La séance est ouverte.
(La séance est ouverte à vingt et une heures trente.)
Cet après-midi, l'Assemblée a commencé d'entendre les orateurs inscrits dans la discussion générale.
La parole est à M. Yanick Paternotte.
Monsieur le président, monsieur le ministre chargé des transports, monsieur le rapporteur de la commission du développement durable et de l'aménagement du territoire, mes chers collègues, enfin, dans l'aérien, nous allons pouvoir concilier droit de grève et droit au travail, droit de grève et droit d'aller et venir, droit de grève et liberté de circulation des biens et des personnes !
Enfin ! Ce mot, ce sont des milliers d'usagers du transport aérien – français ou étrangers – qui doivent le prononcer aujourd'hui, alors que nous nous apprêtons à examiner ce texte relatif à l'organisation du service et à l'information des passagers dans les entreprises de transport aérien.
Enfin, peut-on également dire, car ce texte répond à d'urgentes nécessités, à commencer par celle de protéger les usagers. Après les images de la grève qui a paralysé l'aéroport de Roissy en décembre dernier, je crois qu'il n'est pas exagéré d'utiliser le terme d'« otages », même si, je le sais, certains ne manqueront pas de me le reprocher, pour décrire ce que vivent les clients – ou les usagers, diront certains – qui n'apprennent l'annulation de leur vol qu'une fois effectués les contrôles de sécurité et l'enregistrement de leurs bagages. Ces passagers ou clients n'étant pas certains de pouvoir récupérer leurs bagages ne savent pas, dès lors, s'ils doivent ou non quitter l'aéroport. Fait aggravant pour les passagers en transit, les grévistes choisissent, de préférence, les périodes de vacances.
Il devenait donc urgent de faire cesser cet état de fait qui, non seulement, empêche un grand nombre de personnes de travailler, mais prive également de nombreuses familles d'un départ en vacances serein et sécurisé. Des familles pour lesquelles ces voyages en avion représentent un coût non négligeable et qui, leurs billets en poche, se voient finalement contraintes soit d'annuler leurs vacances, soit d'attendre pendant des heures dans un hall d'aérogare, voire d'engager des frais imprévus pour se loger, se nourrir, s'occuper en attendant un hypothétique départ.
Ce qui donne une mauvaise image de la France et de ses entreprises ne manque pas, du même coup, de nuire à l'attractivité de notre pays. J'en viens ainsi à une autre nécessité, celle de préserver notre économie, donc l'emploi. Ne soyons pas naïfs : je le répète, de telles périodes de grève mettent à mal notre image et, par là même, notre économie et notre compétitivité.
Le droit de grève ne doit pas être un droit de blocage nuisant à l'image de nos aéroports ou de nos compagnies. Dans ma circonscription de Roissy-en-France, combien de fois ai-je entendu des voyageurs en provenance de Belgique, des Pays-Bas ou de Grande-Bretagne, pris ainsi en otage et scandalisés au point d'affirmer haut et fort qu'ils feraient tout, désormais, pour ne pas repasser par cet aéroport – car, je le rappelle, Roissy est en concurrence avec d'autres hubs européens sur les lignes de longue distance – ou par telle ou telle compagnie ?
Enfin, je citerai une troisième priorité, et non des moindres : préserver l'ordre public.
Après avoir évoqué ces trois urgences, je tiens à insister sur le fait que, même si cette proposition de loi déposée par Éric Diard arrive à point nommé, il ne s'agit pas pour autant d'un texte de circonstance. Contrairement à ce que prétendent certains, on ne l'a pas sortie d'un chapeau pour améliorer le paysage législatif ! En gestation depuis novembre dernier, cette proposition de loi n'a pu être inscrite à l'ordre du jour qu'au terme de six semaines, conformément aux dispositions de notre règlement. Elle s'inscrit, en toute logique, dans le prolongement de la loi du 21 août 2007 relative au service garanti dans les transports ferroviaires, un texte qui avait alors réussi le tour de force, ne l'oublions pas, de concilier droit de grève, alarme sociale, prévisibilité et information des voyageurs. J'ajouterais qu'aujourd'hui, la grande majorité des syndicats de la RATP et de la SNCF jugent excellente cette loi de 2007.
Ce qui marche dans le ferroviaire doit aussi fonctionner dans l'aérien, pour un meilleur confort des voyageurs, des clients – un confort qu'ils payent, ne l'oublions pas !
Ce texte, s'il a le mérite de répondre à une réelle attente de nos concitoyens, a également le mérite d'être équilibré. Il repose, en effet, sur trois piliers majeurs, comme l'a très bien expliqué Éric Diard tout à l'heure,…
Trois piliers nommés Mariani, Diard et Paternotte ! (Rires sur les bancs du groupe SRC.)
…des piliers qui se complètent et se consolident les uns les autres et ont été très justement précisés et clarifiés lors de nos travaux en commission du développement durable.
Ainsi, comme celui de 2007, ce texte est exempt du sentiment de fatalité, consistant à penser qu'une grève serait nécessaire au dialogue social. Mes chers collègues socialistes, j'ai relu tout à l'heure les débats et les travaux en commission relatifs à la loi de 2007…
…et une intervention m'a beaucoup marqué, celle du directeur général adjoint de la Régie des transports de Marseille. Celui-ci déclarait qu'au sein de la RTM, les préavis semblaient considérés par leurs auteurs comme une demande de dialogue avec la direction. Curieuse conception du dialogue social que celle consistant à déposer un préavis de grève avant de discuter !
…car la grève, lorsqu'elle survient, est toujours la marque de l'échec du dialogue social.
En outre, c'est un texte qui souligne le besoin de rétablir les valeurs de dialogue, de négociation, de médiation, de respect et surtout d'équilibre entre droit de grève et droit de circuler librement.
Il tend ainsi à rappeler que chacun, à la place qui est la sienne – entreprise, syndicat, personnel –, devra désormais savoir prendre ses responsabilités. Premièrement, les entreprises de transport aérien devront désormais instaurer, de manière concertée, un dispositif de dialogue social préventif à l'exercice du droit de grève, en ouvrant les négociations à toutes les organisations syndicales représentatives, et pas seulement aux organisations ayant déposé un préavis de grève – c'est l'article 2 adopté par la commission en sa nouvelle rédaction.
Deuxièmement, les entreprises devront également assurer une information fiable, vingt-quatre heures à l'avance, sur l'état réel du trafic. C'est là une réelle avancée pour les passagers, que je proposerai de modifier par amendement.
Troisièmement, enfin, les salariés auront l'obligation de déclarer, individuellement et de manière confidentielle, leur participation au mouvement de grève, quarante-huit heures à l'avance. Les salariés concernés par l'obligation individuelle sont ceux dont l'absence est de nature à affecter directement la réalisation des vols, c'est-à-dire ceux qui concourent à l'embarquement et au vol.
Comme je l'ai expliqué en commission, à l'avenir, un seul maillon de la chaîne ne doit plus être en mesure de bloquer toute la chaîne. Car, si le droit de grève est un droit fondamental, il en est un autre, tout aussi fondamental et reconnu par la Constitution, celui d'aller et de venir librement.
Je ne vous le cache pas, mes chers collègues, monsieur le ministre, j'aurais aimé que le champ de ce texte ne se limite pas au secteur de l'aérien, mais qu'il recouvre d'autres modes de transport. Qu'à cela ne tienne, nous le ferons ensemble lors de la prochaine législature !
Je pense notamment à la proposition de loi, que j'ai déposée en juillet dernier, visant à garantir un service minimum dans le transport ferroviaire de marchandises. Une excellente proposition de loi, monsieur le ministre,…
…mais je sais bien que l'on ne peut pas tout faire.
Dans un souci d'équilibre, j'ai déposé plusieurs amendements à la proposition d'Éric Diard. Ainsi, un amendement avant l'article 2 vise à rectifier deux ordonnances relatives au code des transports ; deux autres amendements après l'article 2 sont destinés à renforcer le droit des consommateurs en cas de non-respect des règlements européens relatifs aux droits des passagers, en particulier du transport aérien, afin de se mettre en conformité avec le droit européen – en l'occurrence, le règlement européen n° 1008 du 24 septembre 2008.
Pour l'heure, et pour l'ensemble des raisons évoquées précédemment, le groupe UMP soutient très vivement cette proposition de loi d'Éric Diard et votera tous les amendements qu'il estimera de nature à améliorer le texte. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, manifestement, le Gouvernement, l'UMP et le Président de la République sortant ont décidé d'organiser le débat sur cette proposition de loi dans le secret espoir de se refaire une santé électorale en exploitant un bon vieux filon, celui du mécontentement des usagers confrontés, dans leur vie quotidienne, à un mouvement de grève.
Pour mettre en scène ce débat, vous avez délibérément choisi de contourner la procédure parlementaire, de maltraiter le droit et, surtout, de prendre le risque insensé que cette proposition de loi soit elle-même à l'origine d'un mouvement de grève qui pénalisera les usagers.
Ce serait alors une brillante réussite à mettre à votre seul crédit, une performance inédite dans notre histoire parlementaire et politique ! Comment un texte ayant pour objet la réglementation du droit de grève peut-il échapper à l'examen de la commission des affaires sociales ?
C'est simple : par votre seule volonté majoritaire de distribuer ce texte à la commission du développement durable ! Cette affectation présente, pour vous, l'avantage d'éviter l'application du protocole de consultation des partenaires sociaux lorsque nous examinons une proposition de loi.
Pas du tout ! Nous parlons du transport aérien !
Il faut saluer votre détermination à bafouer les règles, voire le bon sens, pour parvenir à vos fins. L'objectif était clair : trouver une procédure qui ne s'embarrasse d'aucune consultation préalable, notamment des organisations syndicales. Ainsi fut fait.
Vous faites preuve d'une méconnaissance des règles de fonctionnement de notre assemblée !
J'ai pourtant tout expliqué tout à l'heure !
Votre procédé consiste d'abord, évidemment, à ne pas recourir à la formule du projet de loi, afin d'éviter la négociation préalable obligatoire prévue à l'article L. 1 du code du travail.
Cette procédure ne s'applique pas à la proposition de loi que nous examinons ! Vous faites une grave erreur juridique !
Ensuite, même dans le cadre choisi – celui d'une proposition de loi –, exclure la mise en oeuvre du protocole de consultation des partenaires sociaux. Ainsi fut fait.
Et nous voilà, à l'issue de cette procédure, avec, pour nourrir notre réflexion, un rapport dont la concision est tout aussi singulière que la procédure ayant conduit à son adoption.
C'est une honte de faire un rapport aussi indigent ! Une insulte au travail parlementaire !
Sur le fond, vous savez parfaitement que ce texte pose de sérieuses interrogations juridiques, notamment en termes de constitutionnalité.
Si la protection des usagers du transport aérien vous tient tellement à coeur, pourquoi les avoir exclus de la loi du 21 août 2007, dite du service minimum dans les transports ? Comment avez-vous pu abandonner ces malheureux pendant cinq ans, au point de ne vous intéresser à leur sort qu'à quelques semaines des élections ?
La réponse est simple : en 2007, vous avez estimé que les situations n'étaient pas comparables car, si les transports terrestres assurent bien une mission de service public, ce n'est pas le cas des transports aériens, à l'exception des lignes dites à obligation de service public ou des missions de sûreté, notamment sanitaires.
Votre proposition d'aujourd'hui concerne uniquement des entreprises privées dans le secteur concurrentiel, souvent en compétition entre elles et parfois avec des entreprises étrangères. C'est donc une grande première que de vouloir réglementer le droit de grève dans des entreprises privées.
Dans sa décision du 16 août 2007, le Conseil constitutionnel avait relevé que la reconnaissance du droit de grève ne saurait avoir pour effet de faire obstacle au pouvoir du législateur d'apporter à ce droit les limitations nécessaires en vue d'assurer la continuité du service public qui, tout comme le droit de grève, a le caractère d'un principe de valeur constitutionnelle.
Nous avons pris acte, comme il convient, de cette décision, mais vous aussi : il fallait donc trouver, pour suivre le raisonnement du Conseil, un principe constitutionnel de substitution pour habiller le raisonnement juridique. En effet, celui évoqué pour les transports terrestres n'était pas applicable en l'espèce, puisqu'il s'agissait de la continuité du service public.
J'ai suivi vos travaux avec intérêt. J'ai aussi observé que cette recherche a été un peu laborieuse : après avoir invoqué un temps le principe de la liberté du commerce et de l'industrie, vous avez finalement imaginé d'invoquer le principe de valeur constitutionnelle de sauvegarde de l'ordre public, de la sécurité et de la santé des personnes.
Je suppose que le rédacteur a été effrayé par sa propre découverte, au point de ne donner aucune explication sur l'adéquation de ce principe avec la question posée.
Faut-il rappeler, enfin, que la loi de 2007 visait expressément les entreprises chargées d'une mission de service public de transport terrestre à vocation non touristique ?
Le Conseil constitutionnel l'avait rappelé dans sa décision, de même que, à plusieurs reprises, M. Bertrand dans les débats, précisément – le travail juridique avait été fait – pour échapper à une éventuelle sanction du Conseil constitutionnel, puisqu'il serait difficile d'évoquer la continuité du service public dans le cas de ces entreprises.
Il y a donc un problème, puisqu'une grande partie de l'activité que vous visez concerne justement des déplacements à vocation touristique, c'est-à-dire étrangers dès l'origine à l'idée même d'un service minimum.
J'observe d'ailleurs qu'il n'y a pas de conflit sur ce point, puisque tous ceux qui sont intervenus jusqu'à présent pour soutenir ce texte ont évoqué les personnes qui se sont trouvées en difficulté du fait du mouvement social au moment de leur départ en vacances. Voilà qui éclairera sur vos intentions lors du futur contrôle de constitutionnalité.
Faut-il rappeler que le Conseil constitutionnel, dans sa décision du 16 août 2007, précisait que « l'obligation de déclaration préalable instituée par le présent article, qui ne saurait être étendue à l'ensemble des salariés, n'est opposable qu'aux seuls salariés dont la présence détermine directement l'offre de services » ?
Sur ce point aussi votre imagination pour essayer de contourner l'obstacle de cette exigence du Conseil constitutionnel méritera d'être portée à la connaissance de celui-ci. En effet, je vous rappelle que, pour l'essentiel, il s'agit ici de prestataires de services privés.
J'en viens à la seule question intéressante à ce stade : cette proposition de loi va-t-elle déclencher une grève ?
À l'origine de cette initiative, baroque sur le plan juridique mais explicite sur le plan politique, se trouve le mouvement de grève des agents de sécurité.
Ce mouvement était-il justifié ? En toute honnêteté, le rapporteur lui-même mentionne que « l'amélioration de la prévisibilité du service en cas de grève […] est inséparable d'une interrogation sur les conditions mêmes du travail des personnels des entreprises du transport aérien ».
Vous faites vous-même référence à l'excellent rapport de Didier Gonzales et Daniel Goldberg, qui nous alertait sur la situation de ces personnels.
Oui, la grève est toujours un échec du dialogue social. En l'espèce, comment ne pas constater l'absence de dialogue et de propositions des entreprises concernées – elles-mêmes, il est vrai, largement pressurisées par les donneurs d'ordre ?
La seule vraie réponse réside dans le dialogue social et dans des protocoles d'alarme sociale qui fixent un cadre et une méthode à la négociation. C'est d'ailleurs la position que l'UMP et le gouvernement de droite défendaient dans cette assemblée jusqu'en juillet 2006. Je tiens à votre disposition, monsieur le ministre, une déclaration de Dominique Perben, le 4 juillet 2006, qui, j'en suis sûr, vous intéressera beaucoup. Lors d'une audition réunissant les commissions des affaires sociales et des affaires économiques, on lui demanda s'il fallait une loi sur le service minimum, puisque le sujet était évoqué dans quelques documents de l'UMP. Sa réponse fut extraordinaire : il ne fallait surtout pas que le législateur intervienne, parce que des progrès tels avaient été faits à la SNCF et à la RATP que l'alarme sociale avait déjà réglé la question et qu'on ne ferait qu'envenimer les débats.
Autrement dit, votre fameuse loi sur le service minimum, c'est un peu la stratégie du coucou : vous êtes venus après coup recueillir le fruit de ce que l'alarme sociale et les partenaires sociaux avaient déjà réglé. Mme Idrac elle-même avait d'ailleurs demandé, à cette époque, que l'on n'intervienne pas.
On est donc aujourd'hui dans une situation compliquée. Vous avez réussi votre opération médiatique, puisque les médias ne parlent que de service minimum.
Pourtant, chacun ici, malgré nos désaccords, sait parfaitement qu'il n'en est rien.
Vous pensez que c'est un bon terrain pour vos intérêts politiques. Vous prenez aujourd'hui tous les risques en sachant parfaitement que la déclaration d'urgence ne va faire qu'attiser le conflit.
Une proposition de loi sur le droit de grève qui va déclencher une grève : c'est le paradoxe majeur, mais, après tout, c'est manifestement l'objectif que vous poursuivez.
Il n'existe aucun autre motif de grève aujourd'hui.
Ce qu'il dit est intéressant ! C'est la meilleure intervention depuis le début de la séance ! (Sourires.)
J'en termine, monsieur le président.
Si, dans quelques jours, à partir du 6 février, les avions sont cloués au sol et si les clients sont victimes de ce mouvement, les seuls responsables de cette situation seront le Président sortant et l'UMP, qui auront sacrifié l'intérêt général pour une médiocre opération politique. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
Et même tiré par les cheveux !
Vous, vous parlez de service minimum à la télévision et de service garanti ici !
Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, je ferai en sorte de redonner quelques minutes sur mon temps de parole pour que l'intervention de M. Vidalies ne pèse pas trop sur la durée de ce débat.
Je voudrais vous apporter un regard un peu particulier dans ce débat. En effet, je m'interroge sur la portée pratique de ce texte. Je voudrais faire à, cet égard, trois observations.
Pendant des années, j'ai été très actif pour que l'on aille, en ce qui concerne le service public du transport, vers un service minimum. J'ai d'abord oeuvré dans ce sens quand j'étais président de la RATP. Ensuite, en tant que député, j'ai déposé une proposition de loi. Enfin, avec le Gouvernement, et particulièrement Xavier Bertrand, nous sommes parvenus à établir une continuité du service public avec le service garanti, qui, contrairement à ce que l'on entend à propos de cette prétendue atteinte au droit de grève, s'est révélé utile. Cela fonctionne correctement et, je pense, sans que les syndicats se sentent en quoi que ce soit dessaisis de ce droit fondamental qu'est le droit de grève.
Il s'agissait là des services publics, que l'on pourrait élargir aux missions de service public sur le territoire national. Quoi qu'il en soit, je me félicite que nous soyons arrivés à ce résultat.
Nous sommes aujourd'hui dans une situation différente. Je me souviens – vous me permettrez quelques anecdotes –, lorsque j'ai quitté la présidence d'Air France, d'une ultime discussion avec le Premier ministre de l'époque, Lionel Jospin. Après que je lui eus expliqué et réexpliqué que la privatisation d'Air France était nécessaire, du fait de son activité, mais aussi d'une attente d'Alitalia et d'Iberia, qui étaient prêtes à intégrer le groupe Air France, mais qui exigeaient – malgré, s'agissant d'Alitalia, un gouvernement socialiste en Italie – que l'État ne soit plus propriétaire à 97 % d'Air France, le Premier ministre m'a dit : « Vous ne me ferez jamais croire qu'un service public ne puisse pas être compétitif sur le plan international. »
Pour moi, la conversation s'est alors arrêtée, de même, d'ailleurs, que mon activité à la tête d'Air France (Sourires),car il y avait là une incompréhension majeure de ce qu'est un service public et de ce qu'est le marché. Que l'on soit de droite ou de gauche, à vouloir confondre des choses aussi distinctes, on aboutit à des situations impossibles.
Ma deuxième observation concerne les aéroports. Qu'est-ce qu'un aéroport ? Certes, c'est un lieu de transit, mais c'est principalement un espace dans lequel se trouvent des compagnies aériennes internationales. Plus l'aéroport est important, plus le nombre de compagnies internationales l'est aussi. Outre ces compagnies, on y trouve aussi une multiplicité de services : c'est une chaîne, avec des complémentarités dans tous les sens impliquant de grosses entreprises de services comme de plus petites. Des centaines de sociétés très diverses fonctionnent dans un aéroport tel que celui de Roissy-Charles de Gaulle. Sans compter le fret, dont personne ne parle ici.
Il faut savoir que 50 % de la contenance des avions est utilisée par le fret.
C'est donc une affaire très complexe, qui implique un très grand nombre de sous-traitants.
Je ne sais pas très bien comment cette loi permettra de réguler des situations aussi complexes, avec des sociétés qui ne sont pas toutes françaises, loin s'en faut, et qui sont souvent simplement des filiales de sociétés internationales.
Ma troisième observation, qui découle de la première, est que la meilleure régulation pour les clients, c'est la concurrence. Pour les grandes compagnies, Air France, Lufthansa, British Airways et autres, c'est la régulation interne de la chaîne des métiers qui les composent qui permet leur bonne marche. Si on ne sait pas faire en sorte que les pilotes, les personnels au sol, les hôtesses et stewards, travaillent sur des objectifs communs, dans la cohésion et la cohérence, l'entreprise ne fonctionne pas. Or une entreprise n'existe que par rapport à ses clients et par rapport au service. Si toute l'entreprise est tendue vers le service et le client, il n'y a pas besoin d'anticipation de type réglementaire ou législatif.
Pour une entreprise qui ne fonctionne pas comme je le dis, la sanction, c'est la disparition. Pour toutes les petites sociétés qui sont autour, la question se pose certainement autrement, elle se pose d'abord à travers le contrat au sein des entreprises par rapport aux objectifs d'alarme sociale, ensuite à travers le contrat qui doit exister dans les appels d'offre entre Aéroport de Paris, Air France et les sociétés.
Je pense, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, que ce texte ne règle en rien les problèmes qui peuvent se poser et que vous voulez combattre. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, en juillet 2007, j'avais eu l'honneur d'être nommé rapporteur spécial en charge du projet de loi sur le dialogue social et la continuité du service public dans les transports terrestres réguliers de voyageurs.
Je crois donc avoir une certaine légitimité pour vous faire part de mon point de vue sur le texte de notre collègue Éric Diard.
Fort de l'expérience acquise avec l'application positive de la loi de 2007, il me semble que le moment de légiférer est propice dans ce domaine spécifique.
Premier point, et je m'en félicite, cette proposition de loi est mue par la volonté de développer le dialogue social. Je vais sans doute faire plaisir à nos collègues de l'opposition en disant que nous n'en faisons jamais assez en la matière.
En effet, lors des auditions préliminaires à la rédaction de la loi de 2007, j'avais été frappé par le manque de communication entre les différentes parties, chacune reportant sur 1'autre la responsabilité du déclenchement d'une grève ou d'un conflit.
En France, sans doute est-ce lié à notre histoire, nous avons tendance à préférer la confrontation à la négociation, à avoir recours à la grève plutôt que de nous asseoir autour d'une table pour essayer de trouver une solution par le haut. Le consensus à l'allemande nous paraît trop tiède.
Comme cette fluidité sociale n'est pas dans nos gènes, il est bon de la favoriser par la loi. C'est ce que nous avons fait en rendant obligatoire la signature d'accords-cadres organisant une procédure de prévention des conflits entre les entreprises de transports terrestres – et pas seulement à la SNCF et à la RATP – et les organisations syndicales.
Cette proposition de loi présente cependant une différence notable avec la loi de 2007. Comme le précisait notre rapporteur, le mécanisme de prévention des conflits ne peut être qu'incitatif puisqu'il ne s'agit pas de service public. La conclusion d'accords-cadres est donc ici rendue à la libre appréciation des partenaires sociaux. Il n'y a pas de caractère contraignant.
Pour ma part, je souhaite qu'ils se saisissent de ce nouveau dispositif afin de tenter d'éviter des arrêts de travail tels que ceux initiés en décembre dernier par les agents de sécurité aéroportuaires. Le recours à la grève doit demeurer l'arme ultime en cas de blocage.
La loi d'août 2007 a montré son efficacité en matière d'alarme et de dialogue social. Il n'y a guère de personnes voulant la remettre en cause. Même le candidat François Hollande ne semble pas envisager de détricoter ce texte s'il devenait Président de la République.
Pour ma part, je souhaiterais que, dans la rédaction du texte final, il soit fait mention de la désignation possible d'un médiateur par les parties au conflit. Nous avions introduit cette disposition en 2007 en vue de favoriser le règlement amiable de différends au sein de l'entreprise. J'ai déposé un amendement en ce sens.
Deuxième point, à côté du dialogue social, il est indispensable de prévoir la continuité du service. Dans la loi de 2007, nous avions concilié, pour ne pas dire réconcilié, deux principes constitutionnels : le respect intangible du droit de grève et la continuité du service public. Ici, tel n'est pas le cas, car les entreprises aériennes privées n'assurent pas une mission de service public, sauf pour quelques lignes.
Dans ce texte, le fondement juridique de la continuité du service repose sur la sauvegarde de l'ordre et de la sécurité publics.
En effet, comme l'a souligné notre rapporteur, un aéroport a un fonctionnement très particulier. Il accueille des milliers de personnes en transit, et toute grève s'inscrivant dans la durée peut avoir des conséquences graves pour les voyageurs – l'hébergement, la santé, ou l'accueil des très jeunes enfants.
L'idée de transposer la loi de 2007 en demandant aux salariés souhaitant faire grève de se déclarer quarante-huit heures à l'avance ne me semble pas attentatoire aux libertés fondamentales.
À l'époque déjà, je me souviens des débats houleux en commission et dans l'hémicycle autour de l'instauration de cette déclaration d'intention.
D'après nos collègues de gauche, ce dispositif était anticonstitutionnel et s'attaquait au droit de grève. Pourtant, au final, il a bien été validé par les neuf sages.
Je rappelle que cette déclaration est tout d'abord individuelle et qu'elle est confidentielle.
Seul l'employeur ou son représentant dispose de l'information. Comme dans les transports terrestres, il n'y aura pas de risque de fichage des salariés grévistes par l'employeur. Ce dernier risque, en effet, des sanctions en cas de non-respect de cette clause de confidentialité. Je peux rassurer les syndicats de ce secteur.
De plus, la portée d'application de la présente proposition de loi est plus restrictive que dans la loi de 2007 puisque seuls sont concernés les salariés « dont l'absence est de nature à affecter directement la réalisation des vols ».
La mise en place du système des déclarations a été l'un des éléments déterminants dans la réussite de l'organisation du trafic à la SNCF ou à la RATP. La fiabilité de l'information et les services assurés aux usagers en cas de grève ont été sensiblement améliorés. Il est désormais rare de voir des cohortes de voyageurs désoeuvrés sur un quai de gare un jour de grève.
Cependant, lors de la rédaction du rapport d'information sur la mise en application de la loi du 21 août 2007, j'ai pu constater, avec mon collègue socialiste Maxime Bono, qu'il pouvait y avoir des détournements de la loi contraires à son esprit et visant à désorganiser le service.
Ainsi, nous avons récemment recensé des grèves de courte durée, par exemple de cinquante-neuf minutes, ou encore des grèves tournantes. Autre technique parfois employée par certains : se déclarer gréviste pour ensuite se présenter afin de prendre son service.
Sur ce point précis, il me semble juridiquement difficile d'interdire à un gréviste déclaré de venir finalement travailler. Il faut en appeler au sens des responsabilités, qui demeure majoritaire chez les agents ou les salariés concernés.
Je pense que ce texte va dans le bon sens et qu'il est équilibré. Je le dis à mes collègues qui siègent sur les différents bancs de cet hémicycle, je crois que nous devons éviter la surenchère au risque de dénaturer le travail de notre collègue Diard et éviter d'entrer dans une opposition de principe stérile. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, quand j'entends le Gouvernement parler de service minimum,…
…quand j'entends le rapporteur, quand je vois les participants à ce débat, M. Bertrand tout à l'heure, M. Christian Blanc, M. Kossowski, j'ai l'impression de revenir près de cinq ans en arrière, au début de la législature.
On pourrait comprendre que cette majorité de droite, qui en cinq ans a tout raté, ait envie de refaire le quinquennat en reprenant du début. Malheureusement, elle ressort les mêmes rengaines et se met dans les mêmes ornières. L'UMP est prête à recommencer, à refaire les mêmes erreurs. L'UMP n'a rien compris.
Bien sûr, chacun ici va proclamer son attachement au dialogue social et à la démocratie sociale. Le dernier avatar en date est le dernier sommet social de la semaine dernière, du 18 janvier, organisé par le Président de la République sortant. Mais la réalité est bien différente des annonces, car qu'est-il sorti de ce fameux sommet social ?
Non, c'est le sujet.
On a annoncé mille contrats à durée déterminée pour Pôle emploi quand on en a supprimé 1 800 l'an dernier, 1 million d'euros pour le chômage partiel, cela fera 600 millions, alors que l'Allemagne dépense…
On a annoncé 1 million d'euros quand l'Allemagne consacre 6 milliards au même chômage partiel, des contrats zéro charges pour des emplois de jeunes dans certaines entreprises alors que cela existe déjà, mais rien sur le financement de la protection sociale alors que le Président sortant a annoncé un projet de loi sur la TVA sociale, rien sur les contrats de compétitivité emploi alors que le même Président sortant a communiqué abondamment sur ce sujet et qu'un projet de loi est annoncé. Le Président sortant réunit les partenaires sociaux, ne leur dit rien, ne les écoute pas, et c'est ce qu'il appelle « dialogue social » ?
Ce n'est pas caricatural !
L'article L. 1 du code du travail, qui a été évoqué en janvier 2007, stipule que « Tout projet de réforme envisagé par le Gouvernement qui porte sur les relations individuelles et collectives du travail, l'emploi, la formation professionnelle et qui relève du champ de la négociation nationale interprofessionnelle fait l'objet d'une concertation préalable avec les organisations syndicales de salariés et d'employeurs […] en vue de l'ouverture éventuelle d'une telle négociation. »
Voilà pourquoi l'UMP a recours à une proposition de loi et non pas à un projet de loi pour contourner l'obstacle.
Il se trouve que la commission des affaires sociales a élaboré et adopté un protocole relatif à la consultation des partenaires sociaux sur les propositions de loi dans le champ décrit à l'article L. 1 du code du travail. Qu'à cela ne tienne ! Il suffit d'envoyer la proposition de loi à la commission du développement durable.
La commission des affaires sociales est contournée, et le protocole ne s'applique pas.
Dans une proposition de loi, que j'ai eu l'honneur de présenter devant cette assemblée en juin 2010 et qui a été votée à l'unanimité moins deux voix – l'UMP l'avait à l'époque adoptée –, je proposais qu'avant leur examen en commission en première lecture, les propositions de loi qui entrent dans le champ défini au premier alinéa de l'article L. 1 du code du travail fassent également l'objet d'une concertation préalable. Cette proposition de loi n'a pas encore été définitivement adoptée mais, quand même, votre intention à l'époque avait été claire : vous souhaitiez que les propositions de loi soient soumises au même dispositif de concertation que les projets de loi, en vertu de l'article L. 1 du code du travail.
Mon cher Remiller, je vois que vous me suivez.
Et donc la commission des affaires sociales aurait pu se saisir pour avis, aurait dû se saisir pour avis.
Elle aurait dû se saisir pour avis de cette proposition de loi parce que, tout de même, celle-ci traite du droit de grève. Elle ne l'a pas fait, justement pour faire échec à son propre protocole. Cela fait gagner du temps mais ce contournement des procédures est particulièrement inadmissible.
Non, parce que l'article L. 1 ne s'applique pas !
Vous n'avez pas suivi le raisonnement, je vous le répéterai tout à l'heure, et je pense que le protocole de la commission des affaires sociales s'applique.
Il est, d'ailleurs, tout à fait paradoxal que vous ayez recouru à ce subterfuge pour une proposition de lui qui est censée encourager le dialogue social. En réalité, tout le monde l'a compris, il s'agit d'un passage en force préélectoral et d'un acte de mépris pur et simple pour le dialogue social.
Le lien avec la campagne électorale est évident, le projet de loi de 2007 avait été élaboré et voté dans la foulée de la compagne présidentielle. L'engagement avait été pris sur un service minimum, qui n'a d'ailleurs pas été instauré. Il s'est agi, à l'époque, d'encadrer l'exercice du droit de grève dans le service public des transports terrestres réguliers de voyageurs.
Un débat, vous vous en souvenez peut-être, avait eu lieu également dans cet hémicycle, le 28 janvier 2010, sur la mise en oeuvre du soi-disant service minimum dans les transports. Ce débat se tenait à l'approche des élections régionales de mars 2010. Le Gouvernement et sa majorité voulaient sans doute montrer qu'ils s'intéressaient à une des compétences des régions, à savoir le transport ferroviaire de voyageurs. Ce débat avait d'ailleurs permis à notre collègue Vidalies de rappeler que la loi du 21 août 2007 n'est pas une loi sur le service minimum mais bien une loi sur l'organisation optimale du service avec des personnels non grévistes.
Ce débat avait également mis en évidence un aspect non voulu du dispositif : l'effet perturbateur lorsque des salariés se déclarent grévistes quarante-huit heures à l'avance et, finalement, renoncent au dernier moment à faire grève. Le service est réduit, le taux de grévistes réel infime. Beau résultat ! C'est la méthode utilisée récemment par les cheminots rhône-alpains. Rien ne sert de s'en indigner, chers collègues de l'UMP, ils n'ont fait qu'utiliser le dispositif que vous avez voté en 2007. Nous vous avions prévenus à l'époque.
M. Kossowski s'en souvient.
Je rappelle enfin, pour boucler mon raisonnement sur la concertation préalable et la négociation sociale, que lors de l'examen du projet de loi en juillet 2007, tous les syndicats que nous avions consultés, M. Kossowski s'en souvient, avait souligné le caractère inutile et dangereux du dispositif proposé ainsi que les risques qu'il faisait peser sur l'exercice du droit de grève sans pour autant créer les conditions d'un meilleur dialogue social ni d'une meilleure prévention des conflits.
Parmi les dizaines de mesures diverses, toutes plus spectaculaires les unes que les autres que le Président sortant met en débat chaque jour pour essayer d'échapper aux sondages,…
…voici aujourd'hui, portée par M. Diard, cette proposition de loi relative à l'organisation du service et à l'information des passagers dans les entreprises de transports aériens de passagers.
Il est un peu bizarre d'informer les passagers dans les entreprises, et la confusion du titre ne fait que refléter – cela ne surprendra personne – la confusion de votre pensée.
La presse a présenté la démarche à sa façon : selon Les Échos, « le Gouvernement veut profiter des grèves dans l'aérien pour y imposer le service minimum ». Profiter, c'est sûr ; service minimum, bien sûr que non : parlons plutôt de limitation abusive du droit de grève.
Un autre organe de presse, Le Monde, rapportait dans son édition du 24 décembre 2011, à propos de la grève « des agents de sûreté aéroportuaire, employés par des entreprises privées », le discours habituel du Gouvernement sur les grévistes qui prendraient en otage les usagers, soulignant qu'en remplaçant des grévistes par des policiers en l'absence d'atteinte à l'ordre public, le Gouvernement portait atteinte au droit de grève. « Quand le droit de grève est pris en otage », tel était le titre de l'éditorial du journal, qui concluait en suggérant que le Gouvernement ferait mieux d'imposer le dialogue social.
Cela dit, en voulant étendre à des entreprises privées non chargées d'une mission de service public, y compris à celles oeuvrant à la périphérie du transport lui-même, le dispositif prévu en 2007 pour assurer la continuité du service public dans les transports terrestres de voyageurs, vous prenez un risque constitutionnel.
Je me contenterai de rappeler un seul considérant du Conseil constitutionnel, dans sa décision du 16 août 2007 sur le projet de loi qui allait devenir la loi du 21 août 2007 : « Considérant que l'obligation de déclaration préalable instituée par le présent projet de loi, qui ne saurait être étendue à l'ensemble des salariés, n'est opposable qu'aux seuls salariés dont la présence détermine directement l'offre de service ».
Vous avez, enfin, choisi d'utiliser la procédure accélérée sur ce texte. C'est étrange pour une proposition de loi dont vous nous avez rappelé qu'elle avait été déposée en novembre et que vous aviez tout le temps d'inscrire à l'ordre du jour sans risquer de déclencher des conflits. Maintenant, il y a urgence. C'est une pure provocation ! Vous utilisez la stratégie de la tension et jouez avec le feu, car vous savez parfaitement qu'un préavis a été déposé pour début février dans les transports aériens.
En réalité, vous voulez attaquer, une fois de plus, le droit de grève, en prenant les usagers en otage, en les embarquant dans votre galère électorale et poujadiste. La formule utilisée par Mme Jouanno sur LCI, le 19 décembre dernier, est éclairante : « Faire grève pour faire pression sur des négociations, il n'y a qu'en France qu'on voit ça ! » Mais madame Jouanno, chère collègue sénatrice, la grève sert précisément à cela : faire pression pour ouvrir des négociations et obtenir des améliorations de ses conditions de travail et de sa rémunération !
Évidemment, vous qui vivez dans vos châteaux, vous ignorez ces choses-là ! (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Les salariés, eux, savent ce que leur coûte le recours à la grève…
… et ils ne la font pas par plaisir. Au lieu de vous attaquer aux grévistes et à leurs droits, vous feriez mieux de vous intéresser aux causes de la grève, c'est-à-dire aux conditions de vie et de travail des salariés. Mais, manifestement, ce n'est pas votre souci. Là aussi, le changement est nécessaire, le changement maintenant ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, si nous débattons ce soir d'un texte obligeant les salariés grévistes à se déclarer quarante-huit heures à l'avance, ce n'est pas pour attenter au droit de grève mais simplement pour éviter qu'il ne soit déconsidéré. (Exclamations et rires sur les bancs du groupe SRC.) Car ce qui est une atteinte au droit de grève, c'est l'abus de grèves, qui désorganise le service rendu aux passagers, tout aussi légitimes dans leur droit à circuler.
Cette répétition de grèves lors des départs en vacances, jours où il est déjà difficile de se déplacer, témoigne d'un mépris rare vis-à-vis de ceux que l'on prive ainsi de jours de congés qui sont aussi des droits acquis. Trop souvent, ces grèves compromettent l'équilibre de la vie privée en empêchant des rapprochements familiaux pour des familles éloignées ou des enfants de parents divorcés, ou en amputant d'un tiers ou de moitié des semaines de location payées. Le droit de grève n'est pas un droit du mépris envers d'autres salariés !
Ce texte a le mérite de proposer un peu d'ordre, pour éviter les heures ou les nuits d'attente inconfortables dans nos aéroports, qui donnent une image catastrophique de notre pays au monde entier.
Il doit donc être soutenu. Pour autant, il ne me paraît pas suffisant. Déjà en 2007, lors du débat sur le texte concernant le service garanti dans les transports terrestres, j'avais déposé des amendements pour l'étendre au transport aérien. Je n'avais pas été suivi à l'époque, je ne peux donc que me réjouir aujourd'hui, quatre ans et demi plus tard, de l'être d'une certaine manière.
J'avais également déposé des amendements visant à empêcher la grève les jours de départs en vacances, afin de respecter ce qui est aussi un droit constitutionnel : la liberté de circulation. Je n'avais pas été suivi alors, pas plus que je ne le serai ce soir, mais c'est une question de temps…
J'ai récidivé avec une proposition de loi cosignée par quarante-deux de nos collègues, dont je ne doute pas que, tôt ou tard, elle s'imposera à tous.
Je suis d'ailleurs heureux de constater que les esprits évoluent. Le syndicat majoritaire des pilotes de ligne vient de déclarer qu'il n'y était pas hostile, car elle avait le mérite de la clarté. « Au moins, c'est clair, et ça nous laisse les autres jours pour déposer des préavis », a déclaré le vice-président du syndicat.
La levée de boucliers hypocrite de certains syndicats et élus de gauche n'a guère de fondement. L'Italie a adopté depuis bien longtemps de telles mesures, dans deux lois de 1990 et 2000, et nul ne considère qu'elle a bafoué le droit de grève, sinon l'Union européenne serait intervenue, comme elle le fait aujourd'hui en Hongrie, pour des textes nationaux qui peuvent être liberticides.
Ainsi, en Italie, les voyageurs savent qu'ils pourront voyager librement du 10 au 20 août, du 23 décembre au 7 janvier, mais aussi les cinq jours qui précèdent et les trois jours qui suivent Pâques ainsi qu'au moment des consultations électorales.
Qu'est-ce qui interdit à la France de s'inspirer de ce qui est une réussite en Italie ? Les syndicalistes italiens défendent-ils moins bien les salariés que leurs homologues français ? Le droit de grève en Italie est-il remis en cause ? Non, bien évidemment, mais les salariés en grève y ont une attitude responsable, et les usagers respectent leurs revendications, qui ne les oppriment pas inutilement. Je voterai donc ce qui est à mes yeux le minimum du service minimum,…
…en espérant mieux pour le prochain quinquennat, qui ne se déroulera pas, je l'espère, sous une autre majorité.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l'examen du texte portant organisation du service et information des passagers dans les entreprises de transport aérien de passagers ne peut constituer pour nous une surprise, puisque nous y avions été préparés par l'instrumentalisation de la grève des agents de sûreté à laquelle s'est livré Nicolas Sarkozy. À l'approche des fêtes de fin d'année, ne déclarait-il pas : « L'année 2011 a été rude pour les Français, et nous ne pouvons pas accepter que qui que ce soit soit pris en otage au moment de partir en vacances » ?
Nous y avions également été préparés par la descente en force à Roissy d'une délégation gouvernementale, que vous dirigiez, monsieur le ministre, accompagné de Nathalie Kosciusko-Morizet et de Claude Guéant qui déclarait : « Il ne s'agit pas de casser la grève, mais d'assurer la continuité du service public », en référence à la décision qui venait d'être prise de faire appel à des policiers et gendarmes pour assurer la continuité du service.
Marquer les esprits en cassant cette grève, tel était bien l'objectif qui était poursuivi car, de mémoire de syndicaliste, le recours à la police pour remplacer des grévistes est inédit en France. Est-il utile de rappeler que, lors des grandes grèves des années cinquante dans les transports, c'est l'armée qui avait été mobilisée pour transporter les passagers, comme elle a régulièrement été sollicitée lors des grandes grèves d'éboueurs.
Ce conflit, nous le constatons aujourd'hui, a constitué une belle opportunité pour tous ceux qui, dans la majorité, attendaient l'arme aux pieds que l'on débatte de la mise en place de ce qui pourrait ressembler à un service minimum dans les transports aériens. Plusieurs propositions de loi n'ont-elles pas déjà été déposées auprès de nos assemblées parlementaires, l'une par Catherine Procaccia au Sénat, l'autre par notre collègue Lionnel Luca ?
Pour justifier sa proposition de loi, notre rapporteur invoque la sauvegarde de l'ordre public, de la sécurité et de la santé des personnes, puisque, par exemple, sur la plateforme aéroportuaire de Roissy-Charles de Gaulle, 60 % des passagers effectuent des vols en correspondance, ce qui peut, en cas de mouvement de grève important, créer des troubles, dans la mesure où les capacités d'hébergement ne permettraient pas de répondre aux besoins.
Cette justification, nous ne pouvons l'entendre, d'une part, parce que, contrairement à ce que l'on veut nous faire croire, la conflictualité dans le secteur du transport aérien de voyageurs s'est sensiblement réduite au cours des dernières années, d'autre part, parce que la convention collective régissant les salariés des sociétés de sûreté aérienne, qui exercent une mission de service public, les oblige à déposer un préavis de grève cinq jours avant le début du mouvement.
Nous sommes nombreux à penser que ce dernier conflit, celui de décembre 2011, dont le Gouvernement a fait une opération de communication, aurait pu être évité. En effet, c'est le groupe socialiste qui, alerté par les organisations syndicales, a demandé, il y a déjà plusieurs mois, au président de la commission du développement durable – que je remercie ici – de créer une mission d'information sur la sûreté aérienne et aéroportuaire, laquelle fut confiée à nos collègues Daniel Goldberg et Didier Gonzales.
Leur travail est riche d'enseignements sur les conditions de travail des agents de sûreté : « Les agents de sûreté, écrivent-ils, ont une trop faible maîtrise de leur temps et donc de leur vie privée, travaillant en horaires décalés, y compris les dimanches et les week-ends, voyant leurs plannings changer trop souvent, sans compter les retards d'avions qui les obligent à rester sur la plate-forme. Ils doivent exercer leur activité debout, tout en étant contraints à de nombreuses flexions imposées par les contrôles. Ils se heurtent trop souvent à l'incompréhension des passagers inspectés, la réglementation retenue en 2006 pour l'import de liquides ayant, par exemple, fréquemment engendré des situations de conflit. »
Des rapporteurs qui n'hésitent pas à demander que les personnels de la sûreté aérienne bénéficient d'avantages comparables à ceux des autres personnels aéroportuaires, à tout le moins l'accès aux restaurants d'entreprises, des locaux corrects, ainsi qu'une participation accrue des employeurs aux déplacements domicile-travail.
Nous le voyons bien, ces salariés, au-delà de leur niveau de rémunération – 1 300 euros nets avec sept ans d'ancienneté –, avaient de bonnes raisons de déposer un préavis de grève, afin d'exiger une véritable négociation avec leurs employeurs, que le délai d'au moins cinq jours, s'ils en avaient eu la réelle volonté, aurait dû conduire à un accord.
S'il est un constat qui s'impose à nous, c'est qu'aujourd'hui le dialogue social est en déshérence et que cela pousse certains, au travers d'un texte comme celui qui nous est soumis ce soir, à porter atteinte sans hésiter au droit de grève. En effet, les dispositions proposées conduisent, afin d'éviter la paralysie du transport aérien, à obliger les salariés dont l'absence est de nature à affecter directement la réalisation des vols, à informer, au plus tard quarante-huit heures avant le début de chaque journée de grève, le chef d'entreprise de leur intention d'y participer.
Ces dispositions concernent principalement des salariés d'entreprises privées, qui n'ont, à ce jour, aucun préavis de grève à respecter, n'étant soumis en la matière qu'au code du travail. En s'engageant dans cette voie, nous risquons de créer un grave précédent, puisque nous encadrerons le droit de grève par une déclaration individuelle préalable au conflit, ce qui constituerait une première dans le secteur privé.
D'ailleurs, notre rapporteur, qui a compris que le principe de continuité du service ne pouvait être utilisé pour encadrer le droit de grève, invoque le principe de liberté de circulation, que le Conseil constitutionnel ne retiendra très certainement pas, dans la mesure où le transport aérien est en concurrence sur toutes les dessertes avec d'autres modes de transport tandis qu'à l'intérieur même de l'aérien plusieurs compagnies assurent les mêmes lignes.
Pour nous, plutôt qu'un encadrement du droit de grève, le récent conflit dans les aéroports appelle à un renouveau du dialogue social. C'est pourquoi, avec les membres du groupe SRC, je voterai contre ce texte. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je suis très heureux que cette proposition de loi, que nous avons été très nombreux à cosigner, soit examinée avant la fin de cette législature.
Je ne reviendrai pas sur les diverses mesures qui ont été déjà largement expliquées et commentées, mais je veux juste évoquer deux points qui me tiennent à coeur.
Tout d'abord, nous assistons de plus en plus souvent à des tentatives de détournement de la loi du 21 août 2007 sur le dialogue social et la continuité du service public dans les transports terrestres.
Ce texte a permis d'importants progrès dans la mise en place, en situation perturbée, de plans de transport garantis et fiabilisés ainsi que dans l'information des voyageurs. Mais l'usage des « déclarations individuelles d'intention », qui constituent l'un des éléments clefs du dispositif de la loi est trop souvent dévoyé.
En effet, en déposant des déclarations individuelles d'intention de participer à la grève sans les faire suivre d'effet les jours concernés – souvent d'ailleurs pour suivre des « consignes syndicales » rendues publiques dans la presse –, les agents enlèvent en pratique une grande partie de son efficacité au dispositif de déclaration individuelle d'intention, surtout lorsque cette pratique revêt un caractère collectif et répétitif. L'entreprise dimensionne son plan de transport en fonction du nombre de déclarations reçues : ceci conditionne à la fois la fiabilité de son plan de transport mais aussi la qualité de l'information des passagers.
Si les salariés renoncent à faire grève au dernier moment, l'employeur n'est plus capable d'adapter le plan de transport en conséquence.
Le seul moyen de conserver son efficacité au dispositif de la déclaration préalable tout en continuant à permettre au salarié de changer d'avis est de compléter les dispositions actuelles par l'obligation pour le salarié qui change d'avis d'en informer l'employeur au moins vingt-quatre heures avant la prise de son service, afin de permettre à l'entreprise de prévoir l'affectation de ce salarié et d'adapter son plan de transport.
De même, le délai de vingt-quatre heures s'appliquerait également lors de la reprise du travail par un salarié gréviste.
C'est pourquoi nous avons déposé, avec mes collègues Yves Nicolin, François Rochebloine et Yanick Paternotte, un amendement en ce sens qui, sans remettre en cause le droit de grève, permettrait à l'entreprise d'informer au mieux ses usagers et ses clients.
Par ailleurs, le texte initial n'aborde pas le problème des grèves dans le domaine du contrôle aérien alors qu'elles affectent fortement le trafic et les passagers, sans qu'il soit possible de prévoir le niveau de service offert durant la grève, ce qui entraîne soit l'annulation des vols, comme à Lille les 17 et 18 janvier derniers, soit des perturbations importantes dans les aérogares lorsque beaucoup de passagers sont affectés.
Avec Jean-Pierre Decool, nous vous proposerons un amendement afin que la déclaration préalable de quarante-huit heures permette de mieux adapter la quantité de vols au nombre de contrôleurs présents et de fournir ainsi une information anticipée aux compagnies aériennes et aux voyageurs.
Le droit de grève ne doit pas être prétexte à une prise en otage de nos concitoyens, qu'ils partent en vacances ou se déplacent pour des raisons professionnelles. Je voterai, par conséquent, ce texte très attendu par nos concitoyens. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous examinons ce soir, à l'initiative de nos collègues UMP, une proposition de loi relative à l'organisation du service et à l'information des passagers dans les entreprises de transport aérien de passagers. Mes collègues l'ont souligné à l'instant, le titre est en effet quelque peu compliqué.
Cette proposition de loi d'opportunité a été déposée sur le bureau de notre assemblée le 22 novembre dernier et a été en partie réécrite…
…puis examinée en commission le 11 janvier. Monsieur le rapporteur, décidément jusqu'au terme de cette XIIIe législature, vous resterez fidèle au mode de fonctionnement du sarkozysme qui est toujours le même : un énième texte qui vient répondre à des faits d'actualité. Encore une fois, la réflexion et le travail de fond vont échapper à la représentation nationale.
J'en veux pour preuve l'absence de saisine pour avis de la commission des affaires sociales, compétente sur la question du dialogue social dans les entreprises.
Vous me répondrez que ce texte a été déposé avant le mouvement de décembre dernier…
…mais si nous en débattons ce soir, c'est bien suite à l'injonction du Président de la République, en réponse au dernier mouvement social que vous n'avez su ni anticiper ni gérer. Les conditions de travail des agents de sûreté, qui sont d'une terrible précarité, ne pouvaient qu'entraîner un conflit à plus ou moins long terme.
Une nouvelle fois, vous souhaitez imposer un texte sans dialogue social préalable, ni avec les organisations syndicales de la profession ni avec le Conseil supérieur de l'aviation civile. La question de la sûreté aéroportuaire mérite beaucoup mieux qu'une simple annonce médiatique sur la mise en place d'un dispositif anti-grève dans le transport aérien.
Sur le fond, vous essayez assez maladroitement de calquer le dispositif de la loi de 2007 relative aux transports terrestres alors qu'elle ne s'inscrit pas dans le même cadre juridique puisque le transport aérien ne fait pas l'objet d'une obligation de service public.
Vous ne pouvez donc pas mettre en parallèle une obligation de service public, qui n'existe dans le transport aérien que pour la desserte de l'outre-mer, et la liberté d'entreprendre, d'aller et venir.
De plus, la loi de 2007 n'a fait que traduire dans le droit un dispositif d'alarme préventif qui avait déjà été négocié dans les entreprises de transport terrestre, à l'image de la RATP.
Nous ne sommes dupes de rien, l'objectif réel et unique de ce texte est de limiter la grève dans le transport aérien en créant cette déclaration individuelle préalable à la grève quarante-huit heures à l'avance. Vous tentez ainsi de remettre en cause la dimension collective du droit de grève.
Faute de service public dans le secteur du contrôle des passagers, le principe de continuité du service public ne peut être utilisé pour encadrer le droit de grève. Mais puisque vous voulez transposer à tout prix la loi de 2007, allez jusqu'au bout de votre logique en prenant une mesure très simple : confiez l'ensemble du secteur des contrôles des passagers à des agents publics, vous pourrez alors librement leur appliquer les règles du secteur public.
Comme mon collègue Daniel Golberg l'a rappelé, le groupe socialiste, radical, citoyens et divers gauche s'oppose à cette déclaration individuelle qui remet en cause le droit de grève, mais nous sommes favorables au dispositif préventif de l'alarme sociale, qui aurait mérité de faire l'objet d'une discussion préalable avec les organisations syndicales compétentes.
En 2007, vous adaptiez le droit de grève dans le service public ; aujourd'hui, vous vous attaquez à des services privés ; demain, vous en viendrez, nous n'en doutons pas, à toute la sphère privée, voire, dans quelques années, à l'interdiction pure et simple du droit de grève dans notre pays.
M. Blanc l'a dit tout à l'heure, cette proposition ne règle rien, mais elle est hasardeuse sur la forme et détestable sur le fond. Aussi la rejetterons-nous en bloc. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, cette proposition de loi représente une seconde étape après la loi de 2007 puisqu'il s'agit d'instituer dans le transport aérien une continuité du service ainsi qu'une meilleure prévisibilité des conflits sociaux.
Loin de constituer une atteinte au droit de grève, inaliénable et constitutionnel, ce texte a pour objectif de maintenir l'ordre public, de protéger les personnes en transit et de leur offrir un droit d'information quant à l'état du trafic et des mouvements de grève.
Concrètement, il s'agit d'instaurer au sein des entreprises de transport aérien de passagers un dispositif de dialogue social préventif à l'exercice du droit de grève, assorti d'une obligation de déclaration individuelle et confidentielle de participation au mouvement de grève quarante-huit heures à l'avance. Ce délai permettra d'informer les voyageurs en temps utile pour qu'ils puissent s'organiser et prendre leurs dispositions. Il est parfaitement légitime qu'en cas de perturbation du trafic, les passagers soient avertis par l'entreprise de transport concernée.
Il ne s'agit pas de juger le bien-fondé d'un mouvement de grève ou la pertinence des motivations des grévistes, mais de créer un droit de sécurité et d'information aux passagers. L'application de ce texte permettrait de prévenir les passagers en amont cependant qu'un dialogue social préalable au mouvement pourrait favoriser une sortie de crise. On le voit, la proposition de loi joue la carte du dialogue et de l'apaisement. Elle permettra d'éviter d'abord les grèves en incitant les employeurs et les organisations syndicales à conclure des accords-cadres de prévention des conflits, ensuite de paralyser le transport aérien, enfin de laisser les passagers sans information.
Depuis 2007, dans les transports terrestres et ferroviaires, la prévisibilité et l'information des voyageurs sont devenues des réalités, dans le respect du droit de grève, ce qui est aujourd'hui salué par la grande majorité des syndicats de la RATP et de la SNCF qui jugent ces dispositions excellentes.
Inculquer la culture du dialogue social et de la prévention des conflits au secteur aérien tout en respectant le droit de grève, tel est l'objectif de cette proposition de loi qui va dans l'intérêt des voyageurs, des personnels, et des entreprises.
C'est un succès pour le secteur aérien. Je m'en réjouis, mais en qualité de député insulaire, je voudrais élargir le débat au transport maritime qui, pour les îles en général et pour la Corse en particulier, est crucial.
Ne pouvant compter sur l'intermodalité des transports, la Corse est dépendante, tant pour les flux de population, d'approvisionnement, que pour le transport de marchandises, du trafic maritime. Les perturbations de ce dernier portent atteinte au dispositif de continuité territoriale instauré en 1976 pour compenser les handicaps liés à l'insularité. Pour tous les habitants de Corse et ceux qui veulent s'y rendre, la route et le rail, c'est la voie maritime !
Je défendrai aujourd'hui une série d'amendements visant à étendre ces dispositions ainsi que la continuité du service régulier aux entreprises de transport maritime, afin d'offrir un cadre élargi et général à la problématique des transports dans notre pays. Concrètement, il s'agit, à l'instar de ce qui se passe dans les entreprises de transport terrestre, de favoriser les négociations entre employeurs et syndicats des entreprises de transport maritime pour parvenir à un accord-cadre organisant une procédure de prévention des conflits et tendant à développer le dialogue social.
Est-il préférable de privilégier aujourd'hui les sanctions financières qui fragilisent l'entreprise et donc l'emploi alors que tous en seront les victimes, sans compter les usagers et les entreprises dont le préjudice n'est jamais évalué ?
La question du transport maritime doit, dès aujourd'hui, être traitée. Il n'y a plus de temps à perdre ! Il en va de l'intérêt de notre économie, si dépendante des liaisons maritimes, et du respect du principe de continuité territoriale, qui consacre la libre circulation entre la Corse et le continent.
Je vous sais, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, attentifs à cette question. Aussi soutiendrai-je trois amendements. Je considère que la continuité territoriale n'existe que si la continuité du service public est garantie. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
La discussion générale est close.
La parole est à M. Thierry Mariani, ministre chargé des transports.
Mme Kosciusko-Morizet et M. Bertrand l'ont dit, cette proposition de loi est un texte indispensable qui répond à la demande et aux préoccupations de nos concitoyens. Il s'agit d'organiser et de reconnaître le droit à une information fiable et précise des passagers du transport aérien. Il s'agit bien d'un service garanti et non d'un service minimum, comme l'a répété M. le rapporteur, que je remercie pour l'important travail qu'il a fourni et les vingt heures de consultations qu'il a menées.
Monsieur Goldberg, cette proposition, comme l'a démontré M. Grouard, n'est en rien un texte de circonstance et n'a aucun lien avec le récent conflit qui a affecté la sûreté aéroportuaire.
En témoigne la date de dépôt de la proposition de M. Diard – le 22 novembre –, le conflit des agents de sûreté aéroportuaires ayant démarré en décembre.
Monsieur Chanteguet, je partage vos préoccupations relatives aux conditions de travail des personnels chargés des missions de sûreté.
Monsieur Vidalies, ce projet n'est pas une mise en scène pour contourner le droit, notamment le droit de grève auquel je suis, comme tous les membres de cet hémicycle, particulièrement attaché. Seulement, il est facile parfois de prendre une posture pour défendre une situation qui n'est absolument pas menacée.
Je voudrais encore dire à M. Goldberg qu'il ne s'agit pas de dupliquer à l'identique le dispositif de la loi de 2007 ni de mettre en place un service minimum dans les transports aériens, comme l'a clairement rappelé M. de Courson. Il ne s'agit pas davantage de soumettre à l'obligation de déclaration individuelle d'intention l'ensemble des salariés du champ du transport aérien mais seulement ceux dont l'absence serait de nature à affecter directement la réalisation des vols, comme l'a précisé M. Kossowski.
Nous n'avons pas non plus l'intention d'entraver le droit de grève mais, au contraire, d'accorder la primauté au dialogue social et à la prévention des conflits, répondant ainsi à la préoccupation de M. Mallot et de Mme Reynaud.
Je rassure M. Gosnat, l'objectif de ce texte n'est pas de porter le discrédit sur les organisations syndicales ni d'opposer les salariés aux passagers du transport aérien, encore moins de réformer les règles relatives à la réquisition.
À l'intention de M. Vergnier, j'indique que ce n'est pas là un texte de circonstance lié à un quelconque conflit. Vous connaissez tous la problématique du transport aérien. Mme la ministre a d'ailleurs donné des chiffres qui reflètent la situation.
Monsieur Blanc, j'ai entendu vos déclarations relatives au contrat entre les acteurs économiques, au contrat entre les entreprises et leurs salariés mais je crois aussi au respect du contrat entre un transporteur aérien et son client.
Cette proposition de loi, nous le savons tous, n'empêchera en aucun cas les personnels concourant à l'activité des transports aériens de faire grève pour porter leurs revendications, les députés de la majorité l'ont rappelé à de nombreuses reprises. En revanche, leurs déclarations, comme vous l'avez souligné aussi, permettront aux entreprises de connaître à l'avance l'état de leur effectif pour organiser les plannings de vol et, aux passagers, de savoir enfin, la veille de leur départ, si leur vol est assuré.
Il est légitime, comme l'ont dit M. Paternotte et M. Luca, de chercher à protéger les clients des compagnies aériennes. L'une des missions régaliennes de l'État est de veiller au respect du principe de libre circulation des personnes,...
..et ce dernier est parfaitement compatible avec le droit de grève, comme l'a rappelé M. Remiller.
La réforme proposée aujourd'hui respecte les équilibres indispensables entre le droit de grève et la sauvegarde de l'ordre public. Elle permettra un dialogue social apaisé, sans pénaliser des milliers, voire des millions, de Français.
Cette proposition de loi me paraît donc concilier le respect du droit de grève avec la légitime préoccupation d'assurer la liberté de se déplacer, de préserver la nécessaire sécurité publique dans les aéroports, de ne pas mettre en danger la santé des passagers malades et de donner aux clients des compagnies aériennes une information fiable, précise et gratuite.
À un moment où, en France, nos compagnies aériennes sont dans une situation fragile, c'est peut-être aussi un moyen parmi d'autres de leur donner un peu plus de sécurité.
S'agissant, enfin, de l'extension du dispositif au secteur maritime, les amendements déposés par Camille de Rocca Serra nous donneront l'occasion d'en discuter. Je sais, monsieur le député, qu'il s'agit là d'une préoccupation ancienne de votre part puisque nous nous étions déjà rencontrés à ce sujet voilà environ un an. La région dont vous êtes l'élu a, en effet, souvent fait les frais de tels mouvements.
J'appelle maintenant, dans le texte de la commission, les articles de la proposition de loi.
Je suis saisi d'un amendement n° 8 portant article additionnel avant l'article 2.
La parole est à M. Yanick Paternotte.
Le présent amendement vise à ratifier deux ordonnances relatives au code des transports, qui ont été prises sur le fondement de l'article 92 de la loi du 12 mai 2009 de simplification et de clarification du droit et d'allègement des procédures : l'ordonnance du 28 octobre 2010 relative à la partie législative du code des transports et celle du 24 février 2011 qui a apporté plusieurs modifications au même code. Si chacune a fait l'objet d'un projet de loi de ratification, aucun n'a été inscrit à l'ordre du jour.
L'article 38 de la Constitution dispose que le Gouvernement peut prendre des ordonnances, mais pour une période limitée, et qu'elles doivent être ensuite ratifiées par une loi. La révision constitutionnelle de 2008 ayant également prévu qu'elles ne peuvent être ratifiées que de manière expresse, c'est donc un TGV législatif que je propose. (Sourires.)
La parole est à M. Éric Diard, rapporteur de la commission du développement durable et de l'aménagement du territoire.
La commission a accepté cet amendement qui permet de ratifier des dispositions essentielles aux métiers du transport. En effet, l'ordonnance du 28 octobre 2010 porte création de la partie législative du code des transports, tandis que l'ordonnance du 24 février 2011 a rattaché à ce dernier code des éléments du code de l'aviation civile.
Avis favorable. En proposant la ratification des ordonnances, vous offrez, monsieur le député, un signal fort aux acteurs et professionnels du monde des transports. Ces derniers sont très demandeurs de ce nouveau code, outil de clarification et de simplification de la réglementation dans leur secteur. Ainsi, au lieu de se référer à une multitude de codes et de textes législatifs souvent anciens, le code des transports constitue désormais la seule référence aisément accessible pour tout un secteur économique porteur d'emplois comme pour le législateur. Ce nouveau code est, en outre, déjà largement utilisé. Il a permis au rapporteur de la commission du développement durable de codifier le texte de la proposition de loi initiale.
Votre amendement a donc un lien avec le texte que nous examinons aujourd'hui, qui fera partie du code des transports.
Je suis, pour ma part, dans l'incapacité de mesurer le contenu de ces ordonnances, ce qui pose quelques difficultés.
Nous parlons à droit constant.
Nous ne pouvons que vous croire sur parole, car aucune explication n'a été donnée lors de l'examen au titre de la procédure de l'article 88.
Par principe, je ne suis pas opposé à une démarche de cette nature : si un support législatif existe, autant l'utiliser. Pour autant, nous nous abstiendrons, car nous ignorons tout de cette affaire et, je le répète, aucune explication ne nous a été donnée ni aucun document explicatif fourni à l'appui de cet amendement. Cela est tout de même regrettable lorsque l'on siège à l'Assemblée nationale.
L'une des premières conférences de presse que j'ai organisées lorsque je suis arrivé au ministère, voilà un an et quelques mois, avait justement pour objet la présentation de ce code des transports, à droit constant. Depuis, ce texte n'a posé strictement aucun problème.
Si je puis, à la limite, comprendre votre position, je vous assure très sincèrement qu'il n'y a aucune arrière-pensée dans la position du Gouvernement, comme d'ailleurs dans celle de M. Paternotte, qui est tout de même, comme d'autres dans cet hémicycle, un spécialiste du sujet. Il s'agit simplement d'un élément qui peut permettre aux législateurs que vous êtes de travailler plus aisément.
(L'amendement n° 8 est adopté.)
Je suis saisi d'un amendement n° 15 , qui tend à supprimer l'article 2.
Je ne reprendrai pas, à propos de cet amendement qui vise à pointer certains déficits du dispositif proposé, l'ensemble des arguments développés dans leurs interventions par les députés du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche, tant à l'occasion de la motion de rejet préalable que dans la discussion générale.
Je me permettrai simplement de citer une lettre qui a été adressée à M. François Fillon, le 22 décembre dernier, par des organisations professionnelles représentatives : « Nos organisations professionnelles ont noté le dépôt à l'Assemblée nationale d'une proposition de loi à l'initiative de M. le député Éric Diard visant à encadrer le droit de grève des salariés relevant d'entreprises [...] concourant directement à l'activité de transport aérien. [...] Les organisations syndicales signataires de la présente ont fait part de leur opposition à cette proposition de loi. Malgré notre opposition, le Gouvernement nous a indiqué, par la voix de ses ministres, sa volonté et sa détermination à aboutir à la publication d'une loi visant à encadrer le droit de grève desdits salariés, notamment en leur imposant un dispositif prévoyant l'obligation pour chaque salarié de se déclarer gréviste quarante-huit heures avant le début du conflit. Aussi, et comme nous l'ont proposé les services des ministres concernés, la proposition de loi de M. Diard est soutenue par le Gouvernement. Cette proposition de loi vient d'être inscrite à l'ordre du jour de l'Assemblée nationale » – donc au milieu du mouvement de grève des agents de sûreté aéroportuaires – « pour examen à partir du 24 janvier prochain. » Cette lettre est datée du 22 décembre, ce qui permettra d'ailleurs de clore nos débats concernant le délai entre le dépôt du texte et son inscription à l'ordre du jour.
Au moins, monsieur le ministre, enregistrez-vous un certain succès en arrivant à faire parler d'une seule voix le syndicat national des pilotes de ligne, l'UNSA, Force ouvrière, l'UNAC, la CFDT, deux fédérations de la CGT ! Ces organisations professionnelles sont toutes d'accord pour vous demander de surseoir à la discussion que nous avons aujourd'hui afin qu'un vrai dialogue social s'engage dans le secteur de l'aérien.
Christian Blanc a parlé tout à l'heure de la difficulté à parvenir, dans l'ensemble de ce secteur, à des positions communes dans des entreprises très disparates. Plutôt que de faire un pas en avant dans le vide, arrêtez-vous quelques secondes et prenez le temps de discuter.
Avis défavorable, bien évidemment. Supprimer l'article 2, c'est supprimer à la fois le mécanisme de prévention des conflits, l'obligation pour les grévistes de se déclarer quarante-huit heures à l'avance, ainsi que l'information des passagers sur le service assuré.
Bien sûr : tout figure à l'article 2 !
(L'amendement n° 15 , repoussé par le Gouvernement, n'est pas adopté.)
Cet amendement a pour objet de lister les différentes prestations, les métiers qui concourent directement à l'activité de transport aérien. Il devrait satisfaire M. Goldberg.
Il faudrait nous expliquer un peu plus, monsieur le rapporteur. Si, par rapport à la première rédaction de votre proposition de loi, les choses sont un peu plus précises, c'est tout de même la deuxième rédaction du même alinéa que vous nous proposez en quelques heures : non seulement ce n'est pas celle que vous nous avez soumise en commission la semaine passée, mais ce n'est pas non plus celle dont nous avons eu connaissance en réunion dans le cadre de l'article 88 tout à l'heure. On peut donc vraiment se poser la question de savoir quels sont les métiers de l'aérien qui, dans l'article R. 216-1 du code de l'aviation civile, sont visés par le dispositif que vous proposez.
Je remarque que l'assistance fret et Poste, dont j'avais souligné qu'elle n'avait rien à faire dans le transport de passagers, ne figure plus – c'est peut-être la vertu du débat en commission – dans les métiers de l'aérien auxquels vous voulez consacrer cette proposition de loi. De la même façon, l'assistance administrative au sol n'en fait plus non plus partie – n'est-elle pas, pourtant, nécessaire au transport aérien ? – alors qu'y figurent toujours certaines missions d'assistance sur lesquelles on peut s'interroger : si, sur un long courrier, le stockage de la nourriture, des boissons et des accessoires peut évidemment être nécessaire à la bonne réalisation du vol, je ne suis pas sûr qu'il en aille de même pour un vol intérieur d'une heure. D'ailleurs, sur certains vols low-cost, il n'y a de toute façon pas de nourriture ou de boisson systématiquement servies.
Même si l'on entre dans votre logique, les difficultés apparaissent dès que l'on commence à vouloir préciser les métiers auxquels s'appliquera le dispositif que vous proposez.
(L'amendement n° 35 est adopté.)
Avec cet amendement, il ne s'agit pas de remettre en cause le principe d'un dispositif d'alarme sociale – nous avons dit que nous y étions favorables. Pour autant, vouloir instaurer un dispositif de dialogue social dans les métiers de l'aérien sans en avoir discuté auparavant avec les organisations syndicales représentatives des salariés et des employeurs nous apparaît quelque peu paradoxal. C'est ce qui explique que nous demandions la suppression des alinéas relatifs au dialogue social et à la prévention des conflits.
Avis évidemment défavorable. J'ai bien compris, monsieur Goldberg, que vous ne souhaitiez pas le mécanisme de prévention du dialogue social puisque vous le supprimez au motif de deux objections présentées dans l'exposé sommaire de votre amendement et auxquelles je voudrais répondre.
D'une part, la commission, ainsi que cela a été rappelé, n'a pas souhaité se saisir de ce texte. D'autre part, j'ai auditionné les syndicats tant des salariés que des employeurs. Enfin, le protocole auquel vous faites référence ne concerne pas les questions de transport.
Défavorable. Cet amendement vise à supprimer la section 2 relative au dialogue social et à la prévention des conflits dans l'ensemble du champ du transport aérien. Or le Gouvernement est particulièrement attaché au respect du dialogue social.
Je tiens à souligner, même si nous ne sommes pas très nombreux pour un texte considéré comme fondamental par le Gouvernement, que si la commission des affaires sociales n'a pas voulu se saisir de cette question, certains de ses membres auraient souhaité pouvoir en débattre car, sauf erreur de notre part, c'est bien de conflits sociaux qu'il s'agit. Or qui dit conflits sociaux dit examen par la commission des affaires sociales, même si nous sommes là dans une action préventive.
Pour autant, nous considérons qu'il s'agit d'un texte qui, d'une certaine manière, tendrait à interdire dans telle et telle activité le droit de grève. Là, nous sommes dans l'aérien, mais on peut très bien imaginer que, demain, le dispositif s'étende malheureusement à d'autres conflits. Après tout, pourquoi, dès lors qu'ils gêneraient la vie quotidienne de nos concitoyens, n'étendrait-on pas cette interdiction à d'autres secteurs ou d'autres circonstances ?
J'ai vraiment le sentiment que nous ouvrons là une porte qui ne peut conduire qu'à d'inévitables abus, certains ne pouvant que s'en inspirer.
En tout état de cause, je regrette, en tant que membre de la commission des affaires sociales, que celle-ci n'ait pas été saisie et que nous n'ayons pu y débattre de ce sujet.
Certains ont eu un air étonné quand j'ai rappelé que, jusqu'en juillet 2006, cette majorité et l'UMP défendait la position selon laquelle il ne fallait pas légiférer.
Depuis, le Président de la République a changé !
Je l'ai bien noté, monsieur Mariani, et j'ai aussi constaté qu'en 2007, l'UMP avait changé radicalement de position. M. Perben, votre prédécesseur aux transports, défendait des arguments différents des vôtres.
Si les choses ont changé en 2007, j'aurais tout de même aimé qu'un orateur de l'UMP, le ministre dont c'est la tâche ou le rapporteur, nous explique pourquoi la majorité a « abandonné » les usagers du transport aérien pendant cinq ans pour ne traiter cette question que maintenant. Les arguments que vous avancez aujourd'hui étaient déjà valables en 2007. Pourtant, à l'époque, il me semble qu'il ne s'agissait pas d'une simple omission de votre part. À dire vrai, je me souviens même que certains députés avaient déjà souhaité étendre le champ de la loi au transport aérien. Je ne veux trahir personne, mais je vois là M. Luca. En 2007, après l'événement considérable qui a tant changé la France (Sourires sur les bancs du groupe SRC), quand M. Luca avait soulevé la question, les mêmes qui défendent aujourd'hui cette proposition de loi avaient répondu qu'une telle solution n'était ni applicable ni transposable au transport aérien. Peut-être faudrait-il que l'on nous donne quelques explications, juridiques ou politiques, sur le fait que ce qui n'était pas possible à l'époque l'est devenu aujourd'hui.
Revenant sur les propos de M. Liebgott, je trouve regrettable que le président de la commission des affaires sociales ne soit pas présent ce soir pour nous expliquer pourquoi il n'a pas appliqué le protocole mentionné dans l'exposé sommaire de l'amendement.
S'il ne rend pas la saisine de la commission obligatoire, ce protocole de l'Assemblée nationale relatif à la consultation des partenaires sociaux sur les propositions de loi prévoit que : « Lorsqu'un président de groupe ou un président de commission envisage de proposer l'inscription à l'ordre du jour d'une proposition de loi relevant du champ décrit à l'article L. 1 du code du travail, il doit en informer sans délai le président de la commission des affaires sociales. Ce dernier transmet par écrit aux organisations syndicales… »
Il n'est pas question là de commission saisie pour avis ou pas. Dès lors que la proposition de loi était inscrite à l'ordre du jour, le président de la commission des affaires sociales, qu'il soit saisi pour avis ou pas, devait saisir les partenaires sociaux. À partir du moment où il n'a pas appliqué le protocole, celui-ci est devenu caduc ; il faut que M. Méhaignerie s'explique sur ce point.
Par ailleurs, en ce qui concerne la proposition de loi que nous examinons, je rappelle que la commission des affaires sociales n'a jamais eu à se prononcer en tant que telle ni sur l'application du protocole ni sur son éventuelle saisine pour avis.
Monsieur Vidalies, en 2007, la majorité essayait, depuis dix ans, de faire voter une loi sur le service minimum et d'instaurer un dialogue social.
À l'époque, il était tout à fait logique que nous commencions par les transports terrestres avant de passer aux transports aériens. Cela explique le délai dont vous parlez. Nous avons choisi de prendre le temps nécessaire. L'aérien avait été évoqué dès l'origine, en effet, mais nous ne souhaitions pas commencer par là : cela faisait tellement longtemps que nous attendions une loi sur le service minimum !
Les choses se sont faites lentement, nous avions eu de très nombreux contacts avec les syndicats, avec les directions,…
Je ne suis pas certains que les choses se soient vraiment passées comme cela !
Avec Maxime Bono, nous avons poursuivi cette démarche pour rédiger notre rapport d'information sur l'application de la loi du 21 août 2007.
La parole est à M. Serge Grouard, président de la commission du développement durable et de l'aménagement du territoire.
Il ne m'appartient pas de répondre à M. Mallot et à ses collègues à la place du président de la commission des affaires sociales. Toutefois, puisque la question de la saisine de cette commission a été abordée sur le plan strictement juridique, je soumets à l'appréciation de l'Assemblée le point de droit suivant : l'article L. 1 du code du travail constitue bien, comme cela a été souligné, l'article de référence en la matière, mais il porte sur les réformes relevant du « champ de la négociation nationale et interprofessionnelle ». Or il a été considéré que la proposition de loi que nous examinons ne concernait qu'un seul secteur d'activité et qu'il relevait de la négociation de branche. Par conséquent, d'un strict point de vue juridique, ce texte ne rentre pas dans le « champ de la négociation nationale et interprofessionnelle ».
Monsieur Mallot, je vous laisse libre de vos appréciations. Voilà, en tout cas, l'argument juridique qui a été avancé.
Monsieur le président Grouard, j'entends votre argumentation, mais ce n'est pas parce qu'une multitude d'entreprises interviennent dans le secteur aérien – elles sont plus de mille, ai-je dit tout à l'heure –, que tous leurs salariés relèvent de la même convention collective. Les pilotes de ligne ne relèvent pas de la même convention collective que les personnels qui assurent le nettoyage des avions, qui approvisionnent les appareils en carburant, ou que les manutentionnaires qui remplissent les soutes ou encore que les agents de la sûreté aéroportuaire dont nous avons beaucoup parlé ce soir, ce dont je me félicite, pour signaler sur tous les bancs – même sur celui du Gouvernement – leurs conditions de travail déplorables. Tous ces métiers et tous ces salariés ne relèvent pas des mêmes conventions collectives.
Vous n'êtes pas visé, monsieur le président de la commission, mais il est clair que l'argument juridique qui vous a été présenté, dont vous venez de faire état, tombe de fait. Comme Jean Mallot et d'autres collègues l'ont déjà dit, cette question aurait mérité d'être soumise à l'examen de la commission des affaires sociales. Mais je constate qu'il suffit que j'en parle pour que son président nous rejoigne.
Je précise seulement qu'il n'existe pas de convention collective pour les pilotes et pour le personnel navigant. Il est donc évident, monsieur Goldberg, que nous n'avons pas affaire aux « mêmes conventions collectives » puisqu'elles n'existent pas !
Monsieur Vidalies, vous avez raison, en 2006, d'autres choix avaient été faits. Il ne vous a pas échappé que, depuis cette date, un nouveau Président de la République a été élu, qui a fait des choix qui ont pu être différents. L'actualité a prouvé que, grâce à la volonté politique, nous sommes arrivés, en 2007, à mettre en place le service minimum. Toutes les personnes qui empruntent les transports publics terrestres constatent que cela marche : on sent les grèves, mais les villes ne sont pas paralysées.
Puisque nous avons montré que le service minimum fonctionnait dans le terrestre, nous pensons nécessaire d'agir aussi en matière de transport aérien parce que, dans ce secteur, les trois derniers préavis de grève ont concerné des périodes de départs en vacances. Nous ne pouvons pas passer notre temps à nous demander quelle profession de la chaîne du transport aérien fera grève les prochains 1er juillet, 31 juillet ou 15 août.
On me reproche parfois d'aller un peu trop souvent rendre visite aux Français de l'étranger ; je peux en tout cas vous dire que l'image du tourisme en France auprès des étrangers est catastrophique, précisément en raison…
C'est le Président de la République qui dégrade l'image de la France, pas autre chose !
La parole est à M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des affaires sociales.
Monsieur le président, je suis désolé de ne pas avoir été présent dans l'hémicycle, mais la commission que je préside doit traiter un nombre si grand de missions d'information et de propositions de loi que je suis bien obligé de travailler dans mon bureau, d'où je vous écoute cependant.
M. Mallot, à qui j'ai déjà répondu par trois fois en commission, sait très bien que nous n'avons jamais manqué une seule fois de saisir les organisations syndicales des propositions ou des projets de loi relatifs au dialogue social. Ma réponse est donc la même que celle formulé par M. le président de la commission du développement durable. Mais, puisque M. Mallot aime la répétition, je tenais à lui confirmer moi-même ce qui lui a déjà été dit.
Je suis heureux de constater que le président de la commission des affaires sociales nous fait l'honneur de participer à cette partie de nos débats. Il ne manque plus que la présence du ministre du travail pour que nous puissions aborder la question du droit de grève et de son application en présence des personnes compétentes.
Je prends acte de l'explication non convaincante de M. Méhaignerie. Il est évident que nous nous trouvons dans le champ de l'article L. 1 du code du travail. Le président de la commission du développement durable avait d'ailleurs du mal à retenir un sourire lorsqu'il nous faisait part, il y a un instant, de l'argumentation officielle.
Il n'en demeure pas moins que, selon le protocole de l'Assemblée nationale que j'ai cité, qui s'applique aux propositions de loi dans le champ de l'article L. 1, le président de la commission des affaires sociales aurait dû actionner le dispositif prévu, que cette commission soit saisie ou non. Il ne l'a pas fait, il a donc considéré que ce protocole était caduc, ce qui est éminemment regrettable.
(L'amendement n° 22 n'est pas adopté.)
Cet amendement vise à prévoir que les employeurs et les organisations syndicales « engagent » des négociations en vue de la signature d'un accord-cadre organisant une procédure de prévention des conflits, alors que, selon la rédaction actuelle de la proposition de loi, ils « peuvent engager » ces négociations.
Nous voulons éviter toute incertitude et faire de ces négociations une règle. Cela nous paraît de nature à conforter le dialogue social.
Je comprends la position de M. Luca. Cependant, parce qu'en matière de transport aérien, nous légiférons pour un secteur concurrentiel qui n'assure pas de mission de service public, nous pourrions courir un risque en termes de constitutionnalité si nous conférions au mécanisme de prévention du dialogue social un caractère plus obligatoire que celui qui est déjà prévu par le texte adopté en commission. Pour cette raison, la commission est défavorable à l'amendement.
Je comprends l'intention de M. Luca mais je partage la position du rapporteur. Il semblerait qu'il y ait un risque d'inconstitutionnalité à créer une obligation formelle pour une entreprise privée, comme le suggère l'amendement. Je propose que nous fassions confiance aux partenaires sociaux et de laisser « peuvent engager ».
Je regrette un peu que l'on me fasse ces réponses. Je rappelle que, bien souvent, dans les conflits que nous avons connus récemment, la direction portait sa part de responsabilité.
Tout ne peut pas être mis sur le dos des syndicats, qui sont souvent contraints par le jeu trouble de la direction.
Il reste que j'entends vos arguments et je me résous à retirer mon amendement.
(L'amendement n° 32 est retiré.)
On pourrait parfaitement laisser en l'état le droit de grève tel que nous le connaissons, en posant comme limites les départs et retours de vacances scolaires. Le vice-président du syndicat majoritaire des pilotes de ligne a considéré que cela permettait au moins, tout en sachant qu'une période était neutralisée, de rester parfaitement libre en matière de droit de grève pour toutes les périodes restantes.
Avec cet amendement, je reprends ma propre proposition de loi qui permettrait aux usagers d'emprunter les transports en toute sécurité pendant certaines périodes ; le reste du temps, je propose que nous n'imposions aucune contrainte particulière. Cette position peut sembler en retrait par rapport à la proposition de loi ; je devrais, en conséquence, être soutenu par la gauche et désavoué par la droite. Vous savez qu'avec la droite populaire, tout est possible !
Je comprends, là aussi, tout à fait le souci de Lionnel Luca qui veut protéger les voyageurs. Je trouve cependant sa formulation un peu floue ; celle de la commission, autrement dit l'application du mécanisme de la déclaration tout au long de l'année, me paraît préférable, d'autant que son amendement pourrait présenter un risque sur le plan de la constitutionnalité.
Bien que je lise toujours avec attention les propositions de loi de Lionnel Luca…
Vous lisez bien les propositions de loi de vos collègues du groupe socialiste ; j'ai également le droit de prendre connaissance de celles des députés de la région Provence-Alpes-Côte d'Azur !
Qui plus est, monsieur Vidalies, vous pourriez reconnaître que ce n'est pas une proposition de loi de circonstance, puisqu'elle a été déposée l'été dernier. Ces propositions ont au moins le mérite de la constance.
Mais la logique que vient de développer M. Luca est plus intéressante que ce que vous proposez !
Comme l'a fait remarquer Éric Diard, l'amendement n° 32 restreint nettement le champ d'application de l'obligation d'engager des négociations en vue de la signature d'un accord-cadre et limite très strictement les périodes de grève. Si une telle mesure fonctionne en Italie, elle risque d'être inconstitutionnelle en France. Par conséquent, avis défavorable.
(L'amendement n° 31 n'est pas adopté.)
La parole est à M. Jacques Remiller, pour soutenir l'amendement n° 24 .
Il s'agit essentiellement d'un amendement technique et de précision. Nous proposons de compléter l'alinéa 13 par le mot « ouvrables ». Rappelons que sont jours ouvrables tous les jours de la semaine à l'exception du dimanche et des jours fériés habituellement non travaillés dans l'entreprise.
Avis défavorable. Si votre amendement était adopté, le délai dans lequel l'employeur doit réunir les organisations syndicales ne pourrait dépasser trois jours ouvrables. Autrement dit, vous réduisez le délai de négociation.
Cela aurait, en fait, pour incidence de retarder l'ouverture des négociations entre les partenaires sociaux selon le jour où elles doivent commencer. Le délai mentionné à l'alinéa 13 de l'article 2 doit se décompter en jours francs. Votre amendement est donc contre-productif.
Je le retire également, monsieur le président.
(L'amendement n° 28 est retiré.)
Nous en venons à l'amendement n° 18 .
La parole est à M. Alain Vidalies, pour le soutenir.
Nous sommes ici au coeur de cette proposition de loi. L'amendement n° 18 tend, à supprimer le dispositif de déclaration préalable quarante-huit heures avant la participation à la grève imposé dans ce texte de loi par référence à ce qui a été adopté dans la loi de 2007 validée par le Conseil constitutionnel. Êtes-vous en mesure d'étendre cette exception à l'ensemble des entreprises aux activités diverses et variées qui interviennent dans le champ du transport aérien ?
Deux problèmes se posent : l'organisation du service avec les non-grévistes, objectif de la loi de 2007, et le champ d'application.
Pour ce qui est du délai de quarante-huit heures, le Conseil constitutionnel a donné quelques indications très précises, indiquant qu'il était possible à un non gréviste à l'origine de rejoindre le mouvement en cours, à condition qu'il respecte lui-même le délai de quarante-huit heures, fût-ce a posteriori. En ajoutant lui-même cette possibilité dans la loi, le Conseil entendait poser, y compris dans le domaine des transports, un cadre juridique constitutionnellement acceptable et maintenir un équilibre entre le principe constitutionnel du droit de grève et celui de la continuité du service public. Le terrain est donc très balisé, hormis sur un point que nous examinerons tout à l'heure et qui a abouti à des détournements ou à des utilisations de la loi que je n'approuve pas dans certaines circonstances. Mais si vous relisez les débats de 2007, vous constaterez que j'avais déjà soulevé ce problème et prévenu que légiférer sans négocier pouvait être source de problèmes.
Puisque nous sommes favorables à la négociation, nous souhaitons supprimer ce délai de quarante-huit heures. J'appelle votre attention sur les conditions très restrictives dans lesquelles le Conseil constitutionnel a accepté ce dispositif ; or nous ne retrouvons pas ces garanties ici, ni sur le champ ni sur les modalités.
La commission a bien évidemment repoussé cet amendement. Le principe de la déclaration préalable du salarié respecte parfaitement le droit de grève. Si, par exemple, 100 % des salariés se mettent en grève, tous les vols seront annulés. Ce dispositif ne concerne évidemment que le personnel qui concourt à l'embarquement et au vol, et non l'ensemble du personnel du transport aérien. Le « pilier » des quarante-huit heures est lié à celui des vingt-quatre heures : c'est la contrepartie, il ne peut y avoir l'un sans l'autre. Pour garantir une meilleure information des passagers vingt-quatre heures avant, il est indispensable d'avoir quarante-huit heures à l'avance cette déclaration préalable et individuelle du personnel qui veut se mettre en grève.
Le rapporteur nous explique que, lorsqu'il y a 100 % de grévistes, il n'y a plus de service : c'est donc bien, il vient de le démontrer, que ce texte n'instaure absolument pas un service minimum.
Vous leurrez depuis des mois tous les lecteurs de tous les organes de presse dans lesquels vous vous exprimez à longueur de page ! Ce texte n'instaure absolument aucun service minimum.
Pour que nos concitoyens soient parfaitement éclairés, vous devriez, lors des différentes interviews que vous allez donner dans les heures qui viennent, expliquer ce que vous venez de nous rappeler, monsieur le rapporteur.
Je vous invite simplement, monsieur Mallot, à rechercher tous les communiqués de presse et toutes les coupures de presse dans lesquels je parle d'un service minimum.
Dans le tract de l'UMP de ce matin, il est écrit « service minimum » ! Vous êtes pourtant bien à l'UMP !
Je vous mets au défi de trouver une coupure de presse, ou même une interview dans laquelle le rapporteur aurait parlé de service minimum. Vous n'en trouverez aucune. Jamais je n'ai parlé d'un service minimum, mais seulement d'un service garanti !
Cela a été dit et redit, en long, en large et en travers : le service minimum n'existe pas dans le secteur privé.
Votre thèse, qui consiste à dire que la règle des quarante-huit heures serait attentatoire au droit fondamental qu'est le droit de grève, ne tient pas. En quoi le serait-elle ? La Constitution précise que le droit de grève s'exerce dans le cadre des lois qui le réglementent.
Ne continuez pas à prétendre que ce texte instaure un service minimum : il ne peut pas y avoir de service minimum. Le rapporteur l'a rappelé. Arrêtez de faire croire que ce texte est attentatoire au droit de grève ! Il ne l'est pas.
Pour la dernière fois et cela m'évitera de le répéter, j'ai toujours parlé de service garanti. J'ai même précisé, hier, très clairement, dans un grand quotidien que, si 100 % des pilotes sont en grève, 100 % des avions ne décolleront pas ; cela permettra simplement d'en informer les passagers deux jours à l'avance. C'est bien la preuve que le droit de grève est garanti, mais également que les passagers ont droit à un minimum d'information, ce que vous leur refusez !
Nous n'avons fait que lire ce que l'UMP écrit à longueur de tracts !
(L'amendement n° 18 n'est pas adopté.)
Amendement de correction. Il précise que la déclaration individuelle d'intention de participer à la grève n'a pas à être réitérée au début de chaque journée de grève. Je maintiens donc ma première rédaction.
Ce n'est pas qu'une simple correction de langage, monsieur le rapporteur : il s'agissait également de corriger quelque peu les conditions d'application du mécanisme des quarante-huit heures : le texte initial, tel que vous nous l'avez défendu en commission, rendait la situation très complexe pour les salariés comme pour les chefs d'entreprise.
Quant au débat qui vient d'avoir lieu sur le service garanti, soyez clairs, les uns et les autres, dans vos explications. J'ai lu très précisément les propos du ministre Thierry Mariani parus, hier matin, dans un grand quotidien – je pense que nous parlons du même. Tous les responsables de la majorité, un certain nombre de ministres très influents et le Président de la République lui-même se sont laissé aller à parler de service minimum, y compris dans le transport aérien, et en particulier pour des secteurs où prédominent les activités privées.
Mettons-nous bien d'accord sur ce que vous proposez. Expliquez très précisément aux Français le dispositif et les garanties qui leur seront apportées et vous aurez fait un pas pour retrouver leur confiance.
Puisque M. le président Jacob est présent, il me semble important de faire un rappel au règlement sur le déroulement de la séance. Je donne acte au rapporteur et à M. le ministre de ce qu'ils viennent de préciser. Nous avons cependant un problème : d'un côté, on distribue six millions de tracts parlant d'un service minimum et de l'autre, le soir même, le ministre et le rapporteur expliquent que cela n'existe pas !
Peut-être vaudrait-il mieux détruire immédiatement tous ces tracts, monsieur Jacob, pour que les déclarations du Gouvernement correspondent à la propagande de l'UMP ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
S'il fallait détruire toutes les promesses socialistes faites lors des primaires, on aurait beaucoup de papier à recycler !
Plusieurs députés du groupe UMP. Très bien !
Je suis saisi d'un amendement n° 36 de la commission.
La parole est à M. le rapporteur.
Nous en avons déjà débattu : Le salarié qui a déclaré son intention de faire grève ou qui participe à la grève, mais qui change d'avis, doit informer l'employeur au plus tard vingt-quatre heures avant l'heure de sa reprise.
Le présent amendement a pour objet de préciser les modalités de la déclaration individuelle d'intention de participer à la grève lorsque le salarié renonce à y participer ou lorsqu'il décide de reprendre son service. Son adoption améliorera l'effectivité du mécanisme institué par la présente proposition de loi.
Néanmoins, l'avis favorable du Gouvernement est subordonné à un complément que, je l'espère, vous accepterez, monsieur le rapporteur, d'apporter à cette rédaction. Il conviendrait, en effet, d'ajouter un troisième alinéa ainsi rédigé : « Par dérogation à l'alinéa 1, les informations issues de ces déclarations individuelles peuvent être utilisées pour l'application des dispositions de l'article L. 1114-4. » En effet, la méconnaissance par le salarié de sa déclaration individuelle compromet l'organisation de l'activité de son employeur et, par voie de conséquence, la possibilité d'informer les passagers avec fiabilité.
Il s'agit des sanctions disciplinaires prévues par code du travail ou les conventions collectives en cas de non-respect des obligations en la matière, comme une mise à pied ou un blâme.
J'ai déposé un amendement n° 12 qui sera examiné juste après et qui soulève la question.
On peut déclarer qu'on a l'intention de faire grève et, ensuite, ne pas la faire, ce qui pose un problème de prévisibilité pour l'exploitation, résolu par le premier alinéa de l'amendement n° 36 .
Le second alinéa vise un autre cas de figure. Quelqu'un, après avoir déclaré qu'il en a l'intention, fait grève. La grève dure dix jours et, au bout de trois jours, il veut reprendre son travail. Il doit l'annoncer vingt-quatre heures à l'avance.
L'amendement n° 36 est utile mais, puisque le Gouvernement souhaite qu'il soit rectifié pour évoquer les sanctions disciplinaires, il faudra, par coordination, modifier l'alinéa 24.
Monsieur le rapporteur, êtes-vous d'accord pour rectifier votre amendement en ajoutant l'alinéa proposé par le Gouvernement ?
Oui.
(L'amendement n° 36 , tel qu'il vient d'être rectifié, est adopté.)
Nous en venons à l'amendement n° 12 .
La parole est à M. Charles de Courson.
L'alinéa 24 n'est pas bien rédigé. Au lieu d'écrire qu'est passible d'une sanction disciplinaire le salarié qui n'a pas informé son employeur de son intention de participer à la grève, mieux vaudrait prévoir qu'est passible d'une telle sanction le salarié qui a participé à la grève alors qu'il n'a pas informé son employeur de son intention d'y participer. C'est dans la cohérence de l'amendement que nous venons d'adopter.
Puis-je considérer, monsieur de Courson, qu'il est satisfait par le vote de l'amendement précédent ?
Nous tirons les conséquences de l'amendement n° 36 rectifié : La sanction disciplinaire peut également être prise à l'encontre du salarié qui n'a pas informé son employeur de son intention de reprendre le service.
On ne va tout de même pas sanctionner quelqu'un au motif qu'il reprend son service !
Il sera donc inscrit dans la loi française que le salarié qui participe à la grève et qui décide de reprendre son service en informe son employeur au plus tard vingt-quatre heures avant l'heure de sa reprise… Avons-nous bien compris ce que nous avons voté ? Lorsque vous décidez de reprendre votre service, vous êtes de toute façon obligé de faire grève au moins vingt-quatre heures de plus, dans la mesure où il vous faut avoir prévenu l'employeur au plus tard vingt-quatre heures à l'avance ! C'est donc cela que nous venons de voter, à l'issue un travail très fourni en commission ! S'il y a un accord ou si je ne veux plus faire grève, je décide de reprendre mon travail ; avec la rédaction que vous avez votée, je devrai attendre encore vingt-quatre heures, le temps d'en informer mon employeur… Travailler dans de telles conditions pour aboutir à une rédaction pareille, cela n'a aucun sens !
Je comprends l'objet du texte mais, franchement, sanctionner quelqu'un qui reprend le travail parce qu'il n'a pas exprimé son intention en temps voulu va à l'encontre de l'esprit même du texte qui nous réunit ce soir. Si c'est nécessaire, monsieur le président, faisons une pause pour revoir la rédaction, mais ne votons pas cet amendement en l'état.
Je crois qu'il y a une confusion. Nous parlons de la déclaration de l'action de grève, pas de l'action de grève. Ce sont deux choses différentes. Une fois prise la décision de faire une grève, il peut survenir des événements de négociation de nature à faire revenir sur cette décision.
Nous parlons de la déclaration. Dans une situation conflictuelle, on peut fort bien décider de se mettre en grève, puis, à la lumière des négociations, revenir sur cette décision. Tant qu'on n'est pas en action de grève, le problème ne se pose pas.
Être obligé de faire grève pendant vingt-quatre heures… C'est incroyable !
L'affaire est assez complexe et il serait bon que chacun ait les idées vraiment claires sur ce qu'il s'apprête à voter. Une grève se déroule, des salariés y participent, d'autres décident éventuellement d'en sortir. Une négociation a lieu. Elle débouche sur un accord. Certains salariés veulent poursuivre la grève, d'autres non. Ceux qui veulent reprendre le travail doivent attendre vingt-quatre heures.
C'est étrange ! Curieuse manière d'inciter à la négociation sociale et à la reprise rapide du travail… C'est pourtant ce qui vient d'être voté !
La parole est à M. Serge Grouard, président de la commission du développement durable.
S'il y avait automaticité de la sanction, je vous rejoindrais dans votre analyse, mais ce n'est pas le cas. Dès lors qu'une négociation aboutit à un accord, il y a logiquement une reprise du travail, sans sanction.
Il s'agit de rendre possible la désignation d'un médiateur par les parties au conflit dès le début de la grève, afin de favoriser le règlement amiable de leurs différends.
Nous proposons également d'ouvrir la possibilité pour l'entreprise, au-delà de huit jours de grève, d'organiser une consultation sur la poursuite de la grève, consultation ouverte aux salariés concernés par les motifs mentionnés dans le préavis. Ce scrutin gardera un caractère consultatif et ne remettra donc pas en cause le droit individuel à la grève.
Autant que possible, il faut toujours essayer de sortir d'une grève par le haut, quels que soient ceux qui la font.
La parole est à M. Jacques Remiller, pour défendre l'amendement n° 27 rectifié .
Nous proposons d'insérer après l'alinéa 24 un alinéa prévoyant que, dès le début de la grève, l'entreprise de transport aérien ainsi que les organisations syndicales représentatives qui ont procédé à la notification de la grève pourront décider de désigner un médiateur, dans des conditions fixées par décret, aux fins de favoriser le règlement amiable de leurs différends.
Ce nouvel alinéa a pour objet, d'une part, de prévoir précisément les personnes pouvant désigner le médiateur et, d'autre part, de renvoyer à un décret la procédure de nomination.
Monsieur Remiller, pourriez-vous présenter également l'amendement n° 29 rectifié ?
Nous proposons qu'au-delà d'un nombre de jours de grève fixé par décret, l'entreprise de transport aérien ou une organisation syndicale représentative puisse décider l'organisation par l'entreprise d'une consultation, ouverte aux salariés concernés, et portant sur la poursuite de la grève.
Cet article s'inspire de l'article 6 de la loi du 21 août 2007 sur le dialogue social et la continuité du service public dans les transports terrestres réguliers de voyageurs.
Le but est de permettre aux salariés de se prononcer directement après un certain nombre de jours de grève.
Entre ces amendements assez proches, la commission a finalement donné la préférence à la rédaction de M. Kossowski.
Vous l'avez tous rappelé, il s'agit d'un dispositif inspiré de la loi du 21 août 2007 : désignation d'un médiateur par les parties au conflit et organisation d'une consultation des salariés sur la poursuite de la grève.
Les trois amendements vont dans le même sens. Pour des raisons juridiques, nous préférons l'amendement n° 4 quatrième rectification, mais il devrait totalement donner satisfaction à M. Remiller.
Êtes-vous d'accord, monsieur Remiller, pour vous rallier à l'amendement n° 4 quatrième rectification ?
Tout à fait, et je retire les amendements n°s 27 rectifié et 29 rectifié .
(Les amendements n°s 27 rectifié et 29 rectifié sont retirés.)
Ce texte reprend le principe fixé dans la loi de 2007, qui, à l'origine, prévoyait un référendum, sans autre précision. Au cours de la discussion, on s'est aperçu qu'il posait à l'évidence un sérieux risque d'inconstitutionnalité et on a pris quelques précautions, ce qui nous donne au final un texte assez amusant : au bout d'un certain nombre de jours de grève, on organise un référendum pour consulter les salariés, on décrit le processus d'organisation du vote et de proclamation du résultat, pour écrire à la fin que son résultat n'affecte pas l'exercice du droit de grève… Cette mention a évidemment été ajoutée pour passer le filtre de la constitutionnalité. Vous l'avez reprise, ce qui appelle par le fait les mêmes commentaires interrogatifs sur la portée réelle de ce texte.
J'ai l'air de le dire en souriant mais, en réalité, je ne souris pas. Si le dispositif n'a aucune portée, puisque vous l'avez neutralisé de cette façon, il s'agit toutefois d'un texte qui sert de moyen de pression dans le déroulement de la grève. De ce point de vue, il n'a d'ailleurs pas connu, me semble-t-il, une grande application à ce jour.
J'appuie l'amendement de notre collègue, car l'idée de nommer un médiateur est un progrès. Nous aurions pu nous rassembler au moins sur cette idée.
On est contre le Mediator, mais pour le médiateur ! (Sourires.)
(L'amendement n° 4 , quatrième rectification, est adopté.)
Cet amendement prévoit la conclusion d'accords collectifs de prévisibilité. Le but est d'assurer l'organisation des services dans le cadre du droit de grève.
Défavorable. L'amendement s'inspire largement du dispositif retenu en 2007 pour les transports terrestres, mais nous considérons qu'il s'insère mal dans le présent texte. Il tend en fait à mettre en place un dispositif minimum.
(L'amendement n° 33 , repoussé par le Gouvernement, n'est pas adopté.)
Selon nos collègues de la majorité, nous serions contre le droit à l'information des usagers du transport aérien.
Pas du tout. Simplement, nous trouvons curieux et paradoxal de limiter ce droit au seul cas des mouvements sociaux, sans le généraliser à l'ensemble des aléas susceptibles de perturber le trafic. Nous proposons que soit étendu le droit à l'information des usagers du transport aérien.
Cet amendement évoque un vrai problème – on se souvient de l'éruption du volcan islandais ou de l'hiver 2010 –, mais il nous a semblé indispensable d'en rester à la problématique du droit de grève. La commission est défavorable à une extension du dispositif aux conditions météorologiques.
(L'amendement n° 21 , repoussé par le Gouvernement, n'est pas adopté.)
La parole est à M. Charles de Courson, pour soutenir l'amendement n° 16 .
Cet amendement a pour objet d'établir, dans le cas où une entreprise de transport aérien manque à son obligation d'information, un parallélisme avec ce qui est prévu à l'égard d'un salarié n'ayant pas déclaré dans les délais son intention de faire grève. Le texte ne prévoit aucune sanction à l'encontre de l'entreprise. L'idée est de rendre possible un recours en dommages et intérêts pour le dommage subi par un client qui n'aurait pas été informé dans les délais et se serait rendu à l'aéroport.
Certains se sont demandés si l'amendement était bien utile, dans la mesure où il existe une jurisprudence en la matière. Il serait intéressant que le rapporteur et le ministre nous disent quelle sanction sera prise à l'encontre de l'entreprise qui ne respectera pas ses obligations d'information à l'égard des clients.
Je remercie M. de Courson pour son constant souci de précision, et je vais répondre à sa question. Le défaut d'information des compagnies aériennes est couvert par l'article 1382 du code civil sur la responsabilité : il est possible de saisir les tribunaux compétents et de se faire rembourser, totalement ou partiellement, le prix du billet d'avion.
Le dommage subi peut aller bien au-delà du prix du billet, monsieur le rapporteur. Un passager peut perdre un contrat important, manquer une affaire pour s'être rendu pour rien à l'aéroport. Le dysfonctionnement, le non-respect du délai d'information est susceptible de causer un dommage important. Pourriez-vous préciser si le recours ira, le cas échéant, au-delà du remboursement ? Dans une organisation bien faite, tout cela relève du contrat de transport mais aussi de la jurisprudence relative à la responsabilité.
L'article 1382 prévoit le remboursement mais aussi, vous avez raison, l'attribution de dommages et intérêts. Ce cas de figure est donc bien couvert.
Je suis saisi d'un amendement n° 9 tendant à introduire un article additionnel après l'article 2.
La parole est à M. Yanick Paternotte.
Je les avais déjà défendus dans la discussion de la loi de simplification. Nous avons l'obligation de nommer une autorité de tutelle pour contrôler l'exécution de règlements européens applicables dans le domaine des transports et non encore transposés en droit français. La DGCCRF pourrait être désignée pour remplir cette fonction ; Bercy en est d'accord.
Je me proposais donc de modifier à cette fin les articles L. 113-3 et L. 141-1 du code de la consommation. Toutefois, pour éviter les risques d'inconstitutionnalité, je suggère au Gouvernement de rectifier les deux amendements de façon à ne viser que la transposition et l'application du règlement de septembre 2008 relatif au transport aérien. Nous resterions ainsi strictement dans le cadre du présent texte.
Ces amendements permettent au passage de répondre à l'objection soulevée à la fin de la discussion de l'article 2, sur la nécessité de sanctionner les compagnies en cas de non-information, notamment dans le cadre de distorsions de concurrence. Il peut arriver qu'une entreprise ne pouvant faire partir un avion soit tentée de garder cette information pour elle, afin que les passagers ne se tournent pas vers des compagnies concurrentes. Le règlement européen prévoit, entre autres, ce cas, dans le souci de faire respecter le droit de la consommation et le droit des passagers.
La parole est à M. Serge Grouard, président de la commission du développement durable et de l'aménagement du territoire.
Je précise que les amendements qui viennent à présent en discussion n'ont été examinés en commission qu'au titre de l'article 88 du règlement.
Certains s'étendent au-delà du trafic aérien, ce qui pose des questions d'ordre juridique. Je me permets d'appeler l'attention de nos collègues sur ce point, et je remercie Yanick Paternotte de sa proposition de modification, qui permettrait effectivement d'éviter le risque d'inconstitutionnalité. Mais ce risque n'est pas levé pour plusieurs autres amendements.
Favorable. Ces amendements avaient déjà été retenus par l'Assemblée sur un autre projet de loi, relatif à la consommation. Ils transposent des règlements communautaires assurant une meilleure protection des passagers.
Compte tenu des modifications et de l'avis de la commission, le Gouvernement émet un avis de sagesse.
Reste à rectifier les amendements en conséquence…
La parole est à M. Michel Hunault.
Je m'élève contre la façon dont nous travaillons ce soir. Notre collègue nous invite à transposer des règlements aux transports ferroviaires, maritimes, par autobus et autocars… C'est à l'évidence un cavalier législatif. J'aimerais que nous nous en tenions à l'objet de la proposition de loi et que nous évitions ce genre de pratiques de nature à jeter la suspicion.
Je propose de réserver ces deux amendements, ce qui laissera à notre collègue le temps de les rectifier comme il l'entend.
Nous en discuterons au fond quand nous disposerons de textes qui nous permettront de nous former un jugement.
La parole est à M. Sauveur Gandolfi-Scheit, pour soutenir l'amendement n° 6 .
Cet amendement fait suite à mes interventions lors de l'examen en première lecture de la loi du 21 août 2007 sur le dialogue social et la continuité du service public dans les transports terrestres réguliers de voyageurs. Alors que je demandais l'instauration d'un service minimum garanti sur le transport maritime de passagers, notamment pour la Corse, les ministres m'avaient répondu que la collectivité territoriale de Corse devait engager une concertation entre les syndicats, les acteurs socioprofessionnels et l'autorité organisatrice des transports, à savoir l'Office des transports de la Corse.
Constatant que rien ne s'est passé, je crois important de faire en sorte que la loi crée un cadre clair pour favoriser le dialogue social et garantir un service de transport maritime de qualité pour toute la Corse.
Mon amendement s'appuie sur les conclusions du rapport de 2009 prévu à l'article 13 de la loi du 21 août 2007 qui jugeait cette loi totalement inadaptée au secteur du transport maritime de passagers. Je reprends donc le présent dispositif prévu pour le transport aérien, qui a le mérite de porter sur toute la chaîne d'activité autour de l'avion. Le navire se trouve dans la même situation : il ne peut quitter le port que s'il a été avitaillé et si les services portuaires de lamanage, pilotage et remorquage fonctionnent.
La commission n'a pas examiné cet amendement. Il correspond à un besoin et je comprends tout à fait la problématique posée par notre collègueSauveur Gandolfi-Scheit. Mais la nôtre est que nous nous trouvons devant un secteur, celui du transport maritime,…
…dont certains éléments relèvent du service public et d'autres du secteur concurrentiel. Peut-on donc introduire dans notre texte les dispositions qu'il propose ? Cela soulèverait un problème d'inconstitutionnalité eu égard à la situation hybride du transport maritime.
Avis défavorable : c'est aller tout de même un peu loin… Le périmètre du présent amendement vise la totalité des « entreprises, établissements ou parties d'établissement qui concourent directement à l'activité de transport maritime de passagers » ; à partir du moment où sont écartées les notions d'autorité organisatrice de transport et de service public de transport, il emporterait une extension du périmètre de la loi à l'ensemble des transports de passagers par mer, que ceux-ci soient exercés en régie DSP – la délégation de service public – ou par n'importe quel prestataire privé.
Au surplus, le souhait d'étendre les obligations en matière de dialogue social et de prévention des conflits à l'ensemble des entités qui, tels le pilotage ou le lamanage, concourent directement à l'activité des transports maritimes de passagers, équivaut à faire peser sur des structures de très petite taille des obligations dont la lourdeur est sans rapport avec le bénéfice pratique qui pourrait en être retiré au vu de la situation actuelle. Mais je note que nous examinerons juste après celui-ci un amendement qui devrait résoudre une partie des préoccupations de M. Sauveur Gandolfi-Scheit.
Je suis saisi d'un amendement n° 2 .
La parole est à M. Camille de Rocca Serra.
J'ai bien compris, monsieur le rapporteur, monsieur le ministre, la problématique soulevée par la proposition de loi dont nous débattons et, comme mon ami Sauveur Gandolfi-Scheit, j'ai le souci de garantir pour la Corse comme pour l'ensemble du territoire le transport maritime régulier de passagers, dès lors qu'on n'est pas desservi par le train ou par la route. Je reste pour ma part dans le cadre du texte, puisque je m'en tiens à proposer d'étendre le dispositif au service maritime régulier. Il ne s'agit pas de parler de régie, délégation de service public ou autre chose : entre le service public tel qu'il a été défini il y a quelques années, autour de la notion d'entreprise publique, et les entreprises privées d'aujourd'hui, on sent bien que l'avenir de la desserte de la Corse et de la continuité territoriale va évoluer. La seule question, c'est de savoir si, là où il n'y a ni train ni route, on peut maintenir la continuité du service de transport maritime pour les passagers. Nous sommes bien, je le répète, dans le cadre du texte.
Mon amendement n° 2 , comme le suivant, se borne à proposer d'étendre au transport maritime de passagers ce qui a été mis en place pour le transport terrestre et qui est poursuivi pour le transport aérien.
La commission n'a pas pu examiner cet amendement au titre de l'article 88. Je comprends la préoccupation de notre collègueCamille de Rocca Serra, mais nous avons expliqué que nous suivions une logique de service garanti, alors qu'avec cet amendement, nous entrons dans celle du service minimum.
Pour les raisons déjà explicitées par M. le rapporteur, j'émets, et j'en suis confus, les mêmes réserves : la proposition de loi ne se situe pas exactement dans la même problématique que cet amendement.
Voter cet amendement nous ferait courir un double risque d'inconstitutionnalité : un risque sur le plan de la procédure en étendant le dispositif au-delà du texte proposé par notre rapporteur, et puis un risque sur le fond car son amendement couvre l'ensemble du secteur du transport maritime de passagers et pas seulement ce qui relève de la continuité du service public. On ne peut pas mélanger des dessertes relevant du service public, par exemple la liaison Corse-France métropolitaine, avec d'autres où ce n'est pas le cas. Il me paraît donc difficile de voter cet amendement. Ce serait prendre un vrai risque.
(L'amendement n° 2 , repoussé par la commission, n'est pas adopté.)
Je suis saisi d'un amendement n° 3 .
La parole est à M. Camille de Rocca Serra.
J'ai du mal à comprendre l'argumentation qui m'est opposée. On cherche à définir ce qui relève ou non du service public ; mais moi, ce que je connais, c'est le transport maritime régulier de passagers, et je demande qu'il soit garanti.
Nous sommes face à des obligations, mais dans un système concurrentiel et dans le cadre d'une réglementation européenne. Qui sait quelle sera demain la définition d'un service public ? Ce que les passagers demandent, ce n'est pas un cadre juridique spécial, car ils ne voient pas plus que moi la différence avec l'aérien…
…lorsque je me déplace à Nice, à Brest ou ailleurs. Il n'y en a aucune. Nous demandons un service maritime régulier, pas autre chose. Je ne comprendrai pas que ce soit le seul domaine du transport, qu'il soit ou non de service public – aujourd'hui ce sont des entreprises privées, il n'y a plus d'entreprise nationale de transport maritime pour la Corse –, sans garantie de continuité de la desserte. Qui sait demain comment celle-ci s'effectuera ? Nous ne sommes pas ici pour légiférer pour le quart d'heure prochain, mais pour l'avenir. Je demande donc que l'on fixe pour le transport maritime le même principe que pour le transport aérien.
Je le répète ; je n'ai pas la possibilité d'être relié au continent par le chemin de fer et pas davantage par la route. Or nous avons introduit la garantie sur le terrestre et sur l'aérien. Et il n'y aurait pas de garantie de transport possible entre une île et le continent ? Je ne parle pas de service public ou de service minimum, mais bien de service garanti : la garantie de la continuité du transport maritime. C'est simple et je ne comprends pas cette opposition. Je remercie le Gouvernement de s'en remettre à la sagesse de l'Assemblée, mais je vois que s'il est sage, d'autres le sont moins.
Monsieur Rocca-Serra, la commission du développement durable est sage, et elle est ouverte aux uns et aux autres pour venir y débattre de leurs amendements.
Étant député des Bouches-du-Rhône, j'entends bien la problématique de la liaison entre la Corse et le continent.
Mais, au niveau de la commission, nous avons notre logique propre. Mon avis est donc, à titre personnel, le même que pour l'amendement précédent : non seulement il n'a pas été examiné en commission, mais il pose un problème de constitutionnalité, et la commission du développement durable n'a pas toutes les garanties nécessaires à cet égard.
Sagesse.
(L'amendement n° 3 n'est pas adopté.)
Avis défavorable. Je comprends la démarche constante de M. Paternotte en matière de transport de marchandises ; cependant, il ne me semble pas possible de retenir son amendement dans la mesure où le transport de marchandises n'est pas un service public qui permettrait la mise en place d'un service minimum. Le dispositif qu'il propose serait donc difficile à appliquer.
Je le retire, mais je précise que parmi les éléments du transport ferroviaire de marchandises, il y a tout de même du service public, ne serait-ce que pour la manoeuvre des aiguillages : il existe bien des manières de bloquer l'activité des entreprises privées.
(L'amendement n° 13 est retiré.)
Je suis saisi d'un amendement n° 10 rectifié .
La parole est à M. Jacques Remiller.
La loi du 21 août 2007 sur le dialogue social et la continuité du service public dans les transports terrestres a permis d'importants progrès dans la mise en place, en situation perturbée, de plans de transport garantis et fiabilisés.
Néanmoins, nous assistons à des tentatives de plus en plus fréquentes de détournement de l'usage des déclarations individuelles d'intention, qui constituent, rappelons-le, un des éléments clefs du dispositif de la loi. En déposant des déclarations individuelles d'intention de participer à la grève sans les faire suivre d'effet les jours concernés – souvent d'ailleurs dans le cadre de consignes syndicales rendues publiques par la presse –, les agents enlèvent en pratique une grande partie de son efficacité au dispositif déclaratif, surtout lorsque cette pratique revêt un caractère collectif et répétitif. On en a vu tout récemment de nombreux exemples.
En effet, le chef d'entreprise dimensionne son plan de transport en fonction du nombre de déclarations reçues : cela conditionne à la fois la fiabilité de son plan mais aussi la qualité de l'information transmise aux passagers. Or si les salariés renoncent au dernier moment à faire grève, l'employeur n'est plus en capacité d'adapter le plan de transport en conséquence.
Aussi proposons-nous que le salarié qui change d'avis soit tenu d'en informer l'employeur au moins vingt-quatre heures avant la prise de son service afin de permettre à l'entreprise de prévoir son affectation et d'adapter son plan de transport en conséquence. Dans le cas contraire, il suffit que le personnel annule sa grève, l'entreprise n'a prévu les transports qu'en fonction des déclarations d'intention, et ce sont les usagers pris en otages qui en souffrent.
De même, le délai de vingt-quatre heures s'appliquerait lors de la reprise du travail par un salarié gréviste.
Cette proposition ne remet bien sûr nullement en cause le droit de grève. En revanche, elle permettrait à l'entreprise d'assurer au mieux l'information de ses usagers et de ses clients, prévue par la loi de 2007.
La commission a donné un avis favorable, mais je tiens tout de même à rappeler à mes collègues l'intitulé de la proposition de loi : « Organisation du service et information des passagers dans les entreprises de transport aérien de passagers ».
Avis favorable. Nous avons eu, la semaine dernière, deux questions orales, l'une de M. Nicolin et l'autre de M. Rochebloine, qui dénonçaient un détournement de la loi manifeste. Je rejoins les arguments de M. Remiller.
Nous retrouvons le problème soulevé tout à l'heure : les conséquences assez pittoresques sur le plan juridique qui pourraient résulter notamment de l'adoption du deuxième alinéa de cet amendement.
Entendons-nous bien : nous comprenons l'objectif recherché à la suite de l'événement rappelé. Il vous appartient de trouver une solution, mais celle que vous proposez est mauvaise. Dès 2007 nous vous avions alerté sur le fait que la rédaction même de la loi rendait ce genre de manoeuvre possible. Reste que le deuxième alinéa du 1° de votre amendement prévoit que le gréviste qui veut reprendre le travail doit respecter un délai de vingt-quatre heures : autrement dit, il est obligé de faire grève pendant une journée supplémentaire. C'est proprement extravagant ! Ce n'est pas possible d'adopter un texte qui oblige les gens à faire 24 heures de grève de plus. Or, c'est ce qu'implique le deuxième alinéa de votre amendement.
Nous comprenons votre objectif ; il n'est pas absent de nos préoccupations. Mais votre solution est particulièrement mauvaise et j'espère que vous en trouverez une autre car une rédaction de ce type me paraît totalement inappropriée, voire assez singulière.
Je ne vais pas modifier la rédaction de cet amendement qui n'a d'ailleurs pas d'objectif caché.
Monsieur le rapporteur, nous parlons bien sûr de transports terrestres, mais il ne vous a pas échappé que trois des quatre signataires de cet amendement sont des élus de la région Rhône-Alpes, particulièrement concernés par le transport ferroviaire. Il faut savoir que, sur la ligne Saint-Étienne-Lyon, on a compté soixante-dix-sept jours de grèves déclarés et annulés !
Les cheminots annoncent qu'ils font grève, puis ils se présentent sur le quai de la gare, attendant de prendre les manettes d'un train ou leur service de contrôle. Comme l'entreprise tablait sur un nombre de grévistes bien supérieur, elle n'a pas prévu assez de train : l'usager se retrouve donc bel et bien pris en otage.
Il n'y a donc pas d'objectif caché : il s'agit simplement de rendre toutes les formes de transport, dont le transport terrestre, crédibles dans notre pays.
(L'amendement n° 10 rectifié est adopté.)
La parole est à M. Jacques Remiller, pour défendre l'amendement n° 20 .
Je le retire aussi, monsieur le président.
(L'amendement n° 26 est retiré.)
Défavorable. Nous ne souhaitons pas que les partenaires sociaux soient contraints par un calendrier trop strict.
(L'amendement n° 30 n'est pas adopté.)
Nous en revenons aux amendements nos 9 et 11 , précédemment réservés pour rectification.
(Les amendements nos 9 rectifié et rectifié, acceptés par la commission et le Gouvernement, sont successivement adoptés.)
Nous en venons aux amendements concernant le titre.
L'amendement n° 1 perd de son intérêt. Le maintenez-vous, monsieur de Rocca Serra ?
Peut-être aurions-nous dû discuter de ces amendements en début d'examen du texte.
Certes, monsieur le président, mais si nous avions changé le titre comme je le propose, nous aurions pu adopter en l'état mes amendements nos 9 et 11 , que j'ai d'ailleurs rectifiés de bonne grâce.
Après l'adoption de l'amendement n° 10 , je propose de retenir cet amendement n° 7 par cohérence. En complétant le titre par les mots : « et à diverses dispositions dans le domaine des transports », nous limiterons les risques d'inconstitutionnalité liés à l'adoption de l'amendement précédent.
Avis favorable, compte tenu de l'adoption de l'amendement de M. Remiller.
Défavorable.
(L'amendement n° 7 est adopté.)
En application de l'article 101 du règlement, le Gouvernement demande à ce qu'il soit procédé à une seconde délibération de l'article 2 de la proposition de loi.
La seconde délibération est de droit.
Je rappelle que le rejet des amendements vaut confirmation de la décision prise en première délibération.
La parole est à M. le ministre, pour défendre l'amendement n° 1 .
Il s'agit simplement de corriger une erreur de rédaction à l'alinéa 24, où il faut remplacer « premier » par « dernier ». Cet amendement se justifie par son texte même.
Nous faisons comme l'opposition : nous sommes en train d'examiner le texte de l'alinéa 24…
Nous en sommes au point où nous ne savons plus de quoi nous débattons. Pierre Dac n'aurait pas fait mieux !
L'alinéa 24 que nous avons adopté tout à l'heure était ainsi rédigé : « Par dérogation au premier alinéa du présent article, les informations issues de ces déclarations individuelles peuvent être utilisées pour l'application de l'article 1114-4. » En fait, ce n'est pas le premier mais le dernier alinéa, comme nous l'indique M. le ministre.
C'est assez formel, nous en conviendrons tous.
Ni le Gouvernement ni la majorité n'ont vraiment voulu répondre aux questions soulevées tout au long de ce débat.
C'est vous qui êtes sourd !
Ce texte n'a donné lieu à aucun dialogue ou consultation préalable entre les salariés du transport aérien et les entreprises de ce secteur quelle que soit leur taille – de la plus grande, Air France, aux plus petites – et quel que soit leur métier, alors même qu'on y parle beaucoup de dialogue social, d'alarme sociale. Voilà un premier vice caché qui grèvera l'application de cette loi – j'en prends le pari devant vous, à cette heure tardive. C'est une première raison de voter contre.
Deuxième raison : c'est un dispositif bancal. Vous vouliez absolument créer un mécanisme dit d'alarme sociale calqué sur celui des transports terrestres. Nous avons essayé de vous expliquer qu'il n'était pas possible de calquer directement ce dispositif et en particulier d'obliger les salariés et les chefs d'entreprises à mettre en place cette alarme sociale dans la mesure où, précisément, nous ne sommes pas dans le cadre de missions de service public. Il est seulement possible de créer une alarme sociale généralisée dans le secteur du transport aérien ; et le seul moyen de développer cette pratique – que nous appelons de nos voeux, nous l'avons dit lors des travaux en commission et dans cet hémicycle dès le début de cette discussion –, c'est de faire en sorte que ce dispositif d'alarme sociale soit construit, revendiqué et mis en place par les acteurs eux-mêmes plutôt que d'en faire une simple possibilité inscrite dans la loi. Par le fait qu'il n'est pas obligatoire, votre dispositif aura du mal à être appliqué dans les faits.
Troisième raison : le flou entourant les entreprises et les salariés effectivement concernés par la loi. Certaines précisions ont été apportées en commission et durant le débat dans l'hémicycle à propos notamment d'un article du code de l'aviation civile, mais pour mieux le détricoter plus loin, puisque les activités de fret et de poste ont été écartées pour se limiter au transport de passagers. Mais même si l'on se réfère à l'article R. 216-1 du code de l'aviation civile, certaines missions d'assistance en escale font partie des obligations que vous voulez instaurer, alors même qu'elles ne concourent pas de manière absolue au transport aérien.
Dernier point : cette déclaration de reprise du travail sur laquelle Alain Vidalies et Jean Mallot sont revenus à plusieurs reprises. La mesure adoptée tout à l'heure, et même étendue aux transports terrestres au point qu'il a fallu modifier le titre de la loi, implique qu'un gréviste qui décide de reprendre le travail devra faire grève une journée de plus.
Je m'attendais à ce que le dispositif soit sous-amendé pour que ce salarié désireux d'arrêter la grève soit au moins payé.
« Le salarié qui participe à la grève et qui décide de reprendre son service en informe son employeur au plus tard vingt-quatre heures avant l'heure de sa reprise afin que ce dernier puisse l'affecter dans le cadre du plan de transport », est-il écrit. Si maintenant, à minuit et demi, des salariés en grève décidaient de mettre fin à leur mouvement, la grève continuerait une journée de plus et les salariés ne seraient pas payés. La mesure s'applique aux salariés à titre individuel, mais aussi aux mouvements de manière collective.
Il y avait le droit de grève, nous avons maintenant le devoir de grève !
Nous comprenons bien l'exemple que vous avez cité et, que les choses soient claires, nous ne portons pas un jugement positif sur le mouvement qui a cours dans le secteur ferroviaire de votre région. Reste que le dispositif que vous avez adopté prolonge mécaniquement la grève de vingt-quatre heures dans le transport terrestre et le transport aérien : c'est une raison de plus de voter contre cette proposition de loi.
Le groupe Nouveau Centre votera cette proposition de loi, quand bien même nous avons entre nous quelques divergences d'appréciation : ainsi notre collègue Christian Blanc a expliqué que ce texte était à ses yeux inutile. L'idéal serait évidemment qu'il y ait un accord entre les partenaires sociaux ; et ce n'est pas nous, qui sommes les défenseurs de la démocratie sociale, qui nous plaindrions d'avoir à intervenir comme nous sommes, hélas ! parfois obligés de le faire faute de dialogue social.
Reste que les critiques de l'opposition sont tout à fait excessives à l'encontre d'un texte aussi modéré : le ministre avait parlé de « texte light » : il est effectivement très light… Aller prétendre que le délai de deux jours est attentatoire au droit de grève, franchement, mes chers collègues, non ! Quant au relatif au droit d'information, il pourrait tout aussi bien être inscrit dans les contrats de transport.
Ce texte ne mérite donc pas les critiques que vous lui avez adressées.
Personne ne demande plus la parole ?…
Je mets aux voix l'ensemble de la proposition de loi.
(L'ensemble de la proposition de loi est adopté.)
Prochaine séance, cet après-midi, à quinze heures :
Questions au Gouvernement ;
Proposition visant à permettre aux salariés de faire don d'heures de réduction de temps de travail ou de récupération à un parent d'un enfant gravement malade.
La séance est levée.
(La séance est levée, le mercredi 25 janvier 2012, à zéro heure trente.)
Le Directeur du service du compte rendu de la séance de l'Assemblée nationale,
Nicolas Véron