La séance est ouverte.
(La séance est ouverte à neuf heures trente.)
Sans doute, monsieur Le Bouillonnec, me demandez-vous la parole pour un rappel au règlement…
En effet, monsieur le président, c'est au titre de l'article 58, alinéa 1, concernant l'organisation de nos débats, que je la sollicite.
Nous allons entamer l'examen des articles du projet de loi après avoir, pendant deux jours, entendu trente-cinq de nos collègues inscrits dans la discussion générale, outre, bien sûr, Mme la ministre du logement, les rapporteurs, les présidents de commission et les collègues qui, comme moi, ont défendu une motion de procédure. L'aspect qu'offre notre hémicycle ce matin ne traduit en rien l'intérêt que l'Assemblée porte au problème du logement. Nous le savons, certains de nos collègues sont empêchés de venir en raison des grèves. Toutefois, la faible représentation des collègues de gauche, tout au moins ceux de mon groupe, ne s'explique nullement par des difficultés à rejoindre l'hémicycle – même si quelques-uns ne sont pas encore arrivés –,…
…mais au fait qu'ils s'associent aux préoccupations que vont exprimer plus d'un million de nos concitoyens dans le cadre du mouvement interprofessionnel.
Je souhaite, monsieur le président, faire trois remarques concernant l'organisation de nos débats.
Premièrement, la présence de quelques-uns d'entre nous dans l'hémicycle ne nous empêche pas d'être totalement mobilisés dans cette démarche, dans cette réflexion et dans cette lutte contre tous les processus politiques néfastes qui sont à l'oeuvre dans notre pays.
Deuxièmement, nous avions souhaité que, compte tenu de cette situation, l'Assemblée ne siège pas aujourd'hui. Si je fais ce rappel au règlement, ce n'est pas pour contester les décisions de la conférence des présidents, mais parce que – je vais m'en expliquer – j'ai trouvé remarquable la façon dont nous avons préparé nos débats sur ce texte. J'en profite d'ailleurs pour saluer le travail de M. le rapporteur, qui a su associer à ces travaux les membres de la commission, notamment ceux du groupe d'étude. J'ai, pour ma part, eu l'occasion de participer à la quasi-totalité des auditions qu'il a organisées et je peux témoigner qu'un travail considérable a été accompli. Or il me semble que nous risquons aujourd'hui de gâcher le métier car, en comparaison de ce qu'ils ont été jusqu'à présent, nos débats vont perdre en intérêt.
J'observe enfin que nos travaux sont très hachés. Voilà deux jours que ce texte cède le pas à d'autres débats inscrits à l'ordre du jour de l'Assemblée ; ce sera encore le cas cet après-midi et nous nous retrouverons peut-être lundi prochain. On peut rêver mieux pour ce qui est de la clarté !
Au-delà du fait que les membres de notre groupe sont totalement mobilisés par le mouvement interprofessionnel et politique qui rassemble aujourd'hui la grande majorité de nos concitoyens, nous sommes, je crois, nombreux à regretter que le logement soit toujours un peu le parent pauvre de nos ordres du jour. Au moins puis-je former le voeu que, malgré l'absence de nos collègues de la majorité ou de l'opposition qui, très intéressés par ce texte, auraient souhaité participer jusqu'au bout à son élaboration, le logement cesse d'être le laissé-pour-compte des priorités que le Parlement se donne.
Mon cher collègue, je prends acte de votre déclaration, mais nous poursuivons nos travaux, puisque la conférence des présidents en a décidé ainsi.
La parole est à M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire.
Je tiens d'abord à remercier M. Le Bouillonnec, car il me semble qu'une part de son éloge des travaux de la commission s'adressait à moi, ainsi qu'à M. le rapporteur et aux membres de la majorité qui en font partie et qui ont bien travaillé. Nous avons en effet eu le souci d'aboutir à la meilleure loi possible, pour que Mme la ministre puisse faire en sorte qu'elle soit appliquée le plus rapidement possible. Tout en comprenant donc les arguments de M. Le Bouillonnec, je ne peux lui dire que nous allons faire droit à sa demande. Dans la vie, il faut choisir. Nous ne pouvons organiser nos travaux en fonction des diverses manifestations qui sont organisées ici ou là. Chacun assume ses choix. Pour ma part, je souhaite que les travaux continuent. Il y a urgence, et nous devons faire en sorte que le texte soit voté dès que possible.
Quoi qu'il en soit, je vous remercie une fois de plus, monsieur Le Bouillonnec, du ton que vous avez adopté et je salue votre attitude constructive. Les représentants de la nation que nous sommes se trouvent devant des choix essentiels : vous faites les vôtres ; nous faisons celui de poursuivre le débat pour obtenir une très bonne loi sur le logement.
J'appelle maintenant les articles du projet de loi dans le texte du Sénat.
La parole est à M. Didier Migaud, président de la commission des finances, de l'économie générale et du plan.
Monsieur le président, madame la ministre du logement, mes chers collègues, avant que ne s'engage le débat sur les articles, je voudrais préciser très brièvement les conditions dans lesquelles j'ai appliqué l'article 40 de la Constitution aux quelque 1 000 amendements qui ont été déposés sur ce projet de loi.
Je précise d'ores et déjà qu'un peu plus de cinquante amendements seulement ont été frappés d'irrecevabilité, soit 5 % du total des amendements déposés sur ce texte. Vous aurez donc encore le loisir de débattre sur les quelque 950 amendements restants.
Je me suis efforcé de faire une application souple de l'article 40 sur différents points, afin de rendre possible le débat sur ces questions, d'autant que ce débat était souhaité par la commission des affaires économiques et les commissions saisies pour avis.
C'est le cas, par exemple, des amendements aménageant un accueil et une prise en charge personnalisée des sans domicile fixe en centre d'hébergement d'urgence, ou élargissant les modalités de recours en matière de droit au logement opposable. J'ai admis la recevabilité de ces amendements dont les dispositifs ne conduisent pas directement à une mobilisation de moyens financiers supplémentaires.
Par ailleurs, en ce qui concerne l'article 55 de la loi SRU, je n'ai pas opposé l'article 40 aux amendements permettant aux communes d'inscrire dans le plan local d'urbanisme leurs objectifs de construction de logements sociaux et très sociaux.
C'est également le cas des amendements qui renforcent les obligations des préfets pour faire construire prioritairement des logements sociaux dans les communes concernées par un constat de carence.
N'en demeurent pas moins irrecevables tous les amendements allant au-delà de l'objectif de 20 %, car la construction de logements sociaux bénéficie de subventions de l'État : augmenter le pourcentage revient donc à accroître la charge pour l'État.
Je n'ai pas opposé l'article 40 aux amendements concernant la sanction financière due par les communes n'atteignant pas l'objectif de 20 % de logements sociaux. Dans la mesure où il s'agit d'une sanction, il nous est possible de l'augmenter ou de la diminuer, comme nous pouvons le faire pour les amendes pénales.
J'ai toutefois dû m'opposer aux quelques amendements tendant à accroître la dépense au titre de l'aide personnalisée au logement, qu'ils consistent à élargir le périmètre de ses bénéficiaires ou à supprimer le seuil de son non-versement car, dans les deux cas, cela revenait à aggraver une charge.
La création de charges est tout aussi caractérisée lorsqu'il s'agit de prévoir que l'État contribuera financièrement au Fonds de garantie universelle des risques locatifs, ou d'accroître l'effort de requalification des logements dans les quartiers anciens dégradés.
Pour conclure, et s'il était nécessaire de prouver la souplesse dont nous avons fait preuve dans l'application de l'article 40, je précise que j'ai gagé tous les amendements impliquant une perte de recettes pour les collectivités publiques, mais je me permets de rappeler à tous les auteurs de ces amendements que, normalement, c'était à eux de le faire. Toute réduction d'impôt ou exonération de cotisations sociales doit être gagée. Je me suis substitué aux auteurs de ces amendements pour permettre le débat, mais je souhaiterais qu'à l'avenir ils puissent spontanément respecter les règles que nous nous sommes données.
de la commission des affaires économiques. M. Migaud est un excellent président !
Je vous remercie, monsieur le président de la commission des finances, pour les précisions que vous venez d'apporter.
Je voulais, pour ma part, réparer un oubli que j'ai commis hier soir. Si j'ai pris la peine de répondre à chacun des députés intervenus dans la discussion générale, j'ai omis de répondre aux rapporteurs : je les prie de m'en excuser. Je vais le faire ce matin, de façon qu'il n'y ait pas de discrimination dans l'hémicycle. (Sourires.)
Monsieur Pinte, je tiens à vous remercier pour votre présentation complète des mécanismes de développement de l'hébergement existant en France. Il est vrai que de grandes avancées ont eu lieu ces dernières années. Il reste maintenant à améliorer le dispositif proposé. Ce sera l'objet des nombreux amendements que vous défendez et que, vous le savez, je soutiendrai dans leur très grande majorité.
Monsieur Scellier, vous avez à juste titre abordé l'importante question du zonage. Le zonage à un impact à la fois sur la production de logements locatifs et sur l'accession. Cette question sera traitée dans la concertation la plus poussée afin de tenir compte des réalités locales.
Vous avez insisté, monsieur le président Ollier, sur la question des surloyers et sur l'accession sociale à la propriété – à laquelle vous savez combien je suis favorable. La question des surloyers illustre la nécessité de mettre en oeuvre des politiques au plus près des réalités locales. À ce titre, votre proposition d'amendement permettant d'adapter les surloyers en fonction des tensions observées sur les marché locatifs me semble des plus pertinentes.
Enfin, M. Piron a mis en exergue tous les amendements importants qui ont été déposés par la commission : là encore, il s'agit d'améliorer les dispositifs existants. Il est utile de prévoir certaines adaptations des dispositions relatives au 1 % logement, à l'ANAH, aux documents d'urbanisme, à la mobilité dans le parc HLM. Vous avez également évoqué, monsieur le rapporteur, une disposition selon moi essentielle, que vous avez élaborée avec M. Pinte : la simplification du régime d'agrément des associations.
En clair, je suis convaincue que nous apporterons à nos concitoyens de nombreux dispositifs qui amélioreront le fonctionnement de l'ensemble de la chaîne du logement. Je vous remercie tous pour votre travail. (Applaudissements sur les bancs de la commission et sur quelques bancs du groupe UMP.)
Je suis saisi d'un amendement n° 336 , portant article additionnel avant l'article 1er.
La parole est à M. Jean-Yves Le Bouillonnec.
« Mobilisation pour le logement et la lutte contre l'exclusion » : tel est l'intitulé du projet de loi. Or, il nous a semblé que ce projet, comme les dispositifs antérieurs, ne couvre pas toute l'étendue de son intitulé et que, dès lors, il convenait de rappeler plusieurs principes qui doivent inspirer toute action publique, qu'elle émane de l'État ou des collectivités territoriales.
C'est pourquoi nous avons déposé un certain nombre d'amendements portant articles additionnels avant l'article 1er, qui énoncent l'impérieuse nécessité d'appréhender les enjeux liés au logement. Le premier de ces amendements, n° 336 , vise à compléter le dispositif prévu par la loi de 1990, texte fondateur qui posait le socle législatif du droit au logement, en ajoutant avant le premier alinéa de l'article 1er la mention suivante : « Le logement est un bien de première nécessité indispensable à la dignité humaine. »
En défendant l'exception d'irrecevabilité, je m'étais permis de rappeler les enjeux constitutionnels du droit au logement, tant dans le dispositif législatif interne que dans le cadre de la Charte européenne.
Sans nul doute, c'est parce que le législateur, au fil des lois successives, ne s'est pas assez imprégné de cet enjeu que l'appréhension des problèmes de logement se limite à un ordre technique et écarte la réalité de ce que devrait être l'action publique. J'en veux pour preuve les conditions dans lesquelles le présent texte visite les normes relatives à l'occupation du logement. Hier, Mme la ministre nous a indiqué qu'il n'imposerait pas au bailleur d'appliquer la loi. Or, comme l'a très justement expliqué M. Pupponi hier soir, la loi, dans sa rédaction actuelle, comporte l'obligation pour le bailleur constatant une sous-occupation d'engager le processus de l'offre de logement.
Nous tenterons d'obtenir que l'on modifie la formulation proposée. En effet, nous pensons que c'est parce que l'on ne prend pas la mesure du caractère de première nécessité du logement que l'on s'en tient à une approche normative et essentiellement technique d'une situation dont certains de nos collègues, sur les bancs de la majorité comme de l'opposition, ont souligné la dimension humaine. La loi de 1990 fondait le droit au logement ; nous voulons désormais y inscrire le principe selon lequel « le logement est un bien de première nécessité indispensable à la dignité humaine ». C'est à l'aune de ce principe que des problèmes comme la sous-occupation doivent être appréhendés, plutôt que sous un angle exclusivement normatif.
La parole est à M. Michel Piron, rapporteur, pour donner l'avis de la commission.
de la commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire. Je constate que nous entamons le débat par les principes. Il va de soi qu'écrire dans la loi que « le logement est un bien de première nécessité » ne soulèvera aucune contestation. De même, qui ne pourrait souscrire au constat que c'est un bien « indispensable à la dignité humaine » ?
Cependant, en écrivant cela, vous soulevez la question de la définition de la loi et du droit. Chacun peut constater que ce type de déclaration n'a aucune valeur normative. Songez par exemple à la loi DALO : elle décline de nombreuses mesures très concrètes et a une portée normative, puisqu'elle pose les problèmes et offre des clefs pour y répondre. Avec cet amendement, au contraire, il ne s'agit que de droit strictement déclaratif et sans portée. Je ne récuse pas votre intention, qui est certainement très pure, mais une bonne intention ne suffit pas à produire de bon droit. C'est pourquoi vous me permettrez d'émettre un avis défavorable à cet amendement.
Nous ne pouvons que souscrire à l'intention exprimée dans cet amendement. Mais il n'apporte rien de nouveau et, en tout état de cause, monsieur Le Bouillonnec, vos arguments ne répondent pas à vos propres préoccupations, s'agissant par exemple – nous y reviendrons – de la proposition de changement de logement. Il va de soi que nous ne mettrons personne à la rue ! Chacun aura un logement. Votre amendement n'en tient pas compte et n'a aucun caractère opérationnel. L'avis du Gouvernement est donc défavorable.
Nous regrettons ces avis. Mme la ministre nous dit que personne ne sera mis à la rue : mais quelles sont les obligations de résultat que contient la loi dans le cas où un occupant est contraint à quitter son logement ?
La question demeure entière. Si nous sommes d'accord sur le contenu de l'amendement, son adoption me semble nécessaire. Le logement est en effet indispensable au respect de la dignité humaine. Puisque nous nous accordons sur le fait que personne ne sera mis à la rue grâce aux dispositions de ce chapitre Ier, nous pourrions ensemble adopter cet amendement.
(L'amendement n° 336 n'est pas adopté.)
Je suis saisi d'un amendement n° 337 .
La parole est à M. Marcel Rogemont.
Cet amendement vise à marquer combien « l'État et les collectivités locales concourent, dans l'exercice d'une responsabilité partagée, à l'équilibre durable des territoires urbains et ruraux et à la qualité de l'habitat ». Mme la ministre commençait ses propos par un acte de contrition ; je ferai de même. Répondant à une explication de vote de manière un peu véhémente, je le reconnais, je rappelais à l'Assemblée que c'est le 10 avril 1908 qu'Alexandre Ribot a fait passer une loi prévoyant que l'État se mêle directement de la politique du logement – à l'époque, il s'agissait de favoriser la construction de logements et l'accession à la propriété. Je me dois aussi de rappeler que les habitations à bon marché, ou HBM, existaient déjà et que, déjà, leur existence dépendait des collectivités territoriales. Ainsi, l'État est un acteur historique de la politique du logement. Une chose est même sûre : les collectivités territoriales s'en sont toujours occupées.
Dès lors, il est naturel d'empêcher, dans notre République, qu'à ceux qui passent leur vie devant les caméras pour faire des annonces s'opposent ceux qui, dans leurs lointaines contrées provinciales, financent les déclarations des premiers se pavanant sur les plateaux télévisés de Paris.
Non, je ne me pavane pas devant les télévisions – pas assez à mon goût, en tout cas.
J'appartiens à la délégation à la pierre de mon département, l'Ille-et-Vilaine, où je constate que l'État consacre environ 5 millions d'euros au financement du logement social. Chargé de cette politique au conseil général, je peux témoigner que nous y consacrons 10 millions ; j'ai été pendant des lustres adjoint aux finances de la ville de Rennes et vice-président de Rennes Métropole, qui y consacre 40 millions !
Voilà des montants qui devraient m'inciter à davantage de présence devant les caméras, pour « annoncer » que l'effort des collectivités territoriales est très important.
Je passe mon temps à parcourir l'Ille-et-Vilaine pour demander aux collectivités territoriales, dans le cadre des contrats de territoire, de consacrer davantage d'argent à la construction de logements sociaux. Je dis cela parce que la mobilisation en faveur du logement social repose avant tout sur les élus locaux, et non sur une simple déclaration du Président de la République ou de Mme la ministre – dont je sais qu'elle au moins est attachée à la politique du logement.
Il me paraît important d'inscrire dans la loi…
Convenez, monsieur le président, que vous connaissiez mal Alexandre Ribot, et que vous ignoriez tout du 10 avril 1908 !
Songez que la somme alors mobilisée vaut 300 millions d'euros d'aujourd'hui ! (Murmures sur certains bancs du groupe UMP.) Je vous le confirme, et j'en apporterai la preuve à M. Scellier dans quelques instants.
En clair, il va de soi que l'État concourt à la politique du logement, mais les collectivités territoriales aussi y concourent fortement. Si l'on faisait la somme des crédits qu'elles y consacrent, nous aboutirions à des montants supérieurs à ceux que finance l'État. C'est pourquoi je souhaite que cette coresponsabilité soit inscrite dans la loi.
Nous venons d'entendre, longuement exposé, le constat d'une évidence : en effet, les collectivités locales participent aux côtés de l'État à « l'équilibre durable des territoires urbains et ruraux ». Personne ne peut le contester.
À chacun ses auteurs, monsieur Rogemont : pour vous, comme le disait Jankélévitch, l'évidence peut quelquefois n'être pas évidente. (Sourires.)
Je me contenterai de rappeler qu'il existe, et vous le savez fort bien, quantités de textes qui répartissent déjà les responsabilités entre l'État et les collectivités territoriales. Nous avons eu le bonheur d'entendre confirmer certains faits que nous connaissions tous : soit. J'émets néanmoins un avis défavorable à cet amendement qui n'apporte rien de plus à ce que nous savons déjà et que les textes prévoient.
Avis défavorable : cet amendement n'apporte rien au plan opérationnel.
(L'amendement n° 337 n'est pas adopté.)
L'État doit veiller à ce que les collectivités respectent leurs obligations en matière de construction de logements sociaux.
Nous avons bien entendu ce que vous avez déclaré hier, madame la ministre, au sujet de votre détermination à faire respecter l'article 55 de la loi SRU et à rendre public, dans la plus grande transparence, le constat qui sera établi par la commission nationale d'évaluation, laquelle se réunira dans quelques jours. Cela étant, nous estimons indispensable de réaffirmer dans la loi qu'il revient à l'État de contrôler le respect de leurs obligations par les collectivités locales. Car, malheureusement, ce ne serait pas la première déclaration gouvernementale qui, hormis l'effet d'annonce, ne serait suivie d'aucun effet !
Défavorable.
Une fois de plus, l'amendement n'apporte rien. Vous faites référence à l'article L. 302-9-1 qui concerne le constat de carence. Le préfet a déjà pour mission de faire appliquer les dispositions de l'article 55 de la loi SRU. Je ne vois pas pourquoi nous répéterions dans cette loi une obligation qui existe déjà par ailleurs.
Monsieur Cacheux, je partage votre préoccupation. Cela étant, les préfets ont dressé plus de 230 constats de carence, plus de 400 communes ont respecté leur obligation de construction et, en 2008, comme les années passées, les objectifs de construction de logements locatifs sociaux dans les communes soumises à l'article 55 ont globalement été dépassés.
Libre à vous de mettre en doute la parole de l'État, monsieur Cacheux, mais en l'occurrence c'est injuste, dans la mesure où le Gouvernement a publié – pour la première fois – la liste des communes en constat de carence.
Vous ne pouvez donc pas mettre en doute la parole de l'État dans ce domaine.
Ces amendements successifs présentent un intérêt, puisqu'ils vont nous permettre de faire le point sur certaines choses que le Parlement ne doit pas ignorer.
D'abord, je voudrais rectifier ce que vous avez indiqué hier, madame la ministre, concernant la publication de la liste des communes qui ne se conforment pas à leurs obligations. Vous avez effectivement publié cette liste, mais elle était déjà connue. Nous l'avions évoquée lors de débats antérieurs, ce qui avait donné lieu à la litanie des communes qui ne respectent pas leurs obligations – j'entends encore nos collègues Brard ou Braouezec la déclamer.
Ensuite, nous n'avons nullement l'intention d'être pétitoires : nous voulons seulement placer l'État devant ses responsabilités. Il sera du plus grand intérêt d'observer attentivement les décisions prises par la commission nationale d'évaluation. Nous nous apercevrons qu'en réalité, s'il y a des problèmes pour l'application du quota, c'est que l'État n'a pas été, dans les territoires, le gardien vigilant de cette exigence.
Il y a problème lorsque des collectivités ne se sont pas dotées d'instruments indispensables, comme le droit de préemption, ou lorsqu'elles ont engagé des révisions simplifiées de leur POS valant PLU pour contourner, sans que les préfets réagissent, des interventions d'organismes qui souhaitaient construire du logement social. Et je fais référence à des cas précis.
C'est aussi parce qu'il y a carence de l'État et des préfectures que l'on a pu construire du logement en accession à la propriété dans des communes prétendant par ailleurs ne pas avoir d'instruments fonciers pour faire du logement social.
Si nous voulons inscrire dans la loi l'obligation pour l'État de veiller au respect de la loi SRU, c'est parce qu'actuellement, tel n'est pas le cas. La mise en oeuvre de cette veille emporte pour le préfet la nécessité d'intervenir dans les PLH qui sont actuellement discutés. Dans les communautés d'agglomération où certaines communes ne respectent pas l'obligation des 20 % de logements sociaux, les préfets bloquent-ils le processus de PLH tant que le POS ne respecte pas cette exigence ? Je voudrais en être certain, mais je ne crois pas qu'il en soit ainsi !
En cas de zones inondables, l'État laisse mobiliser le foncier sur l'accession, sans même faire observer que si les réserves foncières sont réduites à cause des risques d'inondation, elles sont réduites pour tous.
Nous contestons la réalité quotidienne de l'action de l'État menée dans les départements par les préfets. Si cet amendement était adopté, nous pourrions envisager d'apprécier les conditions dans lesquelles les préfets accompagnent et appuient les efforts des maires, mais aussi parfois contredisent les pratiques de ceux qui, délibérément et d'une manière éhontée, ne veulent pas se soumettre à l'article 55 de la loi SRU.
(L'amendement n° 338 n'est pas adopté.)
Je suis saisi d'un amendement n° 339 .
La parole est à M. Daniel Goldberg.
Dans un souci de cohérence, nous demandons que l'effort réalisé par l'État, les collectivités locales et les partenaires sociaux au titre du 1 % fasse l'objet d'un rapport précis, afin que tous les parlementaires et, plus largement, l'ensemble de nos concitoyens puissent connaître la réalité de l'engagement des uns et des autres en faveur du logement.
Cette question a été au coeur du débat que nous avons eu lors de la discussion de la loi de finances : nous souhaitons que la contribution de chacun soit examinée de manière claire et réaliste. Lors du débat sur le budget du logement, il nous a été répondu qu'il fallait prendre l'argent où il se trouvait, autrement dit le prélever sur le 1 % logement. Mais la difficulté à laquelle nous sommes confrontés sur tous les bancs de cet hémicycle, c'est de pouvoir procéder à un contrôle tant sur les recettes que sur les dépenses de ces fonds, qui sont maintenant extrabudgétaires.
Je ne reviendrai pas sur le débat que nous avons eu il y a quelques jours – et dont les paroles, parfois chantées, résonnent encore entre les murs de cet hémicycle – au sujet du rôle des parlementaires et de leur droit d'amendement. Je pense notamment à la possibilité de discuter, dans le cadre de la loi de finances, de la manière dont la loi se fait et s'applique. Si nous ne connaissons pas précisément les concours respectifs de l'État, des collectivités locales et des partenaires sociaux à la politique du logement, il sera de plus en plus difficile, compte tenu de l'extension du champ extrabudgétaire, d'en discuter et de les évaluer dans le cadre de la loi de finances.
Défavorable : une fois encore cet amendement n'apporte rien.
Je souhaite que l'on reconnaisse les mérites, qui me semblent occultés, du rapporteur spécial de la commission des finances. C'est grâce à son travail concernant l'effort de la nation en faveur du logement que, chaque année, vous disposez de tous les éléments permettant d'éclairer votre lanterne et la nôtre. Vous devriez être satisfaits, car le rapport budgétaire répond précisément à vos questions. Peut-être le rapporteur spécial pourra-t-il d'ailleurs prendre la parole pour se défendre lui-même…
Défavorable, pour les raisons évoquées par le rapporteur.
J'estime que le rapport que doit rendre chaque année le Gouvernement à l'occasion du budget répond à votre légitime préoccupation.
…puisqu'il s'agit seulement d'un souci de transparence. Aujourd'hui, il y a un croisement opaque de tous les financements, voire un racket, comme nous l'avons dit dans la discussion générale. Il est donc salutaire, au moment où l'on évalue l'effort national – je ne parle pas seulement de l'État – en faveur des politiques du logement, de l'habitat, et aussi de la ville, que chacun sache précisément qui fait quoi. À ce jour, la tendance est au désengagement généralisé de l'État. Il est donc nécessaire que nous ayons, chaque année, une évaluation extrêmement précise des interventions des uns et des autres.
C'est la raison pour laquelle le groupe GDR votera cet amendement.
Nous nous étonnons de la réponse du rapporteur et de la ministre, qui affirment que cet amendement n'apporte rien.
Au contraire, il apporte un éclairage nouveau. Cela fait des années que nous ne sommes plus à même d'apprécier globalement la contribution des collectivités territoriales et des établissements publics de coopération intercommunale au financement de la politique du logement. Et ce n'est pas un hasard. Il s'agit de masquer une réalité : aujourd'hui, la contribution des collectivités territoriales est infiniment supérieure à celle de l'État pour la construction de logements locatifs sociaux.
M. Rogemont vient d'expliquer ce qui se passait à Rennes. Je rappellerai ce qu'il en est à Lille. La contribution de l'État pour la réalisation d'un logement PLUS, dans le Nord–Pas-de-Calais, est en moyenne de 3 000 euros. La communauté urbaine de Lille apporte, quant à elle, une contribution de 8 000 euros. S'agissant du logement PLAI auquel vous dites être particulièrement attachée, madame la ministre, la contribution de l'État s'élève à 11 000 euros, tandis que la communauté urbaine de Lille a décidé de porter son effort à plus de 15 000 euros.
La réalité du financement de la construction, dont vous avez répété que c'était désormais la responsabilité première de l'État, est d'abord assurée par les collectivités territoriales. C'est précisément que vous ne voulez pas faire apparaître.
J'ai été surpris de vous entendre dire hier soir qu'à cette aide budgétaire fort modeste, il fallait ajouter des facilités fiscales…
…et en particulier la TVA à taux réduit. Si le logement, comme nous le disons tous, est un bien de première nécessité, il faut, évidemment, lui appliquer la TVA des biens de première nécessité à 5,5 %.
Vous savez par ailleurs que nombre de biens, dans le domaine du logement, bénéficient de la TVA à taux réduit, alors même que leur apport social n'est pas aussi significatif.
J'estime que ce rapport est indispensable, car il fera apparaître l'effort considérable réalisé par les collectivités territoriales. De la même façon, il fera apparaître la modestie de la contribution de l'État.
Comme l'a fort justement souligné le rapporteur, des rapports parlementaires souvent bien fournis, grâce au travail de fond de nos collègues nous permettent de disposer de quelques éléments d'analyse et, en tout état de cause, d'informations.
De plus, cet amendement me gêne parce qu'il met sur le même plan le 1 % et le financement des collectivités locales. Ces contributions sont, en effet, de nature très différente. Introduire une confusion, par le biais d'un rapport, entre des fonds de solidarité professionnelle et des crédits à caractère public risque de s'avérer problématique pour le financement du logement. Je ne m'étendrai pas plus longuement sur ce point, car nous aurons l'occasion d'y revenir très longuement lors de l'examen de l'article 3.
Le groupe Nouveau Centre votera contre cet amendement.
Je tiens à maintenir l'atmosphère courtoise qui règne entre nous et je vais donc faire une déclaration de principe qui me permettra ensuite d'abréger mes réponses.
Nous aurons à maintes reprises, lors de l'examen de ce texte, des demandes de rapport. Nous estimons, pour notre part, qu'il est inutile d'accumuler des rapports sur des rapports. Certains soutiennent qu'il y aurait désengagement de l'État.
Nous affirmons le contraire. Soit on sait et tout nouveau rapport est inutile, soit on ne sait pas et l'on ne peut parler ni d'engagement ni de désengagement de l'État. Les uns pensent – et c'est ce qui nous sépare sur ces bancs – que l'État est bien engagé, d'autres qu'il ne l'est pas suffisamment. En tout état de cause, ces considérations ne peuvent reposer que sur une certaine connaissance que nous avons grâce aux rapports déjà existants.
La parole est à M. le rapporteur pour avis de la commission des finances, de l'économie générale et du plan.
Je répondrai aux auteurs de l'amendement que, dans le cadre de la préparation du budget, les questionnaires budgétaires ont cet objectif. Nous avons, par ailleurs, demandé que le jaune budgétaire nous apporte toutes informations utiles sur le 1 % logement.
L'Observatoire des finances locales donne également un certain nombre d'informations sur le logement et sur le FSL.
Mentionnons encore l'action continue des missions d'information. Avec M. Le Bouillonnec nous avons, dans le cadre de la mission d'information sur l'investissement locatif, cosigné un rapport modeste…
…dont chacun devrait prendre connaissance. À entendre certains propos, nous nous demandons si d'aucuns l'ont lu ! Et je ne suis pas sûr que M. Le Bouillonnec lui-même n'oublie pas, parfois, ce qu'il a cosigné… (Sourires.)
(L'amendement n° 339 n'est pas adopté.)
Je suis saisi d'un amendement n° 1010 .
La parole est à M. Serge Letchimy.
Je présente cet amendement au nom de Victorin Lurel, mobilisé aux côtés du peuple guadeloupéen.
Madame la ministre, vous avez constaté, hier, la situation que je ne qualifierai pas d'affligeante, mais d'extrêmement embarrassante, issue de la répartition singulière de la gestion du logement entre le secrétariat d'État à l'outre-mer et votre propre ministère. Il en résulte, je le souligne avec force, de graves problèmes pour la mise en oeuvre de cette politique publique, qui doit être menée au plus près des populations.
À ce sujet, je me permets – et c'est le reflet de l'amendement présenté par Victorin Lurel – d'employer le mot de « discrimination ». Notre débat montre clairement qu'il existe un véritable risque de discrimination – que ce soit dans l'hexagone ou outre-mer – parce que les politiques de financement n'atteignent pas les populations les plus démunies, donc les plus exclues. L'article 87 de la loi de finances pour 2009 a rogné de quelque 150 millions d'euros les investissements outre-mer. Si cela permettait au moins de satisfaire les plus démunis, de favoriser la résorption de l'habitat insalubre et de construire des logements très sociaux, nous accepterions cette mesure ! Nous pouvons approuver la chasse aux niches fiscales, mais nous la comprendrions encore mieux si les sommes ainsi récupérées étaient réaffectées là où le besoin s'en fait sentir ; or tel n'a pas été le cas.
C'est la raison pour laquelle notre amendement tend à supprimer cet article du budget.
Vous nous demandez de revenir sur la suppression d'une niche, mesure votée en décembre dans le cadre du projet de loi de finances. Il est hors de question, vous le comprendrez, de revenir aujourd'hui sur un vote aussi récent.
Monsieur Letchimy, j'entends bien vos arguments mais, comme vient de le souligner excellemment le rapporteur, la dernière loi de finances a institué un plafonnement généralisé des niches fiscales. Il n'y a pas de raison que l'outre-mer ne respecte pas ce principe.
Cependant, cette mesure, dont vous prétendez – ce que je ne crois pas – qu'elle entraîne des conséquences très dommageables pour la réalisation des opérations immobilières ultramarines, pourrait être bien entendu réexaminée dans le cadre du projet de loi de programme pour l'outre-mer. Dans cette attente, je vous demande de retirer votre amendement auquel le Gouvernement serait, sinon, défavorable.
Quelques arguments sont pour le moins contestables.
Vous nous répondez, monsieur le rapporteur, madame la ministre, que l'on vient de voter la loi de finances et qu'il ne convient pas de la modifier. Or la loi de finances, encore soumise au Sénat, n'était pas même votée, que nos commissions respectives examinaient déjà des amendements venant profondément la modifier dans le cadre du collectif budgétaire pour 2009 et du plan de relance. J'ai d'ailleurs dénoncé, lors de la séance du 5 janvier, ce curieux procédé législatif consistant à revenir sur une loi de finances publiée cinq jours auparavant. Il est par conséquent possible de le faire. C'est incontestable, et votre argument ne tient pas.
Par ailleurs, vous ne répondez pas à la question posée par nos collègues ultramarins. Hier, Serge Letchimy a dressé un constat extrêmement sévère de la situation du logement dans les départements d'outre-mer. En dépit des difficultés que connaissent ces territoires, le désengagement de l'État est de plus prononcé au fil du temps. La dégradation s'aggrave de jour en jour. Le département de la Guadeloupe connaît depuis près d'une semaine une grève générale et les revendications portent, entre autres, sur le logement. L'argument formel n'est donc pas, là non plus, acceptable.
Quant au fond, vous devriez dire pourquoi il serait aujourd'hui impossible de décider d'actions spécifiques dans ces territoires.
Je n'ai peut-être pas été assez précis, je l'admets volontiers, car la situation a effectivement évolué depuis le vote de la loi de finances.
Pourquoi ne pas revenir sur la mesure que nous avons votée ? C'est la question de fond. Faut-il maintenir des niches fiscales ? Tel est l'enjeu. Elles constituaient, de toute évidence, du moins à nos yeux, des avantages trop considérables, sans effet sur le logement social, notamment. Car nous avons plafonné, je le rappelle, les exonérations dans bien des domaines, entre autres l'hôtellerie, et pour de nombreux équipements.
Je suis étonné qu'on défende sur ces bancs des avantages fiscaux excessifs dans le contexte actuel. C'est parce que nous défendons la solidarité nationale outre-mer que nous nous opposons à cet amendement.
Cette situation entraîne frustration et incompréhension.
Pendant près de cinquante ans, l'autoconstruction a répondu au besoin en logements sociaux. Comment peut-on, sur le plan national, décider d'un plan de mobilisation et de lutte contre les exclusions sans rien prévoir pour les deux millions d'habitants de l'outre-mer ? Comment peut-on, aujourd'hui mettre en oeuvre l'importante loi DALO, preuve du respect de la dignité humaine, donc donner à chacun le moyen de s'abriter – mais non de se loger – sans aucune ligne pour l'outre-mer ? Ne me faites pas croire le contraire ! Il n'y a pas un mot sur l'outre-mer ! Vous créez les conditions d'une incompréhension totale ! Préciser dans la ligne budgétaire unique que les départements d'outre-mer, ex-colonies, règlent le problème n'est pas une réponse !
Les députés d'outre-mer, dans leur majorité, ont accepté le principe selon lequel il était indispensable de lutter contre l'enrichissement peut-être sans cause, mais qu'il était nécessaire de tenir compte de la dynamique de promotion locale, notamment en faveur du logement social.
Je ne comprends pas votre réponse, monsieur Piron. Vous ne voulez pas que les plus riches continuent de s'enrichir : fort bien ! Mais vous avez la possibilité de proposer un sous-amendement tendant à faire bénéficier les plus pauvres de ces sommes. Faites-le ! Enrichissez-les en leur offrant un logement ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
Par cet amendement, nous insistons sur la nécessaire mixité sociale.
Madame la ministre, vous me semblez sincère dans l'attachement très affectif que vous portez à cette loi sur le logement. De femme à femme : allez jusqu'au bout ! (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Vous savez, en effet, quel est aujourd'hui l'enjeu humain.
Nous avons, les uns et les autres, démontré hier que la mixité sociale était indispensable pour ne pas « ghettoïser » certains quartiers. Il ne peut y avoir, d'un côté, des havres de paix chics et, de l'autre, des pôles, voire des ghettos chocs !
C'est la raison pour laquelle il ne faut pas s'endormir. Une liste, ce n'est pas suffisant. On ne peut pas continuer à tout attendre des préfets, vous le savez pertinemment.
Dans une région que nous connaissons toutes les deux, il y a une commune qui est la seule de France à n'avoir aucun logement social. La population vieillit, les écoles ferment, les services sociaux ne sont pas là parce qu'il n'y a pas eu de dynamique fiscale, et cette commune n'arrive à rien. Elle paie des pénalités, ce qui est un choix politique, mais ce sont les personnes qui restent qui paient l'addition, puisqu'elles ne trouvent pas les services correspondant à ce qu'elles attendent. Les élus se cloisonnent derrière la notion de village, d'identité, mais ce n'est plus la réalité.
Aujourd'hui, nous avons besoin de logements car la population s'accroît, et il est important d'aller vers la mixité sociale.
Vous nous dites souvent qu'un tel amendement n'est pas opérationnel. S'il permet à l'article 55 de jouer pleinement son rôle, il le sera. Vous ne pourrez pas toujours évincer la nécessité de la mixité sociale. Si vous voulez mettre de l'humain dans cette loi, commencez par cela. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
Défavorable parce que c'est encore un amendement déclaratoire. Pour l'environnement, il y a des mesures très concrètes comme l'éco-PTZ, et le Grenelle 2 concernera aussi le logement. Quant à la mixité sociale, l'article 55 fixe des règles alors que, là, nous sommes encore une fois dans la déclaration d'intention.
De nombreuses déclarations du Gouvernement sont des déclarations d'intention !
Madame Got, nous partageons le même objectif : la mixité sociale est naturellement au coeur du projet que je vous propose. Le seul problème, c'est que votre amendement est plus restrictif que ce qui existe actuellement. L'article 301 du code de la construction définit beaucoup plus complètement la politique d'aide au logement. Votre amendement va donc à l'inverse de ce que vous souhaitez. C'est la raison pour laquelle j'émets un avis défavorable.
(L'amendement n° 708 n'est pas adopté.)
Mon amendement propose un gel des loyers pendant trois ans.
Depuis 1998, depuis dix ans, les loyers ont augmenté en moyenne de 3,5 % par an, nettement plus que l'inflation, et de 6,4 % en cas de changement de locataire. C'est une moyenne nationale. La hausse est donc encore plus forte dans les zones sous tension. On assiste vraiment à une flambée des prix.
Pour beaucoup de nos concitoyens, le logement représente tous les mois une très grande part des dépenses contraintes, et ils ont du mal à y faire face, surtout s'ils ont un chauffage électrique et donc une grosse facture d'électricité en plus. Le logement, c'est le premier poste de dépense des ménages.
On nous dit qu'il y a une baisse, mais c'est l'augmentation qui baisse, pas les loyers. Ils augmentent un tout petit peu moins vite mais ils continuent à augmenter plus vite que l'inflation, et l'APL n'augmente pas à la même vitesse.
Et tous les locataires n'ont pas accès à l'APL, c'est le moins que l'on puisse dire.
Dans les deux tiers des villes, ce qui représente l'immense majorité de notre territoire national, la hausse continue. En Île-de-France, le prix moyen du mètre carré est de 17,20 euros, ce qui est énorme, comme en région Provence-Alpes-Côte d'Azur.
Cet amendement propose un gel de trois ans de façon à freiner un peu l'augmentation des loyers. Les propriétaires n'y perdraient pas puisqu'ils ont beaucoup gagné au cours des dix dernières années, et cela soulagerait les locataires, dont un grand nombre, en plus, dans la situation de crise où nous sommes, risquent de perdre leur emploi ou d'être en chômage technique et de voir diminuer leurs revenus.
Vous avez refusé un certain nombre de propositions dans le plan de relance. On peut en discuter. Le gel des loyers, en tout cas, est une très bonne mesure. Vous avez souligné les inconvénients d'une baisse de la TVA, qui serait indifférenciée et profiterait dans certains cas aux importations et non à la production nationale. Là, vous pourriez améliorer directement le pouvoir d'achat des ménages, qui pourraient ainsi augmenter leur consommation alimentaire, qui est également un poste très contraint de tous les foyers ayant de petits revenus.
Il va dans le même sens. Le 17 septembre 2007, madame la ministre, vous disiez que les prix du logement étaient exorbitants, que l'offre ne correspondait en rien aux attentes des personnes en termes de surface ou de localisation. Quant aux plus pauvres d'entre nous, ajoutiez-vous, ils ne parviennent tout simplement plus à se loger.
L'amendement présenté par Martine Billard et celui que je présente, qui porte à cinq ans le gel des loyers, tentent de répondre à cette situation, sachant que, depuis les années 80 au moins, nous assistons à une augmentation exorbitante des loyers et des charges.
En 1988, le loyer représentait en moyenne 30 % des revenus d'une famille modeste, il en représente aujourd'hui 40 %. Cela aggrave à l'évidence les inégalités sociales et, au-delà du coût, se pose aussi la question des conditions dans lesquelles vivent les gens. Les logements dont le coût est le plus difficile à supporter sont aussi les plus insalubres. C'est donc un vrai problème de justice sociale et de conditions de vie qui nous est posé.
J'ajoute que, depuis dix ans, près de 10 % des locataires ont fait l'objet d'un jugement d'expulsion, et que, pour sept sur dix d'entre eux, c'était par manque de moyens.
Il serait donc salutaire d'adopter l'amendement de Martine Billard ou le mien, qui proposent tous les deux le gel des hausses de loyer.
Je vois que l'Assemblée nationale a mis en place le service minimum, puisqu'elle peut accueillir aujourd'hui des enfants dans les tribunes. (Sourires.)
C'est une vraie question mais je crains que les amendements n'apportent pas une bonne réponse.
Les prix du logement ont considérablement augmenté, c'est vrai, mais pas seulement les loyers. Les prix de la construction en général se sont littéralement envolés, depuis cinq ou six ans, ainsi que ceux des bâtiments existants.
Les prix des loyers ont augmenté dans des proportions très fortes, mais moins que ceux de l'immobilier eux-mêmes, heureusement.
La première raison est très simple.
Exactement, et je vous remercie de nous donner la bonne réponse. L'enjeu est donc bien d'augmenter l'offre et de construire davantage.
Je suis désolé, vous ne ferez pas baisser les prix si la demande augmente et si l'offre n'augmente pas dans les mêmes proportions. La priorité absolue, c'est donc d'augmenter l'offre en construisant davantage.
À partir du moment où nous partageons cette analyse, pensez-vous qu'en bloquant les prix pendant trois ans, vous allez encourager les investisseurs à se lancer dans la construction ? C'est exactement le contraire de ce qu'il faut faire.
Il y a effectivement un déficit de l'offre et une augmentation excessive des prix, qui commencent d'ailleurs à baisser, et c'est tant mieux. Les prix de l'ancien et ceux de la construction doivent baisser. Mais la situation ne pourra s'améliorer que si l'on accroît l'offre de logements et que l'on ne décourage pas les investisseurs.
Le blocage des loyers ne manquerait d'avoir un effet contraire à celui que vous recherchez. Je suis donc défavorable à ces amendements.
Je vous remercie, madame Billard et monsieur Gosnat, d'avoir fait cette proposition, même si j'y suis défavorable, car le gel des loyers est une idée récurrente.
Quand on l'a expérimenté, en particulier dans la période 2000-2001, on a vu qu'il y avait un rattrapage à la sortie. Quand on le décrète pour une période plus longue, on n'encourage naturellement pas les bailleurs à entretenir leurs logements.
L'objectif de ce texte, je vous l'ai dit, c'est l'équilibre, la préservation du pouvoir d'achat des locataires et le maintien de la rémunération des propriétaires. C'est la raison pour laquelle le Gouvernement a décidé que l'indice de révision des loyers correspondrait à l'inflation des prix, ce qui a permis une diminution des loyers. C'est un bon compromis.
Je pense sincèrement moi aussi que, pour que les loyers progressent de façon mesurée, il faut construire des logements tant sociaux que privés. Nous avons un problème d'offre de logements de toute nature sur notre territoire.
Je vous rappelle que l'on n'a jamais financé autant de logements sociaux que l'année dernière, puisque nous sommes arrivés à 110 000.
Le gel des loyers est une fausse bonne idée, à la fois pour les locataires et pour les propriétaires.
Je ne crois pas, monsieur le rapporteur, que le blocage des loyers entraînerait une diminution de l'offre des propriétaires privés. Ce qui est dénoncé par les deux amendements, c'est le gras que se font un certain nombre de propriétaires sur les locataires en raison de la pénurie d'offres de logements privés. (« Tout à fait ! » sur plusieurs bancs du groupe SRC.) C'est ça le problème, ce n'est pas le coût de la construction, que l'on connaît tous.
C'est d'ailleurs pour cela qu'il faut défendre le logement social, car c'est le seul qui permette des loyers à peu près acceptables, à condition que l'on ne touche pas aux capacités de paiement des locataires, bien entendu.
Le fond du problème, c'est que, dans les zones de tension locative, les propriétaires réalisent des profits grâce à la pénurie de logements. Dans le secteur privé, le taux d'effort des locataires atteint 50 % des ressources du ménage. Nous avions évoqué avant vous l'idée du « bouclier logement » dans une proposition de loi déposée en avril dernier, que vous n'avez même pas voulu examiner ; cette proposition tendait à contenir le taux d'effort des ménages.
Vous ne voulez pas régler non plus le problème de la relocation. Dans les zones tendues, le loyer est souvent si asphyxiant que les locataires souhaitent déménager au plus vite dans des logements sociaux ou des logements qui leur permettent de tenir financièrement. À chaque relocation, le loyer est augmenté, parce que les techniques qui devraient permettre de le réguler un tant soit peu, comme la contestation sur la base des moyennes nationales, ne sont jamais applicables. C'est pourquoi nous avions inscrit dans notre proposition de loi le maintien du loyer lors d'une nouvelle offre locative au niveau de l'offre précédente, déduction faite de l'IRL.
C'est dans ces logements que la rotation est la plus importante. Quand les gens viennent demander un logement social, ils commencent par vous décrire les conditions dans lesquelles ils sont logés : appartements trop petits, insalubres et trop chers. Ils veulent en sortir le plus vite possible.
Or l'État, pour favoriser la construction de logements, confère des avantages fiscaux à des propriétaires qui font s'envoler les prix des loyers. On l'a vu avec le Robien, au moins dans sa première phase, quand des prix sans lien avec la réalité économique du territoire et l'offre locative sont apparus.
Geler les loyers pendant une période transitoire provoquerait une remise à jour des situations, et je ne crois pas que les propriétaires cesseraient de louer leurs appartements. C'est la menace que font planer leurs représentants, mais en réalité cela ne se ferait pas. Ce gel à titre exceptionnel aurait dû être retenu par le Gouvernement.
Madame la ministre, nous ne proposons pas la loi de 1948, dont on pourrait peut-être dire qu'elle a eu des effets pervers sur l'entretien des immeubles. Je propose un gel de trois ans et mon collègue Pierre Gosnat de cinq ans ; il s'agit d'une mesure limitée dans le temps.
Vous nous dites que les prix vont flamber à la sortie du dispositif. Ce ne sera pas le cas, parce que, pour les locataires en place, l'augmentation est encadrée par l'indice. Les propriétaires ne pourront donc, au terme de la période de gel, augmenter le loyer plus que ce qu'autorise la loi.
J'ai également dit que la moyenne nationale était 6,4 % de hausse en cas de relocation, mais les chiffres sont encore bien plus élevés dans les zones tendues, comme en Île-de-France ou en PACA. Depuis des années, l'UMP refuse d'affronter ce problème. Il n'y a pas d'équilibre pour l'instant ; ce sont toujours les locataires qui subissent la hausse vertigineuse des loyers.
Vous nous dites que le gel des loyers est une fausse bonne idée. Le problème, c'est que, pour vous, la hausse des salaires est également une fausse bonne idée, tandis que la baisse des impôts est une bonne idée et le maintien des niches, voire leur augmentation, aussi !
Ce sont toujours les mêmes qui sont victimes des hausses.
Certes, il y a un problème d'insuffisance de la construction, mais en même temps – je le vois bien à Paris –, l'accès au secteur privé devient impossible pour des catégories sociales qui auparavant n'avaient aucune difficulté à trouver un logement et à qui nous refusions des logements sociaux en arguant qu'ils avaient les moyens de se loger dans le secteur privé. À Paris et dans la petite couronne, c'est quelque chose que l'on ne peut plus dire aujourd'hui à un couple d'instituteurs ou de fonctionnaires non cadres, alors même qu'ils ne risquent pas d'être licenciés et que les bailleurs privés exigent une stabilité de l'emploi que personne, en dehors des fonctionnaires, surtout en cette période de crise, n'est en mesure de garantir. Cela devient la croix et la bannière – pardon, madame Boutin – de se loger. (Sourires.)
La faucille et le marteau n'ont jamais été mon emblème.
Malgré les beaux discours, la volonté de faire quelque chose pour les locataires est inexistante.
La parole est à M. Étienne Pinte, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales.
Pourquoi les auteurs de ces amendements n'ont-ils pas envisagé le gel des loyers dans les logements sociaux ? La conjoncture actuelle peut aussi bien causer des difficultés aux locataires des logement sociaux qu'à ceux du secteur privé. Or nous avons dans le logement social une bien plus grande liberté de geler les loyers. Mon propre office HLM les a gelés cette année, en raison de la situation économique, et ses services m'ont expliqué que ce gel était financé uniquement par le produit du surloyer. C'est intéressant dans le cadre de notre réflexion. En fonction des difficultés que nos citoyens rencontrent, nous pouvons envisager de geler les loyers temporairement dans le logement social.
Je voudrais revenir un instant à l'amendement défendu par M. Letchimy, qui a posé une vraie question. Malheureusement, le logement dans les DOM-TOM ne relève pas de la ministre du logement. Je crois donc que les 150 ou 200 millions dégagés par le plafonnement des niches fiscales en loi de finances devraient, pour régler le problème du logement social outre-mer, être intégrés soit dans le budget de l'outre-mer, soit dans une loi de finances rectificative. C'est à la ministre de nous dire si, éventuellement, dans le cadre du plan de relance, tout ou partie de ces sommes pourraient être réinjectées dans le logement social outre-mer.
Il me semble que l'on n'aborde pas le problème comme il devrait l'être. Les prix du logement sont liés à la différence entre l'offre et la demande. C'est si vrai que, même s'agissant d'un dispositif comme le Robien, parfois attaqué, le maire d'Agen nous a expliqué qu'il y avait certes eu dans sa ville un excès de constructions sous ce régime, mais que cela avait entraîné une diminution de l'ensemble des loyers, permettant à un certain nombre de personnes de se loger.
Bloquer les loyers, c'est un peu comme si l'on contentait d'éponger sans arrêter la fuite d'eau. Il s'agit donc de se donner les moyens de construire davantage, de manière que cette tension permanente sur les loyers se résorbe.
Je suis saisi d'un amendement n° 668 .
La parole est à M. Serge Letchimy.
Je présente également cet amendement au nom de Victorin Lurel.
Monsieur Pinte, il y a une grande cohérence entre vos rapports et vos convictions, mais la première partie de votre réponse me gêne un peu. Je profite de la présence du président Ollier pour m'étonner d'entendre dire que la responsabilité n'est pas celle de la ministre du logement. J'ai cependant excusé la ministre hier, à la tribune, car la responsabilité est avant tout celle de l'État. Si l'État ne veut pas assumer, il faut en tirer les conséquences.
On ne peut pas traiter dans cette assemblée une situation aussi dramatique et catastrophique comme une chose à part, sur le mode de la ritournelle ; on en parle tout le temps, comme des 30 % de chômeurs de ces départements, si bien que c'est devenu une banalité. Non, ces territoires vivent un drame, et il est tout à fait rocambolesque que la philosophie de la politique du logement relève d'un ministère et l'emploi des fonds d'un autre ; c'est d'une très grande incohérence. Si ni la commission ni les groupes, quel que soit leur bord, ne veulent se saisir du problème, nous aurons, à cause de cette discrimination, un grand malaise social, qui commence d'ailleurs à s'exprimer un peu partout ; il suffit de venir sur place pour le voir.
Il ne s'agit pas de mendicité ; je propose d'être clair en termes d'égalité de traitement. Quand il est ponctionné 150 millions d'euros, vous devriez avoir l'obligeance, madame la ministre, de ne pas exclure l'outre-mer de la philosophie humaniste dans vous faites montre, en tout cas en paroles. Le Gouvernement lance un plan de relance, un plan de relogement, et ces sommes ne sont pas réaffectées. Prenez cette responsabilité.
J'entends beaucoup dire, notamment par des ministres, que les moyens sont là mais qu'ils ne sont pas utilisés localement. Or il est très facile à l'État de bloquer la production de logements. Je prends l'exemple des autorisations d'engagement et des crédits de paiement, évoqué par Victorin Lurel dans son amendement. Les sommes dues par l'État aux sociétés HLM au cours des trois dernières années s'élèvent de 37 à 475 millions d'euros, les sommes dues fin 2008 à 48 millions, du fait des décalages entre les autorisations d'engagement et les crédits de paiement. En outre, les décrets destinés à moduler les paramètres de financement ne sont pas pris.
Le logement n'est pas qu'un produit technique ou financier ; c'est avant tout un produit social, culturel, une manière de concevoir les choses, et les blocages dus à des questions techniques sont intolérables. Pour paraphraser Aimé Césaire, la première dépendance des pays sous-développés, ce sont les pièces détachées. Vous nous rendez dépendants des politiques du logement par les dysfonctionnements de son financement.
On doit mettre à plat ce dossier, peut-être pas aujourd'hui, mais il faut que le président de la commission des affaires économiques accepte d'ouvrir une discussion large et globale, sans esprit doctrinaire. Il ne faut pas débattre des conditions de vie outre-mer seulement lors de l'examen du budget.
Nous proposons donc que « le Gouvernement [remette] chaque année sur le bureau des assemblées un rapport annexé au projet de loi de règlement des comptes de l'année précédente explicitant les raisons de l'écart constaté entre les autorisations d'engagement et les crédits de paiement de l'action 01 du programme 123 du budget de l'État. » Monsieur Piron, ne me répondez surtout pas : « Encore un rapport de plus ! ». Un rapport supplémentaire peut débloquer beaucoup plus de choses que vous ne le pensez. Il s'agit d'expliquer et surtout de réguler les mécanismes du décalage entre les AP et les CP pour le financement de la politique du logement outre-mer.
Monsieur Letchimy, vous avez déjà donné la réponse puisque vous la connaissiez :…
…avis défavorable car l'amendement propose de faire un rapport sur des rapports.
Il est pertinent de poser des questions sur l'outre-mer dans le cadre du débat sur le projet de loi de mobilisation pour le logement et la lutte contre l'exclusion. On ne peut pas se retrancher, comme l'ont fait le rapporteur et Mme la ministre, derrière le fait que la politique du logement outre-mer ne relève pas de la compétence du ministère du logement. Je suis pour que l'on parle vrai dans cet hémicycle. Cela me vaut d'être jugé dur et rugueux par certains (« Mais non ! » sur les bancs du groupe SRC),…
…ce qui ne me dérange pas du tout. Il faut parler vrai quand on est au Gouvernement ou dans cet hémicycle, sinon quand le fera-t-on ? C'est pourquoi, avant-hier, dans mon exception d'irrecevabilité, j'ai dit sincèrement ce que je crois et qui correspond d'ailleurs à ce que nous ont déclaré la quasi-totalité des personnes que nous avons auditionnées. Le rapporteur était bien sûr présent lors de ces auditions, ce qui me donnera l'occasion, à moult reprises, de le prendre à témoin. Je l'en remercie par avance.
Madame la ministre, vous êtes membre du Gouvernement de la République. C'est une lourde charge, une haute responsabilité qui justifie notre estime et notre respect. Mais vous êtes dès lors comptable de ce que fait le Gouvernement outre-mer. Il n'y aura pas de débat si, chaque fois que l'on soulève un problème, on nous oppose les limites du champ de compétence du ministère ou les modalités pratiques de son administration. À ce propos, je souligne que le ministère des affaires sociales est aussi largement concerné dans cette affaire. Quand on dénonce la situation dans les DOM-TOM, et que tout le monde reconnaît la pertinence de nos remarques à défaut d'être d'accord avec nous sur les mesures à prendre, il faudrait au moins que nous obtenions l'engagement de votre part qu'au sein du Gouvernement il y aura une vraie prise en compte de cette réalité pour faire bouger les lignes. Cela fait des décennies que le problème se pose. Il faut que la commission des affaires économiques ait les moyens de faire le constat d'une situation qui est insupportable eu égard à nos valeurs républicaines. C'est pourquoi je souhaite que vous réagissiez.
Cela me rappelle le problème du logement étudiant, qui fait l'objet, lui aussi, d'un enchevêtrement des compétences entre Mme Pécresse et vous-même. Je ne mets pas en cause un ministre en particulier, mais je dis qu'il faut régler ces problèmes en recherchant l'efficacité de la politique de l'État et de l'action du Gouvernement.
Je termine, monsieur le président. Dans le cadre de ce débat, il faut que le Gouvernement montre qu'il prend en compte la question du logement outre-mer et, à défaut de produire immédiatement les solutions d'un problème dont nous reconnaissons la complexité, qu'il précise au moins la stratégie dans laquelle il entend s'engager aux côtés des élus locaux. C'est à cette seule condition que la situation du logement dans les DOM-TOM sera améliorée. Il faut aller au-delà des constats de carence que nous faisons rituellement à chaque loi de finances et à chaque loi sur le logement.
La question du logement outre-mer est certes très importante,…
…mais je vous rappelle qu'il existe un secrétariat d'État à l'outre-mer, et que ce secteur n'entre pas dans les attributions du ministère du logement. Cela étant, au-delà des apparences, inutile de vous dire qu'au sein du Gouvernement, nous travaillons tous ensemble, et que mes relations avec le secrétaire d'Etat à l'outre-mer sont constantes. Lui et moi avons encore reparlé hier, à la sortie du conseil des ministres, de la question du logement.
Je vous assure, mesdames, messieurs les députés, que le problème du logement outre-mer sera traité et réglé. Il ne sera pas négligé. La France n'abandonne pas l'outre-mer, bien au contraire. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)
Je ne voudrais pas que vous laissiez entendre que la métropole ne penserait pas que la France comprend vraiment l'ensemble des territoires ultramarins (« Eh oui ! » sur plusieurs bancs du groupe SRC) ; je ne peux pas laisser subsister un tel doute.
D'ores et déjà, je vous informe que le décret qui actualise à la hausse les aides à la construction du logement social outre-mer vient d'être publié. C'est déjà un début de réponse aux derniers intervenants. Je m'engage à continuer le travail de coordination avec M. Jégo afin que soient apportées très prochainement des réponses à la problématique très particulière des DOM-TOM.
Il me semble que, lors de l'examen du budget du secrétariat d'État à l'outre-mer, le seul argument que j'aie entendu en faveur du transfert des crédits du logement ultramarin du ministère du logement au secrétariat d'État à l'outre-mer, c'était simplement qu'il fallait faire un habillage budgétaire. Un tel transfert a coupé les ponts avec le ministère, mais c'est le seul argument que j'ai entendu en sa faveur. Je devais être à l'époque le rapporteur de ce budget. Depuis lors, chaque année, le constat est le même : c'est celui que vient de rappeler M. Letchimy. Chaque année, les bailleurs sociaux se réunissent avec les représentants des collectivités d'outre-mer, et lorsque le secrétaire d'État vient sur place, l'état des lieux est fait et des engagements sont pris, mais cela n'aboutit pratiquement à rien. Chaque année, on a une excuse : il y a eu un coup de vent, un ouragan, une tempête, une catastrophe naturelle quelconque ; et le cycle recommence. Quand enfin pourrons-nous écouter, tous ensemble, la voix des représentants des DOM-TOM et prendre les mesures qui donneront encore plus de responsabilités aux territoires ? Quand enfin leur donnera-t-on les moyens nécessaires pour remplacer les générations de logements locatifs sociaux, voire d'accession sociale à la propriété, qui ont successivement disparu ? C'est comme si on ne comprenait pas les conséquences des intempéries dans des territoires qui peuvent sembler toujours ensoleillés. Force est de reconnaître que l'alternance des majorités politiques n'a à aucun moment permis de revenir sur une décision erronée prise il y a une quinzaine d'années.
À vous de relever le défi, madame la ministre. Imposez-vous ! Mais votre administration ne veut pas traiter le problème.
Toute cette perte de temps est partie de l'administration ! J'ai constaté que c'était tout de même plus facile d'aller dans certains territoires ensoleillés qu'à Cambrai.
Je suis surpris par la teneur de ce débat parce que j'ai encore en mémoire les interventions de nos collègues ultramarins, qu'ils siègent sur les bancs de gauche ou de droite. Tous insistaient sur un certain nombre de points. Tout d'abord, ils soulignaient que si la République est une et indivisible, les territoires qui la composent sont divers. Ils insistaient donc toujours sur la spécificité des territoires ultramarins, et demandaient que certaines politiques soient abordées non pas au niveau national, mais de manière transversale au niveau local et régional, par le biais du secrétariat d'État à l'outre-mer. Or j'ai l'impression que l'on fait maintenant du rétro-pédalage pour aller vers une remise en cause d'une telle évolution. Pourtant, les spécificités des territoires ultramarins ne peuvent pas être mieux prises en compte que par ce secrétariat d'État. Je ne vois donc pas de raison de voter cet amendement.
Monsieur Folliot, peut-être n'étiez-vous pas là hier quand je me suis exprimé, et en ce cas je vous excuse. Mais sachez que je suis pour l'autonomie dans la République afin de tenir compte des particularités de l'outre-mer. J'ai d'ailleurs employé l'expression « gouvernance locale ». L'existence d'un secrétariat d'État à l'outre-mer, ex-ministère des colonies, n'enlève rien au fait qu'il y a une irresponsabilité dans la mise en oeuvre d'une politique locale du logement. Il faut remettre à plat ce dossier. Je suis pour le droit à la différence et pour l'expression de la diversité dans le multiculturalisme assumé. Le droit à la différence doit aussi s'appliquer sur le territoire de l'Hexagone – il n'y a pas de métropole parce qu'il n'y a plus de colonies, madame la ministre. Je plaide pour le droit à une égalité globale par rapport aux politiques publiques nationales, mais aussi pour que leur mise en oeuvre soit déterminée localement afin de tenir compte de la dimension culturelle, patrimoniale, sociale et écologique de la politique du logement, qui pourrait ainsi s'inscrire dans le cadre d'une stratégie de développement durable. Je veux la combinaison des deux. Or aujourd'hui, nous n'avons ni l'un ni l'autre, ce qui crée des frustrations. Voilà pourquoi je comprends qu'il puisse y avoir des révoltes et des incompréhensions.
Je vous pose la question à vous aussi, monsieur Lefebvre : comment se peut-il qu'une loi, un texte fait pour la nation, ne dise pas un mot de l'outre-mer ? À la limite, on pourrait en prendre acte s'il était possible de mettre en place localement des politiques publiques en ce domaine, mais ce n'est pas le cas. Sur ce point, on est dans le néant. Quand on évoque, au sein du peuple martiniquais et guadeloupéen, la famille défavorisée concernée par la politique du logement social…
…à qui et à quoi renvoie-t-on ? À l'irresponsabilité locale alors que le système est organisé au nom d'une République une et indivisible ! On a organisé en ce domaine l'irresponsabilité de l'élu local, qui est de ce fait fustigé par une partie de son peuple situé à 7 000 kilomètres. Et j'entends Mme la ministre me dire, sous le prétexte de la ligne budgétaire unique : « Je ne suis pas responsable. Allez voir ailleurs ! ». (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
Madame la ministre, il nous faut aujourd'hui employer le mot « discrimination » à propos des politiques publiques de l'État et de la nation. C'est inacceptable !
Je ne demande pas un centime d'euro de plus. Nous ne sommes pas des mendiants. Nous demandons que le droit à l'égalité soit respecté. Je pense que nous sommes d'accord sur ce point, et qu'il pourrait être mis en oeuvre. Mais que croire au vu de l'injustice qu'a été la suppression de 150 millions d'euros par rapport à la défiscalisation, tandis que le plan de relance de l'État et le programme national de logements ne transfèrent pas les crédits manquants vers les plus démunis ? On ne peut pas comprendre. En plus, nous n'avons pas les moyens de mener à bien ce programme localement parce que vous avez construit mentalement, psychologiquement, juridiquement et politiquement l'irresponsabilité locale.
(L'amendement n° 668 n'est pas adopté.)
Plusieurs orateurs sont inscrits sur l'article 1er.
La parole est à Mme Jacqueline Fraysse.
Cet article très important vise à remplacer les conventions globales de patrimoine par des conventions d'utilité sociale. De quoi s'agit-il ? Cette disposition rendue obligatoire et assortie de possibilités de sanctions revient à piloter les politiques des organismes d'habitations à loyer modéré. En remettant en cause leur libre administration, vous pourrez ainsi leur imposer les objectifs politiques du Gouvernement, ce qui ne nous va pas.
Au-delà de cette reprise en main des organismes, c'est la liberté d'action des élus locaux que vous remettez en cause. Quelle marge de manoeuvre leur restera-t-il, puisque ces conventions encadreront – si le texte est adopté en l'état – l'essentiel des actions des organismes HLM : niveau de construction, parcours résidentiel, vente de logements, conditions d'occupation, de peuplement de logement, de surloyer, etc. ?
Certes, une disposition prévoit que les plans stratégiques des organismes devront tenir compte des plans locaux pour l'habitat. Mais qui le garantira si les élus locaux sont écartés du processus ? Parce que vous réfléchissez avec la volonté de réduire les subventions de l'État, vous cherchez à transformer les organismes d'habitations à loyer modéré en promoteurs autofinancés, notamment par la vente des logements sociaux.
Je veux m'arrêter sur ce point. Nous connaissons cette pratique dans les Hauts-de-Seine où le conseil général – M. Ollier me regarde –…
…prévoit de vendre 4 000 logements sociaux dans tout le département avant 2010.
Certes, il nous assure qu'il compensera ces ventes par la création de nouveaux logements sociaux.
Mais rien n'indique que cette promesse sera tenue, ni que le montant des loyers de ces nouveaux logements sociaux sera accessible à tous : des exemples nous conduisent à en douter.
Face à la gravité de la pénurie, l'heure n'est pas à maintenir simplement le nombre actuel des logements sociaux, mais à l'augmenter considérablement. Tout à l'heure, vous avez tous évoqué le manque de logements ; il faut construire, construire, construire.
Dans cette situation de pénurie, la volonté de vendre des logements sociaux est mal perçue. Il est tout à fait légitime de vouloir être propriétaire de son logement, afin de pouvoir le transmettre à ses enfants et leur laisser ainsi un petit patrimoine.
C'est heureux que des familles puissent devenir propriétaires, et je pense que notre devoir à tous est de les y aider.
Mais cela ne doit pas se faire au détriment du patrimoine social, qui est profondément insuffisant. Il n'est pas acceptable de porter atteinte au patrimoine social pour résoudre un problème qui dépasse largement les quelques ventes de logements sociaux envisagées. Il faut construire des logements sociaux, garder et développer le patrimoine actuel, et aider les familles modestes à accéder à la propriété.
En outre, présenter ces ventes de logements sociaux comme une réponse à la légitime aspiration à être propriétaire est un leurre. Des exemples nous permettent désormais de l'affirmer. À Suresnes, deuxième ville de ma circonscription et ville pilote du département en la matière, le conseil général a déjà mis en vente 256 logements sociaux à la cité-jardin, construite dans les années 1920 par Henri Sellier. Avec un prix de vente au mètre carré de 2000 euros, un quatre pièces pour une famille de deux enfants revient à 200 000 euros. La mesure ne rencontre que peu de succès auprès des locataires actuels, ce qui est logique : si ces personnes vivent en logement social, c'est parce qu'elles n'ont pas les moyens de se loger ailleurs.
Parmi les candidats à l'achat, beaucoup se sont endettés sur trente ans ou plus, avec des mensualités lourdes qui risquent encore d'augmenter. Deux ans après l'achat, certains rencontrent déjà des difficultés de remboursement. Au moindre aléa de la vie tel qu'un licenciement – la crise actuelle ne va pas manquer de les multiplier –, c'est le surendettement, la détresse.
De plus, les élus locaux s'inquiètent de la capacité des familles – déjà très endettées – à financer l'entretien des immeubles. Les logements et les parties communes risquent de se dégrader, de même que les relations entre les habitants, dont certains sont locataires et d'autres propriétaires, ce qui ne facilite pas la prise de décision pour effectuer les travaux.
En cas de dégradation très importante, il faut compter avec le risque de ne plus pouvoir vendre son patrimoine : à Marseille, des logements qui n'ont pas été entretenus ne sont plus vendables.
Pour toutes ces raisons, à Nanterre – première ville de ma circonscription en taille – la municipalité a choisi de ne pas vendre de logements sociaux. Cependant, madame la ministre, que se passera-t-il si l'État, par l'intermédiaire des conventions d'utilité sociale, impose à l'office municipal de vendre une partie de son parc ? Nous considérons que ce n'est pas recevable.
Ce n'est pas l'idée, je vais vous répondre.
Tant mieux. J'attends une réponse rassurante sur ce point, car une telle mesure serait une atteinte à l'autonomie des élus, et donc aux choix formulés démocratiquement par les électeurs.
Toujours dans le but de récupérer de l'argent et de permettre cet autofinancement, vous proposez d'instaurer une véritable généralisation de la pratique des surloyers, ce qui nous inquiète aussi beaucoup : ce sont les locataires, modestes par définition, qui vont financer directement les organismes, sans même avoir prise sur les choix de ces derniers puisqu'ils ne seront pas consultés pour la signature des conventions d'utilité sociale ou pour l'établissement des critères de qualité des services des organismes.
Madame la ministre, je vais écouter votre réponse sur ces différents points avec beaucoup d'intérêt, car les dispositions proposées nous préoccupent : elles ne vont pas dans le bon sens ; elles risquent même de pénaliser davantage des familles qui ont déjà bien du mal à payer leur loyer parce que leurs ressources sont modestes.
Dans nos villes, nous avons de plus en plus de personnes qui ne peuvent plus payer leur loyer.
L'article 1er est particulièrement important car il restaure une forme de culture du dialogue à l'échelon local. Dans le cadre de la discussion générale, comme nombre de nos collègues, nous avons insisté sur le fait que la situation du logement recouvrait des réalités fort diverses selon les territoires. Les tensions sont plus ou moins fortes selon les secteurs, et la situation du logement ne se pose pas de la même manière dans un département très rural, dans des villes moyennes, dans des métropoles d'équilibre, dans la région parisienne ou dans des zones très touristiques.
Il me semble donc très intéressant et positif d'inscrire dans la loi que tous les acteurs d'un organisme HLM puissent se retrouver afin de fixer un cadre et des objectifs de développement patrimonial, et répondre ainsi aux besoins des populations du territoire concerné.
Quelques ajustements se révéleront peut-être nécessaires, mais il me semble important d'instaurer cette culture de dialogue et de responsabilité à l'échelon local, ce qui permettra de mieux répondre aux besoins des locataires et des futurs accédants, tout en s'inscrivant dans les plans locaux d'urbanisme et d'habitat, dans le cadre des politiques et des stratégies développées par les collectivités locales et territoriales. Malgré les mécanismes existants, un manque se faisait sentir en la matière. C'est pourquoi le Nouveau Centre approuve et votera l'article 1er.
Avant d'entamer l'examen de l'article 1er du projet de loi, arrêtons-nous un instant sur le chapitre Ier dans lequel il s'inscrit et qui est consacré à la mobilisation des acteurs du logement.
Remarquons, comme nombre d'observateurs n'ont pas manqué de le faire, que le Gouvernement ne s'oblige pas lui-même, et même qu'il se démobilise, pire qu'il se désengage financièrement de ce qu'il prétend pourtant être une priorité nationale : la construction de logements.
Le budget 2009 de la mission « Ville logement » en baisse de presque 7 % traduit ce choix à contre-courant de la crise du logement. De 2008 à 2009, la seule mission « Construction locative et amélioration du parc » est passée en autorisations d'engagement de 1,321 milliard d'euros à 586 millions d'euros.
M. Woerth assume ce qu'il nomme un « recentrage » des aides à la pierre permis « par la mobilisation de nouvelles ressources au profit des organismes HLM constructeurs (péréquation financière entre organismes, surloyers des ménages dépassant les plafonds). »
Dans le contexte économique et social aggravé que nous connaissons, ce désinvestissement du Gouvernement ne peut être compris et encore moins accepté. L'État ne mégote pas pour secourir à coups de milliards le capitalisme de casino, mais rechigne à fournir à nos concitoyens, aux associations, aux bailleurs et aux collectivités territoriales les moyens financiers nécessaires à la traduction dans les faits du droit vital à un toit.
Comme l'a fort opportunément rappelé M. Pinte dans son rapport au Premier ministre, « en matière d'hébergement et de logement, la première responsabilité est politique ». Or vous ne respectez pas vos engagements ; vous n'assumez pas votre responsabilité. Avec ce projet de loi, vous faites main basse sur les fonds du 1 % logement – destiné à accompagner les politiques publiques du logement, en finançant notamment la construction –, en lui demandant de se substituer à l'État pour abonder 1'ANRU et l'ANAH.
Vous vous plaisez à dire, madame la ministre, que votre loi sera « une loi de rupture ». On aurait pu s'attendre à ce que vous fassiez preuve de fermeté envers les communes qui ne respectent pas la loi SRU, et de volontarisme afin de vraiment augmenter la production de logement très social. On aurait pu imaginer – pourquoi pas ? – que vous iriez jusqu'à la réquisition de logements vides. Dans le cas d'une vraie rupture, le Gouvernement aurait aussi réévalué son action, et réorienté ses choix désastreux : privilégier largement la construction de logements locatifs privés défiscalisés et pousser les Français à s'endetter sur trente ans pour accéder à la propriété.
La culture de responsabilité et de résultat que vous appelez de vos voeux, vous la réservez aux autres : surtout aux organismes HLM auxquels vous imposez aussi les obligations nouvelles et les sanctions qui découlent de l'article 1er. Détournés de leur rôle de bailleurs sociaux, les organismes n'auront pas d'autre choix que de mettre en musique les orientations prioritaires de votre politique du logement, fussent-elles aussi dangereuses et inappropriées que le sont notamment la vente de 40 000 logements sociaux, l'altération du droit au maintien dans les lieux, ou l'exclusion du parc social de familles de la classe moyenne.
Pourquoi tant de hâte à transformer aveuglément les conventions globales de patrimoine en conventions d'utilité sociale ? Surtout, pourquoi obliger les organismes HLM à les signer avant le 31 décembre 2010, et prévoir un dispositif de pénalités financières en cas de manquement d'un organisme aux engagements que l'État l'aura incité à prendre ? Il s'agit, dites-vous, d'améliorer le service rendu aux locataires, au-delà de la participation de l'organisme HLM aux besoins de construction et de réhabilitation.
Quels sont les autres avantages attendus de cette contractualisation forcée qui prévoit la disparition des plafonds de loyer fixés par conventionnement APL, la remise en ordre des loyers, l'expérimentation déjà avancée de la modulation des loyers en fonction des revenus des locataires ?
Lors de son audition par la commission des affaires économiques, la directrice des relations institutionnelles de l'Union sociale pour l'habitat n'a pas caché les dangers potentiels de ces dispositions, dans la mesure où le texte « ne garantit pas que les locataires en dessous des plafonds de ressources ne subiront pas de hausse de loyers. » Et de s'inquiéter « que la solidarité s'exerce entre locataires en dessous des plafonds de ressources. »
Dans le même registre, la CNL voit dans la mise en place d'un système de loyers différenciés par immeuble en fonction de la localisation de l'immeuble, de ses caractéristiques ou des commodités, un risque d'augmentation considérable des loyers, et ce en toute légalité.
En faisant progressivement entrer les conventions d'utilité sociale dans une logique de marché analogue à celle du secteur privé, celles-ci renforceront, que vous le vouliez ou non, la ghettoïsation des populations les plus défavorisées et les inégalités spatiales.
Enfin, ces conventions d'utilité sociale ne sont pas sans menaces pour les organismes eux-mêmes, poussés à vendre leurs logements pour reconstituer leurs fonds propres, à limiter leurs ambitions en matière d'occupation sociale, de mixité, d'investissements et de loyers modérés, afin d'être sûrs de respecter leurs engagements contractuels et d'éviter toute sanction.
Toutes ces remarques motivent largement notre opposition au mécanisme pervers des CUS que vous êtes résolus à généraliser.
L'article 1er, intitulé « Dispositions relatives à la mobilisation des acteurs », exprime bien les pratiques du pouvoir en place depuis deux ans.
Quand celui-ci entend réformer la justice ou l'éducation nationale, il entre en conflit avec les magistrats ou les enseignants ; quand il affirme vouloir restaurer le dialogue social, il entre en conflit avec les partenaires sociaux ; bref, « mobiliser », terme fréquemment employé pour désigner l'action publique, revient, pour le pouvoir, à entrer en conflit avec ceux-là mêmes qui devront la mettre en oeuvre. Comment concevoir une telle hostilité, parfois un tel mépris, à l'égard de ceux sans lesquels l'action publique ne saurait aboutir ?
Telle est exactement la logique du présent article. Plusieurs problèmes se posent. Les moyens financiers dédiés au logement social sont imparfaitement utilisés ; vous en concluez que les bailleurs ne construisent pas assez. Le fonctionnement de certains organismes pose problème, et ceux-ci ne s'engagent pas assez sur la requalification des patrimoines ; tous les bailleurs, dites-vous, fonctionnent mal. Mettant ainsi en cause les rapports entre l'État et l'ensemble des bailleurs sociaux, vous décidez de placer les seconds sous la tutelle du premier.
La méthode, en elle-même, est scandaleuse. Le premier motif avancé en faveur des conventions d'utilité sociale est l'absence d'évaluation des conventions globales de patrimoine. Mais, madame la ministre, la loi qui a instauré ces dernières date de 2004, et le décret d'application n'est sorti qu'en 2007 !
Comment, dans ces conditions, pouvez-vous dire que lesdites conventions n'ont pu être évaluées ?
Ce n'est qu'un prétexte !
Le vrai problème est, d'une part, la tutelle mise en place par l'article 1er et, de l'autre, le prélèvement prévu à l'article 2. Cela fait trois ans que l'État agit avec l'argent des autres : avec celui des SACI, les sociétés anonymes de crédit immobilier, il y a deux ans ;…
…avec celui du 1 % logement cette année, et sans y aller de main morte !
Tel est l'enjeu, ou plutôt le scandale, du dispositif proposé. Bailleur social depuis quinze ans, je n'ai pas besoin de l'État pour apprécier l'utilité sociale de l'organisme de ma commune ou de mon département.
Votre stratégie, madame la ministre, est critiquable car elle repose sur la généralisation de réalités pourtant très différentes. Il s'agit bien, en effet, de placer les CUS et les bailleurs sociaux sous tutelle.
Plus scandaleux encore : si l'État, cocontractant, pourra imposer son avis, il sera aussi juge, ce qui est encore pis. En d'autres termes, après avoir signé la convention et exigé des mesures difficilement supportables pour les collectivités, il pourra également se prononcer sur leur application. Cela s'appelle être juge et partie !
Aussi proposerons-nous de supprimer les articles 1er et 2 ; s'ils ne le sont pas, nous nous efforcerons d'en atténuer les conséquences pour les organismes, lesquels n'ont pas attendu le présent texte pour se mobiliser en faveur du logement.
Merci, mon cher collègue. De nombreux orateurs, notamment socialistes, souhaitant s'exprimer sur l'article, je vous prie de respecter votre temps de parole.
La parole est à M. Alain Cacheux.
J'insisterai sur quelques points précis.
Moins l'État met d'argent, plus il est exigeant avec les organismes : telle est la logique de l'article 1er.
Vous invoquez souvent l'urgence, comme pour le remplacement des conventions globales de patrimoine par les conventions d'utilité sociale ; mais les premières n'ont pu être réellement expérimentées, ni, a fortiori, évaluées.
Dans d'autres débats, on reproche à l'opposition de faire de l'obstruction ; or un rapport sénatorial a bien montré que, si les lois tardaient à être mises en oeuvre, c'est souvent que les décrets d'application n'étaient pas signés en temps utile. La loi relative aux conventions globales de patrimoine date de 2004, et le décret n'a été publié qu'en mars 2007, soit plus de trois ans après. On ne voit pas pourquoi les décrets en Conseil d'État prévus à l'article 1er seraient publiés plus rapidement.
Un mot sur le mécanisme de contrainte que l'on veut imposer non seulement aux organismes de HLM mais aussi aux élus locaux responsables des offices publics de l'habitat. Vous envisagez d'expérimenter un système de loyers progressifs, en fonction des revenus des locataires. Je rappelle que les loyers différenciés sont déjà possibles, le bailleur pouvant aller jusqu'à 5 % d'augmentation. Vous entendez généraliser le système, avec les conséquences qui en résulteront pour l'occupation sociale du parc. Dès lors que la réalisation de logements locatifs sociaux fait très peu appel aux subventions, que celles-ci proviennent de l'État, des fonds propres des organismes ou des collectivités locales, les loyers sont tels que seules les personnes touchant une part significative d'APL peuvent les acquitter. L'éventail des profils sociaux des candidats s'en trouve resserré.
Aligner les loyers sur les revenus ne ferait qu'accroître cette tendance ; cela inciterait les classes populaires à quitter le parc social, conséquence préjudiciable à la mixité sociale que vous prétendez défendre.
Le sujet, essentiel, soulève beaucoup de questions, notamment dans la région Île-de-France.
J'approuve pleinement l'idée d'un supplément de loyer de solidarité : on ne peut vouloir tout et son contraire ; il faut donc aller dans le sens du Gouvernement. Néanmoins, des problèmes se posent, notamment dans les zones les plus difficiles de nos circonscriptions : je pense par exemple à la partie Billancourt de Boulogne-Billancourt et à certains quartiers de Vanves ou de Meudon. Des familles modestes risquent, avec le dispositif proposé, de devoir acquitter le supplément de loyer, défini selon un barème national, ou, à défaut, de quitter leur logement sans pouvoir en trouver un autre, compte tenu du niveau des loyers dans la région.
On peut discuter à l'infini de la méthode ; toujours est-il que je salue la mesure sur le fond.
Toutefois, l'amendement n° 798 , deuxième rectification, de Patrick Ollier, prévoit une modulation des suppléments de loyers de solidarité en fonction des zones géographiques, formule qui permettrait de faire du sur-mesure. (Murmures sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
Vous auriez mieux fait, chers collègues, d'écouter Mme Fraysse, qui ne disait pas autre chose.
Le problème se pose en effet à Suresnes comme à Nanterre.
L'amendement vise à éviter que des Français modestes se trouvent dans l'impossibilité de se reloger.
En ce cas, la proposition du président Ollier devrait vous intéresser !
Je suis là depuis le début de la matinée, et j'ai supporté vos interventions sans vous interrompre : vous pourriez donc faire de même, d'autant que mes propos concernent tous les Français.
Je disais à Mme la ministre que j'espérais que le Gouvernement serait attentif à l'amendement de Patrick Ollier. Je songe de mon côté à le sous-amender pour permettre à tous les élus de saisir l'office, afin que l'on puisse tenir compte dans ces conventions de leur avis, même s'ils ne siègent pas à l'office. Cette solution constituerait un bon compromis, notamment à Paris, où la modulation ne fait pas partie de la logique du maire. Elle permettrait de faire du surmesure pour les personnes en situation difficile.
Je ne suis donc pas du tout opposé au dispositif. Au contraire, il me semble aller dans le bon sens. En revanche, nous devons trouver les moyens de l'adapter.
Si je suis en accord avec Mme Fraysse sur la question que je viens d'évoquer, je réagis en revanche à ses propos sur l'accession sociale à la propriété. Les élus doivent arrêter de se mettre à la place des Français. Quand ils bénéficient de certains avantages sociaux, c'est à eux de choisir, à partir d'un certain niveau de salaire, s'ils souhaitent être locataires ou propriétaires.
Vous prenez enfin conscience que l'application stricte du surloyer pose des problèmes. Il serait temps de réfléchir.
M. Piron nous demandait à l'instant quelle était la portée normative de nos amendements. Mais la question que l'on peut se poser, c'est de savoir si l'article 1er a lui-même une portée normative. En effet, si on l'examine avec attention, on s'aperçoit qu'il n'est qu'un coup de ripolin sur un mur en construction, car les dispositifs sont modifiés alors que la convention globale de patrimoine n'est toujours pas entrée en vigueur. Ne pourrait-on pas attendre, madame la ministre, l'application d'une loi avant de la modifier ? Le Gouvernement peut-il arrêter d'empiler les lois ? J'en suis pour ma part au deuxième plan stratégique de patrimoine. Il va être voté en avril prochain alors que je n'ai toujours pas signé la convention globale de patrimoine.
Je voudrais m'attacher plus particulièrement à la question de la vente de HLM. Les logements vendus ont été construits il y a déjà quelques années et sont généralement situés à proximité du centre ville. Si l'on veut ensuite reconstruire, ce sera donc dans des zones plus excentrées. On construit peu en centre ville en effet, même si, à Rennes, nous avons construit 15 000 logements sociaux dans l'hypercentre, ce qui a un prix.
Prenez d'autre part un office dont le parc contient 14 000 logements, dont une partie est située dans des tours et l'autre composée de maisons individuelles. Lorsqu'on parle de vente dans ces cas-là, cela ne concerne évidemment que les logements individuels : on ne crée pas de copropriété dans une tour de seize étages.
Vous avez donc deux catégories de locataires : les privilégiés, en maison individuelle, et les autres, logés dans des tours. Et voilà que les premiers vont encore se trouver avantagés puisqu'ils vont pouvoir acheter leur logement ! Où est l'égalité des locataires devant l'accession à la propriété ? On ne peut assurer cette égalité en vendant à l'occupant, à ses ascendants ou à ses descendants.
Je ne suis pas contre la vente des logements HLM. Elle correspond à la respiration normale du patrimoine. Mais à partir du moment où la convention d'utilité sociale fixe le nombre de ventes à faire, ce n'est plus la même chose. D'autant que cette convention doit être signée avant le 31 décembre 2010 par l'État et l'organisme HLM – je passe sur les autres collectivités qui dépensent plus d'argent que l'État…
Les organismes vont donc être contraints de vendre, même dans des secteurs tendus, parce qu'ils doivent signer la convention avant une date butoir.
Parfaitement ! La convention d'utilité sociale est un contrat passé avec quelqu'un armé d'un marteau pour nous taper dessus, et ce n'est pas normal.
La vente des logements HLM ne doit pas être soumise à obligation et, à partir du moment où les collectivités territoriales financent lourdement le logement social, elle doivent avoir leur mot à dire.
Marcel Rogemont s'est comme d'habitude montré excellent, sur un sujet qu'il connaît bien. Madame la ministre, l'article 1er pourrait à lui seul résumer l'ensemble de votre projet de loi : du replâtrage !
Qu'il s'agisse du PSP ou, demain, de la convention d'utilité sociale, nous avons déjà évoqué la date des précédentes lois, la publication des décrets d'application et l'absence d'évaluation. Qu'à cela ne tienne : il faut changer les dispositifs parce que le portefeuille change de main !
Le logement a besoin de lisibilité et la construction nécessite du foncier. Où sont donc les réponses concernant le foncier dans ce texte ? Comment les entreprises sur lesquelles vous avez autorité se mobilisent-elles ? Je siège au Conseil immobilier de l'État : que fait RFF ? comment la SNCF se mobilise-t-elle pour libérer son foncier ? Il faut de l'autorité ! Certes un discours, mais aussi des actions ! Voilà ce que nous vous réclamons.
Les PSP existent et le conventionnement global est déjà mis en place par certains organismes bailleurs sociaux HLM. Les résultats sont si positifs que les plus prudents et les plus réticents sont convaincus aujourd'hui qu'il faut aller de l'avant. Or, demain, vous allez leur dire d'attendre que la loi soit votée et les décrets publiés, parce que les procédures ont changé. Le préfet ou la DDE, qui commençaient à comprendre les mécanismes, vont être obligés de retourner à l'école – celle de la haute administration parisienne – pour venir dans nos campagnes expliquer ce qu'il faut faire, alors que nous le faisons mieux et depuis longtemps !
La majorité actuelle comme la précédente ont siphonné la part de l'État dans la Caisse de garantie du logement locatif social, qui subira peut-être demain de nouvelles ponctions si certains organismes ne répondaient pas aux injonctions de votre nouvelle politique. C'est Bercy qui gère la Caisse, même si vous pouvez placer à sa tête un président venant de tel ou tel grand organisme HLM.
Mais il y a plus inquiétant. En lisant votre projet, je me suis interrogé sur la faible part qu'il accorde à l'organisation du 1 %, qualifié à tort de « patronal » – je vous rappelle en effet qu'au départ cette contribution volontaire des entreprises est issue du mouvement paritaire, syndicats et patrons, parce qu'il fallait donner un logement digne aux salariés.
Les temps ont changé, mais vous auriez dû, madame la ministre, compte tenu de vos convictions, conserver un vrai paritarisme. Si vous vouliez moderniser l'organisation la collecte et la contribution du 1 %, il fallait territorialiser et envisager la péréquation.
On sait ce qui va découler des accords qui viennent d'être signés. Une vingtaine ou une trentaine de collecteurs vont remplacer les petits collecteurs – chambres de commerce ou bailleurs sociaux – qui agissaient sur leur territoire en plein accord avec les entreprises et les syndicats. Tout cela a été balayé pour être remplacé par une belle organisation étatisée. Certes, vous l'habillerez avec quelques délégués, président, vice-présidents et autres. Mais que va devenir le 1 % pour l'accession à la propriété sociale, dont les fonds ont déjà été réduits à moins que rien ?
Ce que dit M. Dumont est toujours important, il n'empêche qu'il lui faut conclure.
Depuis des années je pratique la vente de HLM. Cela ne peut se faire qu'en accord avec les élus locaux et dès lors que la vente est transparente. Ne dites donc pas que nous sommes réticents à la vente. Encore faut-il pour qu'elle puisse avoir lieu que toutes les demandes de logement locatif social aient été honorées. Or il me semble que ce n'est pas le cas en Île-de-France et encore moins à Paris. Pourquoi dans ce cas obliger les HLM à vendre, alors qu'il n'y a pas assez de logements locatifs ?
Jean-Louis Dumont parle d'or : il a excellemment commencé à aborder le fond du problème.
Sur la convention d'utilité sociale, beaucoup de choses ont déjà été dites. L'expérimentation du dispositif précédent avait à peine commencé ; six lois sur le logement en six ans, je vous le dis : cela fait beaucoup !
Pensez aux partenaires locaux – organismes, représentants des habitants dans les collectivités territoriales – qui doivent remettre sur le métier, à chaque fois, des plans stratégiques de patrimoine. Ce dont nous avons besoin, c'est d'une lisibilité sur plusieurs années, de l'assurance que ce qui est décidé un jour et qu'on nous demande de faire le lendemain ne sera pas remis en cause le surlendemain.
L'article 1er traite essentiellement de sanctions : sanctions quant aux compétences des organismes et pénalités financières. Pourtant, lors du conventionnement, l'État décidera, l'État imposera, mais l'État n'aidera pas – ou de moins en moins.
Je voudrais aussi revenir sur la vente de logements, qui se lit en filigrane. Il est bien entendu possible de concevoir que, dans certaines zones, on puisse aller vers la vente. Mais nulle part le texte ne précise que cela ne deviendra pas une obligation. Nulle part le texte ne précise que, dans la future convention d'utilité sociale, l'État n'obligera pas à vendre des logements HLM, sous peine de sanctions en termes de compétences ou de pénalités financières – alors même que ni les gestionnaires, ni les dirigeants des organismes sollicités, ni les élus locaux n'auraient donné leur accord.
La formulation de l'article 1er pose donc problème.
Quant aux sanctions contre les organismes, imaginons qu'un organisme soit prêt à suivre les recommandations de l'État mais que les partenaires locaux refusent leur accord. Que se passerait-il si un organisme était prêt à construire du logement locatif de type PLAI contre l'avis des élus locaux – qui refuseraient leur accord, et donc empêcheraient l'organisme de développer son patrimoine ? Car j'ai insisté sur la vente, mais on pourrait parler aussi du développement du patrimoine locatif.
Je ne veux pas revenir sur tout ce que j'ai dit lors de la discussion générale. Mais, dans certaines zones, l'article 55 de la loi SRU n'est pas complètement respecté, ni dans sa lettre, ni dans son esprit ; dans certaines zones, on construit plutôt des PLS que des PLAI.
Mais examinons le cas où un organisme décide de construire et où les élus locaux – cosignataires grâce à la louable initiative du Sénat – interdisent à cet organisme d'agir comme il le souhaiterait. Qui sera alors sanctionné ? Ce sont, d'après l'article 1er, uniquement les organismes.
Pour ce qui est des décideurs locaux, le problème est posé avec beaucoup moins de force.
Je voudrais aussi insister sur le fait que si l'État oblige, si l'État sanctionne, si l'État pénalise, lui-même n'est pas capable de s'engager pour dire, sur trois ou quatre ans, quel sera le développement de son patrimoine. Dans le cadre d'une convention, donc d'un partenariat, la confiance doit être au fondement de l'accord. Or quelle visibilité ont aujourd'hui ces organismes, qui doivent être accompagnés par la puissance publique au niveau national pour développer leur patrimoine comme ils le souhaitent, et de manière consensuelle entre eux et l'État ? La situation n'est pas aujourd'hui satisfaisante.
S'agissant du loyer et des ressources, on nous propose une expérimentation. J'ai entendu l'intervention de Frédéric Lefebvre : liée à la question du surloyer, cette expérimentation fait naître un certain nombre de débats. Elle propose une forme de solidarité qui n'est pas sans danger : qui est solidaire avec qui ? Les bénéficiaires du paquet fiscal voté en août 2007 sont-ils solidaires ? Les salariés bénéficiaires du 1 % logement sont-ils solidaires entre eux ? Ou, comme vous le proposez aujourd'hui, les seuls locataires d'un certain nombre d'organismes dans une certaine partie de leur patrimoine sont-ils solidaires les uns avec les autres ?
Je terminerai sur un point : qu'en est-il des zones les plus défavorisées ? Quelles sont les formes de solidarité que vous proposez dans des villes comme celles de ma circonscription, qui comprend notamment Aubervilliers et La Courneuve, et où j'ai accueilli M. Pinte il y a quelques jours ?
Il a pu voir la réalité de ces zones. Mais ce que vous proposez, c'est une solidarité entre des locataires qui n'en peuvent plus, parce qu'ils n'ont pas les moyens d'être solidaires.
Dès que nos collègues parlent de choses concrètes, nous les reconnaissons car nous les vivons aussi. Nous nous reconnaissons dans un certain nombre de constats, et nous essayons d'ailleurs d'avoir les même objectifs.
Mais il arrive aussi que l'on reste sans voix. Dès que l'on entend critiquer a priori le texte et les intentions, non seulement de l'État, mais aussi du législateur, je ne comprends plus !
Parlons par exemple de la vente de HLM – je rappelle que le taux de vente du parc HLM est régulièrement de 0,1 %, lorsque les taux des autres pays européens atteignent dix ou douze fois ce chiffre : ces écarts ne sont pas neutres. (Exclamations sur les bancs des groupes GDR et SRC.) Les modalités d'application qui ont été décrites, les difficultés évoquées sont des choses réelles ; et parce que nombre de Français – pas tous – aspirent à utiliser ce dispositif, il faut veiller à ce que les choses soient bien organisées, lisibles et claires pour tous.
Or de qui parle-t-on ? On parle du bailleur, des collectivités territoriales – car, nous sommes bien d'accord, c'est sur le terrain que les choses se font. De ce point de vue, la convention d'utilité sociale complète les dispositifs présents dans le cadre du conventionnement global. Elle introduit une véritable stratégie patrimoniale de l'organisme, en adéquation avec les plans locaux de l'habitat.
Il a été rappelé que l'État a confirmé le rôle des collectivités territoriales, en acquiesçant à l'amendement du Sénat qui rend ces dernières cosignataires de ces conventions. Pour moi, ce point est tout à fait essentiel car une politique à moyen terme de l'habitat doit être pilotée localement, même si les bailleurs sociaux en sont les maîtres d'oeuvre.
J'ai beaucoup entendu parler de l'État. Mais dès lors qu'il y a sur le terrain des conventionnements entre bailleurs et collectivités territoriales, il faut bien un garant – j'ai souvent entendu parler de l'intérêt général.
Il faut aussi donner de la souplesse. On parlait de tours de seize étages tout à l'heure : n'est-il pas absurde que chacun ait le même loyer au mètre carré, alors que les situations sont toutes différentes ?
En fait, il n'y a que pour les impôts que vous ne voulez pas de proportionnalité !
On crée, de fait, des situations monolithiques qui sont rattrapées par la réalité de la vie, et on crée du désordre, du mal-être. Donner au bailleur la possibilité de mêler des loyers différents au sein d'un même immeuble, de façon consciente et en accord avec le maire ou les collectivités qui sont maîtres d'ouvrage de la politique locale de l'habitat, voilà quelque chose de particulièrement innovant dans le paysage du logement social, qui a été bâti sur une adéquation stricte entre le loyer et le remboursement des prêts !
Je termine. Si les pénalités – je suis le premier à le reconnaître – sont toujours gênantes, j'ai été surpris que, lors de l'audition par la commission des membres de l'Union sociale de l'habitat, ce problème n'ait été soulevé par aucune des familles représentées. Cela m'a rassuré. Je suis aussi conscient que la Caisse de garantie du logement locatif social est pilotée par Bercy ; elle fournit pourtant un travail remarquable en faveur du logement social comme des situations les plus difficiles pour les bailleurs. De ce point de vue, l'UMP considère que l'article 1er va mobiliser les acteurs et apporter des réponses précises, concrètes, à tous les partenaires du logement social.
Bien loin des inquiétudes qui ont été soulevées – et qui influeront peut-être sur les décrets d'application –, je pense que cet article sera très utile dans l'évolution actuelle du logement social.
J'aimerais d'abord faire remarquer une subtilité introduite tout à l'heure par l'intervention de M. Lefebvre. Il a employé le terme de « supplément de loyer de solidarité ». C'est une nouveauté, il faut l'indiquer : depuis le début de ce débat, on voit se dessiner une évolution vers une certaine humanité, vers une certaine responsabilité. Vous évoluez !
Mais il faut analyser dans le détail la nature de cette évolution. Ce supplément de loyer de solidarité, fondé sur l'amendement de M. Ollier, permettra de travailler sur le surloyer. Mais on ne revient pas sur l'abandon du droit au maintien dans les lieux ; on ne touche pas à l'application du surloyer lui-même – qui risque d'exclure ; on ne change pas la stratégie globale de modification des loyers en fonction des revenus.
Je ne voudrais pas que nous sortions de cet hémicycle en ayant le sentiment qu'avec ce supplément de loyer de solidarité, on aurait créé un nouveau concept social dans un texte dépourvu de tout esprit social !
En ce qui concerne la vente du patrimoine HLM, j'ai déjà beaucoup insisté et je suis content que M. Dumont l'ait aussi fortement réaffirmé : il est malheureux d'opposer ceux qui seraient favorables à ce que les Français accèdent à la propriété, et d'autres qui, parce qu'ils disent qu'il faut faire attention, n'y seraient pas du tout favorables. J'insiste : on ne peut céder le patrimoine HLM qu'en dehors des zones où la situation est très tendue. Quand le besoin de logement est très important – M. Dumont a cité tout à l'heure l'exemple de Paris – on a besoin de logements sociaux, ne serait-ce que pour abriter les familles en difficulté.
Il faut alors s'interroger : est-il pertinent de céder ce patrimoine ? La convention d'utilité sociale est pourtant pensée pour cela, pour gérer des politiques de cession et de surloyer.
Je me réjouis que le Sénat ait fait des collectivités locales les cosignataires des conventions. Lorsqu'on remplace les conventions globales de patrimoine par les conventions d'utilité sociale, on peut imaginer que ce terme d'utilité sociale a un sens ; mais ici, il n'a que le sens de gestion de patrimoine. Les individus, eux, ne sont pas vraiment concernés !
Quel accompagnement social apporte-t-on aux familles ? Ce n'est parce qu'une famille est logée dans un patrimoine HLM qu'elle n'a pas de problème.
Le texte est justement fait pour ça !
Il faut le dire clairement, alors, et accompagner les familles en difficulté.
Je voudrais également évoquer la nécessité d'établir un lien entre les bâtiments eux-mêmes et l'aménagement extérieur, et donc de faire intervenir la notion de gestion urbaine de proximité. En effet, l'une des particularités des banlieues est la totale dégradation de l'environnement extérieur. C'est en soi un problème mais cela crée en plus une sorte de situation sociale discriminante pour ces populations. Cet aspect doit absolument être pris en compte.
Enfin, j'ai déposé un amendement sur la cession du patrimoine HLM outre-mer dans lequel je propose que la cession du patrimoine HLM soit obligatoirement accompagnée par une décision du conseil départemental de l'habitat et, surtout, que des précautions soient prises pour éviter de créer des propriétés dégradées.
J'ai des exemples précis de création de copropriétés dégradées, comme celle de Bon Air où nous sommes obligés avec l'ANRU, dans le cadre d'un plan de développement et de renouvellement urbains, de mobiliser des millions d'euros afin de compenser les multiples défaillances de propriétaires qui ont acheté entre-temps.
Certes, j'ai constaté que vous aviez introduit dans le texte un mécanisme antispéculatif, ce qui est une très bonne chose, mais j'observe que la propriété dégradée survient lorsque vous avez une combinaison de propriétaires privés individuels qui sont dans un régime spéculatif et un bailleur social. En effet, ce dernier peut s'occuper de la copropriété, mais il n'en a pas l'obligation. Il faudrait que ce soit obligatoire pour que, jusqu'à ce que le dernier appartement soit vendu en logement social, la responsabilité de la copropriété soit assumée publiquement. Sinon, cela favorise une certaine ghettoïsation, notamment dans les lieux où un risque sismique existe.
J'insiste auprès de vous, madame la ministre, pour qu'une telle disposition de nature à éviter les propriétés dégradées soit mise en oeuvre dans le cadre de cet article 1er.
Ce débat est fort intéressant et, même si les orateurs ont parfois débordé du cadre de l'article 1er, j'aimerais répondre à chacun, cela me permettra d'être plus rapide dans mes explications sur les amendements. Il est important de bien expliquer ce que sont les conventions d'utilité sociale.
Je répondrai tout d'abord à Mme Fraysse que ces conventions feront l'objet de négociations mais qu'elles ne comporteront pas d'obligations. L'État n'imposera rien. Les collectivités locales seront associées à l'élaboration de ces conventions et les élus, contrairement à ce qui a été suggéré, auront leur mot à dire.
M. Folliot a insisté sur la notion de dialogue et de responsabilité qui sera développée grâce aux conventions d'utilité sociale. C'est en effet le coeur même des conventions d'utilité sociale, je le remercie de l'avoir compris. Les bailleurs s'engageront après négociation avec l'État sur des objectifs de développement du patrimoine mais également sur des objectifs de qualité de service. Si je qualifie la convention de sociale, c'est justement parce que je veux lui donner cette dimension d'humanité que nous appelons tous de nos voeux.
Monsieur Muzeau, les conventions d'utilité sociale seront élaborées de façon non pas contrainte, comme vous semblez le croire, mais contractuelle. Il y aura des négociations avec les bailleurs et le fait que les collectivités soient associées à l'élaboration de ces conventions d'utilité sociale est naturellement, pour nous, un gage supplémentaire d'adaptation des objectifs aux réalités locales.
Ces conventions d'utilité sociale ont pour vocation d'être adaptées au terrain, au plus proche de vos propres contraintes – c'est ce que je souhaite. D'ailleurs, à vous entendre les uns et les autres, on s'aperçoit, quelle que soit la place que vous occupez sur ces bancs, que vous avez les mêmes difficultés, les mêmes préoccupations.
Justement, monsieur Gosnat, la convention d'utilité sociale pourra s'adapter à la spécificité de votre territoire, qui est en effet particulier.
Chez vous, elle ne sera pas du tout de même nature que celle d'un autre département, rural par exemple.
Monsieur Le Bouillonnec, je vous rappelle que ces conventions d'utilité sociale ne sont pas des inventions pures et simples du Gouvernement. Un travail très important a été réalisé avec l'Union sociale pour l'habitat.
Celle-ci a d'ailleurs adressé, vous le savez, un mode d'emploi aux organismes.
M. Le Bouillonnec parle mais il ne lit pas, il n'a plus le temps. C'est ça le problème.
Soyez assuré que les conventions seront bien préparées par les organismes car les services déconcentrés de l'État n'ont évidemment pas les moyens de les rédiger à la place des organismes.
Vous avez également évoqué le problème de la péréquation. Il semble normal qu'il y ait une solidarité financière entre les organismes HLM lorsque certains d'entre eux ne remplissent pas pleinement leurs missions – je vous remercie d'avoir posé la question parce que cela me permet d'indiquer à la représentation nationale qu'il y a peu d'organismes qui ne font pas leur travail. Il n'est pas normal en effet qu'un magot soit amassé par ceux qui font de la trésorerie plutôt que de remplir leur mission de service public qui est de construire du logement social, alors que d'autres organismes ont besoin de financement. Cette péréquation a un objectif social auquel vous ne pouvez qu'adhérer les uns et les autres.
Mais c'est incroyable : ce n'est pas parce qu'il y en a peu qu'il ne faut pas les prendre en considération. Je croyais que vous étiez très attaché, comme moi, à tout ce qui est minorité. Ceux qui sont peu nombreux doivent être pris en considération et nous y reviendrons à propos des surloyers. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Faites confiance au 1 %, il va s'occuper du magot, il va le ramasser, et avant vous !
Monsieur Cacheux, vous vous inquiétez de l'entrée en vigueur de la convention d'utilité sociale au travers des décrets d'application. Je voudrais vous rappeler que l'article 1er comporte également des engagements de la part de l'État. Il est évident que la date butoir qui est mise en oeuvre s'imposera également à l'État, qui aura donc l'obligation de publier les décrets rapidement.
Vous voulez toujours des pénalités !
Monsieur Lefebvre, vous avez attiré notre attention sur la question des surloyers, nous y reviendrons dans un autre article. Personnellement, j'attends avec intérêt la discussion de votre amendement. L'amendement du président Ollier n'implique pas un changement de la philosophie des conventions d'utilité sociale : simplement il précise, parce qu'il semble qu'il y avait une…
…une incompréhension – voulue ou non, je ne sais pas – sur la finalité de ces conventions d'utilité sociale.
La rédaction de l'amendement du président Ollier présente l'avantage de prévenir toute ambiguïté.
Je suis favorable à toute clarification qui permettra une application plus effective du projet de loi, qui est tourné vers l'humain.
Monsieur Rogemont, je vous rappelle que la vente des HLM est très encadrée. Les conventions vont pouvoir fixer les objectifs de vente mais, en tout état de cause, le préfet et le maire ont le pouvoir d'autoriser ou non ces ventes. La décision de vente est prise par le conseil d'administration dans lequel siègent, vous le savez, des représentants des locataires.
Monsieur Dumont, vous ne serez pas surpris que je partage totalement votre analyse en ce qui concerne la nécessité d'une lisibilité de la politique du logement. C'est justement l'objectif des conventions, qui vont fixer un cap pour six ans, ce qui va sécuriser tout le monde sur cette période, aussi bien les bailleurs sociaux que l'État, contrairement à ce qui se passait auparavant. Votre préoccupation de lisibilité est donc bien satisfaite par ce texte de loi.
Monsieur Goldberg, je vous remercie de me permettre de préciser que ces conventions d'utilité sociale ne remettent pas en cause les dispositifs antérieurs, elles enrichissent simplement des dispositifs anciens, notamment avec une préoccupation sociale et d'humanisation.
Les conventions globales de patrimoine deviennent des conventions d'utilité sociale. Les dispositions antérieures relatives à l'évolution du patrimoine ou des loyers demeurent. S'y ajoutent notamment, dans le souci d'humanisation qui est au coeur de la philosophie de ce texte, des mesures relatives à la qualité du service offert aux locataires.
Monsieur Carré, je vous remercie d'avoir bien mis en évidence…
…que les élus sont confrontés aux mêmes problèmes, quelle que soit leur position dans l'hémicycle, et qu'il faut non pas s'opposer les uns aux autres mais chercher à répondre aux besoins de nos concitoyens en matière de logement.
Monsieur Letchimy, je pense vous avoir répondu en ce qui concerne la préoccupation sociale. Vous estimez qu'il n'est pas pertinent de vendre des logements sociaux en zone tendue, je ne partage pas totalement votre analyse.
D'une part, la vente de logements HLM, ce n'est pas la disparition de logements, c'est uniquement un changement de statut – de locataire, on passe propriétaire.
D'autre part, la vente accroîtra les moyens financiers des bailleurs et permettra la construction de nouveaux logements sociaux, notamment locatifs. En ce sens, la vente d'HLM est vertueuse. Mais, comme je vous l'ai dit, ces ventes ne se feront pas n'importe comment ; in fine, c'est le conseil d'administration des bailleurs sociaux qui en décidera. Donc, je pense que nous avons toutes les garanties. L'objectif, c'est la souplesse, la fluidité, l'efficacité, l'humanité. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Le problème très grave que nous avons avec vous est le suivant : soit, ce que vous nous dites n'est pas ce que la loi prescrit,…
…soit ce que la loi prescrit n'est pas ce que vous nous dites. En tout cas, il y a un décalage.
Le contrat de convention d'utilité sociale est un contrat qui s'ajoute d'abord à l'article L.411-8 d'après le premier alinéa de l'article 1er, lequel article visait les conventions entre l'Union des bailleurs sociaux et l'État. Donc ce contrat est quelque chose que l'on ajoute – qu'on me dise si je me trompe.
Toutefois, dans un article L.411-9 que vous créez, vous substituez aux conventions patrimoniales ces dispositions nouvelles. Si elles se substituent, cela ne veut pas dire qu'elles s'ajoutent.
Ensuite, vous avez tort, madame la ministre, de dire que cette loi va ouvrir un débat entre les collectivités locales, les bailleurs sociaux et l'État, parce que le texte ne parle absolument pas des collectivités locales.
Il ne fait référence qu'à la conclusion, entre l'État et le bailleur, d'une convention, avec la contrainte qu'elle soit signée avant le 31 décembre 2010 et l'obligation, pour le bailleur, d'adresser un projet au représentant de l'État avant le 30 juin 2010.
Vous n'avez pas lu le projet de loi !
Si l'on aborde ce problème, madame la ministre, vous allez être en difficulté, parce qu'un établissement public de coopération intercommunale n'est pas une collectivité locale !
Et, dans ce texte, il n'est fait référence ni à la région, ni au département, ni à la ville, qui sont, à différents titres, acteurs du bailleur social, et même financeurs s'agissant des départements et des villes.
Par ailleurs, le rapporteur précise – et l'on peut considérer cela comme pertinent dans la logique qui est la sienne – que les EPCI qui interviendront seront ceux ayant la délégation de l'aide à la pierre dans le cadre des PLH. Il n'y a là rien à dire. Mais dans quel cadre les collectivités locales, départements ou communes, vont-elles intervenir dans ce débat ? Ce n'est pas prévu par le texte. Cela veut dire qu'un département ou une commune qui finance un organisme public d'HLM, notamment par des subventions annuelles comme c'est très souvent le cas, n'est pas concerné. Vous ne pouvez pas nous dire, madame la ministre, comme pour la sous-occupation, que cela va se discuter. Il y a un problème. La loi prévoit des obligations : elle « norme ». Donc, si vous pensez que les collectivités doivent intervenir dans le débat, écrivez-le dans la loi.
Enfin, je pense aussi aux organismes qui interviennent sur d'autres territoires, notamment aux organismes départementaux qui couvrent plusieurs communes et aux sociétés anonymes d'HLM. Ils vont discuter tout seuls avec l'État de ce qui va se passer sur le territoire de la commune.
Il n'y a rien à ce sujet dans le texte. Celui-ci n'implique pas les collectivités locales. Il n'impose à l'État aucune obligation de les faire intervenir. On ne peut donc pas considérer que les communes et les départements seront associés au débat.
La parole est à Mme Martine Billard, pour soutenir l'amendement n° 729 .
Les départements seront associés à l'élaboration des dispositions des conventions d'utilité sociale relatives aux immeubles situés sur leur territoire – c'est prévu par l'alinéa 7 de l'article 1er –,…
… mais absolument pas les communes, M. Le Bouillonnec a raison. Vous avez dit, madame la ministre, que ces conventions seraient négociées avec l'État, les bailleurs sociaux et les collectivités associées, mais l'alinéa 7 ne vise que les établissements publics de coopération intercommunale et les départements. Il y a là déjà un problème.
Ensuite, vous nous dites qu'il n'y aura pas d'obligation, que la vente des HLM, notamment, donnera lieu à une négociation. Dans ce cas, déposez un amendement au nom du Gouvernement pour préciser qu'en cas de désaccord sur la vente des logements sociaux entre l'État et les bailleurs ou l'établissement public de coopération intercommunale, les départements et les collectivités locales – puisque nous souhaitons qu'elles soient ajoutées –, l'État ne peut pas obliger les organismes à vendre leur patrimoine. C'est fondamental.
S'agissant de la vente des logements sociaux, je comprends que la question puisse se poser en secteur rural, surtout pour des logements individuels ou des petits immeubles, mais dans les zones d'agglomération où le marché du logement est très tendu, qu'il s'agisse du locatif ou de l'accession à la propriété, dire que les organismes de logements sociaux vont vendre leurs logements et que cela leur permettra d'avoir des fonds propres pour reconstruire, c'est faire l'impasse sur le prix du foncier, qui, dans de nombreuses zones du territoire, flambe autant, voire plus, que les loyers. De plus, ce sont généralement les meilleurs logements qui sont vendus,…
…ceux qui sont les mieux situés, près des transports en commun, des centres-villes, et si vous en vendez d'autres dans des immeubles collectifs d'importance où il y a beaucoup de logements sociaux, vous vous retrouvez avec des risques de dégradation des copropriétés et des difficultés de gestion. C'est donc un très mauvais choix, sauf pour certains secteurs très spécifiques du territoire où il n'y a aucune tension dans le secteur et peu de logements sociaux. En outre, l'État va être juge et partie, ce qui pose un problème.
Enfin, l'alinéa 21 prévoit la possibilité de moduler les loyers, mais aujourd'hui, s'il y a des loyers différents dans un même immeuble, c'est en raison de la composition de la famille et des aides au logement. De plus, dans le logement privé, les loyers sont fixés par rapport à la nature du logement, jamais par rapport aux revenus des locataires. Je ne vois donc pas pourquoi, tout à coup, on déciderait, dans le logement social, de moduler les loyers en fonction des revenus des locataires !
Il y a déjà les surloyers, auxquels les Verts ne se sont d'ailleurs pas toujours opposés – nous le disons clairement, mais il y a un problème d'encadrement, de précision, sur lequel nous reviendrons –, et cela suffit. Nous sommes totalement opposés à la modulation des loyers en fonction des revenus.
Il ne faut absolument pas le perdre de vue, ces questions s'inscrivent sur une toile de fond très claire : le désengagement de l'État. Rien, dans ce que vous nous proposez, ne nous permet de dire qu'il y aurait une mobilisation en faveur d'une construction massive de logements sociaux. Et quand je dis logements sociaux, je pense en particulier aux PLA, PLAI ou PLUS. Je veux bien que 70 % des logements sociaux, dans des endroits très tendus, soient des PLS, mais on ne peut pas vraiment apparenter cela à du logement social. En Île-de-France, notamment, toute une partie de la population qui pourrait prétendre à un logement social ne peut pas accéder au PLS. C'est tellement vrai que, dans ma ville d'Ivry-sur-Seine par exemple, où nous avons eu des cofinancement avec la région, les PLI étaient à l'époque réservés aux fonctionnaires du conseil régional, ce qui était tout à fait légitime. Eh bien, il se trouve que pas un seul des candidats fonctionnaires du conseil régional n'était en mesure de louer ces logements qu'il a donc fallu déclasser. Il y a un véritable problème s'agissant de ces PLS.
Aujourd'hui, il n'y a pas de propositions de construction de logement social, et vous en revenez à la notion de fluidité entre les conventions. Celles-ci ont pour but non seulement la vente de logements mais aussi la pratique de loyers.
Sur le fond, je suis contre la vente de logements, et pas par idéologie. Je pense en effet que l'on ne doit pas revendre des constructions qui ont fait l'objet de financements publics avec les impôts des contribuables. Ce n'est pas parce que des gens habitent leur appartement depuis dix ou quinze ans qu'on peut le leur vendre. Cela n'est pas moral au regard de la nature des financements à l'origine de la construction.
Dans les années 70, il y avait les coopératives HLM et il a fallu vendre tout le patrimoine. Celui-ci a déjà été cédé deux ou trois fois à des propriétaires. On est dans une logique totalement spéculative et nous serons dans la même situation avec les logements sociaux que vous allez vendre. Au lieu d'augmenter durablement le parc logement en permettant aux familles d'accéder au droit de se loger, on va vers une restriction de ce droit.
Monsieur Carré, vous nous dites que les ventes de logements ne représentent pas plus de 0,1 % chaque année.
Et vous oubliez de dire que les organismes HLM ont obligé bon nombre de gens à acheter leur logement. Voilà la réalité ! Je peux vous citer l'exemple de la vente des logements de la Caisse d'Épargne.
Quant aux loyers, il est important qu'ils soient réglementés dans un organisme HLM. C'est la raison pour laquelle nous avons proposé un gel des loyers qui pourrait aussi intervenir dans le secteur public à condition qu'il y ait une compensation pour les organismes sociaux. Il faut donc une réglementation, celle-ci devant être compensée par les aides au logement, qui doivent être revalorisées.
S'agissant des surloyers, M. Lefebvre s'est montré bien audacieux. Il nous dit – c'est un aveu – qu'avec une telle pratique certaines personnes risquent de devoir quitter leur logement. Nous ne disons pas autre chose !
Et il ajoute – encore un aveu ! – que ces gens ne trouveront peut-être pas à se reloger au même endroit. Mais c'est aussi ce que nous disons, et c'est la raison pour laquelle nous sommes contre l'obligation qui va être faite aux organismes d'appliquer des surloyers de la sorte.
Quant à l'obligation de négocier les conventions, soyons réalistes : tout le monde sait comment cela se passe ! Si un organisme ne veut pas signer une convention que lui répondront le préfet, les DDE ?
Quel est l'avis de la commission des affaires culturelles saisie pour avis ?
Je suis favorable à ces conventions, mais si, comme je le souhaite, elles sont approuvées par l'Assemblée nationale, il me paraît indispensable, madame la ministre, et je rejoins là un argument avancé par M. Le Bouillonnec, que la commune sur le territoire de laquelle se trouve tout ou partie du patrimoine social appartenant à différents bailleurs sociaux puisse être partenaire à la convention. Certains nous disent que les communes sont représentées dans les offices. Oui, mais lorsqu'il y un office interdépartemental, la commune n'est pas représentée en tant que telle. Je souhaiterais donc que l'on étudie l'introduction des communes dans le partenariat de ces conventions.
Par ailleurs, nous avons tous été surpris, madame la ministre, en juin ou juillet dernier, lorsqu'un grand quotidien du matin nous a annoncé que le trésor de guerre des bailleurs sociaux s'élevait à 11 milliards d'euros.
Il est donc indispensable que les élus que nous sommes puissent appréhender la réalité des sommes lancées en pâture dans les grands quotidiens.
Au moment même où nous cherchons des financements, pourquoi donner l'impression que certaines sommes ne sont pas convenablement employées ? Il faut que nous soyons mieux informés de l'utilisation des « trésors de guerre » des bailleurs sociaux.
Le chiffre avancé est entendu en brut, mais j'aimerais connaître le montant net dont disposent certains d'entre eux. C'est pourquoi je suis favorable aux conventions d'utilité sociale.
J'ajoute que les bailleurs sociaux ne respectent pas toujours les engagements normaux d'entretien de leur patrimoine. Après avoir réalisé certains logements sociaux dans ma ville, notamment un village fleuri dans les années trente, l'un d'eux ne les a jamais entretenus ni mis aux normes. Les conventions proposées permettront de préciser les devoirs qui incombent aux bailleurs sociaux, qui sont financés par les deniers publics. N'est-ce pas indispensable ? Il est anormal que certains bailleurs sociaux privilégient uniquement la construction de logements neufs et se désintéressent de l'entretien d'un patrimoine souvent ancien.
Quant à la vente d'une partie du patrimoine social, elle serait aberrante si le quota de 20 % de logements sociaux n'était pas atteint. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
Mais on peut imaginer que, dans certains cas et sous réserve de l'accord des collectivités locales, des bailleurs sociaux offrent aux locataires la possibilité d'acquérir leur logement. Le bailleur social de ma ville possédait ainsi un patrimoine important dans une commune voisine dotée à 40 ou 45 % de logements sociaux. Avec l'accord de la commune, il a pu laisser aux locataires qui le souhaitaient la possibilité d'acquérir leur logement. Dans un tel cas, il faut seulement que le produit de la vente soit affecté à la construction ou à l'entretien du patrimoine.
…une partie du produit des ventes pourrait être affectée à l'entretien du patrimoine.
Nous avons entendu des propos de toute sorte, qui m'ont semblé marqués par une grande confusion. Certains collègues sont si pressés de débattre de l'article 3 qu'ils en ont oublié que nous examinons en ce moment l'article 1er.
En entendant certaines charges contre l'État, je me suis demandé si nous n'étions pas en train de perdre tous nos repères politiques, et même si Pierre Poujade n'était pas de retour !
L'État entend jouer son rôle et peser sur les grands choix et orientations des bailleurs sociaux. Doit-on s'en étonner ?
Je suis partisan de la décentralisation, mais elle ne saurait être confondue avec l'abandon du rôle de l'État. Celui-ci, quand il décentralise, continue de fixer les orientations principales et tient le soc. S'il ne s'occupe pas de tout, il veille du moins à l'essentiel. C'est pourquoi les propos qui ont été tenus sur les conventions me sidèrent.
Certains collègues mettent l'État en accusation en affirmant qu'il ne peut être à la fois juge et partie.
Mais qui d'autre que l'État pourra juger de l'arbitrage final et garantir l'intérêt général ? Il faut tout de même revenir aux fondamentaux, au lieu de tout remettre en cause, de manière aussi ahurissante que contradictoire !
Relisez le texte : il recherche de manière parfaitement équilibrée une articulation entre les responsabilités de l'État et celles des collectivités territoriales. Les conventions proposeront un arbitrage entre le principe national que l'État est chargé de faire respecter et l'adaptation aux territoires. Je vous rappelle les termes de l'alinéa 3 de l'article : « en tenant compte des orientations fixées par les programmes locaux de l'habitat. »
J'ai entendu citer plusieurs villes, à titre d'exemples. Mais précisément : l'adaptation territoriale déclinée dans l'article 3 vise à prendre en compte le fait que Rennes n'est pas Limoges ni Paris, et qu'à l'intérieur de Paris on trouve des différences considérables.
Qui garantira l'équilibre et veillera à la mixité sociale, à laquelle nous sommes aussi attachés que vous, sinon les représentants de l'État, qui sont les interlocuteurs des bailleurs sociaux ?
Il est compréhensible que M. Le Bouillonnec, qui a participé assidûment aux nombreuses auditions de la commission, n'ait pas pu retenir toutes les déclarations que nous avons entendues. Je lui rappellerai, pour le rassurer, celle des représentants de l'USH, citée à la page 76 de mon rapport : « La convention d'utilité sociale représente une amélioration par rapport au conventionnement global. »
La phrase devrait éclairer nos collègues, tant sur le dialogue qui s'est instauré pendant l'élaboration du texte que sur notre respect des partenaires sociaux et des collectivités territoriales.
C'est pourquoi, à mon sens, mieux vaudrait entrer très vite dans l'examen de l'article 1er. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Je souscris pleinement aux explications du rapporteur.
Avis défavorable.
La parole est à Mme Annick Lepetit. (Protestations sur les bancs du groupe UMP.)
Je veux répondre à M. Piron sur la question essentielle du rôle de l'État. Nous sommes tous extrêmement demandeurs de la garantie qu'il représente.
Depuis des années, nous déplorons son retrait sur le plan financier et la manière dont il se décharge sur les collectivités territoriales d'une de ses fonctions régaliennes, qui consiste à garantir l'égalité entre nos concitoyens. C'est vrai en matière de logement, mais aussi de transports, problème qui ne pèse pas moins sur la vie quotidienne de nos concitoyens.
M. Piron a cité les propos des représentants de l'USH. Peut-être ceux-ci ont-ils approuvé l'amélioration qu'apporteront les nouvelles conventions. Nous partons de si bas ! Un des problèmes de la politique du logement est qu'il faut discuter, année après année, de nouvelles lois, dont les décrets d'application mettent parfois trois ou quatre ans à paraître. Certaines d'entre elles prévoient une expérimentation : il faut alors que le texte, une fois appliqué, fasse l'objet d'un bilan, lui-même suivi d'une réflexion. Or, cette fois, nous n'attendons même pas l'expérimentation des premières conventions pour en prévoir d'autres.
On peut évidemment prétendre que cela représente une amélioration. Encore faudrait-il en être sûr.
Encore un mot à M. Pinte, dont je partage l'avis sur l'entretien du patrimoine de HLM. Je confirme que certains organismes préfèrent investir dans la construction que dans l'entretien, et je déplore moi aussi la quasi-disparition des PALULOS. Mais, de bonne foi, je voudrais être certaine qu'aux termes des nouvelles conventions les organismes de HLM pourront entretenir leur patrimoine.
Enfin, nous n'avons pas été au bout du débat sur la vente des HLM. Nous y reviendrons.
Mme la ministre nous a assuré que les conventions d'utilité sociale n'imposeront rien. C'est un point important pour bien comprendre le dispositif.
Par ailleurs, M. Piron a lu la déclaration des représentants de l'USH affirmant que la convention d'utilité sociale représentait « une amélioration par rapport au conventionnement global. » Mais je lui rappelle la suite de leur propos : « Nous sommes favorables à certaines expérimentations mais, tel qu'il est rédigé, le texte nous paraît dangereux. »
S'il présente un danger, c'est naturellement par rapport au montant des loyers. Inventer le surloyer sur mesure, madame la ministre, c'est-à-dire l'ajuster aux ressources des locataires n'est-ce pas une manière de renoncer à son bénéfice ?
Rédactionnel.
(L'amendement n° 66 , accepté par le Gouvernement, est adopté.)
Prochaine séance, cet après-midi, à quinze heures :
Quatre conventions internationales ;
Discussion, sur le rapport de la commission mixte paritaire, du projet de loi de finances rectificative pour 2009 ;
Discussion, sur le rapport de la commission mixte paritaire, du projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2009 à 2012 ;
Discussion, sur le rapport de la commission mixte paritaire, du projet de loi pour l'accélération des programmes de construction et d'investissement publics et privés ;
Éventuellement, suite de la discussion du projet de loi, adopté par le Sénat, de mobilisation pour le logement et la lutte contre l'exclusion.
La séance est levée.
(La séance est levée à treize heures.)
Le Directeur du service du compte rendu de la séance de l'Assemblée nationale,
Claude Azéma