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Intervention de Martine Billard

Réunion du 10 février 2010 à 21h30
Projet de loi d'orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure — Article 1er, amendement 31

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMartine Billard :

Notre amendement tend à supprimer l'article 1 et par conséquent le rapport annexé. Un premier argument a été donné par Jean-Pierre Brard : ce rapport, finalement, n'a pas de valeur au regard de la Constitution. Mais surtout, son contenu pose problème, à commencer par le principe de mettre fin à toute augmentation des effectifs alors même que, c'est le moins que l'on puisse dire, le malaise est à cet égard très fort au sein de la police et la gendarmerie. Poser comme principe général la stagnation, sinon la baisse des effectifs, c'est commencer par la fin avant même de se poser la question de ce qu'il faut faire.

Cette diminution des effectifs s'inscrit d'ailleurs dans la politique globale du Gouvernement qui, au travers de la révision générale des politiques publiques, vise à réduire l'intervention des services publics et les frais de fonctionnement de l'État, y compris, ce qui est assez nouveau, dans ses fonctions régaliennes. Au final, sans l'affirmer explicitement, car la manière est beaucoup plus subtile, l'objectif est de généraliser une politique ultra-libérale, jusque dans la sécurité, ce que beaucoup de Français, me semble-t-il, n'avaient pas compris jusqu'à présent.

C'est ainsi que des forces de police sont supprimées sur le terrain et un certain nombre de missions transférées à des forces de sécurité privées. Il y a quelques temps, dans une ville de banlieue, la police a par exemple été retirée de la sécurisation d'un centre commercial. Si les commerçants veulent continuer à travailler en sécurité, compte tenu du contexte, ils ne leur reste plus qu'à se regrouper pour engager une entreprise de sécurité privée, alors même que l'on peut raisonnablement penser que la sécurité publique relève des missions régaliennes de l'État.

Vous accordez une large place aux moyens matériels et technologiques en considérant qu'ils pourraient remplacer l'intervention des hommes, policiers ou gendarmes. Votre rapport étale les nouveautés en matière d'armes et de procédures techniques – on se croirait presque dans un salon : drones, vidéosurveillance, armes dites à létalité réduite comme le Taser ou le flash ball, dont Jean-Pierre Brard et d'autres collègues viennent de parler, et qui ont déjà posé problème. L'introduction du pistolet à impulsion électrique sur notre territoire a été critiquée dès le début par un certain nombre d'élus comme par la Ligue des droits de l'Homme au vu de certains événements survenus aux États-Unis où l'entreprise Taser s'est même permise de poursuivre en justice tous ceux qui critiquaient et dénonçaient les accidents provoqués par son arme, pourtant bien réels... Le rapport du Conseil d'État du 2 septembre 2009 soulignait du reste les dangers spécifiques de cette arme, qui imposent que son usage soit précisément encadré et contrôlé. Rappelons que le même Conseil d'État a annulé le décret du 22 septembre 2008 qui autorisait les policiers municipaux à l'utiliser. Depuis, malheureusement, les faits ont démontré que cette arme étaient en effet dangereuse dans une situation où, de surcroît, aucune arme n'était nécessaire – autrement dit où il n'était même pas possible d'arguer que le recours au Taser évitait d'employer une arme plus dangereuse.

S'agissant de la vidéosurveillance, je veux dire mon désaccord avec mes collègues du SRC qui ont tout à l'heure approuvé son développement massif. Ce n'est pas la position du parti de gauche auquel j'appartiens. Cet outil à nos yeux n'a qu'un objectif : réduire les effectifs. Ainsi, pour répondre à la situation de l'établissement scolaire Alphonse-Chérioux de Vitry, la réponse se limite à la mise en place des caméras de vidéosurveillance alors qu'il serait plus utile de créer des postes de surveillants, comme le réclament les enseignants. Mais plutôt que de placer des adultes auprès des jeunes, vous préférez installer des caméras. Ce sont vraiment deux philosophies radicalement différentes qui nous opposent : nous pensons pour notre part qu'il faut construire des rapports civils dans cette société. Quant bien même il y a évidemment des moments où les nécessités de la sécurité l'emportent, il faut que celle-ci soit fondée sur la présence sur le terrain d'effectifs de police et de gendarmerie dans une autre relation aux citoyens, différente de celle qui s'est malheureusement développée ces dernières années dans bon nombre de points de notre territoire, marquée par un sentiment de défiance réciproque, tant et si bien que les forces de police, constamment sur la défensive, ne sont plus en état de remplir leur mission dans des conditions constructives. Votre politique sécuritaire n'a plus rien à voir avec la sécurité et produit exactement le résultat inverse.

Voilà les raisons pour lesquelles nous sommes en désaccord avec le rapport tel qu'il est annexé au projet de loi puisqu'il est centré sur des moyens matériels et technologiques qui ne semblent pas constituer la bonne réponse aux problèmes de sécurité de notre pays.

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