l'on peut tomber par hasard sur des sites de pédopornographie, je ne vous rejoins pas : ce sont, pour beaucoup d'entre eux, des sites payants.
Que des images filmées par des jeunes qui ne réalisent pas ce qu'ils font soient ensuite mises en ligne, c'est autre chose. C'est une question d'éducation, de pédagogie, notamment concernant Facebook. Comme tout nouvel outil, Facebook requiert un temps d'apprentissage des avantages, des inconvénients et des risques. Nous sommes tous en ce moment dans les classes du parlement des enfants ; je ne sais ce qu'il en est dans les classes que vous visitez, mais, dans celles que je visite, c'est la deuxième année que les enfants interviennent sur la question de Facebook, ce qui prouve que le message est en train de passer.
Il ne faut pas prendre les citoyens, enfants compris, pour plus bêtes qu'ils ne sont. Le problème de cet article 2 est qu'il est trop général. La formulation : « faire usage de l'identité d'un tiers » est passablement vague. S'agit-il du nom, du pseudo, de l'adresse, de l'adresse IP ? Ce n'est pas précisé. On peut donc s'inquiéter des conséquences d'un article ainsi rédigé. Beaucoup d'internautes utilisent des pseudos, et il peut arriver qu'un pseudo corresponde au nom d'une autre personne. Si quelqu'un prend pour pseudo, par exemple, « Speedy Sarkozy », est-ce une usurpation d'identité ?
Tel que l'article est rédigé, il est impossible de le savoir, puisqu'il s'agit de « faire usage […] de l'identité d'un tiers ou de données qui lui sont personnelles, en vue de troubler la tranquillité de cette personne ou d'autrui » ou « en vue de porter atteinte à son honneur ou à sa considération ». L'incrimination est donc tellement large qu'elle peut englober beaucoup de choses.
Il suffit de regarder ce qui se passe aujourd'hui en dehors d'Internet : le fait de porter des masques du Président de la République vaut interpellation sous prétexte d'offense au chef de l'État. C'est arrivé dans une manifestation à Nice il y a une quinzaine de jours. Le fait de répéter une phrase utilisée par le Président de la République, en l'occurrence « Casse-toi, pauvre con », vaut également poursuite en justice.
Oui, Internet peut être le véhicule de délits présents dans la société : le racisme, la xénophobie, l'antisémitisme, le sexisme, les agressions sur les enfants. Mais à la lecture de l'article 2, on peut craindre que la multiplication des procès pour outrages au chef de l'État, procès que jamais ses prédécesseurs n'avaient intentés, ne s'étende aux pseudos satiriques. Et il pourrait en aller de même pour n'importe quelle personnalité, politique, artistique, ou du monde de l'entreprise.
Si, car l'article n'est pas rédigé assez précisément. S'il s'agit de lutter contre la technique du hameçonnage, qui permet de graves escroqueries, il faut l'écrire noir sur blanc. S'il s'agit d'empêcher la prolifération des spams commerciaux, il faut le dire aussi, mais ce n'est évidemment pas de cela qu'il est question, car, même si nous en sommes inondés à notre corps défendant, c'est une activité qui rapporte.
En sa forme actuelle, l'article 2 peut justifier tous les dérapages attentatoires aux libertés. C'est pourquoi nous proposons de le supprimer.
Défavorable. Je suis étonné par les arguments soulevés, tant dans la discussion générale que dans celle des amendements. L'article 2 vise à créer un délit d'usurpation d'identité sur Internet. Il n'attente nullement aux libertés et ne mérite pas les accusations dont vous l'accablez en pratiquant des amalgames douteux.
L'article 3 crée une circonstance aggravante en cas d'atteintes à la propriété intellectuelle sur Internet. Qui pourrait s'y opposer, sachant qu'Internet permet justement de multiplier la diffusion ?
Quant à l'article 4, il vise à lutter contre la pédopornographie. Qui ne ferait siens de tels objectifs ?
L'article 2, pour sa part, complète utilement notre arsenal juridique contre des comportements purement malveillants, qui n'ont d'autre but que de « troubler la tranquillité d'autrui ».
Il est créé un nouvel article du code pénal punissant d'un an d'emprisonnement et de 15 000 euros d'amende l'utilisation frauduleuse, dans des communications électroniques, de l'identité d'autrui ou de toute autre donnée personnelle en vue de troubler sa tranquillité ou de porter atteinte à son honneur. Le quantum de la peine est identique à celui prévu pour le harcèlement téléphonique.
Défavorable, mais j'aimerais, au passage, répondre aux questions précises posées au cours de la discussion liminaire de l'article.
Madame Billard, vous avez évoqué le filtrage. Tous les pays scandinaves, qui sont éminemment démocratiques, se sont dotés d'un tel système.
Monsieur Urvoas, je vais tâcher de répondre de façon précise à vos questions, qui ne l'étaient pas moins.
Je vous confirme la décision du Conseil européen de créer la plateforme européenne de signalement. En attendant, la plateforme française Pharos fonctionne très bien. Elle a enregistré près de 10 900 signalements d'images pédopornographiques en 2009.
Le nombre des cyber-enquêteurs est en rapide progression : 125 en 2008, 600 en 2012, soit 250 gendarmes et 350 policiers – plus dix agents, qui ont traité 40 000 signalements sur la plateforme Pharos.
De nombreux comportements malveillants n'ayant d'autre but que de troubler la tranquillité d'autrui se sont développés sur les réseaux de communication électronique. Or, aucune qualification pénale ne réprime actuellement l'usage d'éléments d'identité d'un tiers sur un réseau de communication électronique lorsqu'il n'en résulte qu'un préjudice moral.
Par ailleurs, la forte protection civile et pénale dont bénéficie le patronyme est insuffisante pour protéger ces éléments d'identification que constituent les identifiants électroniques. L'article 2 du projet de loi vise à réprimer ces comportements modernes de harcèlement en tenant compte de la réalité du monde des échanges électroniques, où les identifiants des personnes sont souvent éloignés de leurs patronymes, sans pour autant assurer leur anonymat.
Madame Brunel, je partage le constat qu'Internet peut receler le pire comme le meilleur. Notre préoccupation est d'éviter que les honnêtes gens ne tombent fortuitement sur des sites illicites, par exemple à contenu pédopornographique. Il s'agit pour le Gouvernement d'instaurer un filtrage, notamment pour les sites hébergés à l'étranger et dont le contenu est illicite. Je ne peux donc qu'inviter l'Assemblée à voter l'article 4.
Comme le souligne M. Lagarde, réglementer Internet n'équivaut pas à une forme de censure : c'est simplement permettre au citoyen de profiter de ce formidable espace de liberté tout en les protégeant des cyberdélinquants qui utilisent trop souvent ce nouveau média pour se livrer à toutes sortes de délits.
Sur l'amendement de suppression, l'avis du Gouvernement est évidemment défavorable. L'usurpation de l'identité des individus sur les réseaux de communication électronique n'est pas réprimée dans tous les cas, et il est important d'apporter une réponse adaptée à ces pratiques particulièrement nuisibles. C'est, pour le Gouvernement, une nécessité absolue.
Nous voulons des réponses plus précises. La rédaction actuelle de l'article 2 ne définit pas l'identité numérique. C'est pourtant notre rôle de législateur, au lieu de s'en remettre à la jurisprudence pour cerner cette notion, qui touche aussi bien au pseudo qu'au mot de passe.
Je poserai donc deux questions précises, en espérant que les réponses éclaireront notre débat.
Peut-on considérer que la formule « données qui lui sont personnelles » renvoie à la notion de « données à caractère personnel », telle qu'elle est définie à l'article 2 de la loi dite « Informatique et libertés » du 6 janvier 1978 ? Il me semble souhaitable de faire référence, si possible, à une notion dont la définition juridique soit bien établie.
Dans le cas contraire, nous aurions affaire à une expression moins précise, et l'on pourrait se demander, par exemple, si le simple fait de « taguer » la photographie d'une personne sur un réseau social sans son accord sera passible de poursuites, au motif que cela trouble « la tranquillité de cette personne ou d'autrui ».
Monsieur le secrétaire d'État, il est inexact de prétendre que l'on ne peut pas aujourd'hui condamner une personne qui usurpe une identité sur Internet. À Bordeaux, un individu poursuivi pour ce motif a fait l'objet d'un rappel à la loi, fondé sur le fait qu'il troublait la tranquillité de la personne visée. Puisque le droit positif permet aujourd'hui à un tribunal de se prononcer, il n'est pas nécessaire de modifier la loi.
Madame Billard, vous luttez, comme moi, contre les violences faites aux femmes.
Le deuxième alinéa de l'article 2 évoque l'usage, sur un réseau de communications électroniques, de « l'identité d'un tiers ou de données qui lui sont personnelles, en vue de porter atteinte à son honneur ou à sa considération ». Il vise le développement inadmissible de sites internet consacrés à des vengeances.
Des photographies ou des films datant de l'époque où des couples vivaient une relation de confiance se retrouvent ainsi sur Internet après leur séparation. Ces pratiques détruisent des personnes définitivement, ou les marquent pour leur vie entière. Je suis donc étonnée que vous demandiez la suppression d'une disposition qui permet de les réprimer.
Par ailleurs, on ne peut pas assimiler Canal Plus et Internet, car la chaîne cryptée est payante.
En outre, quand cinq ou six personnes partagent un appartement de deux pièces, l'ordinateur est à la portée de tous. Les mineurs de douze ou treize savent parfaitement se débrouiller sur le Net et, en deux clics, ils peuvent tout trouver. J'ai fait le test moi-même avec une experte : en un instant vous vous retrouvez devant des images horribles, et l'on vous aura certes demandé, du moins dans certains cas, si vous êtes majeur ou non, mais sans qu'aucun contrôle, évidemment, soit possible.
Internet, c'est formidable, mais il faut tout de même assurer un certain contrôle. Dans l'intérêt de tous, au nom des droits de l'homme, il faudra un jour qu'une concertation internationale ait lieu pour permettre d'éviter certaines pratiques sur Internet.
(L'amendement n° 32 n'est pas adopté.)
Prochaine séance, jeudi 11 février à neuf heures trente :
Suite de la discussion du projet de loi d'orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure.
La séance est levée.
(La séance est levée, le jeudi 11 février 2010, à zéro heure cinquante.)
Le Directeur du service du compte rendu de la séance de l'Assemblée nationale,
Claude Azéma